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Wallis-et-Futuna

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QUI SONT LES PETITS « MALUTAI » DE WALLIS ?

L’archipel a vu naître sa première aire marine éducative (AME) en 2022. Grâce à l’implication des instituteurs de l’école de Logolelei à Malae’fo’ou, dans le sud de l’île de Wallis, 32 élèves s’attellent aujourd’hui à la conservation de leur littoral et de la mer. 

INTERVIEW

CHANEL LAKALAKA, INSTITUTEUR EN CYCLE 3 (CM1, CM2, 6 ÈME) CHARGÉ DE L’AIRE MARINE ÉDUCATIVE DE LOGOLELEI

Chanel Lakalaka
• Pourquoi avoir choisi de lancer une AME ?

- La raison principale, c’est le constat de la perte du lien des enfants avec leur environnement. Notre culture ancestrale risque d’être oubliée car les enfants deviennent sédentaires et ne sortent plus. L’AME les reconnecte à la nature et aux savoirs traditionnels, en passant par notre langue locale. En wallisien, un même poisson peut avoir quatre noms différents selon sa taille, cela montre l’importance de la mer dans notre culture ! Du point de vue pédagogique, l’AME permet de faire l’école autrement, dans la nature à proximité.

DANS MA CLASSE, SEULEMENT DEUX ÉLÈVES SAVAIENT NAGER ! C’EST UN PHÉNOMÈNE RÉCENT QU’IL EST ENCORE TEMPS DE RATTRAPER
• Comment avez-vous mis en place ce projet ?

- Sa création a été assez compliquée en raison du manque de structures pédagogiques et d’experts. Mais avec l’appui du Service territorial de l’environnement (STE), nous avons fini par obtenir le soutien de nos autorités locales et par lancer une collaboration avec la Polynésie française pour nous appuyer sur leur modèle d’AME. Avec Sylvia Pressense, la deuxième institutrice impliquée, qui a porté avec moi ce projet, nous sommes même allés sur place, grâce à l’OFB. Les élèves ont ensuite dressé le portrait de leur aire marine et identifié les pressions après un diagnostic écologique de l’association Pala Dalik.

Visite d’élèves de l’AME de Wallis à Moorea.
© Chanel Lakalaka
• Quel est le bilan de cette 2ème année d’AME ?

- Les bénéfices que nous constatons sont vraiment tangibles. Les enfants apprennent à nager et sont enthousiastes. Ils deviennent des défenseurs de la nature, parfois avec une fermeté surprenante, qui peut même entraîner des tensions familiales ! Mais nous leur apprenons à agir de manière concertée et réaliste. Des journées de transmission ont lieu avec les parents et les autres écoles, et nous renforçons aussi nos liens avec nos voisins du Pacifique.

Les élèves de l’AME dans la mangrove d’Utufua. En une matinée, 466 palétuviers ont été plantés dans la pépinière du village.
© Chanel Lakalaka
AVEC L’AME, JE VOIS MAINTENANT DES ENFANTS JOUER EN MER LE WEEK-END, CE QUI ÉTAIT DEVENU RARE ! LES ÉLÈVES SE SONT MÊME DONNÉ UN NOM INVENTÉ ENWALLISIEN : “MALUTAI”, QUI SIGNIFIE “GARDIENS DE LA MER”
La première sortie de découverte sur l’herbier a été très instructive : les élèves ont appris qu’il ne s’agissait pas d’algues ! Ils ont aussi été étonnés de trouver de nombreuses palourdes, alors qu’elles avaient disparu du sud de l’île. Avec l’aide d’un scientifique, ils ont compris que cela pourrait bien être lié au retour de la mangrove toute proche et ont donc vu de leurs yeux l’intérêt de conserver et restaurer ce milieu.
© Chanel Lakalaka
• Quels sont vos projets pour la suite ?

- Lors du dernier conseil de la mer, les enfants ont décidé de s’impliquer sur les enjeux de la pêche et de mener des actions de sensibilisation pour informer les pêcheurs du risque d’épuisement des ressources et des solutions à mettre en place.

Notre ambition est aussi d’étendre le nombre d’AME à Wallis – cette année, la plus grande école de l’île a suivi le mouvement ! – et, pourquoi pas, présenter notre lagon à l’UNESCO avec l’aide des enfants.

Nous voulons également interpeller la communauté internationale sur les menaces face auxquelles nous sommes impuissants, telles que l’afflux de déchets notamment en provenance d’Asie. Les enfants réalisent que nous sommes tous interconnectés.

Rédaction et interview : Romy Loublier
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