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dans la cour des grands Le joyeux Noël du nordique
LE JOYEUX NOËL DU NORDIQUE
Privée de ski alpin à cause de la fermeture des remontées mécaniques, la France des sports d’hiver a (re)découvert le nordique. Tous les sites ont connu une forte affluence.
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A Autrans-Méaudre, xxx.
b DANIEL DURAND/FRESH INFLUENCE
P
LE DÉVOLUY
Quel que soit le massif, on peut parler d’alignement des planètes. Les dernières vacances de Noël resteront dans les annales du nordique.
Philippe Poirot, directeur de Tourisme Hautes-Vosges qui fédère huit communes, confirme que « la fréquentation a été extraordinaire et les conditions exceptionnelles avec de la neige à Noël. Le taux d’hébergement était de 80 à 90 %. Du jamais vu à cette période. C’est bien simple, le 4 janvier, on avait déjà enregistré 80 % du chiffre d’affaires de l’an dernier à La Bresse. Pour Gérardmer, l’augmentation se situe entre 30 et 40 %. »
Le son de cloche est à peu près le même dans les Alpes du Nord. Jérome Brunet, directeur de la station Autrans-Méaudre dans le Vercors, constate l’explosion: « La fréquentation est en hausse de 80 % et le chiffre d’affaires de 103 %. Nous étions dans une moyenne de 800 à 1000 forfaits par jour pour le ski de fond. Sans compter la raquette qui connaît un engouement sans précédent. C’est bien simple, le CA global bondit de 50 % par rapport aux deux dernières années! »
On pourrait multiplier les exemples. À Bessans, en Haute-Maurienne, Nadia Tourt, attachée de presse à l’office de tourisme, estime à 70 % le taux de remplissage pour les fêtes de fin d’année : « Les magasins n’ont jamais connu une affluence pareille, tout le parc matériel
b RÉMI FABREGUE
était sorti et il a fallu doubler l’effectif des moniteurs. » Idem dans les Alpes du Sud. Florence Giaccone, responsable du nordique au Dévoluy, évoque une affluence en croissance de 120 %, « surtout la semaine du Nouvel An. »
En Haute-Ariège, le chiffre d’affaires à partir du 16 décembre a égalé celui fait d’ordinaire aux vacances de février (les plus porteuses) et le début de l’année hors vacances explose les compteurs.
Dans le Jura, la station des Rousses enregistre pour sa part une progression de 50 %, fond et raquette confondus avec 16500 journées-skieurs et la hausse pour la centrale de réservation atteint 53 % pour Noël et 100 % pour le jour de l’An. Il n’y a guère que dans les Pyrénées Catalanes où le bilan apparaît plus modeste: 75 % de journées skieurs par rapport à d’habitude, mais la station a fermé six jours par manque de neige et les skieurs espagnols ne sont pas venus, coronavirus oblige.
