La Guerre 14-18

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14-18

Le récit l les personnages l la vie quotidienne l l les livres l les films l l l’agenda des commémorations l


Chaque Mercredi l’hebdo qui pique

l’hebdo societe

des idees

tendances

pour se faire

qui decode

l’actualite

du bien mosquito les cles de la

culture 80 pages d’articles

et de programmes

pour le meilleur de

la tele

l y a 100 ans, le premier conflit mondial démarrait. C’était un 2 août. Deux jours plus tard, la Belgique y était plongée corps et âme, pour quatre longues années. Que dire de la Première Guerre mondiale que l’on ne sache déjà? Tant de choses. Parce que cette fois, la mémoire des survivants n’est plus. Parce que celle de nos enfants est encore à irriguer. Et parce que l’esprit de revanche ou le patriotisme obtus ont longtemps tu des vérités qui paraissent seulement, enfin, bonnes à dire. En Belgique, l’expo du Cinquantenaire qui, ce 26 février, ouvre cette année anniversaire, va un peu dans ce sens. La série télé Apocalypse 14-18, avec ses nombreuses images d’archives inédites et qui débarque sur la RTBF, promet aussi son lot de surprises. En Belgique, les traces de ce conflit sont encore visibles partout. Dans les murs remaçonnés des Halles aux Draps, à Ypres, totalement détruites lors de la bataille de l’Yser. Dans la mémoire des Dinantais, victimes d’un célèbre et terrible massacre. Dans celle de nombreux Flamands pour qui la Première Guerre mondiale - et l’anniversaire de son centenaire - est une étape fondamentale dans le processus d’autodétermination (de victimisation diront d’autres) qu’ils appellent ou fantasment.

C’est vrai que la Flandre et ses polders gorgés d’eau et de sang des combattants a payé un lourd tribut à cette guerre. Mais pas plus que le reste de la Belgique, quoi que certains en pensent. Un petit livre sorti récemment, 19141918, Apocalypse en Belgique. Récits de patriotes, le rappelle sans parti pris linguistique, collectant les journaux intimes, lettres ou récits de quelques-uns qui vécurent le conflit dans leur chair, leur peur et parfois leur inconscience. Nous en avons d’ailleurs repris plusieurs passages, rythmant les pages qui suivent. Une constante: l’espoir de jours meilleurs, hélas parfois jamais arrivés. Comme dit le sergent-chef Marcellin Massart dans une lettre très touchante: “Je suis maintenant en bonne santé et quand j’aurai congé, je vais me rattraper: dormir dix heures par jour et manger”. Marcellin Massart a été tué le 27 avril 1918, six mois à peine avant la fin du conflit. h Damien Bodart

Apocalypse, La 1re Guerre mondiale

© Spaarnestad/Rue des Archives

le guide qui vous donne

C’était 14 I

Sommaire Les grandes dates ......................................................4 Les personnages-clés............................................10 La Belgique au quotidien.......................................12 Héros de chez nous..................................................16 Un conflit très technologique...........................18 cent ans de stigmates ........................................... 20 L’agenda du centenaire......................................... 22

Les 2, 9 et 16 mars La Une 20h45

Les livres à ne pas rater...................................... 26

Voir aussi notre article dans le Moustique de cette semaine.

Les films qui en ont le mieux parlé................... 30

1914-1918, Apocalypse en Belgique. Récits de patriotes, Louis Monaux et Bruno Deblander, Racine, 178 p.

éditeur responsable Jean-Luc Cambier Coordination Damien Bodart Rédaction Damien Bodart, Gauthier De Bock, Juliette Goudot, Paulette Nandrin, Quentin Noirfalisse, Jean-Laurent Van Lint Direction artistique Marc Sterkendries Mise en pages Aurélie Charlier, Frank Vanspauwen Correction Florence Michaux Photos ImageGlobe, Isopix, PhotoNews, Reporters Administrateur délégué Hans Cools Business Director Karen Hellemans Marketing & Communication Marie Carranza Ce hors-série Moustique est une publication de Sanoma Media Belgium S.A.

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L a ligne du temps

Quatre années de délire Phase

28 juin 1914

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De la crise de juillet à la guerre de mouvement

Paroles de Belges

“ Il faut faire vite” “Les premiers jours, les soldats arrivent en rangs serrés. Ceux qui sont déjà là sont affectés à la réquisition de chevaux ou, mieux, de camions. (...) Nous sommes ainsi des dizaines à vider les magasins d’intendance des équipements souvent couverts de poussière et entassés là dans un certain désordre. Mais il faut faire vite: il convient de fournir les hommes au fur et à mesure de leur entrée à la caserne. Il m’est difficile de décrire l’état de confusion et d’encombrement qui y règne.”

Un jeune étudiant nationaliste bosniaque de dix-neuf ans, Gavrilo Princip, tue à Sarajevo l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austrohongrois, et son épouse Sophie Chotek, venus superviser d’importantes manœuvres militaires. Princip et ses complices caressent l’ambition que les Slaves du Sud se débarrassent de l’Autriche et allient leurs forces au sein d’un pays unifié, la Yougoslavie. Ils semblent avoir été encouragés par La Main Noire, une organisation secrète serbe qui prône aussi l’unification yougoslave.

La crise de juillet 1914

2 août 1914

17 août 1914

La mort de François-Ferdinand n’émeut guère l’Autriche-Hongrie. L’empereur François-Joseph n’avait pas supporté qu’il se marie à une simple aristocrate tchèque dépourvue de sang royal. Il voit toutefois dans l’attentat une occasion d’affaiblir le royaume de Serbie, qui menace son emprise sur le nord des Balkans. Vienne fourbit sa version officielle des faits: l’attentat de Sarajevo est le fait de l’organisation serbe La Main Noire et le gouvernement serbe ne pouvait pas ne pas être au courant. L’Allemagne assure son soutien à l’Autriche-Hongrie. Le 23, Vienne envoie à Belgrade un ultimatum en dix points, qui frise l’insulte diplomatique. Belgrade accepte une bonne partie des points, mais pas celui d’une enquête austrohongroise sur son territoire. Le 28, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie. En réponse, la Russie, qui soutient la Serbie, mobilise son armée contre l’Autriche-Hongrie. L’Allemagne envoie deux ultimatums: un vers la Russie et un vers la France, alliée de SaintPétersbourg. La Russie refuse de démobiliser et l’Allemagne lui déclare la guerre le 1er août.

L’Allemagne envahit le Luxembourg. La veille, la France avait lancé une mobilisation générale. Le 4, l’Allemagne, qui a déclaré la guerre à la France, envahit la Belgique, violant sa neutralité. En réaction, le Royaume-Uni, qui craint que les Allemands s’emparent d’Anvers, port stratégique, rentre dans le conflit. La boucherie peut commencer, et prend rapidement une tournure mondiale, avec l’invasion par les Alliés de la colonie allemande du Togoland, le 9 août.

L’armée russe entre en Prusse-Orientale. Cette ouverture du front oblige l’Allemagne à rapatrier des troupes qui se dirigeaient vers la France. De nombreuses batailles entre Russes d’un côté et Autrichiens et Allemands de l’autre s’ensuivent, tout au long de l’automne. Le 20 août, les Autrichiens, qui planchaient sur une victoire facile, sont défaits par les Serbes à la bataille du Cer.

16 août 1914 Chute du fort de Boncelles, dernière forteresse liégeoise à résister au siège des Allemands. La voie vers Bruxelles et la France est ouverte.

23 et 25 août 1914 Le Japon déclare la guerre à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie. Objectif: faire de l’ombre à la puissante marine de Guillaume II dans le Pacifique et y reprendre des possessions allemandes.

De l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à l’armistice, les grands événements du conflit phase par phase, date par date, donc massacre par massacre.

Du 6 au 13 septembre 1914

29 octobre 1914 Après avoir conclu une alliance secrète avec l’Allemagne le 1er août, l’Empire ottoman bombarde les côtes russes de la mer Noire. Les Ottomans veulent neutraliser la Russie qui caressait l’ambition de contrôler les détroits de la mer Noire.

Fin 1914 La guerre de position est entamée. Des tranchées sont creusées des côtes belges jusqu’aux bordures de la Suisse, sur un front de 700 kilomètres. Depuis la victoire à Liège, les troupes allemandes ont fortement progressé en Belgique et même en France. Le 4 septembre, elles sont à Reims. Lors de la bataille de la Marne, l’armée française parvient à repousser les Allemands alors qu’ils s’approchent de Paris. C’est lors de cet épisode que des taxis parisiens seront réquisitionnés pour amener 4.000 soldats en renfort (un chiffre pas si important que cela) sur le front.

Du 15 septembre à fin novembre 1914 Début de la “Course à la mer”. Les Alliés tentent à tout prix d’empêcher les troupes allemandes de s’approprier les ports de Dunkerque, Calais et Boulogne, ce qui pourrait couper les Anglais de leurs bases d’approvisionnement. Bataille de l’Yser. C’est à ce moment, vers Ypres, qu’on installe les premières tranchées, avec des sacs de terre et des digues.

Récit du soldat Jules Baudouin, mobilisé à Etterbeek le 28 juillet 1914.

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Le conflit s’enlise

L a ligne du temps De janvier à mars 1915

22 avril 1915

La guerre se fait de plus en plus technologique. Le 19 janvier, les dirigeables allemands bombardent Londres. On installe des mitrailleuses sur les avions de l’armée britannique. Berlin lance la guerre sous-marine.

Les Allemands utilisent pour la première fois des gaz asphyxiants à grande échelle, en libérant 6.000 bonbonnes sur le front des Flandres, à Ypres.

De mai à octobre 1915 Les Alliés lancent plusieurs offensives en Artois d’abord, puis en Champagne, afin notamment de soulager les Russes malmenés sur le front de l’Est. Ces offensives sont lourdes en victimes, sans donner de résultats.

cru ça de moi?”

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à 6h25, un bombardement intense commence sur le front de la Somme. 3.500 tirs par minute, le tout dans un vacarme qui s’entend jusqu’en Angleterre. Les Britanniques lancent un assaut pour tenter de percer les lignes allemandes. Ils s’écrasent sur les barbelés et essuient l’accueil des mitraillettes allemandes. En six minutes (!), 30.000 soldats sont blessés ou tués. à partir de septembre, les tanks commencent à débarquer sur le champ de bataille.

14 octobre 1915 La Bulgarie rentre en guerre contre la Serbie et rejoint la Triple Alliance. En un mois, les armées autrichiennes et bulgares mettent l’armée serbe en déroute, qui se réfugie sur l’île de Corfou.

Début de la bataille de Verdun. L’objectif est d’étouffer les Français en les pilonnant jusqu’à plus soif. En neuf mois, et avant d’aboutir à une victoire défensive des Alliés, la bataille fera au moins 300.000 morts dans chaque camp.

“ Qui aurait

Sergent-chef Marcellin Massart, lettre à sa famille, 13 août 1914, Huy. Tué le 27 avril 1918.

1er juillet 1916

21 février 1916

Paroles de Belges

“Je vais vous apprendre, je suis nommé sergentmajor. Aurait-on jamais cru ça de moi? C’est maintenant que la solde augmente. Ainsi je touche 3 francs par jour plus ce que j’ai au bout du mois, plus ce qui est marqué sur mon livret, plus ce que vous recevrez, ce qui fait 160 francs par moi. Qu’est-ce qu’on va dire au village en me voyant de retour avec des galons jusqu’aux épaules. La jalousie va encore se manifester. à part cela, rien de particulier, je suis maintenant en bonne santé et quand j’aurai congé, je vais me rattraper: dormir dix heures par jour et manger.”

Septembre 1915 Des socialistes pacifistes se réunissent à Zimmerwald en Suisse pour une conférence de paix. D’autres initiatives similaires se tiendront par après, notamment à l’initiative du pape Benoît XV.

19 février

24 avril 1915

Début de la bataille des Dardanelles. Les forces alliées espèrent mettre l’Empire ottoman en déroute en occupant les détroits de la mer Noire et de la mer de Marmara, puis en débarquant dans la péninsule de Gallipoli. Cette campagne longue et difficile (145.000 morts côté Alliés) est un échec. Le corps expéditionnaire britannique doit évacuer les lieux en janvier 1916.

Début du génocide des Arméniens de Turquie.

7 mai 1915 Le paquebot britannique Lusitania est coulé par un sous-marin allemand près des côtes irlandaises. Le bilan, jamais confirmé: 1.200 morts. Parmi eux, 128 Américains. Cet événement, qui marque l’escalade vers la guerre sousmarine totale, accroît l’hostilité américaine envers l’Allemagne. Les Britanniques n’admettront qu’en 1972 que le Lusitania contenait des munitions.

Fin de la bataille de la Somme. Les avancées territoriales alliées sont maigres, mais le décompte, atroce: 620.000 morts parmi les Alliés, environ 450.000 chez les Allemands.

23 mai 1915 L’Italie déclare la guerre à l’Allemagne et l’AutricheHongrie. Elle avait pourtant proclamé sa neutralité au début du conflit après avoir longtemps appartenu à une fragile alliance avec ces dernières. Cette décision garantit à l’Italie, en cas de victoire, de récupérer de larges portions de l’Empire autrichien.

