Dominique Gallet
SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE Les îles du milieu du monde
SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE
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Couverture :
La roça Bombaim, aujourd’hui relais pour les randonneurs. Photo Dominique Gallet. ¤ Éditions KARTHALA, 2008
ISBN : 978-2-8111-0025-4
Dominique Gallet
São Tomé et Príncipe Les îles du milieu du monde
Nouvelle édition revue et augmentée
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Pour toi Alain « Si peu de gens savent que nous existons, que nos deux îles ne sont pas une pure fiction littéraire. Saint-Thomas et Prince, le nom de notre archipel ressemble à un titre de conte médiéval. Nous méritons une attention plus vaste. » Jean-Yves Loude.
Remerciements
Que soient ici remerciés tous ceux qui m’ont aidée dans cette seconde édition : M. et Mme Frédéric Merlet et tous les membres du service d’action culturelle et technique de São Tomé, ainsi que toutes les personnes qui m’ont consacré quelques minutes : Mmes Jane Pereira, Nazaré de Ceita, Pierrette Chaptal, Isaura Carvalho, Talia Prado ; MM. Carlos Vila Nova, Armindo Lopes, Agostinho Dòria, Carlos Agostinho das Neves, Jorge Lopes Bom Jesus, Agostinho Rita, Carlos Trigueiros, Bastien Lolum, Antoine Bailly, Armindo Aguiar, Frederico dos Anjos, René Tavarez.
Les îles du golfe de Guinée Carte extraite de « L’île de São Tomé » de Francisco Tenreiro Les îles de Fernando Póo et Ano Bom sont devenues terres espagnoles par le traité du Pardo, en 1778 ; elles font aujourd’hui partie de la Guinée équatoriale et s’appellent Bioko et Pagalu.
São Tomé et Príncipe en chiffres SITUATION : archipel d’Afrique centrale, dans le golfe de Guinée, à 220 km de la côte nord-ouest du Gabon. L’île de São Tomé est située entre 0°00’ et 0°25’ N et 6°28’ et 6°39’ E, soit presque au croisement de la ligne de l’équateur et du méridien de Greenwich. L’île de Príncipe est comprise entre 1°32’ et 1°36’ N et 7°20’ et 7°26’ E. L’îlot des Rolas, le plus méridional, est traversé par l’équateur. Les deux îles principales sont distantes l’une de l’autre de 82 milles (152 km). Les pays les plus proches sont le Nigeria au nord, le Cameroun et la Guinée équatoriale au nord-est, le Gabon à l’est. SUPERFICIE : 1 001 km². L’île de São Tomé constitue les 9/10e du territoire. Comprise dans un rectangle d’environ 47 km de long sur 24 km de large, elle couvre 854 km². L’île de Príncipe s’inscrit dans un rectangle de 19 km sur 15 km ; sa superficie est de 136 km². La République démocratique de São Tomé et Príncipe (RDSTP) est l’un des plus petits États du monde, le deuxième en Afrique après les Seychelles. POPULATION : 157 000 habitants (INED, 2007), dont 50 000 dans la capitale et 7 000 sur l’île de Príncipe. Croissance démographique : 2,46 % (INED, 2007). Population urbaine : 45 %. Croissance urbaine : 2,5 %. Densité moyenne : 145 hab./km². Espérance de vie à la naissance : 65,6 ans. Taux d’alphabétisation : 75 %. Taux de chômage : 30 %. Indice de développement humain : 123e rang sur 177 pays (PNUD, 2007-2008). VILLES : São Tomé (capitale) : 52 000 habitants (1/3 pop. totale). Sur l’île de São Tomé, villes et localités : Trindade (seconde ville du pays), Guadalupe, Neves, Santana, Santo Amaro, São João dos Angolares, Porto Alegre. Sur l’île de Príncipe : Santo António (1 500 hab.). LANGUES : portugais (langue officielle) ; langues nationales : forro (à São Tomé), moncó (à Príncipe) et ngola (parlée par les Angolares). Le français et, à moindre degré, l’anglais sont compris, souvent parlés par les Santoméens. DRAPEAU : bandes horizontales jaune et verte, triangle rouge près de la hampe, deux étoiles noires symbolisant les deux îles de l’archipel. HYMNE NATIONAL : « Indépendance totale ». JOURS FÉRIÉS : 1er janvier ; 4 janvier (jour du roi Amador) ; 12 juillet (fête nationale) ; 6 septembre (fête des Forces armées) ; 21 décembre (jour de São Tomé) ; 25 décembre (Noël).
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE RÉGIME POLITIQUE : parlementaire, avec élection au suffrage universel du président de la République. Situation de cohabitation politique depuis plus de dix ans : le président (réélu en 2006) est Fradique de Menezes. Les élections présidentielles ont lieu tous les cinq ans. ORGANISATION TERRITORIALE : six districts sur l’île de São Tomé (dont Agua Grande et Mé-Zoch où vivent les deux tiers de la population). L’île de Príncipe a, depuis 1994, le statut de région autonome (gouvernement régional, constitué d’un président et de quatre secrétaires régionaux, et assemblée régionale de sept députés). RELIGIONS : catholique à 80 % ; nombreuses églises protestantes ; une mosquée de construction récente. MONNAIE : la dobra (le doublon). En janvier 2008, 1 euro = 21 500 dobras. La dobra n’est pas convertible. ÉCONOMIE : PIB : 100,4 millions de dollars (EIU) (part des secteurs d’activité : agriculture : 16,1 %, industrie : 14 %, services : 69,9 %). PIB/habitant à parité de pouvoir d’achat : 2 178 dollars (PNUD, 2007-2008). Taux de chômage : 38 %. Taux de croissance : 8 %. Taux d’inflation : 22,2 % (Banque centrale de São Tomé). Balance commerciale : -38,2 millions de dollars (mission économique française). Dette nationale : 340 millions. Exportations françaises vers STP : 11,28 millions. Importations françaises : 1,7 million. RESSOURCES : cacao, coprah, pêche, huile de palme, café, poivre, taro, banane, fleurs, tourisme.
INTRODUCTION
Singularité et charme de l’archipel
São Tomé et Príncipe, au cœur du golfe de Guinée, à près de 250 kilomètres au nord-ouest de la côte gabonaise, compte parmi les plus beaux archipels du monde. Le relief, la nature équatoriale, les styles de vie d’une population composite qui n’a eu de cesse d’humaniser ces terres depuis cinq siècles, une architecture, tant urbaine que rurale, plurielle et différente de celle du continent, confèrent à l’archipel une note hautement singulière et un charme indéniable. Pays en voie de développement, à l’équilibre fragile, São Tomé et Príncipe ne peut, ni ne souhaite, attirer un tourisme « grand public » comme le font, par exemple, les Antilles ou les Seychelles. En revanche, il entend favoriser un tourisme de qualité, proposant à la fois détente et découverte, dans un cadre unique. L’archipel a, en effet, beaucoup à offrir aux voyageurs curieux : des paysages étonnants dans une luxuriance rare ; une architecture inattendue sur le continent africain ; une histoire dense aux résonances universelles ; la rencontre d’une culture ; une ouverture de choix sur l’Afrique lusophone. Les invitations au voyage sont concrètes et multiples : découverte d’une terre inconnue non encore fréquentée, attrait d’un environnement îlien, curiosité pour la culture du cacao ou celles du café, du poivre, de la vanille... Intérêt pour l’ornithologie, envie de trekking sous l’équateur, de pratiquer l’écotourisme, goût pour les activités balnéaires (plongée sous-marine, voile, pêche au gros, surf...).
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L’empreinte de l’origine volcanique L’ensemble, situé au croisement de l’équateur et du méridien de Greenwich, est formé de deux îles principales : São Tomé, 857 km², et Príncipe, 138 km², qui composent le nom du pays, ainsi que d’une dizaine d’îlots. La formation de cet archipel, entité profondément originale, est l’œuvre du volcanisme. Tout comme les autres îles du golfe de Guinée, Bioko (ancienne Fernando Póo) et Pagalu (ancienne Ano Bom), ces terres sont les sommets émergés d’une chaîne volcanique formant un arc de cercle de 2 000 kilomètres d’extension, qui va de la rive sud du lac Tchad à la côte sud de l’île de Pagalu, au large de la côte ouest du Congo, et qui culmine au mont Cameroun, sommet des monts Bamoum, à 4 070 mètres (dans le nord-ouest du Cameroun). Deux fois et demie plus petite que l’île de Bioko en Guinée équatoriale, l’île de São Tomé est, en superficie, la seconde des quatre îles ainsi formées dans le golfe de Guinée, de plus en plus éloignées, du nord vers le sud, de la côte continentale. Par la vigueur de son relief et la diversité de ses expositions climatiques, l’île de São Tomé offre la plus grande variété de paysages entre toutes les îles volcaniques de l’Atlantique. Contrairement à la première impression que l’on peut en avoir depuis la côte, les paysages sont multiples et différenciés. À la beauté sauvage des côtes s’ajoute une riche diversité de formes qui se trouve accentuée par la dissymétrie du massif montagneux. Malgré la densité de la végétation et la difficulté d’accès en maints endroits, on peut reconnaître les formes de relief suivantes, ainsi que l’écrivain géographe santoméen Francisco José Tenreiro s’est attaché à les décrire : des chaînes de montagne de direction prédominante nord/sud et nord-ouest/sud-est, terminées par des formes aiguisées. Ce sont les pics (picos) : le pico de São Tomé culmine à 2 024 mètres, une dizaine de pics secondaires, sur la même île, atteignent les 1 000 mètres d’altitude et sont le plus souvent noyés dans la brume. Le pic de Príncipe, moins élevé, culmine à 948 mètres (mais l’île est tout aussi riche de formes, certes moins abruptes, plus enrobées encore de végétation, pleines d’un profond mystère). Les chaînes sont entaillées par de profondes vallées à la déclivité accentuée, où
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les rivières courent impétueusement, charriant des débris végétaux (tel le rio Contador). Parmi ces rivières, celles qui coulent vers l’est et le nord-est sont souvent interrompues de cascades et passent sous des arches de lave, « os pontes que Deus fez » ; des tertres (morros). Ce sont des cônes volcaniques constitués de blocs de lave et de scories. Certains sont couronnés de cratères bien conservés. De formation plus récente, on les trouve à la périphérie des chaînes montagneuses. Ils atteignent de quelques dizaines à quelques centaines de mètres (le Lagoa Amélia, de loin le plus haut, culmine à 1 492 mètres) ; des pains de sucre de forme douce et des « tours rocheuses », doigts de géant pointés vers le ciel. Les premiers sont plus abondants, on les trouve exclusivement dans le sud et au centre de l’île. Ce sont des formes caractéristiques, liées aux conditions climatiques des régions chaudes et humides, et à la nature de la roche. Parmi les « tours de roches », dykes ou aiguilles recouvertes d’un manteau de lave basaltique entaillée par l’érosion, particulièrement impressionnantes, les plus imposantes sont le Cão Grande (663 mètres) et le Cão Pequeno (390 mètres) ; des plages relevées et des terrasses. Sur tout le littoral du nord et du nord-est de l’île de São Tomé jusqu’à la Praía das Pombas, les plages témoignent des mouvements du niveau de la base de l’île. Elles sont parfois recouvertes de gros graviers, fossilisés ou non par des manteaux de lave ; des grottes basaltiques, observables notamment sur les côtes sudest et sud. Plusieurs phases éruptives se sont succédé, du Crétacé supérieur à la période récente : les îles ne se sont pas formées en une seule fois. La plateforme sur laquelle s’élève São Tomé est fortement inclinée dans la direction nord-est/sud-ouest ; elle a 4 000 mètres de profondeur sur le côté occidental, plus de 3 000 mètres sur le côté oriental. La côte orientale, en pente douce, ouverte par de nombreuses criques, a permis aux découvreurs de débarquer et favorisé l’impulsion initiale de la colonisation. Les premiers établissements humains, partis de la frange du littoral, ont progressivement gravi les vallées encaissées du Nord-Est et de l’Ouest. Le Sud, difficile d’accès, a connu une occupation tardive.
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Sous un climat équatorial océanique, la végétation explose : toute la gamme des verts, le noir des roches, le blanc du sable, le brun-rouge des chemins, la teinte orangée des érythrines à flanc de montagne, les cabosses des cacaoyers de couleurs différentes sur le même tronc (du vert ou brun-violet, en passant par le jaune d’or, l’orange, l’amarante, le carmin), le bleu du ciel qui parfois vire à l’anthracite, les mille nuances sans cesse renouvelées de la mer omniprésente, les formes éblouissantes de la végétation et du relief, la beauté des sourires échangés, la découverte des visages, les parfums de la terre se mêlant aux effluves marines... Une riche palette de sensations s’offre à la sensibilité du visiteur, une joie permanente pour l’œil du photographe ou de l’aquarelliste, au cœur le plus caché du monde, là où se rejoignent les hémisphères en un murmure d’alizés et de courants marins.
Une biodiversité exceptionnelle
La terre est d’une richesse organique exceptionnelle (les spécialistes distinguent trois types de sols). Des aires protégées assurent la protection de tous les biotopes présents sur l’archipel. Deux sites ont notamment fait l’objet d’un décret-loi les classant en parcs naturels : « Ôbo de São Tomé » et « Ôbo de Príncipe ». Près de 300 km² sont ainsi protégés et constituent, depuis deux ans, un parc national, à l’initiative d’un programme régional de conservation et d’utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (désigné par le sigle ECOFAC) soutenu par l’Union européenne (voir encadré, chapitre 6). La biodiversité de l’archipel et ses ressources écologiques se démarquent du continent africain par un taux d’endémisme élevé : un grand nombre d’individus, voire d’espèces, parmi les catégories animales ou végétales, sont devenus caractéristiques de chacune des deux îles. Les inventaires biologique et ornithologique réalisés par le projet ECOFAC ont, par exemple, montré que, sur près de 50 espèces d’oiseaux, plus de la moitié sont endémiques (tisserin de
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São Tomé, souimanga de Newton, euplecte monseigneur, courlis corlieu, chevalier aboyeur, phatéon à bec jaune, etc.). Outre des oiseaux vus nulle part ailleurs, on rencontre sur les deux îles 47 espèces différentes de papillons (dont 38 % sont endémiques), des perruches, des perroquets gris (à Príncipe exclusivement), quelques oiseaux de l’Ouest africain dont des espèces rares : ibis olivâtre, pie-grièche, short tail, oiseaux marins et de mangrove. On peut également croiser des espèces plus familières : des singes inoffensifs, des porcs et de rares vaches sauvages, 16 espèces de reptiles (dont le cobra noir, venimeux), des lézards, une quarantaine de mollusques différents, endémiques à près de 80 %, quantité de chiens errants dans les villes. La faune marine est considérable, particulièrement au large de Príncipe ; elle compte, entre autres, cinq des sept espèces mondiales de tortues marines (qui font l’objet d’un programme national de protection), des marlins bleus, des espadons voiliers, des barracudas, des thons, des requins et, de façon saisonnière, des baleines à bosse, dont on peut observer les évolutions de la côte. Depuis quelques années, l’organisation non gouvernementale Marapa (Mar, Ambiente e Pesca Artesanal) développe des projets innovants dans deux secteurs essentiels : l’appui à la pêche artisanale (à la senne ou à la traîne) et la protection de l’environnement côtier. 10 000 pêcheurs extraient chaque année 4 000 tonnes de protéines de l’océan, soit 85 % de la consommation nationale. Pour eux, Marapa a conçu et fabriqué des pirogues en contreplaqué, dotées d’un balancier les rendant plus stables et plus sûres, à même de remonter au vent. Les deux tiers de ces pirogues sont en effet dépourvues de moteur. Elle a également conçu un dispositif de composants naturels pour favoriser la montée à la surface, non loin des côtes, des poissons des profondeurs, non sans inquiétudes sur la réserve halieutique qui pourrait contraindre à pêcher de plus en plus loin... Les pêcheurs sont désormais organisés en coopérative. À l’une des extrémités de la baie, au pied de la presqu’île de l’Hôpital, une unité de transformation, attenante à une criée, est en construction. Une poissonnerie est prévue en centre-ville. La constitution d’une chaîne du froid constitue un enjeu important pour le secteur : des chambres froides permettraient d’assurer un prix constant et
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rendraient possible l’exportation vers les côtes du continent. La protection de l’environnement côtier est centrée sur la conservation des tortues marines, dont quatre espèces viennent, deux fois par an, pondre sur les plages de l’archipel où elles-mêmes sont nées (voir encadré du chapitre 6). D’après le Guide des oiseaux de São Tomé et Príncipe édité par ECOFAC, plus de 800 plantes sont recensées dans l’archipel, dont environ 120 sont endémiques. Parmi les fleurs, trois, que l’on trouve également sur le continent, retiennent l’attention des touristes : la « rose de porcelaine », la « rose vermeille », les « becs de perroquets » aux épais pétales charnus, aux formes bien dessinées et décoratives. Le Guide des orchidées de São Tomé et Príncipe, publié en 2006, est l’aboutissement d’un remarquable travail de recherche ; il présente soigneusement, sur 257 pages, des fleurs moins visibles, très rares, voire uniques : 135 variétés d’orchidées, épiphytes et terrestres, dont 35 sont endémiques, ont été recensées. Elles sont le plus souvent de petite taille et appartiennent à trois genres : polyskchia, bulbophyllum, cyrtorïs. L’association Monte Pico a pris le relais des techniciens de l’ECOFAC pour assurer le maintien et la valorisation de ce patrimoine naturel unique au monde. Composée de botanistes et d’une quarantaine de guides, l’association entretient le jardin botanique de Bom Successo, en valorisant la flore (bégonias géants, fougères arborescentes, euphorbiacées, melastomatacées, etc.) et en recevant botanistes, biologistes, agronomes, étudiants et touristes du monde entier. Elle participe activement au développement de l’écotourisme.
Sur São Tomé, la végétation s’étage du littoral à la « forêt de brume »
Le domaine forestier comprend la forêt naturelle (ou primaire), la forêt secondaire (capoeira), la forêt d’ombrage ainsi que les palmeraies.
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Sur la seule île de São Tomé, les formations forestières représentent 85 000 hectares, dont 50 000 hectares disponibles en forêt primaire et secondaire. Dans le sud-ouest de l’île, 55 % de ces forêts sont inaccessibles du fait du relief et des conditions climatiques défavorables. Le reste, souvent difficilement accessible en raison de la dégradation des pistes, formerait un potentiel de 7 millions de m³ en bois d’œuvre, encore faiblement exploité, à l’exception de la forêt d’ombrage. En 1944, un botaniste britannique nommé Exell parcourut l’île de São Tomé afin de dresser un Catalogue of the Vascular Plants of S. Tomé. Sa description des différents milieux reste exacte et le Guide des oiseaux de São Tomé et Príncipe, paru en 1998, s’en inspire. Il note par exemple qu’au-dessous de 800 mètres d’altitude s’étendent, en partant des côtes, les plantations de cocotiers (8 000 hectares plantés) – jusqu’à 150 mètres d’altitude dans le sud de São Tomé, à Agua Izé, Porto Réal, Ribeira Peixe et Porto Alegre, à Diogo Vaz dans le nord –, celles de palmiers à huile (3 500 hectares), puis celles de cacaoyers (25 000 hectares cultivés) et de caféiers (985 hectares). Ces plantations ont conservé l’ombrage (qui leur est nécessaire) de grands arbres, parmi lesquels les érythrines se distinguent par leur floraison rouge orangé qui donne un aspect automnal au flanc des hauteurs vues de la côte. Autour des roças et de leurs habitations s’étendent des cultures de bananiers, de papayers, de taros, quelques arbres à pain et quelques jacquiers à la chair particulièrement nourrissante. Les côtes sont, elles, couvertes des cocoteraies ; en tant que culture, celles-ci sont surtout importantes dans la région de Porto Alegre, dans le sud de l’île. La côte orientale, autour de Ribeira Peixe, comporte de vastes palmeraies plantées et entretenues comme culture industrielle. Il y a cinquante ans, les forêts primaires, à proprement parler, n’existaient déjà plus vraiment à basse altitude : le fait est qu’il n’existe plus de succession ininterrompue des différents types de végétation depuis le littoral jusqu’à « la forêt de brume » où se perdent les sommets. Toutefois, dans le sud-ouest de l’île, à une altitude inférieure à 800 mètres, de grandes étendues forestières présentent encore un aspect primaire, bien que les basses vallées aient été cultivées. Les forêts comprises entre les bassins des
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rivières Rio Grande et Ana de Chaves présentent également un aspect primaire et leur composition floristique ne paraît pas avoir subi de grands changements : d’abruptes vallées y auraient rendu toute culture impossible à long terme. En revanche, toute la partie septentrionale et orientale de l’île, au relief plus doux, a été intensément défrichée et cultivée. Le nord de l’île, moins arrosé, comporte des zones de savanes dès les alentours de l’aéroport et le long de la côte vers l’ouest jusqu’à Lagoa Azul. Ces zones correspondraient aux très anciens défrichements ayant été réalisés dès le XVIe siècle pour la culture de la canne à sucre. À proximité de la capitale (en surplomb de la baie de Lagarto) et autour de l’aéroport, ce sont encore des milieux mixtes avec des champs de maïs, de canne à sucre, de légumes, ou des cocoteraies disséminées. Cette végétation est soumise à des feux périodiques qui la maintiennent en état de savane. Par contre, vers Lagoa Azul, le paysage a repris un aspect naturel, offrant des savanes herbeuses, des savanes arbustives sèches comprenant des tamariniers et des baobabs (semblables à ceux de Madagascar) sur des lisières de galeries ou en bord de mer. C’est l’habitat d’une avifaune savanicole, que l’on trouve aussi sur la côte orientale, grâce aux herbages à graminées le long de la route, et en bordure de la corniche, sur la côte occidentale. Une vingtaine de rivières, parmi les plus importantes, sillonnent les deux îles. La plus large, le Rio Grande, joua un rôle déterminant dans l’emplacement de l’actuelle capitale. L’embouchure de petites rivières au cours lent est parfois parsemée de mangroves, comme celle de Praía das Conchas, de Praía dos Tamarindos, de Pantufo, de Malanza (dans la région de Porto Alegre). Des familles de hérons et de cormorans y nichent. Les rivières plus larges présentent souvent l’aspect de torrents de montagne, aux eaux claires et non chargées de matière organique. Elles coulent sur des lits de rochers et de galets, leur niveau est très variable selon les pluies en amont. Parfois, des massifs de bambous ont été plantés en aval pour en stabiliser les rives : de grandes bambouseraies agrémentent ainsi le paysage des bords de rivières. Au-delà de 800 mètres d’altitude, la nébulosité est beaucoup plus forte. Les pluies se font fréquentes dans l’après-midi. Il n’est
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pas rare que la brume stationne tout au long du jour. Jusqu’à près de 1 000 mètres on peut encore trouver des plantations de café, mais la plupart ont été transformées en cultures de légumes (au moins jusqu’à 1 150 mètres, à Bom Sucesso). Ce sont les dernières cultures : au-dessus commence la forêt de montagne qui s’étend jusqu’à 1 400 mètres. Elle couvre tout le centre de l’île, autour du pic de São Tomé et des massifs environnants, se prolongeant vers le sud jusqu’au mont Cabumbé (1 403 mètres). C’est le château d’eau de l’île, où toutes les rivières ont leur source. Exell nomme mist-forest, « forêt de brouillard » ou « forêt de brume », la partie de la forêt qui couvre les pentes, de 1 400 à plus de 2 000 mètres. Les arbres deviennent plus petits, la brume est permanente ou presque, les plantes épiphytes (qui croissent sur d’autres plantes sans les parasiter) deviennent très nombreuses, les températures sont basses. Pas de prairies ni de grandes aires dégagées, seuls quelques pieds d’une bruyère endémique se trouvent disséminés sur la crête du pic.
Seule la moitié nord de Príncipe est cultivée
L’île de Príncipe, environ 15 kilomètres de long sur 10 de large, est grossièrement divisée en deux parties. Au nord d’une ligne passant, d’est en ouest, par les anciennes roças Nova Estrela, Bela Vista, Porto Real, Lapa, la moitié septentrionale est cultivée. Délimité par les contreforts des massifs montagneux, le sud n’est actuellement quasiment pas en culture bien qu’il soit d’altitude moyenne (au sud-est, la roça Dom Henrique a été abandonnée au début des années 1980, mais une autre roça a été créée récemment par Claudio Corallo (voir chapitre 3) : Terreiro Velho. Quelques forêts de basse altitude (jusqu’à 200 mètres) s’étendent au sudouest. Le centre du massif montagneux demeure inconnu : la nature du terrain (fortes pentes) et une pluviosité presque constante rendent, en effet, son exploration difficile.
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La plus grande partie de la moitié nord de l’île est couverte de plantations de cacao et de café, parfois abandonnées, et de cocoteraies, surtout près des côtes. Quelques places de végétation secondaire rompent ce type de paysage : à l’ouest de l’aéroport jusqu’à la route de Sundy, et de cette route jusqu’à Ponta do Sol et Oque Daniel. Ce sont des forêts de faible hauteur, à sous-bois dense et humide. La présence de vieux arbres à pain ou de manguiers interdit de les qualifier de primaires ; elles auraient été abandonnées en qualité de culture en raison de la nature géologique du sol. La partie centrale de l’île est caractérisée par un bas-fond marécageux recouvert d’une végétation en buissons, très dense, de quelques mètres de hauteur. En l’absence de zones de savanes, des plantes graminées, sur le bord des routes, au pourtour de l’aéroport et des terrains de sport, permettant la présence de petits oiseaux granivores, suffisent à faire de l’île un lieu d’escale pour des oiseaux migrateurs européens et africains. Les îlots rocheux au large des côtes abritent des colonies d’oiseaux de mer, notamment les îles Tinhosas (à 22 kilomètres au sud-ouest de l’île, accessibles en bateau). Seul l’îlot Boné do Joquei (ou Caroço), qui atteint 300 mètres d’altitude, est couvert de végétation. Les autres îlots sont arides.
En plein Atlantique, un milieu marin bénéficiant de « l’effet d’île »
En raison de l’origine volcanique de l’archipel, le plateau continental de chacune des îles est étroit. Celui de São Tomé, avec 436 km², est peu développé ; celui de Príncipe, avec 1 023 km² est plus étendu, surtout dans le sud-ouest de l’île. Pour l’ensemble de l’archipel, le rapport plateau continental/terres émergées est voisin de 1,5. São Tomé compte environ 150 kilomètres de côtes ; Príncipe, 72 kilomètres. Les côtes sont découpées par de nombreuses baies comportant près d’une cinquantaine de plages sur les deux îles (le sud-ouest de São Tomé en est totalement dépourvu).
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En l’absence de réel phénomène d’upwelling, la richesse des eaux marines en espèces végétales et animales est relativement limitée. Seule la partie sud de la zone économique exclusive (eaux territoriales) du pays se trouve, périodiquement, influencée par la remontée d’eaux froides riches en sels minéraux (d’où la présence saisonnière de thons). Toutefois, l’ensemble de l’archipel bénéficie de l’« effet d’île » : la présence de la terre au milieu de la masse des eaux provoque un brassage localisé et une remontée des eaux profondes. La masse de matière vivante animale (biomasse maritime), hors thonidés océaniques, est évaluée à 12 000 tonnes par an (dont 9 000 à Príncipe). L’île de Príncipe disposerait ainsi de ressources halieutiques (provenant de la pêche) trois fois supérieures à celles de São Tomé, alors que sa population est trente fois moindre. À cette biomasse s’ajoutent les espèces vivant dans les profondeurs de l’océan, dont le potentiel est mal connu. Des requins croisent au large des deux îles, des dauphins escortent les bateaux autour de Príncipe, île de réputation internationale pour la pêche au gros et la plongée (malgré l’absence de massif corallien). Un banc de baleines à bosse (ou cachalots), parcourant de manière cyclique le pourtour de l’océan Atlantique, longe la côte orientale de l’île de São Tomé ; son passage peut avoir lieu de la mi-août à la fin septembre et peut être observé depuis la côte.
Sous l’équateur, un climat très variable
Le climat de l’archipel est équatorial-océanique, dominé par les mouvements saisonniers des basses pressions équatoriales. Il présente une grande variabilité liée à l’insularité, au relief très accidenté, aux vents de mousson venant du sud (front intertropical se déplaçant) et au courant chaud du golfe de Guinée. La pluviométrie annuelle moyenne est inférieure à 600 millimètres dans le nord-est de l’île de São Tomé (zone semi-aride de savanes) ; elle suit un gradient qui augmente progressivement pour
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atteindre plus de 6 000 millimètres (soit plus de 6 mètres d’eau par an) dans le sud-ouest de l’île. La saison des pluies se situe d’octobre à mai ; elle est toutefois entrecoupée d’une petite saison sèche en janvier-février (gravanito) au cours de laquelle la luminosité est particulièrement belle. La grande saison sèche (gravana) s’étale de juin à septembre ; elle s’accompagne parfois d’un ciel légèrement voilé par l’harmattan. L’archipel, enfin, n’est pas concerné par le passage de cyclones. L’ensoleillement dépend de la pluviométrie : il est très faible dans le Sud très pluvieux (600 à 900 heures par an) ; moyen dans le Nord-Est, plus sec (1 000 à 1 600 heures par an). La température moyenne annuelle est de 27,7 °C à São Tomé, au niveau de la mer, avec une amplitude thermique de 6 à 7 degrés en fonction des saisons. Elle diminue avec le relief, pour n’atteindre qu’une vingtaine de degrés à 700 mètres d’altitude. Durant la période la plus chaude, en janvier, en février, le thermomètre atteint alors 30 °C et plus sur le littoral. L’humidité relative, variant de 60 à 90 %, donne, plus que la chaleur, la dominante climatique qui fut cause des difficultés rencontrées par les premiers arrivants, les colons portugais.
Une des marques les plus expressives de l’expansion portugaise en Afrique
Encore largement méconnu de beaucoup d’Européens, ce pays présente, par sa culture, son architecture notamment, une des marques les plus expressives de l’expansion portugaise en Afrique. Situé « au milieu du monde », sur la ligne de l’équateur (et à son intersection avec le méridien de Greenwich), comme ne manquèrent pas de le remarquer les découvreurs, son développement et sa personnalité d’aujourd’hui s’apparentent à ceux des îles de l’Atlantique et au Nordeste brésilien. Il fut toutefois, jusque très récemment, un cas unique dans le monde portugais par sa structure agraire. Premier producteur de cacao du monde en 1913, São Tomé
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et Príncipe, dont l’indépendance n’a guère qu’un peu plus d’une trentaine d’années, offre toujours un monde à découvrir. Tout comme l’architecture, la vie culturelle santoméenne est marquée par un passé où se mêlent les origines portugaises et africaines : elle est colorée, riche et diverse. Le Musée national, logé dans l’ancienne forteresse São Sebastião, est un bon reflet de cette variété culturelle : il possède une collection d’art sacré, catholique et vaudou en des salles séparées, des reconstitutions d’intérieurs traditionnels de l’époque coloniale (notamment une éloquente mise en vis-à-vis de deux chambres à coucher : celle d’un colon et celle de son esclave), une galerie de portraits impressionnante (de gouverneurs, mais aussi de victimes des massacres de 1953). À l’entrée, on remarquera les toiles de Manuela Vigôço (1945). Depuis 2004, une salle entièrement consacrée aux tortues marines a été ouverte. La « Casa das tortorugas », exposition permanente, signale une volonté d’intégrer pleinement les questions environnementales dans le patrimoine de l’archipel. La capitale abrite également une institution précieuse pour l’histoire locale et, au-delà, celle de l’expansion portugaise : les Archives historiques, créées en 1969. Depuis peu, enfin, ont été ouvertes une bibliothèque nationale et une médiathèque, sur la même place, derrière la poste (Correio). Cinq cents ans d’une histoire fortement marquée par l’éducation et la culture catholiques se reflètent dans les processions que la ferveur populaire voue à différents saints. Chaque fête de village est l’occasion d’honorer le saint patron de la localité, en transportant sa statue dans les rues, en chantant et en dansant. À travers ces moments de vénération s’expriment pleinement l’amour du rituel et la joie éprouvée aux manifestations culturelles collectives. Le rôle de l’Église catholique portugaise a été fondamental dans l’élaboration de l’identité santoméenne, durant cinq siècles ; elle a non seulement évangélisé, mais aussi structuré, éduqué, formé les générations successives depuis le premier peuplement. Cependant, si le catholicisme a toujours fortement modelé les consciences, la liberté de culte et de religion contribue, depuis quelques années, à l’implantation rapide d’Églises protestantes et d’associations religieuses d’obédiences diverses. Une mosquée a
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récemment été édifiée, au sortir de la capitale en direction de Santana. L’animisme, toujours vivace, se traduit par des cultes discrets rendus aux aïeux et aux êtres inconnus. Les sorciers (curandeiros ou feiticeros) sont craints ; des cérémonies qui s’apparentent au vaudou ont lieu à l’abri des regards étrangers, sous le nom de djambi.
Une ambiance calme et souriante, où l’on parle volontiers français
L’archipel compte environ 175 000 habitants, dont 6 000 demeurent à Príncipe. Les Santoméens sont courtois et détendus, et cela malgré des conditions de vie difficiles. La vie quotidienne se déroule selon le rythme décontracté et paisible, tout à fait typique, désigné par l’expression « leve, leve » (doucement, doucement). Le stress et la fébrilité, voire l’insécurité, observables presque partout sur le continent, ne font pas partie du climat social des îles, sur lesquelles l’océan semble sans cesse renvoyer sa plénitude et la paix de l’infini. Largement métissée, ouverte sur le monde et parlant fréquemment le français (dont l’enseignement est obligatoire durant les cinq premières années du cycle secondaire, optionnel ensuite), la population a, au cours de son histoire, assimilé de nombreux croisements culturels, habitudes et comportements venus du Portugal et de la Méditerranée, de Bahia et du Nordeste brésilien, des autres îles de l’Atlantique, de la côte africaine du golfe de Guinée, de l’Angola et même de l’Inde (comme l’attestent certains plats à base de curry). Le taux d’alphabétisation est relativement élevé (75 %) et l’espérance de vie atteint plus de 60 ans. Compte tenu des particularités géographiques et climatologiques des îles, les Santoméens ne sont pas confrontés à la malnutrition. Les problèmes liés à une situation économique et sociale difficile hypothèquent cependant de manière sérieuse la santé publique, malgré une remarquable quasi-
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éradication du paludisme, grâce à la coopération taïwanaise, depuis quelques années. La protection maternelle et infantile progresse également. Cependant la question de la régulation des naissances demeure taboue, les grossesses, nombreuses, surviennent tôt et, au-delà de l’actuelle crise de l’éducation, laissent entrevoir une probable crise démographique. Le traitement de l’eau courante, le plus souvent non potable, est aussi une priorité. L’alcoolisme, à partir du caxaramba (alcool de canne à sucre) tend hélas à se banaliser sans qu’apparaissent de réelles mises en garde. Les médias présents sur l’archipel sont divers et offrent une bonne ouverture sur le monde. La presse écrite nationale compte cinq ou six titres à parutions très irrégulières. Seul Correio da Semana se révèle constant et sa sortie est attendue chaque semaine avec intérêt. La télévision offre des chaînes d’horizons différents : TVS (Télévision santoméenne) émet quelques heures par jour, RTP Africa (programme de radio-télévision portugaise pour le continent africain) émet toute la journée. Des programmes francophones sont proposés par le bouquet satellitaire TVSAT ; mieux encore : depuis décembre 2007, TV5 Monde émet en continu. Un réémetteur installé sur l’île de São Tomé permet de recevoir, outre la radio nationale, la Voix de l’Amérique, RDP Africa (Portugal) et Radio France internationale. La poste propose des timbres parfois surprenants, dignes d’enrichir les meilleures collections : oiseaux et plantes, toiles de maîtres autour d’un thème (la Nativité...), stars mondiales (Lady Di, Jean-Paul II, Marilyn Monroe, Elvis Presley, etc.).
Une organisation démocratique
São Tomé et Príncipe est une république dont la deuxième Constitution est entrée en vigueur le 20 septembre 1990. Celle-ci consacre les principes fondamentaux d’un État de droit démocratique et instaure différents organes de souveraineté nationale (président de la République, Assemblée nationale, gouvernement et
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Au cœur d’un espace lusophone, un intérêt certain pour la langue et la culture françaises Les années de l’enseignement primaire et secondaire (collège) santoméen comportent l’enseignement du français comme discipline obligatoire. Cet enseignement devient optionnel dans la suite du cursus. La condition d’îliens, ajoutée à la situation géopolitique de l’archipel au cœur d’une Afrique centrale où la langue française est prépondérante, induit la nécessité de parler d’autres langues que la langue maternelle. Assurer la consolidation de l’enseignement du français, son institutionnalisation, à travers la formation continue des enseignants, apparaît ainsi comme un enjeu de la coopération francosantoméenne. Dans la capitale, où fut décidée l’entrée officielle dans l’Organisation internationale de la francophonie en 1997, un Institut supérieur polytechnique (ISP) a été ouvert dès janvier 1998. L’une de ses missions essentielles est, depuis 2006, de former des professeurs de français, par le biais d’un cursus complet de FLE (français langue étrangère). Les enseignements se sont aussi élargis aux domaines du tourisme et de la gestion. L’enseignement y est bilingue dans ces matières. La possibilité d’un enseignement à distance (soutenu par un tutorat local), pour la dernière année de la licence de FLE et la maîtrise, est ouverte par une convention passée avec l’université d’Angers. L’ancien Centre d’enseignement du français a, quant à lui, été transformé en Alliance française, en octobre 2000, dans le but de renforcer l’environnement francophone à São Tomé. L’Alliance française a double vocation, linguistique et culturelle, et offre des cours de français à un public de jeunes et d’adultes avec, à la fin du cursus, délivrance de certificats de langue française. Deux sessions de formation sont organisées chaque année, suivies par 500 étudiants pour chacune d’entre elles. De plus, une session intensive est organisée durant l’été. Le diplôme d’études en langue française et le diplôme approfondi de langue française y sont décernés. Quant à l’aspect culturel, l’Alliance française offre, par des activités autour du livre, du cinéma, du spectacle vivant, de la musique, une ouverture sur la culture et le monde francophones. Elle travaille en
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relation avec les structures locales officielles (Direction générale de la culture, Centre culturel Francisco Tenreiro, Institut supérieur polytechnique), privées ou associatives (UNEAS, CIAC, etc.), et recherche la complémentarité avec le Centre culturel portugais. Une médiathèque et un centre de ressources documentaires sur la France contemporaine sont en projet. À l’ISP, établissement public d’enseignement supérieur, correspond l’IUCAI (Institut universitaire de comptabilité, d’administration et d’informatique), créé en 2005 sous le parrainage d’un institut lisboète. Cet institut privé offre un cursus de cinq ans minimum à 150 élèves, en neuf filières débouchant directement sur l’emploi : construction civile, télécommunications, pétrole (une convention est recherchée avec la Cass Business School de la City University of London, qui seule en Europe prépare aux métiers de l’or noir), organisation et gestion d’entreprises, droit et conseil de direction, économie et comptabilité. Le français et l’anglais y sont disciplines obligatoires ou optionnelles selon la filière choisie. Il est à souligner que São Tomé et Príncipe, qui ne compte pour l’instant qu’un seul lycée, le lycée national (mais un second est en construction à Trindade), recense 1 200 étudiants. Cependant, pas plus que l’examen du baccalauréat n’existe un statut d’étudiant. Il demeure en effet nouveau et rare de ne se consacrer qu’aux études, sur place. On partait naguère à l’étranger pour cela. Encore aujourd’hui, 700 jeunes Santoméens étudient à l’étranger, ce qui représente une dépense de 3 millions de dollars par an pour le ministère de l’Éducation de São Tomé et Príncipe.
tribunaux) issus de la volonté souveraine du peuple, librement exprimée dans les élections. Une révision de la Constitution est intervenue en 2003, afin de limiter les pouvoirs du président de la République issu de l’élection de 2006. Aujourd’hui le régime, de semi-présidentiel, se rapproche du parlementarisme. La décentralisation des institutions représentatives des intérêts de la nation se concrétise par les pouvoirs régionaux et locaux. L’île de Príncipe est une région autonome, dotée d’un statut particulier, disposant de son propre gouvernement régional et d’une assemblée régionale. L’île de São Tomé est découpée en six districts : Agua
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Grande, Mé Zóxi, Lembá, Lobata, Canto Galo, Caué. Chaque district a ses propres services administratifs, supervisés par un conseil de district élu au suffrage universel, à la proportionnelle. Les partis politiques sont au nombre d’une dizaine : le Mouvement de libération de São Tomé et Príncipe-Parti social démocrate (MLSTP-PSD, parti de l’ancien président Pinho da Costa), le Parti de la convergence démocratique (PCD), l’Action démocratique indépendante (ADI, parti de l’ancien président Trovoada et de son fils, Patrice), le Mouvement démocratique force de changement (MDFM, créé par l’actuel président en 2002), la Coordination démocratique de l’opposition (CODO), le Front démocratique chrétien (FDC), l’Alliance populaire (AP), le Parti populaire du progrès (PPP) et d’autres. Le MLSTP-PSD, l’ADI, le PCD sont représentés à l’Assemblée nationale. L’actuelle coalition au pouvoir, sous la présidence de Fradique de Menezes, réélu en juillet 2006, est soutenue par le PCD, qui n’a toutefois pas la majorité absolue. Le 14 février 2008, afin de mettre un terme à l’instabilité politique, après un remaniement du gouvernement survenu en novembre 2007, Patrice Trovoada, chef de l’ADI, a été nommé Premier ministre. Ce douzième gouvernement constitutionnel est ainsi une coalition nationale des partis les plus importants de l’heure (MDFM, PCD et ADI). Le sens politique émerge peu à peu, remettant en cause l’héritage d’une éducation qui, pendant de longs siècles, était marquée par la peur et l’obéissance sans limites. Le très faible niveau d’éducation de l’immense majorité de la population est à l’évidence le premier obstacle à une démocratie vivante, en mesure d’accélérer le développement économique. Le dépassement des préjugés liés aux groupes sociaux aux développements séparés, « Filhos da terra » ou « Forros », affranchis du XVIe ou du XIXe siècle, « Angolares », « Tongas », descendants de Cap-Verdiens, « Minos ié », originaires de Príncipe, etc., vers une réelle solidarité nationale, est aussi un élément incontournable pour parvenir à une démocratie pleinement vécue par l’ensemble de la population des deux îles.
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L’importance des relations internationales
Très longtemps relié au seul Portugal où de nombreuses familles santoméennes comptent quelques membres, le pays multiplie les tentatives d’ouverture vers l’Afrique francophone, toute proche, et le reste du monde. Aujourd’hui, plus que jamais, l’isolement géographique incite la jeune République démocratique de São Tomé et Príncipe à accroître ses relations extérieures : avec le Gabon, l’Angola (dont São Tomé dépend pour son approvisionnement énergétique), le Cap-Vert, la Guinée-Bissau et le Mozambique ; ces quatre derniers pays constituent, avec São Tomé et Príncipe, les PALOP (Pays africains de langue officielle portugaise). Plus largement, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), regroupant les PALOP, le Brésil, le Portugal et maintenant Timor, s’appuie sur les relations harmonieuses entre ses membres, dans le cadre d’une coopération renforcée. Les accords de Lomé et, plus récemment, de Cotonou, puis, en 2007, de Lisbonne, ont, par ailleurs, concrétisé la coopération du pays avec l’Union européenne, sur des principes d’intégration régionale, dans le contexte de la mondialisation économique. Le pays est soutenu par de nombreux États, institutions internationales et organisations non gouvernementales, ce qui en fait l’un des pays les plus aidés de la planète par habitant. La République démocratique de São Tomé et Príncipe (RDSTP) est membre de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) depuis 1997, des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) soutenus par l’Union européenne, de la Communauté des pays de langue officielle portugaise (CPLP), de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC). Depuis la création de la Fédération des associations civiques de l’espace lusophone (FACEL) en avril 2001, elle en est membre. Une ligue d’amitié São Tomé et Príncipe/Angola la relie à ce pays frère. Elle n’est cependant pas membre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), ce qui limite considérablement ses possibilités d’exportation, de produits agricoles en particulier, vers les pays de la sous-région.
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Pour assurer son développement, la RDSTP est engagée dans une coopération active avec les organisations multilatérales, les Nations unies, l’Union européenne et un certain nombre d’États européens, au premier rang desquels figurent le Portugal et la France. Depuis la fin des années 1990, la République de Taïwan, particulièrement présente, avec une aide de 10 millions de dollars annuels, a, par ses actions de coopération, repris une bonne part du développement agricole entrepris par la coopération française.
Le dixième Fonds européen de développement : 17,5 millions d’euros, de 2008 à 2013
Mis en place lors du sommet Europe-Afrique de Lisbonne, fin 2007, le programme du 10e FED représente un soutien de 17,5 millions d’euros, pour cinq ans. Le 9e FED (13,9 millions d’euros) avait essentiellement porté sur les infrastructures, notamment les routes, et la réforme institutionnelle de ce secteur (la gestion du patrimoine routier a été confiée au secteur privé, permettant la création d’une trentaine de « micro-entreprises », les GIME (groupes d’entretien des routes) responsables d’un tronçon de route dont elles assurent l’entretien, soit plus de 1 600 emplois, à 40 % occupés par des femmes chefs de famille). L’entretien des routes et des pistes rend plus aisé l’écoulement des produits agricoles... Simultanément, l’appui institutionnel a porté sur la réforme du système fiscal et la recherche d’alternatives aux taxes douanières (qui représentent 80 % du budget de l’État). Le 10e FED poursuit ces deux grands axes de programme, en y ajoutant l’intégration régionale, l’extension du marché par le développement des transports, la diversification des productions agricoles, l’encadrement des producteurs de cacao (au-delà de la distribution de microcrédit), le soutien aux associations de protection de l’environnement.
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Le soutien de la France recentré sur deux missions essentielles
L’appui de la France se trouve à présent centré sur deux axes essentiels : le développement de la francophonie et la formation des élites (par des bourses moins nombreuses mais sur une durée plus longue ; en 2007 deux jeunes Santomenses ont ainsi rejoint l’ENA). Le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC), basé dans le quartier Santo Antonio de São Tomé, dépend de l’ambassade de France du Gabon. Il a la charge de deux missions : la chancellerie (politique et représentation française) et l’aide au développement. Il travaille en lien avec l’Alliance française, présente dans la capitale depuis l’an 2000. Cette dernière s’emploie à promouvoir la langue et la culture françaises dans le pays. Elle forme ainsi, en deux sessions annuelles plus un cours intensif d’été, plus de 1 500 élèves chaque année (préparation au diplôme d’études en langue française et au diplôme approfondi de langue française). Outre les cours, elle offre l’accès à une bibliothèque française et intervient dans la vie culturelle de l’archipel par diverses manifestations : expositions, conférences, concerts et fête de la Musique... Elle a récemment mis en place un partenariat avec le lycée français de Libreville, permettant à des lycéens de São Tomé d’y achever leur cursus. Enfin, l’Alliance française projette la création d’une médiathèque et d’un centre de ressources documentaires sur la France contemporaine. En janvier 1998 s’est ouvert un Institut supérieur polytechnique qui, depuis 2006, offre une formation initiale de professeur de français, en parallèle à d’autres filières telles que la gestion, le tourisme, les sciences humaines. L’année de licence de français langue étrangère se déroule à distance, depuis l’université d’Angers avec laquelle une convention a été signée, avec le soutien d’un tutorat local. Une trentaine de Français sont installés dans l’archipel, la plupart entrepreneurs.
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Des atouts dans le contexte de la mondialisation
Dans le contexte actuel de la mondialisation, malgré une conjoncture mauvaise en 2008 et les années précédentes, le pays cherche des formules qui tiennent meilleur compte de ses atouts. Ainsi l’emplacement géographique peut-il se révéler un avantage pour la sécurité, une base d’appui pour les grands échanges et les intérêts du marché africain. Les transports suivront, dès lors que l’enjeu se fera plus visible. Le secteur du tourisme, qui se développe en ce moment par l’écotourisme, d’une part, les investissements portugais dans l’hôtellerie haut de gamme, d’autre part, ne va pas manquer à lui seul de favoriser la création des indispensables lignes aériennes et maritimes. Par ailleurs, situé entre le continent américain et le continent asiatique, l’archipel pourrait devenir un lieu de transbordement des conteneurs. Le port de São Tomé se prépare à cette opportunité.