Voilà pour les statistiques. Reste à pousser l’analyse un peu plus loin. George Vigneau, directeur des espaces nordiques de la Haute Ariège, ouvre la voie: « Il y a eu beaucoup de fondeurs transfuges de l’alpin. Des skieurs privés de remontées se sont essayés au fond, à la raquette. Signe intéressant, ils se disent prêts à l’avenir à pratiquer les activités nordiques pendant une partie de leur séjour. »
Ce constat revient à peu près partout et il faut bien le dire, l’arrivée et le développement de la Covid-19 ont été les principaux alliés indirects du nordique. Jérome Brunet s’en explique: « Nous avions un espoir avant Noël, car déjà cet été, beaucoup de gens sont venus en moyenne montagne. Ils avaient besoin de respirer, de prendre l’air et la fermeture des remontées a confirmé la tendance. »
Transformer l’essai
Eugène Ramis, chargé de communication dans les Pyrénées Catalanes va plus loin: « Ouvrir quand les autres sont fermés, c’est bien et ça remet le nordique sur le devant de la scène. » Mais attention prévient Jean-Marie Saillard, président de l’Espace Nordique Jurassien (ENJ): « Il ne faut pas crier victoire. Un redoux peut arriver, un troisième confinement aussi. On sent bien que les remontées fermées ont amené un certain nombre de personnes à franchir le pas vers le nordique, mais il ne faut pas se réjouir de ce qui arrive à l’alpin, c’est une tragédie pour tous. » Alors l’image positive que s’offre le nordique cet hiver n’est-elle pas aussi un appel à faire bouger les lignes? Au Dévoluy, la station, située à 1500 m, a multiplié les initiatives ces dernières années pour passer à des activités « 4 saisons » et prévu de proposer du ski de fond à 2000 m (en vain car les remontées ne fonctionnent pas). Dans le Vercors, outre les activités nouvelles, la station d’Autrans-Méaudre investit dans la rénovation de ses bâtiments d’accueil et son parking. Même écho un peu partout avec un double mot d’ordre: rendre le nordique plus ludique et anticiper la transition climatique. Parce que le beau Noël 2020 des stations reste l’exception ces dernières années. n
L’agenda
La course se déroule dans les vastes espaces du massif du Jura.
b BENJAMIN BECKER/ TRANSORGANISATION
TRANSJU’
Épopée d’une course populaire au temps de la Covid
La Transju’ était programmée les 13 et 14 février. Mais elle n’aura pas lieu. Depuis le printemps 2020, les organisateurs de la mythique course haute-jurassienne se sont posé la question : faut-il et pouvons-nous relever le défi ? C’est finalement le contexte sanitaire qui aura eu raison de leur volonté. Récit d’une épopée riche en rebondissements.
b LAURENT MÉRAT POUR NORDIC MAGAZINE
Septembre: qu’est-ce qu’on fait?
Entre deux confinements décidés par le gouvernement pour freiner la pandémie de coronavirus, la France respire… un peu. Après le report en juin, la Transju’Trail, que propose Trans’Organisation aux beaux jours dans le Haut-Jura, peut avoir lieu. L’épreuve répond évidemment à des mesures sanitaires strictes. Ce galop d’essai offre une expérience précieuse à l’association et légitime ses espoirs d’une possible Transju’. Banco! Le conseil d’administration décide d’une 43e édition pour les 13 et 14 février 2021.
Au gré des annonces et de l’évolution de la crise sanitaire, le staff prépare le terrain et change de braquet au gré des courbes… épidémiques. Pour tous, une seule philosophie: que la course ait lieu ou pas, mettons toutes les chances de notre côté, restons ultra-vigilants face au risque et gérons les dépenses au plus juste. Ni remords, ni regrets…
Dès le départ, le président de Trans’Organisation, Pierre-Albert Vandel, et son comité avancent un « scénario du pire », excluant cependant un nouveau confinement qui réduirait leurs efforts à néant... Les réunions avec les préfectures du Jura et du Doubs sont régulières pour coller le plus possible aux directives gouvernementales. « Nous avons l’habitude de gérer l’inattendu et les aléas de dernière minute », rappelle le président. La météo a souvent joué des tours à la première course longue distance de France qui a, en effet, dû réagir promptement.
Dans ce contexte, les bénévoles de la Transju’, 1000 le jour J, font l’objet de toutes les attentions. D’emblée, les organisateurs rompent avec la tradition conviviale des grand-messes en soirée pour les préparatifs. Cette année, les rencontres avec Sylvain, responsable logistique, s’établissent en petit comité, site par site. Masques, gel et gants servent à protéger les personnes à risque.
« Le jour de la course, les jeunes étudiants de Licence 2 Staps de Besançon géreront les consignes à ski, les vestiaires, les sacs vestiaires et auront réfléchi à l’organisation de ces postes en amont, dans le cadre d’un projet tutoré », explique Quentin Lebas. Le coordinateur de la course est bien décidé à ce que la période mène à une réflexion sur le long terme!
