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VALETTE et Marine COLON
from Surmonter les barrières institutionnelles et organisationnelles à l’assainissement : quoi de neuf ?
En conclusion, voici quelques perspectives qui découlent de ce travail. La première porte sur l’approfondissement de la question du changement d’échelle : comment généraliser un succès ? Comment le niveau local contribue-t-il à la révision des règles aux différentes échelles ? Lorsqu’il y a une forte volonté politique à l’échelle nationale, comment arriver à prendre en compte les contextes locaux ? La deuxième perspective concerne les changements intra-organisationnels, c’est-à-dire à l’intérieur des organisations. C’est ce qui a été développé par LE JALLE dans le présent rapport: comment les opérateurs traditionnels adaptent leurs pratiques par rapport à la diffusion et à la légitimation de l’assainissement non collectif ? Une troisième perspective est de mieux comprendre les processus de construction des règles et des cadres institutionnels adaptés aux contextes et à la diversité des arrangements. Sur ce point, AgroParisTech a lancé des travaux avec l’appui de la Chaire “Eau pour Tous”.
Enfin, précisons qu’à ce stade, ce travail n’a pas d’ambition de recommandations pour l’action. C’est une mise en évidence des résultats récents de la littérature en sciences sociales. Une présentation dans cette arène permet de confronter nos résultats à l’analyse des praticiens du développement, bailleurs de fond et opérateurs, et d’engager la discussion sur les conditions et la nature du changement dans le secteur de l’assainissement.
6.4. Discussion -SarahBOTTON, Héloïse VALETTE et Marine COLON
Le travail présenté par VALETTE et COLON dans cette section est important parce qu’il rappelle l’importance du positionnement scientifique, de la manière dont des travaux de recherche s’inscrivent dans des discussions scientifiques et donc au-delà même des disciplines et des objets, le fait de faire ces revues de littérature est extrêmement précieux pour définir les agendas de recherche et savoir comment se positionner dans le débat. Est-ce que cette revue de littérature fait apparaître des manques un peu criants, des surreprésentations, ou des sous-représentations thématiques ou disciplinaires ? Est-ce que les autrices s’attendaient à voir certaines choses qui ne figurent pas ? Une première surprise concerne la surreprésentation, voire une distorsion dans le corpus constitué, d’études de cas indiennes. Cela peut s’expliquer par des programmes nationaux ambitieux sur l’assainissement comme Swachh Bharat, parce que c’est un grand pays et parce que le corpus constitué était en langue anglaise. Ce n’était pas forcément évident à rééquilibrer ensuite. Concernant les terrains étudiés il y avait une nette sous-représentation de toute la zone Moyen Orient –Afrique du Nord. Là encore, plusieurs hypothèses peuvent émises. Tout d’abord, ce sujet peut être considéré comme tabou, donc moins digne d’intérêt par rapport à d’autressujets qui ont reconfiguré les sociétés comme les Printemps arabes. Bien entendu, il y a aussi la question liée à la constitution des corpus, qui est en anglais et non en arabe ou français. Concernant les disciplines, la majorité des articles se positionnaient en études du développement, mais ce n’est pas forcément surprenant. Une difficulté méthodologique a plus été de déterminer la frontière entre des publications en ingénierie et en sciences sociales. Autre point, chaque discipline a ses marqueurs et ses thèmes favoris. En économie, beaucoup d’articles traitent des innovations, des transitions sociotechniques, des déterminants d’adoption d’infrastructures, ou encore réalisent des analyses coûts-bénéfices ; en socioanthropologie, les questions de perceptions dominent. Enfin, sur les thématiques abordées, la grosse majorité du corpus porte sur les populations les plus précaires et / ou celles vivant dans les bidonvilles et quartiers précaires urbains. Cela représente plus des trois-quarts du corpus.
Concernant les facteurs de changement, une crise majeure est-elle nécessaire pour initier le changementLa crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui, c’est en effet un moment clé à étudier et il sera intéressant de voir quels impacts auront la crise actuelle sur le développement du secteur de l’assainissement. En revanche, le corpus en l’état n’a pas pu en rendre compte car les articles sur le
sujet ne sont pas encore publiés. Les conditions du changement ont été documentées. Effectivement les crises, et notamment les crises sanitaires, on le sait bien, jouent un rôle important, dans le fait de faire bouger les choses. Après il faut qu’il y ait des acteurs qui s’en emparent. Les sociologues néo institutionnels appellent les acteurs qui conduisent le changement les « entrepreneurs institutionnels ». Toute la question effectivement, et le paradoxe qui a été évoqué, dans certains pays où il y a encore régulièrement des crises de choléra, pourquoi n’observe-t-on pas de changement ? Pour qu’il y ait changement, il faut qu’il y ait des acteurs, il faut que ça devienne un sujet, l’objet de revendications et qu’il y ait des acteurs qui soient en mesure d’agir pour faire changer et aller vers la construction de ce secteur. Les partenariats entre pairs pourraient être un facteur de changement institutionnel dans le secteur de l’assainissement. Le rôle quepourrait représenter le «partenariat entre pairs», entre acteurs du nord et acteurs du sud, dans la construction des services publics de l’assainissement mériterait d’être davantage étudié, par exemple dans la littérature sur le changement institutionnel. Ceci représente une perspective de recherche qui est fort intéressante.