Faits et dates dans la vie de l’archipel 1470-1471 : date supposée de la découverte de São Tomé, Antão et Ano Bom 1483 : établissement, par Pedro Reinel, de la première carte sur laquelle sont mentionnées les quatre îles du golfe de Guinée 1485 : arrivée à l’île de São Tomé et installation du premier peuplement à l’embouchure du rio Ambo, sous la conduite du premier donataire, João de Paiva 1491 : conversion à la religion catholique du roi du Kongo, installation de prêtres et émissaires portugais dans la capitale du royaume Mbanza-Kongo 1493 : Alvaro da Caminha, donataire de São Tomé ; arrivée de 2 000 enfants juifs 1500 : le gouvernement de l’île de Príncipe est confié à la famille Carneiro, jusqu’en 1753 ; découverte officielle du Brésil par Pedro Alvares Cabral 1504 : sous la houlette d’Alvaro da Caminha, installation de la colonie dans la baie d’Ana Chaves ; édification d’une église et d’un hôpital 1510 : construction du monastère São Francisco (à l’emplacement de l’église N.S. da Conceição) 1522 : fin du régime de donation. L’île de São Tomé revient à la couronne portugaise 1525 : la povoação est érigée en cidade 1534 : installation à São Tomé du premier évêché pour les îles du golfe de Guinée et la côte (dépendant de l’archevêché de Funchal, qui sera transféré à Lisbonne en 1597) 1540 : description de l’île de São Tomé par un pilote portugais anonyme 1544 : naufrage, au large de la côte sud de l’île de São Tomé, sur l’écueil des Sete Pedras, d’un bateau négrier ; un certain nombre d’esclaves rejoignent l’île à la nage. Selon les historiens portugais de l’époque coloniale, ils auraient constitué le noyau fondateur des Angolares. 1567 : attaque par des corsaires français 1578 : défaite portugaise d’Alcacer Kébir, disparition du roi Sébastien 1580 : unification des couronnes du Portugal et d’Espagne
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE 1595 : révolte des Angolares et création d’un royaume autonome par Amador. Celui-ci est condamné à la pendaison par la justice portugaise un an plus tard 1596 : début de la guerre du mato, opposant les colons aux Angolares 1599-1600 : prise et saccage de São Tomé par les Hollandais 1601 : émigration des grands propriétaires vers le Brésil 1632 : présence des Hollandais dans le golfe de Guinée (prise du fort de S. Jorge de Mina en 1637) 1641 : prise et occupation de la citadelle de São Tomé par les Hollandais 1650 : expulsion définitive des Hollandais par les habitants de São Tomé 1683 : inauguration du fort São João Batista de Ajuda, à Ouidah, sur la côte de l’actuel Bénin, second centre de traite après São Jorge de Mina 1684 : installation d’un hospice de capucins italiens 1693 : les Angolares attaquent les régions du nord de l’île 1702 : affrontements avec des navires français 1706 : invasion de l’île par les Français, qui la saccageront quelques années plus tard 1721 : ouverture des îles au commerce étranger 1747 : grave incendie de l’île de Príncipe 1753 : transfert de la capitale de São Tomé à la cidade de São Antonio do Príncipe 1778 : traité du Pardo : les îles de Fernando Póo et Ano Bom sont attribuées à l’Espagne 1799 : l’île de Príncipe tombe aux mains des Français 1800 : introduction du café à Príncipe 1807 : partage du Portugal entre la France et l’Espagne (traité de Fontainebleau) et installation de la famille royale portugaise au Brésil ; abolition de la traite par la Grande-Bretagne qui, trois ans plus tard, impose cette abolition au gouvernement portugais 1822 : introduction du cacaoyer comme plante ornementale 1836 : interdiction officielle de la traite à partir des territoires portugais (non suivie d’effet) 1840 : la chasse aux navires négriers s’intensifie 1842 : reprise du fort d’Ajuda par les Portugais (jusque dans les années 1960, ce fort demeurera propriété portugaise et abritera le consulat du Portugal au Bénin) 1844 : premier document détaillé écrit sur São Tomé et Príncipe (et premières cartes modernes des deux îles), intitulé Ensaios
FAITS ET DATES DANS LA VIE DE L’ARCHIPEL sobre a statistica das possessões portuguezas, par José Joaquim Lopès de Lima 1852 : début de l’exploitation commerciale du cacaoyer ; São Tomé redevient capitale de l’archipel 1878 : extinction complète de l’esclavage, décidée par le gouvernement portugais en 1875 1906 : publication du livre de Henri William Nevinson, Modern Slavery 1907 : conférence à Lisbonne sur les conditions de travail dans l’archipel 1909 : boycott du cacao en provenance de l’archipel par les grands chocolatiers d’Europe 1913 : São Tomé et Príncipe, premier exportateur de cacao du monde 1929 : promulgation d’un statut des indigènes 1945 : début des grands travaux d’urbanisation qui donneront à la capitale son visage actuel 1946 : politique de peuplement des colonies africaines, par les Portugais métropolitains 1950 : São Tomé et Príncipe érigé en province portugaise d’outremer 1953 : révolte des forros, la répression très brutale qui s’ensuit est connue sous le nom de « massacre de Batepá ». Cette date (3-5 février) marque le début du mouvement indépendantiste 1960 : création d’un Comité de libération de São Tomé et Príncipe (CLSTP), reconnu par l’ONU deux ans plus tard. Il devient Mouvement de libération de São Tomé et Príncipe (MLSTP) au congrès de Santa Isabel, en Guinée équatoriale, en 1972 1974 : « révolution des œillets », le 25 avril, au Portugal, mettant fin à un demi-siècle de dictature ; accords d’Alger entre le Portugal et les représentants de São Tomé et Príncipe (25 novembre) 1975 : indépendance de São Tomé et Príncipe, le 12 juillet ; début de la nationalisation des cacaoyères 1977 : radicalisation du régime pro-marxiste ; la dobra, monnaie nationale, supplante l’escudo 1979 : expulsion du bureau politique et emprisonnement de Miguel Trovoada 1981 : départ pour l’exil de Miguel Trovoada 1986 : premières mesures de libéralisation de l’économie 1987 : signature d’un premier programme d’ajustement structurel (1987-1989) avec les institutions de Bretton Woods 1989 : début du multipartisme
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE 1990 : adoption par référendum d’une nouvelle Constitution, d’inspiration libérale et pluraliste (mars) ; retour au pays de Miguel Trovoada (mai) 1991 : élections législatives (20 janvier) et présidentielle démocratiques. Le 3 mars, Miguel Trovoada est élu président de la République de São Tomé et Príncipe ; adoption d’une loi sur la propriété foncière 1992 : début de la redistribution des terres des roças 1993 : élaboration d’un programme national de privatisation des terres et démantèlement de huit roças 1994 : fin de la parité fixe et flottement de la dobra ; élections législatives anticipées (octobre) 1995 : élections pour l’assemblée régionale de Príncipe ; tentative de coup d’État, du 15 au 21 août 1996 : réélection du président Miguel Trovoada, le 21 juillet 1998 : signature d’un accord de coopération avec Taïwan (mettant fin à près de vingt-cinq ans de relations avec la République populaire de Chine) 1999 : formation d’un nouveau gouvernement, conduit par M. Posser da Costa (MLSTP-PSD) ; début de la prospection pétrolière 2001 : élection présidentielle : élection du président Fradique de Menezes. Premier mandat marqué par une forte instabilité gouvernementale (six Premiers ministres se succèdent) 2003-2004 : découverte de pétrole, appel d’offres international, création d’une agence nationale du pétrole ; révision de la Constitution (vers un régime parlementaire) ; loi relative à la régulation de l’utilisation des ressources pétrolières (prévues à partir de 2012) 2006 : réélection du président Fradique de Menezes 2006-2008 : instabilité politique forte et dégradation de la situation économique et sociale ; en février 2008, nomination de Patrice Trovoada (ADI) comme Premier ministre
1 Les îles du « milieu du monde » Une histoire marquée par la quête des fruits de la terre Du XVe au XIXe siècle
Sur la route de l’épopée lusitanienne, d’abord une île, puis une autre
Au Portugal, dès 1249, avec plus d’un siècle d’avance sur les rois d’Espagne, la « reconquête » du territoire national sur les Maures se trouve achevée. Le souverain portugais, dont la domination s’étend maintenant jusqu’à la côte de l’Algarve, a l’esprit libre pour d’autres entreprises. À l’aube du XVe siècle, la Couronne rêve de créer un nouvel espace maritime, nouvelle Méditerranée de l’Atlantique oriental, afin de s’assurer de nouvelles routes pour le commerce avec l’Orient. Les prouesses maritimes se partagent alors entre des tentatives de croisade, des essais d’implantation au Maroc et la découverte progressive de l’Atlantique. En 1415, une expédition en territoire marocain du roi Dom João Ier et des infants aboutit à la prise de Ceuta. Déplaçant l’ambition de la Méditerranée à l’Afrique, cette victoire donne une impulsion déterminante à l’expansion maritime du Portugal. Quatre ans plus tard a lieu le premier voyage de reconnaissance océanique. L’infant Dom Henrique, qui s’est illustré dans la prise de Ceuta, est devenu gouverneur de la ville puis gouverneur et administrateur des
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biens de l’ordre du Christ. L’emblème à croix rouge pattée de cet ordre fondé en 1319 est désormais arboré sur les voiles blanches des caravelles. Car l’infant a décidé de ses idéaux : l’aventure géographique et la sainteté. À la faveur d’un affaiblissement du pouvoir central, sur sa fortune personnelle, il construit une flotte basée à Lisbonne et à Lagos, recrute pilotes et marins italiens et portugais. Pour exploiter les données de ces derniers ainsi que celles d’informateurs arabes, il s’entoure des meilleurs cartographes, astronomes et mathématiciens de son temps, et construit un arsenal consacré aux explorations, à Sagres, plateau sauvage près du cap Saint Vincent où il s’était fixé dès 1413. Cinquième fils de João Ier, l’infant, bientôt surnommé Henrique o Navegador, Henri le Navigateur, impose d’emblée une méthode de découvertes progressive et systématique, qui, à sa mort, en 1460, sera reprise par son petit-neveu et successeur, le prince João (futur roi João II). De 1420 à 1460, les côtes du Sénégal sont atteintes, des îles sont découvertes : Madère (prise de possession officielle en 1419), les Açores (de 1427 à 1450), l’archipel du Cap-Vert (1457). Ces nouvelles terres, désertes le plus souvent, sont immédiatement peuplées de degredados, repris de justice, et mises en culture sur le modèle méditerranéen avec des succès variables : oliviers, pêchers, vigne, blé et surtout canne à sucre dont on importe des premiers plants de Sicile. En 1434, le cap Bojador, au nord-ouest de l’Afrique, est franchi par Gil Eanes, écuyer de l’infant. Ce cap fit longtemps obstacle à la progression des navigateurs ; la voie est désormais ouverte à la circumnavigation de l’Afrique. En 1443, Dom Henrique reçoit du roi le monopole du commerce. Cette année-là, Nuno Tristão s’arrête à l’île d’Arguin qui devient un centre de troc (chevaux, blés, étoffes d’Europe et d’Afrique du Nord sont échangés contre de l’or, de l’ivoire, des esclaves). Un an plus tard, Dini Dias effectue les premières prises de Noirs, nomme « cap Vert » un cap luxuriant (site actuel de Gorée), sa flotte mouille dans l’embouchure du fleuve Sénégal. L’aventure ne saurait s’arrêter là. L’architecture des navires, barcas (à fond plat), nefs puis caravelles (bateau à coque ronde, de 20 à 30 mètres de long pour 6 à 8 mètres de large, doté de deux mâts, à voile latine, léger et facile à manier), est constamment
LES ÎLES DU « MILIEU DU MONDE »
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repensée, les instruments de navigation se perfectionnent – car les vents contraires au voyage de retour contraignent les navigateurs à faire voile cap au sud-ouest, laissant les côtes pour le grand large, avant de virer plein nord vers les côtes portugaises. Cette manœuvre appelée « la grande volte » pourrait être à l’origine de la découverte fortuite du Brésil par Pedro Alvares Cabral, en 1500. Au prix d’un grand courage et de pertes humaines innombrables (faits passés sous silence par l’Histoire au profit du seul exploit de Christophe Colomb), l’exploration des côtes de cet interminable continent progresse. Peu avant sa mort, Henri le Navigateur avait obtenu du pape Nicolas V, auteur de la bulle Romanus Pontifex, la juridiction spirituelle de l’ordre du Christ sur l’Afrique noire et l’exclusivité du droit de naviguer et de commercer sur les côtes d’Afrique, découvertes et à découvrir. Une région montagneuse est atteinte et baptisée Serra Leoa (actuelle Sierra Leone). Dix ans plus tard, vers 1470, les caravelles croisent dans le golfe de Guinée et les Portugais abordent une côte où l’or abonde, qui sera appelée da mina (de la mine). À la fin de 1471 (ou d’une année ultérieure, le doute subsiste) et au début de l’année suivante, probablement à l’amorce du voyage de retour, de nouvelles îles sont découvertes : São Tomé le 21 décembre, Ano Bom, le 1er janvier, Santo António (ou Antão) le 17 du même mois. Les trois îles sont baptisées des noms des saints à l’honneur ces jours-là, selon le calendrier de Munique. À la tête de l’équipage se trouvent João de Santarém et Pêro Escobar, envoyés de la Couronne, par l’intermédiaire de Fernão Gomes, riche marchand de Lisbonne détenteur pour cinq ans d’un droit exclusif de commerce en Guinée, à la condition d’en découvrir cent lieues de côte chaque année. En 1500, Santo Antão est concédée à Antonio Carneiro, seigneur de Vimieiro, fait marquant le début de sa colonisation. Deux ans plus tard, elle est rebaptisée Príncipe, Prince, le dixième du produit de la culture de la canne à sucre étant réservé au fils du roi portugais, le prince Dom João (futur roi João II) qui, en 1474, à la mort de Dom Fernando (successeur de Dom Henrique à la tête de l’ordre du Christ) et à l’expiration du contrat de Fernão Gomes,
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hérite du monopole du commerce, de l’évangélisation et de la colonisation de la Guinée. En octobre 1733, l’île est entièrement incorporée aux biens de la Couronne. Dès 1514, deux bulles papales avaient transféré le patronat des terres découvertes de l’ordre du Christ à la Couronne (en conséquence, les rois reçoivent la mission d’évangéliser les habitants des terres conquises et à conquérir). L’île de Ano Bom et celle qui, plus au nord, sera découverte quelques années plus tard et portera un temps le nom de son découvreur, Fernando Póo, deviendront terres espagnoles par le traité du Pardo, signé le 11 mars 1778. Ces deux îles font aujourd’hui partie de la Guinée équatoriale, dont la capitale est installée dans l’île Fernando Póo, rebaptisée Bioko. L’île de São Tomé est alors surnommée ilha do meio du mundo, l’île du milieu du monde. Sur la carte dessinée par Pedro Reinel en 1485, l’équateur la traverse en effet au cœur, et, lorsque les méridiens remplaceront les rhumbs, au siècle des Lumières, le méridien 0 sera tracé à quelques centaines de milles seulement de l’île. Tout comme Antão, la plus proche, elle est déclarée inhabitée par ses découvreurs. Elle le demeurera encore quatorze ans. Les deux îles, qui resteront terres portugaises jusqu’à l’indépendance, en 1975, se présentent, sitôt trouvées, comme les petits cailloux de basalte du « Petit Poucet européen » sur sa route des Indes. Entre Occident et Orient, leur découverte marque en effet un jalon, parmi quelques autres, sur la route de l’aventure portugaise, européenne, chrétienne et pour finir universelle de la découverte de l’autre, d’une humanité partout semblable et différente ; ce que le grand poète Camões exprime dans une œuvre majeure, Os Lusiadas (Les Lusiades). Les explorations du navigateur Diogo Cão jusqu’au Congo, qu’il remonta sur environ 150 kilomètres entre 1485 et 1486, permirent, deux ans plus tard, d’atteindre le sud de l’Afrique : le cap de Bonne-Espérance (d’abord appelé « des Tempêtes »), extrémité de cette si longue barrière qui ferme l’est, est doublé en 1487 par Bartolomeu Dias, ouvrant définitivement la route de l’Inde. Onze ans plus tard, Vasco de Gama croisera dans l’océan Indien et abordera les côtes de ce troisième continent.
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L’aventure du premier peuplement
Il faudra attendre quatorze ans pour que soit décidé le peuplement de São Tomé. Cette décision de João II, qui, en 1481, a succédé à Afonso V, s’explique par l’expérience dont on dispose alors, après les politiques de peuplement menées avec succès à Madère et au Cap-Vert, et par le rêve du souverain de découvrir d’autres terres, plus loin, beaucoup plus loin. Des quatre îles de l’archipel alors entièrement portugais, São Tomé est choisie comme base de vie au milieu de l’Atlantique. La plus éloignée des côtes (après Ano Bom dont les dimensions sont insignifiantes) et présentant l’avantage d’être inhabitée, entourée de courants et de vents favorables, elle deviendra un relais maritime. Les caravelles y feront escale, pourront y être réparées, entretenues, consolidées, tandis que les réserves de vivres et d’eau pour l’équipage seront reconstituées. Dès lors, l’île est confiée à trois capitaines donataires successifs, avant de retourner à la Couronne en décembre 1522 ; à charge pour eux d’assurer la survie du peuplement, d’administrer le territoire selon les intérêts du royaume et d’assurer la justice. À l’automne 1485, le premier donataire, João de Paiva, quitte les rives du Tage en compagnie de plusieurs centaines de degredados, parmi lesquels se mêlent quelques volontaires. Dix ans plus tard, en 1495, alors que Dom Manuel Ier a succédé à Dom João II, trois ans après la chute de Grenade qui marque la fin de la Reconquête de la péninsule Ibérique, deux mille enfants juifs âgés de deux à huit ans feront partie du voyage conduit par Alvaro de Caminha, second donataire. Lié par contrat de mariage à la fille des rois catholiques espagnols, Dom Manuel adopte à son tour une politique d’exclusion des juifs, bien que les plus grands cartographes appartiennent à la religion mise au pilori. En les séparant ainsi de leurs familles non converties, on entend donner à ces enfants une éducation chrétienne. L’Église catholique avait en effet scellé sa première pierre, dès 1491, à Neves, non loin du lieu où débarquèrent les découvreurs. Dès 1504, l’île de São Tomé comptait huit paroisses. En 1534, une
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Camões, le chantre de l’épopée lusitanienne Les Lusiades, ou la quête de l’autre
« Ils n’avaient pas encore jeté l’ancre que déjà les étrangers grimpaient par les cordages. Ils montraient une mine réjouie, et le sublime Capitaine les accueillait aimablement... Tout en mangeant allègrement, ils demandaient, en langue arabe, d’où venaient ces gens, qui ils étaient, quel était leur pays, ce qu’ils cherchaient, quelles parties de la mer ils avaient parcourues. Les vaillants Lusitaniens leur firent les réponses judicieuses qui convenaient : “Nous sommes les Portugais de l’Occident, nous cherchons les terres de l’Orient...” »
Cet extrait du chant I de Os Lusiadas (Les Lusiades), de Luis de Camões, relate la première rencontre de Vasco de Gama et son équipage avec les Africains, « dans les parages de l’Orient austral, entre la côte Éthiopique et l’île fameuse de Saint-Laurent », bien audelà de São Tomé, sur la côte orientale du continent noir. Une visite à São Tomé peut être l’occasion de lire ce grand poète épique de la Renaissance, contemporain de Montaigne, qui s’embarqua pour l’Inde en 1553, cinquante-six ans après Vasco de Gama, en revint en 1570 et publia deux ans plus tard cette œuvre majeure qui, au-delà du récit de la geste d’un peuple, est de portée universelle par son humanisme et sa modernité. Camões est au Portugal ce qu’Homère est à la Grèce, Dante à l’Italie, Shakespeare à l’Angleterre : il incarne l’âme de tout un peuple. Son attitude fondamentale est celle d’un observateur, d’un découvreur, d’un analyste : « On n’apprend pas, Seigneur, dans l’imaginaire en rêvant, en imaginant ou en étudiant, mais en voyant, en fréquentant et en affrontant. » Le poète était lui-même un aventurier ; il connut une vie agitée qui le mena successivement au Maroc, où il perdit l’œil droit, en Inde, à Macao et au Mozambique, d’où il rentra au Portugal en 1570. Voici ce que disait Voltaire de son œuvre majeure : « Le fond de son poème n’est ni une guerre, ni une querelle de héros, ni le monde en armes pour une femme ; c’est un nouveau pays découvert à l’aide de la navigation [...]. Cela est grand en tout pays sans doute. »
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Pour Gilberto Freyre, Camõens a laissé au monde, dans Les Lusiades, l’autobiographie collective la plus complète qu’ait laissée un homme de génie de son propre peuple ; Les Lusiades sont une somme anthropologique telle qu’aucune autre société nationale moderne de l’Occident n’en possède de semblable, venue d’une époque aussi lointaine. En dix chants, ce poème épique non seulement retrace l’aventure maritime de l’expédition de Vasco de Gama, mais brosse toute l’histoire du Portugal avant cette date. Au-delà, c’est sans doute la première épopée européenne, le poème d’un voyage qui changea les relations de l’Occident et de l’Orient, où les navigateurs et ceux qu’ils rencontrent ne cessent de s’interroger sur l’identité de l’autre et ses intentions.
nouvelle bulle pontificale confirme celles de 1514 : le pape délègue au pouvoir royal des charges telles que la construction des édifices, la formation et l’entretien du clergé, ainsi que des pouvoirs (mobilisation missionnaire, présentation des évêques). L’île de São Tomé est érigée en diocèse. Pendant plus de cinquante ans, ce diocèse, dépendant de l’archevêché de Madère, recouvrira toutes les îles du golfe de Guinée, ainsi que la côte africaine du Congo et de l’Angola. Propager l’Évangile comptait parmi les désirs attisant la soif de découvertes. La religion eut une importance fondamentale tout au long du processus de colonisation. Sur ces nouvelles terres, l’Église catholique portugaise s’octroya d’emblée un rôle qui outrepassa le seul souci des âmes. Du premier peuplement à l’époque contemporaine, elle façonna le système administratif de l’archipel et l’éducation de ses habitants. Formé au Brésil, le clergé autochtone prit de l’importance à partir des XVIIe et XVIIIe siècles, et fut pour beaucoup dans les échanges culturels entre Baïa (actuelle Bahia) et São Tomé. En 1710, cinq des dix chanoines de la cathédrale, fondée dès 1534, seront des Noirs. De deux mille, le nombre des enfants déportés tombe à six cents en l’espace de quelques mois, à une soixantaine quelques années plus tard. L’île est insalubre, la mortalité y atteint des taux records. Donataires et gouverneurs se succèdent à un rythme rapide pour
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Les XVe et XVIe siècles : le temps des découvertes 1415 : prise de Ceuta par le roi João Ier et les infants du Portugal 1419 : prise de possession de l’archipel de Madère 1434 : le cap Bojador est doublé 1444 : découverte de la presqu’île du Cap-Vert (Dinis Dias) et de l’embouchure du Sénégal 1455-1456 : voyage sur la côte africaine et récit du navigateur Alvise Ca’da Mosto, d’origine vénitienne 1460 : mort de l’infant Henri le Navigateur ; découverte de la côte de Malagueta et de la Serra Leoa 1469 : concession donnée au marchand Fernão Gomes pour la poursuite des découvertes et le monopole du commerce pour cinq ans 1471 : date supposée de la découverte de São Tomé, Antão et Ano Bom ; abordage de la côte da mina ; passage de l’équateur 1474 : reprise en main de l’expansion portugaise par le fils aîné du roi Afonso V, João (qui deviendra le roi João II, en 1481) 1479-1480 : traité d’Alcaçovas, donnant le monopole de l’exploitation de la côte africaine au Portugal ; fin de la guerre de succession de la Castille ; voyage d’Eustache Delafosse, marchand flamand, sur la côte de Guinée (arrêté, condamné à la pendaison, il s’échappe du Portugal où il a été transféré et rédige un récit de son aventure) 1481 : João II accède au trône 1482 : construction du fort São Jorge da Mina (qui supplante le fort d’Arguin et devient le comptoir principal de tous les établissements de la côte de l’or) ; découverte, par le navigateur Diogo Cão, de l’embouchure du Congo 1482-1483 : premier voyage de Diogo Cão, qui atteint l’Angola 1483 : établissement, par Pedro Reinel, de la première carte sur laquelle sont mentionnées les quatre îles du golfe de Guinée 1485-1486 : second voyage de Diogo Cão ; un premier peuplement s’installe à São Tomé 1487-1488 : Bartolomeu Dias double le cap des Tempêtes, rebaptisé plus tard cap de Bonne-Espérance 1492 : chute de Grenade et découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ; réalisation du premier globe terrestre, par Martin Behaim, cartographe de Nuremberg qui participe à un voyage de Diogo Cão : les îles de São Tomé et Príncipe y sont représentées mais pas encore l’Amérique
LES ÎLES DU « MILIEU DU MONDE » 1494 : le traité de Tordesillas institue le partage, entre le roi du Portugal et le roi de Castille, des terres découvertes et de celles à découvrir ; sur l’insistance de João II, la ligne méridienne se situe à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert (et non à 100 comme l’avait fixé la bulle du pape Alexandre VI, ce qui laisse supposer que l’existence du Brésil était connue des Portugais) 1495 : accession au trône de Manuel Ier, dit le Fortuné 1495-1521 : Manuel Ier règne sur le Portugal 1496 : décret d’expulsion des Juifs résidant au Portugal 1497-1499 : premier voyage de Vasco de Gama aux Indes orientales 1500 : découverte du Brésil par Cabral 1505 : arrivée des Portugais à Ceylan 1519 : Cortès au Mexique ; début du tour du monde de Magellan (1519-1522) 1521 : avènement de Jean III ; excommunication de Luther 1531 : Pizarre commence la conquête du Pérou 1534 : Jacques Cartier dans le golfe du fleuve Saint-Laurent ; fondation de la Compagnie de Jésus 1542 : arrivée des Portugais au Japon 1549 : saint François-Xavier au Japon 1553 : départ du poète Camões pour l’Inde 1557 : avènement du roi Sébastien 1572 : première publication des Lusiades ; massacre de la SaintBarthélemy en France 1578 : désastre d’Alcacer Kébir ; prémices du déclin de la grandeur portugaise 1581 : Philippe II se fait reconnaître roi du Portugal 1588 : désastre de « l’Invincible armada » ; assassinat du duc de Guise en France 1755 : tremblement de terre de Lisbonne qui entraîne l’incendie du palais royal, de la Casa de India et de l’Armazen da Guiné e India _______________
Au XIXe siècle : la fin de la traite et de l’esclavage 1802 : abolition de la traite par le Danemark 1807 : abolition officielle de la traite par l’Angleterre, qui tente d’imposer l’abolition aux autres nations 1815 : sous l’impulsion des Anglais, le traité de Vienne condamne la traite au nord de l’équateur 1818 : traité d’Aix-la-Chapelle, abolition officielle de la traite par les puissances européennes (dont la France)
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE 1833 : abolition de l’esclavage en Angleterre 1836 : décret du ministère portugais de la Marine et de l’Outre-mer interdisant la traite à partir du territoire portugais (non suivi d’effets) 1848 : abolition de l’esclavage en France 1858 : décret du gouvernement de Lisbonne promulguant la fin progressive de l’esclavage 1875 : nouvelle intervention du gouvernement portugais contre l’esclavage 1878 : décision portugaise de l’extinction complète de l’esclavage 1888 : abolition de l’esclavage au Brésil
cause de disparition. « Aller à São Tomé c’est aller à la mort », ainsi qu’on le murmure sur les quais du Tage. Pendant des siècles, le principal ennemi restera le climat. Sous la houlette d’Alvaro de Caminha, la petite communauté change de site. Elle quitte la proche région d’Agua Ambo (probablement Agua Bom, « eau bonne », nom du rio de l’endroit, qui deviendra Ana Mbó, puis, aujourd’hui, Anambo), dans le nord-est de l’île, là où le littoral descend en pente douce sur la côte, endroit où les découvreurs avaient débarqué et planté le padrão (borne de pierre, surmontée d’une croix) signalant, comme sur le continent, la possession portugaise. Elle s’installe à présent au creux d’une large baie à quelques dizaines de kilomètres plus à l’est, élue pour son relief plus accueillant. L’endroit, bien que marécageux et infesté de paludisme, présente certains avantages : défrichement plus aisé, possibilité d’établir un port sur la baie, présence salvatrice d’un fleuve, l’Agua Grande, aux eaux très pures. La future capitale s’appelle alors « Povoação ».
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Première culture de rente et traite des esclaves : São Tomé, auberge de l’équateur
Le roi raisonne en marchand : comme Madère avant elle, l’île sera consacrée à la culture de la canne à sucre. Le sucre, produit de luxe, se vendait alors dans toute l’Europe. Lucrative pour la Couronne, cette culture devrait aussi permettre aux colons lointains de subvenir à leurs besoins. Dès 1493, une lettre royale concède aux « peupleurs » licence de commercer sur certaines aires de la côte africaine. La culture de la canne demande une main-d’œuvre très nombreuse et peu coûteuse : avec la vente du sucre, on achètera sur le continent ce qui manque sur l’île et surtout des esclaves, toujours plus d’esclaves pour les plantations. À côté de la culture de rente, le commerce des esclaves devient une vocation de São Tomé et plus tard de Príncipe, devenus satellites de la forteresse São Jorge da Mina, principal poste de traite et comptoir commercial bâti dès 1481 sur la côte nord du golfe, côte da Mina (actuel Ghana), où affluent l’or du Soudan et les esclaves. São Tomé et Príncipe deviennent des entrepôts, des centres de tri et de répartition pour les destinations de l’enfer : fort de la Mina, où les esclaves sont échangés contre de l’or, Portugal où 7 000 à 8 000 esclaves sont débarqués chaque année sur les marchés (en 1551, les esclaves représentent 10 % des 10 000 habitants de Lisbonne), Antilles ou Brésil. À la fin du XVe siècle, 2 000 esclaves travaillent sur les terres de l’archipel ; 5 000 à 6 000, achetés sur la côte, sont emmagasinés ; les foyers de colons sont à peine un millier... Toujours par lettre royale, les premiers habitants, venus en célibataires, sont invités à prendre femme africaine afin de peupler l’île. C’est chose faite sans délai, et peu à peu se développe une société créole exemplaire du « lusotropicalisme », telle que décrite plus tard par Gilberto Freyre (voir encadré ci-après). Les fils de Blancs sont affranchis. Dès 1510 ils se voient remettre des cartes d’affranchissement et en 1517 est reconnu le droit d’héritage aux enfants nés de père libre. Ils forment un groupe appelé filhos da terra, « fils de la terre », ou forros, et sont associés
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aux commandes de l’île, statut qui les dispense du travail sur les plantations. Les historiens d’aujourd’hui préfèrent le mot « servitude » à celui d’« esclavage » pour qualifier le travail forcé à cette époque, question qui, toutefois, restera d’actualité jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Le problème de la main-d’œuvre n’a jamais cessé de se trouver au cœur de l’économie de plantation et des relations humaines dans l’archipel (voir plus loin, encadré du chapitre 2). À l’apogée du cycle de la culture de la canne à sucre, l’archipel compte 3 000 Européens et filhos da terra, une soixantaine de moulins, trois grandes sucreries, 10 000 esclaves. Jusqu’à 800 000 arrobes de sucre, soit 12 000 tonnes, sont exportées chaque année vers Lisbonne et les Flandres. Cependant, une vingtaine d’années après la découverte du Brésil, qui eut lieu en 1500, s’annoncent les prémices d’une longue période de décadence pour São Tomé. Le sucre qu’on y produit s’avère, en raison du climat trop humide, de moins bonne qualité que celui du continent sud-américain. Certains colons commencent, dès lors, à émigrer pour le Nordeste brésilien. D’autres facteurs concourent à la ruine : en 1574, un groupe humain, surgit de la partie sud de l’île, où la végétation est la plus dense, attaque les plantations de canne à sucre, détruit les moulins, met le feu aux champs et saccage la forteresse Saint-Sébastien. D’où provient cette bande de rebelles ? Quand, au milieu du XVIe siècle, éclatent ces émeutes, l’île est loin d’être entièrement contrôlée par l’autorité portugaise. L’origine de ceux qu’au XVIIIe siècle on nommera les Angolares est, encore aujourd’hui, sujet de recherche. Plusieurs hypothèses sont émises, qui ne s’excluent pas forcément les unes les autres, mais peuvent coexister dans la chronologie de l’évolution socio-historique de l’île. Il s’agirait des premiers habitants de l’île, emmenés en pirogues des côtes du Gabon par vents et courants. Le relief et la densité de la végétation auraient naturellement empêché les découvreurs, puis les premiers colons, de les approcher. La seconde hypothèse a pris forme au XVIIIe siècle. Romanesque, elle est aussi la plus fragile aux yeux des historiens. En 1544, un bateau négrier venu des côtes nord de l’Angola, faisant route vers le
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Brésil, aurait fait naufrage sur les Sete Pedras, écueil au large de la côte sud de São Tomé. Un groupe de quelque 200 survivants, parmi les esclaves, serait parvenu à gagner la côte.
Le secret portugais Gilberto Freyre, intellectuel brésilien (1900-1987), écrit dans Lusotropicalisme ou Luso-Africanisme de São Tomé et Príncipe : « La mobilité fut un des secrets de la victoire portugaise ; sans elle, on ne pourrait expliquer avoir un Portugal presque sans habitants, un personnel si léger, insignifiant en nombre – sujet de tant d’épidémies, de famines et surtout de guerres qu’infligea le Moyen Âge à la Péninsule – réussissant à saupoudrer virilement de son reste de sang et de culture des populations aussi diverses et aussi éloignées les unes des autres ; en Asie, en Afrique, en Amérique, dans de nombreuses îles et archipels. Les Portugais supprimèrent la pénurie de capital humain par des extrêmes de mobilité et d’aptitudes à se mélanger, dominant des espaces immenses et où ils voulaient se poser, en Afrique ou en Amérique, s’emparant des femmes, faisant des fils, dans une activité génésique qui tenait tantôt, avec violence, de la part instinctive de l’individu, tantôt de la politique, du calcul, de la stimulation pour d’évidentes raisons économiques et politiques de la part de l’État. La première génération hybride surgit. Ces métis étaient les premiers Santoméens, noblesse créole de l’île, motif aussi du premier conflit social opposant les colons blancs à l’intendant de la maison du roi chargé d’encaisser la dîme pour la Couronne et qui décida d’enrôler leurs enfants mulâtres comme esclaves appartenant à l’État. Les hommes proscrits, expiant les crimes les plus iniques, s’étaient humanisés au cours de leur exil sur l’île du Soleil, des fièvres hallucinantes et de la mort, défendant vigoureusement leurs enfants qui, pour être nés esclaves, ne devaient pas se soumettre aux lois de l’esclavage. Ils se plaignirent au roi et au prince parfait, intelligemment et généreusement. On écouta leur appel et rendit libre la première génération de mulâtres et toutes les autres. Leurs mères furent libres, tout de suite après, ainsi que, quelques années plus tard, tous les esclaves noirs qui accompagnaient les colonisateurs blancs depuis la première heure. »
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Cet endroit de l’île n’est pas encore peuplé, la végétation y est très dense, le relief accidenté. Pendant une trentaine d’années, les colons installés à Povoação (devenue plus tard Cidade de São Tomé) vont tout ignorer de l’existence des Angolares qui vivent de la pêche. La troisième hypothèse, aujourd’hui tenue pour plus probable, voit dans ce groupe des esclaves « marrons », ayant très vite fui les plantations. Les fuyards se seraient organisés en communautés de type quilombos, ou républiques nègres, pratiquant des razzias. À l’appui de cette thèse, la langue utilisée par les Angolares serait davantage un créole portugais, le ngola, qu’un rameau de la langue bantoue, le kimbundu. En 1574, donc, ceux-ci, redoutant l’asservissement, surgissent de manière spectaculaire sur le devant de la scène sociale, en pillant et incendiant les moulins à eau destinés à broyer la canne. Par les armes à feu, ils sont repoussés de la ville qu’ils projetaient d’attaquer. En 1585, cependant, la ville entière est incendiée. En 1595 et 1596, c’est l’île entière qui tombe entre leurs mains, sous le commandement du roi Amador, souverain des Angolares (reconnu comme l’âme de la résistance santoméenne depuis l’indépendance, dont l’effigie orne la plupart des billets de dobras et qui, depuis peu, fait l’objet d’une fête nationale fixée au 4 janvier). En 1596, le procès et la pendaison d’Amador par la justice portugaise marquent le début de la guerre du mato (des forêts, du maquis), qui durera 120 ans. Ainsi, en 1693, une nouvelle attaque se conclut-elle par le « rapt des Sabines », enlèvement de femmes dans les moulins.
Le déclin économique
Un autre péril arrive simultanément de la mer : des armadas françaises, en 1567, et hollandaises, en 1600 et 1641, attaquent l’île, mettant à profit la pénurie de navires portugais, évidente depuis l’exploitation commerciale des côtes de l’Inde. Les Hollandais occupent l’île de São Tomé durant huit ans, de 1641 à 1649.
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Les Angolares Aujourd’hui, les Angolares vivent pacifiquement de la pêche, le long de la côte sud (entre São João dos Angolares et Porto Alegre), où ils constituent un groupe dont le développement fut longtemps séparé. Leurs traits physiques diffèrent, leur langue aussi : le ngola, qui s’apparenterait davantage à un créole portugais qu’à un rameau de la langue bantoue. La confusion sur leur origine se serait maintenue jusqu’à présent par volonté plus ou moins consciente des autorités successivement au pouvoir (la valorisation du caractère exemplaire de leur résistance ne serait toujours pas d’actualité, même si le terme d’Angolares a fini par désigner ceux qui ont historiquement choisi le maquis plutôt que la condition d’esclave). Seuls les Angolares sont aujourd’hui des Africains de pure souche (à Príncipe, ces derniers sont les Bubi, très peu nombreux, comme à Bioko – ex-Fernando Póo – en Guinée équatoriale). À l’issue de la conquête définitive de l’ensemble du territoire par les Portugais, au XIXe siècle, les Angolares furent repoussés dans le sud de l’île de São Tomé. En 1878, l’armée coloniale les spolia de leurs parcelles pour quasiment les rejeter à la mer. C’est ainsi qu’ils négocièrent une spécialisation de pêcheurs. Devenus une sorte de caste en marge de la société, ils s’engagèrent à ravitailler les roças en poissons, mais ne renoncèrent jamais à la culture singulière qu’ils avaient forgée, fondée sur le refus de la servitude. Ils conservent, dans l’inconscient collectif, une réputation de sauvagerie, due à leurs exploits anciens et au très long développement séparé qu’ils connurent. Dans la vie économique de l’archipel, ils se sont donc spécialisés dans la pêche et vivent le long des côtes, dans le nord-est et surtout dans le sud de l’île, dans l’Anguéné, leur royaume autour de São João dos Angolares. Une petite communauté est toutefois basée non loin de la capitale, à Pantufo. Une récente évolution les porte à migrer vers l’île de Príncipe (dont la taille plus réduite permet de meilleures relations humaines et où les eaux sont plus poissonneuses) et vers le nord de l’île de São Tomé (en saison sèche). Leurs pirogues monoxyles, dongos, sont des troncs de fromagers ou encore de mûriers évidés à la force du poignet. Sous le nom de palayés, les
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE femmes jouent un rôle indispensable au sein de ces groupes : ce sont elles qui prennent en charge la commercialisation de la pêche, tout en menant des activités annexes, telles que l’élevage de chèvres, la vente de tissus, celle d’huile de palme ou d’autres produits. En outre, elles sont responsables du salage et du fumage du poisson, lorsque ces techniques de conservation sont pratiquées sur place.
Enfin, des révoltes d’esclaves éclatent, conduites par Yon Gato, l’une des grandes figures de la résistance à la colonisation, qui, depuis, a donné son nom à une place du centre-ville de São Tomé. Sur cette toile de fond agitée, gouverneurs, évêques, juges luttent sans relâche entre eux pour le commandement et la richesse. De la seconde moitié du XVIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle, São Tomé connaît un déclin économique qui va s’accentuant. Le seul commerce qui subsiste est celui des esclaves, bien que, dès 1580, l’entrepôt de « bois d’ébène » ait été transféré à Luanda, en Angola. La végétation tropicale regagne le terrain que des années de défrichage lui avaient fait perdre. São Tomé voit son rôle réduit à celui de « grande et triste auberge sur l’océan », selon l’expression de Francisco Tenreiro. Pendant un siècle, de 1753 à 1852, la capitale est transférée de São Tomé à Santo António do Príncipe, où le désordre est de moindre ampleur.
Café et cacao font renaître l’archipel au XIXe siècle
Pendant toute cette période de stagnation, l’île maintint, en sa qualité d’auberge de l’équateur, de nombreux contacts avec la métropole d’une part, le Brésil (les navires portugais, sur la route de Bahia au fort de la Mina, faisaient escale à São Tomé) et les autres îles de l’Atlantique d’autre part. En témoignent aujourd’hui nombre d’us et coutumes de la population ainsi que la flore : les arbres fruitiers sont venus de partout (du pourtour de la Méditerranée,
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mais aussi des autres îles, des continents sud-américain et africain), offrant des possibilités de survie même en plein marasme. En 1822, l’indépendance du Brésil fait perdre au Portugal une colonie opulente et l’exploitation de deux denrées devenues importantes : le café et le cacao. En 1837, le Premier ministre portugais, Sà da Bandeira, se soumet aux exigences antiesclavagistes des Britanniques, provoquant, sur l’archipel, l’indignation des dirigeants locaux. Le premier mouvement indépendantiste voit brièvement le jour. Vite mâté, il contribue à provoquer le retour des Portugais. D’autant qu’avec l’introduction du café (arabica), presque concomitante, au début du XIXe siècle, une renaissance économique foudroyante se produit à São Tomé. Soutenues par les banquiers de Lisbonne, des compagnies portugaises rachètent la plupart des terres, contraignant la population locale noire et mulâtre, les forros des origines ou « fils de la terre », comme les affranchis de fraîche date, à se déplacer dans les interstices laissés entre les villes et les plantations. En 1878, l’abolition de l’esclavage signe la ruine des grandes familles locales et la reconquête des colons blancs. L’élite créole tombe dans la précarité et se trouve rejointe par le flot des esclaves nouvellement libérés. Désormais, tous partagent le nom de forros, mais les deux groupes maintiennent leurs distances. Dans les archives familiales des premiers descendants est précieusement conservé le certificat royal qui prouve l’authenticité de leur statut. Cependant, les deux groupes, outre le nom, partage aussi, définitivement, une même aversion pour le travail forcé. Une maind’œuvre servile à qui on fait signer un contrat, désormais importée d’Afrique, assure le travail dans les plantations. Ces dernières sont désormais appelées des roças, mot qui serait venu du Brésil, avec le cacao. La terre est découpée en vastes propriétés ayant toutes un accès à la mer, selon un système latifundiaire d’exploitation. Les deux îles sont transformées en feitorias, factories à café. En 1870, São Tomé et Príncipe fournissait 2 000 tonnes de café, soit plus de 10 % de la production mondiale. L’abolition officielle de l’esclavage dans les colonies portugaises, décidée en 1875, effective en 1878, coïncidant avec une crise économique, met brutalement fin au cycle du café. Aujourd’hui, une seule grande plantation (Monte Café) se consacre à cette culture, au demeurant sans grands résultats.
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Le cacao, dont la demande est en forte hausse, se présente alors comme une avantageuse culture de substitution. Dès 1822, José Ferreira Gomes, fils du gouverneur de Príncipe, avait réussi à acclimater des plants de forastero, l’une des trois variétés de cacaoyers, ramenés d’Amazonie où il possédait des terres, en même temps qu’une centaine de racines de l’arbre à pain. Sur l’île de Príncipe, le cacaoyer, arbre délicat au feuillage et aux fruits de couleurs changeantes, était connu exclusivement comme plante ornementale. En 1852, José Maria de Sousa e Almeida tente une exploitation commerciale de ces arbres exotiques sur l’actuelle roça Agua Izé, cette fois sur l’île de São Tomé. Sa réussite l’autorise à prendre le titre de « premier baron d’Agua Izé ». Sur ces riches terres volcaniques, les rendements de cette nouvelle culture dépassent tous les espoirs. Les cacaoyères se répandent et couvrent rapidement les neuf dixièmes des deux îles. De grands arbres sont plantés pour donner de l’ombrage à l’arbre à cabosses ; ce sont les érythrines, dont la floraison, en avril, teinte les hauteurs d’une nuance rougeâtre. En 1878, trente ans après les autres nations européennes, l’abolition a pour effet de ruiner les grandes familles de l’élite créole. Tous les moyens sont alors utilisés pour expulser les autochtones. Les terres cultivables et la gestion du cacao passent aux mains des Blancs. Les familles créoles se réfugient entre la capitale et les roças, dans un espace interstitiel constitué de jardins, les glebas, et de petites concessions où ils regroupent leur habitat, formant des luxans. Dans les roças de l’archipel, les travailleurs ne sont plus formellement des esclaves mais des serviçais (domestiques), ou contratados, venus d’autres colonies portugaises en Afrique, soit, chronologiquement de l’Angola, du Mozambique et du Cap-Vert. Ils seront nombreux, de ce dernier pays, à venir offrir leur force de travail dans les roças de São Tomé, chassés par les années de sécheresse et de famine, au milieu du XXe siècle (la chanteuse Cesaria Evora cite São Tomé dans sa chanson Saudade). Au début des années 1880, 21 grandes roças employaient chacune de 200 à 1 500 serviçais. Dix ans plus tard, l’archipel compte trois fois plus de grandes roças. Leur nombre passe à 55 de plus de 100 hectares à la veille de l’indépendance. Les « seigneurs » du
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cacao s’appellent alors José Maria de Sousa e Almeida (baron d’Agua Izé), José Constantino Dias (qui, jusqu’en 1900, fait produire 12 % du cacao de l’archipel par ses 4 000 serviçais et prend le titre de « marquis de Vale Flor ») et Francisco Mantero, planteur d’origine espagnole, qui, en 1892, fonde la Compagnie de l’île du Prince et investit dans les mines angolaises. Ce dernier estimait, en 1910, la superficie totale des deux îles à 120 000 hectares, dont 90 000 hectares de terres arables, parmi lesquels 62 000 hectares étaient cultivés. Le travail sur les plantations de cacaoyers reste un travail forcé, par recrutement contractuel à présent, d’où le nom de contratados. Les serviçais effectuent rarement le voyage de retour. Leur vie est étroitement surveillée, de la naissance à la mort. Chaque jour se déroule selon une mécanique implacable, faisant songer au film de Fritz Lang, Métropolis, qui se déroulerait dans un cadre rural. L’ambiance est attestée par les chiffres des rendements entre 1880 et 1920. En 1900, le volume des fèves exportées atteint déjà le chiffre spectaculaire de 13 900 tonnes (guère plus de 4 000 tonnes aujourd’hui). Mais cette prouesse coloniale est vite ternie par le scandale provoqué par la publication de l’enquête d’un journaliste britannique, Henri William Nevinson. Sous le titre éloquent de Modern Slavery, le livre décrit les conditions inhumaines de travail dans les roças. De Londres, Sir William Cadbury en personne, qui compte parmi les plus importants chocolatiers du monde, s’émeut et envoie un émissaire vérifier cet état de faits. Une correspondance est échangée entre William Cadbury et Francisco Mantero, qui représente les planteurs ; elle aboutit à une conférence de confrontation, tenue à Lisbonne, le 28 novembre 1907. Mantero minimise la dureté du travail, valorise les efforts menés dans le domaine sanitaire et social, justifie le système et se lance peu après dans la rédaction d’un gros ouvrage intitulé A mão de obra (la maind’œuvre). En vain. À l’instigation des industriels de la chocolaterie et du gouvernement anglais, un boycott international des deux îles est décrété en 1909. La mesure n’est peut-être pas prise sans arrière-pensées : depuis 1905 des cacaoyères sont implantées dans les possessions de l’Empire britannique en Afrique occidentale... En 1913, avec 36 000 tonnes, São Tomé et Príncipe n’en est pas
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moins le premier producteur de cacao du monde. Tandis que la culture du café connaît un déclin rapide et irréversible. Les roças tentent, dès lors, de s’humaniser. Elles se dotent d’un bureau d’état civil, d’un hôpital, d’une école, d’une chapelle. Chaque roça est un village en soi, une île dans l’île, dont on ne sort pas, excepté le dimanche où les travailleurs sont conduits en groupe à la plage la plus proche, pour une journée de détente. À la fin des années 1940, le gouverneur de l’époque, déterminé à régler cette épineuse affaire de la main-d’œuvre, essaie, par divers moyens, de contraindre les forros, soit l’élite créole plongée dans la précarité et les affranchis de 1878, dont pas un membre n’a signé un contrat, au travail des plantations. Fin janvier 1953, dans la localité de Batepá, au-dessus de Trindade, la tension suscitée par ces procédés tourne au massacre. Un film de l’Angolais Orlando Fortunato, intitulé Batepà (sorti en 2008), retrace cette période par le biais de la saga d’une famille santomense, les Corte Real. Cette tragédie marque la naissance du nationalisme santoméen et les prémices du mouvement de libération de l’archipel, prenant place dans celui, plus vaste, d’émancipation des possessions portugaises d’Afrique.
