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Interco' Outre-mer
À LA RENCONTRE DES ÉLUS D’INTERCO’ OUTRE-MER
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En ce début d’année 2023, nous sommes allés à la rencontre du président, de la vice-présidente, du vice-président et du trésorier d’Interco’ Outre-mer. L’association, créée en 2001, œuvre pour des territoires dynamiques et solidaires en fédérant de très nombreuses intercommunalités de Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion et Mayotte.
INTERVIEW
MAURICE GIRONCEL, PRÉSIDENT D’INTERCO’ OUTRE-MER
• Quels seront en 2023, Monsieur le Président, les principaux défis d’ Interco’ Outre-mer ?
- En préambule, l’association Interco’ Outre-mer, dont je suis l’un des membres fondateurs, a été créée en 2001 pour que les pays d’outre-mer soient entendus par les pouvoirs publics au plus haut niveau et pour véhiculer le message que chaque territoire a ses spécificités propres. Nous ne sommes pas « l’outre-mer ».
En 2023, Interco’ Outre-mer va beaucoup travailler sur l’enjeu foncier. Nous allons soumettre nos propositions aux différents ministères notamment, pour faire prendre conscience que Mayotte, ce n’est pas La Réunion, que La Réunion ce n’est pas la Guyane, la Guadeloupe ou la Martinique. En Guyane, 95 % du foncier appartient à l’État, c’est une particularité qui rend l’aménagement de ce territoire spécifique.
La Guadeloupe et la Martinique font face à des difficultés d’indivision et ont une réflexion à mener sur le type d’habitat à mettre en place, compte tenu du vieillissement de la population. Mayotte se distingue par une démographie galopante, sur seulement 374 km2, et donc un espace foncier rare et de plus en plus cher. Enfin, à La Réunion, qui devrait atteindre le million d’habitants en 2044 d’après l’Insee, nous aurons un double défi à relever : anticiper l’augmentation de la jeunesse et le vieillissement de la population.
Cette année encore, nous rappellerons que les pays d’outre-mer sont une chance pour la France. Ils abritent en effet 80 % de sa biodiversité et sont des sentinelles du dérèglement climatique, à travers l’élévation du niveau de la mer, l’érosion des sols, les cyclones, les volcans... Nos territoires permettent à la France d’être une immense puissance maritime, avec un très fort potentiel en termes d’économie bleue et notamment d’énergies renouvelables marines.
• Que vous inspire l’association de mots « transition énergétique et territoires » ?
Dans nos territoires, qui sont des « zones non interconnectées » (ZNI) au réseau électrique métropolitain, nous sollicitons une égalité de traitement avec l’Hexagone. Par exemple, en outre-mer, l’obligation d’achat d’électricité photovoltaïque – dont le tarif est fixé par arrêté pour soutenir la production d’énergies renouvelables – est plafonnée à 100 kWc. Nous attendons qu’un décret élève ce seuil à 500 kWc, comme c’est déjà le cas en métropole. Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables comporte des lacunes pour nos pays d’outre-mer. C’est pourquoi avec notre fédération nationale, et les syndicats d’électricité de la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, nous avons fait 10 propositions concrètes (consultables ICI, ndlr) d’application immédiate, coconstruites et consensuelles, pour accompagner dans nos territoires une transition énergétique créatrice de richesses et d’emplois durables.
TÉMOIGNAGES
LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, VICE-PRÉSIDENTE D’INTERCO’ OUTRE-MER
Que vous inspire l’association de mots « intercommunalité et environnement » ?
« Plus que jamais, l’intercommunalité ne peut travailler sans tenir compte de l’environnement. Je parle ici de l’environnement sur tous les plans : celui de la biodiversité bien sûr, que nous devons préserver, mais également celui de la santé, du social, de l’économie. L’environnement est ainsi l’un des piliers de notre engagement. Par ailleurs, nous ne pouvons aborder les questions environnementales sans évoquer le foncier, qui est une thématique très spécifique à nos départements d’outre-mer, où la pression et les enjeux sont accentués de manière significative. Cela nécessite une vision partagée, active et résolument constructive. C’est là aussi, un de nos engagements à Interco’ Outre-mer. Mais vous savez, rien de bien ne peut se faire sans une parcelle d’amour pour son pays. Bonne année 2023 à tous ! »
JOSEPH PÉRASTE, TRÉSORIER OUTRE-MER
« L’intercommunalité a-t-elle la possibilité d’agir ? Il faudrait que les communes et les communautés d’agglomération puissent se retrouver autour d’une table pour que ces discussions amènent à une synthèse. En période de Covid, nous avons fonctionné seulement par visioconférences, et cela a été un frein à l’aboutissement des discussions. Il conviendrait d’organiser un moment trimestriel de rencontre pour nous accorder sur l’essentiel et adopter une position commune qui soit ensuite remontée au gouvernement. Cela est difficile car nos problématiques locales diffèrent, mais je crois qu’il faut parvenir à parler d’une seule et même voix. Nous serons alors entendus. »
ELYASSIR MANROUFOU, VICE-PRÉSIDENT D’INTERCO’ OUTRE-MER
Que vous inspire l’association de mots « changement climatique et territoires » ?
" Ça implique beaucoup de choses. En premier lieu, cela suppose de connaître déjà son territoire et sa population. Quand on est issu d’un territoire comme Mayotte, cela demande forcément qu’on intègre le fait que le changement climatique crée de l’incompréhension au sein de la population, même si c’est un fait réel et qu’il y a nécessité à le prendre en compte.
En effet, notre population vit à 77% sous le seuil de pauvreté, et 60% d’entre elle a moins de 20 ans. Nous devons donc construire des politiques publiques de proximité avec des outils qui accompagnent la population vers une acceptation d’abord du changement climatique, parce que même si ce dernier a des impacts très forts sur nos vies, on se rend compte que pour la population, ce n’est pas la priorité.
Quand on demande à la population de se projeter sur un projet à long terme de lutte contre le changement climatique, on ressent de la frustration et de l’incompréhension chez les gens, car cela paraît invisible. Même si on perçoit de plus en plus les impacts de ce phénomène avec la montée des eaux, les embouteillages ou encore la dégradation de la qualité de l’air, dans le centre-ville de Mamoudzou par exemple où l’air est de plus en plus irrespirable, la majorité des personnes ici ont d’abord des préoccupations qui doivent combler les besoins quotidiens et primaires.
Ainsi tout l’enjeu que nous avons en tant qu’élus, c’est d’accompagner notre population à adopter une posture résiliente face au changement climatique, sans être en confrontation avec le projet de développement de Mayotte. »