5 août 1915 Les Allemands reprennent Varsovie aux Russes. Après leur avoir infligé de nombreuses défaites, les voici qui occupent la Pologne, la Lituanie et des portions de la Lettonie. La perte de près de deux millions d’hommes fragilise le régime du tsar Nicolas II.

18 novembre 1916

1er février 1917 Juin 1916 Un certain Lawrence d’Arabie, officier de liaison britannique, joue un rôle important dans le déclenchement de la révolte arabe face aux Ottomans. Il convainc les diverses factions et tribus de réunir leurs efforts en soutien aux Britanniques.

Les Allemands reprennent la guerre sous-marine de plus belle. Cette fois, elle ne se limite plus aux navires de guerre, mais vise également des bateaux de commerce neutres soupçonnés de travailler avec les Alliés.

Avril-mai 1917 Sur le front ouest, le moral des troupes alliées est au plus bas. Une nouvelle offensive, sur le plateau du Chemin des Dames, entre Soissons et Reims, se solde par un échec et 270.000 morts côté français. Les Allemands avaient appris l’attaque grâce à des prisonniers. Côté français, les mutineries et désertions se succèdent.

6 avril 1917 Les États-Unis rentrent officiellement en guerre, aux côtés des Alliés. Pour encourager les Juifs américains à les soutenir, le ministre anglais Lord Balfour promet la création d’un état juif en Palestine.

27 octobre 1917 L’armée italienne subit une lourde défaite à la bataille de Caporetto, contre les troupes autrichiennes. On dénombre 600.000 désertions ou redditions.

15 décembre 1917 Un armistice est signé entre la Russie et les Empires centraux. Depuis le début de 1917, les Russes ne parvenaient plus à faire front. En octobre, les bolcheviks s’emparent du pouvoir. Opposés à la guerre, ils entament des négociations de paix.

Belgique, un pays pas prêt Avant la guerre, la Belgique, dont la neutralité semblait garantir l’indépendance, n’avait jamais véritablement consenti à investir massivement dans le domaine militaire. Au grand dam de Léopold II, qui rêvait de doter son pays d’une

véritable armée. Tout au plus développera-t-on, en 1887, des fortifications autour de Liège et Namur. En 1909, sur son lit de mort, Léopold II signe une loi qui supprime le service militaire par tirage au sort au profit du service personnel (un fils par famille).

En 1913, convaincu que la Belgique ne serait pas épargnée par un conflit entre la France et l’Allemagne, le gouvernement fait passer la loi sur le service militaire généralisé. Lorsque la guerre éclate, la réforme des armées n’est pas terminée, et l’état-major ne

s’accorde pas sur une stratégie cohérente. L’effectif est alors de 350.000 hommes, dont 150.000 soldats de terrain, 130.000 dans les différents forts et 70.000 réserves. Un tiers d’entre eux ne participera pas aux combats.

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Phase

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Des grandes offensives de 1918 au traité de versailles

8 janvier 1918 Le président américain Woodrow Wilson présente au Congrès son fameux programme en quatorze points pour restaurer la paix mondiale. Idéaliste, ce plan prévoyait des mesures d’envergure, comme la fin de la diplomatie secrète, le droit à l’autodétermination des peuples et un processus de désarmement.

Printemps 1918 Les Allemands passent à l’offensive, tentant de forcer là où ça fait mal: la jonction entre les fronts anglais et français. En mars, l’attaque à Saint-Quentin est arrêtée près d’Amiens. Au bord de la rupture, les lignes anglaises tiennent bon.

Paroles de Belges

“ Il braquait sur moi un revolver”

28 juin 1919 Les Allemands signent le traité de Versailles. L’Allemagne perd 1/7 de son territoire, dont Eupen et Malmedy, et l’Alsace et la Lorraine. Elle devra payer des réparations gigantesques, et se voit ravir toutes ses colonies. L’Autriche-Hongrie est séparée en trois (avec la Tchécoslovaquie comme troisième pays). Dans de nombreux pays européens, des démocraties parlementaires s’installent. Beaucoup ne résisteront pas à l’avènement des totalitarismes.

Juillet/août 1918 Les Allemands entament la deuxième bataille de la Marne. Ils s’enfoncent dans les lignes françaises, s’approchent dangereusement de Paris avant de subir une contre-attaque lourde de conséquences. Les Allemands reculent alors que Reims est libéré, tandis que de nombreux soldats ramenés de l’est désertent lors de leur transport en train.

La guerre en chiffres...

Septembre 1918 Les renforts américains et l’incapacité à emporter nettement ses offensives du printemps ont ravi à l’Allemagne tout espoir de victoire. L’état-major en est persuadé, mais ni lui ni l’empereur Guillaume II ne veulent assumer la défaite. Des victoires alliées sur les fronts italien et orientaux scellent la défaite de la Bulgarie et de la Turquie.

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3 mars 1918

29 septembre 1918

Allemagne et Russie signent le fameux traité de paix de Brest-Litovsk. La guerre à l’est est terminée. L’état-major allemand ramène un maximum de soldats sur le front ouest, avant l’arrivée des Américains, et tente de profiter de leur supériorité numérique. La guerre de mouvement redémarre.

La Bulgarie capitule.

30 octobre 1918 La Turquie capitule tandis que les troupes britanniques prennent Beyrouth et Damas au cours de l’automne.

11 novembre 1918 Le 5 novembre, un message morse envoyé de Spa par les Allemands transmet une demande d’armistice. Français et Allemands se retrouvent dans la forêt de Compiègne, dans deux wagons. Les Allemands ne sont pas en mesure de négocier le texte qui leur est proposé. Le 11 novembre, deux jours après l’abdication de Guillaume II, l’armistice est signé entre 5h12 et 5h20 du matin. à 11 h, il devient effectif sur le front.

• 43.000 soldats belges tués. • 45.000 soldats belges blessés. • 22.000 civils belges tués. • 70 millions de soldats mobilisés à travers le monde. • 5.600.000 soldats alliés tués. • 4.000.000 de soldats appartenant aux Empires centraux tués. • 3.650.000 civils appartenant aux pays alliés tués. • 5.200.000 civils appartenant aux Empires centraux tués. • 33 % de la population serbe qui a disparu. • 2 7 % des Français de 18 à 27 ans qui ont succombé. • 17: nombre de pays restés neutres, dont les Pays-Bas, l’Espagne, la Suisse ou le Mexique.

“Le côté droit meurtri et les deux cuisses traversées par les balles m’avaient immobilisé totalement. (...) Je l’ai vue, cette minute suprême, du passage de la terre à l’éternité où l’âme du chrétien quitte le corps pour paraître devant Dieu. En soldat ne craignant pas la mort, j’acceptais de bonne grâce tout ce qui pouvait arriver. (...) La tête et les pieds reposant sur des cadavres, j’ai vu venir vers moi un soldat ennemi. Il braquait sur moi un revolver et me demandait les documents que je pouvais posséder. Je lui ai remis mon livret militaire en le suppliant de me laisser en vie. Et ce bandit s’est éloigné, tandis que le premier Allemand qui m’avait vu, survivant au milieu d’un cimetière, avait été assez généreux pour me donner à boire. Enfin, j’ai été ramassé, placé dans une brouette et puis dirigé vers une petite maison où j’ai reçu les premiers soins.” Carnet de bord du soldat Louis Pigeon, blessé le 19 octobre 1914, Dixmude. h Quentin Noirfalisse

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Les personnages

Ils ont fait l’histoire Guerre de masse, mais aussi guerre de leaders. Généraux, rois, président ou Premier ministre: sans leur vista ou leurs décisions malencontreuses, qui sait à quoi aurait ressemblé le vingtième siècle débutant? Le plus haï Guillaume II

Le plus héroïque Albert Ier On ne vous fera pas l’injure de revenir sur les hauts faits du “roi chevalier”. L’imagerie nationale belge l’a dessiné pour l’éternité en kaki, casqué, le regard pénétré. Cette image de petit roi, courageux chef d’une petite Belgique neutre mais violée, les Alliés l’utilisèrent à foison pour leur propre propagande. La statue équestre et en uniforme élevée en l’honneur d’Albert Ier, à Paris, après le conflit, est évidemment à comprendre en ce sens. Il n’empêche, le roi semble effectivement avoir eu le geste héroïque et décisif au moins par deux fois. Il refuse tout d’abord de laisser passer les Allemands sur le

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territoire national, décision qu’il ne prendra certes pas seul, mais dont, contrairement à certains membres du gouvernement, il ne se départit jamais. Allemand, le roi Albert l’était pourtant par sa famille. Il était cousin du kaiser Guillaume II et sa femme était aussi allemande. Autre geste héroïque, tout autant de légende: son refus de suivre le gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse, dans la banlieue du Havre, restant à la tête de l’armée pour la diriger. Donc en Belgique, à La Panne. Pas sûr que tous les chefs d’état et monarques de l’époque en auraient fait autant...

L’empereur d’Allemagne a longtemps porté presque seul la responsabilité du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Militariste, autoritaire, l’héritier des Hohenzollern réussit à se mettre à peu près tout le monde contre lui dès son accession au trône en 1888. Il ne renouvelle pas le traité d’assistance mutuelle avec la Russie, chatouille la puissance maritime britannique, attise le revanchisme français consécutif à la défaite de 1870... Même ses propres troupes - il est officiellement le chef des armées peinent à admettre sa légitimité. Pour les psychologues, ce bellicisme, cette impulsivité qui désole jusqu’à sa propre diplomatie sont peut-être en partie à mettre sur le compte de son infirmité de naissance. Souffrant d’une atrophie partielle du bras gauche, le kaiser avait même du mal à monter à cheval. Ce qui, pour un prince allemand, est particulièrement stigmatisant. La défaite lui sera évidemment largement imputée. En automne 1918, les mutineries dans la marine scellent son destin. La monarchie est renversée, l’empereur doit abdiquer. La République est proclamée le 9 novembre 1918. En exil aux Pays-Bas, il connut une vieillesse plus sage, se révélant farouchement antinazi. Lors de la célèbre Nuit de cristal (pogrom contre les Juifs de novembre 1938), il dit: “Pour la première fois, j’ai honte d’être Allemand”.

Le plus pacifique

Le plus intelligent

Woodrow Wilson

David Lloyd George

Bienheureux président des états-Unis, qui tira de cette terrible période une réputation d’homme de paix, couronnée par le prix Nobel, en 1920. Méritée? Peutêtre. Au début de son mandat en 1911, le président est partisan de l’isolationnisme. Neutre, il le restera donc le plus longtemps possible, jusqu’en 1917. Mais s’il entre dans l’histoire, c’est surtout pour ce qu’on appellera la doctrine Wilson, une conception des relations entre états qui fonde encore une partie du droit actuel. C’est lui qui, le 8 janvier 1918, devant le Congrès américain, prononce le fameux discours des 14 points, introduisant le concept de Société des nations (SDN). Une charte qu’il réussit à introduire dans le traité de Versailles. L’affaire n’était pourtant pas évidente puisqu’en filigrane, elle invitait notamment les Alliés à reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples entendez la décolonisation. Paradoxe absolu: Wilson ne réussit jamais à convaincre le Congrès américain de ratifier ladite charte. Les états-Unis n’intégreront donc jamais “sa” SDN...

Le Premier ministre britannique de 1916 à 1922 aura sans doute été un des plus fins politiques de son temps. Bien décidé à ne pas laisser la conduite de la guerre aux seuls militaires, il mécontente les états-majors de son pays en prenant la direction des opérations tout en acceptant d’unifier les armées alliées du continent sous le commandement du général français Foch. Des Tommies sous les ordres des Froggies? à Londres, certains en mangeront presque leur melon. En 1919, il représente le RoyaumeUni à la Conférence de paix de Paris et au traité de Versailles mais se démarque intelligemment des représentants français ou américains. Certes, Lloyd George veut lui aussi punir l’ennemi pour sa responsabilité dans le conflit, mais sans aller jusqu’à anéantir sa puissance. Pour lui, les réparations infligées à l’Allemagne doivent être abordables afin que celle-ci puisse un jour redécoller économiquement. On l’eût plus entendu, le conflit suivant aurait peut-être été évité.

Paroles de Belges

“ On est roi de son îlot”

Les plus offensifs Joffre ET Foch Général en chef de l’armée française en 1914, Joseph Joffre est l’artisan de la victoire sur la Marne et de la stabilisation du front au début de la guerre. Mais chaque médaille a son revers. Après deux ans de conflit, on lui reproche notamment - enfin? - sa stratégie militaire de l’”offensive à outrance”. Comprenez: des résultats médiocres sur le terrain, pour un coût humain exorbitant. En 1916, il est remplacé. Ferdinand Foch, lui, connaît la gloire inverse. D’abord sous les ordres de Joffre, et tout aussi partisan de l’offensive à outrance, ce général est d’abord démis de ses fonctions parce que jugé responsable de l’insuccès des sanglantes batailles d’Artois et de la Somme. Joffre à son tour mis sur la touche, le voilà qui reçoit à nouveau sa chance, et le commandement en chef du front de l’ouest... C’est lui qui mène l’offensive générale qui force l’Allemagne à demander l’armistice.