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Les dames de l’archipel : Ana de Chaves et Maria Correia En grand nombre, des noms féminins marquent la toponymie de l’archipel. Ils ont été attribués à des particularités géographiques, des roças ou des dépendances de celles-ci, par des hommes ayant laissé une femme aimée, une mère, une sœur, une amie en Europe. Entre tous ces noms, celui d’Ana de Chaves se distingue, sur l’île de São Tomé, par sa fréquence et les lieux forts qu’il désigne : la baie où s’établit assez rapidement la première vague de peuplement, merveilleuse courbe qui dessine la capitale ; l’un des pics les plus élevés ; une rivière. Sur l’île de Príncipe, c’est Dona Maria Correia Salema Ferreira qui, pour longtemps, a marqué de son empreinte la vie sociale locale. Qui étaient ces deux femmes ? Dans les années 1940, deux hommes ont tenté de percer le mystère : Manuel Braga da Cruz s’est penché sur l’identité d’Ana de Chaves ; José Brandão Pereira de Melo s’est lancé sur les traces de la princesse noire de Príncipe. Le premier expose deux hypothèses sur l’origine d’Ana de Chaves (qui, il est vrai, signifie « clés », au pluriel). Ce sont leurs recherches qui sont ici restituées. Ana de Chaves, écartée de la cour portugaise Ana de Chaves est morte en 1566. C’est là le seul fait précis qui nous soit parvenu. Au début du XIXe siècle, l’ancien directeur des Œuvres publiques d’outre-mer estimait que l’un des objets dignes d’être visités et conservés, sur l’île de São Tomé, était le tombeau d’Ana de Chaves, grande propriétaire de terres sur l’île. Le tombeau se présentait sous l’aspect d’une urne de pierre recouverte d’une dalle gravée aux armes de la dona et indiquant qu’il s’agissait de sa dernière demeure ainsi que celle de son mari, disparu la même année : « Aqui jaz Ana de Chaves e Gonçalo Gonçalves – Deus os fez e a morte os juntou - Ano 1566 (Ci-gît Ana de Chaves et Gonçalo Gonçalves – Dieu les créa et la mort les rassembla, l’année 1566) ». La chapelle du quartier S. João, qui appartint à Ana de Chaves, fut malheureusement profanée et vendue. Le tombeau fut détruit. Cependant, la décision
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE fut prise en 1880 par la municipalité de transférer les ossements dans un cercueil de bois déposé dans la cathédrale. Le cercueil se trouverait encore aujourd’hui sous l’autel principal de la cathédrale. La tradition représente Ana de Chaves comme une dame de haute extraction, fille naturelle d’un roi qui pourrait être João III, selon une version ; chambrière de la reine, Dona Catarina, sœur de Charles V, selon d’autres. La jalousie de la reine, selon cette dernière hypothèse, aurait provoqué l’exil de la grande dame, avec attribution de nombreuses terres à titre de compensation. Manuel Braga da Cruz penche, lui, pour la première hypothèse. D’autant qu’en 1948 fut découverte une autre dalle mortuaire portant le nom de Cezilia de Chaves et la date de 1540. Il pourrait s’agir de la mère d’Ana de Chaves. Pour Francisco Costa Alegre, poète, conteur et universitaire, elle serait la descendante d’un juif qui débarqua parmi les 2 000 enfants déportés, en 1495, épousa une captive et fonda une propriété appelée « Saint-Jean-Baptiste ». Quoi qu’il en soit, Ana de Chaves, héritière de grands biens, laissa, dans la colonie, des traces de sa générosité, distribuant la richesse à pleines mains, fondant et faisant vivre diverses institutions religieuses et de charité. Un an avant sa mort, elle se serait ouverte à la reine du Portugal de son intention d’établir un couvent franciscain à São Tomé. Maria Correia, la princesse noire de l’île du Prince Grande propriétaire également était Dona Maria Correia Salema Ferreira. À la fin du XVIIIe siècle, Príncipe connaissait une splendeur nouvelle : le cycle de la canne à sucre s’achevait, succombant aux invasions françaises de 1706 et 1799, et plus encore au développement du Brésil. L’île apparaissait alors comme un point privilégié pour le ravitaillement en eau et en vivres des bateaux négriers, en sus d’être un entrepôt d’esclaves. Dans cet endroit à l’écart, quelques natifs de vieille souche vivaient somptueusement. D’après notre auteur, Maria Correia fut un condensé des qualités et des défauts de son époque, de sa caste et de sa terre, figure bien réelle accomplissant sa vie de façon magnifique sur la toile de fond des réalités de son temps. La dame légendaire vécut à l’aube du XIXe siècle. Elle était née à Príncipe, en 1788, fille d’un commandant de milice brésilien et d’Ana Maria de Almeida, native de Príncipe. Le 16 août 1812, à 24 ans, elle épousa le capitaine des Ordonnances, José Ferreira Gomes, brésilien, fils de Vicente Gomes Ferreira qui, en 1770, avait
LES ÎLES DU « MILIEU DU MONDE » été nommé gouverneur de la colonie de São Tomé et Príncipe pour huit ans. José Ferreira Gomes, qui s’était fixé à Príncipe au moment de l’indépendance du Brésil, était grand voyageur. Propriétaire agricole, il était aussi armateur de navires destinés au négoce le plus rentable du temps : la traite des esclaves. En 1822, ce fut lui qui introduisit le cacaoyer, plante qu’il ramena du Brésil et fit fructifier dans l’île pour la première fois, dans sa roça Simaló. De là, la plante fut apportée sur l’île de São Tomé, puis sur celles de Fernando Póo et d’Ano Bom. José Ferreira Gomes fut récompensé par le grade de chevalier de l’ordre du Christ et le titre honorifique de jeune noble de la maison royale. Il mourut le 2 novembre 1837, à l’âge de 56 ans. À sa mort, sa veuve fit étalage d’une grande douleur. Une éloquente épigraphe fut gravée sur la pierre tombale de marbre, surmontée du spectaculaire blason aux armes de José Ferreira Gomes. Un siècle plus tard, la pierre fut retirée de la chapelle de Notre-Dame de Pureté, de l’ancienne roça Ribeira Izé (propriété de D. Maria Correia où fut déposé le corps) pour être transportée à São Tomé et, finalement, être déposée, en 1938, au musée de la Colonie. Dix années plus tard, à l’âge de 59 ans, l’épouse décrite comme totalement désemparée par l’épigraphe, contractait un second mariage avec Aureliano da Silva, peintre de son état et originaire de S. Liuz do Maranhão, au Brésil, âgé de 33 ans. Les mauvaises langues prétendirent qu’il s’agissait d’un mariage d’intérêt, de la part de Maria Correia. Le mariage eut lieu le 7 février 1847 et dura cinq ans : Aureliano mourut le 18 août 1852. Deux fois veuve, Maria Correia décéda à l’âge de 73 ans, le 1er mars 1861. Elle ne laissait pas d’enfants. La tradition orale de l’île de Príncipe prétend que Dona Maria Correia vivait sur un pied d’opulence et de faste. D’elle, l’imaginaire indigène fit une héroïne de moralité discutable mais fructueuse pour ses richesses, ce qui n’était pas étranger à l’esprit de ce temps, ni aux critères moraux coloniaux. C’était la personne la plus riche de l’île. Elle entretenait deux palais richement meublés où elle résidait en alternance, sur lesquels veillait en permanence un personnel nombreux : l’un dans sa roça Ribeira Izé, l’autre à Simaló, près de la ville de Santo António. Il reste des ruines des deux demeures, traces éloquentes du style de vie mené. Dans la ville même, elle ébaucha la construction d’un autre palais, sur l’emplacement de tout un quartier où fut édifié ultérieurement le Palais du Conseil. Les documents concernant les biens de Maria Correia sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque municipale de Príncipe, créée en
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE 1940. La liste des roças lui appartenant, à la mort de son second mari, est impressionnante : Simalé, Oque Boi, Pico, Praía Velha, Ribeira Izé, Oque Onça, Quinta, O Quedo, Rosario, Sillu, Portinho, Oque Capa, Praía Salgada, Ribeira das Agulhas, Praía Uba, Praía Rei ; s’y ajoutent quatre maisons de ville, 376 esclaves, de nombreux joyaux de grande valeur, des parures d’argent, de la vaisselle, dont un service en or massif, des meubles et du linge somptueux. Par testament, elle aurait laissé deux roças, Simalé et Ribeira Izé, au roi D. Pedro V. Cependant, le testament fut contesté par le premier baron d’Agua Izé, à qui ces biens revenaient en règlement d’une dette. On dit que la dame aimait déjouer la vigilance des navires anglais qui, dès le milieu du XIXe siècle, patrouillaient en vue d’arraisonner les bateaux négriers, la traite étant interdite. Lorsqu’un chargement était attendu, elle proposait aux officiers anglais de visiter l’une de ses propriétés, où elle les recevait comme des princes, autour d’un banquet gargantuesque. Pendant ce temps, le négrier accostait sur la plage d’une côte opposée et déchargeait sa cargaison humaine.
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À l’origine du nationalisme santoméen : les événements de février 1953
La tension fut vive durant tout le mois de janvier 1953. Dans la nuit du 31, au cours d’une rafle, un policier angolais reçut un coup de machette. Ce fut le début d’une vague de violence contre la population native de São Tomé, perpétrée par le Corps de police indigène (CPI) et des volontaires civils. L’insurrection commença dans la nuit du 2 au 3 février, suite à la mort d’un homme de Trindade. À l’aube du 4, une foule de natifs révoltés et armés de sagaies et de machettes, soufflant dans des coquillages et des sifflets, marcha de Batepá sur le poste de police de Trindade et fut dispersée dans la forêt par des rafales de mitraillettes. La répression prit des formes diverses : captures et déportations sur l’île de Príncipe, enfermement en nombre dans une cellule trop petite (entraînant une trentaine de morts par asphyxie), emprisonnement dans la prison civile et dans la capitainerie installée dans la forteresse São Sebastião, interrogatoires et tortures à l’électricité, travaux forcés sur la plage de Fernão Dias, où se construisait un quai accostable. Ce dernier endroit, où étaient traînés des prisonniers de la région de Trindade en majorité, fut le théâtre de cruautés qui
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Príncipe, une région autonome en quête de moyens « Príncipe ne vit pas pointer l’aurore des indépendances » écrit joliment Jean-Yves Loude. À la fin des années 1960, le mouvement de libération de São Tomé et Príncipe siégeait à Libreville, mais Príncipe fut comme oubliée, aucune information ne parvenait sur l’île. Plus grave, elle n’était pas mentionnée dans les programmes politiques. Le mépris ainsi affiché envers ces habitants minoritaires, qu’on appelait d’ailleurs à l’époque les Monkos, mot venant de l’anglais monkey (singe), suscita une revendication d’autonomie. Le MLSTP ne répondit jamais à une déclaration solennelle des habitants de Príncipe, soucieux de voir l’indépendance tenir compte de tous les habitants du pays. Le secrétaire général de ce parti, qui deviendra ensuite premier président de la République de São Tomé et Príncipe, ne daigna pas recevoir la délégation des natifs de l’île qui avait fait le déplacement à Libreville en 1974. À l’avènement de l’indépendance, la situation de Príncipe ne fut pas abordée. L’idée se répandit alors que les intérêts de l’île ne seraient pas défendus depuis São Tomé et qu’en conséquence il convenait de faire sécession. Hypothèse fermement écartée par la capitale. Cependant, en 1981, le cours des événements faillit tourner au drame sur cette question. Face à l’exaspération de la population en manque de produits alimentaires, les autorités publiques avaient interdit les manifestations de réjouissance de fin d’année. On passa outre, et lors des improvisations festives de rue, des cris de revendication d’indépendance montèrent de la foule en liesse encadrée par la police et l’armée ; des coups de feu furent tirés, les blessés furent évacués vers São Tomé. Peu après, l’approvisionnement de Príncipe s’améliora. Quinze ans plus tard, en août 1994, à la suite d’un vif débat à l’Assemblée nationale, le statut de région autonome fut enfin obtenu. Depuis cette date, Príncipe dispose d’un gouvernement régional, constitué d’un président, de quatre secrétaires régionaux et d’une assemblée régionale composée de sept députés. Il n’en demeure pas moins que l’isolement de l’île, où l’on parle un créole particulier, le lung’ie, est plus important que celui de sa « grande sœur ». En l’absence d’une liaison maritime directe avec le Gabon, l’écoulement des produits de l’agriculture y est un réel obstacle. Les actes de solidarité collective, tel le kitembu, en forro, peinent à se
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maintenir, les coopératives sont ignorées. Les revenus du tourisme sont sensiblement plus rares que sur l’île capitale, l’offre hôtelière y est très réduite... Compte tenu de la proximité des récents forages et puits de pétrole de ses côtes, le gouvernement régional espère recevoir un pourcentage significatif de la recette pétrolière à venir, qui lui permettrait une moindre dépendance envers la capitale nationale.
firent de nombreuses victimes (l’ouvrage de Jean-Yves Loude compare ce lieu à Gorée, au Sénégal). Les mauvais traitements et travaux forcés continuèrent en mars et avril de cette même année. Des enquêtes eurent lieu depuis le Portugal, sous l’impulsion du père Pinto da Rocha (qui donna refuge à d’innombrables natifs dans son église de Nossa Senhora da Conceição) et de membres de la famille Graça do Espirito Santos, résidant à Lisbonne, dont la maison servait de lieu de réunion clandestin aux nationalistes de l’Afrique lusophone. La sinistre PIDE salazariste arriva à São Tomé sur ordre du ministre de l’Outre-mer, pour vérifier l’allégation selon laquelle la révolte était d’inspiration communiste. Il fut reconnu que seule la politique brutale de recrutement de la main-d’œuvre avait suscité un esprit de révolte parmi les natifs. Les données concernant le nombre des victimes du massacre divergent largement, de quelques dizaines à plus de mille. Un article anonyme publié dans une revue de La Havane avança le nombre de 1 032 victimes. Pour Gerhard Seibert, chercheur hollandais, à qui l’on doit les éclaircissements qui précèdent sur cet événement encore mal connu, « le nombre 1 032 a avant tout une valeur symbolique ; en effet, le fait que les deux derniers chiffres, 3 et 2, indiquent également le jour et le mois du début du massacre de 1953 n’est pas une simple coïncidence ». Cette expérience traumatique marque le début d’une nouvelle époque. En 1960, elle conduit à la création du Comité de libération de São Tomé et Príncipe (CLSTP), première organisation nationaliste de l’archipel, constituée par des éléments de l’élite forro en exil. Après l’indépendance du 12 juillet 1975, un musée national est installé dans la forteresse São Sebastião à São Tomé. Depuis lors,
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des photos des corps et visages mutilés des victimes, exposées dans une salle du musée, rappellent au visiteur la violence coloniale. Chaque année, l’indépendance est commémorée par une course de porte-flambeaux accompagnée de cyclistes et de voitures klaxonnant, appelée « Flamme de la patrie », partant de Trindade, passant par la caserne des forces armées à l’extérieur de la ville et arrivant place de l’Indépendance le 11 juillet, à minuit. En outre, le 3 février fut officiellement baptisé « Jour des martyrs », commémoré annuellement par une Marche de la jeunesse, de la place de l’Indépendance à Fernão Dias, devenu lieu de mémoire. On se référa de plus en plus à cette révolte contre le travail forcé et au massacre qui s’ensuivit comme à « la guerre de Batepá », que l’on célébra comme un acte de la résistance nationale au colonialisme portugais, à l’instar des anciennes révoltes d’esclaves. Depuis 1991, l’évêque de São Tomé, natif du Portugal, célèbre une messe champêtre en l’honneur des victimes, tous les 3 février, à Fernão Dias. Lors d’une cérémonie toute simple, à laquelle participent les représentants de l’État, une couronne de fleurs est déposée au pied du modeste monument rendant hommage aux victimes. Le président de la République souligna, à l’occasion du quarantième anniversaire, que l’hommage rendu le 3 février signifiait à présent la sauvegarde des grands idéaux de liberté et de justice, socles de la longue lutte qui aboutit au 12 juillet 1975 (proclamation de l’indépendance) et au 22 août 1990 (adoption d’une Constitution pluraliste).
L’indépendance, suivie de dix ans de « marxisme-léninisme africain »
La proclamation de l’indépendance, le 12 juillet 1975, ne fut pas suscitée par la violence mais par le départ des Portugais. Le 25 avril 1974 avait éclaté à Lisbonne la « révolution des œillets » mettant un terme à un demi-siècle de dictature, instaurée par le général Salazar. Des accords signés à Alger entre le Portugal et les représentants de
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São Tomé et Príncipe, en novembre 1974, avaient abouti, le 21 décembre, à la mise en place d’un gouvernement de transition formé de membres du mouvement d’indépendance. Mais les troubles sociaux et l’exemple angolais provoquèrent ce départ précipité. Par le biais d’études universitaires qu’ils poursuivaient à Lisbonne ou à Coimbra, des Santoméens s’étaient mêlés au mouvement anticolonial peu à peu constitué par les intellectuels des terres portugaises d’Afrique, en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, en Angola, au Mozambique. En 1972, le CLSTP, composé de nationalistes exilés en Guinée équatoriale, qui avait été reconnu par l’Organisation des Nations unies dix ans plus tôt, devint le Mouvement de libération de São Tomé et Príncipe (MLSTP), qui se transforma à l’indépendance en parti unique. Il revint dès lors à ce parti de désigner le président de la République ; ce fut Manuel Pinto da Costa. L’euphorie, le dynamisme et la volonté d’agir pour un pays enfin « à soi », dont attestent les journaux de l’époque, furent de courte durée. À partir de 1977, le régime se radicalisa et opta pour le marxisme léninisme ; le débat d’idées au sein du parti tourna à l’affrontement. Les opposants s’exilèrent en France, en Afrique francophone ou encore au Portugal. Prétextant une menace d’intervention extérieure, le ministre pro-soviétique de la Défense pressa le président de faire appel à l’Angola. De 1978 à 1991, des troupes angolaises de plus d’un millier d’hommes stationnèrent à São Tomé, encadrées par des Cubains auxquels se joignirent des conseillers soviétiques. La rente constituée par les recettes d’exportation, et surtout par l’aide internationale, consolida la position économique et sociale de la bourgeoisie urbaine. Au-delà, le système bénéficia à l’ensemble de la population urbaine disposant d’emplois stables dans le secteur public et profitant de la gratuité des services publics, subventionnés. À l’inverse, la paysannerie fut perdante... Le plus spectaculaire, concernant cette période, réside dans la chute continue de la production de cacao, passée de 10 000 tonnes en 1974 à 3 200 tonnes en 1990. Combinée à la baisse des cours mondiaux, cette chute a largement amputé les recettes du jeune État. Aussi, dès la fin de 1985, les autorités prirent-elles la décision de libéraliser l’économie.
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En avril 1987, elles approuvèrent un programme d’ajustement structurel proposé par le FMI et la Banque mondiale. Suivies d’un second programme, au début des années 1990, les mesures d’austérité prises alors n’étaient pas parvenues, dix ans plus tard, à corriger les déséquilibres macroéconomiques les plus graves (notamment concernant les opérations financières de l’État, la dette extérieure, etc.).
Un apprentissage de l’économie de marché
L’effondrement du mur de Berlin, en novembre 1989, confirma la voie de l’économie de marché. Le 5 décembre suivant, une conférence nationale traça les bases de l’élaboration d’une démocratie multipartite et décida de réformer la vie politique et l’économie nationales. Un groupe de réflexion, organisé par quelques citoyens entendant participer à la vie du pays, apporta alors sa contribution. João Bonfim, l’un des fondateurs de ce groupe, a dit des années 1980, une fois devenu ministre : « Après la période coloniale, les noyaux familiaux se sont constitués en petites élites se disputant le pouvoir et la prépondérance sociale. » Le 22 août 1990, le pays traversant une grave crise socio-économique, une nouvelle Constitution, pluraliste, fut soumise à référendum : 72 % des électeurs optèrent alors pour un changement de régime. De nombreux partis politiques se constituèrent en vue des élections. Six mois plus tard, lors d’élections législatives, l’ancien parti unique, le MLSTP, sortit battu des urnes, avec 21 sièges contre 33 au Parti de la convergence démocratique (PCD). Manuel Pinto da Costa, au pouvoir depuis 1975, décida de ne pas se présenter aux élections présidentielles du 3 mars 1991. Ce jour-là, c’est Miguel Trovoada qui fut élu à la présidence de la République, avec plus de 80 % des voix. Longtemps exilé, en France, puis à Libreville, cet ancien Premier ministre (de 1975 à 1979) avait refusé la radicalisation du régime, ce qui lui avait valu de connaître les geôles de son pays.
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L’ennemi commun, aujourd’hui : la pauvreté
Au début des années 1990, le gouvernement a fait de la lutte contre la pauvreté sa première priorité. Cette lutte revêt plusieurs aspects étroitement liés : le développement rural, le développement du secteur privé et la promotion des investissements, l’accès au crédit, l’intégration des femmes dans le développement, la participation accrue de la société civile, l’amélioration des services sociaux de base. São Tomé et Príncipe, devenu l’un des pays les plus soutenus par l’aide internationale, s’ouvre à l’initiative privée et au tourisme, de façon de plus en plus affirmée. Dans ce contexte, la question agraire est évidemment en tête des priorités, ce secteur demeurant, de loin, le plus productif du pays. Une véritable révolution est en cours, avec la privatisation progressive des terres, soit, à terme, le démantèlement des grandes plantations, dont les terres sont attribuées à de petits exploitants bénéficiaires d’une aide financière et technique. En ville, l’éclosion des petisqueiras, petits bars sommairement édifiés avec des matériaux de fortune, des étals de commerce et de mille petits services est significative des initiatives des habitants, confrontés à la nouvelle donne. Pour l’heure, seuls s’en sortent bien une douzaine d’importateurs, déjà bien rodés aux lois du profit. Pour la grande majorité des Santoméens, la vie quotidienne relève encore du défi. Toutefois, le mouvement associatif émerge, on apprend à s’organiser et à ne plus compter seulement sur l’État. Cependant, malgré une relative embellie économique, le malaise social est allé grandissant au milieu des années 1990. La dévaluation de la dobra (unité monétaire nationale, qui a remplacé l’escudo en 1977), constante depuis décembre 1994, a rogné inexorablement le pouvoir d’achat de la population, avant d’être freinée au cours de l’année 1998 (l’inflation avait atteint plus de 80 % pour la seule année 1997). Dix ans plus tard, au début 2008, elle est cependant multipliée par dix : 1 euro = 21 500 dobras). Les demandes d’augmentation de salaires se firent pressantes, les salariés de la fonction publique se voyant contraints d’exercer d’autres activités, généralement dans le secteur informel. Une hausse de 140 % du prix des
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hydrocarbures provoqua une importante agitation en avril 1997. En mars 1998, pour la première fois, éclatait une grève de la fonction publique, liée à des arriérés de salaire. Déjà, en août 1995, une tentative avortée de coup d’État avait donné un signal d’alarme fort. À la place de la justice sociale et de la prospérité promises, la population n’avait perçu que la corruption grandissante et le détournement de fonds publics. La crise économique et sociale apparaissait dans toute son ampleur : la faiblesse de l’économie nationale rendait le pays incapable de réagir positivement aux remèdes prescrits par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Le 21 juillet 1996, le président Miguel Trovoada fut réélu, avec 52 % des suffrages. Manuel Pinto da Costa, cette fois, s’était présenté. Cette réélection, contestée, a plongé le pays dans une longue crise institutionnelle. Dans les faits, l’échiquier politique reste marqué par une instabilité constante, avivée par le retour au pouvoir du MLSTP, à la faveur des élections législatives de 1994. Au quotidien, c’est une lutte entre deux camps (celui de Trovoada et celui de Pinto da Costa, décrits comme « frères ennemis » par la presse internationale) qui se reflète dans les aléas d’une cohabitation souvent difficile. La discorde faillit atteindre un point de non-retour, en mai 1997, lorsque, sur l’initiative du président, le ministre des Affaires étrangères annonça la conclusion de relations diplomatiques avec Taïwan. Depuis son indépendance, en effet, São Tomé et Príncipe avait jusque-là maintenu des liens étroits avec la République populaire de Chine, liens forgés dans les années pro-marxistes et particulièrement fructueux en termes d’aide bilatérale et d’accords commerciaux.
Des projets en abondance
La volonté de surmonter la crise institutionnelle et politique s’est traduite, en mars 1998, par la tenue d’un forum national au cours duquel toutes les strates de la société civile se sont largement
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exprimées sur ce que devait être la nouvelle « gouvernance » du pays. Un déblocage de la situation aurait permis d’ouvrir le dossier des réformes économiques attendues par le Fond monétaire international, mais le forum se conclut sans grands résultats... Au programme du gouvernement s’inscrivent aujourd’hui la diversification agricole pour en finir avec la monoculture du cacao, le développement de la pêche et du tourisme, ainsi que la promotion du rôle du secteur privé dans l’économie. Enfin, une prospection pétrolière dans les eaux territoriales a suscité tous les espoirs de revenus substantiels, à investir au service du développement du pays. La perspective d’une manne pétrolière a constitué un enjeu de taille pour le développement du pays, ainsi qu’un enjeu stratégique considérable, rendant ce micro-État objet de toutes les convoitises. En 2002, le commandant en chef des forces américaines en Europe et le secrétaire d’État adjoint chargé des affaires africaines se sont rendus sur place. Bien qu’il ne soit pas question, pour le moment, de l’implantation d’une base militaire, l’intérêt des États-Unis à voir se transformer le golfe de Guinée en fournisseur régulier de pétrole, remplaçant en partie le golfe Arabo-Persique, ne fait aucun doute. Cependant, dès 1999, la nomination du Premier ministre, Guilhermo Posser da Costa, du MLSTP, signifiait l’entrée dans une cohabitation source d’instabilité et frein à l’élan attendu pour accompagner la libéralisation économique. En novembre de l’année précédente, le MLSTP-PSD était en effet sorti grand vainqueur des élections législatives, emportant 31 des 55 sièges de députés du Parlement. À l’issue du scrutin présidentiel du 29 juillet 2001, auquel Miguel Trovoada ne s’était pas présenté, l’archipel s’est doté d’un nouveau président en la personne de Fradique de Menezes.
Une instabilité politique préjudiciable à la dynamique du développement
Entrepreneur, exportateur de cacao, ce candidat de l’Alliance démocratique indépendante (ADI) a recueilli 56,3 % des voix dès le
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premier tour. Ce succès apparaît comme une victoire du président sortant, qui, au terme de sept années de composition avec un gouvernement MLSTP, voit son principal rival écarté (Manuel Pinto da Costa n’ayant obtenu que 38,7 % des suffrages). Dans un contexte où les partis politiques s’accusent d’être sous l’influence d’intérêts pétroliers, le bruit court que la campagne électorale du président aurait été financée par l’argent des compagnies pétrolières étrangères. Cette élection se déroule en effet sur la toile de fond de la perspective d’une découverte pétrolière dans la zone économique exclusive (ZEE) du pays, qui occupe l’actualité depuis la fin des années 1990. Quelques mois après son élection de 2001, ce nouveau président créait son propre parti : le Movimento Democratico Força de Mudança (MDFM), sorti vainqueur des élections législatives de mars 2002 (le premier acte du nouveau président avait en effet été de dissoudre l’Assemblée nationale, car les dernières élections législatives, en décembre, avaient encore amené le MLSTP au gouvernement). Un gouvernement d’unité nationale, regroupant tous les partis et soutenu par la coalition PCD-MDFM fut formé, avec Gabriel Costa comme Premier ministre, le premier d’une série de six durant le premier mandat de Fradique de Menezes. Dans ce contexte fébrile, dans la nuit du 15 au 16 juillet 2003, eut lieu une tentative de coup d’État dont le déroulement, par sa brièveté, son pacifisme et l’absence de réaction de la rue, n’est pas sans évoquer celui d’août 1995. Comme ce dernier, il fut le fait des « Buffalos », six Santoméens engagés comme mercenaires en Afrique du Sud dans les années 1990, de retour au pays en quête d’une situation. Alors que le président de Menezes se trouvait en visite de travail au Nigeria au sujet de la zone économique commune, le commandant Fernando Pereira s’empare de la radio et de la télévision, et annonce la création d’une junte de salut national chargée d’endiguer le déclin du pays. Ce putsch survient sur fond de crise économique. Le déficit de la balance commerciale devait atteindre 380 % du produit intérieur en 2005. Malgré un taux de croissance de 5 % et un accroissement du niveau de vie très visible dans la capitale, les prix avaient flambé et les exportations traditionnelles avaient brutalement chuté. Sur le plan politique, les élections législatives de 2002, pendant lesquelles certains militants des partis
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portaient des armes pour la première fois depuis le retour au multipartisme en 1990, avaient ramené le MLSTP (25 sièges sur 55, contre 23 pour la coalition présidentielle) à l’Assemblée nationale. Ce retour avait conduit le président à désigner comme Premier ministre Maria das Neves Ceita Baptista de Souza, une ancienne ministre d’un gouvernement MLSTP, et à ignorer le Parlement. En janvier 2003, ce dernier avait été dissous, alors qu’il s’apprêtait à limiter les pouvoirs présidentiels, notamment dans le domaine des négociations de contrats pétroliers. Cette tentative de coup d’État entend mettre un terme à la corruption de la classe politique. Elle est liée au pétrole, quels qu’en soient les commanditaires (des membres du Frente Democrata Cristã en feraient partie, groupe ayant participé à une tentative d’invasion en 1988, depuis le Gabon où il était exilé). Sa condamnation est unanime, en premier lieu par la communauté des pays de langue portugaise et les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale représentés par le ministre des Affaires étrangères du Congo. Le Nigeria, en situation privilégiée par la présence sur son sol du président santoméen lors des faits, s’impose dans les pourparlers. Le retour à l’ordre constitutionnel est exigé par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et le président en exercice de l’Union africaine, Joaquim Chissano (Mozambique). Le 23 juillet, soit une semaine après le putsch, le président de Menezes rentrait à São Tomé en compagnie de son homologue nigérian, au terme de la conclusion d’un memorandum d’entente négocié par une médiation internationale avec la commission militaire. Cet accord prévoyait en outre l’adoption d’une loi d’amnistie envers les putschistes et demandait la création d’un gouvernement d’unité nationale et le respect de la Constitution en vigueur. Un remaniement ministériel limité a eu lieu. Du gouvernement, dirigé par Maria das Neves, ont été évincés les ministres de tendance pro-angolaise. Au centre d’une bataille d’influence entre le Nigeria et l’Angola, São Tomé a donc pu se rêver, quelque temps, en futur Koweït du golfe de Guinée ; ce qui lui aurait permis d’échapper à la misère. Alors que Miguel Trovoada était proche de Luanda, l’actuel président fut considéré comme l’homme de la capitale nigériane, au
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risque de se voir reprocher de gérer la future rente pétrolière sous la tutelle des intérêts nigérians. Les élections législatives d’avril 2006 donnèrent une majorité non absolue au MDFM, après que l’élection présidentielle de juillet 2006 eut reconduit de Menezes pour un second mandat de cinq ans. Pour la première fois depuis l’avènement du multipartisme en 1991, le président de la République disposait à la fois d’un gouvernement fidèle et d’une majorité parlementaire. Cet avantage a été conforté par la victoire de la coalition présidentielle, en septembre 2006, aux élections locales. Toutefois un Conseil d’État, instance d’arbitrage non encore utilisée, a été créé et les tensions persistantes au cours de l’année 2007 ont conduit à un remaniement (permettant une ouverture à l’ADI), survenu dès novembre. Face à la situation économique et sociale alarmante, pour parvenir à un changement plus radical, Patrice Trovoada, l’un des fils de l’ancien président, du parti minoritaire de l’ADI, a été nommé Premier ministre en février 2008. Si l’horizon des revenus pétroliers a reculé vers les années 20122015, à la fois pour des raisons techniques et juridiques, la fébrilité suscitée par cet espoir de gain ne faiblit pas. Une loi de 2005, visant à réguler l’utilisation des ressources pétrolières, serait aujourd’hui remise en cause par le gouvernement dans son article essentiel, concernant la vente par appel d’offres des blocs d’exploitation. Une Agence nationale du pétrole, créée en novembre 2004, a cependant fourni, avec l’aide de la Banque mondiale, un cadre juridique complet et donne des avis.
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La main-d’œuvre : une question récurrente
Le besoin d’une abondante main-d’œuvre, corvéable à merci, fut une constante dans l’histoire de São Tomé et Príncipe. L’esclavage offrait aux colons du cycle de la canne à sucre des ressources humaines en nombre suffisant. La renaissance économique de l’archipel, par les plantations de caféiers puis de cacaoyers, coïncida, à une vingtaine d’années près, avec le déclin du trafic d’esclaves. En 1858, le premier décret d’abolition de l’esclavage provoqua une crise : tout comme la canne à sucre avant lui, l’arbre aux cabosses nécessitait d’innombrables bras, à très faible coût. L’économie de roça fut constamment gênée par le manque de main-d’œuvre. William Cadbury organise le boycott des fèves de São Tomé En 1876 commença l’importation de main-d’œuvre, sous la forme de travailleurs sous contrat appelés contratados ou serviçais (hommes de peine). Par milliers, ils furent recrutés en Angola, puis au Cap-Vert dès 1903, au Mozambique à partir de 1908. Le recrutement était brutal, les conditions de vie et de travail dans les roças fort pénibles, le rapatriement non assuré : le serviçal restait attaché à la roça, d’une manière voisine de celle de l’esclave, comme le dénonçait, en 1907, un journaliste britannique, Henri William Nevinson, en une enquête intitulée Modern Slavery. De ce reportage au vitriol naquit une correspondance entre le quaker et chocolatier William Cadbury, auprès duquel parvenait une part non négligeable de la récolte de fèves de l’archipel équatorial, et Francisco Mantero, représentant des propriétaires de roças. Cadbury vint vérifier sur place les conditions de vie et de travail dans les roças. Une importante conférence fut organisée à Lisbonne, au cours de laquelle les propriétaires portugais tentèrent de se justifier aux yeux des chocolatiers britanniques. Francisco Mantero consacra un épais volume à la question de la main-d’œuvre dans les roças. En dépit de cette volonté de dialogue et de justification, les chocolatiers anglais et allemands décrétèrent, en 1909, le boycott des fèves de São Tomé et Príncipe.
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE Citoyens et indigènes Avec l’arrivée des serviçais, la population de l’archipel prend sa configuration contemporaine. Jusqu’alors, la population native était constituée de Créoles, descendants des métis de la première génération, du temps de la canne à sucre, appelés forros, et de la petite communauté des Angolares, descendants des esclaves naufragés du XVIe siècle ou « marrons » ayant pris la fuite. Ces deux communautés qui ne se fréquentent toujours pas refusèrent le travail agricole dans les roças, le considérant comme indigne du statut d’hommes libres qui était le leur. Les forros, groupe à présent rejoint par les esclaves libérés de 1878, affranchis du travail dans les roças, travaillaient à la tâche, au nettoyage des palmiers et dans les bureaux, ateliers, installations sanitaires des roças qui appartenaient aux compagnies portugaises. Les Angolares se consacrèrent à la pêche, tout en exécutant des travaux occasionnels pour les planteurs, tels la coupe des arbres dans les roças et le transport côtier du cacao des roças jusqu’au port. Jusqu’en 1961, comme l’explique Gerhard Seibert, conformément à la législation coloniale, la population native, forros de la première heure et Angolares, ainsi que les Cap-Verdiens furent considérés comme des citoyens jouissant du même statut légal que les Portugais, alors que les autres Africains entraient dans la catégorie des indigènes. Descendants d’esclaves affranchis, les forros furent les seuls Noirs de l’île à posséder de petits lopins de terre, les glebas, disposant ainsi d’une autre source de subsistance que le travail pour les Portugais. Parmi les forros tiennent à se distinguer les affranchis de la première heure, descendants des grandes familles. Ils conservent précieusement dans leurs archives le certificat royal ou lettre de alforria qui prouve leur statut, et sont appelés les « fils de la terre ». Ces derniers n’ont pas en grande estime les affranchis plus récents, voire de la dernière heure, soit 1878, qui, eux aussi, sont à présent des forros. Les serviçais et leurs enfants – ces derniers, descendants de CapVerdiens pour l’essentiel, sont désignés par le terme de tongas – vivaient exclusivement dans les roças, dans les logements rudimentaires, les comboios, autrefois réservés aux esclaves. Les forros vivaient en ville, dans les bourgs et dans des villages non éloignés des centres urbains. Les Angolares se concentrèrent en un habitat nucléaire au sud de l’île de São Tomé.
L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE Les événements du 3 février, tragique épilogue de la crise annoncée En 1939, le gouverneur Ricardo Vaz Monteiro constate : « Le natif a été amené à considérer le travail agricole comme une condamnation que le maître des terres imposait à ses esclaves. » Probablement n’est-il pas le premier gouverneur à dresser ce constat : le massacre de février 1953 sur l’île de São Tomé fut bien lié aux problèmes de main-d’œuvre que rencontra constamment l’économie de roça à São Tomé et Príncipe. Après l’annonce de l’abolition totale de l’esclavage, en 1878, et l’introduction du régime de contrat, la population native se trouvait toujours dispensée de tout travail servile ; l’élite forro occupa les fonctions subalternes de l’administration coloniale. Ce manque de main-d’œuvre devait déboucher sur l’épisode tragique, fondateur de l’identité nationale, que fut le massacre de Batepá, au début de l’année 1953. Dès sa nomination comme gouverneur de São Tomé, en avril 1945, le colonel Carlos de Souza Gorgulho prit en effet différentes mesures visant soit à rendre plus difficile la subsistance des natifs, soit à améliorer les conditions de travail dans les roças pour attirer la main-d’œuvre locale. Le gouverneur avait, de plus, besoin de bras pour mener à bien l’ambitieux plan d’urbanisation et de modernisation de São Tomé, forgé pour attirer davantage de Blancs dans cette nouvelle « province » portugaise. Aucune de ces mesures ne put convaincre les forros de changer leur attitude face à ce qu’ils considéraient comme du « travail esclave ». Pour recruter cette main-d’œuvre à des salaires dérisoires, le gouverneur eut recours à des procédés plus ou moins honnêtes, puis à des rafles. Ces faits furent à l’origine des événements de 1953.
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3 Difficile transition vers le libéralisme économique
Depuis sa découverte jusqu’à la fin des années 1980, l’archipel de São Tomé et Príncipe n’a été perçu et façonné que comme support d’une économie de rente, à qui l’histoire fit prendre, tour à tour, le visage de l’esclavagisme, puis celui du colonialisme, enfin celui d’un socialisme datant de la guerre froide. À l’image de l’isolement géographique des îles, les individus et l’espace étaient divisés en entités aux intérêts divergents. L’arrivée des colons et celle des esclaves se sont déroulées par vagues successives, de même que les affranchissements. De subtiles distinctions de conditions et de rangs s’instaurèrent peu à peu, diversifiées et radicalisées au fil du temps et des soubresauts de l’histoire : gouverneurs et ecclésiastiques luttant entre eux pour le pouvoir et la richesse, filhos da terra, premiers affranchis jouissant du privilège de cultiver leurs jardins (les glebas), élite chargée des tâches administratives, qui n’eut de cesse de se démarquer des affranchis de plus fraîche date et de l’ensemble des forros à l’abolition de l’esclavage. Le territoire recelait aussi des exclus, à des degrés divers : marchandise humaine des esclaves, emmagasinée et embarquée par des négriers de passage, Angolares tenus pour d’inquiétants sauvages, main-d’œuvre des roças, provenant, au XIXe siècle, de diverses régions du continent africain, etc., diversité qui était source d’autres
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discriminations. Enfin, des pirates hollandais et français perturbaient régulièrement la vie quotidienne, les projets, les affaires. Tous ces groupes humains ne parvinrent pas, au fil du temps, à constituer une véritable société, ce dont atteste à sa manière le transfert de la capitale d’une île à l’autre aux XVIIIe et XIXe siècles. L’aménagement du territoire fut également conduit à seule fin de servir l’exploitation outrancière de la terre, sans autre considération que celle du profit. La terre fut cloisonnée en fazendas, du temps de la canne à sucre, puis en roças dès la fin du XIXe siècle, organisées autour de la culture du cacao et conçues pour s’autosuffire dans tous les domaines (éducatif, sanitaire, alimentaire...), rendant ainsi les esclaves encore plus dépendants de leurs maîtres. S’agissant de terres portugaises, la dépendance à l’égard de la métropole était absolue. Les colons étaient approvisionnés par bateaux en provenance du Portugal. Toute perspective de développement industriel local, voire d’échanges régionaux, était écartée. La « révolution des œillets », au Portugal, en 1974, permit au pays d’accéder rapidement à l’indépendance, qui fut déclarée le 12 juillet 1975. Mais cette date ne marqua pas l’union entre les différents groupes humains constitués par l’histoire des rapports sociaux. Le droit de vote, par exemple, fut refusé aux Cap-Verdiens, traités de « gabão », d’étrangers de bas étage. De surcroît, l’aversion profonde pour le travail contraint, voire pour le travail de la terre en général, seul dénominateur commun, ne fut guère dissimulée.
Près de quarante ans d’indépendance
Formées en opposition au colonialisme des puissances occidentales, les nouvelles autorités optèrent pour un modèle de développement venu de l’Est. Avec le soutien de l’Union soviétique, mais aussi de Cuba et de l’Angola voisin, l’option se radicalisa : parti unique, nationalisation de l’économie et notamment des roças, contrôle rigoureux des échanges extérieurs et clientélisme étouffèrent rapidement tout dynamisme entrepreneurial. Les travailleurs
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(serviçais ou contratados) des anciennes roças devenues entreprises d’État devinrent des « camarades », sans que leurs conditions s’en trouvent néanmoins modifiées, tandis qu’une nouvelle nomenklatura arrivait aux affaires. L’économie socialisée montra rapidement ses limites, malgré l’importante assistance extérieure dont bénéficiait désormais le pays. Aucune amélioration notable n’est apparue, bien au contraire : les cultures de rente, principalement le cacao, continuaient de concentrer l’essentiel de la force de travail, mais la production fléchissait inexorablement. Le développement des services sociaux et d’une industrie locale fut tenté, sans grand succès, les infrastructures (pistes, routes, immeubles des anciennes roças, réseau ferré pour le transport du cacao, etc.) se dégradèrent rapidement, la dette publique s’accrut très fortement... Tributaire de l’aide extérieure, face à des difficultés toujours plus grandes, le pays opéra un changement de cap à partir de 1985, avec la décision de libéraliser l’économie. Un programme d’ajustement structurel fut signé en 1987 avec le Fonds monétaire international (FMI), soutenu par la Banque mondiale ainsi que d’autres bailleurs de fonds. En 1989, un nouvel accord triennal fut approuvé par le FMI. Mais, confronté à l’instabilité politique interne, à une très faible capacité administrative et à la chute des prix mondiaux du cacao, principal produit d’exportation, les objectifs ne furent pas atteints. Le pays s’enfonça à nouveau dans la crise et la récession. Il fallut attendre 1998 pour qu’apparaissent les premiers résultats encourageants des politiques économiques menées par les nombreux gouvernements qui se succédèrent à la tête du pays. Bien qu’encore très fragiles, ces bonnes performances ont permis aux autorités de s’engager à nouveau avec le FMI dans la voie d’un programme de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques mais également le développement prioritaire des secteurs sociaux (éducation et santé), singulièrement affectés au cours des dix dernières années, constituent les grandes lignes d’un programme dont l’objectif final est l’amélioration des conditions de vie des populations. L’assistance extérieure consiste à présent à mener
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différents programmes de développement qui visent, notamment, à structurer les acteurs du monde rural et de la pêche de manière à en faire de véritables opérateurs économiques. Elle consiste aussi en une formation, assurée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, à la gestion de la nouvelle ressource pétrolière, qui devrait être effective à partir de 2012. Toutefois, aujourd’hui, avec un PIB de 100,4 millions de dollars (EIU, 2007) et un PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat de 2 178 dollars (PNUD, 2007-2008), São Tomé et Príncipe fait partie des pays les plus pauvres du monde. La dévaluation de la dobra est vertigineuse (1 euro = 25 000 dobras, en janvier 2008). Le taux d’inflation est de 22 % (Banque centrale de São Tomé, 2006). Le budget global de l’État serait d’un montant inférieur à celui d’un club moyen de football professionnel en Europe ; le pays est tributaire à 75 % de l’aide internationale. 91 % de sa dette publique extérieure auprès des bailleurs multilatéraux (360 millions de dollars) fut annulée par une initiative « PPTE » (petit pays très endetté) du FMI, avec lequel un accord triennal fut signé en août 2005. Le Club de Paris a, de son côté, poursuivi ce mouvement en mai 2007, en annulant 24 millions de dollars. Le déficit de la balance commerciale atteint 38,2 millions de dollars.
Prégnance du secteur primaire et tentatives de diversification
L’économie de São Tomé et Príncipe, dont les principaux éléments sont l’agriculture (16,1 %), l’industrie (14 %) et les services (69,9 %), reste dominée par le secteur primaire : responsable de 95 % des ressources d’exportation (cacao), employant 60 % de la population active, le secteur rural est encore, à l’aube du XIXe siècle, une composante essentielle de l’économie santoméenne. L’agriculture demeure insuffisamment diversifiée, le cacao constituant la principale sinon l’unique source de revenus de nombreux Santoméens, dont une grande partie de fonctionnaires et citadins reconvertis en petits agriculteurs.
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Dès 1992, et jusqu’en 2000, s’est produite une véritable révolution culturelle avec la redistribution des terres par l’État, dans le cadre d’une réforme agraire d’importance. Travailleurs de base et membres de l’encadrement des roças ont en majorité bénéficié de cette distribution, même si des pressions politiques ont amené à satisfaire des membres de la classe politique voulant leur part. 24 000 hectares ont été ainsi répartis entre 9 000 familles, chacune d’elles recevant en moyenne une parcelle de terrain de 2,5 hectares (200 familles recevant, elles, de 10 à 50 hectares). Mais, peu formées ou totalement inexpérimentées, et disposant de faibles moyens, elles n’ont pu empêcher la baisse de la production de cacao, qui, actuellement, ne dépasse guère les 3 000 tonnes annuelles. La chute des prix mondiaux, enregistrée à partir du milieu de l’année 1999, a de surcroît frappé de plein fouet ces petits exploitants. Depuis, le cours est remonté, avec un gain de 30 % en 2007, mais le problème de fond est ailleurs. Le passé, constitué du travail forcé imposé de génération en génération, et les attentes du futur, avec la perspective de ressources pétrolières importantes, se conjuguent pour expliquer un refus largement répandu du travail agricole, notamment dans les roças. À ce refus latent s’ajoute l’inexpérience de beaucoup de bénéficiaires de la distribution des terres, inexpérience des contraintes et techniques agricoles de la cacaoyère pour certains, inexpérience de la gestion pour d’autres. Le cadre juridique, reposant sur des contrats d’usufruit de 99 ans, sans titres de propriétés, a contribué à la désorganisation. En 2005, on estimait à 30 % les terres purement et simplement abandonnées. Cette distribution, hâtive dans la réflexion préalable, voulue par les institutions de Bretton Woods afin de réduire les effectifs de la fonction publique et de plonger le plus grand nombre d’acteurs (aussi bien cadres que travailleurs de base) dans le jeu de l’économie libérale, est aujourd’hui considérée comme menant à l’impasse économique. Durant les années 1990, un programme d’appui à la promotion de l’agriculture familiale (PNAPAF), cofinancé par la France et le FIDA (Fonds international de développement agricole), s’est attaché à aider le monde paysan à faire face aux nouvelles exigences de l’économie libérale et aux besoins de diversification de la production
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agricole. À présent, la coopération taïwanaise a pris la suite de la coopération française, prenant en charge le secteur rural, ainsi que celui de la santé (avec, à son actif, une spectaculaire réussite dans l’éradication du paludisme) et celui du développement économique. Les tentatives de diversification commencent à porter leurs fruits : l’entreprise Flora Preciosa, par exemple, à la fois portugaise et santomense, livre, à raison de près d’une tonne par semaine, 18 variétés de fleurs et de feuillages à l’exportation vers le Portugal, l’Espagne et l’Irlande. Elle produit à São José, une dépendance de la roça Santa Margarida, dont elle loue les terrains à l’État, encore propriétaire de quelques roças. Sa capacité serait de 2 tonnes, aussi recherche-t-elle de nouveaux marchés, au Nigeria, en Angola et au Gabon, tout en expérimentant de nouvelles variétés. La vanille, qui est une orchidée, fait aussi figure de produit prometteur. Via le Jardin des plantes de Paris, elle fut introduite dès 1876 par les missions catholiques. Du côté de Porto Alegre, elle faisait partie des jardins créoles des maisons de maîtres, et des essais de pollinisation eurent lieu. Aujourd’hui, un entrepreneur français, passionné, cultive une parcelle de 5 hectares du côté de Santana, sur la plantation Monica Mawo, et serait en mesure d’exporter dès 2009. Yves Peladeau, qui a mis au point une technique de séchage particulière, est fier de préciser que la vanille santoméenne renferme un taux de vanilline de 3,4 %, soit le double de celle de Madagascar. Le poivre représente encore un potentiel à développer, ainsi que les huiles essentielles. Majoritairement vivrières (matabala, igname, patate douce, etc.), les cultures sont presque intégralement consommées sur place, une part marginale étant exportée vers le Gabon et l’Angola. Malgré des ressources halieutiques importantes, la pêche, activité la plus développée, reste artisanale : 2 000 pêcheurs extraient de l’océan 3 500 tonnes de poissons par an. Le secteur n’en constitue pas moins l’un des principaux pourvoyeurs de recettes pour l’État, par le biais des droits de pêche accordés à l’Union européenne (portant sur un prélèvement de 8 000 tonnes par an), dont profitent, notamment, les chalutiers et thoniers espagnols. Les productions de vin de palme, vendu en bouteilles au bord des routes, notamment vers le Sud, et de coprah (fibres de noix de coco), sur la côte nord, sont à signaler.
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Émergence du tourisme
La construction civile constitue sans doute l’activité majeure du secteur secondaire, grâce aux projets d’infrastructures financés par la communauté internationale. Ces projets concernent en effet aussi bien la réhabilitation des routes et pistes rurales que la rénovation des édifices ou des logements administratifs. Le marché du centreville de la capitale a ainsi déménagé en 2007 et fut reconstruit en dur dans le respect des normes d’hygiène en cours. De surcroît, signe de l’enrichissement rapide de quelques commerçants ou dirigeants du pays, de nouveaux bâtiments et de grandes maisons privées surgissent dans certains quartiers de la capitale, parfois de façon anarchique, ou des environs (tel l’abord de Lagoa Azul). L’activité industrielle se trouve concentrée sur la fabrication, à partir de matières premières importées, de la bière locale Creola et Rosema, sur la production d’huile de palme et, à un degré moindre, sur la fabrication de savon et la confection. Elle est peu développée. Quelques dizaines de boulangeries préparent un pain d’excellente qualité, base de l’alimentation locale. Le commerce de détail semble quant à lui prospère, du moins si l’on en juge par la diversité – toute relative, bien sûr, pour qui vient d’Europe – des produits proposés, essentiellement importés du Portugal. Enfin, comme dans la majorité des pays africains, le secteur informel apparaît comme un pourvoyeur d’emplois essentiel pour une jeunesse largement désœuvrée. L’administration publique, forte, en 2000 encore, d’environ 10 % de la population active, vit une complète mutation. Une vaste réforme visant à réduire les effectifs, améliorer la productivité et revaloriser les traitements est en cours. Le tourisme, enfin, demeuré longtemps une activité marginale, devrait connaître un essor important en 2008. Les autorités du pays, qui ne manque pas d’atouts en ce domaine, semblent décidées à créer une dynamique propice au développement des initiatives privées, tant locales qu’étrangères. En 2007 a surgi de 4 hectares et demi de terre un complexe touristique d’ampleur, sur le site des ruines de l’ancien fort Jeronimo, bien en vue à l’extrémité sud de la baie Ana Chave. Relativement bien intégré au site, bien que défi-
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gurant inévitablement le charme de la presqu’île du fort, il est constitué d’un hôtel haut de gamme de 115 chambres, avec casino, d’un petit lotissement de 52 appartements de luxe, Vila Maria, d’appartements avec piscine et jardin privés de 400 à 950 m². À l’initiative du groupe hôtelier portugais Pestana, qui reprend également le célèbre hôtel Miramar, cet ensemble de quelque 500 lits devait ouvrir pour l’été 2008 et entraîner, enfin, la création d’un vol charter assurant des liaisons directes et régulières avec l’Europe. À plus long terme, un ambitieux projet de complexe touristique très haut de gamme, autour de Lagoa Azul, est élaboré par un consortium constitué de Santomenses, en partenariat étroit avec des hommes d’affaires sud-africains, le Falcon Group Limited. Ce groupe entend s’investir également dans le développement d’une zone franche, dans l’agriculture et la santé. Il voit dans São Tomé une plateforme potentielle pour les intérêts commerciaux sud-africains, le développement de l’industrie pétrolière et celui d’un marché de 229 millions d’habitants dans la région du golfe de Guinée. Simultanément se développe l’écotourime. Quelques agences de tourisme, sur place, telle Navetur, se sont spécialisées dans ce créneau, en complétant leurs revenus par des prestations de service aux entreprises. Ces agences travaillent en lien avec leurs homologues d’Europe, telles Terre d’aventures, Zig-zag, Nomade Aventure, etc., et proposent, après sensibilisation à la manière d’être locale, des circuits de découverte des sites naturels les plus impressionnants, des immersions culturelles autour de la gastronomie ou des fêtes locales. L’ONG Marapa a ouvert un éco-lodge dans le sud de l’île de São Tomé, en bordure de la praia Jalé. Le prestigieux Island resort Bom Bom, à Príncipe, devrait suivre cet exemple, jusqu’à éventuellement supprimer la climatisation. Enfin, la création d’une zone franche à Príncipe fait figure de serpent de mer apparu il y a une quinzaine d’années. Si divers textes réglementaires ont été publiés depuis 1995, la concrétisation effective de ce projet reste, cependant, assez éloignée et pourrait ne pas avoir lieu, compte tenu du caractère unique de ce patrimoine naturel.
