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Cirad

LES SOLS DES AGROÉCOSYSTÈMES RÉUNIONNAIS À LA LOUPE

À La Réunion, le laboratoire d’analyses agronomiques du Cirad planche sur la valorisation des résidus organiques pour la fertilisation des agrosystèmes, afin de limiter le recours aux engrais de synthèse importés et de promouvoir une gestion plus durable des sols.

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Porter l’ambition d’une agriculture plus locale suppose à la fois de réduire la dépendance aux importations, de miser sur l’économie circulaire et de préserver le foncier dédié ainsi que la qualité des sols.

Rencontre avec deux chercheurs de ce laboratoire, œuvrant au quotidien en faveur de la transition agroécologique.

MARION COLLINET, RESPONSABLE DU LABORATOIRE D’ANALYSES AGRONOMIQUES DEPUIS 2018

Marion Collinet, Cirad

« Le laboratoire d’analyses agronomiques du Cirad est installé sur la station de la Bretagne à Saint-Denis depuis 1983. Nous traitons autour de 6 000 échantillons de sols, de plantes et de matières organiques par an, dans l’optique d’étudier les phénomènes biologiques, physiques ou chimiques qui se produisent dans les sols ou dans les plantes.

Nos analyses ont ainsi pour but de déterminer le potentiel agronomique d’un système, qu’il s’agisse du sol, des plantes ou des matières organiques.

Pour réaliser ces études, nous nous appuyons sur une variété d’outils innovants, tels que la SPIR, ou spectrométrie dans le proche infrarouge, qui peut, à titre d’exemple, effectuer en une seule mesure un diagnostic foliaire de la canne à sucre ; et ainsi permettre d’identifier rapidement les besoins de la plante et définir un plan de fertilisation adapté.

À la suite de la collecte d’échantillons de sol, mon rôle consiste à réaliser des dosages destinés à dresser un diagnostic des sols, afin de pouvoir fournir un bulletin d’analyses et de préconisations aux agriculteurs.

En accompagnant les agriculteurs et partenaires dans la gestion de leur fertilisation et donc l’optimisation de la qualité de leur sol, le laboratoire joue un rôle essentiel dans l’environnement local.

À moyen terme, il est également envisagé de réaliser des analyses environnementales pour détecter les traces de contaminants organiques (médicaments, résidus de pesticides, etc.) ou de métaux lourds dans les échantillons.

Et ainsi, répondre à la demande croissante de la part des consommateurs, pour davantage de transparence sur les conditions de production agricole. »

Des échantillons de sols sont stockés au sein du laboratoire d’analyses des sols du Cirad à La Bretagne (Saint-Denis de La Réunion) afin d’en analyser les propriétés.

© Marion Dailloux | Cirad

ANTOINE VERSINI, BIOGÉOCHIMISTE DU CARBONE ET DE L’AZOTE ET CHERCHEUR EN VALORISATION AGRICOLE DES MATIÈRES ORGANIQUES

Antoine Versini, Cirad

« Au sein de l’unité recyclage et risque du Cirad, nous cherchons à identifier et promouvoir des solutions de recyclage des matières organiques, afin de limiter leur impact environnemental : émission de gaz à effet de serre, production de particules fines et flux de nitrates. La valorisation de ces déchets organiques sous la forme de fertilisant est une des alternatives explorées dans le cadre du Soere PRO, observatoire de recherche sur l’environnement consacré à l’étude d’impact de la fertilisation organique. Les effluents d’élevage porcin et avicole, et les boues de station d’épuration, sont les deux gisements de matières organiques dont nous étudions l’impact dans les champs de canne à sucre.

En pratique, chaque année depuis 2014, année de lancement de cette expérimentation cofinancée par Veolia, nous comparons l’utilisation d’engrais de synthèse et l’épandage d’engrais organiques (qui peuvent être du lisier de porc, de la litière de volaille, des boues ou du compost de station d’épuration) sur les cultures et sur les sols. Pour ce faire, nous prélevons des échantillons de sol à différentes profondeurs, ainsi que de la canne et du paillis de canne, afin d’en mesurer la teneur en nutriments –azote, phosphore, potasse, etc. – et en contaminants : éléments traces métalliques ou organiques, résidus pharmaceutiques...

Puis nous observons l’impact de ces apports organiques sur la biologie du sol et les flux de produits dans l’atmosphère et l’hydrosphère, c’est-à-dire, dans les nappes phréatiques. Les tests élaborés sur la canne à sucre démontrent que les matières organiques se révèlent tout autant fertilisantes que les engrais de synthèse, avec des rendements équivalents. Il s’avère qu’elles permettent d’améliorer à la fois la qualité des sols – évaluée en termes de stockage de carbone et de phosphore, ou encore de pH du sol – ainsi que leur fonctionnement biologique.

Il s’agit maintenant pour nous de déterminer le volume d’apport organique optimal pour ne pas générer d’externalité négative, à savoir une pollution des sols, de l’eau et de l’air. En parallèle, nous travaillons sur le développement d’outils d’aide à la fertilisation pour faciliter l’appropriation des nouvelles connaissances par les agriculteurs. »

Fertilpéi est un engrais issu de boues de station d’épuration séchées, hygiénisées puis granulées, développé par le Cirad en partenariat avec Runéo (groupe Veolia).

© Marion Dailloux | Cirad

Charles Detaille, ingénieur métrologue en charge de l’essai Soere PRO (en bas à droite), règle une chambre climatique pour analyser les émissions de gaz générées par l’épandage de fertilisants organiques dans un champ de canne.

© R. Carayol | Cirad

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