“En fait de tranchées, on ne nous a offert que de vulgaires trous d’obus. Là-dedans, on a assez bien l’habitude de barboter dans la boue jusqu’au-dessus du genou, au-dessus de la tête si on s’assied. (...) On est roi de son îlot, séparé du monde par le maquis, le regard bienveillant des étoiles s’il fait beau, s’il pleut la cinglante caresse de la pluie.” Lettre de l’adjudant Xavier Granjean, 27 novembre 1917, Dixmude. Tué le 28 septembre 1918. h Damien Bodart

Les plus vaincus Charles Ier d’Autriche Succédant à son grand-oncle FrançoisJoseph, il hérite de l’Empire austrohongrois en 1916. Défait par la guerre, il voit tout son empire démembré trois ans plus tard. Refusant d’abdiquer, il s’exile en Suisse, tente de remonter sans succès sur le seul trône de Hongrie, puis est accueilli à Madère où il finit ses jours, en 1922. Consolation:

il a été béatifié par Jean-Paul II, notamment parce qu’il multiplia les tentatives de paix durant le conflit. Son procès en canonisation est en cours. Nicolas II de Russie Tsar de toutes les Russies, il ne résiste pas à la pression de sa population ni aux agitations sociales. En 1917, après la révolution d’octobre,

il abdique avant même qu’un armistice soit signé avec l’ennemi. La Russie tsariste n’est plus. Emmené en captivité par les bolcheviks, Nicolas II est exécuté avec sa famille le 17 juillet 1918. Mehmed VI Comme Charles Ier, le “dernier sultan” hérite de l’Empire ottoman durant la

guerre. Et même vers la fin: juillet 1918. Battu et dessaisi d’une immense partie de ses territoires, il accepte une occupation étrangère, suscitant l’ire de sa population. En 22, la révolution kémaliste l’emporte, il est contraint d’abdiquer. L’Empire ottoman n’est plus, vive la république turque. Craignant d’être jugé, il fuit le pays et meurt en Italie en 1926. 11


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L’entretien

“ La Belgique héroïque est une réalité historique” Entre l’imagerie habituelle et la vérité, quelles différences? Collaboration, résistance, exactions, destructions, sous-alimentation: la plus grande historienne belge en la matière répond à nos questions...

Notre témoin Laurence Van Ypersele est docteur en histoire et professeur à l’UCL. Spécialiste de la Première Guerre mondiale, elle préside le groupe de pilotage “Commémorer 14-18” de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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l’Angleterre, première puissance mondiale. Mais ce qui est fondamental en Europe, c’est que depuis la fin du XIXe siècle, est en train de se former une nouvelle géographie politique: l’état-nation, qui entre en concurrence avec les vieux empires - russe, austro-hongrois, allemand, ottoman. C’est ça, le clash entre Belgrade et Vienne, avec comme prétexte l’assassinat de l’héritier du trône austrohongrois: l’état-nation serbe composé de citoyens spontanément “patriotes”, contre le vieil Empire austrohongrois composé de citoyens de différentes nations qui sont “patriotes” envers l’Empire par obéissance… Fondamentalement, c’est un changement des structures sociales à l’échelle du continent.

our la plupart d’entre nous, la Première Guerre mondiale, c’est quatre chiffres, 1418, le portrait d’Albert Ier et une imagerie d’un “poilu” partant au combat la fleur au fusil et atterrissant pour des années dans une tranchée de laquelle il ne sortira que pour participer à d’inutiles assauts. Cette imagerie est pour beaucoup héritée de nos voisins français au travers de films, de livres ou de bandes dessinées. La boucherie de Verdun, les fusillés pour l’exemple et l’artillerie française bombardant ses propres lignes ont envahi notre mémoire collective. Mais qu’en est-il de la réalité? Rencontre avec Laurence Van Ypersele, historienne belge dont la passion est née grâce à un rat. Un rat qui sauva son grand-oncle…

kkEn Belgique, il y a cette même ferveur patriotique, sur

kkQu’est-ce que c’est que cette histoire de rat?

L.V.Y. - La Belgique est un cas tout à fait à part. Déjà, la

Laurence Van Ypersele - Quand j’étais enfant, ma grandmère me racontait l’histoire de son frère qui était soldat, retranché sur le front de l’Yser. Un jour, on désigne un de ses camarades pour une mission dangereuse. Il fallait effectuer une reconnaissance de nuit des positions de l’ennemi de l’autre côté du fleuve en empruntant un radeau. Le camarade en question est père de famille et mon grand-oncle - célibataire - se propose de le remplacer. Il nage ainsi avec son radeau dans les eaux de la vallée inondée proche de Nieuport, quand les nuages se dissipent et dévoilent la pleine lune l’exposant aux lignes ennemies comme en plein jour. C’est alors qu’il voit à côté de lui un énorme rat, blanc. Il se tourne vers la droite pour mieux le voir et ce mouvement lui sauve la vie: la balle tirée par un sniper allemand lui traverse l’épaule plutôt que le cœur. Blessé mais renseigné sur les positions ennemies, il revient dans ses lignes. Hospitalisé, il sera soigné par une infirmière qui deviendra sa femme…

kkCette passion d’enfant, vous en avez fait votre

métier. Pourriez-vous nous expliquer les causes profondes de ce conflit? L.V.Y. - Ce qui est absolument fascinant dans la Première Guerre mondiale, c’est qu’il y a une disproportion totale entre les causes et les conséquences. Ces causes sont multiples. Il y a déjà la rivalité économique entre l’Allemagne, première puissance économique du continent et

Exode en Belgique, 1914. “L’occupation fut très dure, la population était au bord de la famine.”

le mode de “la fleur au bout du fusil” du poilu français?

“fleur au fusil”, c’est faux. Il y a quelques excités, souvent des étudiants, à Bruxelles, à Paris, à Berlin qui chantent les vertus de la guerre mais c’est tout à fait marginal. Si on prend la France, par exemple, qui est encore massivement rurale, commencer une guerre au mois d’août, en pleine période de moissons, ça fait mal: on a vraiment autre chose à faire à cette époque de l’année. En réalité, c’est la consternation. Et la détermination: on a intégré

“ à l’époque, les Belges éprouvent une certaine admiration pour l’Allemagne, quoique teintée de crainte...” cette citoyenneté, on a intégré ce devoir, mais c’est lourd, solennel. Il n’y a pas de “youpi”. Ça, c’est pour les étudiants. Chez nous, il y a un petit fait supplémentaire. S’il y a un seul pays qui a tout fait pour ne pas entrer en guerre, c’est bien la Belgique. Elle n’a rien à y gagner. à l’époque, elle est super-riche, elle est tout petite et elle ne vit que parce qu’elle est en bonne entente avec ses voisins. On espère tout de la neutralité. En plus, on est

un pays catholique, la France républicaine, on s’en méfie. Certes, on partage la même culture, mais pour le reste, on n’a pas vraiment de sympathie. à l’inverse, on éprouve une certaine admiration pour l’Allemagne. Notre premier partenaire économique, c’est elle. Et on a de très nombreux échanges intellectuels. à l’époque, nos universités sont tournées vers l’Allemagne, pas vers la France.

kkLa Belgique est donc, à la veille de la guerre,

plutôt germanophile? L.V.Y. - C’est en tous les cas notre grande amie. Un peu crainte, mais notre grande amie. Alors quand l’Allemagne nous pose l’ultimatum de laisser passer ses troupes pour attaquer la France, c’est un choc: avoir été trahie comme ça par une “amie”, qui nous tire dans le dos et nous menace! Donc, le 3 août, quand la population apprend conjointement l’ultimatum et le refus de l’ultimatum, on assiste à une vague de violence contre les résidents allemands - qui étaient parfaitement intégrés - à Anvers, à Bruxelles, à Liège. On ne tue pas, on s’attaque aux biens matériels: on casse des vitrines de magasins, on lance des pierres contre les maisons. Il y a un mouvement d’indignation populaire qu’il n’y a pas eu dans d’autres pays.

kkEt la Grande-Bretagne? L.V.Y. - La Grande Bretagne entre en guerre, officiellement, pour nous défendre. Il y a une raison matérielle évidem-

ment: Anvers est le port européen qui ouvre le continent aux Britanniques, il s’agit donc de le défendre. Elle entre en guerre avec une posture morale extraordinaire qu’elle utilisera dans sa propagande: “Nous sommes entrés en guerre pour défendre d’innocents petits pays”. Sauf qu’à cette fin, elle utilise une arme redoutable: le blocus économique. Conséquence: des dizaines de milliers d’Allemands, surtout des enfants et des vieillards, vont mourir de faim. Et comme la Belgique est presque entièrement occupée, notre population fera également les frais de ce blocus. C’est quand même ironique d’affamer un peuple qu’on veut libérer…

kkIl y a une aide internationale qui va se mettre en place, tout de même…

L.V.Y. - Oui, c’est d’ailleurs la toute première aide huma-

nitaire internationale de cette ampleur jamais organisée. En Belgique, ses responsables sont Ernest Solvay et émile Franqui. à l’extérieur, c’est Herbert Hoover, le futur président des états-Unis, qui brasse toute une propagande internationale: on tricote des bonnets, des gilets partout dans le monde pour la Belgique, on achète des denrées non périssables qui forment des colis à destination des “petits Belges”. La Grande-Bretagne va accepter cette fourniture massive de vivres et de matériel à la Belgique occupée. Pas évident, parce que c’était contre ê sa politique de blocus. Après tout, une partie de

Paroles de Belges

“ Pire que du tourteau” “Le pain est plus mauvais qu’il n’a jamais été, c’est pire que du tourteau, on a les gencives en sang tellement il est rude. On y trouve toutes sortes de choses, principalement de la barbe de blé et des poussières qui croquent.” Notes de l’ouvrier Firmin De Backer, 17 mai 1915, Solre-sur-Sambre.

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“ Pour la population belge, 14-18 c’est pire que 40-45, infiniment pire.”

Paroles de Belges

“ J’entends encore ses derniers mots” “Enfin, les Allemands ont rassemblé les hommes. Oh, Armand, je les vois encore partir. J’entends encore les derniers mots de papa qui disait: “Mère, occupe-toi des filles, je pense que nous ne nous reverrons plus jamais”. (...) Dans le même temps, les Allemands avaient mis le feu à nos maisons. Plus elles brûlaient, plus ils nous poussaient vers les flammes. Ces chiens couraient autour de nous, s’enivrant du vin qu’ils avaient volé, nous obligeant à nous coucher sur le sol. (...)” émilienne Nys, lettre à son fiancé, Aerschot. Son père et trois de ses frères ont été exécutés le 20 août 1914.

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L’entretien ê cette aide pouvait être détournée par les Allemands. kkPourquoi y a-t-il une telle différence? Mais ils acceptent. Du coup, l’anglophilie se développe très fortement. Tout comme, au niveau mondial, l’image de la Belgique comme un pays martyr. Pour vous dire, le pays qui sera le plus gros donateur d’aides par habitant, c’est la Nouvelle-Zélande.

kkLe pays est-il vraiment martyrisé? L.V.Y. - La Belgique est complètement détruite. Il y a évidemment les champs de bataille. Il a fallu dix ans avant de pouvoir à nouveau planter une patate dans les champs de l’Yser. Des villes entières ont été détruites. Mais le pays est aussi pillé pendant quatre ans par l’occupant… Pour la population belge, 14-18 c’est pire que 40-45, infiniment pire. En 40-45, si vous n’êtes pas Juif, ou résistant, ou communiste, ou apatride ou franc-maçon, vous attendez que ça passe. En 14-18, par contre, on est au bord de la famine! Mais comme la petite enfance, c’est l’avenir de la patrie, on décide de tout faire pour la protéger. Et les gens acceptent de se serrer la ceinture, mais vraiment beaucoup, pour sauver les enfants de 0 à 3 ans. Un organisme en charge de ce sauvetage est alors créé: l’O.N.E., l’Office national de l’enfance. Par contre, ceux qui souffrent vraiment alimentairement de la guerre, ce sont les adolescents. On a des rapports médicaux du début des années 20 qui décrivent des retards de croissance phénoménaux! Ahurissants. Des filles toujours pas réglées à 17 ans. Donc oui, Ce fut une occupation très dure.

kkAvec combien de victimes? L.V.Y. - 20.000 civils. à comparer avec la France, où “seule-

ment” quelques milliers de civils vont mourir aux alentours du front. Par contre, en France, 1,4 million de soldats vont perdre la vie, ce qui est énorme. En Belgique, on ne perdra “que” 40.000 soldats...