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Le pétrole, un espoir de recettes substantielles
Les perspectives d’exploitation du pétrole font espérer des recettes qui seraient considérables, rapportées au nombre d’habitants. Situé dans le golfe de Guinée, connu pour ses réserves pétrolières (12 % de la production mondiale) dont bénéficient, à des degrés divers, l’ensemble des pays de la sous-région (Angola, Gabon, Guinée équatoriale et Nigeria particulièrement), l’archipel de São Tomé et Príncipe fonde en effet de nombreux espoirs sur la découverte d’or noir dans ses eaux territoriales. Les premières études entreprises, en dernier ressort sous l’égide de la compagnie ExxonMobil, laissent espérer des résultats prometteurs dans une zone située au nord de l’île de Príncipe, qui est également revendiquée par le Nigeria. Le différend frontalier fut réglé par un accord, début 2003. Peu après son élection, Fradique de Menezes avait remis en cause le traité conclu par son prédécesseur et les accords qui en découlaient, jugés défavorables. Ceux-ci avaient été passés avec trois compagnies : ExxonMobil, la société norvégienne Petroleum Geo-Services et une entreprise nigériane. Avec le soutien de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, les discussions ont abouti au maintien d’une zone d’exploitation conjointe (ZEC) de 165 000 km² avec le Nigeria, les deux États n’étant pas parvenus à s’entendre pour la délimitation de la frontière maritime. La répartition tient compte de l’expérience du géant voisin, premier producteur d’Afrique, et reste inchangée : 60 % des ressources de la zone conjointe reviendront au Nigeria contre 40 % à São Tomé. Seuls ont été modifiés les modalités d’indemnisation prévues pour l’État santoméen (allocation de 30 000 barils de pétrole brut par jour, de la date de l’accord à celui de la production) et les termes des contrats passés avec les compagnies pétrolières. Une Agence nationale du pétrole a été créée en novembre 2004, qui, avec l’assistance technique de la Banque mondiale, a produit un cadre juridique complet, avec notamment la loi relative à la gestion de toutes les recettes pétrolières. Après délimitation de la zone d’exploitation exclusive (ZEE) (non sans difficultés), les autorités ont signé un accord de prospection
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avec un consortium américano–sud-africain, permettant à ce dernier une exploration offshore (deux millions de dollars de contrepartie ont été versés à l’État). Les ressources pourraient être importantes (de l’ordre de 4 à 12 milliards de barils selon les hypothèses), mais la partie située en ZEE est en extrême profondeur (de 1,5 à 2,5 km) et l’huile serait lourde. L’horizon de l’exploitation de cette nouvelle ressource recule donc vers les années 2010-2012, permettant la continuité de la réflexion, et des tentatives en cours, de diversification des ressources. Neuf blocs d’exploration offshore, ou zones de recherche, ont été attribués. Deux appels d’offres internationaux en 2003 et 2004 pour quatre de ces blocs ont été remportés par les compagnies Chevron Texacco, Sinopef, Anadarko et Addax (les majors américaines et le groupe français Total-Final-Elf attendraient, quant à eux, des précisions sur la quantité de la ressource). Dès 2005, ces compagnies ont dû s’acquitter de 49,2 millions de dollars pour leur droit de recherche. Montant auquel se sont ajoutés 29,6 millions de dollars en 2006. Un compte spécial a été ouvert à New York, d’autres recettes sont attendues aux alentours de 2013. L’Agence nationale pour le pétrole, qui aide le gouvernement à gérer la ressource d’une manière démocratique et favorisant le développement du pays, ne serait pas toujours suivie (début 2008, la loi de 2004 serait menacée de révision dans son article fondamental sur l’attribution des futurs blocs par appel d’offres). Pour le directeur de l’agence, l’argent du pétrole doit servir les investissements dans d’autres domaines et notamment les secteurs d’avenir. Bien que ces réserves se situent en eaux très profondes, le cours du baril de pétrole en rendrait la mise en exploitation rentable à court terme. Il revient aux dirigeants du pays, aidés en cela par les institutions internationales, de ne pas se laisser griser mais d’apprendre à gérer au mieux cette nouvelle ressource pour investir dans d’autres secteurs, indispensables au développement de l’archipel. La recherche d’une réelle amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la population ainsi qu’une réforme du système éducatif, visant à développer l’esprit d’initiative et les capacités entrepreneuriales, devraient être entreprises. La ressource nouvelle ira aux investissements nécessaires, en procédant simultanément aux
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indispensables ajustements socio-économiques qui, seuls, permettraient de transformer l’archipel en profondeur et pour le long terme.
De la plantation à l’entreprise : les anciennes roças devenues « communautés »
Les roças (roçar en portugais signifie défricher) sont généralement des bandes de terres (de quelques dizaines à quelques milliers d’hectares) allant du littoral à la base des fortes pentes de la montagne. Le mot roça désigne un ensemble constitué des terres et du bâti, exploité selon le système de la plantation, à l’instar des latifundias d’Amérique latine. Il est apparu au XIXe siècle, avec le nouveau cycle économique du café et du cacao, et son usage viendrait du Brésil (avec les premiers plants de cacao). On parlait en effet de fazendas du temps de la culture de la canne à sucre.
Une organisation spatiale élaborée Les roças avaient été organisées non seulement afin de produire des denrées d’exportation – leur première raison d’être – mais aussi de s’autosuffire dans de nombreux domaines. On produisait ainsi, outre le café et le cacao, des fruits (arbre à pain, bananes), des légumes (ignames, patates douces), on pratiquait l’élevage (volailles, porcs, bovins pour le lait et la viande) dans le but de nourrir l’ensemble des travailleurs. L’énergie électrique provenait de petites centrales hydrauliques ou de machines à vapeur alimentées par le bois. Des menuiseries produisaient tout le nécessaire, tant pour les besoins de la production que pour l’ameublement des logements et des bureaux. L’organisation spatiale de chaque roça était tournée vers la mer. Chacune d’entre elles était une sorte d’enclave dont le débouché naturel était l’océan. Beaucoup possédaient un quai d’accostage, ou wharf, qui leur permettait des approvisionnements en biens et
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équipements de l’étranger (du Portugal) via la capitale (São Tomé) et, dans l’autre sens, l’exportation des denrées (cacao, coprah) vers l’Europe. À côté du wharf étaient bâtis des entrepôts.
La chapelle, l’hôpital, les logements en compartiments Plus en altitude, de 100 à 200 mètres plus haut, se dressent les bâtiments principaux de la roça. Sur une hauteur, à la faveur d’un replat, s’élève la maison du maître. Celui-ci n’était souvent que le représentant du propriétaire, ce dernier ne quittant guère les rives du Tage. C’est une vaste demeure à étages bien exposée aux vents, avec jardin « exotique » et jets d’eau, patios, pièces lambrissées, larges escaliers en bois, meubles de style indo-portugais, azulejos parfois. Non loin de ce point central se dresse la chapelle ouverte à tous. Elle est souvent de facture sobre. À l’intérieur, les statues peuvent être de style baroque. Au-dessus, dans une zone bien ventilée, est construit l’hôpital. Il forme généralement des bâtisses de taille disproportionnée par rapport aux autres constructions, mais les épidémies touchent toute une population en même temps et l’hôpital est aussi celui de toute la région. En contrebas de la maison de maître, à portée de vue, se dressent les comboios (les trains, en portugais), série de longs bâtiments étroits où habitent les travailleurs et leur famille, qu’on appelle aussi sanzala. Chaque travailleur est doté d’un logement d’une dizaine de mètres carrés avec une porte et une fenêtre inclus dans un long bâtiment, de telle sorte qu’on a pu comparer ces bâtiments à des wagons de voyageurs de l’époque. Les travailleurs peuvent, hier comme aujourd’hui, cultiver de petits jardins.
Les bâtiments administratifs et techniques Au même niveau, non loin de là, on recense les bâtiments administratifs qui révèlent une hiérarchie très poussée, par l’emplacement et la taille des bureaux, par les écriteaux indiquant les
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fonctions de chaque édifice. Les bâtiments techniques se situent souvent à proximité des bâtiments administratifs avec, en tout premier lieu, les locaux de fermentation du cacao et les installations de séchage des fèves. Ces dernières peuvent être de simples aires de séchage solaire quand le climat le permet, des fours à bois ou un système de diffusion d’air chaud et sec dans de vastes tambours rotatifs. Généralement, les séchoirs sont des aires plates d’une centaine de mètres carrés, pavées de grands carreaux d’ardoise importés d’Europe. À côté de ces bâtiments essentiels, on rencontre aussi d’autres bâtiments non moins utiles comme l’atelier de mécanique et de réparation des machines, la scierie, la menuiserie, la centrale hydroélectrique. Il était de tradition d’inscrire, sur le fronton principal de chaque édifice, sa fonction. Autre élément incontournable martelant la vie de la roça : la cloche en bronze au centre de la cour principale, dont les appels rythmaient la journée de travail dès 4 h 30 et jusqu’à 17 heures, à la tombée de la nuit.
Une qualité de finition impressionnante Pour accéder aux plantations mêmes, des routes entièrement pavées, des ponts, des voies de chemin de fer ont été érigés parfois en des endroits où la nature semble défier l’homme. Mais aussi, des canalisations d’eau, des canaux d’irrigation, des lignes téléphoniques installées avec le plus grand soin sillonnaient ces terres d’une telle richesse que quelques années d’abandon auraient suffi à les reconduire à l’état de brousse impénétrable. Les plus grandes roças possédaient chacune un réseau de chemin de fer qui desservait la plantation. Lorsqu’on examine les cartes de 1958, les dernières en date avant l’indépendance, on est surpris et émerveillé par la densité du réseau ferré serpentant dans les roças. Il n’existait pas de jonction, et deux voies pouvaient se côtoyer à quelques centaines de mètres sans jamais se rejoindre. Les locomotives hissaient des wagons de pesticides, de plants, d’outils et d’hommes pour descendre les précieuses cabosses, transformées en fèves, dans l’entrepôt du bord du wharf.
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Les matériaux dominants des bâtiments sont le ciment et, pour les toitures, la tuile mécanique (tuile de Marseille, importée du Portugal). Il existe néanmoins des bâtiments en bois, surtout pour les entrepôts. Ainsi, des investissements considérables ont été réalisés durant la période faste du cacao. Le visiteur est encore impressionné par les vestiges de ces travaux. Un sentiment de regret et d’amertume peut dominer : comment des investissements aussi considérables, dont certains sont toujours fonctionnels (ou peu s’en faut), peuvent-ils disparaître alors que le pays, qui se trouve aujourd’hui dans une situation économique désastreuse, en aurait tant besoin ?
La tristesse des tropiques, ici proche de celle des corons Les constructions et le mode d’organisation de l’espace de travail n’ont rien d’africain, mais, en réalité, São Tomé a, depuis toujours, peu à voir avec l’Afrique, en dehors de la provenance de sa main-d’œuvre. Toutefois, si les maisons de maîtres expriment bien un art de vivre passé, une aisance certaine tournée vers l’Europe, il ne s’en dégage pas l’opulente facilité qui rayonne des « habitations » des îles à sucre de la Caraïbe ou de Louisiane. Sous un ciel le plus souvent obscurci, les logements des travailleurs ne sont que de tristes « corons » sous les tropiques. Ils suintent encore – ils sont en effet toujours habités – la souffrance, le dénuement, l’abêtissement et l’avilissement. Rares sont les rires, les chants ou autres manifestations d’insouciance qui s’en échappent. Les dures conditions de vie imposées pendant des siècles (coups de chicote à la moindre défaillance, extinction de toute lumière et silence imposé dès 20 heures, trois jours chômés dans l’année et demande d’autorisation pour chanter et danser, ou encore, auprès des patrons respectifs, pour rendre visite à un parent travaillant sur une autre roça ou simplement se mettre en ménage) pèsent toujours dans les mémoires. Elles ont fait place à un abandon presque aussi implacable, auquel le recours à l’alcool joue pour beaucoup le rôle de remède. Le montant de la pension de retraite d’un travailleur de roça tourne autour de 100 000 dobras, soit moins de 5 euros par mois. Les résidants actuels des roças ont l’apparence des rescapés
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d’une catastrophe ; leur sort, notamment pour les descendants de Cap-Verdiens, s’apparente à celui de déportés à perpétuité. L’admiration se porte sur les investissements et l’architecture industrielle ayant nécessité à coup sûr beaucoup de capitaux, mais aussi et surtout beaucoup de travail, de courage et d’ingéniosité. Il est regrettable de voir se perdre ces œuvres fortes, émanant de « métiers », traduisant un savoir-faire ancestral, en partie remplacées par des procédés de facture plus « moderne », mais aussi plus fragile et impliquant une plus grande dépendance financière et technologique. Un fait est certain : pour qui aime l’histoire de l’architecture industrielle et des technologies du début du XXe siècle, il est urgent d’aller visiter São Tomé aussi pour cela. Il ne reste que quelques années de grâce avant que tout ne disparaisse.
Un patrimoine unique, en voie de disparition Les roças sont dispersées sur tout le territoire de l’archipel. Le bâti abrite aujourd’hui encore les logements des travailleurs et des petits propriétaires, le siège administratif des grandes plantations qui restent en exploitation, quelques entrepôts et ateliers. La plus grande partie est à l’abandon ; la baisse incessante de la production ayant entraîné le départ de la main-d’œuvre, l’avenir de bon nombre de ces exploitations demeure incertain. Avant l’indépendance, l’archipel comptait près de 200 roças, en activité pour la plupart. Aujourd’hui, elles ne dépassent pas la vingtaine. Leurs qualités esthétiques, architecturales, historiques, ajoutées au grand besoin de locaux de services et d’équipements collectifs divers, invitent à sauvegarder et à conserver ces sites bâtis ruraux, comme l’a récemment souligné l’Unesco.
À l’heure de la privatisation La renaissance de la vie des anciennes roças passe aujourd’hui par une profonde réforme agraire. À la veille de l’indépendance,
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une cinquantaine de moyennes et grandes exploitations occupaient la majorité des terres cultivables. Dès la fin de 1975, le gouvernement santoméen a procédé au regroupement de ces terres et les a nationalisées, créant ainsi une quinzaine d’entreprises agroindustrielles. Dans le cadre d’un modèle d’économie centralisée et planifiée, une gestion étatique leur fut appliquée, dont les chutes spectaculaires de rendement signèrent l’échec. Une première vague de privatisation des terres a débuté en 1984. Au cours de la période 1986-1991, des moyennes entreprises avaient déjà été créées. Au début de 1993, les grandes plantations (expression utilisée aujourd’hui) employaient environ 10 000 travailleurs, y compris les saisonniers, et environ la moitié de la population de l’île y vivait.
Les nouvelles entreprises et microentreprises agricoles, à soutenir d’urgence
À partir de 1993, un programme national de privatisation de l’usage des terres, en vue de la constitution de moyennes et petites exploitations agricoles, entraîna le démantèlement progressif des anciennes entreprises de l’État. Début 2000, le cabinet de la réforme foncière avait distribué près de 15 000 hectares cultivables, sur près de 34 000 hectares de superficie brute, dont plus du tiers de forêts, à près de 6 000 bénéficiaires avec une moyenne de 2,5 hectares par exploitant. Les attributaires d’entreprises moyennes sont 130 pour plus de 4 500 hectares (35 ha/exploitant). Ils cultivent les cacaoyers pour près d’un tiers de la surface, palmiers, caféiers et cocotiers occupant le reste. Les quelques grandes roças qui avaient fait l’objet de contrats de location ou de gestion sont aujourd’hui à leur tour démembrées au profit de petits et moyens planteurs. Restent les unités de traitement entourées parfois de quelques centaines d’hectares afin de conserver un noyau homogène associant production et transformation.
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Toutefois, si l’État s’est retiré de l’administration et de l’exploitation directe des terres agricoles, il reste propriétaire de l’ensemble : terres, infrastructures et installations communautaires. La loi foncière de 1991 définit un contrat de concession, les terres et le patrimoine restant domaine de l’État, qui dispose du droit de contrôle d’utilisation. Seuls certains droits d’usage sont transmis aux petits et moyens propriétaires, pour une durée limitée. Les aspects juridiques de la réforme foncière tardent à se clarifier. Plus grave : si le projet de distribution avait pour cible l’encadrement et les travailleurs des roças, les pressions politiques ont amené la cession de terres aux membres de l’élite politique (quelle que soit leur compétence en la matière). 9 000 familles ont reçu 2,5 hectares en moyenne, tandis que 200 familles recevaient entre 10 et 50 hectares. Aujourd’hui, l’échec de cette redistribution voulue par les institutions internationales (FMI et Banque mondiale) pour réduire d’autant l’effectif de la fonction publique est patent. De 4 000 tonnes à la fin des années 1990, le rendement cacaoyer national peine à atteindre les 3 000 tonnes dix ans plus tard. Beaucoup d’occupants de roças se livrent à l’autosubsistance et manquent de capitaux pour investir.
La fin de la prépondérance du cacao Ainsi, à la période coloniale où la culture du cacao était concentrée sur de grandes plantations (les roças) qui pouvaient atteindre 2 000, voire 3 000 hectares, a succédé une phase de nationalisation à l’indépendance. Cette phase a vu le regroupement de ces roças autour d’une quinzaine de grandes entreprises. Depuis une dizaine d’années, la politique de redistribution des terres conduite par les gouvernements successifs avec l’appui des principaux bailleurs de fonds (Banque mondiale, BAD, France et Portugal) repose sur une politique de concession d’une partie des domaines (surfaces cultivées et unités de transformation) à des opérateurs privés avec, autour de ces pôles à concession privée, une redistribution de la plus grande partie des terres à de petits planteurs. Cette approche, qui peut sembler fondée en théorie, a
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rapidement débouché sur une forte dégradation, voire une complète déstructuration de la filière cacao, car politique sociale et politique agricole ont été confondues. La main-d’œuvre des roças, constituée essentiellement d’immigrés de différentes régions d’Afrique et de leurs descendants, était totalement prise en charge par l’entreprise, que ce soit avant ou après 1975. La direction de la roça, significativement appelée empresa (entreprise, en portugais), pourvoyait en effet à l’ensemble de leurs besoins, au-delà du versement d’un salaire (2 000 escudos, versés à l’issue des trois ans de contrat). Le passage du statut d’ouvriers agricoles salariés (beaucoup travaillaient à l’usinage et dans les ateliers d’entretien et de réparation du matériel), dont l’ensemble des besoins étaient pris en charge sur place, à celui de « chef d’exploitation agricole », sans aucune réelle expérience de la direction d’une exploitation (en dehors du jardin potager personnel), ne va pas de soi et nécessite un accompagnement. Par ailleurs, une partie des terres a été distribuée à des citadins (fonctionnaires, parfois). Sans connaissances agricoles ni expérience en matière de gestion d’exploitation, ces derniers se livrent souvent à une forme de cueillette de l’existant plutôt qu’à une véritable agriculture. Des incertitudes existent donc, aujourd’hui, quant à la viabilité à plus ou moins court terme des entreprises agricoles de São Tomé, d’autant que la conjoncture à court terme est tributaire du cours du cacao. Tout l’effort, dans ce domaine, vise désormais à préserver ce qui peut l’être et à enclencher des dynamiques de recherche de qualité. Simultanément, la diversification agricole (cultures vivrières et fruitières, café, vanille, poivre, fleurs et produits de la pêche) et des services (notamment le tourisme), bien qu’encore balbutiante, pourrait constituer les prémices d’un nouveau cycle économique, post-cacaoyer. La prochaine ressource pétrolière, attendue dès 2012, devrait confirmer ce nouveau cycle, en dynamisant les efforts dans ces autres secteurs et en relançant la vie économique de l’archipel.
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Un produit d’appel fort pour l’Europe : le chocolat
São Tomé et Príncipe pourrait construire sa réputation à l’étranger, notamment en Europe, sur quelques niches d’excellence : son environnement fascinant à découvrir et expérimenter, mais aussi la beauté extravagante des fleurs de l’équateur (ou, plus subtile, des orchidées), l’exceptionnelle teneur en vanilline de sa vanille (deux fois celle de Madagascar), la qualité rare de son cacao. Car, concernant ce dernier produit, il est acquis à présent qu’il faut investir dans la qualité et non plus dans la quantité. Certains s’y emploient depuis quelques années, des chocolatiers produisant des « grands crus » de chocolat à partir d’une origine exclusive : à Paris (« la fontaine aux chocolats », à deux pas de l’église Saint-Roch), mais aussi dans d’autres villes françaises, Michel Cluzel commercialise des tablettes nommées « Tamarina », ou encore plantation « Vila Gracinda », chocolat venu à 100 % de l’archipel du milieu du monde ; à Marseille, Gérard Bensaïd, consul honoraire de la République de São Tomé et Príncipe, commercialise lui aussi, depuis peu, un chocolat de provenance exclusive. Six chocolatiers français se sont récemment associés pour écouler la production annuelle de 120 tonnes de fèves d’une douzaine de roças cultivées sur un domaine de 508 hectares employant plus d’une centaine de personnes. La création d’une pépinière de cacaoyer puis d’une usine de transformation de fèves en masse et de couverture de chocolat est également projetée. Ces chocolatiers ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce site d’exception : il faut ici saluer le remarquable travail de Claudio Corallo. Cet Italien d’une cinquantaine d’années, agronome diplômé de l’Institut d’agronomie tropicale de Florence, s’est fixé sur l’archipel, avec sa famille, au cours des années 1990, après des expériences réussies de plantations de café en Bolivie et au Zaïre, selon un concept de plantes originaires et de terroir, dans un contexte difficile. Il a défriché, organisé, fait revivre entièrement, à main nue et avec une obstination sans faille, deux plantations : Terreiro Velho à Príncipe, où sont cultivés des cacaoyers de la meilleure variété (forasteiro almenado), sur 120 hectares, par
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250 personnes ; Nova Moca, sur les hauteurs de Trindade, au-delà de la roça Monte Café et de la pousada Boa Vista, en direction du jardin botanique, une plantation d’anciens caféiers arabica. Opposé à l’introduction des hybrides, comme ce fut le cas sur la roça Monte Café (où 14 millions de dollars furent consacrés par la Banque africaine de développement à l’arrachage des plants d’origine, avec pour conséquence une baisse sensible de la production), M. Corallo promeut la qualité exceptionnelle du produit de la terre de l’archipel, d’une richesse organique sans équivalent. Construite en terrasses pour conserver cette richesse, Nova Moca produit à présent, sur 102 hectares, 200 kg à l’hectare (au lieu des 5 000 kg qui pourraient être produits par des plantes hybrides) d’un café d’une rare qualité. Trois catégories d’arabica ancien, récoltées à la main, sont ainsi proposées à la dégustation, avec une précision scientifique, dans la maison-laboratoire située sur le Marginal, dans le quartier de la chapelle dédiée à saint Pierre : « cat », « bb », « nm », en grains de café enrobés de chocolat de la plantation de Príncipe. Enfin, en exclusivité mondiale, entretenant des liens avec les plus grands viticulteurs de France, l’agronome italien aux méthodes artisanales produit un alcool à 74 °C avec la pulpe du cacao, le mucilage entourant les fèves au sein de la cabosse : une eau-de-vie de cacao, il fallait y penser. Cette production artisanale, obtenue par dix heures de travail quotidien, est commercialisée sur place, dans la maison de l’avenue Marginal, mais également à Barcelone (où Enric Rovira a conçu et distribué un coffret de présentation nommé « KKO »), et bientôt à Lisbonne, en une boutique-laboratoire tenue par Bettina Corallo.
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Loin de São Tomé et Príncipe La fabrication du chocolat Du cacaoyer... Le cacaoyer, arbre de forêt tropicale ou équatoriale, réclame un climat chaud et humide. Cultivé, il ne dépasse pas 5 à 7 mètres de hauteur, mais il peut atteindre plus de 10 mètres à l’état naturel. Son écorce est tachée blanc-gris et n’est pas très épaisse ; ses feuilles sont grandes. Il s’épanouit pleinement à l’ombre, qui empêche l’évaporation de l’humidité et le protège d’un insecte ravageur, le thrips. Chaque pied commence à produire à partir de 3 ou 4 ans ; devenu adulte à 6 ans, il produit pendant une quarantaine d’années. Chaque arbre suscite plusieurs milliers de fleurs par an. Ces petites fleurs blanches poussent en bouquets sur le tronc et sur les plus fortes branches. Chacune génère une quarantaine de graines qui se retrouveront dans le fruit, appelé « cabosse ». Cependant, la plupart des fleurs sèchent et meurent : seulement 1 % environ deviendront des cabosses. Chaque cacaoyer cultivé produit en moyenne 80 cabosses, deux fois par an. Celles-ci poussent sur le tronc même de l’arbre et sur les grosses branches. Elles mesurent 15 à 20 centimètres de long et 10 à 15 de large (leur forme cannelée aurait inspiré la conception de la bouteille de Coca-Cola). Chaque cabosse pèse de 200 à 800 grammes et contient la quarantaine de graines générées par la fleur, entourées d’une pulpe abondante et sucrée : le mucilage. La maturation des cabosses se déroule en 4 à 7 mois. Leur couleur varie en fonction des variétés et du degré de maturité : vert, jaune, orange, rouge, brun, violet, nuancés à l’infini. La mise en place d’une plantation peut être relativement facile, elle ne nécessite que d’éclaircir la forêt, le plus souvent à la main, et d’installer à la place quelques plants issus de graines. Les difficultés interviennent en fin de cycle, lorsque les plantations deviennent âgées. Après une trentaine d’années, parfois plus rapidement, les rendements diminuent car les arbres sont devenus vieux, les sols se sont appauvris, les agents pathogènes se sont multipliés. C’est, parmi d’autres, le handicap que l’agriculture santoméenne tente de surmonter, plus de 30 ans après le départ des colons portugais qui avaient renoncé à renouveler les plants dès la fin des années 1960.
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Il existe trois groupes principaux de cacao : le criolo (originaire d’Amérique centrale et du Mexique, il représente 1 % de la production mondiale en raison de sa fragilité) ; le forastero (provient de l’Amazonie et fournit 80 % de la production mondiale) ; le trinitario, identifié sur l’île de Trinité, à Trinité et Tobago, est un hybride des deux groupes précédents ; il entre pour 20 % dans la production mondiale. Sur l’archipel de São Tomé et Príncipe sont cultivés des cacaoyers du groupe forastero. À maturité, les graines sont devenues des « fèves » de couleur violette. L’extraction des fèves, l’« écabossage », se déroule dans les allées, en bordure de la plantation. Les fèves fraîches n’ont pas le goût du chocolat : elles sont même très amères. Débarrassées du mucilage, couche gélatineuse qui les entoure, elles sont mises à fermenter de deux à huit jours (selon les variétés et la coutume locale). Elles sont ensuite mises à sécher, prennent une belle couleur brune tandis que leur arôme s’accentue. À ce stade, elles quittent São Tomé par bateau, dans de grands sacs de jute, vers les grandes chocolateries d’Europe, et débarquent au Havre, à Anvers, à Rotterdam, à Amsterdam ou encore à Gènes. ... à la tablette Lorsqu’elles sont arrivées à destination, l’épanouissement de l’arôme se fait lors de la torréfaction. Le chocolatier détermine la saveur du futur chocolat par un savant mélange des fèves. Ce savoirfaire complexe et subtil est bien entendu tenu secret. Les fèves sont grillées à une température de 200 à 400 °C, pendant quinze à vingt minutes, puis débarrassées de leur coque. Avec l’opération du broyage, on obtient la pâte de cacao dont on extrait le beurre et la poudre de cacao. Lorsque la masse de cacao est chauffée à 100-110 °C, elle devient liquide : c’est la liqueur. Pâte de cacao, beurre de cacao, sucre, lait et autres ingrédients (noisettes, riz soufflé, amandes...) entrent enfin dans la composition des tablettes, barres et bonbons. On commence à mélanger à chaud la liqueur avec du sucre pulvérisé. On réduit ensuite la granulation du mélange en effectuant un broyage et un raffinage, entre des cylindres de plus en plus resserrés. Ensuite vient le conchage, un malaxage à chaud, au cours duquel on ajoute du beurre de cacao. Le conchage se prolonge des heures et parfois des jours, afin d’obtenir un chocolat lisse, fin et onctueux. Le tempérage consiste à amener la pâte à température adéquate permettant la cristallisation très fine du beurre
DIFFICILE TRANSITION VERS LE LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE de cacao. Moulé, le chocolat est ensuite refroidi à 6 °C, ce qui le contracte et permet un démoulage facile*. Les amateurs retiendront deux dates : 1828 et 1848. Soit celles du dépôt du brevet du chocolat en poudre par le Hollandais Van Houten et du premier chocolat à croquer fabriqué en Angleterre. Les enfants de São Tomé et Príncipe, eux, ne voient jamais de tablettes de chocolat, dont le prix, de retour à São Tomé, est prohibitif. Les anciens du pays leur préparent parfois une bouillie épaisse à partir des fèves séchées. Enfin, les amateurs peuvent, depuis 1994, retrouver le chocolat de São Tomé et Príncipe au Salon du chocolat (le pays y tient un stand remarqué), chaque année en novembre, à Paris. On peut trouver, en France (Michel Cluizel, société marseillaise Santomé...), en Europe (Allemagne, Coppeneur ; Belgique, Jeff de Bruges) et aux États-Unis (Hershey’s), de l’excellent chocolat d’origine exclusivement santoméenne. À Lisbonne sera prochainement ouverte une boutique de l’exceptionnel chocolat produit artisanalement par l’Italien Claudio Corallo, depuis São Tomé même. (* Source : Kraft - Jacob - Suchard ; Nestlé.)
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4 Une culture singulière aux sources multiples
Le Tchiloli, où l’on retrouve l’empereur Charlemagne
Depuis le XVIe siècle, les Santoméens produisent une expression théâtrale tout à fait originale. Le Tchiloli rythme de son rituel unique les temps forts de l’année : les grandes fêtes catholiques et, plus récemment, les fêtes civiles et celles des luxans (hameaux, villages forros). Au répertoire, une seule pièce : le Tchiloli ou Auto do Carlo Magno, à São Tomé, l’Auto da Floripès à Príncipe. Les autos sont des pièces en vers de huit pieds, en portugais ancien, extraites du cycle carolingien. À la différence de l’Auto da Floripès, joué une seule fois dans l’année, peu de fêtes se déroulent dans l’île de São Tomé sans qu’une troupe soit conviée à donner un Tchiloli. On trouve encore, dans les archives des familles aristocratiques de l’île, le mince livret à couverture jaune intitulé Le Tchiloli ou la tragédie du marquis de Mantoue et de l’empereur Charlot Magne. Tchiloli, qui signifierait théorie ou procession, est donc le nom créole de la pièce. Françoise Gründ, auteur de « Tchiloli. Charlemagne à São Tomé sur l’île du milieu du monde », explicite fort bien les différentes hypothèses de l’origine du nom de cette manifestation culturelle.
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L’œuvre, attribuée à un poète aveugle de Madère de l’école Vicentina, Balthasar Dias, aurait été composée en 1540 et publiée en 1665 à Lisbonne. A tragédia do marquès de Mãntua e do Imperador Carlotto Magno aurait toutefois été introduite à São Tomé dès la fin du XVIe siècle par les maîtres sucriers venus y implanter la culture de la canne. S’il s’agit bien d’un texte du XVIe siècle, l’histoire – une péripétie du cycle carolingien – a dû être introduite dès le XIe siècle au Portugal par les troubadours occitans d’origine bourguignonne de la première dynastie portugaise. La pièce, aujourd’hui, appartient aussi au répertoire du Nord-Est brésilien. On pense qu’elle y fut également apportée par les maîtres sucriers, qui l’emportèrent dans leurs malles lorsqu’ils quittèrent São Tomé au XVIIe siècle en quête de meilleurs rendements. Sur le continent latino-américain, cette œuvre populaire fut rapidement intégrée à la littérature de cordel (colportage) ; elle y est toujours représentée, ainsi que dans le nord du Portugal, dans certains villages de la province du Minho.
Juge inflexible, Charlemagne se montre digne de sa charge Le Tchiloli introduit un percutant « coup de théâtre à São Tomé » comme le définit Jean-Yves Loude, qui en a fait le titre de son livre paru aux éditions Actes Sud et qu’on lira avec grand intérêt. Ce coup de théâtre (parce que la raison du plus fort ne dicte plus son immuable loi) fait intervenir les figures historiques et légendaires de Charlemagne (Carlo Magno) ; de son fils Charles (Carlotto) ; d’Ogier le Danois, marquis de Mantoue ; de Baudouin, comte de Valdenidos ; de Renaud de Montauban, pair de France ; de Roland, neveu de Charlemagne ; de Ganelon, beau-frère de Charlemagne, qui plus tard, à Roncevaux, se comportera en traître. L’intrigue, ici, relate un
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meurtre, prétexte à un long plaidoyer pour la justice, qui constitue l’essentiel de l’argument. Le Tchiloli, entre théâtre et manifestation rituelle, rend hommage à l’esprit d’équité, il place la justice pour tous en tête des valeurs fondamentales et présente un exemple de dépassement de soi édifiant. Au cours d’une partie de chasse, Ogier le Danois, marquis de Mantoue, découvre son neveu Baudouin, le comte de Valdenidos, fils du roi de Thrace, agonisant dans l’épaisse forêt. Ce dernier accuse Charles, son meilleur ami, d’avoir voulu se débarrasser de lui pour lui ravir Sybille, sa femme. Après un conseil de famille, Ogier envoie le duc Aymon et Bertrand réclamer justice à la cour de Charlemagne. Une lettre de Carlotto aux abois, à son cousin Renaud de Montauban, trouvée plus tard sur le vêtement d’un jeune page, constituera une preuve accablante. Un procès se déroule en présence du cercueil du comte de Valdenidos, placé entre les deux familles. Le cercueil est tout petit, d’une petitesse en quelque sorte inversement proportionnelle à l’ignominie du crime, placé au centre de l’espace théâtral. La tension dramatique atteint des sommets lorsque Charlemagne est informé du crime commis par le prince héritier, son propre fils. L’empereur reste digne, sans démonstration de colère ni débordement d’émotion. Face aux supplications de sa femme, au nom de la chrétienté, de sauver la vie de Carlotto, héritier de la couronne, l’empereur demeure intransigeant. Au nom de l’amour de la justice, il jure que les plaignants auront leur dû et, faisant prévaloir la raison sur la passion, il condamne son fils à mort, en présence du ministre de la Justice. Carlotto fait aussitôt appel, au nom des droits de l’homme, et mande son avocat, le comte Anderson. S’ensuit une série de joutes oratoires, une énumération de considérations juridiques modernes et une nouvelle, mais tout aussi vaine, intervention suppliante de l’impératrice qui se voit répliquer : « Dieu de Nazareth ne m’a pas conféré tant de pouvoir pour que je perde mon âme ! » Charlemagne, pour qui il importe de châtier l’inique, qu’il soit pauvre ou riche, sans autre considération, se montre donc inflexible. Ogier, marquis de Mantoue, loue la grandeur de l’empereur en ces termes : « Seigneur, vous méritez bien que Dieu fît de vous son second. Vous soutenez la chrétienté dans son effort de justice universelle. » Carlotto sera exécuté.
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Cette manifestation théâtrale a traversé les siècles ; sa durée s’allonge progressivement au cours des décennies. Loin de la simple conservation d’un patrimoine venu d’ailleurs, son appropriation, au fil du temps, par des compagnies noires, presque des confréries, fut totale. La tragédie est devenue un espace codifié, un jeu capable d’effacer les distances entre le présent et le passé, les êtres invisibles et les vivants. Sur le terrain de jeu, de forme rectangulaire, préalablement arrosé d’alcool, des cigarettes ont été déposées de manière à être trouvées par les esprits. Création syncrétique, le Tchiloli a développé un double sens, à l’instar des parlers créoles. À la trame du texte initial ont été ajoutées des références aux procédures modernes de jugement, entre 1930 et 1957. Souvent les spectateurs soufflent aux acteurs des allusions aux événements locaux récents, allusions reprises, insérées au drame. Au texte du XVIe siècle ont été ajoutés des textes apocryphes en portugais moderne, et des scènes nouvelles peuvent être insérées selon les acontecidos de l’actualité locale. Les costumes et la mise en scène introduisent des accessoires contemporains : lunettes de soleil, téléphones portables, attachés-cases et autres symboles de la modernité. L’avocat, le compte Anderson muni du code de la Justice militaire, est mandé par un coup de fil, Charlemagne regarde l’heure sur sa montre à quartz portée sur le gant blanc, etc.
Plaidoyer pour la justice Le prétexte du divertissement ne saurait donc à lui seul justifier l’adhésion de tout un peuple à une forme de représentation théâtrale aussi étrange. Question de justice au sommet de l’État, l’argument de la pièce serait aussi une interpellation de la colonisation. Le public local peut voir en Charlemagne le roi puis le pouvoir du Portugal, en son fils, Carlotto, le prince meurtrier, un gouverneur despote de leur île ; il peut au contraire se reconnaître dans la figure du marquis de Mantoue, injustement opprimé mais résistant.
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Mais, pour traverser ainsi les siècles, le propos initial a dû illustrer des préoccupations plus essentielles encore, et, par syncrétisme, être inséré dans les schémas culturels de la population africaine. Venus de différentes régions d’Afrique, ne parlant pas toujours la même langue ni ne pratiquant les mêmes cultes, les Africains avaient en commun le culte des ancêtres, le respect des morts et le souci de les honorer (voir l’ouvrage de Françoise Gründ). La représentation, qui commence par de discrètes offrandes votives, rend présente une absence, celle de la victime, au cœur d’un drame qui met en jeu la survie même de la société. À la douleur du deuil se mêle la joie, par le chatoiement des costumes, le jeu des rubans de couleurs vives, le sautillement allègre des amis et parents du comte de Valdenidos autour du minuscule cercueil allégorique, au centre de l’espace scénique. À la dureté du face-à-face des deux familles, à la froide solennité du procès, se mêle une affirmation irrépressible de la vie : par l’impartialité du jugement rendu, l’honneur de vivre gagne toujours la partie. Le discours du monarque, en portugais ancien, s’apparente à une homélie, plaçant la raison d’État au-dessus de l’esprit de famille, de la compassion paternelle, des intrigues claniques. Il s’agit d’édifier, de montrer la tragédie de l’âme prise dans le dilemme, de montrer par l’exemple qu’il faut tendre à dépasser sa condition. Les représentations du Tchiloli se donnent dans les clairières ou en ville, des cordes délimitent un espace scénique d’une vingtaine de mètres de long sur six mètres de large, le kinté (du mot portugais quintal), aux extrémités duquel se trouvent généralement des cabanes de bois, de bambou ou de fibres de bananiers tressées, piquées de fleurs d’hibiscus rouges et couvertes de palmes. L’une d’entre elles, sur pilotis, est la « Haute Cour »,
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l’autre, au niveau du sol, est la « Cour basse ». La « Haute Cour », à laquelle on accède par une échelle, est celle de Charlemagne, la résidence impériale. Le local abrite aussi un secrétariat, un tribunal et un lieu de repos. La « Cour basse », du côté opposé, est la résidence du marquis de Mantoue. Placé entre les deux, le cercueil rappelle qu’il y a eu mort d’homme et que l’enjeu de la tragédie est essentiel à l’équilibre du monde.
Des troupes masculines, aux rôles héréditaires Cette représentation d’un théâtre total, gai et coloré, alliant le noir du deuil aux vives couleurs de la fête, est l’œuvre de troupes entièrement constituées d’hommes (qui interprètent aussi les rôles de femmes), au nombre d’une trentaine. Les rôles sont héréditaires : chaque acteur est possesseur à vie de son rôle, qu’il transmet à son fils. Lorsque l’un d’entre eux n’a pas de fils, il fait une donation de rôle à son filleul, à qui il enseigne le texte, la danse et la musique. Cette dernière se compose de contredanses et de menuets joués sur des instruments africains : tambours de peaux, flûtes de bambou (pitu ou pifanos) et maracas de fibres. Les masques que portent les acteurs pendant la représentation sont un fin grillage de garde-manger peint en blanc, probable copie des masques d’escrime des maîtres portugais. Ces masques camouflent l’identité des figurants, les protègent des atteintes sournoises des spectateurs ou des dangers en provenance de l’audelà. L’acteur tient à réintégrer sans risque sa place dans la société, sitôt l’habit tombé. Celui-ci est constitué d’étonnants éléments de récupération : fracs, chapeaux melon, gants blancs, vestes de chutes de velours, flots de rubans multicolores, coiffures volumineuses enrichies de petits miroirs à cadre de plastique... Tape-à-l’œil et tout à fait anachroniques, les accessoires joints donnent la touche finale au télescopage des temps. Lunettes de soleil, montres à quartz placées sur le gant, épées, sceptres, couronnes de laiton, attachéscases, machine à écrire et téléphones portables se montrent ostensiblement, suscitant la jubilation des spectateurs. Ne nous y trompons
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pas : cette pacotille est un trésor et chacun en est responsable, comme de son costume et de son jeu.
Un mythe exutoire sans cesse réactivé Les troupes portent le nom de tragédia. Il existerait encore neuf troupes, dont trois sont particulièrement actives. Leur rivalité est notoire, leurs noms évoquent des confréries médiévales : Formiguinha, de Boa Morte, Tragedia Florentina, de Caixão Grande... De riches particuliers les convoquent et, par cette commande, acquièrent du prestige. Autrefois, la représentation était un rituel exclusif du 15 août, en l’honneur de la Vierge, et une cérémonie propitiatoire au moment des récoltes. Elle accompagne aujourd’hui, de surcroît, presque toutes les fêtes profanes. Les représentations durent environ quatre heures et souvent plus. Elles peuvent se donner sur toute l’île de São Tomé, pendant la gravana, ou saison sèche, pendant l’été de l’hémisphère nord, et quelquefois pendant le gravanito, petite saison sèche de janvier. Ces spectacles populaires suscitent l’enthousiasme. Le public se tient debout, tout autour de l’espace scénique car la pièce peut être vue d’un côté comme de l’autre. On offre aimablement une chaise au spectateur venu d’ailleurs. Sous son apparente lisibilité, le Tchiloli dissimule une manifestation complexe. Le texte opère comme une litanie, la langue portugaise fait l’effet d’une langue cultuelle archaïque. Ce spectacle s’apparente à une cérémonie religieuse. Il est sans cesse créateur d’un mythe, répétition d’un mystère qui, à la lumière des événements contemporains, se réactiverait en permanence. Sa fonction est éducative, aussi maintient-il le quotidien à distance. Christian Valbert souligne ainsi qu’il convient de prendre du recul face à l’apparente ingénuité populaire. Pour ce chercheur, cette manifestation – comme d’autres en Afrique, placées sous le signe du dérisoire – répondrait en effet à deux fins : « La première : créer sous des oripeaux européens un conservatoire culturel où la mémoire des choses passées puisse se
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE maintenir, où le refus puisse s’exprimer sans encourir l’interdiction ou la persécution du pouvoir colonial ; la seconde, à travers justement ces oripeaux, par l’investissement ludique des rôles importants de la société des Blancs, visant à s’approprier de façon magique leur pouvoir pour compenser celui, perdu, des ancêtres. Une para-société prenant donc le pouvoir – et la parole – le temps d’un soir, l’évacuation de l’humiliation, des tensions par la thérapie du jeu... À travers les mômeries du Bwiti [dans les pays de culture Fang], du Tchiloli, les peuples noirs ont pu – c’était vital – supporter leur joug en compensant ludiquement, en décompressant comme le faisaient autrefois les Européens dans le Carnaval, et maintenir ce qui leur semblait essentiel du message des ancêtres. Ces rites ont été aussi le lieu où les Noirs reprenaient la parole et l’on n’insistera jamais assez sur l’importance de ce fait dans un monde qui n’a pas connu l’écriture parce qu’il ne l’a pas voulu. »
À Príncipe, l’Auto da Floripès
L’Auto da Floripès est le pendant du Tchiloli, joué exclusivement à Príncipe, comme ce dernier l’est à São Tomé. Alors que l’île est dédiée à saint Antoine, l’Auto, pour une raison demeurée obscure, est représenté une seule fois dans l’année, le jour de la saint Laurent, le 10 août (et parfois le dimanche suivant). On surnomme d’ailleurs la pièce São Lourenço. Autrefois, la fête pouvait se prolonger trois mois. Aujourd’hui, elle ne dure qu’une journée mais elle demeure un sommet de la vie de l’île. On ne connaît pas l’auteur de la pièce, ni comment elle fut introduite dans l’île ; on sait seulement que, de la même façon rituelle, l’Auto est représenté dans un petit village portugais de la province du Minho, Vila do Pinho, près de Viana do Castelo. Dès l’aube du 10 août, une aubade est donnée dans les ruelles de la bourgade de Santo Antonio, par deux ambassadeurs, l’un chrétien, l’autre maure, qui, au son des cornets et des tam-tams, rassemblent les acteurs et les conduisent dans leurs châteaux respectifs. Celui
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des chrétiens se trouve devant l’église, celui des Maures, au bout de la rue principale, de l’autre côté de la rivière. L’Auto commence véritablement après ces allées et venues entrecoupées d’escarmouches. L’histoire retrace la guerre de Charlemagne et de ses douze pairs contre l’amiral Balão et ses rois maures. Cette guerre pourrait être évitée si l’autre se convertissait à la religion adverse : chaque camp envoie à l’autre un ambassadeur pour le presser de se convertir. Le moment de bravoure dure près de trois heures : combat singulier entre Olivier et Fierabras, fils de Balão. L’amour de Floripès, fille de Balão, qui se convertit au christianisme, sauvera Guy de Bourgogne, Olivier et les autres, après de multiples rebondissements. Les scènes se déroulent dans différents endroits de la ville. Contrairement à la distribution du petit village portugais, le rôle de Floripès est tenu par une jeune fille de Príncipe, choisie parmi les plus jolies et vierge. Les autres rôles, comme dans le Tchiloli, sont héréditaires. En revanche, ni chorégraphie ni orchestre ne rythment la fête de Príncipe. Celle-ci, entre les multiples va-et-vient des acteurs et des spectateurs, les longues déclamations, les duels, les batailles rangées et l’animation parfois confuse suscitée par maints rebondissements, se prolonge au-delà du coucher du soleil, jusque vers 20 heures. Comme pour le Tchiloli, les costumes sont bariolés, le télescopage entre les époques fait partie intégrante du jeu. Ainsi, sur le pont-levis du château de Charlemagne, le gardien est-il fort occupé à scruter le ciel avec des jumelles, au cas où l’amiral Balão tenterait une attaque aérienne... Arborant quelques indices de modernité, doté de fausses barbes blanches et de perruques couronnées, chacun des personnages empoigne une lance décorée de papillotes, un écu frappé de son nom et un cor qu’il sonne au gré de sa seule fantaisie. Les montures sont tout simplement mimées par les chevaliers. Dans le cadre de la coopération franco-santoméenne, il est prévu un appui aux troupes de Tchiloli. L’entrée de ce répertoire unique dans la liste du patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco est, aussi, l’un des objectifs poursuivis.
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Danses et rites traditionnels
La culture santoméenne s’exprime pleinement au travers de la danse, rejoignant là une caractéristique du continent africain. Depuis des siècles et tout au long de l’année se manifeste le goût de la fête, du rituel, des manifestations collectives de la joie de vivre. Ainsi la célébration de la Semaine sainte est-elle traditionnellement doublée de fêtes et spectacles d’inspiration profane, voire paillarde. Le Carnaval constitue bien sûr un sommet. Il emprunte au théâtre populaire traditionnel, Tchiloli et Auto da Floripès : un théâtre ambulant aux acteurs masculins allait autrefois de porte en porte, dans villages et bourgs. Il se produit à présent dans un lieu public. Les fêtes du calendrier liturgique, les saints auxquels sont dédiés les bourgs, luxans, communautés ou corporations (saint Pierre est ainsi le patron des pêcheurs), mais aussi des événements tels que baptêmes, mariages, funérailles, sont autant d’occasions pour une famille, un quartier, un village, d’organiser une danse traditionnelle. La fête dure toute la nuit, elle est précédée d’une ripaille de calulu, plat national, préparé avec de l’huile de palme (fendê) et pas moins d’une vingtaine de plantes aromatiques différentes, accompagné de frites de fruits à pain (fruta pão), tandis que le vipema (vin de palme) ou, plus chic, le vin portugais, coule à flots. Un théâtre de marionnettes, le groupe d’Ototò, donne lui des représentations dans le cadre des fêtes populaires. Depuis plus d’une centaine d’années, ce divertissement vient s’adjoindre à la cérémonie intitulée Plo mon dêçu, à l’initiative d’un homme du village forro d’Ototò, Manuel da Conceiçao Lima. Grâce à l’utilisation d’un castelet aisément transportable, le spectacle itinérant semait partout la bonne humeur, en accord avec la tradition parallèle des cérémonies de la Semaine sainte : les marionnettes imitaient les danseurs, accordaient leurs mimiques et facéties aux plaisanteries des chanteurs. Il semble malheureusement en voie de disparition aujourd’hui.