Trans’Organisation se positionne aussi sur des parcours plus courts – 55 et 25 km – et sur une jauge réduite fixée à mille participants le samedi, jour des compétitions en style classique, et deux mille le dimanche, pour le skating.
Dix-huit vagues fluidifieront les départs. Le démarrage est avancé à 9 heures au lieu de 9h30 pour respecter un éventuel couvre-feu.
Décembre:
pas de salon du nordique
Le 10 décembre, un communiqué de presse est publié: la Transjeune est annulée, mais la Transju’Expérience, destinée à un public de non-compétiteurs, est maintenue pour fidéliser cette nouvelle cible sur un format né il y a deux ans.
Le Salon International du Nordique, prévu en intérieur aux Rousses, est également supprimé. Idem pour la restauration, qui ne sera pas assurée par Trans’Organisation, mais par des •••
Pierre-Albert Vandel, président de Trans’Organisation NOUS AVONS L’HABITUDE DE GÉRER L’INATTENDU ET LES ALÉAS DE DERNIÈRE MINUTE.‘‘
food-trucks indépendants, à la charge des participants. Les services kinésithérapie, ostéopathie et les douches ne pourront pas être assurés… Seuls des vestiaires sont prévus sous chapiteau. La remise des médailles se fera sur table.
L’objectif assumé est de se concentrer uniquement sur l’aspect courses et d’éviter la création d’un foyer de contamination. « C’est sûr, l’aspect festif sera un peu hypothéqué cette année, mais la volonté demeure », assure Pierre-Albert Vandel qui, depuis plusieurs années, œuvre pour que la Transju’ soit aussi une grande fête au cœur de l’hiver.
Maintenant, il faut convaincre les fondeurs de venir. Ce n’est pas l’envie de revêtir un dossard qui manque. Depuis plusieurs semaines, ils voient les rendez-vous traditionnels de la saison nordique disparaître les uns après les autres du calendrier. Le Marathon international de Bessans a, par exemple, préféré jeter l’éponge.
Deux jours après l’ouverture des inscriptions, 200 personnes ont déjà fait le pas. Plus de 600 au 6 décembre. Le 14 janvier, 1100 personnes ont prévu de venir sur les deux jours, dont 700 sur la grande course. L’affluence reste timide au regard des 4000/4500 skieurs habituels… Une situation bien compréhensible que les organisateurs accueillent avec sagesse: « À la place des skieurs, nous attendrions aussi le dernier moment… » Robin Duvillard, tenant du titre, a cependant confirmé sa venue dès les premières semaines! Le fondeur du Vercors a bien l’intention d’offrir une petite sœur à la cloche conquise à Mouthe en 2019. ••• Robin Duvillard, vainqueur de la Transju’ 2019, espérait bien réitérer l’exploit en 2021 ! Il s’était déjà inscrit.
b BENJAMIN BECKER/ TRANSORGANISATION
Quentin Lebas, coordinateur de la course « Il faut repenser la Transju’ »
LAURENT MÉRAT POUR NORDIC MAGAZINE
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Pour Quentin Lebas, « les conditions sanitaires et climatiques doivent amener à repenser l’événement, avec le concours de ses participants et des acteurs du massif jurassien ». « La Transju’ leur appartient », considère-t-il. Pour lui, les fréquents changements de parcours, l’annulation pour manque de neige l’hiver dernier et pour cause de Covid-19 cette année pourraient bien nuire à l’image de la Transju’. « Je crains un essoufflement, peutêtre une lassitude de certains participants. » Comment en avoir le cœur net? « En leur donnant la parole ainsi qu’aux bénévoles pour connaître leur avis. Nous allons lancer une étude de satisfaction, que la course ait lieu ou pas, afin de recueillir les opinions de ceux qui font la Transju’ », annonce-til. Le coordinateur serait, à titre personnel, favorable à l’identification d’un parcours avec une « garantie neige ». Quitte à opérer des changements en profondeur…
Pour rassurer les plus indécis, l’organisation a prévu un remboursement de 90 % des frais d’inscription en cas d’annulation pour cause de Covid. Les compétiteurs étrangers sont sans surprise très peu nombreux et majoritairement suisses. Mi-janvier, le ministère des Sports faisait le tour des organisateurs d’événements sportifs pour connaître les inscrits venant d’Angleterre ou d’Irlande…
À la télévision, on parlait de troisième vague et de variants britannique, sud-africain, brésilien... que l’on suspectait d’être plus contagieux.