L.V.Y. - Ah, ça, c’est le roi Albert. On lui doit beaucoup. Et

ce n’est pas pour rien qu’il est adoré par ses soldats. Parce que contre vents et marées, il a tenu à la neutralité du pays. Pour lui, même après le début des hostilités, nous ne sommes pas alliés des Alliés. Les Alliés sont juste nos garants. Il se méfie donc de tout le monde. Militairement, cette ligne de neutralité se traduit par la défense de ses tranchées, de Nieuport à Dixmude. Mais il refusera que son armée soit intégrée dans le commandement interallié. Parce que Albert ne croit pas du tout aux grandes offensives. Les troupes belges échapperont donc aux immenses offensives comme Verdun, la Somme, etc. Sauf à la toute fin de la guerre, en septembre 18, pour la dernière offensive de reconquête. Donc, dans les tranchées, les “piou-piou”, les soldats wallons, et les “jas”, les soldats flamands - c’est comme ça qu’on appelait nos poilus -, adorent leur roi, parce qu’ils voient bien ce qui se passe à côté, dans les autres armées. Contrairement à la France, il n’y a pas eu chez nous de “fusillés pour l’exemple”…

kkQu’en est-il aussi des clichés si longuement

ressassés par certains des “soldats flamands ne comprenant pas les ordres donnés en français” ou de soldats tués “majoritairement flamands”? L.V.Y. - D’abord, il faut se placer dans le contexte: le français est à l’époque la langue utilisée par les gens possédant de l’argent. C’est une marque sociale. Lorsqu’on est Flamand et qu’on appartient aux classes aisées, on parle généralement le français. Tout comme lorsqu’on est Wallon et riche, on parle le français. Les gens qui appartiennent aux classes sociales moins favorisées parlent le patois de leur village: le wallon, le picard et les langues flamandes qui à l’époque sont encore plus différentes. Donc majoritairement, les officiers flamands et wallons parlent le français et les

© Collection privée - Muriel de Ceuninck

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Des officiers belges sur le bord de mer. Fatalement francophones...

hommes de troupe ne le parlent pas. Le fait de ne pas comprendre un ordre est une légende: le vocabulaire militaire en tant de guerre est extrêmement simple. Même si les officiers avaient parlé chinois, les hommes de troupe les auraient compris. Par contre, il est vrai qu’il y a eu une légère surreprésentation des Flamands parmi les soldats. Mais elle est de l’ordre de 6 à 7 %. Enfin, comme il y a eu plus de victimes dans l’infanterie, et que dans l’infanterie, on versait les gens les moins éduqués, il y a statistiquement plus de morts parmi les gens moins éduqués. Or, à l’époque, parmi les gens éduqués, il y avait moins de Flamands. Factuellement, il y a donc eu plus de tués parmi les Flamands, mais pas de façon disproportionnée et ce ne fut en aucun cas suite à une volonté d’une caste francophone.

kkEt en face, quel est l’état d’esprit de l’occupant? Y

a-t-il chez les Allemands des comportements associés à une certaine “supériorité” de leur race? L.V.Y. - Eh bien, c’est le début. Rien à voir évidemment avec la folie nazie. Mais les populations conquises, les Belges, sont une population de “mélangés” entre Wallons et Flamands, donc dans leur esprit, inférieure. Les comportements sont toutefois encore chevaleresques ou tirés d’une conception ayant trait à l’honneur. Par exemple, si des massacres sont perpétrés sur des populations civiles, c’est parce que certains villages sont associés, bien souvent à tort, à des nids de “francs tireurs”, donc des gens qui ne portent pas l’uniforme mais qui prennent les armes. Il ne faut pas oublier que dans les traditions de la guerre, l’uniforme existe pour protéger les populations civiles: on se bat uniquement contre quelqu’un qui porte un uniforme. Celui qui n’en porte pas et qui prend les armes peut être perçu comme n’ayant pas d’honneur. Cet attachement à l’honneur aura des manifestations positives, presque surréalistes: après s’être rendus, certains soldats belges se verront gratifier d’une haie d’honneur parce qu’ils s’étaient bien battus…

kkY a-t-il eu une forte résistance armée en Belgique durant l’occupation?

L.V.Y. - Ceux qui voulaient prendre les armes, ils essayaient

Francs-tireurs belges emmenés par les uhlans. “La résistance fut surtout non armée.”

de rejoindre les lignes belges derrière l’Yser en passant par les Pays-Bas. En 1915, les Allemands vont d’ailleurs installer une clôture électrifiée le long de la frontière hollandaise pour empêcher les volontaires de passer. Ce qui n’empêchera pas des dizaines de milliers de jeunes gens d’y parvenir, même si quelques-uns mourront électrocutés. Par contre, il y eut une très forte résistance non armée. Elle consistait à cacher les soldats belges perdus sur le territoire occupé et à les aider à rejoindre leur ligne - Edith Cavell est la plus célèbre résistante de ce type - ou à convoyer les

jeunes volontaires et les faire passer de l’autre côté de cette frontière électrifiée. On fait aussi du renseignement sur les mouvements des troupes allemandes. On crée également des journaux clandestins et on les distribue, le plus célèbre d’entre eux étant La Libre Belgique. En Belgique, et on a tendance à l’oublier, on est très attachés à la liberté d’opinion. D’ailleurs lors de l’armistice, le 11 novembre 1918, les premières vengeances s’exerceront sur les kiosques à journaux qui vendaient pendant la guerre des journaux “embochés”, c’est-à-dire collaborateurs.

“ Il a fallu dix ans avant de pouvoir à nouveau planter une patate dans les champs de l’Yser.”

kkJustement, y a-t-il eu beaucoup de collaborateurs? L.V.Y. - Dès qu’un pays est occupé, il y a une collaboration. Mais celle-ci était nettement moindre que durant la Deuxième Guerre mondiale. La plupart des Belges de la Belgique occupée n’ont qu’une seule obsession, avec celle de manger: être à la hauteur des “piou-piou” qui se battent dans les tranchées. Et donc, pour être “digne”, on va garder ce qu’on appelle “une distance patriotique” avec l’ennemi. Mais on est dans un état de pénurie épouvantable, donc il y a du marché noir. Et aussi des dilemmes: fermer un charbonnage pour ne pas devoir céder une partie de sa production aux Allemands, c’est mettre des centaines de familles dans l’embarras. Des patrons vont dès lors continuer à exploiter leur entreprise pour ne pas plonger les familles d’ouvriers dans la misère. Certains le feront sans vergogne, s’enrichissant. Mais l’immense majorité de la population se tiendra vertueusement à cette “distance patriotique”. Pour vous dire, même les grands pontes du mouvement flamand se tiendront également à distance. Ce ne sont que des deuxièmes ou troisièmes couteaux qui profiteront de la situation pour obtenir la première flamandisation (éphémère) de l’Université flamande à Gand et la séparation administrative du pays en régions linguistiques. Un signe également, c’est qu’aucun collaborateur ne sera exécuté. On condamne à mort mais on n’exécute pas. Ce sera bien différent après la Seconde Guerre mondiale…

h Gauthier De Bock

“ Même si les officiers avaient parlé chinois, les hommes de troupe les auraient compris.” 15


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Les personnages

Héros belges Le plus suicidaire La plus honorée

Le plus exotique

Le 26 août 1914, l’armée belge tente une contre-offensive. Le soldat Léon Trésignies, 28 ans, marche sur Vilvorde avec le 2e régiment de chasseurs à pied. Objectif: retraverser le canal de Willebroek, au lieu-dit Pont brûlé. Sauf que ledit pont, amovible, est levé. Il faut donc l’abaisser. Mais la manœuvre ne peut être exécutée que de l’autre rive, occupée par les Allemands. Trésignies se porte volontaire. Il traverse le canal à la nage, tourne la roue pour baisser le pont avant d’être repéré par l’ennemi et abattu... Trésignies sera élevé au rang de caporal à titre posthume, et un monument (entre autres) a été dressé à Grimbergen, près du terrain de ses exploits. Mais la contreoffensive, elle, sera un échec.

Le plus décisif

Gabrielle Petit Accompagnant son fiancé soldat évadé dans son périple pour rejoindre les troupes belges repliées derrière l’Yser, cette jeune Tournaisienne accepte de rentrer au pays et de mener des missions d’espionnage, au profit des Alliés. Suspectée une première fois par les Allemands, elle est arrêtée, libérée puis arrêtée à nouveau. Le 3 mars, elle est condamnée à mort par un tribunal militaire allemand et fusillée le 1er avril. Selon la légende, elle prononce alors les mots: “Vive le Roi! Vive la...” mais n’a pas l’occasion d’achever sa phrase. Une statue a notamment été élevée en son honneur place Saint-Jean, à Bruxelles, et dans sa ville natale de Tournai. Un film a même été tourné sur sa vie, en 1928.

Hendrik Geeraert Tout le monde connaît le haut fait: obligée de se replier sur l’Yser, l’armée belge noie les polders, bloquant l’avancée ennemie. L’homme qui a effectué cette manœuvre? Hendrik Geeraert, 51 ans. En octobre 1914, ce batelier de Nieuport est contacté par les sapeurs-mariniers belges qui cherchent à ouvrir les écluses de la région. Une première tentative échoue. Le 29, l’homme guide une petite équipe entre les canaux du complexe éclusier de la Patte d’oie. Celle de Noordvaart est ouverte. à marée haute, la mer afflue dans les terres. Le succès est complet, et l’opération rééditée trois fois. Insigne honneur: en 1950, Hendrik Geeraert est choisi pour illustrer la face des billets de 1.000 FB.

La plus british Edith Cavell Il y a la rue, la maternité d’Uccle. Mais qui se souvient des exploits de cette infirmière britannique installée en Belgique? Lorsque la guerre éclate, Edith Cavell, 49 ans, dirige une école d’infirmières à Bruxelles, au lieu même où s’érigera l’hôpital qui porte

“ Du grabuge au ventre”

Alphonse Jacques de Dixmude

oublies, ou pas... Léon Trésignies

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Paroles de Belges

Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, ce général belge est né à... Stavelot. Quand le premier conflit débute, celui qui n’est encore que le colonel Jacques est déjà auréolé de gloire. Dans les années 1890, l’homme mena en effet les troupes coloniales belges à la victoire dans leur lutte contre les esclavagistes arabes sur les bords du lac Tanganyika. Mais c’est surtout lui qui, en octobre 1914, réussit à arrêter l’avancée de l’armée allemande à Dixmude. Il y gagne un nom à rallonge, un titre de baron, un nombre assez invraisemblable de titres et de médailles, belges ou étrangères, et autant de noms de rues et de boulevards. Depuis novembre dernier, un petit musée à sa mémoire a même été ouvert à Vielsalm.

Ils portent des noms de boulevards ou de casernes. Mythifiés par l’histoire officielle, ils ont peu à peu été oubliés du grand public. Un petit coup de projecteur sur leurs exploits ne pouvait leur faire de tort.

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Le plus décoré

Le plus redoutable Willy Coppens

Charles Tombeur de Tabora Encore un général au nom acquis suite à un acte “mémorable”. Tabora est une ville de Tanzanie. En 1916, la bourgade est surtout un des centres administratifs de ce qu’on appelle à l’époque l’Afrique orientale allemande. Ancien officier d’ordonnance d’Albert Ier, le Liégeois Charles Tombeur, lui, dirige la Force publique, le corps de police composé d’indigènes et d’officiers européens chargé d’assurer la sécurité du Congo belge voisin. Durant la guerre, ordre est donné à la Force publique de prendre le contrôle de tout le nord-ouest de la colonie allemande. Le 19 septembre, Tabora tombe aux mains des Belges après de violents combats. Une victoire qui conforte une certaine mainmise de la Belgique dans la région. En 1923, la Société des nations confie d’ailleurs à ce pays un mandat sur le Ruanda et l’Urundi. Anobli, Charles Tombeur devient “de Tabora” en 1919.

La France avait sont Guynemer, l’Allemagne son Baron Rouge. Pour la Belgique, ce sera Willy Coppens. Ce jeune Bruxellois entame la guerre en tant que grenadier avant d’obtenir son brevet de pilote en Angleterre et d’intégrer la jeune aviation militaire nationale. Très vite, il “se spécialise” dans l’attaque à la fusée des ballons de repérage d’artillerie, art paraît-il plus compliqué qu’il n’y paraît. Repérable grâce à la robe bleu turquoise de son aéroplane, il fait des ravages dans le ciel des Flandres. D’où son surnom de Diable Bleu donné par les Allemands. à la fin de la guerre, 37 victoires lui sont homologuées. Il est ensuite anobli sous le nom de chevalier Coppens de Houthulst, du nom de la forêt audessus de laquelle il remporta plusieurs de ses victoires.

“Les distractions sont assez variées: d’abord on chasse les mouches, qui pullulent au moindre rayon de soleil. Puis, les moustiques. Ils vous mordent cruellement dès qu’on ferme l’œil. L’on y est la proie des poux aussi. (...) Et n’allez pas croire que nous ayons tous nos aises: pendant les bombardements, si l’on sent du grabuge au ventre, ce qui arrive très souvent (...), on remplit de nouveau la boîte à conserve d’où l’on a extrait son dîner. Puis, à quatre pattes on sort du trou et vite on la rejette de l’autre côté du parapet vers les Boches: c’est le seul usage de gaz asphyxiants que nous nous soyons permis jusqu’à présent contre nos ennemis.” Notes du brancardier volontaire Louis Fabry, 3 juillet 1915, front belge, Wulpen (Coxyde). h Damien Bodart

Le plus précoce Antoine Fonck aujourd’hui son nom. Dans la capitale occupée, la dame soigne tant les blessés alliés qu’ennemis. Agent des services secrets britanniques, surtout, elle intègre un réseau de résistance qui fait passer des soldats alliés vers les Pays-Bas restés neutres.

