1.2. Les réfugiés et déplacés palestiniens, référents génériques de la gestion jordanienne des réfugiés Les réfugiés palestiniens sont les seuls à être juridiquement considérés comme des réfugiés disposant d’un droit de résidence en attendant le retour hypothé tique à leurs foyers d’origine. On distingue trois sous-groupes de réfugiés palestiniens avec des statuts distincts : (i) les réfugiés palestiniens de 1948 établis en Jordanie durant le conflit israéloarabe de 1948 et auxquels la citoyenneté jordanienne fut accordée dès 1949 ; (ii) les déplacés venus de la bande de Gaza (des réfugiés de 1948 pour la plupart) suite à l’occupation israélienne de 1967, lesquels ne disposent aujourd’hui que de titres de voyage temporaires de deux ou cinq ans ; (iii) les « réfugiés palestiniens de Syrie » venus en Jordanie afin d’échapper à la guerre civile en Syrie depuis 2011. La Jordanie est le pays arabe qui a offert aux réfugiés palestiniens de 1948 les conditions d’intégration les plus avantageuses. Dérogeant à la « discrimination positive » recommandée par la Ligue arabe, soit leur non-assimilation dans les sociétés d’accueil au nom de la préservation de leur droit au retour en Palestine11, la Jordanie leur a conféré la citoyenneté afin de les associer pleinement au développement politique et économique du pays, mais c’est là une citoyenneté en principe fonctionnelle et temporaire, dans l’attente que ce retour puisse être exercé : la Jordanie a d’ailleurs continué à promouvoir ce droit à travers le maintien de ses symboles les plus visibles, soit la dizaine de camps de réfugiés palestiniens qui en recueillent aujourd’hui encore un cinquième 12, et le maintien du mandat de l’UNRWA sur le territoire. Ce pari sur la coexistence entre citoyens « Transjordaniens » et « Jordaniens d’origine palestinienne » n’a pas résisté à la montée du sentiment identitaire national palestinien dès les années 1960, qui se traduit par une confrontation militaire et politique avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) durant les évènements de Septembre noir en 1970-1971. Si la menace militaire posée par les milices de l’OLP disparaît dès 1971, la reconnaissance de l’OLP comme « unique représentant du peuple palestinien » par la communauté internationale en 197413 et, plus encore, l’éventualité promue par la droite israélienne que la Jordanie ne devienne un futur foyer alternatif pour les Palestiniens, se traduisent par la production d’un discours officieux stigmatisant le « Palestinien » comme une menace potentielle à la stabilité intérieure du régime 14. Une politique de « discrimination positive » similaire à celle pratiquée dans d’autres pays arabes est alors mise en place à leur endroit. Elle se manifeste en particulier, dès les années 1990, par une préférence à l’embauche des Jordaniens d’origine « transjordanienne » pour les hauts postes de la fonction publique15.
11
Voir Résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies, article 11.
12
Soit environ 409 000 personnes (réparties sur 10 camps UNRWA et 3 camps gérés par le seul gouvernement jordanien) sur un total de 2,2 millions de réfugiés inscrits auprès de l’UNRWA – UNRWAFS_080119.pdf Résolution 3210 du 14 octobre 1974 de l’Assemblée générale des Nations unies.
13 14
Comme le déclare la Charte nationale de 1991, un document préparé par une commission royale afin de définir les orientations du pays suite au désengagement de la Cisjordanie et la réinstauration des élections législative libres en 1989 : “The Jordanian-Palestinian relationship must not be understood or exploited...to lead to a weakening of the Jordanian state from the inside or to create conditions leading to the realization of Zionist designs to make Jordan an alternative to the Palestinian homeland” – voir http://www.kinghussein.gov.jo/charter-national.html
15
Abu-Odeh A. (1999), Jordanians, Palestinians and the Hashemite Kingdom in the Middle East Peace Process. Washington, United States Institute of Peace Press.
14