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Nouvelle-Calédonie
POLLUTION LUMINEUSE : RÉGLEMENTER POUR PROTÉGER LES ÊTRES VIVANTS
Ci-dessus : lumières nocturnes sur le port de plaisance de Nouméa. ©ŒIL
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Le projet Pollux NC fournit pour la première fois des données sur la pollution lumineuse à l’échelle locale. L’agglomération du Grand Nouméa, les sites miniers Koniambo Nickel et Prony Resources, ainsi que les bandes littorales, affichent d’importantes valeurs de luminance.
INTERVIEW
ANNE LATASTE, RESPONSABLE COMMUNICATION SCIENTIFIQUE À L’OBSERVATOIRE DE L’ENVIRONNEMENT EN NOUVELLE-CALÉDONIE (OEIL NC)
• Le projet Pollux NC étudie pour la première fois la pollution lumineuse en Nouvelle-Calédonie. Pourquoi l’OEIL s’intéresse-t-il à ce sujet ?
- Ce projet a été retenu en décembre 2020 par le programme de financement européen BEST 2.0+. Il a démarré en juillet 2021 et a pris de l’ampleur en cours de route car nous avons rencontré un grand engouement de la part des collectivités, des gestionnaires des parcs d’éclairage public, des associations…
L’accompagnement financier de ces acteurs nous a permis d’acheter des images satellitaires, d’approfondir les analyses et de louer une sonde au CNES (Centre national d’études spatiales) pouvant mesurer la qualité du ciel nocturne, afin de croiser nos données avec les informations enregistrées au sol.
• Après 20 mois de travail, quelles conclusions tirez-vous de cette étude ?
- L’étude nous a montrés que la Nouvelle-Calédonie se situe parmi les zones les moins touchées par la pollution lumineuse dans le monde. Environ 90 % du territoire affiche des valeurs de luminance non perturbées, à l’exception de certains lieux dont les scores indiquent une importante pollution lumineuse.
C’est le cas de l’agglomération du Grand Nouméa, avec un noyau très perturbé sur la presqu’île de Nouméa, de la commune de Voh (Nord), où est implanté le site de Koniambo Nickel, et des communes de Yaté et du Mont-Dore, où se trouve le complexe industriel et minier Prony Resources.
Partout où il y a de l’activité humaine, on observe des îlots de luminance élevée, particulièrement sur les parkings de supermarchés, près de certains hôtels, sur les sites miniers et leurs quais de chargement lorsqu’ils travaillent la nuit. Les îlots et les bandes littorales sont aussi particulièrement soumis aux lumières artificielles car une grande partie de la population s’y retrouve.
• Quelles sont les conséquences de cette pollution nocturne sur les êtres vivants ?
- On a recensé 2 300 échouages d’oiseaux marins en 15 ans de données. Trois espèces sont particulièrement touchées, le puffin fouquet, le pétrel de Gould et le pétrel de Tahiti. La pollution lumineuse a de nombreuses conséquences sur les êtres vivants mais il n’existe aucune réglementation sur le territoire. Elle provoque notamment un déplacement des lieux de vie de certaines espèces, change les rythmes de reproduction des coraux…
• Le danger est-il plus grand au sein de certaines communes ?
- On a identifié les communes sensibles selon l’intensité de l’enjeu écologique et l’importance de la pollution lumineuse. Les sites abritant des mangroves, des forêts sèches, des herbiers peu profonds, des récifs coralliens frangeants ou les zones de microendémisme végétal sont les plus fragiles. Nouméa, le Mont-Dore, Dumbéa, Païta ou Voh sont les communes les plus concernées.
• En quoi consistent vos recommandations pour intégrer cette pollution lumineuse dans les politiques publiques du territoire ?
- Il est nécessaire de prendre en compte ces enjeux dans la réglementation, afin d’adapter par exemple les choix techniques des équipements.
Il faut ensuite étudier et suivre cette pression car on fait face à un important déficit de données sur les impacts de cette pollution à l’échelle locale. Nous recommandons de standardiser les protocoles et d’adopter de bonnes pratiques d’éclairage dans les parcs et espaces publics. On peut envisager une extinction saisonnière sur le littoral ou définir une liste de zones sensibles où l’éclairage est prohibé.
Enfin, il est important de sensibiliser le grand public, les gestionnaires, les collectivités et les acteurs privés.