Mais ledit réseau est repéré, puis démantelé. Arrêtée par les Allemands, ne niant pas les faits, Edith Cavell est fusillée le 12 octobre 1915. Après la guerre, son corps sera inhumé dans la cathédrale de Norwich d’où elle est originaire.

Orphelin, le Verviétois Antoine Fonck a 17 ans quand il s’engage dans l’armée en 1911. Alors que la guerre vient de débuter entre France et Allemagne, il est envoyé surveiller la frontière est de la Belgique avec son régiment du 2e lanciers. Le 4 août, seul

près de Thimister, il tombe sur un petit groupe de ulhans qui ont pénétré sur le territoire. L’histoire officielle dit qu’il en aurait touché un avant de s’enfuir, poursuivi par l’ennemi. Son cheval abattu, il continue sa retraite à pied, avant d’être tué d’une balle au lieu-dit La

Croix-Polinard. Antoine Fonck est donc la première victime belge de la guerre. Un monument a notamment été élevé sur le lieu de son décès. Deux jours avant, Albert Mayer et Jules-André Peugeot étaient, eux, les premiers soldats allemand et français tombés au front.

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Les techniques

Une boucherie, certes, mais industrielle précédent. Craignant les Dreadnought, l’Allemagne, qui dépense alors plus de la moitié de son budget dans l’armée, offre une rallonge de près de un milliard de marks à la marine pour produire des vaisseaux similaires. Elle investit également dans la fabrication des U-Boote, ces fameux sous-marins qui visent notamment à empêcher les Britanniques d’être ravitaillés par la mer du Nord et l’Atlantique. Petit à petit, les autres puissances européennes s’engouffrent à leur tour dans ce sprint à la surpuissance. Entre 1908 et 1913, les dépenses militaires sont doublées.

Des canons toujours plus rapides

Le tank, une évolution technologique majeure.

La Grande Guerre fut également celle de la technologie et de l’innovation, où les puissances rentrèrent dans une course à l’armement sans précédent.

à la fin de la guerre, 7 tués sur 10 l’auront été à cause de l’artillerie. 18

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la guerre, il n’y a pas de place pour de la machinerie délicate”, estimait Archibald Wavell, grand ponte de l’armée britannique, qui perdit un œil durant la seconde bataille de l’Yser. Son observation s’applique mieux que jamais à la Première Guerre mondiale. Conflit de tous les superlatifs, elle incarne, dans la foulée d’un XIXe siècle riche en innovations technologiques, le symbole même de la guerre industrielle et totale. Jamais des pays n’investirent autant dans la recherche, le développement et la production en masse d’armes. Mais cette tendance à utiliser les rouages de la révolution industrielle pour boursoufler l’armement remonte au moins à la guerre de Sécession (1861-1865). Ce conflit traumatique pour les États-Unis fut un instant pivot dans la progression vers la guerre moderne, caractérisé par une mobilisation d’envergure mais aussi par les premiers combats de cuirassés. Les usines accouchèrent de nouveaux produits, de la lampe au kérosène à la viande en conserve en passant par les premières mitrailleuses, tandis que l’utilisation du train s’installa comme vecteur majeur dans

le mouvement des troupes et de l’armement. De l’autre côté de l’Atlantique, en 1871, on assiste à la fondation de l’Empire allemand. De façon exponentielle, il va s’industrialiser, notamment grâce à un secteur sidérurgique qui monte en puissance, et l’abaissement des coûts de production. Créée lors de l’unification allemande, la marine militaire impériale est le plus beau fruit de ce développeemnt. L’Allemagne nourrit en effet à l’époque non seulement des velléités commerciales mais aussi coloniales. Sa flotte se hisse rapidement au deuxième rang mondial en termes de tonnage, ce qui est ressenti comme une véritable menace par la puissante Royal Navy britannique.

Des navires surpuissants L’acquisition d’un bâtiment révolutionnaire par la marine britannique enclenche alors une véritable course à l’armement. Le HMS Dreadnought, entré en service en 1906, utilise des turbines à vapeur pour avancer à une vitesse de 39 km/h, ce qui fait de lui une cible délicate à atteindre. De plus, ses cinq tourelles composées de canons de 305 mm de calibre lui offrent une puissance de feu sans

Loin de se limiter à la mer, les innovations technologiques bouleversent également l’armement de terre. L’artillerie se fait plus rapide, et donc bien plus mortelle, comme le symbolise le fameux canon 75 mm français, conçu en 1897 et qui fut utilisé jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Tout le monde connaît également les célèbres Grosse Bertha, gigantesques pièces d’artillerie de 420 mm employées par l’armée allemande pour détruire notamment les forts ceinturant Liège, Anvers ou Maubeuge. Une arme à ne pas confondre avec les canons longue portée qui, à 120 km de Paris, bombardèrent la capitale française en 1918. Cet accroissement continu de la puissance et de la vitesse de tir pousse les belligérants à s’enterrer dans les tranchées, stratégie qui fut déjà utilisée avec succès par les Maoris néozélandais, opposés aux Anglais, vers 1840, puis lors de la guerre de Sécession ou celle des Boers. En effet, l’usage des canons et des mitrailleuses ne s’accompagne pas d’une amélioration de la mobilité des troupes, incapables de pouvoir avancer suffisamment vite face au feu ennemi. La défense, abritée dans des tranchées, dispose dès lors de facto d’un avantage indéniable sur l’attaque. Les boyaux plus ou moins poisseux du front de l’ouest (les Allemands les organisaient mieux que les Français, en les bétonnant) deviennent l’emblème de l’absurdité de cette guerre où des régiments entiers avancent droit devant et sans raison, s’échouant sur les barbelés du no man’s land, essuyant une déferlante balistique infernale.

Des uniformes qui s’adaptent

même à peu près simultanément, envoyant au rebut le classique casque à pointe en cuir. à la fin de la guerre, 7 tués sur 10 l’auront été à cause de l’artillerie.

Des masques, mais pas pour rire C’est aussi en 1915 qu’un accessoire important se multiplie dans les tranchées: le masque à gaz. Lors de la guerre des Boers, l’utilisation par les Anglais d’obus à l’acide picrique avait soulevé une polémique. Dès le début de la Première Guerre mondiale, pourtant, chaque camp repartira dans ses expérimentations chimiques. La date du 22 avril 1915 est généralement retenue comme le premier usage “réussi” d’attaque au gaz. Ce jour-là, les Allemands, qui possèdent l’industrie chimique la plus avancée du monde, libèrent 180 tonnes de chlore vers les tranchées alliées d’Ypres. Bilan: 10.000 morts. C’est d’ailleurs la ville d’Ypres qui donnera son nom à l’ypérite, ou gaz moutarde, utilisé la première fois en 1917. On estime que 4 à 7 % des victimes de la “der des ders” l’ont été à cause de l’utilisation d’armes chimiques. Sans compter les effets secondaires (cancers, maladie de Parkinson, etc.) qu’ils causèrent parmi les survivants.

Enfin le ciel... Coincées dans leurs tranchées, les troupes ne progressent que très peu. Un statu quo favorisé par l’utilisation d’avions, une décennie à peine après le premier vol des frères Wright. Les missions de reconnaissance permettent à l’artillerie de mieux calibrer le pilonnage des lignes ennemies. Progressivement, les avions se transforment en véritables engins de combat, munis de mitrailleuses et de bombes.

... Et les tanks Au-delà des ravages de la guerre d’usure, une autre innovation permet de remuer les lignes: les chars de combat. Lourds, peu rapides et prompts aux pannes, ils peuvent toutefois franchir des tranchées larges. Comme pour bien d’autres machines de guerre, le tank s’améliora par essais et erreurs. La perpétuelle et inébranlable marche en avant technologique lui permettra, ainsi que l’avion de chasse ou l’artillerie, d’être bien plus performant à l’entame de 40-45.

Paroles de Belges

“ Un bruit épouvantable” “Tout à coup, je suis réveillé par un bruit épouvantable et par des cris de souffrance. Je sens ma joue qui gonfle et qui saigne. La respiration me manque et je tombe évanoui. Un second obus arrive et me blesse à la jambe et au bras. Tout le monde hurle de douleur. Nous traversons le village toujours bombardé et nous arrivons au PC où nous sommes soignés. Nous étions 30 dans l’abri: six tués et le reste blessés.” Livre de bord du soldat Eugène Defat, 2 octobre 1918, Moorslede. h Quentin Noirfalisse

à chaque armée son masque à gaz: américain, anglais, français, allemand.

Au début de 14-18, les soldats français sont encore vêtus du fameux pantalon garance (rouge) hérité de la guerre franco-prussienne. Les Belges aussi sont un peu de toutes les couleurs, là où les Anglais ont choisi le kaki dès 1900 et les Allemands, un vert tout aussi discret. Cible facile pour les artilleurs, les soldats n’ont même pas de casques pour se protéger la tête. Pourtant, alors que le conflit s’enlise dans les tranchées, ce sont bel et bien les obus qui constituent l’un des outils principaux pour neutraliser les troupes ennemies. Les blessures à la tête se multiplient. Ce n’est qu’en 1915 que les soldats français puis belges seront munis du casque Adrian, conçu dans l’urgence pour atténuer les pertes causées par les projectiles. Les Allemands feront de

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14-18

les conséquences

cent ans de stigmates

Pollution, dépeuplement et fracture idéologique... Parmi les nombreuses séquelles du premier conflit mondial, certaines perdurent encore aujourd’hui. ans l’esprit des belligérants, la résolution d’aller jusqu’au bout. Dans leurs mains, la technologie pour réduire l’ennemi à néant. Et de la chair à canon à volonté. La génération sacrifiée d’hommes nés avec le XXe siècle fut proprement éparpillée. La grande majorité, 80 % des victimes, succombe aux tirs d’artillerie lourde. Des millions de soldats littéralement pulvérisés à l’origine du culte du Soldat inconnu: leurs identités, mais surtout leurs corps ne furent jamais retrouvés. D’autres sont gazés. à la fin du conflit, un quart des obus tirés contiennent des munitions toxiques. Ernst Jünger, soldat allemand contemporain des tranchées devenu écrivain, décrit: “Les nuages mortels des gaz s’étendent sur tout ce qui vit avec l’indifférence d’un phénomène météorologique”. La guerre est désormais totale et ne distingue plus entre combattants et civils. Ni même entre classes sociales. Entre 1914 et 1918, dans l’aristocratie et la bourgeoisie, on perd autant de fils que chez les ouvriers, régulièrement rappelés du front pour soutenir l’économie de guerre. Depuis 14-18, la mort est industrielle et démocratique. Comme ce XXe siècle accouché dans la violence, qui portera pour très longtemps encore les stigmates du premier conflit mondial. Certains subsistent même encore aujourd’hui.

elle, avancer la psychiatrie. Et l’humanité de découvrir le syndrome post-traumatique, corollaire des conflits modernes jusqu’à aujourd’hui. C’est toute la médecine qui tira parti de la guerre, bénéficiant de progrès remarquables et rapides: suture précoce pour éviter les amputations immédiates, irrigation des plaies souillées, sérums contre le tétanos, la gangrène gazeuse et la diphtérie, vaccination contre la typhoïde et les paratyphoïdes...

Une grippe pas si espagnole En 1918, une épidémie de grippe frappe l’Europe. Son ampleur est telle que dans les deux camps, on censure l’information pour cacher au public qu’elle fait entre 20 et 50 millions de morts dont de nombreux militaires. Sauf en Espagne, pays neutre où les médias restent libres. D’où son surnom de “grippe espagnole”. Il semblerait que les déplacements de troupes et de populations sur l’ensemble du continent aient favorisé la propagation du virus. On peut en voir ressurgir le spectre à l’occasion, quand une nouvelle souche de grippe aviaire menace.

Au rythme actuel des exhumations, à Versailles, un sale traité le dernier Mauvaise guerre, mauvaise paix. Un an après l’armistice, obus tiré en l’Allemagne, pourtant invaincue sur les champs de bataille, 14-18 ne sera est humiliée par le Traité de Versailles. Celui-ci lui impose de payer 269 milliards de reichsmarks en réparation des retrouvé pertes et dégâts subis en France et en Belgique, mais qu’en l’an... L’invention du post-traumatisme aussi pour alléger le coût de la guerre sur les budgets alliés. Les célèbres “gueules cassées” racontent la violence de Ce qui lui prendra 92 ans, avec un dernier versement effec2600. la guerre. Et sont à l’origine de grands progrès dans le domaine de la chirurgie réparatrice. Mais les combats ravagent aussi les esprits. Parmi les inaptes au front, 14 % le sont pour raisons psychiques. L’étude de leur cas fera,

Moules de “gueules cassées”, et prothèses. La médecine fit des progrès fulgurants.