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Des sociétés d’esprit mutualiste Un ethnologue portugais, Fernando Reis, a décrit l’ensemble du folklore de l’archipel, au début du siècle, en un ouvrage intitulé Pôvô Flogà. O povo brinca. Folclore de São Tomé e Príncipe (« Le peuple joue »). À São Tomé, comme à Luanda, on trouvait encore, il y a peu, des sociétés de danses, fonctionnant comme un club dont les membres s’acquittent d’une cotisation. Celle-ci permettait d’organiser une sorte de mutuelle, mettant sur pied des activités récréatives, venant en aide aux malades... Ces sociétés étaient une reconstitution de la communauté traditionnelle, un lieu où, en dépit de toutes les difficultés surgies notamment de l’exode rural, les citadins tentaient de maintenir le rire, la fête, la convivialité. Chaque danse témoignait de son originalité par les costumes, les bannières, les chants, les « arguments » et par des salutations spécifiques entre membres, qui leur permettaient de se reconnaître, tout comme des frères d’une même loge maçonnique. Les irmandades (fraternités), organisées par les associations de pêcheurs, étaient très populaires. Elles auraient disparu dans les années 1920. La danse ùssua serait née au début du siècle. C’était une danse des filhos da terra inspirée des anciens modèles européens (pasdes-lanciers, pas-de-quatre, menuet). L’orchestre était mixte, comportant aussi bien des instruments européens (accordéons) qu’africains (tambours et canzàs, demi-cylindre de bambou strié perpendiculairement et gratté en rythme) ; la chorégraphie, toute d’élégance et de distinction surannées, s’inspirait de celle aperçue à la dérobée dans les salons des roças. Cette danse de salon semble avoir disparu aujourd’hui, après avoir été pratiquée par les enfants des écoles, il y a une quarantaine d’années, et dansée par les vieillards un peu plus tard.
Le socopé d’origine africaine Le socopé aurait pris la suite du lundum, la plus ancienne danse connue, née sans doute au Brésil à la fin du XVIIIe siècle et
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rapportée au Portugal par la Cour (réfugiée à Rio de Janeiro, le temps d’une incursion napoléonienne dans la péninsule Ibérique). On pense que le lundum est venu directement du Portugal à São Tomé au début du XIXe siècle. Quoi qu’il en soit, son rythme syncopé, sensuel, ne laisse aucun doute sur son origine noire africaine. Parfois plaintifs, les textes débordent le plus souvent de malice égrillarde, critiquant les faits divers de la communauté. On ne sait pas précisément quand aurait surgi le socopé. L’étymologie en serait sò com o pé (seulement avec le pied), probable allusion distinctive aux danses totales de « sauvages » pratiquées par les Angolares. En rupture avec la tradition mutualiste, il ne s’agit que d’une danse mondaine, qui réunit toutes les couches sociales et les groupes ethniques de l’île, accueillant même des Blancs. Si l’orchestre est plutôt africain dans sa composition (tambours, zabumbas et mussumbas, puitas, canzas, cabaços, maracas), la présence de flûtes donne à la mélodie une coloration plus européenne qu’africaine. Les cartons d’invitation, de facture naïve, sont eux aussi typiquement européens. À la fin des années 1970, l’île de São Tomé comptait une vingtaine de sociétés de socopé. Dix ans plus tard, celles-ci étaient boudées par les jeunes préférant les danses venues d’ailleurs. Cependant, l’esprit de raillerie propre au socopé alimente encore aujourd’hui les tunas.
Les bals des fins de semaine Tunas était le nom générique métropolitain donné aux ensembles musicaux de l’archipel, qui ont, de fait, des caractéristiques plus européennes qu’africaines. Du temps de la colonie, les tunas étaient constituées d’un violon, de deux guitares, d’une ou deux flûtes, d’une petite boîte remplie de graines que le joueur agite. Aujourd’hui, guitares électriques, harmonicas, synthétiseurs ont bien sûr remplacé ces instruments traditionnels. Le rythme musical rappelle toujours la musique afro-sud-américaine, celle du Brésil surtout, avec une arrière-trame de samba.
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Les tunas se produisent pendant la saison sèche, la gravana, les samedis et dimanches. Elles offrent le spectacle de véritables petites opérettes pleines de couleurs, de vie et de joie. Ces bals témoignent toujours de la bonne entente existant entre tous les groupes ethniques et sociaux de l’île. Les rythmes modernes ne les ont pas chassés des fundôes, enceintes où se produisent les tunas, autrement dit les salles de bal du samedi soir. Sous la colonie, on dansait dans les fundôes à la manière européenne. On a pu dire qu’elles ont constitué des « nids de lusotropicalisme », car s’y rencontraient les partenaires des couples mixtes.
Entre l’Angola et le Brésil Les termes de semba et puíta désignent la même danse. La différence est significative seulement pour les Tongas (descendants des travailleurs d’Angola, du Mozambique ou du Cap-Vert, nés à São Tomé). La semba fut introduite par les Angolais, à l’instar de la massemba, annonciatrice de la fameuse samba brésilienne ; elle proviendrait du caduque né à Ambaca et qui se dansait à Luanda. Semblable à la puíta, elle ne serait cependant pas dansée en hommage aux défunts, comme cette dernière. Elle fut interdite à l’époque coloniale pour son caractère érotique. Le mot puíta viendrait d’un instrument de musique, sorte de flûte de bambou, qui porte ce nom en Angola. La puíta est la danse d’hommage aux défunts. Tout Tonga décédé a en effet sa fête, le trentième jour après sa mort, au cours de laquelle on mange et on boit à la « santé du mort » dans l’autre monde, tous les convives offrant généreusement qui de l’argent, qui des aliments ou du vin... C’est, toute la nuit, un crescendo d’enthousiasme qui donne lieu à des transes, à des phénomènes de possession par un saint. À l’aube, la fête se conclut par une messe pour l’âme du défunt.
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La dança Congo, une esquisse de théâtralité venue d’Afrique La dança Congo ou dança do capitão do Congo est aujourd’hui la plus populaire. C’est elle qui a représenté les chorégraphies santoméennes à l’Exposition universelle de Lisbonne, en août 1998. Sans doute doit-elle son maintien au fait que c’est la danse la plus africaine et qu’elle est pratiquée par les Angolares, groupe humain resté le plus fermé aux influences étrangères. À l’opposé des rythmes langoureux et des chorégraphies européennes évanescentes, la dança Congo perpétue les rythmes, le mouvement, les danses violentes mobilisant tout le corps, typiques de l’Afrique ancienne. À tel point qu’elle ne fut jamais appréciée des filhos da terra et fut interdite à l’époque coloniale. Cette danse de plein air met en scène une trentaine de participants sous la conduite du capitaine accompagné du logoso (gardien de la roça), du anso molê (ange qui meurt), de deux anso cantà (anges chanteurs), de deux pé-pau (littéralement, jambe de bois : danseurs équilibristes juchés sur des échasses de deux mètres), de quatre fous, d’un sorcier, d’un zugozugo (aidesorcier), d’un djabo (diable), de quatre joueurs de tambour, le reste de la troupe étant constitué de danseurs qui évoluent en maniant des canzas. Le costume est très expressif, violemment bariolé : chemise à longue basque arrière, gants blancs et gigantesque couvre-chef fait de tiges de palmiers emmaillotées de papillotes de papier multicolores. Le sorcier, son assistant et le diable portent de surcroît des masques terrifiants. Comme pour les défilés de samba, la dança Congo repose sur un scénario succinct, autour du thème de l’héritage d’une plantation,
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que les danseurs peuvent développer à leur guise pendant des heures. Sans doute en partie à cause des déperditions de la transmission orale, la cohérence du scénario n’apparaît pas très clairement. Seules constantes : faiblesse et bêtise sont du côté des roceiros, les propriétaires de la roça, tandis que force et panache caractérisent toujours les Angolares. Parmi toutes les danses, la dança Congo, qu’on peut voir comme une joute dansée entre les forces du bien et du mal, est la seule qui présente une esquisse de théâtralité. C’est peut-être aussi une des raisons de la permanence de son succès. Une danse de création plus récente, le bulawé (expression forro qui signifierait le roulement des yeux des personnes en transe), d’improvisation facile, est en passe de devenir, au quotidien, la plus populaire de São Tomé. Un ensemble de bulawé se produit à la roça São João dos Angolares.
Ambiguïtés des danses à vocation religieuse Dans l’archipel, les fêtes sont liées à la pratique religieuse et se trouvent, traditionnellement, scandées par la danse. Faisant ou non appel à des sociétés, ces danses présentent le plus souvent un mélange de christianisme, de paganisme et de fétichisme, l’imagination populaire, fertile, liant les différentes phases de son histoire spirituelle. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer, généralement à un carrefour, une petite poupée de bois vêtue en homme ou en femme, selon le sexe du dévot, un plat de nourriture et un peu d’argent à côté d’elle. C’est le pagá devê, contraction de pagar o que deve (payer ce que l’on doit), soit une offrande, près de certaines églises, à proximité des fleuves (aguas). Cette offrande a pour fin d’obtenir la bénédiction des esprits, pour telle guérison, tel désir, tel projet. O Ocossô est, quant à elle, une fée blanche aux longs cheveux blonds, qui surgit de l’eau, tantôt bénéfique, tantôt maléfique. On lui attribue, par exemple, la naissance d’enfants albinos dont les mères sont venues laver le linge dans le rio. La danse intitulée Plo mon dêçu, dont le nom serait une contraction de pela mão de Deus (par la main de Dieu), fut un
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temps interdite en 1958, pour les mêmes raisons de confusion entre christianisme et paganisme. Elle était dansée le Jeudi saint, tandis que le Mercredi saint donnait lieu aux Trevas, ou Xtleva en forro (Ténèbres). Les manifestations de la Semaine sainte étaient toujours l’occasion de grivoiseries et de paillardises. De manière générale, la plupart des expressions populaires, qu’elles soient chantées ou dansées, sont toujours empruntes de « l’esprit d’alerte », selon l’expression de Jean-Yves Loude, incluant satires, dénonciation politique, grivoiserie : l’important semble bien de faire triompher la joie de vivre et le point de vue contestataire, non dupe de la version officielle des faits, de sauvegarder un espace de liberté. Enfin, des cérémonies selon le rite vaudou, djambi, des cures de soins traditionnelles par des curandeiros ou des manipulations de sortilèges par des feiteceiros ont lieu en des endroits le plus souvent tenus cachés des étrangers. Au cœur du golfe de Guinée, à quelque 300 kilomètres des côtes du Bénin, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le visiteur aura plus d’opportunités d’assister à des processions catholiques, sortes de grands pardons avec sorties des statues et étendards des églises paroissiales.
Succès croissant de la chanson populaire
Depuis quelques années, la création musicale contemporaine accompagne la vie de l’archipel, pour en vanter les traditions ou le savoir-vivre, pour scander la joie de vivre et donner du rythme au pays du leve leve. Cette dernière expression qui résume le parti pris des choses dans les îles du milieu du monde, est le titre du dernier album de Kalù Mendes et ses musiciens, vedettes du jour. Citons aussi le groupe Tempo, trio acoustique et polyphonique composé de Nezo, auteur-compositeur mais aussi peintre, d’Oswaldo Santos et de Guilherme Carvalho. Leur dernier album s’intitule Mangossò, désillusion... Un CD a été spécialement gravé au lendemain de la tentative de coup d’État du 16 juillet 2003. Préfacé par Nazaré Ceita, directrice générale de la Culture, il s’intitule Embaixada da
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Paz São Tomé et Príncipe et réunit les musiciens et chanteurs les plus reconnus : Celerino Lima, Vasco Santana, Flay, Domingos Ramos, Dany Pina, Pêpê Lima et quelques autres. Nino Jaleco a, quant à lui, ressuscité le socopé, musique traditionnelle très populaire.
Littérature : une affirmation de l’identité santoméenne
Parmi les lojas de São Tomé, on ne trouve guère de librairie, si ce n’est, au bord de l’Agua Grande, dans le quartier de la cathédrale, la livraria, librairie-papeterie catholique, où les ouvrages du père Francisco Vaz sont proposés à la vente. Pourtant, quelques signes dans la ville suggèrent au visiteur l’existence d’une littérature : le centre culturel santoméen, près du lycée national, riche en livres, est dédié à Francisco José Tenreiro ; une belle maison de l’avenue Marginal en bordure de mer, non loin du musée, peinte en bleu, abrite l’Union nationale des écrivains et artistes de São Tomé et Príncipe (UNEAS). Ces deux indices conduisent à une piste sûre : ils renvoient en effet à deux auteurs contemporains majeurs, Francisco José Tenreiro et Alda do Espirito Santo, présidente de l’UNEAS. Le premier, disparu prématurément en 1963, était à la fois géographe et poète. On lui doit, entre autres, la plus belle description de l’île de São Tomé, sous l’angle de la géographie humaine, à la fois précise, scientifiquement exacte et mystérieusement poétique. Ayant toujours le « cœur en Afrique » (comme sera titré plus tard l’un de ses recueils), l’étudiant lisboète Francisco Tenreiro avait participé, en 1951, à la création du Centre d’études africaines, dont les travaux réunissaient une génération d’intellectuels en rupture avec le système colonial, revendiquant le droit à une identité nationale ouverte sur le monde. Le second, Alda do Espirito Santo, est une grande dame qui n’a eu de cesse de servir le peuple de son pays. Son œuvre est liée à sa vie de résistante à la colonisation, d’institutrice, de féministe, de ministre de la Culture, de femme simple vivant parmi les siens, à l’écoute du monde entier.
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Agostinho Neto, le « Léopold Sédar Senghor d’expression portugaise » Agostinho Neto est un intellectuel et un poète angolais dont l’œuvre s’inscrit dans la tradition de la littérature patriotique angolaise, qui remonte aux dernières décennies du XIXe siècle. Né le 17 septembre 1922, d’un père pasteur et professeur, et d’une mère également professeur, Neto deviendra médecin et l’un des personnages les plus importants du mouvement culturel nationaliste (d’Angola et des autres pays africains sous domination portugaise), qui connut son expansion dans les années 1940. Le plus ancien des poèmes de son recueil Espérance sacrée fut écrit en 1945, alors que la défaite du fascisme rappelait que la liberté restait à conquérir en Afrique. En 1948, après une scission de la Ligue nationale africaine fondée en 1920, une association de natifs d’Angola édita une revue littéraire, Mensagem, où s’exprimait la renaissance culturelle s’opérant dans les colonies mais aussi parmi les étudiants de ces colonies faisant leurs études au Portugal. La poésie devint le ferment croissant de la rébellion. Les poètes angolais révolutionnaires affirmaient leur internationalisme. La revue interdite, les poètes se réfugièrent dans la clandestinité. Au début des années 1950, alors qu’Agostinho Neto fait ses études de médecine à Coimbra, au Portugal, un groupe d’étudiants et d’intellectuels originaires des colonies fonde un Centre d’études africaines. Les fondateurs s’appellent Agostinho Neto, Francisco José Tenreiro, le poète natif de São Tomé, Ámilcar Cabral et Mario de Andrade. Il s’agit avant tout de « rationaliser le sentiment d’appartenir à un monde d’oppression et d’éveiller la conscience nationale par une analyse des fondations culturelles du continent ». Deux ans plus tard, les autorités fascistes mettent fin à l’existence du Centre. Ses actions se poursuivent alors autour de la société culturelle d’Angola, à Luanda, et de la Maison des étudiants de l’Empire, à Lisbonne, par le biais du journal Culture et du nouveau Mensagem. Neto, dont « la poésie se transforma en drapeau, rouge comme les acacias », aux dires d’un autre poète, est arrêté pour la première fois en 1951, alors qu’il réunit des signatures pour l’appel mondial de la Paix de Stockholm, prélude aux années d’incarcération à venir et à la
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persécution par la PIDE, la police politique portugaise, connue pour ses méthodes brutales. En février 1955, il recouvre la liberté grâce à une campagne internationale. Lettres et pétitions portent les signatures d’intellectuels et artistes réputés, tels Jean-Paul Sartre, François Mauriac, Aragon, Simone de Beauvoir, le poète mexicain Nicolas Guillèn, le peintre mexicain Diego Rivera. En décembre 1956, divers mouvements patriotiques fusionnent pour former le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), dont Agostinho prendra la direction trois ans plus tard, en territoire angolais, tout en exerçant la médecine parmi ses compatriotes. En septembre 1956 se tient à Paris le premier Congrès des écrivains et artistes noirs, première affirmation internationale de la culture africaine, partie intrinsèque de la culture mondiale. Deux ans plus tard, Neto retourne dans son pays. De nouveau arrêté, en juin 1960, il est transféré dans une prison de Lisbonne, et, plus tard, à Santo Antão, puis à Santiago, îles du Cap-Vert, où il continue d’exercer la médecine sous la surveillance constante de la police. C’est à cette époque qu’il est élu président honoraire du MPLA. Le 4 février 1961, les prisons de Luanda sont prises d’assaut par des militants du MPLA. Cet événement marque le début d’une lutte armée qui sera la plus longue de toutes celles menées en Afrique. La même année, des écrivains britanniques prestigieux manifestent leur désapprobation dans une lettre adressée au Times ; ils affirment, à cette occasion : « Il n’est pas déplacé d’affirmer que l’importance d’Agostinho Neto en Afrique d’expression portugaise est comparable à celle de Léopold Sédar Senghor en Afrique francophone. » Ses poèmes ont été traduits en sept langues. Sous la pression internationale, Neto est libéré en mars 1962. Au cours de la première conférence nationale du mouvement, il est élu président du MPLA, en décembre de la même année. Espérance sacrée, titre du recueil de ses poèmes, est publié pour la première fois à Milan en 1963, sous le titre Avec les yeux secs. L’espérance est la constante imprenable de la poésie d’Agostinho Neto, décédé en 1979 à Moscou : foi profonde en son peuple et en sa capacité de transcender l’esclavage. Son œuvre offre une synthèse de la tragédie, des ambiguïtés de la vie coloniale et de la beauté pure de la vie à conquérir. Profondément angolais et profondément africain, Neto est aussi profondément internationaliste. Ses poèmes furent mis en musique et interprétés en tant que chansons dans les zones libérées d’Angola.
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Ces deux écrivains, dont l’œuvre (non traduite en français) est presque introuvable, même à São Tomé, ont eu des prédécesseurs. Surgis dans le contexte d’un nationalisme naissant puis de l’indépendance, ils sont les maillons d’une chaîne qui deviendrait, avec le temps, de plus en plus authentiquement santoméenne.
La perspective de l’outre-mer Les prémices d’une littérature nationale se sont en effet édifiées à l’intersection du monde agricole de l’archipel et de la perspective de ce monde élaborée en dehors de lui. Dans les premiers romans traitant de São Tomé, œuvres d’auteurs d’origine portugaise, la perspective est celle de l’outre-mer considéré depuis la métropole. La roça y est omniprésente. De même qu’elle domine la vie de l’archipel, elle imprègne la poésie et les formes narratives. Ce sera elle, plus tard, qui déterminera les conditions d’apparition d’une littérature proprement santoméenne, succédant à une littérature qui adoptait le point de vue du colonisateur. Selon Russel G. Hamilton (dans Literatura africana, literatura necessaria), le roman du Nordeste brésilien du début des années 1930 aurait impulsé, dans les pays lusophones, une littérature reflétant un univers façonné par les cycles socio-économiques. Mais, alors que le néoréalisme l’emporte dans le roman du Nordeste brésilien (dont Jorge Amado est le représentant le plus connu en France), un certain romantisme, propre au XIXe siècle, donne une tournure idyllique à l’évocation du cycle santoméen de la roça. Dans cette dernière, il s’agit presque toujours d’oblitérer les lignes de fracture entre colonisateur et colonisé. Telle description de la relation conflictuelle entre patron et serviçal ne saurait aboutir qu’à la compassion paternaliste... Trois auteurs ont laissé une œuvre représentative du « cycle de la roça » : Viana de Almeida, un « fils de la terre », métis, auteur impliqué, se situant entre deux mondes, l’Afrique et l’Europe, et ne cessant de les confronter. Son recueil de contes, Maia Pocon (1937, sous-titré « Contes africains ») appartient à la littérature d’outremer. Fernando Reis, Portugais originaire de la province du Ribatejo
Les photos sans mention sont de l’auteur
Carte de l’île de São Tomé publiée en 1606 dans l’Atlas Minor de Mercator-Hondius (collection Van Maele).
Carte de l’île de São Tomé, de 1604, dans « Indiae orientalis ; pars IV : veram e historicum descriptionem regni guineal », De Bry (collection Van Maele).
La ville de São Tomé, vue d’une extrémité de la baie Ana de Chaves.
Une loja de la capitale.
Situé sur l’une des places du centre ville, cet immeuble abrite l’Institut géographique.
Immeuble de la banque centrale.
Le long de la baie Ana de Chaves, la petite église du Bom Despacho.
La première cathédrale africaine connut quatre siècles de péripéties.
Sur les bords de l’Agua Grande.
En centre ville, une maison typique de l’ancienne fonction publique portugaise.
à Príncipe
Porche d’entrée de la roça Belo Monte.
Habitat vernaculaire.
à Príncipe
Icône de Saint-Antoine, sur azulejos.
Le cimetière.
Praia Banana.
Sur l’île de São Tomé, une plage du Sud (photo Yves Peladeau).
La roça Agostinho Neto est la plus vaste de l’archipel. Au fond, l’hôpital ; à droite, la chapelle.
L’une des entrées de la roça Uba Budo.
Aire de séchage des fèves de cacao à la roça Diogo Vaz.
Tchiloli
La famille du marquis de Mantoue. Au premier plan : le cercueil de Valdenidos (photo René Tavarez).
(photo René Tavarez)
Charlemagne, vu par un peintre santoméen.
Tchiloli
Une justice impartiale sera rendue par l’empereur Charlemagne (photo Françoise Gründ).
Un masque de fin grillage recouvre le visage des acteurs (photo Françoise Gründ).
Le prince assassin (photo René Tavarez).
A São João dos Angolares : le peintre Nezó achevant une toile sur le thème du Tchiloli.
Sculpture d’Armindo Lopès.
Le rôle de Canarim fut important par sa valorisation d’une vie culturelle authentique.
La plage des Sete Ondas, non loin de São João dos Angolares.
Portail de l’église. Nostra Senhora da Guadalupe.
A Anambo, le padrão qui signalait une terre portugaise.
Le Cão Grande.
La cascade São Nicolau.
L’arrivée des pêcheurs, sur une plage du centre ville de São Tomé.
L’église Saint-Pierre à Pantufo.
Retour d’une pirogue, à Pantufo.
Portraits.
Au Sud de l’île de São Tomé : l’écolodge de Praia Jalé.
Près de 30 espèces d’oiseaux sont endémiques. (photos Bastien Loloum) Carte touristique de l’extrémité sud de l’île.
Quatre espèces de tortues marines viennent nidifier sur les plages de l’archipel (photos Bastien Loloum, ONG Marapa).
Promenade dans la mangrove (photo Bastien Loloum).
135 variétés d’orchidées sur l’archipel (photo Bastien Loloum).
Sur la roça Ribeira Peixe : l’hôpital.
Sur la roça Uba Budo : le « comboio ».
A São Tomé : la forteresse Saint-Sébastien (aujourd’hui musée national).
Découvreurs et premier donataire veillent sur le musée.
Dans la région de Trindade.
Une plage de l’île de São Tomé.
Le parc naturel Obô
São Tomé.
Príncipe. (carte gracieusement mise à disposition par l’ex-Marlin Beach Hôtel)
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ayant séjourné de nombreuses années à São Tomé, charge ses romans et nouvelles d’éléments idylliques et statiques sur le plan social (Roça, 1960). Ses Histoires de la roça (1970) exaltent d’un même souffle une identité lusitanienne globale et une créolité santoméenne. Luis Cajao, métropolitain qui a vécu quelque temps dans l’archipel, est l’auteur de A Estufa (La Serre), roman sur les contratados de l’île de Príncipe. Ces auteurs sont des Portugais ou des métis en déplacement au Portugal pour leurs études. Ce sont ces derniers qui constituèrent une avant-garde à même de donner forme et contenu à un mouvement littéraire autochtone.
Des auteurs santoméens Le poète Caetano da Costa Alegre (1864-1890) fut le précurseur des auteurs santoméens. Né à São Tomé dans une famille traditionnelle de « fils de la terre », il embarqua pour le Portugal à dixneuf ans pour poursuivre ses études et y vécut le restant de sa brève existence. Son œuvre, qui a pu être qualifiée d’« ultra-romantique », semble à la fois témoigner d’une aliénation de l’être noir et valoriser la couleur noire, valorisation que ses successeurs transformeront en revendication de l’identité noire. La question de la couleur, comme premier signe de la différence, est récurrente dans son œuvre. Historiquement, il écrivit pendant la transition entre une économie encore fondée sur l’esclavage et une économie de type capitaliste basée sur le système latifundiaire et la monoculture, bouleversant les conditions de vie, jusqu’alors relativement privilégiées, des « fils de la terre ». Simultanément, au Portugal, un républicanisme croissant dominait les milieux intellectuels et étudiants. En 1916, son ami portugais Artur da Cruz Magalhaes réunit et publia quatre-vingt-seize poèmes, jusqu’alors inédits, sous le simple titre de Vers. Le livre eut deux autres éditions posthumes, en 1950 et 1951, provoquant un sursaut de popularité du poète.
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE Aurore Tu as horreur de moi, je le sais bien, Aurore, Tu es du jour, je suis de la nuit épaisse, Où je finis, c’est là que ton être commence Tu n’aimes pas !... fleur qui est mon âme adorée. Tu es la lumière, moi l’ombre terrifiante, Je suis ton antithèse la plus affirmée, Mais ne t’étonne pas si je te désire belle, Du charbon jaillit l’éclat du diamant. Vois que cette passion cruelle, ardente, Grandit devant l’obstacle, comme un torrent ; C’est la passion fatale qui vient du destin, C’est la passion primitive du fauve de la jungle, C’est la passion surgie des entrailles de la panthère, Qui me force à te dire « amour ou mort » ! Vision Je t’ai vue passer, lointaine, distante, comme une statue d’ébène ambulante ; tu passais en deuil, gracieuse et sombre, et ton air triste et désolé s’est emparé de mon âme, noire enjôleuse ; alors, prisonnière de liens invisibles, (oh, ton charme auquel nul ne peut résister) tu es partie à petits pas jusqu’à ce que ton visage gracieux et joli disparaisse à ma vue, distante comme une statue d’ébène ambulante.
Il fallut attendre cinquante ans après la mort de Caetano da Costa Alegre pour qu’apparaisse un autre poète santoméen : Francisco José Tenreiro (1921-1963). Francisco José Tenreiro était fils d’un administrateur portugais et d’une institutrice santoméenne de père portugais, dont il porta le
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nom. Il passa la plus grande partie de sa vie à Lisbonne, où il mourut prématurément. Arrivé au Portugal encore enfant, il y atteignit une notoriété sans précédent, comme intellectuel, professeur d’université, homme politique et écrivain. Après avoir fréquenté l’ancienne école coloniale, il obtint le titre de docteur en sciences géographiques à la faculté des lettres de Lisbonne. Il enseigna à l’Institut supérieur des sciences sociales et politiques de l’outre-mer. L’auteur était étroitement lié aux mouvements littéraires, culturels et politiques des étudiants et poètes de la diaspora africaine à Lisbonne et à Coimbra (siège d’une université prestigieuse), au sein de l’association de la Maison des étudiants de l’Empire, à une époque où les travailleurs de leurs pays commençaient à se révolter ouvertement et à affronter l’armée et la police coloniale de Salazar. Il fut l’un des fondateurs du Centre d’études africaines, en 1951 à Lisbonne, dont les activités étaient clandestines. En 1953, avec Mario de Andrade, il coordonna la première anthologie d’Afrique d’expression portugaise. Cette publication résonne comme un écho au mouvement de la négritude animé ailleurs par d’autres poètes : Aimé Césaire et Léopold Senghor, pour ne citer que les plus connus. De nature littéraire ou scientifique, ses collaborations à des revues et journaux nationaux ou étrangers furent multiples. Tout à la fois poète, chercheur, essayiste, romancier de manière fugace, celui que l’on a pu surnommer « l’universaliste africain » a privilégié le dialogue fraternel entre intellectuels africains et européens, au-delà de l’antagonisme de la négritude et du lusotropicalisme. Le professeur de géographie et le député à l’Assemblée nationale usèrent de leurs fonctions pour ouvrir un espace politique libérateur, dans le système dominant réactionnaire et colonialiste. La poésie de Tenreiro occupe une position à la fois contestatrice et conciliatrice. Elle se veut médiatrice entre la spécificité culturelle du « fils de la terre » et le panafricanisme d’un individu que ne reconnaît pas l’État portugais impérial. Parmi ses nombreux écrits se distinguent dans le domaine littéraire : Ilha de nome santo (1942), intégré après sa mort à L’œuvre poétique de Francisco José Tenreiro (1947), rééditée en 1982 sous le titre Cœur en Afrique ; un Panorama de la littérature nord-américaine (1945). Comme coauteur, ses écrits furent intégrés dans le Cahier de poésie nègre
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d’expression portugaise (1953). Entre autres divers travaux scientifiques, son ouvrage São Tomé (1961) constitue une très précieuse monographie sous l’angle de la géographie humaine, en même temps qu’une œuvre d’une indéniable qualité littéraire. Roman de Monsieur Silva Costa « Monsieur Silva Costa dans notre île arriva... » Monsieur Silva Costa dans notre île arriva : en pantalon déchiré avec deux sous d’illusion et volonté de repartir. Monsieur Silva Costa dans notre île arriva : il a vendu de l’alcool et il a vendu des hommes, il a vendu de la terre. Eh ! Monsieur Silva Costa est un Blanc très important en pantalon fort élégant, son argent n’a plus d’illusion ! Cœur en Afrique En Europe, pendant les nuits d’orage Count Basie joue pour moi et les rythmes noirs d’Amérique inondent mon cœur. – ah ! les rythmes noirs d’Amérique inondent mon cœur ! Ah si je suis encore triste Langston Hugues et Countee Cullen viennent jusqu’à moi chanter le poème de l’avenir – ah ! les nègres ne meurent pas et ne mourront plus jamais !
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... vite, je veux chanter avec eux vite, je veux lutter avec eux – ah ! les nègres ne meurent pas et ne mourront plus jamais !... Corps brun Si je disais que ton corps brun glisse en cadence comme le serpent noir je mentirais Je mentirais si je comparais ton visage fruit à celui des statues endormies dans les cités antiques en Afrique, à leurs yeux déchirés de rêves au clair de lune, à leur bouche fermée sur des secrets d’amour. Ton corps mulâtre, c’est mon île souche vivace qui porte amoureusement branches, feuilles, feuilles et fruits et ce sont des fruits les courbes de ton corps. Ton visage fruit des yeux obliques de safis une bouche fraîche de framboise sauvage c’est toi. C’est toi mon île et mon Afrique forte et méprisante pour qui te parle de travers. Amour d’Afrique Épars et incertain amour d’Afrique comme un matin d’automne, de calmes brouillards sur le Tage. Diffus et translucide amour d’Afrique dans l’ombre fugitive que projettent les becs de gaz des ruelles à l’aube. Pâle amour d’Afrique dans un ciel d’hirondelles mortes dans un champ blanc sans marguerites jaunes ni pâquerettes.
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Amour ténu et pâle, diffus et vague, translucide d’Afrique dans le cœur flétri des multitudes du Rossio regardant les annonces foule flétrie et harassée, fatiguée et torturée fatiguée et torturée par l’amour. (Quatre pulsations fébriles d’un corps solitaire oh Afrique du Nil et du Zaïre oh Afrique du Zambèze et du Niger qui en toi est à songer par le cœur en Afrique ? Afrique des vieux fleuves et des ruines ossifiées du Zimbabwe Chine des murailles de chrysanthèmes et de sang Malaisie et Indonésie aux carrefours de songe et de fièvre Indochine de la virilité aux étreintes tricolores de fraternité et paroles percutantes qui en vous est à penser avec le cœur en Afrique, aux Chine, Malaisie, Indonésie et Indochine de songes crispés ?) Ce sont toujours des nouvelles de loin (terres exotiques parcourues par mon grand-père là-bas, il vit une malle de camphre et connut le Gungunhana) Ce sont toujours des nouvelles de loin, caressant les cœurs flétris à cinq heures de l’après-midi sur la place du Rossio.
Francisco Stockler, dont on ne connaît pas la date de naissance, vécut au milieu du XIXe siècle et mourut en 1884. C’est grâce à Almada Negreiros, auteur d’une Histoire et ethnographie de l’île de S. Tomé (1895), que nous avons accès à quelques fragments de poèmes de cet auteur, transcrits dans No reino de Caliban. Francisco Stockler fut un des premiers à écrire de la poésie en forro, langue créole de São Tomé, plus propre à faire émerger les influences africaines inconscientes. L’attachement au continent noir se fait revendication d’origine, dans un esprit de plus en plus anticolonialiste. Marcelo da Veiga (1892-1976) est originaire de Príncipe. En 1917, il écrivit un poème intitulé Costa Alegre, son modèle. À la différence de ce dernier, sa vie fut longue, lui donnant maintes occasions de modifier ses perspectives. Il put témoigner de grands changements. À partir de 1960, des poèmes originaux, comme Regresso do homem negro (Retour de l’homme noir), expriment des sentiments de colère et de protestation, la frustration de la
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désillusion. Marcelo da Veiga, dont le lyrisme est maîtrisé, appartient déjà à la famille des poètes militants. Pué-rupé Il a mis son costume neuf, des chaussures reluisantes pareilles à un miroir, ouais !... comme il va tout cramoisi, comme il remue ses bras, comme il remue ses pieds ! les filles chuchotent : « il n’est plus le même » « si propre et si bien lavé, » ouais !... « il ne tourne plus la tête ! » « comme il remue ses bras, » comme il remue ses pieds !... » « Un vrai monsieur ! », dit l’une : « Il ne nous parle même plus » « ne nous regarde plus, le Monsieur ? » « Ouais !... » « C’est un vrai ministre... » « Comme il remue les bras, » « comme il remue les pieds ! » Mais il ne parle pas, mais il ne regarde pas, il va son chemin... Ouais !... Comme il sent bon..., comme il se tortille, comme il agite ses pieds !
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE Móli-Móli J’arrivai et ouvris une boutique C’était comme ça au temps de la monnaie ancienne : – une seule étagère garnie d’allumettes et de tabac. Une pelote de ficelle - ruban et dentelle, pour l’allure d’une belle, Une pièce de percale, Un tonnelet d’eau-de-vie et des verres au comptoir... C’était suffisant pour être gestionnaire Homme plein de foi en lui, un peu baron, Comte, commandant, Juif et je ne sais quoi d’autre !
L’utilisation explicite de symboles poétiques, extraits d’un contexte populaire, en vue d’une médiation esthético-idéologique entre l’environnement et la réalité sociale, caractérise trois auteurs : Maria Manuela Margarido, Tomas Medeiros et Alda do Espirito Santo. Au temps de la colonie, ces trois poètes constituèrent un noyau d’activités culturelles et littéraires, clandestin ou marginalisé. Comme l’avait fait avant elle Francisco Tenreiro, Maria Manuela Margarido, née en 1925 à Príncipe, écrivit un poème intitulé Socopé. Mais, alors que cette danse traditionnelle était, pour Tenreiro, l’expression idéale de la créolité, aux yeux de la poétesse le socopé explore l’anxiété de la liberté et annonce les changements à venir. Tomas Medeiros, né en 1931, médecin de São Tomé formé en Union soviétique, écrivit quelques-uns des poèmes les plus révoltés de la littérature clandestine de São Tomé et Príncipe. Il se saisit, lui aussi, du motif musical le plus emblématique de la créolité pour composer son Socopé pour Nicolas Guillen, poète cubain célèbre pour une série de poèmes sur le motif musical afro-cubain. Medeiros chercha à simuler les cadences du socopé dans sa poésie de protes-
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tation contre l’exploitation et la misère de l’île. Il cultiva une poésie imprécative dont on a pu dire qu’elle symbolisait la désintégration complète de l’espace habité par les « fils de la terre ». Maria Manuela Margarido, dans la même veine de vibrante protestation, s’exprime dans un registre plus subtil et lyrique. Ses poèmes, tels Memoria de l’île de Príncipe, Roça, Serviçais et Vos que ocupais a nossa terra (Vous qui occupez notre terre), donnent à voir le paysage exubérant de son île. Ainsi, dans Paisagem (Paysage), la flore et la faune de l’île sont-elles intégrées comme une parole qui retentit comme le prélude implicite de la révolte. Auteur contemporain né à São Tomé en 1926, Alda Graça do Espirito Santo passa son enfance dans la capitale, avant de poursuivre ses études secondaires à Lisbonne. Elle fut institutrice à São Tomé à l’époque coloniale et collabora aux Presses de São Tomé et à Mensagem (Message), la revue de l’association de la Maison des étudiants de l’Empire. Très tôt, elle attira l’attention par quelques poèmes, qui devinrent des incontournables des anthologies de la poésie africaine de langue portugaise. L’un de ses premiers poèmes, Onde estão os homens caçados neste vento de loucura ? (Où sont les hommes chassés dans ce vent de folie ?), s’inspira du massacre de Batepá et fut tout d’abord publié dans l’Anthologie de poésie africaine d’expression portugaise dressée par José Francisco Tenreiro et Mario de Andrade, avant de faire partie du recueil intitulé E nosso o solo sagrado da terra (Nôtre est le sol sacré de la terre) (1958). Alda do Espirito Santo fut le seul auteur produisant au pays, durant les années de l’époque coloniale. Sa décision de rester et de vivre à São Tomé, tandis que d’autres, militants également, se voyaient contraints, pour des raisons politiques ou économiques, d’abandonner les îles, explique les procédés de son code poétique. Celui-ci imprègne le discours de familiarité domestique, comme le montrent bien les poèmes de jeunesse. Outre un humanisme idéaliste (tous sentiments plus révolutionnaires étant censurés), ses poèmes de jeunesse révèlent avec éclat l’exaltation de l’origine native dans la célébration du chant du monde. La famille, par exemple, apparaît comme une métaphore de la communauté, tandis que le voisinage renvoie à la nationalité. La familiarité domestique,
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espace physique et culturel de la poétesse, témoigne aussi de sa conscience d’être femme africaine, doublement colonisée, et qui, à ce titre, a une mission à remplir dans le processus de libération, une mission qu’elle eut l’occasion de remplir sur la scène politique en tant que présidente de l’Assemblée populaire nationale et ministre de la Culture à la fin des années 1970. En solidarité, elle dédia aussi quelques-uns de ses poèmes à des militantes africaines, comme Deolinda Rodrigues (combattante du MPLA angolais), ou noires américaines, comme Angela Davis. La plupart de ses poèmes répondent à l’urgence historique du moment. De la même manière, ce fut elle qui rédigea, en 1975, l’hymne national. Le dramatique exprimé dans le registre domestique signe son intervention dans la geste collective. L’un de ses derniers recueils est intitulé Mataram o rio da minha cidade (éditions UNEAS). Elle préside aujourd’hui l’Union nationale des écrivains et artistes santoméens. Là, dans l’agua grande Là, dans l’agua grande, au bout de la plantation les négresses battent et battent leur linge sur la pierre. Battent et chantent les refrains du pays. Chantent et rient en se moquant des histoires racontées, entraînées par le vent. Rient à gorge déployée devant le linge sur la pierre où elles mettent le linge à blanchir. Des enfants jouent et l’eau chante. Heureux, ils jouent dans l’eau... Elles surveillent un tout petit négrillon sur l’herbe ; et ces chants plaintifs des négresses là dans la rivière s’éteignent à l’heure du retour... s’apaisent au retour de la plantation.
UNE CULTURE SINGULIÈRE AUX SOURCES MULTIPLES Monsieur le Baron Monsieur le Baron est arrivé dans l’île... avec sa sacoche de trois sous pour enterrer dans la terre argileuse la canne historique d’où surgirait l’arbre de Patacas – c’est la légende du cacao que l’histoire raconte ............... Le cacao monte emplissant les poches Monsieur le Baron descend dans la belle demeure chassant les négrillons de leur terre Monté sur un cheval alezan pour faire le tour du propriétaire il descend en ville recevoir des compliments « Monsieur le baron... » « Monsieur le baron... » ............... Il peut bien Monsieur le Baron... en simple charrette descendre en ville en posant des « pourquoi » et des « comment » dans les belles demeures. Il peut bien Monsieur le Baron... créer des plages pour le plaisir de la Haute à côté des cocotiers et noyer dans la mer pleine de requins ceux qui suent le cacao ;
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE il peut bien Monsieur le Baron !... ............. Mais attention petit peuple... Monsieur le Baron a des disciples sur la terre. Pendant qu’il regarde les voitures rouler, les bikinis sur la plage, ce pays arriéré sans voiture ni bikini ni « disciplinar » en Luanda attention, petit pleuple, Aïe, il arrive Monsieur le Baron....
S’approprier le patrimoine culturel Pendant les dix années qui précédèrent l’indépendance, victime de la dispersion du petit groupe d’écrivains (Maria Manuela Margarido s’était installée à Paris) et du silence d’Alda do Espirito Santo, la production littéraire s’éteignit. L’indépendance ne suscite pas de véritable reprise de l’activité littéraire : les énergies se placent ailleurs. En 1977, la publication de Dois poemas quase religiosos de Maria Manuela Margarido et, un an plus tard, celle de E nosso o solo sagrado da terra d’Alda do Espirito Santo firent événement. Cette dernière édition révéla des poèmes encore inédits et donna une visibilité renouvelée à la littérature de São Tomé et Príncipe. La nomination d’Alda do Espirito Santo comme ministre de l’Éducation et de la Culture fut en outre gratifiante pour le milieu littéraire. Cette même année 1978, un poète jusque-là inconnu en dehors des îles se révéla : Carlos Espirito Santo, né en 1952, auteur de Poesia do Colonialismo écrit en 1970 (publié en 1978). Le recueil présente plus de quarante poèmes (parfois rédigés en créole), dont les plus achevés évoquent l’enfance d’un « fils de la terre ». Il fut, depuis, l’auteur d’une remarquée Encyclopédia fundamental de STP, publiée à Lisbonne en 2001. Comme ce fut le cas en Angola, au Mozambique, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau, les années 1980 furent celles d’une évaluation
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du patrimoine culturel. Alda do Espirito Santo, dans son essai intitulé Présence culturelle, s’efforça d’en tracer les grandes lignes. Elle insista sur la nécessité d’intégrer la culture populaire dans le processus d’authentification d’une culture nationale : « Prétendre analyser les aspects culturels des peuples dans une perspective de folklore, comme simple donnée anthropologique, est falsifier la réalité du point de vue de l’expérience des communautés et omettre sa participation au processus productif. » Les deux plus récents recueils de la grande poétesse de São Tomé s’intitulent Mataram o rio da minha cidade et Mensagens do solo sagrado, parus en 2006 dans la collection « O canto do Ossóbô » des éditions UNEAS ; enfin, une compilation de ses plus beaux poèmes a également été publiée en 2006 : O coral das Ilhas. Citons aussi, aux éditions UNEAS, pour qui veut approfondir sa connaissance de l’archipel : Francisco Costa Alegre (Mutété. Cronologia historica santomense, Brassas de Mutété – Historica da Literatura santomense, Cronica do Magodinho) et Albertino Bragança (A mùsica popular santomense). Aujourd’hui, de nouveaux talents apparaissent ; aux éditions UNEAS, l’apparition de nouveaux titres est constante. Nombre de ces jeunes talents sont prometteurs ou dès à présent avérés. On peut découvrir leurs noms et leurs titres sur le site internet « www.saotome.st » et les lire à la Bibliothèque nationale, aux Archives nationales, au siège de l’UNEAS, au centre culturel Camoes de São Tomé et de Lisbonne, etc.
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Chante-Coq, une légende inscrite dans la toponymie L’organisation administrative de l’île de São Tomé repose sur un découpage en six districts : Agua Grande, Mé Zóxi, Lembá, Lobata, Canto Galo, Caué. Voici l’origine du nom d’un des districts de l’île de São Tomé, Canto Galo, dont la légende fut sans doute particulièrement populaire, puisque quatre autres endroits portent ce nom : trois dans la commune de Ribeira Afonso, dont le sommet d’une montagne, dans l’est de l’île, et le quatrième dans la commune de São João dos Angolares. Une légende affirme qu’il y a des années et des années, São Tomé était le refuge de tous les coqs du monde. Les coqs accouraient de toutes les parties de l’île. Leurs cocoricos étaient assourdissants. L’île semblait être toujours en fête, par les hurlements et le chant des coqs, presque à chaque instant et en tout lieu. La liesse était, en fait, infernale. Cependant, les coqs monopolisaient l’île, oubliant qu’ils n’étaient pas les seuls habitants. Il se trouvait des gens enchantés de la présence des coqs, pour leur allégresse contagieuse. Ils estimaient ce raffut judicieux et soutenaient les volatiles. D’autres étaient indifférents aux hurlements. En revanche, il existait un troisième groupe, le plus nombreux, pour qui le bruit des coqs était insupportable : on les voyait donc furieux contre les gallinacés. Ne pouvant supporter tant de boucan plus longtemps, le troisième groupe avertit les coqs, par un message placardé sur un écriteau : « Nous vous conseillons d’émigrer et de vous fixer en un lieu éloigné. Dans le cas contraire, il y aura la guerre entre nos clans, sous 48 heures. Le vainqueur restera sur place. » Les coqs, fort bien éduqués et doués de délicatesse, optèrent pour la première suggestion, convoquant sur le champ une assemblée afin de choisir le roi qui dirigerait la migration. Le choix s’arrêta sur un coq noir, très grand, très puissant. Après les préparatifs, l’exode commença. Ils firent des tours et des tours sur les îles et îlots, cherchant inlassablement un bon site, qui aurait réuni toutes les conditions pour mener une vie des plus agréables et joyeuses. Après maintes démarches et recherches, un an plus tard, ils trouvèrent un lieu idéal qui semblait avoir été créé tout spécialement pour les coqs. Ils se fixèrent alors en cet endroit.
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Depuis ce temps, on n’entendit jamais plus les coqs chanter à tuetête du nord au sud, d’est en ouest, mais en un lieu déterminé et à certaines heures. Alors, les habitants de l’île nommèrent cet endroit Canta Galo (littéralement : « Chante-Coq »). Cette légende, et quelques autres, figure dans Le Fablier de São Tomé, d’Emilio Giusti, Paris, EDICEF, 1984 (édition bilingue).
Une expression plastique vigoureuse
Si, dans la capitale, la peinture n’est peut-être pas aussi présente que dans certaines îles de la Caraïbe, les peintres de talent, et quelques jeunes sculpteurs, ne manquent pas à São Tomé. Une galerie d’art a été ouverte au début du siècle, des expositions y sont organisées en permanence. Il est possible au touriste de rencontrer les artistes, en se rendant à cette galerie située en centre-ville, à leur atelier, dans les hôtels et notamment à la roça São João, qui a pour vocation de faire connaître l’art santomens sous toutes ses formes. Leurs œuvres éclatent de couleur et de vie, bien que les lignes soient le plus souvent tourmentées et l’expression plutôt tragique, voire angoissée. Leur enthousiasme, leur motivation, dans un pays aux difficultés innombrables, leur courage forcent le respect. L’expression plastique surgit comme un phénomène neuf, en expansion rapide, dont il faut vite s’emparer comme outil d’affirmation d’une identité nationale en recherche.
L’année 1975, le tournant Avec l’accession de São Tomé et Príncipe à l’indépendance politique, le 12 juillet 1975, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour le pays ; en conséquence, l’univers artistique santoméen connaîtra une nouvelle dynamique. L’indépendance a naturellement jeté les bases d’une priorité à la culture nationale, au détriment des valeurs culturelles métropolitaines, dominantes jusqu’alors. De la
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même manière, les mesures sociales, comme par exemple celle de l’enseignement de masse, les campagnes d’alphabétisation, la formation de cadres nationaux, la création d’une Direction de la culture, d’un Musée national, n’ont pas seulement permis l’éclosion des arts plastiques, mais ont aussi permis que se crée une véritable identité nationale santoméenne. Si la sculpture n’a connu aucune évolution significative dans les premières années de l’indépendance, la peinture a beaucoup évolué. Elle se développa surtout dans le milieu scolaire et sous les auspices des professeurs d’éducation visuelle et esthétique. Ainsi, dans un contexte purement scolaire, mais aussi grâce à l’émergence de nouveaux talents, naquit la première génération de nouveaux peintres, parmi lesquels se détachaient Protásio Pino (dont le père était déjà peintre), Cesaltino, Cícero et beaucoup d’autres.
Le temps des fresques Jorge Lopes, directeur du centre culturel Francisco Tenreiro, se souvient : « Ces artistes travaillaient individuellement, ils vendaient et exposaient leurs œuvres à la Direction du tourisme. De temps en temps, ils peignaient collectivement d’immenses fresques sur les murs des bars, des hôtels et autres institutions publiques, comme celle réalisée sur le mur de la salle à manger du Nautico, ou celle de l’hôtel Miramar. Ce groupe d’artistes avait une préférence pour la peinture d’inspiration naturaliste, paysagiste, très colorée et privilégiant toujours la représentation de la réalité nationale, reflétant aussi tout l’éventail du folklore national santoméen (puíta, dança Congo, bulawé, Tchiloli). En ce sens, ils étaient les véritables héritiers de leur grand prédécesseur, le premier grand peintre santoméen de l’époque coloniale, Canarim. » Le principal protagoniste de cette première phase des arts plastiques indépendants de São Tomé fut sans doute Protasio Pina, auteur d’un vaste répertoire d’œuvres, dont beaucoup pouvaient rivaliser avec la production étrangère. De plus, beaucoup de timbres-poste de São Tomé portent sa signature. Cette première génération d’artistes plasticiens ne s’est pas intéressée à la sculpture qui est restée en l’état, comme au
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temps de l’époque coloniale, la faible production étant plus de type artisanal qu’à proprement parler artistique.
