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Mayotte

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« LES DÉCISIONS QUE L’ON PREND AUJOURD’HUI PRÉDISENT LA SURVIE OU L’EXTINCTION DU MANCHOT ROYAL »

Ci-dessus : le manchot royal est le deuxième plus grand des manchots, le plus grand étant le manchot empereur en Antarctique. © Robin Cristofari

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Isolées au sud de l’océan Indien dans les mers australes, les îles subantarctiques françaises abritent la plus grande population de manchots royaux au monde, avec près de 750 000 couples d’après les derniers comptages. La survie de l’espèce est menacée par le réchauffement climatique.

INTERVIEW

ROBIN CRISTOFARI, MANCHOLOGUE À L’UNIVERSITÉ DE TURKU (FINLANDE) - INSTITUT POLAIRE FRANÇAIS PAUL-ÉMILE VICTOR

Robin Cristofari

• La survie des manchots royaux présents dans l’archipel Crozet et dans les îles Kerguelen est-elle menacée ?

- Ce n’est pas une espèce en danger immédiat mais son espérance de vie inquiète. Ces populations se sont multipliées grâce à l’abondance alimentaire du front polaire, une zone d’une largeur restreinte de quelques dizaines de kilomètres, où l’eau est très froide et oxygénée, donc très riche en poissons.

Mais cet espace autour de l’Antarctique se déplace vers le sud, du fait de l’augmentation de la température de l’eau et de la circulation des vents. Si la température de l’eau augmente de 1 ° C, la zone d’alimentation se déporte de 300 kilomètres. Les manchots, qui se reproduisent sur les îles, auront besoin d’aller encore plus loin pour se nourrir.

On sait que lorsqu’on atteint la limite des 700 kilomètres à parcourir, le temps écoulé est trop long et les poussins, restés à terre, meurent de faim en attendant le retour de leurs parents. Quand on prévoit un réchauffement de 1,5°C, on condamne à mort toutes les populations de manchots royaux des Terres australes françaises.

Manchots royaux.

© Robin Cristofari

• Un autre lieu de reproduction n’est-il pas envisageable ?

- Ces grands oiseaux pourraient se déplacer mais ils ont besoin d’une île sans glace, avec de la terre ferme. D’autres espèces vivent déjà dans ces habitats potentiels et plus l’eau se réchauffe, plus elles se dirigent toutes vers le sud.

À terme, ces mouvements de populations observés par les scientifiques obligeront les manchots à s’entasser et certains pourraient en mourir.

• Le manchot royal est-il plus vulnérable ?

- Il n’est pas plus en danger que les autres mais c’est une espèce très structurante dans l’océan Austral. C’est un pilier de notre écosystème. Ces manchots sont tellement robustes que le fait qu’ils soient menacés de disparition est révélateur de grands changements. On ne peut absolument rien faire pour les protéger si ce n’est d’arrêter le réchauffement climatique sur notre planète. Toutes les décisions que l’on prend aujourd’hui prédisent la survie ou l’extinction du manchot royal.

ÎLE AUX COCHONS : LE MYSTÈRE DU DÉCLIN DE LA PLUS GRANDE COLONIE DE MANCHOTS ROYAUX DU MONDE

Charles-André Bost, directeur du Centre d’études biologiques de Chizé, station de recherche du CNRS : « Plusieurs hypothèses pourraient expliquer le déclin de la colonie de manchots royaux sur l’île aux Cochons. Il semble que les effectifs ont d’abord été surestimés. Le déclin est probablement d’origine multifacteurs comme l’importante anomalie chaude de 1997 ou une épidémie. Les prédateurs introduits (chats) ne semblent pas avoir affecté la mortalité des poussins et des adultes. Il est très difficile de fournir des explications du fait de l’absence de campagnes de terrain pendant des décennies. »

Rédaction et interview : Marion Durand

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