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Après la bataille du Chemin des Dames, dans l’Aisne. Un décor qui restera longtemps inchangé.

tué en... septembre 2010. On sait à quel point ce texte alimenta le ressentiment allemand, favorisant l’émergence du nazisme. Mais c’est en fait la carte d’Europe qui est radicalement redessinée. Quatre empires - allemand, austrohongrois, ottoman et russe - se sont écroulés. Le communisme est devenu une réalité territoriale. D’anciens pays renaissent de leurs cendres, telle la Pologne. D’autres voient le jour (Tchécoslovaquie, Yougoslavie...) ou prennent leur indépendance, comme l’Irlande. Mais ce redécoupage en règle, jusqu’aux colonies africaines et au Moyen-Orient, alimente les germes des nationalismes en créant ici des frontières artificielles, en séparant là des minorités ethniques de leur territoire de référence. D’autant que sur les champs de bataille de 14-18 a été déployée l’arme la plus mortelle du 20e siècle: l’idéologie. Les peuples sont désormais animés par la défense de leur race. La propagande moderne fait le reste. Et touche au ridicule quand des revues “scientifiques” françaises affirment que les Allemands urinent par les pieds, ou que leurs excréments sont nocifs. En 1915, plus à l’est, le pire avait déjà frappé. Le gouverne-

ment des “jeunes-turcs” procède au génocide des Arméniens. Un prélude. En somme, le premier conflit mondial n’est qu’une répétition générale. Aujourd’hui, certains historiens parlent d’une guerre civile européenne entre 1914 et 1945. 14-18 n’en n’aurait été que la première mi-temps.

Des USA qui émergent Après 1918, sur le Vieux Continent, tout est à reconstuire. Quand à la suprématie européenne, c’en est définitivement terminé. Premiers créanciers du monde, les états-Unis accèdent au rang de première puissance mondiale. La grande dépression de 1929 fera par l’absurde la démonstration éclatante de l’hégémonie US. Quand Wall Street s’enrhume, c’est désormais le monde entier qui tousse.

Des femmes un peu plus libérées Mobilisées dans les usines pour alimenter la machine de guerre, les femmes se verront gratifiées d’une relative émancipation dans l’immédiat après-guerre. En Belgique, elles obtiennent le droit de vote en 1920, mais uniquement aux élections communales. C’est encore très peu payé au regard de ce qui les attend après-guerre. La population masculine est décimée. Certains villages français, bien qu’épargnés par les bombes, disparaîtront, parfois des décennies plus tard, du fait de cette saignée démographique. Dans certains collèges de filles, en Angleterre, on prévient les pensionnaires qu’elles n’auront qu’une chance sur dix de se faire passer la bague au doigt. Plus de dix ans après le conflit, 35 % des femmes anglaises en âge d’enfanter n’auront pas trouvé d’époux.

Une pollution qui dit enfin son nom Le mot n’est pas encore vraiment répandu à l’époque, mais l’écologie est l’une des principales victimes du premier conflit mondial. Dans le nord et l’est de la France, par exemple, des régions entières, pilonnées parfois à raison de 30 impacts d’obus par kilomètre carré par semaine, resteront interdites à l’agriculture pendant des années, le temps de déminer et “désobuser” les champs de bataille. Un travail titanesque et loin d’être fini: on estime qu’au rythme actuel des exhumations, le dernier obus de l’époque ne sera retrouvé qu’en l’an... 2600. Mais ce n’est encore rien à côté de la pollution occasionnée, sur terre ou en mer, par les armes chimiques ou les métaux lourds contenus dans les munitions, encore présente aujourd’hui dans les écosystèmes mais pourtant très peu étudiée. Notamment au large des littorals français et belge, où les principaux dépôts de munitions immergés à la hâte délivrent année après année leurs déchets toxiques. Tel le mercure, dont les traces sont de plus en plus présentes dans les poissons pêchés en mer du Nord.

Des sports plus démocratiques Une des rares conséquences heureuses de 14-18. Au front, les classes sociales et les horizons se sont mélangés. Lors des relèves, les soldats d’origine urbaine initient les ruraux à la pratique du football, du rugby, de la boxe ou de la natation. La pratique du sport se démocratise et connaît après 1918 un développement spectaculaire.

Paroles de Belges

“ On se retrouvera” “Nos plus grands ennemis sont les nôtres, ceux qui ont de l’argent et qui dirigent. Ceux qui ont de l’argent accaparent nos marchandises. (...) Nous sommes méprisés et attaqués par tous ces gens et sur tous les fronts. Ils font fortune et nous crevons de faim. Mais les camarades, on se retrouvera, la guerre ne sera pas finie quand les Allemands quitteront la Belgique.” Notes de l’ouvrier Firmin De Backer, 1916.

h Jean-Laurent Van Lint

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L’agenda

Toute la mémoire

en un coup d’œil Du tourisme de mémoire aux grandes expos, l’agenda des événements belges qui vont marquer ce centenaire, dont un fameux C’est notre histoire! qui démarre dès ce 26 février. e tourisme de mémoire consiste à revenir sur les lieux d’événements qui ont marqué un pays, une région. Quand ces événements comptent parmi les heures les plus sombres de l’histoire, on pourrait parler de tourisme noir, voire morbide. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Paul Furlan, par exemple. Selon le ministre du Tourisme wallon, en ce qui concerne les commémorations de la Grande Guerre, ce tourisme consiste d’abord à témoigner une forme de respect à ceux qui ont souffert ou donné leur vie. “J’ai notamment lancé un appel à projets qui porte sur 500.000 euros pour réhabiliter des lieux à l’intérieur des villes et des villages, des monuments aux morts, des cimetières.” Car pour lui, les commémorations ont surtout une dimension pédagogique. “Il ne s’agit pas de célébrer la guerre, mais de mettre le doigt, surtout pour les jeunes, sur l’enseignement que les pays en ont tiré pour construire - il aura fallu deux guerres pour cela - le concept de l’Europe qui a stabilisé nos pays”...

Tranchées britanniques reconstituées au Musée Passchendaele, à Zonnebeke.

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En Wallonie, les propositions axées sur 14-18 et dans la foulée, sur le 70e anniversaire de la bataille des Ardennes sont nombreuses. à découvrir dans les grandes villes mais souvent aussi dans les campagnes et villages les plus éloignés qui ont payé un lourd tribut humain. En Flandre où, pendant quatre longues années, le combat s’est surtout, mais pas seulement, concentré dans l’horreur et la boue des tranchées et dans une zone coupée du monde où tant de gens venus d’ailleurs reposent depuis dans les cimetières, la palette des activités du centenaire 14-18 est encore plus riche. à découvrir tout au long de cette année et les suivantes. Ici, nous nous sommes bornés à explorer des pistes. à charge pour chacun de se concocter un programme mémoriel à la mesure de ses questionnements et de ses émotions.

à Bruxelles 14-18, c’est notre histoire! Grâce à la richesse de ses collections, le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire était le lieu idéal pour accueillir cette expo d’envergure internationale. Mis en scène par Tempora, spécialiste d’expos à succès (L’Amérique c’est notre histoire, C’est notre Terre, Vu à la radio) et cautionné par un comité d’experts, le parcours suit la chronologie des événements: avant-guerre, guerre de mouvement, guerre de position, occupation, conséquences sur l’histoire future. Soucieuse de sensibiliser un large public, l’expo rassemble lettres, photos, uniformes, films, témoignages, objets du quotidien, tout en misant sur le multimédia. Une rencontre entre la grande histoire et la petite. ➥➥ Du 26/2/14 au 26/4/2015. Musée royal de l’Armée, Parc du Cinquantenaire, 1000 Bruxelles. www.expo14-18.be

Le maréchal allemand von Hindenburg visitant la Grand-Place de Bruxelles.

14-18, Bruxelles à l’heure allemande à partir du 20 août 1914 et pendant cinquante mois, Bruxelles vit sous un régime d’occupation oppressant et connaît le chômage et la précarité. Une situation éclairée par des documents issus des Archives de la Ville de Bruxelles et un bel échantillon de caricatures circulant à l’époque sous le manteau. ➥➥ Du 21/8/14 au 3/5/15. Musée de la Ville de Bruxelles, Grand-Place. www.museedelavilledebruxelles. be

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14-18

L’agenda chronologique et thématique. Un projet ambitieux monté par les réalisateurs de l’expo Golden Sixties. ➥➥ Du 2/8/14 au 30/5/15. www.viewallonne.be - www.liege1418.be

Fort de Loncin, près de Liège. Aujourd’hui musée et lieu de mémoire.

Week-end populaire. Du 2 au 4 août, évocation de la Belle époque précédant le conflit, bal populaire, concert par l’Orchestre philharmonique de Liège, brocante d’objets militaires, bivouac 14-18 et reconstitution, etc. Point d’orgue du week-end: le lundi 4 août, grande cérémonie officielle au Mémorial Interallié à Cointe en présence du roi Philippe et de 50 chefs d’état. ➥➥ www.liegetourisme.be Fort de Loncin. Un des douze forts établis pour la défense de Liège. Il explose le 15 août sous les coups d’un terrifiant canon allemand, la Grosse Bertha. 350 soldats sont tués. C’est aujourd’hui un lieu de mémoire et un musée. Scénographié avec l’aide de fonds européens, un passionnant parcours audioguidé initie le visiteur à la vie dans un fort et lui permet de revivre le drame humain d’août 14. ➥➥ Rue des Héros 15, 4431 Ans. www.fortdeloncin.com Abbaye de Stavelot: Il était une fois 1914. C’est à la fois le titre d’une BD créée par une dizaine de dessinateurs et scénaristes wallons et une expo des planches de cette BD. Les récits y ont pour cadre l’abbaye de Stavelot, Liège, Bruxelles, Mons. ➥➥ Du 21/3 au 16/11/2014. www.abbayedestavelot.be

Mons

En Wallonie Liège Le 4 août 1914, c’est sur le territoire de la province de Liège que se déroulent les premiers combats de la Grande Guerre avec la mort du premier soldat belge, le cavalier Fonck. Et c’est à Spa que le kaiser Guillaume II abdique le 9 novembre 1918. Les commémorations du centenaire 14-18 y seront donc nombreuses. Voici quelques-unes de nos suggestions. L’expo 14-18. Sur deux sites, deux approches complémentaires. Au Musée de la Vie wallonne: 14-18: Liège dans la tourmente. Un important focus sur le rayonnement de Liège avant la guerre, sur la bataille des Forts du 4 au 16 août, sur la vie quotidienne durant le conflit. à la gare TGV Liège-Guillemins: 14-18: La Grande Guerre. Le conflit dans son ensemble, mis en scène dans un parcours

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La bataille de Mons du 23 août 1914 bénéficie d’un écho particulier au-delà de la Manche. Et pour cause: les Britanniques y ont subi de nombreuses pertes, dont le premier de leurs soldats, tombé en 1914 et le dernier, tué deux minutes avant l’armistice en 1918. Ce qui fait de Mons “The place of the first & the last”. La légende des Anges leur est également bien connue: une brigade britannique aurait été sauvée la nuit par ces bienfaiteurs descendus du ciel. Mons sera très actif en ce qui concerne son devoir de mémoire en 2014 et également en 2015, année où sera inauguré son Mons Memorial Museum. En attendant, de belles découvertes s’y imposent. Le circuit du champ de bataille. On l’arpente au départ de la Grand-Place. Il passe par la gare d’Obourg, l’Irish Monument, le château Gendebien dont le parc accueillait un hôpital auxiliaire, le Bois-là-Haut… Une signalétique moderne et interactive a été mise en place. ➥➥ Appli smartphone. Cimetière militaire de Saint-Symphorien. Point ultime du circuit ci-dessus, il vaut à lui seul le détour. Entouré de champs et d’arbres, il regroupe tombes britanniques et allemandes et est géré par la Commonwealth War Graves Commission. Ponctué çà et là par des couronnes de poppies (coquelicots artificiels, symbole de la Grande Guerre), l’endroit est poignant vu le jeune âge affiché des victimes reposant ici. ➥➥ Avenue de la Shangri, 7032 Mons. www.visitmons.be3

DINANT Des civils ont été pris en otage, passés par les armes dans nombre de villes et villages dits “martyrs”. Parmi eux, Tamines sur la Sambre, Louvain (voir plus loin), Dendermonde ou encore Dinant où les massacres des 23, 24 et 25 août restent très présents dans la mémoire collective. Conférences, spectacles, publications, expos s’y multiplieront toute l’année. On y pointe le 15 mars la projection du film Les murs de Dinant réalisé par André Dartevelle sur la base de témoignages de descendants de victimes, et l’inauguration, le 30 juin, de grands panneaux didactiques dans la ville. ➥➥ www.dinant.be

Ypres, Porte de Menin. Sous les voûtes, des milliers de noms.