Mi-janvier: les dameurs en piste
Mi-janvier, la neige est là! Le massif du Jura n’est que carte postale. Une bonne nouvelle: la météo et un enneigement insuffisant avaient eu raison de l’édition 2020.
Les équipes Jura et Doubs dament les pistes afin d’avoir une couche suffisante et de sécuriser le tracé. Deux parcours principaux sont définis: Bois d’AmontChaux-Neuve et une option de repli Lamoura-Les Rousses.
Tout le monde reste mobilisé pour parer à toutes les éventualités. Une annulation pour cause de coronavirus n’est toujours pas exclue. Pierre-Albert Vandel prend les choses avec philosophie. Tout le monde veut encore y croire. « Optimiste serait un peu fort, avoue Quentin Lebas, mais toujours positif! »
Le 15 janvier, les autorités préfectorales n’ont d’ailleurs pas émis d’avis négatif à la tenue de la course.
Fin janvier: le couperet tombe
Mais plus le temps passe, plus l’organisation de l’événement semble incertaine. Fin janvier, les médias ne parlent que de troisième vague, Cette année, les skieurs ne partiront pas à la Combe du Lac, à Lamoura.
b BENJAMIN BECKER/ TRANSORGANISATION
de contrôles renforcés aux frontières, de courbes qui repartent à la hausse et de nouveau confinement. Mercredi 27 janvier, à midi, La Transjurassienne officialise son renoncement, comme tant d’autres courses populaires avant elle. Elle adresse aux médias un communiqué de presse. La course est « annulée », annonce celui-ci. « (...) Malgré beaucoup d’efforts et de travail d’adaptation », précise Pierre-Albert Vandel. Le président se veut toutefois rassurant. « Cette décision, aussi difficile soit-elle, ne remet pas en cause l’avenir de la Transju’, grâce notamment au soutien sans faille de nos partenaires institutionnels et privés », déclare-t-il. n
En février, La Transju’ est solidaire
Depuis le 1er février, la course jurassienne propose un défi solidaire intitulé e-Transju’. « Nous souhaitions trouver une idée pour que La Transju’ ait lieu d’une manière ou d’une autre. Il était important pour nous de rester mobilisés dans ce contexte difficile », explique son président, Pierre-Albert Vandel. Ouvert à tous, licenciés ou non, ce challenge suit un principe simple. Chaque participant choisit une discipline (ski de fond, rollerski, course à pied ou marche) et la distance qu’il souhaite parcourir (5, 25 ou 50 km). Ensuite, il a jusqu’à la fin du mois pour passer à l’action. Un dossard lui sera attribué, qu’il pourra imprimer. L’épreuve sportive peut être réalisée seul mais aussi en famille ou entre amis, n’importe où en France ou dans le monde. L’organisation incite les concurrents qui le souhaitent à partager les photos de leurs sorties ainsi que leur temps sur les réseaux sociaux, en utilisant le hashtag #LaTransju et en taguant @LaTransju dans leur post.
À l’issue de la course, chaque participant déclarera son temps et se verra alors offrir un diplôme numérique.
Outre le challenge sportif, l’intérêt du défi réside dans son aspect solidaire. Sur les 10 € de l’inscription, 6 € seront reversés aux associations partenaires de la Transju’ : La Sapaudia, Skier pour elles et Un souffle pour Nina.
La démarche inédite se prolonge jusqu’au 28 février.