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EXPERTISE GRANDS FONDS MARINS : L’IRD LANCE UNE PLATEFORME RÉGIONALE D’ÉCHANGES DANS LE PACIFIQUE
L’IRD s’est vu confier la réalisation d’une expertise scientifique collective portant sur les enjeux de connaissance et de gouvernance des grands fonds marins. Pour mener à bien cette mission, l’Institut organise une plateforme régionale d’échanges au sein du Pacifique.
La mission pour l’expertise et la consultance de l’IRD a mis en place un comité d’expert.es composé de 14 scientifiques, de différents organismes de recherche (IRD, CNRS, Ifremer, MNHN) et de trois universités (Sorbonne, Bretagne Occidentale, Versailles-SaintQuentin). Coordonnée par Pierre-Yves Le Meur et Valelia Muni Toke, anthropologues à l’IRD, cette expertise Grands fonds marins poursuit deux objectifs majeurs :
• faire l’état des lieux des savoirs sur les grands fonds marins, de leurs usages actuels et futurs – dont l’exploitation minière – des impacts avérés ou potentiels de ces usages, et de la gouvernance de ces espaces ;
• produire des recommandations en matière de politique nationale des grands fonds marins.
Les résultats provisoires de cette expertise seront présentés lors de la Conférence des Nations Unies sur les Océans, en juin 2025 à Nice. Quant aux résultats définitifs, ils seront publiés aux éditions de l’IRD en accès libre, début 2026.
Au regard de l’importance des zones économiques exclusives (ZEE) des territoires français et des eaux internationales dans le Pacifique, mais aussi de la diversité des positionnements des pays de la région s’agissant des grands fonds marins, l’IRD met en place une plateforme d’échanges dans cette zone. Celle-ci réunira des participants d’une quinzaine de pays et territoires du Pacifique insulaire et vise à :
• partager collectivement les expériences, compétences, savoir-faire, usages, visions, projets, perspectives et attentes de chacun en la matière ;
• échanger sur la diversité des modalités de gouvernance des grands fonds marins ;
• alimenter la réflexion de l’expertise collective, dont les résultats seront aussi restitués aux représentants des pays et territoires du Pacifique ;
• offrir un espace neutre d’échanges entre les divers représentants des pays et territoires insulaires du Pacifique sur la question des grands fonds marins.
INTERVIEW
VALELIA MUNI TOKE, ANTHROPOLOGUE À L’IRD
• Comment s’organisent les échanges au sein de cette plateforme régionale dans le Pacifique ?
- Une première rencontre s’est tenue à Nouméa en mars, qui a nourri l’état des lieux de la pluralité des connaissances des grands fonds. Une seconde rencontre aura lieu en Polynésie française en décembre. Ces échanges permettent de croiser les points de vue des acteurs du Pacifique concernés : gouvernements, services techniques, autorités coutumières, société civile, ONG et organisations régionales. « Que voulons-nous faire des grands fonds marins ? », c’est la question à laquelle tous ces acteurs sont invités à réfléchir ensemble. Chacun peut faire entendre sa voix sur ce sujet qui est d’actualité, en raison de la demande faite en 2021 à l’Autorité internationale des fonds marins d’établir un code minier concernant les eaux internationales.
• En filigrane apparaît la question de l’exploitation de métaux rares dans les grands fonds marins ?
- La France s’est positionnée fin 2022 contre l’exploitation des grands fonds marins, et la communauté scientifique alerte sur les lourds impacts écologiques que provoqueraient ces activités industrielles sur l’environnement sous-marin, et probablement aussi de surface. S’ils partagent ces préoccupations environnementales, certains pays de l’océan Pacifique nourrissent à l’égard de la mine sous-marine des points de vue divergents, pour des raisons économiques ou de souveraineté.
Notre plateforme traite plus largement des usages des grands fonds et de leur gouvernance, mais sans ignorer la question cruciale des ressources minérales, puisque le Pacifique héberge notamment dans ses eaux internationales la fameuse zone de « Clarion-Clipperton » dont les nodules polymétalliques suscitent de nos jours la convoitise de certains États.
• Qu’en est-il de l’état des connaissances sur les grands fonds marins ?
- Les scientifiques connaissent encore très peu les grands fonds marins, qui sont extrêmement difficiles d’accès et donc peu explorés. En tant qu’anthropologue, j’étudie l’articulation de ces savoirs scientifiques encore en cours de production avec d’autres formes de savoirs, ceux que détiennent les habitants du Pacifique, qui connaissent de manière empirique les courants, les zones poissonneuses, les changements de couleur de l’eau indiquant la profondeur... Ce sont des savoirs « expérientiels » amenant à une autre perception de l’océan. Il n’est pas vu comme un espace à conquérir mais comme un trait d’union entre deux terres, dans une démarche holistique. La question reste de savoir comment la gouvernance actuelle de ces espaces peut intégrer ces points de vue et ces pratiques autochtones.