Virton et Rossignol Du 22 au 24 août 1914, de terribles affrontements ont lieu entre les armées allemande et française dans le sud du Luxembourg belge. C’est ce qu’on appelle la bataille des Frontières. Et les alentours de Virton y sont particulièrement touchés. Notamment le village de Ethe. Antenne du Musée Gaumais de Virton, le petit musée Baillet-Latour propose une toute nouvelle scénographie autour de ces événements. à Rossignol, village martyr, une balade didactique mène à ces lieux de mémoire dans les bois et les cimetières. ➥➥ www.soleildegaume.be

Ploegsteert (Comines-Warneton) Dans cette commune la plus occidentale de la Région wallonne, au sud du Saillant d’Ypres, on a vécu de près les terribles affrontements d’octobre et novembre 1914 débouchant sur une guerre de position, les Britanniques occupant les bois de Ploegsteert, les Allemands, l’est du secteur. Le paysage avec ses cratères et ses cimetières reste marqué par la tragédie. Plugstreet 14-18 Experience. à proximité de l’imposant Mémorial érigé en 1931 en mémoire des soldats et officiers de l’Empire britannique qui ne purent recevoir de sépulture, ce nouveau Centre d’interprétation, inauguré en 2013, propose une plongée au cœur du conflit mondial tout en se penchant sur la réalité locale. Surmonté d’une pyramide de verre, une structure semi-souterraine accueille un espace cinéma, des écrans tactiles, des vidéos, des croix creusées dans une paroi en marbre, un mur consacré aux populations civiles. Une scénographie contemporaine qui va à l’essentiel et dont se dégage une vraie émotion. ➥➥ Rue de la Munque 18, 7782 Ploegsteert. www.plugstreet1418.com Sur les chemins du souvenir. Au départ du Mémorial de Ploegsteert, un circuit ponctué de dix-neuf panneaux passe par le hameau de Saint-Yvon à Warneton où se dresse la croix de la Trêve de Noël 1914. Ici, pendant quelques jours, Allemands et Britanniques ont fraternisé, échangé des objets et disputé un match de foot! ➥➥ www.shcwr.org

En Flandre YPRES à Ypres, réduite en un champ de ruines lors de la Grande Guerre, puis reconstruite et devenue “Ville de Paix”, chaque soir à 20 h, le “Last Post” résonne sous les voûtes de la Porte de Menin. Détruites durant le conflit puis restaurées, les Halles aux Draps abritent le musée In Flanders Fields consacré à 14-18 en FlandreOccidentale. Depuis juin 2011, une nouvelle expo permanente raconte les quatre années de guerre de tranchées dans le Westhoek. Les réfugiés, les premiers morts, les trois batailles d’Ypres, les soins médicaux, les machines de guerre, la reconstruction, rien n’est négligé dans une mise en scène contemporaine, interactive, faisant appel à de nombreux objets, artefacts, armes, documents. Si l’aspect historico-militaire est important, l’humain est résolument au cœur du propos. Grâce à un bracelet personnel dont le poppy cache une puce intégrée, le visiteur découvre des histoires

personnelles comme celle de cette infirmière, tuée par un obus et enterrée au cimetière militaire de Poperinge, seule femme aux côtés de milliers d’hommes. Du haut du beffroi, on jouit d’une large vue sur la ville et les champs de bataille des alentours. ➥➥ Halles aux Draps, Grote Markt 34, 8900 Ypres. www.inflandersfields.be

LOUVAIN En août 1914, l’incendie par l’occupant de la prestigieuse Bibliothèque de l’Université soulève dans le monde entier une vague d’indignation. Cet événement est le point de départ de Ravage, une expo sur la destruction de la culture, d’œuvres d’art, de monuments durant les conflits. Des productions contemporaines y côtoient des maîtres anciens (Henri Blès) et des œuvres venues de grands musées tels le Rijksmuseum ou la National Gallery de Londres. ➥➥ Du 20/3 au 1/9/2014. M-Museum Leuven, Vanderkelenstraat 28. www.ravage1914.be

∙ P our ne rien rater, consultez pour la Wallonie et Bruxelles: www.belgique-tourisme.be, www.visitbrussels.be. Pour la Flandre, dont le programme est particulièrement riche: www.visitflanders.com. ∙ L es Journées du patrimoine. En Wallonie, la thématique “Lieux de mémoire” tournera autour de la Première Guerre et le 70e anniversaire de la bataille des Ardennes. Les 13 et 14/9. En Flandre: “Le patrimoine d’hier, d’aujourd’hui et de demain”. Le 14/9. à Bruxelles: “Histoire et mémoire” avec focus particulier sur les deux guerres mondiales. Les 20 et 21/9. h Paulette Nandrin

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Les livres Henri Barbusse, Le feu (Journal d’une escouade) Gallimard, 512 p.

Ernst Jünger, Carnets de guerre 1914-1918 Christian Bourgois, 576 p.

Romancier déjà reconnu, Henri Barbusse entre en guerre en 1915 comme soldat puis comme brancardier. Il écrit Le feu en grande partie dans les hôpitaux et le publie tout d’abord sous la forme de feuilleton, avec une liberté de ton qu’on ne voit pas dans les journaux de l’époque, utilisant l’argot des poilus qui inspirera Céline. Succès immédiat (200.000 exemplaires vendus fin 1917), Le feu obtient le prix Goncourt en 1916 et est le premier texte à dénoncer les fusillés pour l’exemple.

Christian Bourgois édite pour le centenaire l’intégralité des Carnets de guerre qui ont inspiré à l’écrivain allemand ses célèbres Orages d’acier (1920, réédition Gallimard 2008) - monumental et très clinique journal de guerre recomposé après-guerre par un jeune lieutenant allemand engagé volontaire. Salué par André Gide comme “l’un des plus beaux livres de guerre”, l’ouvrage raconte la violence crue sans jamais tomber dans la haine, malgré l’ambiguïté de Jünger pendant la Seconde Guerre mondiale.

Blaise Cendrars, La main coupée Gallimard, 1.088 p. Amputé du bras droit en 1915, ce Suisse engagé dans la Légion étrangère accomplit son destin littéraire de la main gauche, en reprenant 30 ans après le conflit le récit de ses mémoires de guerre et de ceux de ses camarades, tombés au front. à redécouvrir également, la stupéfiante nouvelle J’ai tué.

Poilu français en Macédoine, 1917.

Bibliothèque de guerre Ouvrages de référence, fictions historiques, BD et dernières publications: tout ce qu’il faut avoir lu pour comprendre la guerre, la vivre et puis sans doute aussi un peu pleurer. éritable “matrice du XXe siècle” comme disent les historiens, la Grande Guerre aura marqué le siècle des écrivains au fer rouge. D’une brutalité qui n’en finit pas de nous remuer, cent ans après. Romans, mémoires, ouvrages historiques, comment faire son choix dans le foisonnant patrimoine littéraire de la Grande Guerre et dans l’océan (près de 200 titres) des parutions du centenaire? Tout d’abord en donnant la parole aux “écrivains-combattants”. à “ceux de 14” comme les appelle l’auteur français Maurice Genevoix. Ceux qui, parmi les 8 millions de poilus, de Barbusse à Céline, de Remarque à Jünger côté allemand, ont trempé leur encre dans le sang et la boue des tranchées ou sur la puanteur des lits d’hôpitaux pour dire la guerre. Ce sont eux, d’abord, qui ont permis que la mémoire de la Grande Guerre reste vive. D’ériger les livres, en somme, comme des monuments contre l’oubli.

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écrivains dans la guerre: dix immanquables Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou , Folio, 224 p. Engagé dès 1914 dans le 38e régiment de Nîmes, Guillaume Apollinaire écrit. Des lettres et des poèmes. à Lou, à Madeleine, sa marraine de guerre, à ses amis, Picasso ou Max Jacob. Blessé en 1916 à la tête par un éclat d’obus sur le Chemin des Dames, l’auteur d’Alcools qui inspira les surréalistes meurt de la grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l’armistice.

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit Folio, 512 p. Engagé dès 1912 chez les cuirassiers, Céline est toujours sous les drapeaux en 1914. Réformé en 1915, il est au Cameroun en 1916. La guerre, cette “immense, universelle moquerie” ne fait qu’accentuer sa noirceur existentielle, mais elle révèle une langue. La sienne. L’effet d’une bombe à sa publication en 1932.

Roland Dorgelès, Les croix de bois Poche, 288 p. Pourtant réformé, l’écrivain et journaliste Roland Dorgelès s’engage dans l’infanterie puis passe dans l’armée de l’air. Roman à plusieurs voix puisé dans l’expérience du quotidien de la guerre vécue, Les croix de bois manque de peu le prix Goncourt 1919, décerné à Marcel Proust pour à l’ombre des jeunes filles en fleurs. Il décroche tout de même le Femina.

Maurice Genevoix, Ceux de 14 Flammarion, 953 p. L’ouvrage réunit 5 récits de guerre (Sous Verdun, Nuits de guerre, Au seuil des guitounes, La boue, Les éparges). Mobilisé en août 14, Maurice Genevoix n’a que 26 ans à l’entrée en guerre. La guerre, cette “espèce de farce démente” révèle l’écrivain. Le centenaire l’impose comme l’un des plus grands écrivains de la Grande Guerre. Incontournable. Un extrait, au hasard: “C’est alors que ce 210 est tombé. Je l’ai senti à la fois sur ma nuque, assené en massue formidable, et devant moi, fournaise rouge et grondante. Voilà comment un obus vous tue”. A lire aussi: Correspondance, La Table ronde, 336 p.

“Ce que nous Mobilisé en 1916, Remarque raconte la guerre à travers avons fait, les yeux d’un jeune étudiant, effaré par l’horreur du front. c’est plus Grand roman pacifiste condamné en 1933 par les nazis, à l’ouest rien de nouveau reste l’un des plus grands qu’on ne classiques sur la Grande Guerre, adapté au cinéma en pouvait 1930 par Lewis Milestone. demander Ernest Hemingway, L’adieu aux armes à des Folio Gallimard, 316 p. Engagé en mai 1918 sur le front italien comme ambulan- hommes…” Erich-Maria Remarque, à l’ouest rien de nouveau Stock, 224 p.

cier, Hemingway raconte son expérience de la guerre à travers l’histoire d’un jeune Américain volontaire qui tombe amoureux d’une infirmière anglaise. L’un des meilleurs romans de guerre, doublé d’une des plus grandes histoires d’amour.

Maurice Genevoix

William March, Compagnie K Gallmeister, 288 p. Chef-d’œuvre aux états-Unis depuis sa parution en 1933, ce roman tiré des témoignages de 113 marines américains engagés sur le front de la Marne a enfin été traduit. à découvrir absolument.

3 grands romans “de l’arrière” Raymond Radiguet, Le diable au corps Poche, 185 p. Fiancée à un soldat, Marthe tombe amoureuse d’un garçon trop jeune pour le front. Un roman éclatant de jeunesse écrit à 20 ans, dont la liberté fit scandale à sa sortie, année de la mort prématurée de l’auteur. Stefan Zweig, Clarissa Poche, 187 p. Dans ce roman inachevé retrouvé dans ses archives, Zweig raconte “le monde entre 1902 et le début de la Seconde Guerre mondiale, vu à travers les yeux d’une femme”, amoureuse d’un jeune socialiste français que la guerre lui arrachera. Sándor Márai, Les révoltés Poche, 254 p. Des Enfants terribles hongrois découvrent l’adolescence alors que leurs pères sont au front. Un livre sur le destin du monde. 27


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Les livrES

Les meilleurs romans modernes

Les dernières meilleures BD des tranchées

William Boyd, L’attente de l’aube Seuil, 416 p.

La Grande Guerre en images nouveautés

Le célèbre écrivain écossais mêle psychanalyse et espionnage sur fond de Grande Guerre. Passionnant.

Putain de guerre!, 3 volumes, Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney, Casterman

Philippe Claudel, Les âmes grises Poche, 279 p.

Le journal d’un soldat ordinaire, tourneur sur métaux dans le civil. Après C’était la guerre des tranchées, Varlot soldat et la série des Adèle BlancSec, Tardi clôt trente ans de dessins de la Grande Guerre. Marqué par un grand-père corse envoyé dans les tranchées en 14, Tardi l’anarchiste a récemment refusé la Légion d’honneur et refusé de participer à la Mission du centenaire du gouvernement français qui lui commandait une fresque et un logo. Se définissant, à l’image de ceux qu’il dessine, comme “déserteur plus que héros”.

Hiver 1917 dans un village du nord de la France. Une fillette disparaît tandis que les combats font rage. Un roman puissant qui interroge le bien et le mal.

Marc Dugain, La chambre des officiers Pocket, 171 p. 1914, le jeune Adrien est défiguré par un éclat d’obus. Un livre-hommage aux gueules cassées.

Jean échenoz, 14 éditions de Minuit, 123 p. Une 4e de couverture lapidaire (“Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état”) pour un roman fulgurant et mélancolique.

Pierre Lemaître, Au revoir là-haut Albin Michel, 576 p. écrite par un romancier venu du polar, cette épopée suit deux “poilus” dont une gueule très cassée, qui montent une escroquerie au patriotisme au sortir de la guerre. Une arnaque aux monuments aux morts. à qui la guerre profite? Une œuvre cinématographique et grinçante, inspirée de Dorgelès. Prix Goncourt 2013.

Mais aussi...

“Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt Un obus éclatant sur le front de l’armée; Un bel obus semblable aux mimosas en fleurs.” Guillaume Apollinaire

J.-P. Verney, La Grande Guerre en relief Les Arènes, 140 p.

La Grande Guerre de Charlie, Joe Colquhoun et Pat Mills, Delirium

La propagande de guerre à travers les cartes postales.