Depuis 1994, une nouvelle dynamique L’Association des artistes plasticiens de São Tomé et Príncipe (AAPLAS) fut créée en avril 1994, avec l’objectif de développer une nouvelle dynamique des beaux-arts santoméens. Sa vocation est de soutenir les artistes, de les former, d’appuyer leurs initiatives créatrices, d’organiser des échanges avec des artistes étrangers. Il s’agit, simultanément, de donner une image plus digne de l’artiste santoméen, tant aux yeux de l’opinion publique locale que de l’opinion internationale. L’association se propose aussi, par là même, d’éduquer, de mobiliser et de sensibiliser les Santoméens à la peinture et à la sculpture contemporaines. À São Tomé et Príncipe, la première phase d’un programme culturel régional de développement intitulé « Bantu » s’est engagée autour de deux projets, dont l’un concerne les arts plastiques. Intitulé « Développement des arts plastiques », il prend appui sur les artistes plasticiens organisés en association (l’AAPLAS). Il vise à soutenir la production artistique, à inciter les artistes à la création de nouvelles formes d’expression, à valoriser et assurer la promotion du travail plastique et artisanal, sur le plan traditionnel, de manière à entretenir et préserver le patrimoine culturel.
Les jeunes talents s’exposent à la galerie-espace Teia d’@arte L’AAPLAS travaille en étroite collaboration avec les programmes du Centre international des civilisations bantoues (CICIBA), dont la raison d’être est de promouvoir la culture bantoue, notamment par de nombreuses expositions collectives et individuelles, et autres manifestations publiques. Les jeunes artistes santoméens participent à des expositions internationales (à Lisbonne, à Séville, mais aussi dans des capitales du nord de l’Europe), ou régionales (au Gabon), et y sont remarqués. Le style des toiles se
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Le programme Bantu
L’archipel de São Tomé et Príncipe fait partie du groupe bantou. L’appellation « Bantous » désigne les locuteurs d’un vaste groupe linguistique qui couvre la plus grande partie de l’Afrique centrale et australe. Il est composé d’environ 450 langues apparentées, regroupées en seize zones homogènes. Celles-ci auraient toutes la même origine lointaine : les confins du Nigeria et du Cameroun. J. Greenberg rattache le groupe bantou à quelques langues parlées dans le golfe de Guinée ; avec celles-ci, il constitue la famille Bénoué-Congo, qui, elle-même, fait partie de l’ensemble Niger-Congo. À l’unité linguistique du groupe bantou répond une grande diversité culturelle. Le Centre international des civilisations bantoues (CICIBA), créé en 1983, à l’initiative du chef de l’État gabonais, regroupe la Centrafrique, le Congo, la Guinée équatoriale, le Rwanda, São Tomé et Príncipe, la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), l’Angola, les Comores et la Zambie. Ce centre de recherche, de documentation, d’animation scientifique et culturelle, de formation et de coordination, dont le siège est à Libreville, concerne une aire linguistique de plus de 150 millions d’habitants. Outre les États membres, ses activités sont suivies par une quinzaine d’autres pays. Le programme culturel régional appelé « Bantu », conçu par le CICIBA, intervient sur des thèmes transversaux, communs à l’ensemble des pays. Financé par l’Union européenne dans le cadre du FED, il concerne une dizaine de pays d’Afrique centrale et australe. À São Tomé et Príncipe, la première phase du programme s’était engagée, il y a quelques années, autour de deux projets, l’un concernant l’alimentation traditionnelle, l’autre soutenant les arts plastiques. À partir de 1999, une seconde phase a concerné la valorisation et l’organisation fonctionnelle des archives, ainsi que la restauration du Musée national installé dans la forteresse São Sebastião, la restauration d’une maison patricienne du centre-ville et sa transformation en Maison de la culture.
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caractérise par une tendance affirmée à un syncrétisme stylistique. Elles sont œuvres de jeunes gens, une vingtaine de peintressculpteurs, au confluent de diverses influences, en recherche de leur identité esthétique. Les artistes de l’archipel paraissent tous dotés d’une grande capacité d’adaptation à la réalité nationale. C’est là une des clés de leur réussite, comme le montre le cas de René da Cruz Tavares, né en 1983, qui, grâce à une bourse de formation, a suivi un cursus d’expression plastique à l’École des beaux-arts de Dakar. Simultanément à une expression très contemporaine, voire abstraite, il a délibérément choisi le Tchiloli, dont il traduit la vitalité par des vibrations de couleur, comme sujet d’étude. Affirmant brillamment un élément phare de la culture traditionnelle de son pays, il faisait fi, comme il le dit lui-même, du complexe d’arriération qui, bien à tort, peut s’emparer de certains jeunes Santomenses. Beaucoup se formèrent dans la polyvalence : Litos Silva est peintre, sculpteur et caricaturiste ; João Carlos da Silva est peintre, sculpteur, mais aussi cuisinier (livre et programme « As tachos na roça », diffusé par la télévision portugaise), gérant de la roça de São Jão dos Angolares et de la galerie Teia d’@arte ; Armindo Lopes est peintre et sculpteur ; Nezó également, en cumulant la pratique de la composition musicale et de l’interprétation. Ces deux derniers, tout comme René Tavares, révèlent déjà un talent affirmé. La sculpture d’Armindo Lopes épouse la forme du bois, qu’il utilise avec inventivité et un savoir-faire assuré : cavités transformées en bouches béantes et en gouffres profonds ; nœuds du bois comme éléments essentiels. Son inspiration, souvent brutale, exprime la souffrance, la pauvreté, la privation et le manque. Même veine pour sa peinture, qui joue des techniques et les multiplie, non sans une certaine naïveté bien à propos. Il est aussi l’auteur de fresques et de sculptures sur des lieux publics, telle la statue du roi Amador, devant les Archives nationales. Nezó, que l’on peut rencontrer en toute simplicité à São João dos Angolares, est aussi chanteurcompositeur et appartient au groupe Trio Tempo. Dans sa peinture, il observe les objets et les hommes dans des détails grossis, usant d’un regard à la fois attentif et amusé, des mains aux pieds, du poisson au filet. Contorsions de corps déformés et tourmentés, qui
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agressent et retiennent le visiteur. Abrupte et douce, cette peinture, qui semble parfois sortir de l’espace de la toile, dégage une force enveloppante. Citons aussi Dario Carvalho, Zémé (actuel président de l’AAPLAS), Estanislau Neto, qui vivent à présent au Portugal. Depuis 2001, les œuvres de tous ces jeunes talents, dont un photographe, Mama Tass, sont exposées en permanence dans une galerie d’art située en centre-ville, l’Espace Teia d’@rte, rua Martires da Liberdade, qui prend sur la gauche de la Banque internationale de São Tomé et Príncipe (ceiarte@cstome.net ; tél. 22 51 35 ou 22 13 33). Chaque année depuis 2003, en juillet, est organisée à São Tomé une Biennale internationale de l’art et de la culture, moment fort de rencontres et de partages entre artistes du monde entier. Enfin, deux artistes ont récemment mis au point une technique de tableaux de sable. En deux formats et façon carte postale, une série de très beaux motifs représentatifs de l’environnement ou de la vie locale, dans des nuances de gris et d’ocre, est disponible. S’adresser aux points de vente de l’artisanat et aux artistes : Bruno Spagnol (tél. 90 47 05) et Guilherme de Carvalho (tél. 92 12 86), gb-arte@gb-arte.com (maison en surplomb, sur la presqu’île de l’Hôpital, visible depuis la route de l’aéroport).
Canarim, le peintre du Tchiloli Pascoal Viana de Sousa e Almeida Viegas Lopes Vilhete, dit Canarim, était l’arrière-petit-fils du premier baron d’Agua Izé et peintre naïf de talent. Canarim est avant tout connu pour ses dessins, dans lesquels il a laissé le concept le plus exact du folklore populaire de São Tomé. Contemporain d’un autre peintre et poète santoméen, José de Almada Negreiros, Canarim est né le 3 mai 1894, dans la roça das Laranjeiras, non loin de Santana. Au cours de sa longue vie – il disparut dans les années 1970 –, il ne sortit pas de l’île de São Tomé, à l’exception d’un séjour de quatre ans, de février 1908 à janvier 1912, dans un internat de Lisbonne. On attribue à ce séjour lisboète un rôle déterminant pour son œuvre. En octobre 1910, il assista à la proclamation de la République
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portugaise. Le nouveau drapeau portugais, vert et rouge remplaçant l’ancien, bleu et blanc, lui fit grande impression. Ces quatre couleurs des drapeaux portugais constituèrent son seul viatique, pour se lancer dans le tracé des manifestations de la vie culturelle de l’archipel. Son œuvre dessinée révèle une ingéniosité, une grâce, un humour flagrant, un sens certain de la couleur, autant de qualités qui supplantent à merveille le manque de technique attendue. Elle atteste une pureté d’observation, un concept plastique primitif, une facture d’expression typique, comme l’est le sujet de prédilection : l’expression théâtrale, gestuelle, à la fois rieuse et grave, toujours très visuelle, typiquement santoméenne. Ses tableaux représentent les coutumes de São Tomé au début du XXe siècle. Le Tchiloli fut le thème de ses premiers et meilleurs tableaux. Il retraça aussi de pures cérémonies religieuses. Son rôle fut important, valorisant, dans le miroir qu’il leur tendait, les fêtes religieuses et les associations folkloriques structurant une vie culturelle authentique et vivante. Par ses dessins à la manière de reportages sensibles, Pascoal Viegas contribua à la promotion sociale des natifs de l’archipel, qu’il représenta toujours dignes et distingués, vêtus de façon typique.
La cuisine traditionnelle d’un pays bantou
Dans un style de vie intégré à la nature de l’île, les végétaux jouent un rôle fondamental dans l’alimentation des Santoméens. S’en détachent particulièrement les bananes, qui constituent la base de l’alimentation. Le pain et le riz accompagnent aussi de nombreux plats traditionnels. Les produits de la pêche sont naturellement présents, sur la table familiale, tout au long de l’année. Ici comme ailleurs, la gastronomie est un art, la cuisine un savoir-faire transmis de génération en génération : si un projet du programme Bantu concerne les arts plastiques, un second projet s’applique à l’étude et à la valorisation de la cuisine traditionnelle. Les ingrédients utilisés sont originaires d’Europe méditerranéenne, d’Afrique, d’Amérique tropicale, d’Asie, ce qui révèle
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l’influence de la rencontre des cultures subie par ce petit archipel, notamment durant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. Comme dans toute cuisine africaine, les condiments sont importants ; les épices étaient produites sur la propriété. Comme en Afrique aussi, tous les plats demandent beaucoup de temps de cuisson, de 5 à 6 heures le plus souvent, ce qui ne manque pas de faire chuter la teneur en vitamines des différents végétaux utilisés. Les principaux plats traditionnels se mijotent longtemps, un peu à la manière des ragoûts. Ils font appel à de nombreux ingrédients locaux. Ce sont : le calulu antigo, dont une vingtaine de feuilles entrent dans la composition. Il peut être à base de viandes (poulet, porc...) ou de poissons. Dans ce dernier cas, environ huit variétés de poissons sont utilisées (crevettes, mérou...). Les autres ingrédients indispensables incluent l’huile de palme, le fruit de l’arbre à pain, le laurier, la malagueta (piment), la tomate, l’oignon, le pau pimenta et l’ossame. Ce plat a son équivalent au Brésil : le carúrú ; le muzengué, dans la constitution duquel entrent le chou, du poisson fumé ou de la poule, le fruit à pain, l’huile de palme, l’oignon, le pau pimenta, l’ossame. Il est accompagné de riz ou de farine de manioc ; l’izaquente de azeite, à base d’une vingtaine de feuilles différentes et de divers poissons, dont la tortue salée, l’os de requin, la crevette, le thon fumé, le fulu-fulu fumé. Et, bien sûr, l’ossame et le pau pimenta ; le blá-blá, l’ijógó, le sôô de matabala, le môiô, le kissaca, le lussua, le calulu bingi (spécialité angolare), le mbelela, le molho de fogo familiar, le fungi maguita, l’azagoa, le churrasco, le cachupa. Signalons, enfin, un livre de cuisine traditionnelle, récemment édité par João Carlos da Silva, artiste peintre et sculpteur, gérant de roça aux multiples facettes. L’auteur est connu au Portugal comme cuisinier hors pair par un programme sur la chaîne RTP Africa et cet ouvrage, As tachos na roça (Aux fourneaux dans la roça), qui dit tout ce qu’il faut savoir sur l’art séculaire de cuisiner dans les roças santoméennes.
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« Voir pour croire » : São Tomé au croisement des cultures lusophones
Le Centre international d’art et de culture (CIAC) est une association à vocation culturelle présidée par l’artiste João Carlos da Silva, dont le siège se trouve à la roça São João, sur la côte sud, à une heure de route de la capitale, en arrivant à la bourgade de São João dos Angolares. L’objectif du CIAC est de multiplier les échanges, de confronter les expériences et de faire connaître la spécificité des artistes de l’archipel. Le Centre contribue à la création d’un espace culturel angolare et ouvert au monde par une incessante coopération entre personnes et organisations internationales qui poursuivent les mêmes objectifs. Il se veut foyer d’échanges et de promotion de la culture santoméenne dans l’espace lusophone, proposant une formation aux arts et aux savoirfaire en adéquation avec la réalité de São Tomé et Príncipe. En 1994, il organisa le premier festival d’art et de culture, Caué Pagué, une exposition-dégustation de la gastronomie du Cap-Vert, de l’Angola et du Gabon... Un an plus tard eut lieu la première Biennale d’art et de culture de São Tomé et Príncipe, l’accueil d’une classe de jeunes acteurs, l’ouverture d’une bibliothèque avec le soutien du ministère de la Culture du Portugal. Puis furent créés des ateliers de dessin, de peinture, de sculpture, de musique, d’expression dramatique, d’éducation à l’environnement et à la santé, ainsi qu’une troupe de théâtre et de danse appelée « Ossóbô ». São Tomé se fait, enfin, connaître à Paris : depuis 1995, il participe au Salon du chocolat ; en 2000, puis en 2006, le CIAC a organisé une série de représentations de Tchiloli, sur la scène de la Maison des cultures du monde, dans le cadre du Festival de l’imaginaire. Initié par le CIAC, un programme intitulé « Voir pour croire » – titre malicieux qui, en un clin d’œil, transforme l’incrédulité de l’apôtre en levier des énergies – propose des séjours de deux mois aux jeunes artistes de toutes disciplines (y compris journalistes, photographes, réalisateurs...) des pays de langue lusophone ou de villes portugaises jumelées à des villes et villages santoméens, leur fournissant le gîte et les déplacements sur l’île. « Voir pour croire »
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développe ainsi la connaissance de la réalité historique et culturelle de São Tomé et Príncipe, et œuvre à l’approfondissement des liens historiques et culturels qui unissent les peuples de langue portugaise. On peut joindre les responsables du CIAC par voie électronique : ciacnat@cstome.net.
5 La découverte d’une architecture plurielle
São Tomé et Príncipe, pays en développement dont l’écosystème et la beauté naturelle constituent un patrimoine certain, entend privilégier un tourisme de qualité. Pour diverses raisons, qui vont du climat océanique à la fragilité des infrastructures, en passant par la préservation de l’environnement naturel, il n’est en effet aucunement envisageable que l’archipel devienne le théâtre de vacances de milliers de touristes. En revanche, cet archipel du milieu du monde offre au visiteur curieux un mélange subtil d’attraits divers : plaisir de la découverte, intérêt pour l’ornithologie, la culture cacaoyère ou encore l’architecture, repos complet et détente par le sport (mer et randonnées), brève initiation à l’Afrique lusophone, le tout bercé dans un environnement îlien au charme unique. À chacun de bâtir son programme en fonction de sa motivation initiale et de son temps de séjour. Depuis quelques années, les opérateurs touristiques présents sur place s’efforcent d’améliorer leur offre : il vous est possible de varier vos lieux de résidence (alterner, par exemple, séjour sur la côte et séjour en altitude, plus reconstituant) et vos activités. Des agences de voyages privilégiant l’écotourisme, telles Navetur-Equatour ou Mistral Voyages (présente en France et sur place, ainsi qu’au Gabon), sont à votre disposition pour vous
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renseigner, vous mettre en relation avec les hôtels, vous proposer des circuits et vous aider à organiser votre séjour. Elles disposent de programmes d’excursions, sur terre ou en mer, mettent à votre disposition des guides pour les randonnées pédestres, louent des 4 X 4, organisent bivouacs et campings, rencontres culturelles. L’association Monte Pico, en lien avec les agences citées, propose des guides et un savoir considérable sur le milieu ambiant. D’autres opérateurs locaux organisent également des excursions sur terre et sur mer ; on peut s’adresser notamment aux grands hôtels. Les locations de véhicules se font avec ou sans chauffeur et, le plus souvent, sans assurance. Ne pas oublier de poser cette question lors de la négociation. Compter à partir de 40 euros par jour pour une voiture de ville ; 50 euros pour un véhicule 4 X 4 de marque Suzuki ; 80 euros pour un 4 X 4 Pajero, châssis court ; 100 euros pour le même modèle châssis long. Plusieurs agences de location sont sur place, dont « Turist Rent a Car », « Gold Tour et Service »... Un conseil : lorsque vous garez votre véhicule dans un endroit isolé, laissez-le vide et non fermé à clef. Bien qu’il n’y ait pas d’insécurité, les enfants sont curieux et la situation économique difficile. Les routes de l’archipel ne sont pas dangereuses, ce qui n’est pas une raison pour oublier toute vigilance ou se livrer à des excès de vitesse. Une route était particulièrement dégradée : le tronçon qui relie Ribeira Peixe à Porto Alegre. La réfection de ce tronçon est à présent achevée, à l’aide de financements internationaux. Enfin, en l’absence de panneaux indicateurs, il est indispensable, pour visiter des lieux reculés, de prendre un guide. À titre d’indications, voici quelques suggestions, que l’on dispose d’une semaine ou de plus. Se rendre à São Tomé e Príncipe (selon l’orthographe portugaise), c’est découvrir avec ravissement une architecture plurielle, qui n’en est pas moins hautement singulière pour le continent africain. Chaque épisode d’une histoire mouvementée a laissé ses vestiges. Cinq siècles d’histoire s’inscrivent dans un même espace. Les architectures successives se côtoient : magasins (lojas) dont le contenu ressemblait, il y a peu encore, à un « inventaire à la Prévert », maisons patriciennes à colonnades et cariatides, églises,
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forteresses sur le modèle de celles du Portugal et de l’île de Mozambique – elles sont au nombre de trois et datent du XVIIe siècle : São José (dont il reste très peu de vestiges, sur une hauteur dominant la presqu’île qui semble scinder la baie Ana de Chaves en deux, dans le quartier de l’Armée) ; São Sebastião, qui aujourd’hui abrite le Musée national ; São Jérónimo, dont il ne reste que des ruines (sur une troisième pointe, au-delà du palais des Congrès, à présent absorbées au sein du complexe hôtelier Pescana). En ville, le regard se porte aussi sur les petites maisons d’habitation très typiques, aux toits de tuiles, de la fonction publique portugaise (le long du bord de mer de la capitale et de Pantufo, notamment), et sur l’habitat vernaculaire, en bois, sur pilotis le plus souvent ; à l’intérieur, les édifices des anciennes roças sont particulièrement remarquables. Visiter l’archipel, c’est découvrir des façades d’azulejos abandonnées, des baies cintrées et sculptées au style manuélin1, des toitures couvertes de tuiles sur des charpentes qui empruntent à la marine, des intérieurs en bois sculpté à l’assemblage chevillé, des parquets de marqueterie, une ébénisterie d’essences rares, des murs peints et des plafonds moulurés à corniche... « La liste est longue de toutes ces richesses qui sautent au visage, embrasent l’œil comme un ouvrage universitaire d’architecture pour étudiants avides de connaissance et d’esthétisme », témoigne Paul-Émile Simon dans l’inventaire qu’il dressa, dans le but d’initier un programme de conservation du patrimoine national, soutenu par l’Unesco. « L’architecture, c’est la mémoire de l’histoire » rappelle encore l’architecte, à qui Nora Rizzo a succédé. Au travers de ces architectures, des faits qui remontent à la grande épopée lusitanienne des découvertes, en même temps qu’un paysage divers et toujours enchanteur (savanes et baobabs au nordest, chaînes montagneuses au sud, où l’on découvre au détour du chemin « pains de sucre » et dykes ou tours rocheuses), au cœur 1.
Profitant des richesses rapportées de l’Inde, le roi Manuel Ier (1469-1521) fit construire, au Portugal, de splendides monuments tels la tour de Bélem et le monastère des Hiéronymites, dont le style décoratif, inspiré par les voyages maritimes, porte son nom.
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d’une végétation d’une luxuriance rare. Se promener revient ainsi à feuilleter les pages jaunies de l’histoire santoméenne, comme dans un livre d’aventures où les styles d’écriture s’entremêleraient, du Shakespeare de La tempête à Alexandre Dumas, en passant par Stevenson.
Sur l’île de São Tomé, au gré de quelques itinéraires
Sur l’île de São Tomé, la plus grande des deux îles principales que compte l’archipel, trois itinéraires vous permettront de voir l’essentiel, à condition de prendre votre temps.
À São Tomé, la capitale – Du quartier des Pêcheurs à la forteresse Saint-Sébastien Le quartier des Pêcheurs est situé au cœur de la baie Ana de Chaves (arrivée des pirogues en fin de matinée, entre 11 et 14 heures) ; sur la Marginal (l’avenue du front de mer, Marginal 12 de Julho) se trouve la chapelle São Pedro, patron de la mer fêté le 29 juillet (ce jour-là, un canot fait faire le tour de la baie à l’icône du saint). En partant de ce petit édifice de facture moderne, en direction du port le long de la Marginal, la rue partant à droite à la première fourche (au niveau d’une station d’essence) permet de découvrir l’essentiel du centre-ville de la capitale. Empruntez-la : le marché Feira da Ponte, appelé aussi « marché aux Poissons » a été détruit et transféré dans des halles aux normes contemporaines, un peu plus loin, en 2007. De création récente, le marché couvert, organisé sur le modèle africain, propose des vêtements et des centaines d’ustensiles pour la maison. Cent mètres plus loin, voici l’église N. S. da Conceição au crépi couleur saumon (lieu de refuge pendant « la guerre » de Batepá, dont l’intérieur simple, aux autels baroques, est à visiter) et l’hôtel
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Baía Residencial, au restaurant en terrasse. Continuer en longeant l’ancien marché, espace devenu un terrain vague dont la destination n’était pas précisée début 2008, pour arriver sur la place Yon Gato, dite Niangato. À droite, la boutique Kilimanjaro offre de l’artisanat local ; de l’autre côté de la place, on peut admirer l’immeuble de la Primature et, juste à côté, la casa Graça, dont le toit est orné de caryatides, demeure patricienne de belle facture qui, restaurée par un financement de l’Union européenne (8e FED) avec le concours de l’architecte Nora Rizzo, est devenue la Maison de la culture de la capitale, en 2003. Dans sa cour intérieure, le « café Jasmin » permet de passer un moment très agréable, de prendre une collation ou tout un repas, tout en s’informant des expositions, conférences ou représentations théâtrales à l’affiche. Depuis la place Niangato, on aperçoit déjà, en face, le marché municipal (aux légumes exclusivement) et, si on longe ce dernier sur sa droite, on atteint l’endroit le plus animé de la ville, la place aux taxis (destinations vers toutes les localités de l’île, desservies également par de confortables minibus). Demander le prix de la course avant de monter dans un taxi, car deux barèmes ont cours : « taxi colectivo » ou « frete » (individuel). En prenant ensuite l’une des rues du centre-ville, vous longerez des lojas, boutiques à l’étalage hétéroclite (selon l’arrivée des bateaux d’approvisionnement, on pouvait y voir, il y a peu : un pneu, trois paires de chaussures, quelques boîtes de lait en poudre, des rangées de boîtes de sauce tomate, de la lessive, une robe...) ; vous ne manquerez pas la place du Commerce, où s’agite une petite légion de changeurs, avec des pompes à essence en son centre, de belles lojas en son pourtour et le café Compagnie, lieu de rencontres de toute la capitale, où vous pourrez consulter la presse locale et où l’on répondra à toutes vos questions. Continuant votre chemin après cette pause, vous tomberez immanquablement sur la cathédrale (Santa Sé, voir encadré) et son jardin où ont été posées les bases d’un monument à la mémoire des enfants juifs déportés puis morts à São Tomé à la fin du XVe siècle. Aux abords de l’Agua Grande, traversée de petits ponts de pierre, le café Baía avec sa terrasse, lieu de rencontre privilégié du temps de la colonie, est devenu siège d’une compagnie aérienne ;
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le palais présidentiel, à la façade rose, se distingue nettement. Sur l’avenue du bord de mer, non loin de là, le Palais de justice est un beau bâtiment à encorbellement. Poursuivant encore sur la Marginal en direction du port, c’est l’Office du tourisme (où l’on peut acquérir de l’artisanat de qualité), puis la poste (départ du courrier pour l’Europe, par le vol de la TAP Air Portugal), dotée d’un guichet « Philatélie » où l’on peut également trouver des cartes postales. À droite, derrière la poste, en se dirigeant vers la place du 3 de Fevereiro, on peut voir les vestiges du cinéma-théâtre Manuel da Vieiga (ex-Império), restauré avec des financements taïwanais, qui, après l’indépendance, joua un rôle important d’éducation, de sensibilisation culturelle et de mobilisation, et devrait rouvrir ses portes dès le courant de l’année 2008. Le parc populaire, voisin, vaut le détour : l’ambiance y est agréable et on peut y voir une ancienne locomotive de roça. Si, après être passé devant la poste, vous continuez au contraire le long de la mer, vous verrez tout d’abord, sur votre droite, l’église Bom Jésus, à côté du bureau de l’Institut Camões (local de l’appui pédagogique du Portugal à l’éducation santoméenne). Abritant provisoirement une partie des archives du pays, cette église est toujours fermée. Plus loin, à l’angle de la Croix-Rouge, l’allée qui mène à la mer vous conduit à la chapelle du Bom Despacho, ouverte pour les offices, sur une petite place où se trouve le siège de l’ONG Marapa et d’où il est particulièrement agréable d’assister au coucher du soleil sur la baie, pour le voir disparaître derrière la presqu’île qui sépare cette partie de la baie de celle de Praía Lagarto. De retour sur la rue principale, vous voilà dorénavant au port et au sein du quartier administratif de la ville, où se trouvent deux ministères, Défense nationale et Finances, ainsi que les Douanes. À l’extrémité du bâtiment au crépi rose s’offre la plus belle vue, la plus émouvante, sur la baie Ana de Chaves. Au creux de la ligne pure de la courbe, on distingue nettement les tours de la cathédrale, les entrepôts du front de mer, l’ancien café Baía, le Palais de justice repeint en blanc, les quatre palmiers royaux à l’angle du marché, ainsi qu’un immeuble moderne gris, incongru par ses formes d’une modernité agressive.
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La première cathédrale africaine Quatre siècles de péripéties La construction de la Sé, la cathédrale de São Tomé, commença en 1576, sous le règne du roi Sébastien, et s’acheva en 1958, soit près de quatre cents ans plus tard. Très tôt, les pêcheurs élaborèrent une légende, selon laquelle la construction ne pouvait s’achever sous peine de voir l’île entière disparaître dans les profondeurs de l’océan. À l’origine, le sanctuaire n’était qu’une chapelle dédiée à la Vierge, construite par Alvaro de Caminha, le second donataire, dès 1493, et achevée à sa mort, en 1499. Bâtie de pierres et de chaux, recouverte de tuiles, elle dura peu : en 1501, des pirates hollandais la détruisirent et réduisirent en cendres la petite ville. On la reconstruisit : en 1505, l’église de l’Avé-Maria était de nouveau une réalité ; en 1534, le diocèse l’éleva à la dignité de cathédrale. C’était la première cathédrale de toute l’Afrique au sud du Sahara, elle fut alors rebaptisée Nostra Senhora da Graça (Notre-Dame de la Grâce). Mais, en 1562, une nouvelle invasion, hollandaise ou française, ne laissa pas pierre sur pierre de l’édifice... Les temps étaient difficiles, les ressources maigres : durant quatorze ans, la cathédrale demeura en l’état, sans l’espoir d’être un jour rebâtie. En 1576, le pieux roi Sébastien ordonna et finança la reconstruction de la « maison de la Dame ». Les anciennes fondations ne furent qu’en partie utilisées, le corps du bâtiment fut avancé de quelques mètres, vers le rio Agua Grande. Les travaux furent menés bon train, dans la ferveur générale. Deux ans plus tard, en 1578, le roi Sébastien succomba à la bataille d’Alcacer Kébir. À São Tomé, on était loin d’avoir achevé la reconstruction. Le chantier, dans l’attente de nouvelles ressources, resta suspendu. Le cardinal Don Henrique, oncle du roi Sébastien disparu sans descendance, lui succéda. Il semble que São Tomé ait tenu une place spéciale dans son cœur puisqu’il renouvela les subventions, chargea l’évêque de les gérer avec l’ordre de conclure au plus vite les travaux. Le 31 janvier 1580, D. Henrique rendit l’âme à son tour. Dès lors, Philippe II d’Espagne dirigea le Portugal et ses territoires d’outre-mer. Le règne des rois catholiques ne fut pas néfaste pour São Tomé, encore moins pour sa cathédrale. Le monarque attribua en effet une
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rente annuelle de 200 000 reis, renouvelable jusqu’à la conclusion du chantier. Mais l’argent passa de mains en mains et, dix-huit ans plus tard, en 1598, l’œuvre n’était toujours pas terminée. En 1599, une nouvelle invasion hollandaise laissa encore une fois la cité en cendres et les églises, dont la cathédrale, très endommagées. On commença alors à se dire que la « maison de la Dame » n’était décidément pas placée sous une bonne étoile, et peutêtre condamnée par le sort à ne jamais être achevée. Tout manquait pour mener à bien un nouvel effort de restauration. Cependant, le peuple, faisant de sa pauvreté une richesse, retroussa vaillamment ses manches et se mit à l’ouvrage pour la maison de tous. En 1615, seize ans après la dernière invasion, la cathédrale accueillait à nouveau les fidèles, malgré l’inachèvement et le besoin de restauration de la partie qui n’avait pas été détruite. Le frontispice et la tour furent construits en bois, de très belle façon. Des cloches furent installées. En 1624, Philippe II, prenant à cœur l’achèvement de la Sé, renouvela une fois de plus la rente instaurée par son prédécesseur. Les archives ne disent pas à quoi a pu servir cette rente, mais, dix ans et quelques mois plus tard, la reconstruction se terminait à peine. La partie achevée en premier lieu commençait à donner des signes d’un besoin de restauration... Le 17 décembre 1635, l’évêque fut envoyé en mission à la cour d’Espagne, nanti d’une recommandation pontificale, afin d’obtenir qu’enfin la cathédrale soit tout à fait achevée. Les Hollandais occupèrent l’île de 1641 à 1649. En 1674, des enquêtes sur l’état du diocèse mentionnèrent une cathédrale « inachevée jusqu’à présent, dédiée au “divin Thomas” et dépourvue de cloches ». Onze ans plus tard, en 1685, de nouvelles enquêtes faisaient état, cette fois, d’une cathédrale bien charpentée et solide, placée sous l’invocation de la Sainte Vierge et ne nécessitant aucune restauration. Entre 1674 et 1685 avait en effet été mené un travail de restauration convenable, avec des outils et selon des techniques adaptées. Le frontispice et l’unique tour restèrent en bois. Durant plus d’un siècle, les archives ne parlent plus de la cathédrale. Le 4 juin 1814, frontispice et toiture s’effondrèrent bruyamment dans une cathédrale heureusement vide à ce moment. La consternation fut grande ; tous se mirent immédiatement au relèvement qui s’imposait. Six mois plus tard, tout était en place et consolidé. Cette réparation semble avoir été la seule, jusqu’en 1863, date à laquelle on ouvrit une souscription publique pour de légères améliorations. Cela n’évita pas que, trois ans plus tard, l’église se trouvât dans un état exigeant des aides du ministère portugais des Colonies. Menés à
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grands frais, ces travaux changèrent la physionomie de l’ensemble. La façade principale fut refaite en maçonnerie et l’église fut dotée de deux tours dissemblables, en maçonnerie également. 1937 marqua aussi un tournant important pour la vieille cathédrale rapiécée. Les murs furent élevés d’1,50 mètre, les tours haussées à près de 10 mètres, les linteaux des portes et fenêtres furent redessinés en arcades romaines, l’espace intérieur fut divisé en trois nefs aux embrasures de béton armé, séparées par deux rangées de colonnes, et au chœur de bois fut substitué un chœur en béton armé. Dès lors, la cathédrale prit l’aspect que nous lui voyons aujourd’hui. Les décorations sont, elles, plus récentes, comme la fresque d’azulejos blancs et bleus qui représente la Sainte Trinité en majesté, entourée d’anges en adoration, ou celle qui représente le baptême du Christ, dans le baptistère fermé d’une grille fabriquée par l’école d’arts appliqués de la mission catholique, qui conçut également les lambris dorés de la chapelle principale, en 1954. En 1957, la cathédrale accueillit les stations du chemin de croix, bas-reliefs exécutés à Madrid. En 1958, enfin, furent placées la toile représentant l’Annonciation, exécutée à Braga, ainsi que l’image du Sacré Cœur de Jésus. En conformité avec les décisions du concile Vatican II, l’autel principal fut avancé en 1967 pour des célébrations face aux fidèles. En 1970, une frise d’azulejos tout simples, blancs et bleus, fut apposée tout le long des murs de l’église. En 1986, les anciens azulejos abîmés furent remplacés, le parvis et le socle du nouvel autel furent revêtus de marbre. L’extérieur de l’église fut repeint en 1998. On peut aujourd’hui lire sur les colonnes de l’église : « Desliga o telemovel e liga teu coração a Jesus Christo, pelo menos neste momento ».
De retour sur l’avenue, on lit, en face, les lettres « DOPV » sur une bâtisse encore fort belle : il s’agit de l’ancienne gare de chemin de fer. Avant la Première Guerre mondiale, une voie unique de 14 kilomètres reliait en effet la capitale au centre-ville de Trindade, en desservant un certain nombre de roças. Très bien restauré, ce bâtiment est aujourd’hui le siège de la « Santa Casa de Misericordia », œuvre catholique, aux projets de coopération portugo-santomenses en faveur des plus démunis (artisanat local soigné, livres et CD sont proposés à la vente au bénéfice de l’association dans la boutique).
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Au-delà du port s’ouvre une belle promenade en bord de mer, la seconde Marginal, dans un quartier résidentiel, qui mène au palais des Congrès. En l’abordant, on ne manquera pas de saluer les découvreurs, João de Santarém, Pêro Escobar et un troisième personnage, dont les blanches statues monumentales au socle estampillé du blason portugais de l’époque, conçues sous Salazar, transportées du centre-ville à cet endroit, à l’indépendance, semblent garder la forteresse Saint-Sébastien2. Celle-ci abritait le commandement de Défense maritime coloniale et fut transformée en musée le 22 mai 1975. Semblable à bien d’autres forteresses portugaises dans le monde, et notamment à celle de Lagos (au Portugal), située sur une pointe rocheuse, elle se trouve flanquée d’une petite plage fréquentée par les lycéens. Une visite s’impose, en l’agréable compagnie du conservateur, Manuel Barros. Outre la chapelle dédiée à São Sébastião dans la cour, de véritables trésors se cachent à l’étage : statues religieuses de style baroque, mobiliers de style indo-portugais et « art nouveau », portraits de présidents portugais venus en visiteurs et de barons du cacao, très parlantes reconstitutions d’une chambre de maître de roça et de celle d’un esclave, salle-sanctuaire des victimes des événements de Batepá (février 1953), pièces de l’artisanat local (une petite boutique, à la sortie, propose quelques objets et ouvrages à la vente). Depuis peu a été installée une salle dédiée aux tortues marines, a casa das torturagas. Cette exposition permanente bien faite témoigne du souci récent d’intégrer pleinement l’environnement dans le patrimoine santoméen.
2.
Saint Sébastien occupe une place spéciale dans la pensée religieuse portugaise, en raison d’un roi du XVIe siècle qui portait ce nom et dont la disparition eut des conséquences tragiques pour le royaume. Le jeune roi Sébastien disparut en effet en 1578, lors du siège d’Alcacer Kébir, ville du Maroc où les troupes portugaises subirent une défaite écrasante. La disparition du roi, au cours de cette bataille, fut à l’origine de la perte de l’indépendance du Portugal (au profit de la couronne d’Espagne) et donna lieu à la création du mythe toujours vivace, le sébastianisme, qui voudrait que le jeune roi resurgisse un jour des flots pour sauver le pays et dominer le monde.
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– La seconde Marginal, lieu de mémoire et de rêve En sortant du musée, continuer sur la seconde Marginal, avenue côtière, en direction du palais des Congrès, vers les hautes antennes de la Voix de l’Amérique, qui se mettent à clignoter dès la tombée de la nuit. Voici, sur la droite, une série de maisons coloniales aux volets clos, aux terrasses désertes. Parmi elles, la belle maison peinte en bleu abrite le siège de l’Union nationale des écrivains et artistes santoméens (UNEAS). Peu après, côté océan, le bâtiment ceinturé de palissades de métal est l’ancien Club Nautico, qui, haut lieu de loisirs et de convivialité, contenait de très belles fresques et a connu son heure de gloire du temps de la présence portugaise. Il doit être rénové, ou transformé en casino (selon la rumeur), mais un imbroglio juridique en retarde les travaux. À main droite, à l’angle de l’avenue de l’Indépendance, cet immeuble de trois étages que l’on dirait surgi d’une banlieue européenne abrite l’appartement où Mario Soarès, qui fut président de la République portugaise de 1986 à mars 1996, habita pendant dix-neuf mois, dans les années 1960. Il avait été placé là en relégation, par la dictature salazariste ; la sensibilité particulière du président portugais pour les pays en développement viendrait de ce séjour. En voyage officiel dans la région, il ne manquait jamais de faire escale à São Tomé afin de rencontrer ses amis et d’arpenter, une fois encore, la Marginal. Toujours sur la Marginal, quelques centaines de mètres plus loin, la belle maison jaune, casa amarela, classée (on peut y louer un appartement à la semaine), est la demeure de l’architecte Nora Rizzo, qui œuvre à la restauration du patrimoine bâti de São Tomé et à l’insertion de jeunes en situation de décrochage scolaire, à la roça Diego Vaz (voir plus loin). À côté, la maison grise n’est autre que la Maison de la radio. En admirant la baie bordée d’amandiers ou de mûriers, dont la balustrade de pierre à colonnades est malheureusement effondrée en maints endroits, où souvent un navire mouille au large (le port de São Tomé n’est pas en eaux profondes, une noria de barges font l’aller et retour du navire au port), on passe devant le monument érigé du temps de la colonie, à la gloire de l’infant Don Henrique. Le lycée national, sur la gauche face à la mer, est pourvu de belles fresques de faïence sur le côté. Depuis
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quelques années, il est associé au lycée Saint-Exupéry de Marseille, par voie électronique, et a également des liens avec le lycée Paul Langevin de La Seyne-sur-Mer. On se trouve ensuite devant le ministère des Affaires étrangères et la belle demeure au toit de tuiles rouges et au crépi immaculé de l’ambassade du Portugal. Une promenade de bon matin, ou en fin d’après-midi, sur ce front de mer, permet de croiser les balayeuses de feuilles mortes et les lycéens révisant leurs cours assis sur le parapet le dos à la mer. L’éventuel trait vertical d’un tuba sur la mer indique que le chasseur de poulpes est à l’œuvre. Sur la chaussée errent quelques chiens sans maîtres, quelques bicyclettes chinoises contournent « les nids de poule » (où se lovent les chiens efflanqués à la nuit tombée), et parfois une 4 X 4 d’experts fait route pour le bureau, le « terrain » ou la terrasse du Passante de l’hôtel Miramar by Pestana, lieu de rencontres incontournable. Devant le belvédère, dans la courbe de la baie, c’est le moment d’une halte, soit au Passante, justement, soit sur l’un des survivants, parmi ces bancs de marbre rose, à la convivialité touchante dans le murmure de la mer qu’ils surplombent de quelques mètres. Du palais des Congrès (construit par la République populaire de Chine et partiellement réhabilité par Taïwan...), on voyait les ruines de l’ancien fort Jerónimo (construit par les Hollandais, qui occupèrent l’île pendant huit ans, de 1641 à 1649). Un hôtel a été construit en 2007 sur cette presqu’île, il faut en conséquence entrer dans son enceinte pour voir les restes du fort. Plus loin, en longeant la mer, c’est le faubourg de Pantufo (voir plus loin).
À l’intérieur de l’île : de São Tomé à São Nicolau En centre-ville de São Tomé (derrière le marché couvert), prendre la route qui monte vers Trindade, par le lieu-dit Bobó Forro. Quelque 500 mètres après la padaria (boulangerie) très fréquentée, à droite, de coquettes villas se succèdent, l’une d’elles, à la toiture ourlée d’une dentelle de bois, a des allures de chalet de moyenne montagne : c’est l’actuelle résidence de la poétesse Alda do Espirito Santo, qui fut la première présidente de l’Assemblée nationale. Ces
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maisons ont été construites dans les années 1960 par des exilés politiques portugais. Nous sommes dans le quartier Chácara (où demeure également l’artiste peintre et sculpteur Armindo Lopès), que nous quittons, en haut de la côte, deux kilomètres plus loin, pour le quartier Madre de Deus. – Madre de Deus, quartier refuge pendant les invasions du XVII e siècle Ne pas quitter des yeux les maisons du bord gauche de la route : l’une d’entre elles, petit rectangle au toit de tuiles, à la façade bleu indigo très prononcé, sert de repère pour découvrir l’église Madre de Deus, invisible de la route, au bout d’une courte impasse qui commence sur le côté gauche de la route, vingt mètres plus loin. Il s’agit d’une des premières églises édifiées sur l’île en dehors de la capitale. D’abord chapelle particulière, elle est passée au culte public vers 1600 et devint un centre religieux important de 1641 à 1648, notamment, pendant l’occupation hollandaise. Les habitants de São Tomé, fuyant tantôt les invasions hollandaises ou françaises, tantôt les attaques des Angolares, trouvaient refuge sur les hauteurs de la ville, très boisées et impénétrables pour le non-initié. Cette petite église de quartier, qui n’est pas paroissiale, est ouverte très tôt le matin et pour les offices du dimanche. Son portail, encadré de deux colonnes de pierre blanche ornées de visages, féminin pour l’une, masculin pour l’autre, rappelle la Renaissance. On voit, gravée sur le linteau de la porte latérale de gauche (où débouche l’allée qui vient de la route), la date de construction de la chapelle : « 1571 ». La visite de l’intérieur, dont les murs, sur le tiers inférieur, sont recouverts d’azulejos géométriques blancs et verts, est digne d’intérêt. Il faut, pour cela, aller demander la clé à Rosaria, qui demeure 200 mètres plus bas, dans une allée à droite de la maison n° 526, de l’autre côté de la route.
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– « Dieu veut, l’homme rêve, l’œuvre naît » À 500 mètres de l’église, en poursuivant vers Trindade, une piste à gauche mène à la cascade Blu Blu. Laissez la voiture sur la piste à une trentaine de mètres du carrefour (avant de franchir le petit cours d’eau) et demandez à un passant de vous conduire à la cascade que l’on découvre au bout d’un étroit sentier sinueux, à gauche de la piste. Au carrefour de Bobó Forro, au panneau « UCCLA », sur la façade de l’école primaire, la belle inscription que le temps effaçait a été repeinte : « Deus quer, o homem sonha, a obra nasce (Dieu veut, l’homme rêve, l’œuvre naît) ». La route de droite mène à Magdalena ; l’autre, dans le prolongement, conduit directement à Trindade. Suivons celle de droite, tout d’abord, en direction de Magdalena, car elle permet de visiter quelques roças. – La route des roças Si vous ne devez visiter qu’une seule de ces roças, choisissez Vista Alegre, d’où, en effet, la vue est panoramique, embrassant les deux baies de São Tomé et une grande partie de la côte est (la maison de maître, fort belle, est bien entretenue). On y accède par une piste sur la gauche de la route. Non loin, c’est la roça Gratidão, construite sur un piton d’où la vue surplombe toute la région de la capitale, de l’aéroport à Santana. Un kilomètre plus loin, à droite cette fois, l’entrée de la roça Prado I précède l’entrée à Magdalena. À gauche, au croisement, se tient une charmante petite église, reconstruite en maçonnerie dès 1718, à la toiture reposée en 1894, que l’on peut sans doute visiter en demandant autour de soi « a pessoa que tem a chave da igreja (la personne qui a la clef de l’église) ». De retour au croisement qui marque l’entrée de Magdalena, prendre à gauche, la direction de Santo Amaro. Chemin faisant, on peut accéder aux roças Benfica, Queluz, Monte Macaco ; avant Boa Entrada dont la maison de maître présente une véranda remarquable, la station de recherche agronomique de Poto peut se visiter ; Maianço, dans le même style.
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Sur la route, peut-être surprendrez-vous le passage furtif d’un lagaía, petit renard de brousse. Avant d’arriver à Santo Amaro, le mur d’enceinte peint en blanc, à droite, est celui de la roça Bela Vista, à laquelle on accède aussi par la première piste à gauche, passé l’église de Santo Amaro. – À Trindade, sur les pas du compositeur Viana da Mota Au carrefour de Bobó Forro, vous choisissez cette fois de continuer tout droit, vers Trindade. Peu après le petit cimetière que vous laissez sur la droite, et la Quinta da Favorita, actuelle résidence du président de la République, sur la gauche, l’entrée dans la ville se remarque par les façades typiquement portugaises de trois immeubles à droite de la rue principale. Celle qui est ornée d’une très belle lanterne abrite le café Bom Dja, tenu par Guilhermina, où l’on peut, dans la salle des années 1950, prendre un rafraîchissement et peut-être passer la nuit : l’établissement devrait se doter de neuf chambres. Ne pas manquer non plus de rencontrer Osvaldo Dango, personnalité locale, barbier de profession et fabricant de liqueurs « Dango Café » et « Dango Cacao ». Une autre possibilité de se restaurer est offerte par le Pardal (le Moineau), bar-restaurant situé dans une impasse qui donne sur la place principale. Poursuivant votre route d’une centaine de mètres, une visite à l’église de Trindade, au bout de la petite rue à gauche, s’impose. Le parvis et le portail principal sont derrière l’édifice, au bout de l’esplanade circulaire d’où s’offre une vue partielle de la baie. L’église est généralement ouverte. Elle fut construite, en bois, à la fin du XVe siècle et fut prise d’assaut par le roi Amador et ses troupes angolares en juillet 1595, lors d’une messe. Reconstruit, toujours en bois, le sanctuaire fut élevé à la dignité de cathédrale provisoire en 1641, avant l’invasion de la ville par les Hollandais, en octobre de cette année 1641, pour plus d’un an. Sur ordre du roi Dom João V, elle fut rebâtie en maçonnerie, au début du XVIIIe siècle. Le maître-autel fut restauré en 1870. En 1894 furent promues les festivités en l’honneur de Dieu le Père. Le révérend de l’époque a raconté que la sculpture
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choisie était si effrayante qu’elle semait le trouble et la crainte chez les fidèles ; on dut la changer. Deux grandes fêtes y sont célébrées aujourd’hui : celle de la Sainte Trinité, toujours fêtée sous le nom de Deus Pai (Dieu le Père), le dimanche suivant la Pentecôte, et celle de Notre-Dame de Nazareth, le dimanche suivant le 8 septembre. À gauche du chœur, une chapelle dédiée à Nostra Senhora de Nazareth met en scène, par des statuettes et un décor, le miracle du même nom, bien connu au Portugal : sur une falaise surplombant la mer, un cavalier poursuit un cerf. Entraîné par sa course, il s’aperçoit trop tard de la proximité du précipice et invoque la Vierge de Nazareth, le cheval se fige alors, les deux jambes avant déjà dans le vide. Les dernières restaurations datent de 1962, avec, entre autres, l’édification de l’unique tour. La piste qui longe l’église sur la gauche en sortant mène à la casa do morro (la maison du tertre), l’ancienne demeure du gouverneur, qui fut résidence secondaire du président Pinta da Costa. Elle ne se visite pas. Avant d’y arriver, deux bornes blanches, sur la gauche, signalent l’entrée d’une petite roça, la Vila Moura, consacrée à la culture du cacao et des bananes. Le bâti y est rassemblé autour d’une vaste cour où s’ébattent volailles, animaux de basse-cour, chèvres et animaux domestiques. Le tout donne une impression champêtre pleine de vie, dans une ambiance familiale, pour une fois, et non pas industrielle. Revenu au centre de Trindade, juste avant le Club 35 sur la gauche, boîte de nuit à la mode, une plaque rend hommage à la mémoire du président suédois Olof Palme, la Suède ayant financé, entre autres, une crèche dans la ville. Un peu plus loin, une rue porte le nom du pianiste et compositeur Viana da Mota (18681948) originaire de Trindade, ayant vécu au Portugal et de réputation internationale. Au-dessus de Trindade, non loin du centre de la ville, se construit le second lycée du pays. Au-delà se trouve le quartier de Belêm. Environ à 800 mètres du cœur de Trindade, une route goudronnée sur la droite mène au « carrefour de Belêm ». Là, la voie de gauche remonte vers Batepá (où l’on accède aussi par la route principale à la sortie de Trindade) ; celle de droite rejoint Santo Amaro (sur la route du nord), en passant par Magdalena. C’est la
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« route des roças », à emprunter si l’on n’a pas déjà choisi cette direction précédemment, au carrefour de Bobó Forro. – Monte Café, une roça consacrée à la culture des caféiers À partir de Trindade, vous poursuivez la route en direction de la pousada Boa Vista et de la cascade San Nicolau. Vous traversez Batepá, d’où partirent les dramatiques événements de 1953, fondateurs du nationalisme santoméen et précurseurs de l’indépendance. Le monument commémoratif n’est pas ici, mais sur la plage Fernão Dias. Seul le café-bar du Bom Sucesso (Bon repos) veille à la sortie du lieu-dit. Quelques virages plus loin, à droite, deux hautes bornes blanches marquent l’entrée de la roça Monte Café. L’entrée franchie, une allée monte vers les bâtiments, en serpentant entre les plants de café et les érythrines ; le vol d’une aigrette dépose une touche de blanc dans cette harmonie de vert parsemée du rougeoiement des arbres en fleurs. Le bâti date de 1914 pour l’essentiel, quelques constructions ayant été ajoutées en 1946. Un petit bar-restaurant permet de déguster le café produit par la roça ou de déjeuner en demandant l’unique plat du jour à deux dollars. La cueillette du café a lieu en avril, contrairement à celle du cacao qui s’étend sur toute l’année. Une promenade à pied dans cette belle plantation pleine de fraîcheur est toujours possible. Là se trouve l’essentiel des 985 hectares de la caféière santoméenne, dont l’exploitation s’avère difficile. Construit en 2000, un hangar de tri, fermentation et séchage défigure un peu le site. – La pousada, lieu propice au repos Sortir par le haut de la roça, en reprenant l’allée derrière le bâtiment sur la gauche, lorsqu’on est face au portique qui soutient une cloche. Sur la route principale, que l’on continue à droite en sortant, de petits marchands de framboises sauvages de l’équateur vous proposent leur cueillette. Faire provision de ces délicieux petits fruits rouges.
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La pousada ne se voit pas de la route qu’elle surplombe, prendre à droite au petit muret de pierres et garer la voiture sur l’esplanade qui précède l’entrée. L’établissement, qui dispose d’un vaste salon accueillant et jouit d’une belle vue sur la baie, devrait rouvrir en 2008. L’îlot sur la droite est celui de Santana ; légèrement sur la gauche se découpe l’île aux Chèvres. Par temps de pluie et bonne visibilité, on peut apercevoir la côte de l’île de Príncipe, derrière l’île aux Chèvres. Au premier plan, des oiseaux se nourrissent des fruits de l’avocatier qui orne la terrasse, c’est le moment de les observer. Cet endroit très calme, à 15 kilomètres de la capitale et à 900 mètres au-dessus du niveau de la mer, fut un sanatorium puis une maison de repos pour les colons portugais de toute la région, avant d’être transformé en pousada, en 1982. En continuant la route, on arrive à la roça Nova Moca, de Claudio Corallo (voir chapitre 3). – Le chemin de la cascade de São Nicolau, une promenade toute simple De la pousada, de nombreuses promenades à pied sont possibles. En rejoignant le jardin botanique Bom Successo, un choix de randonnées pédestres avec guide se présente, mais mieux vaut avoir organisé la randonnée avant le départ de la capitale, sinon demander aux agronomes sur place. Quoi qu’il en soit, l’aller et retour à pied à la cascade San Nicolau, qui prend moins d’une heure, est à ne pas manquer. Les chiens de la pousada vous accompagneront peut-être, par ce chemin très calme où l’on croise quelques paysans et bordé d’une végétation enchanteresse – arbres d’essences diverses, lianes, fleurs – dominant une vallée tapissée de plants de café et de bananiers. Du silence, de l’ombre, de la luxuriance végétale émane une profonde impression de paix et de calme ; la cascade, non loin, répand sa fraîcheur. Des yuccas géants signalent sa proximité. De la cascade, haute d’une trentaine de mètres, aux pieds de laquelle on prend un bain de fraîcheur dans les embruns, on peut continuer la voie pavée qui mène à la roça São Nicolau.
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La route du Nord : de São Tomé à Santa Catarina Cet itinéraire emprunte « la route du Nord », celle qui, conduisant hors de l’influence océanique, offre des paysages de savanes. Moins omniprésent et moins dense, le paysage végétal laisse place aux nuances et demi-teintes que le regard, moins submergé, prend le temps d’apprécier. Du centre-ville de São Tomé, prendre la Marginal (avenue 12 do Julho), en direction de la presqu’île de l’Hôpital. Le long de la plage des Pêcheurs, à hauteur de la chapelle dédiée à San Pedro (moderne, en aplomb sur la plage) se présente une fourche : quitter la Marginal pour prendre à gauche. Un kilomètre plus loin, une station d’essence est lovée dans une patte-d’oie qui marque le début d’un nouveau quartier résidentiel appelé Campo do Milho. On traverse ce quartier, la route s’incurve à gauche, on quitte la côte. Le premier lieu-dit, Santo Amaro, se reconnaît à une petite église blanche à droite. Tout de suite après, la route sur la gauche peut vous mener sur la route des roças Bela Vista (où se trouve une maison de maître remarquable) et Boa Entrada, et même à Trindade, quelques dizaines de kilomètres plus loin. Vous continuez la route principale, passé l’église de Santo Amaro, les bâtiments sur le bord droit de la route sont ceux de l’ancienne roça Agua Casada, aux cultures aujourd’hui très diversifiées. Toujours à droite, vous ne tardez pas à apercevoir le premier oca, fromager, dont on creuse le tronc pour fabriquer des pirogues. – Vers Fernão Dias, lieu de souvenir, en passant par le mont Micolo À l’entrée de Guadalupe, la route à droite qui prend à l’angle d’une école à la façade rose vous emmène à Micolo, village de pêcheurs. En arrivant à Micolo, la piste qui part à gauche passe au pied du mont Micolo : s’y arrêter et visiter la rhumerie située à la base de la colline à laquelle on peut accéder en voiture. Au sommet, depuis la chapelle dédiée à San Francisco, s’offre une belle vue panoramique sur la baie de São Tomé et sur d’anciens cônes volcaniques. En redescendant, on reprend la piste sur la gauche
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pour accéder à la plage de Fernão Dias, dépendance côtière de la roça Agostinho Neto, où eut lieu la répression sanglante des événements de Batepá. Un wharf sur la mer vous signale ponta Fernão Dias, où se trouve un monument commémoratif (Jean-Yves Loude, dans Coup de théâtre à São Tomé, évoque fort bien le passé tragique lié à cet endroit). C’est là que se déroulent, chaque année, les festivités nationales du 3 février, qui commencent par une messe célébrée en plein air par l’évêque de São Tomé et à laquelle assistent les représentants de l’État. Plus loin, la piste de terre devient un peu plus difficile, mais vous permet de profiter de deux belles plages de sable blanc : Praía do Governador, puis Praía dos Tamarindos. Ces plages, qui furent très belles avant les extractions sauvages de sable, demeurent agréables. Ce sont autant de lieux de ponte pour les quatre espèces de tortues marines se déplaçant dans les parages. Depuis Praía dos Tamarindos, on peut retrouver Guadalupe en continuant tout droit ou en reprenant le même chemin qu’à l’aller. – Agostinho Neto : la plus grande roça de l’île Sur la route principale, peu après l’embranchement qui mène à Micolo, une centaine de mètres avant d’atteindre Guadalupe, qui s’annonce par des bâtiments citadins, on peut aussi prendre la piste à gauche : elle conduit à la plus grande roça de l’île, en ce qui concerne le bâti, roça do Rio do Ouro (du fleuve d’or), qui fut rebaptisée Agostinho Neto (voir encadré), à l’indépendance. L’hôpital, magnifié par une très longue allée majestueuse, placé sur une hauteur, est d’une dimension impressionnante, il accueillait les malades de toute la région. Il se trouve, aujourd’hui, fortement dégradé. – Nostra Senhora de Guadalupe, haut lieu de pèlerinage De retour à Guadalupe, il est conseillé de passer commande au restaurant Paladar de Guadalupe, dans une rue sur la gauche, visible de la route principale : vous y déjeunerez au retour en évitant une attente qui peut être très longue. À droite, on passe devant l’église
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Nostra Senhora da Guadalupe, haut lieu spirituel ; nous sommes dans la ville la plus catholique du pays. À l’intérieur, la Vierge à l’enfant, statue en bois doré, couronnée d’une auréole en argent, est celle que l’on vénère à Guadalupe, dans le sud de l’Espagne. Elle est entourée de deux autres statues représentant saint Joseph et saint Benoît. Ce culte rendu à la Vierge de Guadalupe remonterait au temps du second donataire, Álvaro de Caminha : il aurait été instauré à l’intention des enfants juifs déportés du Portugal à São Tomé au XVe siècle, dont certains étaient originaires de la région de Tolède. – Savane et baobabs Après Guadalupe, on continue la route principale (la piste qui se présente tout de suite à droite conduit à la plage de Morro Peixe, sur laquelle on peut aussi accéder depuis Praía dos Tamarindos). À Morro Peixe, ne pas manquer l’écomusée qui fait aussi bar, « Casa Tatô », où vous pourrez assister aux activités de protection des tortues marines et rencontrer M. Lima, le responsable (tél. 91 37 92). C’est maintenant le commencement de la zone de savane typique du continent africain. Vous ne tardez pas à rencontrer les premiers baobabs qui sont fins et petits, plus semblables à ceux de Madagascar qu’à ceux du continent. À droite, un premier accès mène à la Praía das Conchas (la plage aux coquillages). En passant le gué qui marque le seuil de la plage, avec de la patience et un peu de chance, on peut observer des dipneustes, premiers représentants des animaux terrestres, comme aux abords de Vila Malanza, sur la côte sud. Il est nécessaire, cependant, d’avoir un bon 4 X 4 pour passer la rivière. On peut toujours laisser la voiture et continuer à pied jusqu’à la plage, à 200 mètres de là. De retour sur la route, on croise et dépasse des enfants qui portent quelques cannes à sucre sur la tête : ils les apportent aux pêcheurs, que vous verrez sûrement pendant la gravana (grande saison sèche), tout près de la côte, affairés à traquer des bancs de thons dans des filets en arc de cercle, en descendant vers Lagoa Azul (seconde piste sur la droite, après celle menant à Praía das
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Conchas). La piste longe en effet une grève de basalte, autrefois plus fournie en sable blanc. Des hérons, dissimulés dans les pirogues au repos sur la grève, s’envolent à votre passage. – Lagoa Azul, oasis d’émeraude à l’extrême nord de l’île Sur le sommet d’une colline, un phare rouge et blanc marque le point le plus au nord de l’île. De là-haut, vous découvrirez à quel point Lagoa Azul porte bien son nom : la petite crique circulaire frangée de roches de basalte offre une eau d’un merveilleux bleu cobalt se nuançant d’émeraude par endroits, un bleu mis en valeur par les hautes herbes de la savane, couleur paille, et le noir des roches. Ce merveilleux site naturel est convoité par un groupe d’hommes d’affaires et pourrait ainsi se trouver englobé dans un vaste projet de complexe résidentiel haut de gamme. Déjà, les plus fortunés de l’île ont édifié des résidences secondaires aux alentours... Mais pour l’heure les autorisations ne sont pas délivrées. L’endroit idéal pour une pause natation, avant de continuer la route d’où, plus loin, à l’amorce d’un virage qui épouse le contour d’une baie, le regard rencontre une épave de bateau. À son bord, en 1975, se trouvait un groupe de réfugiés fuyant les luttes de l’indépendance en Angola. Le bateau, dont la carcasse est aujourd’hui complètement rouillée, accosta d’abord à Neves, quelques kilomètres plus loin, où s’installèrent ses passagers et d’où, abandonné, il se mit à dériver. La roça portuaire que l’on traverse est une ancienne dépendance de celle d’Agostinho Neto ; elle s’appelle Ribeira Fundão. Les abords de Neves, la capitale industrielle du pays, se signalent par une usine sur la gauche : la Société nationale de conserverie de poisson (SNCP). – Neves, capitale économique de l’archipel, abrita aussi la première église À Neves se trouve le seul port en eaux profondes de l’île, d’où sa vocation industrielle. La ville joua, jusque dans les années 1960, le rôle de port de pêche à la baleine : l’année 1946, avec une prise
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de cent baleines, dont on aurait extrait plus de mille tonneaux d’huile, resta dans les annales comme un record. Aujourd’hui, la petite cité abrite un dépôt de carburants, une brasserie fabriquant deux excellentes bières locales, la Rosema et la Criola, aux mains d’un même propriétaire, une station d’essence et la première église du pays, datant de la dernière décennie du XVe siècle et initialement située à l’embouchure du rio Agua Ambo. L’église fut dédiée à Nostra Senhora das Neves, Notre-Dame-des-Neiges, fêtée le 5 août. Pourquoi cette dédicace ? En référence à la première basilique du monde romain consacrée à la Vierge, par un navigateur probablement arrivé dans cette région un 5 août, le jour où, à Rome, est fêtée Notre-Dame de Sainte-Marie Majeure3. Possibilité, en centreville, de se restaurer dans un cadre convivial au Santola (au Tourteau), le crabe fameux que vous pourrez déguster à loisir. – La roça Ponta Figo, jadis pépinière des meilleurs plants de cacaoyers À la sortie de Neves, avant d’arriver à Ponta Figo, on franchit un pont sur le rio Contador, d’où, tôt le matin, s’offre le meilleur point de vue sur le pico de São Tomé. Sur la gauche, emprunter une voie soigneusement pavée : elle mène à la roça de Ponta Figo, qui, autrefois, était une pépinière des meilleurs plants de cacaoyers, où venaient s’approvisionner les autres roças. Sous les entrepôts blancs aux persiennes blanches, on voit les rails de bois, peints en blanc, sur lesquels on glissait les surfaces de séchage en cas de pluie. Le séchage naturel, à la chaleur du soleil, donne en effet des fèves plus aptes à donner un meilleur cacao. De l’autre côté de l’allée, à gauche en descendant, on voit les grils d’ardoise destinés au séchage mécanique. L’église de Ponta Figo, l’une des plus belles, vaut le détour. Reprendre la route principale. À gauche, ce sont les maisons d’une cité ouvrière fortement dégradée. Par une piste sur la gauche, 3.
Cette basilique romaine, dédiée à la Vierge en 432, fut édifiée après une apparition indiquant un emplacement sur un mont qui, le lendemain (en plein été) se serait couvert de neige, ainsi Notre-Dame de Sainte-Marie Majeure aurait été appelée « des Neiges ».
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on arrive en dix minutes à la dépendance Monte Forte, relais des randonneurs. Tandis qu’à droite se succèdent ensuite une série de plages de galets bordées de cocotiers. Puis, au loin, le long d’une baie, se découpent les bâtiments du domaine agricole portuaire de la roça Diogo Vaz, que l’on découvrira plus tard. Tout de suite, au bord d’une plage, le campement en feuilles de cocotiers que vous voyez peut-être est celui d’Angolares nomades, qui sont venus du sud de l’île, se déplaçant à la recherche des bancs de poissons. – Anambo, où débarquèrent les découvreurs Un grand amandier orne un embranchement : prendre la route qui descend sur la droite. Nous voici à Anambo, embouchure du rio primitivement appelé « Agua Bom » (eau bonne à boire), précisément à l’endroit où les découvreurs portugais ont débarqué la première fois, il y a plus de cinq siècles. Le padrão, colonne de pierre frappée aux armes portugaises surmontée d’une croix, édifié par les navigateurs à partir du premier voyage de Diogo Cão, en 1483, sur toutes les terres découvertes afin d’en marquer la possession, est toujours là. Il fut sans doute érigé par le premier donataire, João de Paiva, et se dresse aujourd’hui à quelques mètres de la mer, au centre d’une place plantée d’amandiers où subsistent quelques bancs et tables de pique-nique qui, eux, datent des années 1950. Ce lieu, mythique pour les colons, fut en effet un lieu de convivialité, progressivement délaissé en faveur du Club Nautico, dans la capitale. Les fins da semana (fins de semaine) y ramenaient les dames dès le vendredi après-midi pour un thé ; le samedi et le dimanche étaient jours de fête, après le pique-nique (un restaurant fut édifié plus tard), les jeux de ballon et de plage, les baignades, un orchestre animait un bal bien au-delà du coucher de soleil. – Une roça bien gérée : Diogo Vaz De retour sur votre itinéraire, que vous reprenez sur la droite à l’embranchement marqué par l’amandier, une belle maison toute blanche, sur la droite, vous signale l’entrée de la roça Diogo Vaz. Les bâtiments principaux se trouvent au bout de l’allée sur la
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gauche, qui prend en face de la maison. C’est la roça la mieux gérée de toute la région du Nord, la mieux entretenue et la plus productive. Sa visite, qui se prolonge du côté droit de la route, le long de la baie, vous fera découvrir un pigeonnier d’où, à tired’aile, partaient des messages pour la capitale, pour d’autres roças de l’île ou de Príncipe, pour l’Europe et peut-être même pour le Brésil. Vous verrez sans doute les fèves en vrac sur les aires de séchage recouvertes de bâches de plastique, remuées de temps à autre à l’aide d’un râteau : cette opération dure une semaine. Elle intervient après la fermentation qui, elle, ne dure que quatre jours. Vous verrez aussi, ou entendrez, des enfants et des adolescents : l’hôpital de la roça a en effet été mis à disposition de l’association Natcultura, que dirige l’architecte Nora Rizzo depuis une dizaine d’années. Réhabilité par ses soins, il accueille aujourd’hui quelques classes d’enfants ou d’adolescents en décrochage de l’éducation officielle et œuvre à leur réinsertion scolaire et sociale (la possibilité vous est offerte de parrainer l’un de ces enfants pendant un cycle scolaire : s’adresser à N. Rizzo, tél. 22 25 73, natcultura@hotmail.com, ou à l’association Les Amis de São Tomé et Príncipe, au siège marseillais du consulat de STP en France). – La falaise de basalte trouée par une arcade Ensuite, la route ne tarde pas à traverser un tunnel, le « SaintGothar » de São Tomé ironise un guide portugais. Le tunnel de Santa Catarina, percé dans la falaise de basalte, n’est qu’une arche épaisse de quelques dizaines de mètres seulement, qui magnifie la vue en la sertissant d’un arrondi inattendu. Sitôt franchie, la route traverse une vaste bananeraie. On atteint Santa Catarina, petit bourg dispersé le long de la route. C’est aussi le nom d’une roça, que l’on peut visiter. La route prend fin quelques kilomètres plus loin, à la roça Ponta Furada, après avoir traversé le rio Lemba, sur le pont le plus long de l’île. Le lit du fleuve est éclaboussé de taches de couleur que forme le linge des lavandières à l’œuvre, riant à votre passage. La route s’arrêtant, vous faites demi-tour, à moins que vous ne décidiez de
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poursuivre à pied (en une heure, on arrive à un pont détruit menant à la roça Binda qui surplombe l’océan). De là, il vous faudra deux jours de marche et deux nuits à la belle étoile pour parcourir la côte ouest et atteindre l’extrême sud de l’île en passant par les roças Juliana da Suza et São Miguel. Votre récompense sera alors grande de découvrir le plus bel endroit de l’île : la région de San Miguel, où, de surcroît, avec beaucoup de chance, vous pourrez surprendre le « gros bec », oiseau mythique aperçu deux ou trois fois le siècle, par la fine fleur de l’ornithologie mondiale... (C’est lui qui orne la couverture du Guide des oiseaux de São Tomé et Príncipe.) Sur la route de retour, votre regard s’attarde sur d’autres détails, tels ces cochons noirs qui vagabondent autour des maisons. Ce sont les descendants des quelques survivants de la peste porcine qui a sévi dans les années 1980. À droite, plusieurs petites cascades dégringolent la falaise de basalte.
La route du Sud : de São Tomé à Porto Alegre Quitter la ville par la Marginal, au-delà du palais des Congrès, une route côtière vous conduit à Pantufo. Ce ravissant faubourg de pêcheurs vaut un arrêt : du belvédère en arc de cercle, vue sur les barques, les pirogues à balancier aux voiles blanches (constituées de sacs de riz recyclés) et les pêcheurs réparant leurs filets ; en se retournant, on est face à l’église São Pedro, petite église très harmonieuse, dans le plus pur style portugais. L’hôtel Estalagem Pantufo dispose d’un bar-restaurant en terrasse sur la mer. Le long de la route, de chaque côté de l’église, défilent de petites maisons carrées aux crépis pastel et aux toits de tuiles, anciennes demeures de la fonction publique portugaise : douaniers, secrétaires d’administration... – Santana : la halte plaisir Plus loin, après avoir quitté ce faubourg, la route continue et longe Praía Melão où une chapelle ancienne a été récemment
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restaurée. Une forêt de perches métalliques, inaccessible, a remplacé une plage appréciée des citadins : il s’agit de la station réémettrice de la Voix de l’Amérique, forteresse des temps actuels, qui place sous haute surveillance l’ensemble du golfe de Guinée. Une fois sur la route du Sud, en prenant juste en face, un détour peut vous conduire à la roça Uba Budo (belle maison de maître). En prenant à gauche, suivant ainsi la route directe, côtière, on arrive tout d’abord à Santana, gros bourg de pêcheurs où l’on pourra s’arrêter quelques instants pour le marché, l’église (ouverte seulement le dimanche, où se trouve une statue rare à trois personnages : Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant), l’ambiance. Plus loin, à gauche, la direction du Club Santana est signalée par un panneau en bois sculpté. Prendre la piste bien entretenue qui mène à la barrière indiquant l’entrée. Les utilisateurs du club pourront découvrir l’îlot Santana, percé d’un couloir marin, véritable antre de monstre, et jouir d’une vue admirable sur la côte. Possibilité de prendre un verre ou un repas, sur réservation, au restaurant du club qui surplombe la mer. – Là, il y a un siècle, tout a recommencé Après Santana sur la gauche, la roça Nova Olinda est dotée d’une belle maison de maître joliment restaurée par les nouveaux propriétaires. La route longe les haies d’hibiscus rouges de la roça Agua Izé, qui figure parmi les plus belles et les mieux conservées. C’est là qu’en 1852 furent implantés les premiers cacaoyers à des fins commerciales. Compter une heure pour la visiter : en passant devant la chapelle et l’école, monter tout d’abord à l’hôpital, digne d’un classement par l’Unesco, d’où la vue, très belle, donne sur l’ancien wharf, la plage au fond de la baie, les courbes de la route et du relief, les mille nuances de vert réveillées par le soleil et le vent qui agite doucement les palmes, puis redescendre par les comboios ou sanzala, où jouent des enfants, et découvrir les bâtiments industriels dont la vocation est inscrite en fronton. Parmi ces bâtiments, le garage à locomotives d’où, jusqu’en 1988, partait vers ces sommets le dernier train Decauville à rails étroits. La menuiserie fonctionne encore : Santoméens et expatriés de la capitale y passent
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commandes de meubles. La maison de maître ne se visite pas. Une huilerie de palmes est aussi en activité. Les séchoirs de fèves retiennent l’attention, ainsi qu’un dernier vestige de l’ancien chemin de fer (en 2005 a été publiée aux éditions UNEAS une histoire du chemin de fer à São Tomé et Príncipe, de Vieira Salomão, voir bibliographie). On cultive aussi des fleurs à Agua Izé, de belles fleurs charnues que seul l’équateur voit fleurir : rosas de porcelana, rosas vermelhas, bicos de papagayos... S’en souvenir au retour. D’une extrémité de la roça, une bonne route en terre battue (refaite par le PNUD) monte vers le centre de l’île, en surplomb du rio Amade, l’un des principaux fleuves de l’île. Elle traverse des roças pittoresques : Mendes da Silva, Olivares Marim, Bernardo Foro, Claudino Foro, etc. À bord d’un bon 4 X 4 (car la piste peut être très dégradée si elle n’a pas été récemment restaurée), il est possible de rejoindre, de là, la roça Bombaim et la ville de Trindade, par Milagrosa. – La Bouche de l’Enfer, entre terre et mer Environ 300 mètres plus loin, un chemin cahoteux sur la gauche conduit à la Boca do Inferno, la Bouche de l’Enfer. Il s’agit d’un conglomérat de roches basaltiques dans lequel la mer s’est frayé un étroit passage terminé par un puits dominé par un pont de roche d’où elle surgit en geyser, très spectaculaire à marée haute. Rester prudent, ne surtout pas tenter de franchir l’arche, très glissante, entre deux vagues : une chute serait mortelle. Un autre chemin, sur la droite, mène sur la montagne Canta Galo, en passant par la roça Bela Monte. En continuant la route, prendre à gauche au croisement de Ribeira Afonso pour visiter ce village côtier de pêcheurs – où se déroule, de temps à autre, un très beau Tchiloli –, surtout connu pour la dévotion entourant saint Isidore, fêté le 10 janvier, auquel est consacrée l’église à l’extrémité de la plage de galets où flânent quelques chiens et parfois un porc. Peu après Ribeira Afonso, où se trouve un petit restaurant, la maison de maître de la roça Santa Cecilia (ancienne dépendance de la roça Colonia Açoreana, aujour-
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d’hui relais pour randonneurs), sur une hauteur à droite, recèle un escalier à vis en bois, d’une grande finesse. De Ribeira Afonso à São João dos Angolares, admirer le paysage : on contourne un immense pain de sucre massif, le mont Maria Fernandez, végétation très dense, verts intenses et brillants (cocotiers, arbres à pain, cacaoyers et autres), plages et baies d’une beauté de premier matin du monde et dont les noms ont, eux aussi, quelque chose d’irréel : Praía da Colonia Açoreana, Praía das Sete Ondas, Praía Micondo, Praía Angobó... – São João dos Angolares, ou l’identité préservée S’arrêter à la roça São João, à 500 mètres avant la ville de Santa Cruz, appelée communément São João dos Angolares : possibilité d’une promenade dans les plantations de cacao, de café ou de poivre, par un chemin bordé de plantes et de fleurs tropicales, dont des caladiums ou palettes de peintres, originaires d’Amérique du Sud (et possibilité d’une randonnée de 7 heures vers les sommets, où l’on rejoint l’Agua Amelia et la roça Bombaim), visite d’une exposition permanente de peinture et sculptures d’artistes locaux, possibilité de se restaurer (prévenir dès votre arrivée) en dégustant des produits du terroir (escargots, huîtres, darnes grillées de poissons sortant tout juste de l’océan, ignames, manioc, bananes plantains et patates douces, canne à sucre au dessert...), de boire un jus de fruit, un café, ou encore de goûter une liqueur d’ananas, de cannelle, et de passer la nuit. La capacité actuelle est d’une vingtaine de chambres, réparties entre la maison de maître et l’hôpital, mais la restauration en cours de maisons avoisinantes devrait permettre d’accroître sensiblement cette capacité. Cette roça pleine de vie offre un bel exemple d’une restauration réussie. Elle est aujourd’hui un site de production et de transformation, et ses responsables, notamment Isaura Carvalho, historienne et présidente de l’association Roçamundo, n’entendent pas en rester là : leur projet est de transformer la roça et ses dépendances en parc écologique de 480 hectares. Prévu pour 2010, ce complexe présentera trois composantes : un site historique de production (canne à sucre, cacao, café) avec d’anciennes machines en fonctionnement ; une exploitation de fleurs représenta-
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tives, sans oublier les plantes aromatiques et les plantes médicinales ; un conservatoire de la végétation naturelle. Il comportera les trois plages avoisinantes, Micondo, Angobò, Santa Cruz dos Angolares ; deux maisons écologiques (à Micondo et Val Carmo) ; des ateliers de nature (structures de formation aux emplois liés au parc, auprès de vingt-cinq familles locales sans travail). Enfin, une école professionnelle d’arts appliqués (liés au parc) est également prévue à Ribeira Peixe. João Carlos da Silva, artiste peintre et sculpteur, gérant de la roça aux multiples facettes, est déjà bien connu au Portugal, comme chef de cuisine au bandana rouge en guise de toque, par un programme sur la chaîne RTP Africa et un ouvrage intitulés As tachos na roça (Aux fourneaux dans la roça). À 200 mètres, au village de São João dos Angolares, autre possibilité de se restaurer : autrefois chez le Portugais Fernando Mendès, l’un des rares Portugais à être resté sur place après l’indépendance. Son restaurant Voador, ouvert en 1957 pour les ouvriers du chantier de la route, où régnait une ambiance d’auberge avec vue sur la baie, est devenu une ferme : Fernando a troqué son tablier contre les livres de compte de la roça Fraternidade, non loin, qu’il vous fera visiter avec plaisir ; à présent chez l’artiste Nezó, probablement l’un des plus grands artistes de sa (jeune) génération, aux talents multiples (peintre, guitariste compositeur, cuisinier). Au village, visiter l’église de Santa Cruz. Une religieuse garde la clé, dans un local à proximité ; elle vous expliquera que, d’après la légende, la croix de l’église a été faite avec le bois de l’épave du bateau qui s’était échoué au large, sur les Sete Pedras, rendant la liberté à sa cargaison humaine, en 1544. À la sortie de São João dos Angolares, la roça Soledade et la roça Fraternidade se font face, chacune sur une hauteur d’où l’on voit le Cão Grande dominant (sans qu’on les remarque en restant sur la route, au virage, prendre à droite pour Soledade, à gauche pour Fraternidade). À Soledade, l’escalier à vis de la maison de maître est d’une grande finesse. Après avoir traversé le rio Io Grande sur un pont long d’une cinquantaine de mètres, la pente d’un morro (tertre) vous conduit à la roça Dona Augusta, ancienne dépendance de la plantation Ribeira Peixe. C’est ensuite le rio Martim Mendese que vous traversez.
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– À Ribeira Peixe, le fronton grec de l’ancien hôpital de la roça Avant d’arriver à Ribeira Peixe, prendre la piste à gauche qui mène à la roça le long de la côte, et tout de suite un chemin sur la gauche : il vous mènera à une cascade singulière sur la praia Pesquerda, pas très haute mais tout en largeur. C’est elle qui ornait le billet de 500 dobras, avant que l’inflation ne rende cette somme si insignifiante qu’il fallut retirer le billet de la circulation. Revenir sur vos pas et continuer tout droit sur la piste : vous voici entre la mer et les comboios de la roça Ribeira Peixe. Des familles entières vous regardent. Plus loin, la maison de maître a retrouvé toute son élégance grâce à une récente restauration. La surprise vient de l’hôpital, bâtiment qui se dresse au bout d’une interminable allée majestueuse, bordée de palmiers royaux. Sa façade et son fronton orné d’un bas-relief sont d’une inspiration grecque qu’on n’attendait pas au cœur d’une telle profusion végétale. Ici, malgré le même aspect d’abandon qu’ailleurs, la culture reprend l’avantage : l’enceinte de l’hôpital abrite depuis peu une école pour les enfants de la région, dans le cadre d’un programme de développement intégré. Côté océan, apprécier la vue sur l’écueil des Sete Pedras (les sept pierres seraient en réalité quatorze) où aurait fait naufrage, en 1544, un bateau négrier en provenance d’Angola. À présent, 600 hectares de la roça sont consacrés à la culture du palmier à huile. Ce sont ces arbres qui longent la route vers Porto Alegre, que vous reprenez après avoir quitté la roça par le même chemin qu’à l’aller. De nombreux oiseaux y trouvent refuge (aigrettes et faucons), qui se nourrissent des fruits, particulièrement nutritifs. Ils s’envolent à votre passage. 500 mètres plus loin, la piste entretenue sur la droite peut vous conduire sur le site des bâtiments de l’entreprise Emolve, financée par la Banque européenne d’investissement, à présent en attente d’une réhabilitation, qui produit l’huile de palme, tandis que, sur votre gauche, il s’agit du logement de ses cadres.
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– Le Cão Grande, une surprise née des profondeurs de la terre Quelques dizaines de mètres plus loin, d’un coup, s’offre une vue saisissante, par le jeu de la perspective, sur le Cão Grande qui semble surgir au bout de la route. On descend à présent sur la petite rivière qui a donné son nom à la roça, Ribeira Peixe, encore appelée rio Capitãgo. Au-delà, sur la droite, ce sont les vestiges d’une ancienne plantation de citrus (citronniers, orangers, pamplemoussiers). La route descend de nouveau et longe des bosquets de bambous. À cet endroit précis, un regard sur le Cão Grande fait comprendre son nom : le pain de sucre présente la silhouette de la gueule d’un chien. Immédiatement après avoir traversé le prochain rio, le rio Caué (nom du district), qui contourne le Cão Grande, prendre à gauche, le chemin de la plage Praía Grande : elle est merveilleusement belle et sauvage, la parcourir à pied jusqu’à l’embouchure du rio d’où la vue sur les îlots est prodigieuse. C’est, avec celle des Sete Ondas, l’une des rares plages de l’île où l’on trouve un coquillage très fin, l’estrela do mar, squelette d’oursin plat. Nager au-delà des rouleaux peut être dangereux en raison des courants. – Un paysage végétal d’une rare profusion Après cette plage inoubliable, la route vous conduit au mont Sinaï d’où, en surplomb de falaises de basalte, l’on jouit d’un beau panorama sur les Sete Pedras. Le village typiquement angolare, aux maisons sur pilotis, que l’on découvre peu après s’appelle Praia Monte Mario. Passé ce village, on entre en pleine forêt équatoriale humide (qui n’est pas une forêt primaire, bien que la nature y ait entièrement englouti toutes traces d’anciennes plantations). Contempler ce paysage végétal unique, humide tout au long de l’année. À l’amorce d’une descente, une route sur la droite mène à la roça Vila Conceição, en cours d’abandon. À ce carrefour, vous reconnaissez des plants de caféiers : ce sont des caféiers Liberica, aux cerises géantes. Environ un kilomètre plus loin, on se trouve à l’entrée du périmètre de la roça Porto Alegre. Juste avant cette
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entrée, on peut reconnaître des canneliers, aux petites feuilles lancéolées, d’un vert foncé d’aspect ciré, dont on obtient la cannelle en grattant l’écorce. – Quand passent les baleines... Après avoir franchi le seuil de la roça, la Ponta Baleia surplombe l’océan d’une soixantaine de mètres. C’était d’ici que les colons portugais observaient le passage annuel des baleines à bosse et des cachalots (de la mi-août à la mi-septembre). C’est là que le complexe hôtelier de l’île des Rolas a construit son ponton d’embarquement. La corniche en basalte permet en effet un très beau panorama. Sur la descente, on se trouve en pleine plantation de cocotiers. Comme toutes les cocoteraies de Porto Alegre, celle-ci est sénile ; les noix tombées au sol sont récupérées, de temps à autre, pour le coprah. Juste avant d’arriver au prochain village, Vila Malanza, typiquement angolare avec ses cases sur pilotis, observer les abords du ruisseau : on peut y voir, dans la vase, des dipneustes. Ces fossiles vivants, bruns, aux yeux sur le sommet du crâne, furent les premiers animaux terrestres de la planète ; ce sont des créatures hybrides, entre le poisson et le reptile ; on les trouve également en Australie. – Aux abords de la roça Porto Alegre Depuis le bord du ruisseau, on aperçoit Porto Alegre, au loin sur la gauche, et l’on voit une grande plage de sable blanc. La rivière suivante est la rivière Malanza, qui forme une lagune d’eau saumâtre, se remplissant en fonction des marées, bordée de palétuviers. (Avant d’y parvenir, une piste remonte vers le nord, après un important village de pêcheurs. Par là, on peut rejoindre Santa Catarina en deux jours, en passant par Santo António Mussacavù, l’extrémité de cette « route du Sud ».) On ne tarde pas à atteindre, ensuite, le sede (siège) de la roça Porto Alegre, après avoir dépassé un petit village de pêcheurs. Au niveau du wharf, regarder sur la droite : une allée comporte des vestiges de vanilliers (lianes de vanille).
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À Porto Alegre, plus loin, la superbe demeure que l’on découvre abrite l’administration ; sur les côtés, ce sont les bâtiments techniques (à droite, les anciennes chaudières à vapeur), de part et d’autre d’une vaste pelouse en partie recouverte par les séchoirs à coprah. Sur la gauche, c’est l’école, récemment construite par la coopération internationale, puis les logements des travailleurs. La piste à droite conduit à l’hôpital de la plantation, d’où l’on bénéficie d’une très belle vue sur les édifices (dont une église récente) et la baie. Il est recommandé de prendre un guide (n’importe quel enfant vif et dégourdi fera un excellent guide, ravi de se retrouver dans votre véhicule), qui vous fera visiter toute la plantation. De retour sur la route principale, cinquante mètres plus loin, on prend une piste sur la gauche, au long de laquelle on retrouve des caféiers Liberica, si particuliers. La piste mène au sommet d’un tertre, le morro da Praía Bunga, où était construite la maison de maître. Il s’agit aujourd’hui d’un terrain militaire, sur lequel l’accès est encore possible. – En surplomb d’une piscine des dieux, la plus belle vue de l’île De là-haut s’offre l’un des panoramas les plus somptueux de São Tomé. Le regard ébloui plonge sur Malanza (zone de marécages), les montagnes en toile de fond, sur laquelle montent la garde le Cão Grande et le Cão Pequeno, toute la plantation et son siège, la petite île des Rolas, en face, à quelques encablures seulement, traversée par « la ligne » de l’équateur. Sur le plus beau site de l’île, le plus grandiose, s’entrecroisent les deux hémisphères. Prix de cette rencontre : il y pleut quotidiennement en saison humide. Une fois redescendu, on poursuit la piste principale et franchit un carrefour. Les bâtiments à l’abandon sur la droite avaient été édifiés à proximité d’un puits d’eau douce. Deux cents mètres plus loin, sur la gauche, on accède à Praia Piscina, l’une des plus belles plages de l’île : de sable blanc, un cirque de roches basaltiques la ferme naturellement, l’eau est renouvelée à chaque marée. Regarder est une fête : là, la mer est une pure émeraude cerclée d’un ruban de basalte, ruban noir accentué par le contraste avec le blond très clair du sable. Praia Jalé, où l’on peut se loger dans un lodge et faire une
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promenade en pirogue dans la mangrove, n’est pas loin (voir encadré du chapitre 6). De l’autre côté de cette plage, non seulement très belle mais aussi très sécurisante pour un moment de détente avec des enfants, sur la gauche, des falaises basaltiques forment un belvédère. Comme à Boca do Inferno, des roches trouées, véritables « trous souffleurs », jaillissent des jets d’eau de mer. De retour sur la piste, on parvient sur une ancienne piste d’aviation transformée en champ de maïs, puis sur la zone d’un ancien projet français de diversification des productions agricoles proposées à l’exportation4, sur laquelle sont cultivées des plantes à parfums. – Fin du parcours dans les senteurs d’ylang-ylang Au vétiver a succédé, à présent, l’ylang-ylang, muni de fines et longues fleurs jaunes, dont les très longs pétioles sont particulièrement olfactifs. La plantation est à l’abandon, d’où l’étonnante hauteur des plants. La piste qui remonte vers le nord, prise avant la rivière Malanza, longe celle de l’ancien aéroport. On retrouve des plantations de cocotiers abandonnées, puis on aboutit à Alto Duro, sommet d’une dépendance elle aussi abandonnée. Plus loin, au-delà d’un très beau paysage de forêt, la roça Santa Josefina, dépendance de Porto Alegre, était plantée d’orangers au goût très prononcé. En descendant sur la grande plage de sable blanc de Santo António de Mussacavù, on peut observer le Cão Pequeno, sur la droite. Là s’arrête la piste. Au début du siècle, il existait d’autres roças qui, à présent en ruine, ne sont plus accessibles qu’à pied : Jou, sur les hauteurs, puis, plus loin, São Miguel face aux îles Formoso, Gabado et São Miguel. Il s’agit de l’un des plus beaux sites du pays, abandonné depuis plusieurs décennies. 4.
Le projet-pilote vise à introduire, à tester, à multiplier et mettre en culture de nouvelles productions : plantes à parfums (ylang-ylang, vétiver, vanille, géranium, bigaradier) et plantes à épices (poivrier). Ces cultures n’exigent pas de grandes surfaces ; peu volumineux et de forte valeur ajoutée, les produits finis ne demandent pas de précautions particulières de stockage et de transport, et peuvent être acheminés par voie aérienne. Une partie des essais se déroulent sur la roça Porto Alegre ; d’autres essais sont conduits dans le centre et le nord de São Tomé (roça Agostinho Neto).
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– L’îlot des Tourterelles : sur l’équateur, exactement La petite île des Rolas (rolas signifie « tourterelles ») est un lieu de bivouac idéal. Elle bénéficie en effet d’un microclimat (les pluies y sont plus rares que dans le sud de l’île de São Tomé). Dépourvue de serpents, elle est frangée de jolies petites plages désertes de sable blanc où viennent pondre les tortues marines. Le village de pêcheurs a laissé la place à un complexe touristique (bungalows, restaurant, zone d’activité sportive). Non loin, un padrão, une borne commémorative installée le 26 juillet 1936, marque l’endroit exact où passe l’équateur, déterminé par le géophysicien amiral Carlos Viegas Gago Coutinho en 1918, à qui les colons avaient donné le nom du plus haut sommet de São Tomé, aujourd’hui « pico de São Tomé », et celui de l’île des Rolas. De ce padrão, deux cratères ainsi qu’un phare peuvent être visités. L’agence Mistral Voyages propose des formules de bivouac d’une ou deux nuits, avec, au choix, des excursions en bateau à moteur, depuis l’île des Rolas jusqu’à Porto Alegre ou San Miguel, très bel endroit situé au-delà de Santo António de Mussacavù et inaccessible par la route, ou de l’autre côté, vers Ribeira Peixe, São João dos Angolares, etc. Enfin, depuis São Tomé, les guides de Mistral Voyages ou de Navetur, connaissant parfaitement São Tomé et parlant français, vous emmènent par la route, en 4 X 4, ou par la mer, en bateau à voile, jusqu’à Porto Alegre. Dans le tour de l’île en bateau, une escale à l’île des Rolas peut être prévue.
Sur l’île de Príncipe, où le temps s’est arrêté
On embarque pour Príncipe sur l’ancien aéroport de São Tomé, construit à la fin des années 1940, au charme suranné et convivial, avec sa salle d’attente disposée en ovale, situé derrière le nouvel
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aéroport international, sur la route qui contourne celui-ci par la gauche, quelques dizaines de mètres en direction de Praía Gamboa.
Le merveilleux nous enveloppe Sitôt l’atterrissage, vous voici immergé dans une ambiance autre, tout à fait singulière, faite de moiteur, de lenteur, d’une luxuriance qui vous enveloppe de toute la gamme des verts aux tons saturés, et d’un profond sentiment d’abandon hors du temps. À Príncipe, tout n’est que ruines et surgissement végétal. Le temps semble s’être suspendu sur ce bout de terre, rendez-vous des deux hémisphères. Là, les siècles passés n’en finissent pas de disparaître, la nature, elle, renaît à chaque instant ; sur fond de décrépitude et sous un ciel chargé de nuées, qui parfois se nuance d’anthracite, la végétation explose. Par leur douceur et leur calme bienveillant, les 5 000 habitants, minos ié, enfants de l’île (habitants de Santo António et de deux roças, pour l’essentiel), achèvent de désarmer le voyageur, que le merveilleux enveloppe. Le constat de Charles Baudelaire, « le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l’atmosphère mais nous ne le voyons pas », se fait ici, en effet, presque palpable. Príncipe représente 139 km² de terre volcanique émergée. Elle s’étend sur environ 15 kilomètres de long et 10 kilomètres de large. Seule la moitié septentrionale est aujourd’hui cultivée, au nord d’une ligne passant, d’est en ouest, par les roças Nova Estrela, Bela Vista, Porto Real. L’île compte deux peintres reconnus : Tula Veiga, qui réside à proximité de l’aéroport, et Loidinho, qui demeure à Santo António. La faune est riche de singes espiègles et inoffensifs, de perroquets gris, de deux espèces de serpents non venimeux, dépourvue de scorpions et d’araignées dangereuses. La flore compte, entre autres, de nombreuses variétés d’orchidées et des bégonias.
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Décor d’une vie coloniale fastueuse Sous le charme, et sans regarder votre montre, il vous faudra passer une bonne heure à Santo António, la ville principale, qui fut capitale de l’ensemble de l’archipel portugais durant un siècle, de 1753 à 1853, et compte aujourd’hui 1 500 habitants. De cette époque, il reste de superbes vestiges, traces d’un mode de vie colonial aux accents viscontiens. De ce qui fut une très belle demeure, il ne subsiste aujourd’hui que la façade... On erre dans ce décor comme dans une ville après un bombardement, pourtant il n’y eut ici nulle guerre, nul combat, nulle autre action que celle, insensible, du temps, alliée au désintérêt des hommes. Vos pas vous dirigeront vers la petite église dédiée à Santo António, dont la touchante façade se détache, au bout de la rue principale, sur la silhouette du pico Papagayo, l’un des trois pics que compte l’île. La rue qui la longe à droite, passé une petite niche qui abrite un portrait de saint Antoine sur azulejos, mène au cimetière. Ses allées sont cloisonnées de plantes grasses, vertes et jaunes. Dans la partie gauche, peu après l’entrée, un petit chien de pierre, du haut d’une colonne, veille à jamais son maître disparu à l’âge de 46 ans. Après avoir parcouru cette ville étrange, où comme partout s’improvise une partie de football, où de jeunes enfants jouent sur les pas de portes, où il y eut un beau cinéma, où l’on vous sourit en allant faire ses courses (car certains jours se tient un marché), vous vous dirigez vers la droite face à la baie, non sans contempler les collines sur la gauche, dominée par l’ancien hôpital, derrière la capitainerie. Vous arrivez au rio Papagayo, qui se traverse par le pont du même nom. Une forte odeur de poisson séché imprègne l’atmosphère. Et vous ne tardez pas à voir les aires de séchage, devant les maisons riveraines.
L’île aux jacas, aux singes et aux perroquets Passé le bar-restaurant Lopes-Jaca, en bordure de fleuve et de baie, où l’on peut prendre un verre ou se restaurer du menu local
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(poisson, riz, bananes...), la route borde les bâtiments à la toiture en demi-cercle de la roça São João, spécialisée dans la culture du manioc et celle du cacaoyer. Sur la droite, elle conduit à la roça Nova Estrela, en traversant le bourg Santo Christo. Si, en chemin, vous croisez un paysan porteur de jacas, gros fruit vert clair de forme oblongue, qui vous propose de le goûter, n’hésitez pas : quelques bouchées de ce délicieux fruit à la chair ferme rassasient comme le ferait tout un repas. Arrivée à une fourche, la piste de gauche mène à la roça Nova Estrela ; celle de droite conduit à la ponta Catecuta, d’où la vue est particulièrement intéressante, sur le Boné do Jóquei, ou Caroço, îlot dont la forme présente la silhouette caractéristique d’une casquette de jockey. De tous ceux qui entourent l’île, celui-ci, d’une hauteur de 300 mètres, aux parois rocheuses abruptes, est le seul à être couvert de végétation. Plus à droite, on voit le pico Dois Dedos (aux deux sommets) et une cascade à flanc de montagne nommée Arcé Pipo.
Une paix profonde En revenant à Santo António, une halte est tentante, au bar de Santo Christo, bien nommé « Terraço na paz de Deus », au cœur de l’île, au cœur du monde. Après ce bourg, la piste à droite mène à la Praia de Evora. De retour à Santo António, on traverse la baie, pour la quitter cette fois par le côté opposé au rio, en passant devant le poste de surveillance maritime fraîchement repeint en bleu. On laisse, à droite, une niche où une fresque d’azulejos représente cette fois le calvaire, pour prendre la route de la roça Sundy, la plus étonnante de tout l’archipel, à 11 kilomètres de la ville. La route, riche en détours, permet de contempler à satiété la riche végétation équatoriale, l’habitat local en bois, de nombreux oiseaux et, par chance, quelques singes.
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Le mur d’enceinte de la roça Sundy, que l’on découvre au fond d’une vaste allée, passé une première clôture, évoque celui d’un château fort : il est entièrement crénelé ; la porte principale est flanquée de deux tourelles, les autres portes et les fenêtres sont en forme de fer à cheval. Ce mur du fond constitue l’un des côtés étroits d’un vaste rectangle central, pelouse traversée de chemins. À droite, perpendiculairement, se succèdent les comboios, longs bâtiments étroits où sont logés les ouvriers de la roça, qui fut la seule de l’île à produire du café. Au fond, à gauche de cette longue façade pleine d’humour, l’église aux formes arrondies et douces semble de terre crue, comme modelée et blanchie à la chaux. Dédiée à Nostra Senhora de Lurdes ou de Pena, elle abrite un beau crucifix, que l’on sort pour la fête de saint Pierre, patron des pêcheurs. Une galerie à laquelle on accède par des escaliers latéraux offre une vue plongeante sur l’intérieur de cette petite église toute simple. Ailleurs, une vieille locomotive à l’abandon témoigne de l’ancienne activité économique.
En parfait état, la maison de maître de la roça la plus fantasque de l’archipel Revenant sur vos pas, par le côté opposé aux comboios, vous arrivez à la maison de maître, vaste demeure conservée intacte et meublée comme elle l’était avant l’indépendance. Elle servit de résidence outre-mer aux présidents portugais.
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La maison se visite : on y découvre l’art de vivre des anciens colons. Les murs sont recouverts de toiles et de tapisseries. Dans l’angle du salon, le grand moulin à café date du début du siècle. À l’étage, trois chambres sont meublées à l’identique, dans des couleurs différentes. On imagine des bals, des fêtes, des scènes des films de Visconti reviennent en mémoire... Ne quittez pas la roça sans chercher la plaque commémorant l’expérience de Sir Arthur Edington qui, à cet endroit, en 1913, a prouvé la théorie de la relativité d’Einstein, sous l’équateur, lors d’une éclipse totale de soleil. Après avoir retrouvé la route goudronnée et l’avoir prise à votre gauche, la piste qui descend (à une fourche) vous mènera en direction de la roça Belo Monte, dont l’approche est indiquée par un panneau rouge et blanc sur lequel on lit : « Caminho publico Belmonte. Praía Burra ». En traversant la cour principale de la roça où l’on accède par un portail de pierre en arc de cercle, on aboutit à un mirador, aménagé pour le pique-nique en surplomb d’une centaine de mètres de la plus belle plage de l’île : Praía Banana. On peut y descendre à pied par un sentier (environ un kilomètre).
Une merveilleuse petite plage en forme de banane Vue exceptionnelle sur cette merveilleuse petite plage, en forme et couleur de banane, endroit paradisiaque où fut récemment tournée la publicité du rhum Bacardi. Du parapet, des enfants lancent les nervures de palmes dans le vide : petits planeurs dont ils observent et comparent les trajectoires, pendant que vous observez les oiseaux. Sur l’émeraude de l’océan, de sombres et frêles embarcations de pêcheurs, les karriobés creusés dans des troncs de fromager (oça), viennent à passer, longeant la côte. Moment de grâce à l’état pur, dans une paix absolue. Avec celles de Sundy et Porto Real, la roça Belo Monte fait partie des trois plus importantes de Príncipe, qui en a compté sept. Un temps, l’hôpital de la roça Porto Real fut plus riche en matériel et médicaments que celui de Santo António.
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La baie des Aiguilles, l’une des plus belles de l’île, et du monde Au-delà de Porto Real, par la piste de gauche, on accède au morro (tertre) Fundão, d’où l’on jouit d’une vue particulièrement belle sur la baie des Aiguilles (baia das Agulhas), le plus beau site de l’île, et au pico Papagayo. Enfin, il est possible de bivouaquer à la roça Maria Correia, en y accédant par la mer, sur la plage Porto Alegre. Tôt le matin ou en fin d’après-midi (vers 17 heures), on peut observer des vols de perroquets gris du Gabon, qui se logent sur les îlots rocheux au large des côtes, lesquels abritent également des colonies d’oiseaux de mer.
Séjour ou visite à Bom Bom Island Resort Quel que soit le budget dont on dispose, il serait dommage, si on a un peu de temps, de ne pas prendre le chemin de terre battue qui conduit vers la presqu’île de Bom Bom. Là, on peut prendre un verre au lodge de Bom Bom Island Resort, lieu où le mystère a été apprivoisé, la nature domptée et magnifiée. Ce qui n’empêche nullement les tortues marines de venir pondre sur les plages du domaine, comme vous l’indiquent les panneaux au tronc des palmiers : « Vamos todos proteger as tartarugas ». Cette structure hôtelière parfaitement intégrée au paysage, constituée de bungalows ronds en matériaux naturels se fondant dans l’environnement, offre luxe, calme et volupté, avec une note épicée, brute, sauvage qui n’est pas sans évoquer Hemingway, les exploits de pêche au gros, la littérature d’aventures, au cœur du nulle part qu’est ce morceau d’île en plein Atlantique... À vrai dire, plusieurs continents semblent s’être donné rendezvous sur ce bout de terre en deux parties reliées par une passerelle de bois de 300 mètres de long, à deux mètres au-dessus de la mer. Peut-être parce que, tout simplement, les eaux des deux hémisphères de la planète viennent, de tous les horizons, s’y rencontrer. Outre le matériel nécessaire aux loisirs nautiques (voir plus loin), Bom Bom Island Resort peut mettre une jeep et un guide à
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votre disposition pour une demi-journée ou plus. Il vient chercher ses hôtes à l’aéroport et les y raccompagne. Pour des randonnées pédestres, l’association Monte Pico, depuis São Tomé, peut vous mettre en relation avec des accompagnateurs.
6 Une large gamme de loisirs
Activités sportives
Randonnées et tourisme rural Un séjour à São Tomé est l’occasion rêvée, pour les amateurs d’activités de pleine nature, de pratiquer la randonnée dans un cadre d’exception, tout en combinant cette activité avec du tourisme rural. En effet, quelques lieux aménagés en sorte de « gîtes ruraux » peuvent offrir un point de chute intéressant pour explorer les nombreux chemins qui relient les anciennes roças entre elles. Citons, notamment, à Angolares, la roça São João, ainsi que la roça Bombaim, où le propriétaire vous laissera les clés de la maison principale, dont vous pourrez profiter quelques jours (contacter João Carlos Silva, tél. 22573 ou 61140 ; e-mail : ciacnat@cstome.net), ou encore l’ecolodge de Praia Jalé (tél. 22 27 92) et le « mangrove tour »... À Chamiço, à 5 ou 6 kilomètres de la roça Agostinho Neto, un couple de Santoméens propose trois chambres doubles, en week-end ou en semaine. En prévenant à l’avance Laurinda, l’hôtesse, vous pourrez également commander un déjeuner (plat local) à déguster après avoir parcouru à pied le chemin, qui, de la roça Agostinho Neto, mène à Chamiço (contacter Aduzinda Alimeida, à São Tomé, tél. 22 11 79). Il s’agit là d’une suggestion
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parmi beaucoup d’autres... Deux autres dépendances de grandes roças ont été transformées en relais-accueil des randonneurs : Monte Forte (non loin de la roça Ponta Figo) et Colonia Açoreana (près de la roça Santa Cecilia). Car les roças sont à visiter, et parvenir au sommet du pico de São Tomé est un moment inoubliable. Le circuit des plages du nord, une excursion sur l’île aux Chèvres, un dimanche à Príncipe, un déjeuner typique, une représentation de Tchiloli, quelques instants sous la ligne de l’équateur sont autant d’opportunités uniques que vous proposeront les agences d’écotourisme. Même si vous tenez à votre autonomie, il serait en effet particulièrement regrettable de se priver des connaissances et savoir-faire des agences spécialisées : Navetur-Equatour ou encore Mistral Voyages, qui n’hésiteront pas à vous suggérer les meilleurs parcours et pourront mettre des guides à votre disposition. De même, contacter l’association Monte Pico, toujours prête à partager les trésors et connaissances les plus cachés de l’île, est une promesse de randonnées exaltantes tout en étant sécurisées. Des guides ont été spécialement formés.
Quatre chemins et des guides spécialement formés L’association Monte Pico, qui a pris le relais du projet ECOFAC (Écosystèmes forestiers d’Afrique centrale), entretient les pistes et forme des guides accompagnateurs. Elle propose quatre chemins de randonnées qui vous conduisent au cœur du monde. Ce sont, pour la plupart, d’anciens chemins muletiers. Ils ont été réhabilités et répertoriés selon leur degré de difficulté. Ils partent tous du jardin botanique Bom Sucesso, accessible à pied depuis la pousada Boa Vista, au-dessus de la roça Monte Café. Sur Príncipe, l’association peut mettre en contact avec des accompagnateurs locaux. – Arrivée dans une roça, après six heures de marche De Bom Sucesso, dont vous partez accompagné d’un guide, à 7 h 30 le matin, deux promenades sont possibles. Les plus sportifs
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atteindront la roça de Bombaïm vers 15 heures, après environ six heures de marche, en forêt primaire, sur un ancien chemin muletier. Le pique-nique a lieu à Zampalma. Outre un paysage constant de forêts primaire et secondaire, le parcours est jalonné de cascades. – Cap sur un étrange cratère, en altitude À la portée de tous, mais sérieusement équipé, la découverte du Lagoa Amelia demande trois heures. Ce cratère d’un ancien volcan est tapissé d’un épais matelas végétal spongieux que, accompagné de votre guide, vous pouvez fouler au pied. Par beau temps, juste avant de descendre dans le cratère, la vue sur l’île est particulièrement superbe. – Au travers du mont Espérance Plus courte, cette promenade est aussi plus sportive et nécessite de bonnes chaussures. Elle gravit en effet le morro Esparança, qui culmine à 1 312 mètres. La végétation est de même structure que pour la première randonnée. L’arrivée à Zampalma, vers 10 h 30, est riche en émotions de descente. – Ascension du pico Comme pour les balades précédentes, le départ a lieu à 7 h 30 de Bom Sucesso. L’arrivée à Ponta Figo, dans la région de Neves, n’a lieu que le lendemain, en début d’après-midi. C’est dire que cette randonnée, qui comporte quelques passages très difficiles, est réservée aux très bons marcheurs en montagne. Il ne faut pas moins de 7 à 8 heures de marche pour parvenir au pied du pico de São Tomé, où a lieu le bivouac. Son sommet, à 2 024 mètres, se perd le plus souvent dans les brumes et les brouillards, d’où l’on peut pourtant découvrir un magnifique panorama sur toute la partie nord de l’île. La descente, en direction du nord, se déroule par Rebordelo, puis Mendes Leite, enfin la roça Ponta Figo est atteinte. De là, un transfert en voiture vers Neves est prévu.
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La protection de l’environnement : une priorité nationale Ôbo, un parc naturel de 300 km² Une partie de l’archipel est à présent délimitée comme parc naturel, nommé Ôbo, qui signifie bois sauvage, impénétrable (où se réfugiaient les esclaves en fuite). Cet aménagement fut conduit dans le cadre d’un projet régional de protection de l’environnement, financé, depuis 1992, par l’Union européenne, dans le cadre d’un programme de conservation rationnelle des écosystèmes forestiers en Afrique centrale, désigné sous le sigle ECOFAC. La forêt tropicale humide, pour les six pays concernés (représentant une population de 20 millions d’habitants), couvre 670 000 km² ; une superficie en diminution constante, au rythme de 1 % par an. L’écotourisme, un mode de conservation dont bénéficie la population À São Tomé et Príncipe, la priorité a été d’identifier, puis de délimiter des zones à protéger. Un décret-loi identifiant deux sites, le parc naturel Ôbo de São Tomé (centre et partie sud-ouest de l’île) et le parc naturel Ôbo de Príncipe (près de la moitié du territoire, sur la partie sud de l’île), a été déposé dans les années 1990, pour la protection d’échantillons des biotopes importants de l’archipel : 300 km² sont, au total, concernés. Il a abouti à un classement en parc national. Le parc est devenu réalité opérationnelle en 2005. Le plan d’aménagement a permis le marquage des limites de la zone protégée et une mise en valeur de la forêt, à travers l’écotourisme notamment. L’association Monte Pico, constituée en grande partie d’anciens d’ECOFAC (dont la représentation sur place a été absorbée par une Direction du ministère de l’Environnement, tél. 22 32 84 ou 22 71 56, gefamb@cstome.net), a pour objet le développement du tourisme et le développement rural, la conservation de la nature, l’entretien et la valorisation du jardin botanique de Bom Successo (www.jardimbotanico.st) largement ouvert au public (doté d’un écomusée et d’une boutique). Depuis le début des années 1980, de nombreux scientifiques et stagiaires ont participé aux efforts de conservation, par le biais d’accords passés avec différents
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centres de recherche et universités dans le monde. Simultanément, les institutions santoméennes ont été soutenues dans leur volonté de créer un service national chargé de la gestion des ressources forestières, avec la formation d’un corps de gardes forestiers. L’écotourisme permet aux populations de bénéficier des ressources naturelles tout en les conservant. Une dizaine de guides ont été formés pour conduire les randonneurs en montagne, par des sentiers en périphérie de la zone directement concernée. Le jardin botanique dispose d’un ecolodge de trois chambres pour loger chercheurs ou simples randonneurs (s’adresser à l’association : tél. 22 56 47, montepico@yahoo.com.br). Un effort important a été fourni pour des actions de reboisement, par la mise en place de pépinières, la plantation et la distribution de plants aux petits agriculteurs. Face à l’augmentation importante des surfaces de cultures maraîchères, des méthodes culturales de protection et d’amélioration des terres ont été introduites. Faune et flore du parc sont diverses, rares et fortement marquées par l’endémisme. 135 espèces d’orchidées, dont 35 endémiques, ont notamment été recensées. Les espèces d’oiseaux présentes sont rarissimes dans le monde, ou endémiques, comme nombre d’espèces de papillons. Les ornithologues viennent du monde entier pour les observer (voir chapitre d’introduction). Un programme de protection des tortues marines Simultanément, bien que cela sorte du cadre des écosystèmes forestiers, une action de protection des tortues marines a été initiée. Il y a peu, il était en effet fréquent de voir se débattre une immense tortue couchée sur le dos, sur le bord de mer de la capitale, non loin de la plage d’arrivée des pêcheurs (car la loi interdirait de tuer la tortue mais non de la vendre...). Cinq espèces de tortues marines fréquentent en effet les eaux de l’archipel de São Tomé et Príncipe : la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea), la tortue verte (Chelonia mydas), la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata), la tortue luth (Dermochelys coriacea) et enfin la tortue caouanne (Caretta caretta). Quatre de ces espèces viennent nidifier sur les
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plages : la tortue olivâtre (tatô en langue vernaculaire), la tortue verte, la tortue luth et la tortue imbriquée. Toutes les tortues marines sont inscrites dans l’annexe 1 de la Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. En 1994, Jacques Rosseel, chef de la composante santoméenne du programme européen ECOFAC intéressé par les tortues marines, recruta une équipe parmi les habitants des villages littoraux pour surveiller les plages de ponte majeures. Il passa une convention avec un volontaire du Corps de la Paix afin de mener des actions de sensibilisation dans les villages de pêcheurs, de collecter des données sur les captures et d’inventorier les plages de ponte. ECOFAC tenta de casser la filière de la viande de tortue, bien organisée et très meurtrière pour les tortues olivâtres femelles. Des enclos de transplantation des œufs furent créés in situ afin de sauver les nids d’un braconnage excessif. Puis ECOFAC créa le réseau PROTOMAC (Programme de protection des tortues marines en Afrique centrale), donnant le jour à différents programmes dans les pays de la région de l’Afrique Centrale. PROTOMAC récupère chaque année toutes les données concernant les tortues marines dans chaque pays affilié. Le projet santoméen prit le nom de Projecto Tatô (du nom vernaculaire local de Lepidochelys olivacea). Des financements adéquats furent débloqués par l’Union européenne et la coopération canadienne ; un assistant technique, de l’Association française des volontaires du progrès (AFVP), fut engagé pour l’encadrement du projet. Les actions développées devaient viser à : y préserver la biodiversité marine de l’archipel en protégeant les tortues marines y nidifiant, et en particulier Lepidochelys olivacea, tout en augmentant les connaissances scientifiques liées à ces espèces ; y sensibiliser à la protection des tortues marines les habitants de l’archipel de toutes classes d’âge et aussi les touristes afin de développer une filière écotouristique ; y élaborer des méthodologies de conservation des tortues marines ainsi que rechercher des solutions alternatives à la filière viande avec les communautés de pêcheurs ; y supprimer la filière écaille par une reconversion choisie des artisans, créer avec certains artisans un artisanat d’art de qualité basé sur des matériaux non sensibles (corne, noix de coco...) destinés aux touristes et promouvoir cette filière auprès des hôtels et de l’Office du tourisme ; y classer en aires protégées les principales plages de ponte.
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Le relais d’une ONG locale, Marapa En 1999, après le retrait d’ECOFAC du Projecto Tatô, les financements ne permettant plus un fonctionnement correct, le projet fut contraint de ralentir ses activités. PROTOMAC le confia alors, en 2002, à l’ONG Marapa (Mar, Ambiente e Pesca Artesanal), laquelle travaillait étroitement avec les pêcheurs. Durant ces années d’exécution du programme de protection des tortues marines financées par l’Union européenne (Programme Espèces Phares), le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) et le RAPAC (Réseau des aires protégées d’Afrique centrale), Marapa s’est concentrée sur la protection des sites de ponte (fonctionnement de sept enclos d’incubation) et la formation des équipes de gardes pour patrouiller les sites et collecter les données de nidification. Des activités de sensibilisation de la population ont aussi été développées (animations dans les écoles, réunions avec les communautés...). Des projets d’écotourisme liés aux tortues marines ont également été développés avec les communautés, et à leur profit. En janvier 2006, l’ONG Marapa a organisé une rencontre internationale sur le sujet, qui a permis la réflexion sur la protection des tortues marines à São Tomé et Príncipe, l’élaboration de recommandations et la définition d’une stratégie d’action. Elle a, aujourd’hui, ouvert : deux centres d’incubation sur la côte nord de São Tomé (Micolo et Morro Peixe) ; un centre d’incubation sur la côte est de São Tomé (Messia Alves à Santana) ; deux centres d’incubation sur la côte sud de São Tomé (Cabana et Jalé à Porto Alegre) ; deux centres d’incubation dans la région autonome de Príncipe (à Sundy et Grande). L’ONG a également développé deux projets écotouristiques basés sur l’observation nocturne des tortues marines (ponte, marquage et mesure) et la participation à la libération des bébés tortues à la mer avec l’éco-garde. ¾Ecolodge de Praia Jalé (tél. 22 27 92) ; proposition de promenades dans la mangrove. ¾Écomusée de Morro Peixe, « Casa Tatô » (tél. 91 37 92). Marapa, organisation non gouvernementale, laïque, apolitique, sans but lucratif et de droit santoméen, a été créée en mars 1999. Elle est aujourd’hui constituée de seize membres de différentes spécialités professionnelles et d’une assistance technique de l’AFVP, tél. 22 27 92, e-mail : marapa@cstome.net. À São Tomé, on ne manquera pas la Casa das tartarugas, exposition permanente au sein du musée-forteresse São Sebastien.
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Stopper les ponctions de sable en littoral Enfin, on s’est efforcé de trouver des matériaux de construction alternatifs au sable, par exemple un mélange de ciment, cendres volcaniques et terre latéritique. Ces dernières années, en effet, le prélèvement du sable du littoral à des fins de construction a pris des proportions dommageables, à terme, pour l’environnement naturel, patrimoine sans prix des Santoméens.
Cette belle promenade sportive, sur les traces des anciens récolteurs de quinquina, parcourt tous les étages de la dense végétation équatoriale. – Une cathédrale de bambous Depuis peu est proposé un quatrième parcours, qui suit le tracé d’un ancien chemin de fer : la route des anciennes roças. De Bombaim à São João dos Angolares se succèdent en effet les ruines de pas moins de huit roças. La route est parfois surmontée d’une voûte de bambous, on traverse ainsi une sorte de cathédrale naturelle. Il est possible de bivouaquer en chemin, dans de petites baraques.
Pêche au gros et plongée sous-marine L’île de Príncipe est le royaume des ornithologues et des adeptes des sports nautiques, qui y viennent du monde entier, d’Afrique du Sud, des États-Unis et aussi d’Europe. En cet endroit de l’océan, la jonction des courants marins chauds et froids suscite en effet l’existence d’une intense faune marine. Les fonds regorgent de marlins, d’espadons, de barracudas. L’île dispose de ressources halieutiques trois fois supérieures à celles de São Tomé. La limpidité des eaux de la côte sauvage facilite la vision de ces fonds. Un simple masque et un tuba, pour une journée ou deux dans l’île, peuvent suffire au visiteur.
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Le sportif, lui, s’adressera à Bom Bom Island Resort où une équipe de professionnels passionnés anime le centre de pêche au gros et de plongée. Le resort offre des conditions d’accueil et d’hébergement excellentes, il possède en outre une flotte de bateaux de pêche adaptés, aptes à combler les sportifs les plus exigeants, et tout le matériel de plongée. À la demande, il met à votre disposition d’autres matériels de loisirs nautiques, tels qu’un zodiac ou des skis nautiques... Bordé de longues plages désertes où viennent pondre les tortues, il est doté en outre d’une piscine d’eau douce.
Natation et surf sur les vagues Les invitations au bain de mer sont incessantes sur tout le littoral de l’archipel. On peut en effet se baigner partout, jouer dans les rouleaux et se rafraîchir. Cependant, la présence, au-delà des rouleaux, de courants et d’une faune marine qui comporte quelques requins, fait que, en l’absence d’informations précises, l’on se limitera à quelques plages sûres pour nager d’une manière sportive et s’éloigner de quelques centaines de mètres du rivage. Sur l’île de São Tomé, ce sont : la plage du Club Santana ; celle qui jouxte la forteresse Saint-Sébastien (le musée), où se retrouvent les lycéens ; celle de la baie Lagarto ; celle de Lagoa Azul ; ainsi que celles das Conchas, do Governador, dos Tamarindos (au Nord). À Príncipe, ce sont les plages qui bordent Bom Bom Island Resort ; ailleurs, se renseigner auprès de la direction du resort. Chaque hôtel situé en bord de mer comporte sa piscine d’eau douce, aux formes arrondies et aux cascades miniatures qui représentent l’île en raccourci, idéale pour les enfants. En revanche, nombre de plages se prêtent tout à fait au surf, notamment les plages situées au sud de la capitale : Micondo (baobab), Sete Ondas (les sept vagues), Praía Grande, etc. Mieux vaut emmener sa planche.
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Tennis L’Omali Lodge, lové au creux de la première baie, Praía Lagarto, possède des courts de tennis. Les raquettes sont disponibles sur place, un éclairage est prévu pour jouer en soirée.
Bateau ou avion pour un tour Tous les grands hôtels et les agences d’écotourisme, ainsi que l’ONG Marapa proposent des excursions en mer et parfois des tours complets de l’île. Des propriétaires de voiliers, mouillés au large des douanes de São Tomé, dans la baie d’Ana de Chaves, organisent aussi des tours réguliers de l’île de São Tomé. L’agence Mistral Voyages propose des excursions en pirogue motorisée ou vedette rapide, avec guide parlant portugais et français, ainsi que des journées de pêche.
Repos au rythme de la vie locale Quelques sites sont aménagés pour de véritables vacances, seul ou en famille, comprises comme un temps de farniente. Citons le Club Santana, la pousada Boa Vista, mais aussi l’Omali Lodge, La Provence, à l’extrémité de la baie Ana de Chaves qui jouxte l’aéroport. Et, bien sûr, Bom Bom Island Resort. Si vous le demandez, on vous emmènera au marché le matin, on mettra une jeep à votre disposition, on vous décrira le pays et son histoire ; des excursions en bateau et des sorties pique-nique vous seront proposées, ainsi que des randonnées pédestres... Les différentes entreprises touristiques travaillent de plus en plus en synergie, ce qui rend ce type de séjour tout à fait agréable et vivant : un hôtel vous dirigera vers un autre opérateur s’il ne peut répondre à votre demande. Du Club Santana, vous pouvez décider de passer une nuit ou deux dans un autre hôtel, ou l’inverse...
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Si l’on préfère l’indépendance totale et l’immersion dans l’ambiance locale, on peut bien sûr choisir de se baser dans un hôtel ou une pension du centre-ville, à São Tomé comme à Príncipe. On aura alors tout le loisir de s’intéresser à l’architecture, de faire de nombreuses rencontres et de vivre à l’heure locale, que scande le leitmotiv « leve leve » (doucement, doucement). C’est dire qu’on ne risque pas le stress, peut-être seulement un certain ennui, entre chien et loup, l’heure du coucher du soleil et celle du dîner.
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Le choix des hôtels et des lieux de restauration
Sur l’île de São Tomé [Téléphone : (239) + n° à six chiffres commençant par un 2 pour les téléphones fixes, par un 9 pour les portables]. Toutes les possibilités d’hébergement ou de restauration ne figurent pas ici : il en existe d’autres dans les petites localités et s’en crée d’autres au fil du temps. Se renseigner auprès des agences de tourisme ou sur place, à Guadalupe, à Neves, à Trindade... – Très bon confort, standing international • L’Hôtel Pestana-São Tomé Av. Marginal 12 de Julho, tél. 22 36 00, ou 22 25 11, fax : 22 10 87, www.pestana.com, reservas.stp@pestana.com ou ricardo. rodrigues@pestana.com. Cet hôtel 5 étoiles, construit en 2007 sur la presqu’île de l’ancien monastère des Jeronimos, par le groupe hôtelier portugais Pestana, devait ouvrir en 2008. Doté de 115 chambres (et de 230 lits) d’un excellent confort, au prix de 179 euros en simple, 210 euros en double.
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• L’Hôtel Miramar by Pestana Avenida 12 de Julho, C.P. 69 São Tomé ; tél. 22 25 11 ; fax : 22 10 87 ; e-mail : hmiramar@cstome.net ; site internet : www. pestana.com. Le Miramar est un « monument » de la capitale. Du temps de la colonie, c’était une immense résidence en bois destinée à recevoir des cadres et des techniciens portugais résidant en Angola. À la fin des années 1970, il fut rasé et reconstruit par un groupe yougoslave. Il servit alors de résidence aux coopérants cubains et allemands de l’Est. Devenu hôtel géré par une chaîne hôtelière portugaise, il fut fermé en 1995 pour vétusté, acheté à l’État par un consortium allemand, puis restauré et rouvert en 1998. Dans un cadre mis à neuf et revu pour un plus grand confort, cet établissement au crépi blanc, au toit de tuiles, bien situé face à l’océan, à mi-chemin entre la forteresse-musée São Sebastão et le palais des Congrès, à deux pas du centre-ville, affiche 4 étoiles et se trouve désormais géré par le groupe hôtelier portugais Pestana. Il dispose de : 65 chambres et 5 suites bien aménagées et équipées de climatiseur, téléphone, réfrigérateur, téléviseur et internet ; une vaste salle de restaurant, Le Baron, proposant une cuisine de qualité, internationale et portugaise (souvent excellente) ; un café en terrasse sur la baie, Le Passante, idéal pour le petit déjeuner (pas avant 8 heures) ou un verre avant le coucher du soleil ; une salle de conférences d’une centaine de places ; une grande piscine paysagée ; une boutique en duty free. Compter 142 euros pour une chambre simple, 194 euros à deux. Prestation de luxe et propositions de services : excursions en bateau à moteur pour la pêche, en voilier pour traverser la ligne de l’équateur, en jeep pour une randonnée dans l’île. • L’Omali Lodge (ex-Marlin Beach Hotel) Situé entre l’aéroport et le centre-ville, C.P. 463 São Tomé ; tél. 22 23 50 ; fax : 22 18 14 ; e-mail : marlinbh@cstome.net ; site : http://www.marlinbeach.com.
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Il a ouvert en 1994, sur la baie Lagarto, où l’on peut se baigner (la première baie en venant de l’aéroport). Confortable et bien conçu, cet ensemble, dont le propriétaire possède également Bom Bom Island Resort sur l’île de Príncipe, comporte des petits pavillons résidentiels donnant, à l’arrière de la baie, sur un jardin de cocotiers et une piscine paysagée, une salle de restaurant et une salle de bar donnant sur la baie, une salle de conférences (30 personnes) équipée d’air conditionné, de cassettes vidéo et d’une TV grand écran, une boutique de produits de l’Ouest africain en duty free, un court de tennis (éclairage pour jeux nocturnes, raquettes disponibles sur place) et une marina, base de sports nautiques. Trois catégories de chambres (à décorations uniques) sont proposées : des mini-suites à 145 euros aux chambres simples (80 euros) et doubles (130 euros), en passant par des studios. Prestation de luxe, accès Wifi dans les chambres, transfert depuis l’aéroport inclus. Suite à un changement de propriétaire, l’hôtel en cours de réhabilitation devait rouvrir à l’été 2008. Aménagé dans le style « intérieur de yacht », le restaurant Wheelers propose une formule buffet pour le petit déjeuner (6 euros) ; compter de 15 à 30 euros pour les déjeuners et les dîners à la carte. Le bar est un lieu de rencontre convivial et ouvert, où se retrouvent toutes les nationalités qui composent la communauté d’experts et de visiteurs de l’île. De forme circulaire, doté de téléviseurs, il est très animé en fin d’après-midi et en fin de semaine. Autour de la piscine, agrémentée d’une petite cascade et idéale pour les enfants, peuvent se tenir des dîners au barbecue ou des soirées à thème. Le court de tennis est ouvert à tous, résidents ou non (réserver à l’avance). De nombreux services sont proposés, dont des excursions en lien avec Mistral Voyages, Navetur, Topcars... • Club Santana Praia Messias Alves, C.P. 144 – Distrito de Cantagalo, Santana ; tél. 24 24 00 ; fax : 22 16 64 ; e-mail : clubsantana@cstome.net ou sreservas@cstome.net, site : http://www.tdhotels.pt. À une quinzaine de minutes de voiture du centre-ville, sur la côte sud, le Club Santana est un lieu parfait de détente, le temps
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d’un week-end, d’une semaine ou en vacances plus longues, seul, à deux ou en famille. Cela peut être une excellente base de séjour pour découvrir l’archipel tout en se reposant et en s’adonnant à quelques activités sportives ; avec, de surcroît, la possibilité de participer aux activités proposées par d’autres opérateurs, de passer une nuit ou deux dans un autre site. Sur le modèle d’un petit Club Méditerranée, il dispose d’une trentaine de bungalows individuels, vastes chambres circulaires, dont le tiers de suites (ensemble de deux chambres et d’un salon pouvant accueillir quatre personnes), d’une plage réservée, de minibus assurant la navette avec l’aéroport, de motos tout terrain, de planches à voile. Deux bateaux sont mis à disposition pour la pêche (le matériel est fourni) ou les promenades en mer. Sur l’ensemble de l’archipel et au-delà, dans le golfe de Guinée, le Club Santana est tout à fait unique et remarquable pour sa table offrant une cuisine française très raffinée (plats santoméens le dimanche). Le choix du menu se fait dès la réservation si l’on vient de la ville. Compter 30 euros, boisson non comprise, pour un menu complet, harmonisé autour d’un plat principal de viande ou de poisson. Le personnel a reçu une formation hôtelière solide, le service est irréprochable, l’accueil intime et chaleureux, assuré par les gérants franco-portugais qui conseillent leurs hôtes pour la découverte et les assistent à l’arrivée et au départ. La clientèle vient de l’ensemble du golfe de Guinée (souvent le temps d’un week-end prolongé), mais aussi d’Europe et d’Afrique du Sud. Les tarifs sont de 112 euros par nuit pour une personne (160 euros pour deux personnes) petit déjeuner inclus. La demipension est à 137 euros pour une personne (210 euros pour deux personnes). Compter 162 euros (260 à deux) pour la pension complète. Les enfants de moins de 4 ans sont reçus gratuitement, de 4 à 12 ans ils ne paient que 25 % du tarif. • Pousada Boa Vista (réouverture prévue fin 2008, se renseigner) C.P. 464 São Tomé ; tél. 22 13 04 ou 22 13 07 ; fax : 22 17 60. Située à environ 900 mètres d’altitude, à 15 kilomètres de la capitale et au-delà de la ville de Trindade, cette grande bâtisse
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blanche était une maison de repos aux fonctions de sanatorium pour les colons portugais de l’archipel et d’Angola. Elle fut transformée en pousada (auberge, fleuron de l’hôtellerie portugaise) par TAP Air Portugal, en 1982. Géré par le groupe portugais Esta, jusqu’en 1998, l’établissement, qui appartient à l’État santoméen, aurait trouvé un repreneur. Le site jouit d’un climat frais, propice à la détente et à la contemplation de la baie de São Tomé et d’une nature à la végétation très dense, agrémentée d’une très belle cascade accessible à pied. La roça Monte Café, en contrebas de la terrasse, et celle de Nova Moca, plus en altitude, sont, elles aussi, accessibles à pied. Une randonnée jusqu’au jardin botanique de Bom Successo peut être envisagée à la journée. – Bon confort • Le Phenìcia Rua Angola, C.P. 836 São Tomé ; tél. 22 42 03 ; fax : 22 42 06 ; e-mail : phenicia@cstome.net. Situé au cœur de la ville, à proximité des commerces, cet établissement comprend 14 chambres doubles climatisées, tout confort, avec salle de bains individuelle, télévision et téléphone. Tarif spécial pour un séjour excédant la semaine ou pour les groupes. Prix de la chambre double : 50 euros (lit de bébé ou matelas pour enfants sans supplément). Petit déjeuner « à la française » : 6 euros par personne. Restaurant Le Pagué, ouvert tous les jours de 6 à 14 heures et de 18 à 22 heures. Spécialités libanaises, cuisine française et portugaise. Le bar est ouvert de 6 à 23 heures. Bon accueil. • La Provence Sur la route de l’aéroport, C.P. 3 São Tomé ; tél. 22 10 38 ; fax : 22 23 35 ; e-mail : laprovence@cstome.net. Tenu avec bonhomie et constance par un couple de Français pendant plus de vingt ans, le complexe hôtelier le plus proche de l’aéroport, à l’extrémité nord de la baie Lagarto, vient de changer
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de propriétaire. N’ayant longtemps proposé qu’une bonne table française, il comporte aujourd’hui : un restaurant de cuisine portugaise et internationale, L’Algarve ; un snack-bar, où se rencontre volontiers la communauté européenne ; 7 chambres, simples ou aménagées en studios (compter 55 euros la nuit en chambre double, avec petit déjeuner ; 110 euros pour un studio avec cuisine) ; une salle de gymnastique, musculation et danse. • Hôtel Residencial Avenida C.P. 257 ; tél. 22 23 68 ; fax : 22 13 33 ; e-mail : ravenida@ cstome.net. Bien situé avenida da Independencia, en centre-ville, en face du palais présidentiel, à 300 mètres de la cathédrale, cet hôtel est un point de rencontre sympathique où, à toute heure du jour, se retrouvent Santoméens, étrangers de passage, experts et visiteurs, autour d’un café, d’un verre, d’un plat, en salle ou au comptoir du bar extérieur en bambou. L’ambiance est amicale. L’hébergement est propre, simple et confortable. Il dispose de 18 chambres avec téléphone et télévision à réception satellite, avec salle de bains et minibar, et d’1 suite. Toutes les chambres sont climatisées. Les prix sont de 55 euros la chambre simple petit déjeuner inclus (70 euros pour un couple) ; possibilité de disposer d’une suite. La table (salle de restaurant à l’arrière, sans dégagement sur l’extérieur mais dotée d’une grande fresque de style naïf et d’un personnel agréable) est simple et bonne : cuisine locale et portugaise. • Residencial Baía C.P. 84 São Tomé ; tél. 22 11 55 ; fax : 22 29 21. Situé avenida da Conceição, en centre-ville (à gauche de l’église aux murs couleur saumon, N.S. da Conceição, à l’angle du marché de São Tomé, non loin de l’évêché, à une centaine de mètres de la plage des Pêcheurs), cet hôtel moderne, sans grand charme, n’en est pas moins très pratique, fonctionnel, d’un bon confort et d’un bon rapport qualité/prix.
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Il dispose de 11 chambres dont 4 suites tout confort, chacune dotée d’un téléviseur (réception par satellite), d’un poste de radio, d’un téléphone d’accès international. Le service de chambre est assuré, laverie... L’hôtel propose d’autres services : circuit interne vidéo, mise à disposition d’un fax, vente de cartes téléphoniques « crédifone », location de véhicules et de bicyclettes. Les tarifs correspondent à trois catégories de confort : de 50 à 90 euros en simple, de 70 à 110 euros en double. La gratuité est de règle pour les enfants de moins de 3 ans, dormant dans la chambre de leurs parents. Un lit supplémentaire est compté 25 euros par nuit. • Residencial Magni-Bi C.P. 1133 São Tomé ; tél. 22 75 62 ou 92 08 87. Travessa de Impressa. 10 chambres et 2 suites tout confort. Compter 35 euros la chambre simple, 50 euros pour un couple. Cet hôtel-restaurant (voir plus loin « Chez Eva »), tenu par une Camerounaise, est impeccable et d’un excellent rapport qualité/prix. Il est cependant difficile à trouver, en centre-ville : mieux vaut téléphoner pour se faire préciser le chemin.
Sur l’île des Rolas • Pestana Equador Tél. 22 36 00 ou 26 11 96 ; fax : 26 11 95 ou 22 27 03 ; pestana.equador@pestana.com (à la sortie de Ponta Baleia, prendre la première piste à gauche pour l’embarcadère). 56 chambres en bungalows climatisés (127 euros en simple, 173 euros en double), 6 chambres de standing plus élevé, 8 suites. Restaurant, piscine d’eau de mer, jacuzzi et hydromassage, bain pour les enfants, salle de jeux, TV satellite et téléphone, accès Wifi, excursions organisées depuis l’hôtel. Transfert depuis l’aéroport (même sans passer la nuit à l’hôtel) : 5 euros.
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Formules proposées : bateau + accès à la piscine : 20 euros ; bateau + repas + accès piscine : 45 euros. – Confort moyen • Os Bigodes Ce snack-bar dispose de quelques chambres : premier établissement après l’aéroport, qui se voit de la route, après les avions anciens cloués au sol ; ce motel propose une cuisine brésilienne. Ouvert récemment, il offre un bon rapport qualité/prix (40 euros la nuit). • Estalagem Pantufo À Pantufo, tél. 22 19 41. Petit village de pêcheurs sur la route en corniche en sortant de la capitale (10 minutes du centre-ville en voiture) vers le sud, cet hôtel au bord de la route, et de la mer, propose 7 chambres dotées d’un téléviseur, de l’air conditionné, d’un téléphone, d’une salle de bains avec douche uniquement. Bon rapport qualité/prix (compter 40 euros à deux, petit déjeuner inclus). En terrasse, on sert des repas (deux plats du jour) et des rafraîchissements à toute heure. • La maison jaune (casa amarela) Nora Rizzo, avenida marginal 12 de Julho n° 13, C.P. 579 São Tomé ; tél. 22 25 73 ; ciacnat@cstome.net (blog : casaamarela casavermelha.blogsport.com). Sur la seconde partie de la Marginal, entre le musée et le lycée, voisine du siège de la radio nationale, cette vaste maison de caractère est divisée en deux parties indépendantes. On peut louer, à la semaine ou au mois, une partie de cette grande maison et disposer ainsi de quatre pièces, cuisine, salle de bains. La maison est bordée d’une terrasse qui domine l’océan. D’un confort très simple, la maison est équipée de ventilateurs (pas de téléphone, ni de téléviseur) et dispose d’un jardin. Elle permet un séjour dans des conditions locales, dans un cadre de bon goût et sur l’un des plus beaux sites de la capitale. Architecte, mais aussi en charge d’un projet de développement, la propriétaire ne demande qu’à présenter
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le pays, son architecture, sa vie culturelle et artistique, avec un enthousiasme communicatif. – Pour routards ou écotouristes • Roça São João (à São João dos Angolares) Tél. 26 11 40. Réserver auprès de João Carlos da Silva ou Isaura Carvalho, joignables à la galerie Teia d’Arte, en centre-ville, non loin de la place de l’Indépendance (rua Màrtires da Libertade, n° 4), tél. 22 51 35 ou 22 13 33 ; ceiarte@cstome.net, turimar@cstome.net. Située sur la route du Sud, à cinquante minutes de voiture de la capitale (transferts depuis l’aéroport pour 20 euros), cette roça est la seule à proposer un séjour dans les conditions authentiques de vie sur une plantation. Les promoteurs de la formule (et gérants de la roça), João Carlos da Silva, sculpteur, à l’initiative du programme (et du livre) As tachos na roça (Aux fourneaux dans la roça), et Isaura Carvalho, chercheuse et enseignante, s’efforcent de présenter au visiteur un échantillon complet de la vie culturelle de São Tomé et Príncipe. Ils font déguster la gastronomie locale, admirer toiles et sculptures dans une vaste pièce aménagée en galerie, font visiter et expliquent à qui le souhaite les différentes facettes du fonctionnement d’une roça, la fabrication de l’huile de palme, l’écabossage des fruits du cacaoyer, la cueillette du café... Bicyclettes, jeeps, parcours de découvertes avec ou sans guides sont à disposition. Sept chambres ont été restaurées dans le style épuré du cadre champêtre (salle de bains au bout de la galerie circulaire, chambre avec vue sur la roça). Une nuit coûte 25 euros en chambre simple, 35 euros en chambre double, petit déjeuner inclus. Ce dernier est l’occasion de savourer les confitures et le miel fabriqués maison. Le déjeuner est constitué de spécialités à base des produits de la roça : huîtres de mangrove, escargots géants, omelettes traditionnelles, taros, patates douces, fruits à pain, jus de coco et dégustation de liqueurs faites maison (de cannelle, de carambole, d’ananas, d’huile de coco) et d’aguardente (eau-de-vie). Le déjeuner coûte 8 à 10 euros. Il s’agit d’une bonne étape sur la route du Sud, ou d’un lieu de repos d’un ou plusieurs jours dans le calme d’un cadre naturel, avec possibilité de visiter à pied la petite ville de Santa
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Cruz (São João dos Angolares), toute proche. Il est toutefois préférable de séjourner à la roça pendant la gravana (grande saison sèche de juillet à septembre) ou le gravanito (janvier et février), sinon le risque de pluie est important. Au village, le peintre Nezó a ouvert un petit restaurant dont la terrasse lui sert d’atelier ; son accueil est souriant et décontracté, assorti d’une présentation de l’œuvre en cours. • Jalé Ecolodge (à la sortie du village de Porto Alegre), sur la plage Jalé Tél. 26 11 04, ou 22 27 92, ou encore 91 76 02. Au bord d’une très belle plage, 3 chambres en bungalows aux parois de cocotiers, dotées de 2 lits double + 1 simple, sans électricité, toilettes communes (25 euros petit déjeuner inclus). Parfait pour jouer les Robinson dans un site d’exception. Nombreuses excursions, à pied ou en 4 X 4. On peut disposer d’un guide pour atteindre Praia Xixi, via la roça Santa Josephina. Au village de Porto Alegre, la « réception ecolodge » « tél. 26 11 04) fournit tous les renseignements sur la région et offre un service de restauration pour 4 euros (cuisine locale) (prévenir à l’avance), ainsi que des promenades dans la mangrove. • Pensão Turismo Rua Soldado Paulo Ferreira, São Tomé ; tél. 22 23 40 ; fax : 22 33 85. En centre-ville de la capitale, en face du café Baía et du palais présidentiel, installée au-dessus de la librairie João Ribeiro, cette pension d’aspect modeste dispose de 9 grandes chambres pourvues d’un ventilateur et d’une moustiquaire. Les deux salles de bains sont collectives, le poste de télévision est dans une salle commune. Sur demande, un service de restauration est assuré, en salle ou en chambre. Compter 30 à 40 euros la nuit. Possibilité de louer un véhicule auprès de la direction, pour 30 à 50 euros par jour. • Pensão Carvalho En centre-ville, à l’angle de la route qui mène à Trindade, située en étage derrière la boulangerie Miguel Bernardo, face à l’église
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adventiste, l’établissement possède 7 chambres sans grand confort mais à un tarif raisonnable : 25 euros la nuit. • Residencial Costa-mar Estrada de Pantufo, São Gabriel, CP 215 ; tél. 22 11 13. Idéal pour vrai routard, dans la direction de Pantufo, peu après les ruines de la forteresse Jeronimo, cette résidence est constituée de 4 chambres en bungalows, climatisées, avec douche ; d’une salle des fêtes et d’un restaurant sous la tonnelle. Située à moins de 10 mètres de la mer, elle est cependant enclose d’une palissade de bambou.
Restauration locale, savoureuse et bon marché • Filomar Tél. 22 19 08. Tenu par une Cap-Verdienne, ce restaurant qui surplombe la baie Lagarto (situé à son extrémité opposée à l’aéroport), il est spécialisé dans les plats de poisson et les fruits de mer, mais propose aussi la cachupa cap-verdienne ou la feijoada. Ces mets naturels et délicieux, grillés, crus ou en sauce, sont accompagnés de légumes locaux (bananes plantains notamment), de riz et de crudités. Pour la boisson, on vous propose la bière Rosema (locale, peu forte et peu gazeuse) du vinho verde ou de l’eau minérale (bouteille au bouchon scellé, de préférence). Ambiance locale, personnel accueillant et sympathique, bien qu’au service un peu lent, vue sur la mer... Pour un repas de fête ou en groupe, à l’abri des moustiques, une grande salle est disponible sur la terrasse (réserver à l’avance). • Restaurant bar Benfica Av. de l’Indépendance ; tél. 22 40 69 / 22 40 70. Cadre chaleureux et sympathique. Le bar est un des hauts lieux de la communauté portugaise. On y croise également, souvent autour de parties de cartes acharnées, l’élite santoméenne. Deux billards. Le siège du Rotary-Club.
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Cuisine traditionnelle portugaise. Goûter les diverses variétés de morue (braisée, à la crème...) ou les sardines grillées (sur commande). • Le 6 Septembre Tél. 22 41 54. Dans le quartier militaire (bairro militar), en surplomb de la presqu’île qui divise en deux la baie Ana de Chaves. Excellente cuisine portugaise, très copieuse. L’un des restaurants les plus fréquentés de la ville. • Chez Eva Tél. 22 75 62. En centre-ville, en direction du quartier Santo Antonio (à partir du PNUD), Travessa de Impressa. Cuisine camerounaise. Excellent accueil et bon rapport qualité/prix. • Esconderijo do Ganda, de Lurdes e Barros Tél. 22 20 58. Dans le lieu-dit Ganda, sur la route en corniche qui mène à Pantufo, prendre à droite au-delà de l’église et du belvédère (pancarte sur la route). Copieux et local, le menu du jour coûte approximativement 5 euros par personne. • Parque popular Sur un côté du parc, une enfilade de petits restaurants (baraques en tôle), dont « Minigolfe » tenu par un Français, proposent une restauration locale à très bon marché. Au centre du parc, une cafétéria « en dur » propose du café, des boissons rafraîchissantes et des pâtisseries. • O Coqueiro Sur la rue qui monte vers le quartier Riboque, depuis le marché, juste avant la TAG (compagnie aérienne angolaise). On accède à ce restaurant en terrasse par un escalier. Prix équivalents à ceux du Filomar (bon rapport qualité/prix).
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• Bar Lozita Rua de Diu ; tél. 22 28 98. Situé dans une petite rue, perpendiculaire à la Marginal, reliant cette dernière au Parque popular, presque à hauteur du ministère des Finances (un peu avant si l’on vient de la cathédrale). Tenu par un Chinois originaire de Macao, ce bar propose notamment de nombreux et délicieux jus de fruits : mangue, ananas, sap-sap (corossol), cachamanga, confitures de goyaves et d’oranges amères. • Bar-restaurant Sophia Ceita Maison Plê-Museu ; tél. 22 26 00. Situé entre le port et le Musée national, donnant sur la petite plage, on peut notamment y déguster de l’excellent yaourt fait maison. • Le « Conteneur bleu » Sur la Marginal, dans le quartier des pêcheurs, un conteneur a été aménagé en petite salle de restaurant au confort rudimentaire. On y déguste d’excellents plats de poisson, accompagnés de fruta pão, dans un cadre local animé et convivial. • Piratas Rua São Gabriel, au bord de la mer, en direction de Pantufo, tél. 90 45 15. Site agréable et bon rapport qualité/prix, pour prendre l’apéro ou un repas (fruits de mer et cuisine brésilienne). • Estalagem Pantufo À Pantufo, tél. 22 19 41. Voir plus haut. Deux plats du jour, bon rapport qualité/prix, face à la mer.
Bars et discothèques • Cafe e compagnhia Tél. 22 66 22 ; mjpombo@hotmail.com. En centre-ville, place du commerce, face à la station d’essence.
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Tenu par Maria-João Pombo, dynamique Américano-Portugaise, ce bar-cybercafé plein d’ambiance est le point de rencontre de toute la capitale. Un véritable repaire pour touristes et Santoméens ; presse locale à disposition et réponses à toutes vos questions et envies de conversation. Possibilité de se restaurer « sur le pouce » et hébergement occasionnel à l’étage. • Café Jasmin Dans la cour intérieure de la Maison de la culture. Un point de rencontre apprécié, possibilité de se restaurer succinctement. • Sombra da coleira Rua ex-Joa de Deux, sur la route du centre ; tél. 22 18 36. Bien ombragé, en surplomb de la ville. • Minigolf À l’entrée du Parc populaire ; tél. 91 35 61. Tenu par un Français, convivialité et conversations en français, ambiance chaleureuse. • Tropicana Club Sur la route du centre ; tél. 22 53 01. Bar local, cybercafé et boîte de nuit en fin de semaine (à partir du jeudi soir). • Vila Dolores Sur la route du Sud, discothèque à partir du jeudi soir ; tél. 22 19 24.
Sur l’île de Príncipe – Bon standing • Bom Bom Island Resort Tél. 25 11 14 – 25 11 41 ; fax : 25 11 20 ; e-mail : bombom@cstome.net ; site internet : bom-bom.com.
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Bom Bom Island Resort, complexe d’hébergement de 18 chambres, de sports nautiques et de détente, accueille une clientèle internationale. Situé sur la plus jolie côte de l’île, à l’extrémité d’une presqu’île en partie recouverte à marée haute, mis en valeur par un aménagement parfaitement intégré au site naturel, le resort est d’une grande classe, grâce à la beauté romantique et sauvage qui s’en dégage. Les bungalows de matériaux naturels sont en bord de plage ou surplombent la mer. Depuis l’aéroport, on y parvient en jeep par une piste respectueuse de l’environnement. Non sans ressemblance avec Key West, il est la clé du paradis de la pêche au gros. Il dispose d’une flotte de bateaux de pêche et détient des records mondiaux, avec un espadon voilier de 90 kilos et un marlin bleu de 376 kilos au tableau de pêche. Il s’agit le plus souvent de pêche sportive : le poisson est relâché. Il met également à la disposition de ses hôtes tout le matériel nécessaire à la plongée, des planches à voile, des skis nautiques, pneus pour différents jeux, ainsi que des zodiacs individuels pour une exploration des criques où l’on peut passer une journée en Robinson, sur une petite plage déserte dans un cadre naturel d’une beauté exceptionnelle. En bordure de deux plages privées (où viennent pondre les tortues marines), 25 bungalows de forme ronde et bien conçus permettent un hébergement confortable et propice à la détente. Le restaurant et le ponton de départ des activités nautiques sont situés sur l’île de Bom Bom ; on y accède par une longue passerelle de bois aux courbes douces offrant une courte promenade pédestre audessus des eaux. Compter 370 euros par jour et par personne en pension complète, boissons comprises (390 euros face à la mer). La pêche au gros se pratique à la journée ou à la demi-journée. La plongée exploration et découverte des fonds sous-marins en compagnie de deux instructeurs se déroule sur six sites différents, à une profondeur allant de 8 à 24 mètres. Des excursions à pied sont organisées, à la rencontre de la faune et de la flore (compter 10 euros par personne) ; pour une découverte de l’île en 4 X 4 compter 20 euros par personne ; même tarif pour une visite guidée de la ville de Santo Antonio do Príncipe, ou pour la roça de Belo-Monte, le double pour la visite de la roça Sundy ; possibilité d’une demi-journée de ski nautique ou encore d’un
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pique-nique de rêve sur la ravissante petite plage Banana, d’une promenade en karriobé, pirogue des pêcheurs, avec vision des fonds grâce à un simple masque et son tuba. Sont également organisés, à la demande, des visites ornithologiques, la découverte d’un village de pêcheurs, le tour de l’île en bateau, etc. Piscine pour les enfants. Toutes les activités sont accessibles aux personnes extérieures à l’hôtel, selon différentes formules. Les principales cartes de crédit sont acceptées. – Confort moyen • Pension Residencial Palhota Av. Martires da Libertade, en centre-ville de Santo Antonio ; tél. 25 10 60 ; fax : 25 10 79. Petite pension familiale, simple et propre. 6 chambres climatisées, TV satellite, simple : 50 euros, double : 70 euros, petit déjeuner et transfert aéroport inclus. Repas : 12 euros environ, sous une paillote, à l’extérieur. Accueil convivial. – