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Introduction

L'assainissement demeure l'un des grands défis de notre temps, en particulier dans les villes d'Afrique et d'Asie qui connaissent une croissance démographique soutenue. Selon les Nations Unies, en 2020, 53 % de la population mondiale n’avait pas accès à un service d’assainissement, collectif ou individuel, alors que 26% ne disposait pas d’un approvisionnement en eau potable géré de manière sûre, (WHO-UNICEF JMP, 2021). Ainsi, malgré les progrès réalisés, le défi reste immense, notamment en milieu urbain où le taux de la population mondiale sans service d’assainissement atteint 62%. L'absence d'assainissement nuit considérablement à la santé publique, à l'environnement et au développement. L'assainissement comprend une chaîne d'activités allant des pratiques d'hygiène privées à la collecte, au traitement et à l'élimination des déchets, par le biais d'infrastructures avec ou sans réseau collectif. Pour la première fois en 2015, les Nations Unies ont fixé un objectif spécifique en matière d'assainissement avec le 6ème objectif de développement durable « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». Selon l'objectif 6.2, tous les pays devraient d'ici 2030, assurer à tous l'accès à des conditions d'hygiène et d'assainissement adéquates et équitables et mettre fin à la défécation àl’air libre, en accordant une attention particulière à la sécurité et aux besoins des femmes, des filles et des personnes en situation de vulnérabilité (UN, 2015). L'assainissement est un sujet particulièrement complexe, car il implique un grand nombre d'acteurs, une diversité de technologies, se développe dans les espaces publics et privés, et repose sur des comportements individuels et collectifs basés sur une pratique intime,taboue et peu flexible. AgroParisTech anime depuis 2016 un espace de dialogue entre chercheurs et opérationnels sur ce sujet à travers une chaire partenariale avec SUEZ et soutenue par l’AFD intitulée « Eau pour Tous ». Le conseil scientifique de la Chaire a unanimement décidé d’engager ses travaux de recherche sur cette thématique. A travers sa formation et ses activités de recherche, cette Chaire forme des managers de l’eau et de l’assainissement à la transformation de leur service. Le 3ème rendez-vous scientifique (2016) portait sur les enjeux de l’assainissement. Ila conclu que les barrières à l'assainissement sont d'abord d’ordre institutionnel et organisationnel. Cette nouvelle préoccupation est partagée par de nombreux acteurs, chercheurs ou opérationnels. Dans ces approches, les institutions concernent aussi bien les règles (règles juridiques, droits, normes, standards, mais aussi représentations, coutumes, traditions et croyances) que les entités qui les portent que ce soit aux niveaux macro (cadre législatif et réglementaire), méso (traducteurs de règles et régulation) et micro (services notamment). L'organisation concerne les moyens de fournir le service. Dans cette perspective, le 4ème rendez-vous scientifique qui a eu lieu les 6 et 7 mai 2021 a souhaité créer l’occasion de présenter et discuter des travaux de recherche et des expériences opérationnelles visant d’une part à mieux comprendre et identifier les obstacles institutionnels et organisationnels, et d’autre part à concevoir la manière de les dépasser. Le présent document rassemble les communications présentées et rend compte des riches échanges en séance.

Le présent document comprend sept parties. Il s’ouvre sur une nouvelle perspective conceptuelle, qui est de concevoir l’assainissement comme un système sociotechnique appelé régime,dont on doit analyser l’évolution sur le temps long. Dans un deuxième temps, deux expériences sont confrontées à l’enjeu de construire un service public de l’assainissement, dans ce contexte de coexistence d’une diversité de modes de production du service. Le troisième volet aborde les travaux qui témoignent de l'intérêt de prendre en compte le temps long pour identifier les verrous au changement. La quatrième partie du rapport s’interroge sur la place de la recherche pour aborder la question du changement institutionnel, c’est-à-dire des changements concernant les règles, les représentations et les croyances associées à des modes de production du service de l’assainissement. Dans un cinquième temps, deux cas d’innovation institutionnelle sont présentés, l’un porté au niveau local par une ONG et l’autre au niveau national par l’Etat marocain et des bailleurs de fonds européens. Suivent dans un sixième temps la présentation de travaux de jeunes chercheures: (i) un travail doctoral sur une analyse comparée des politiques publiques marocaines et tunisiennes pour la réutilisation des eaux usées

traitées (REUT) et (ii) sur une revue de littérature en sciences sociales portant sur le changement institutionnel pour le développement de l’assainissement. Ce rapport s’achève par le regard croisé des trois partenaires (AgroParisTech, Suez et AFD) du 4ème rendez-vous scientifique de la Chaire “Eau pour Tous”.

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