Jours de guerre: 1914-1918 - Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior Les Arènes, 600 p. 800 photos inédites du fonds Excelsior présentées par Jean-Noël Jeanneney.

Mauvais genre, Chloé Cruchaudet, Delcourt, 160 p.

Carnet de poilu. Leur vie racontée aux enfants par Renefer Présenté par Gabrielle Thierry, Albin Michel, 100 p.

D’après La garçonne et l’assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman (Payot), qui raconte l’histoire vraie d’un travesti dans le Paris des années folles… Prix Landerneau cette année.

La guerre à travers les publicités de l’époque. Choc.

Les fac-similés de croquis à l’aquarelle de l’artiste et soldat Renefer, écrits à l’époque pour sa fille.

Paroles de soldats et carnets de guerre Le classique:

Laurent Gaudé, Cris Une claque dans les tranchées (Actes Sud). Jean Rouaud, Les champs d’honneur Prix Goncourt 1990 (éd. de Minuit).

Mais aussi... didier comès, L’ombre du corbeau Casterman Un classique de la BD. Les visions hallucinatoires d’un soldat allemand, seul rescapé d’un bombardement sur le front de la Meuse.

Christopher Clark, Les somnambules. été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre Flammarion, 668 p.

Paul Jankowski, Verdun. 21 février 1916 Gallimard, 416 p.

Un véritable classique de librairie qui a inspiré Tardi pour ses BD et Jean-Pierre Jeunet pour son film Un long dimanche de fiançailles.

Benjamin Gilles, Lectures de poilus: 1914-1918. Livres et journaux dans les tranchées Autrement, 340 p.

Louis Monaux et Bruno Deblander, 1914-1918, Apocalypse en Belgique. Récits de patriotes Racine, 178 p. Benoît Amez, 14-18, Vie et survie dans les tranchées belges, recueil de témoignages inédits Jourdan, 400 p. Maurice Bedel, Journal de guerre 1914-1918 Tallandier, 660 p. L’écrivain et médecin Maurice Bedel tint un journal de guerre inédit qu’il conclut par ces mots en décembre 1918: “Il ne faudra pas que l’on croie dans cent ans que c’était gai, la victoire”. à méditer.

Derrière le front allemand, Flandre, 1914.

Le livre audacieux d’un historien australien sur les origines de la Grande Guerre - déjà écoulé à 100.000 exemplaires - vient remettre en question l’idée que l’Allemagne est “responsable” de tout depuis le traité de Versailles de 1919. Pour les férus de diplomatie, passionnant.

Un grand historien américain raconte la bataille la plus longue et emblématique de la guerre. Un carnage de 300.000 morts qui a refaçonné le visage de la France.

Jeanne Lefebvre, 14-18, Mon journal sous l’occupation, dans ma maison occupée par l’ennemi Jourdan, 280 p. Mauvais genre

La Grande Guerre des historiens nouveautés

Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918 La Découverte, 1997

Les nouveautés:

Belges coquelicots

26/02/2014

Pierre Brouland et Guillaume Doizy, La Grande Guerre des cartes postales Hugo Images, 310 p.

Didier Daeninckx, 1914-1918, la pub est déclarée! Hoëbeke, 110 p.

Anne-Marie Garat, Dans la main du diable Un chef-d’œuvre qui traverse le siècle (Actes Sud).

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Michel Bernard, La Grande Guerre vue du ciel Perrin, 234 p. Une soixantaine de clichés aériens pour une évocation photographico-littéraire du conflit.

équivalent britannique de l’œuvre de Tardi, Charly’s War paraît entre 1979 et 1986 dans le magazine Battle. L’histoire de Charly, un “tommy” de 16 ans qui ment sur son âge pour s’engager dans la bataille de la Somme. Un chefd’œuvre méconnu, traduit chez nous depuis 2011. Un tour de force qui mêle culture pop et BD de guerre.

Joseph Boyden, Le chemin des âmes Un roman magnifique sur les Amérindiens engagés dans le conflit (Albin Michel).

Venant de sortir, Un bouquet de coquelicots est un recueil de nouvelles sensibles qui racontent la guerre de 14 en Belgique à travers la voix de sept personnages, hommes et femmes de tous bords, infirmière, jeune mariée, combattant flamand ou congolais engagés dans le conflit. Le livre s’ouvre sur le célèbre poème du lieutenant canadien John McCrae écrit pendant la bataille des Flandres, In Flanders Fields (traduit Au champ d’honneur et devenu mythique au Canada). Marianne Sluszny, éditions de la Différence, 123 p.

L’ouvrage est fourni avec des lunettes stéréoscopiques en acier et lentilles en verre pour mieux lire quelque 35 photographies 3D. Par le collectionneur du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux.

Où l’on découvre ce que les poilus lisaient au retour des tranchées. Surprenant.

Jay Winter, La Première Guerre mondiale. Combats Fayard, 816 p. Le premier volume d’une trilogie qui paraît simultanément en Grande-Bretagne et en France. Suivront le tome 2, états et le tome 3, Sociétés. Une somme pour une histoire transnationale.

Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée? Seuil, 480 p. Une enquête sur les rapports sociaux dans les tranchées.

Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14 Payot, 485 p. h Juliette Goudot

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14-18

Les films

J’accuse

La grande illusion

Les sentiers de la gloire

Des images pour savoir... La guerre comme personne d’autre ne l’a filmée... Six immanquables décryptés.

n 1914, “l’héroïque cinématographe” n’a pas vingt ans à son entrée en guerre. D’abord utilisé par les services des armées pour servir les propagandes d’états et remonter le moral des troupes et de l’arrière, le cinéma s’émancipe peu à peu et ne patrouille pas. Avec des artistes frondeurs et mutins, qui montrent la guerre telle qu’on ne la dit pas dans les journaux. De Jean Renoir à Stanley Kubrick, dont les œuvres furent toutes censurées à leur sortie en salle, le cinéma est hanté par le souvenir angoissant de la Grande Guerre. Plus que toute autre discipline, la “der des ders” a bouleversé le 7e art, le traversant de chefs-d’œuvre comme autant d’éclats d’obus largués sur pellicule. La preuve.

J’accuse Abel Gance, 1918 (muet) et 1938 (version sonore). L’histoire. Un scientifique rendu fou par les souvenirs de guerre appelle les morts à se relever pour éviter un nouveau conflit. La première grande fresque historique au cinéma.

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26/02/2014

La grande illusion Jean Renoir, 1937. L’histoire. Deux officiers français (Jean Gabin et Pierre Fresnay) sont abattus en vol et faits prisonniers par un commandant allemand (Erich von Stroheim, superbe). Ils préparent leur évasion tout en nouant une relation de respect avec leur ennemi allemand. L’analyse. “Tous les démocrates du monde devraient voir ce film” disait Roosevelt à sa sortie. Scénarisé par Charles Spaak, ce chef-d’œuvre du cinéma mondial emprunte son titre au roman de Norman Angell (1911) sur l’utopie des guerres. Réquisitoire contre la folie guerrière et la haine des civilisations, cette fiction pacifiste fut saluée aux étatsUnis. Mais partiellement censurée en France (jusqu’en 1946) et interdite en Italie, en Allemagne (“l’ennemi cinématographique n°1” selon Goebbels) et en Belgique, par le ministre Paul-Henri Spaak, propre frère du scénariste. On peut aussi y voir une interprétation sociale de la Grande Guerre, sur la fin des aristocraties.

Les sentiers de la gloire Stanley Kubrick, 1957.

Johnny s’en va-t-en guerre

Un long dimanche de fiançailles

Cheval de guerre

Johnny s’en va-t-en guerre Dalton Trumbo, 1971.

Mais aussi...

L’histoire. Johnny, un jeune soldat américain, est déchiqueté par un obus le dernier jour du conflit. Sans bras, sans jambes et sans voix, il se rappelle son passé sur son lit d’hôpital.

∙ Charlot soldat Charlie Chaplin, 1918. Véritable pamphlet burlesque, ce film muet et sonorisé dénonce le quotidien des soldats.

∙ Gallipoli Peter Weir, 1981. Deux Australiens s’engagent et découvrent à Gallipoli, en Turquie, l’horreur de la bataille des Dardanelles.

∙ à l’ouest rien de nouveau Lewis Milestone, 1930. L’adaptation du célèbre roman antimilitariste d’Erich Maria Remarque. Deux oscars. Le film sera censuré en France comme en Allemagne en pleine montée du nazisme.

∙ La vie et rien d’autre / Capitaine Conan Bertrand Tavernier, 1989, 1996. Deux films hantés par les disparus de 14-18. Deux films marquants portés par deux grands acteurs: Philippe Noiret et Philippe Torreton. Deux succès dans les salles.

L’analyse. Un scénariste à l’index de Hollywood réalise cet unique film-choc à partir de son propre ouvrage. Tout entier réalisé en voix off à l’intérieur de ce personnage-tronc, le film procure un effet d’étouffement et frappe fort. Sorti en pleine guerre du Viêtnam, le film devient l’étendard du mouvement pacifiste et obtient le grand prix du jury au festival de Cannes 1971. Un manifeste antiguerre dont on ne ressort pas indemne.

Un long dimanche de fiançailles

Jean-Pierre Jeunet, 2004.

L’histoire. 1919, Mathilde (Audrey Tautou) part à la recherche de son amoureux, refusant la version officielle de sa mort dans les tranchées de la Somme. L’analyse. D’après le roman de Sébastien Japrisot (1991). Trois ans après Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet livre une fresque ample et populaire dans laquelle il recrée les tensions de l’aprèsguerre et l’univers cru des tranchées. Un univers visuel puissant et maîtrisé censé pénétrer la mémoire collective, qui étonne dans sa reconstitution ténébreuse et foisonnante du conflit.

Cheval de guerre Steven Spielberg, 2011.

L’analyse. D’abord engagé comme cinéaste dans l’armée

L’histoire. 1916, une offensive suicide contre une posi-

française, le réalisateur Abel Gance quitte le front en 1917 pour écrire J’accuse, sur fond de mutineries. Gance présente une première version du film à Paris en 1918, cinq mois après l’armistice. Le film fait l’effet d’une bombe. S’inspirant du J’accuse de Zola fustigeant l’affaire Dreyfus, il oscille entre le naturalisme (vraies tranchées et vraies gueules cassées) et l’expressionnisme lyrique (scènes de danses macabres) pour dénoncer la guerre. à la version de 1938, Gance ajoute une ouverture prophétique et désespérée sur la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle l’acteur belge Victor Francen appelle les morts de Verdun à se relever pour empêcher un nouveau conflit. Procédé que Gance réutilisera dans La fin du monde (1930), autre grand film pacifiste à l’ambition désillusionnée.

tion allemande réputée imprenable. Poussés par le colonel Dax (Kirk Douglas), plusieurs soldats refusent d’obéir et passent en cour martiale.

L’histoire. La Grande Guerre racontée à travers le destin d’un cheval et de son jeune maître, de la cavalerie britannique aux tranchées allemandes. Une reconstitution exceptionnelle du conflit.

L’analyse. Le 4e film du jeune Stanley Kubrick fit scandale

L’analyse. Film crépusculaire sur la Grande Guerre, qui rend

lors de sa première projection à Bruxelles. Retirée des écrans en France pendant dix-huit ans, cette œuvre produite par Kirk Douglas en plein maccarthysme met en lumière les “fusillés pour l’exemple” inspirés des mutins du Chemin des Dames - toujours pas réhabilités. Sa charge antiguerre fut une onde de choc politique. Remettant en cause la France engagée dans la guerre d’Algérie puis l’Amérique dans celle du Viêtnam au moment de sa seconde sortie en 1974. Sa force visuelle reste fulgurante. Incontournable.

hommage au grand cinéma de studio hollywoodien, Cheval de guerre possède le pouvoir d’évocation des meilleurs films de Spielberg. Qui ose prendre le point de vue d’une bête dans la guerre pour mieux raconter la déshumanisation dans le conflit. L’équivalent du Soldat Ryan sur 14-18, le film met en scène comme jamais vu au cinéma l’une des dernières attaques de cavalerie de guerre. La traversée finale du no man’s land par le cheval déboussolé est un pur morceau de bravoure, comme seul Spielberg sait en faire. Un hymne à la liberté.

∙ Sergent YorY Howard Hawks, 1941. Sur un scénario de John Huston, le film s’inspire d’un soldat américain (Gary Cooper dans le rôle) qui a combattu dans les Ardennes. Un mythe aux états-Unis. ∙ La victoire en chantant Jean-Jacques Annaud, 1976. Afrique équatoriale, 1915. Les colonies entrent en guerre. Oscar du meilleur film étranger.

∙ Joyeux Noël Christian Carion, 2005. Un film humaniste sur la fraternisation entre soldats. Caricatural mais touchant. ∙ Les fragments d’Antonin Gabriel Le Bomin, 2006. Un film sensible sur les traumas psychologique de la Grande Guerre. ∙ La France Serge Bozon, 2007. Une jeune femme se travestit en soldat pour rejoindre son homme sur le front de 1917. Un film étonnant.

h Juliette Goudot

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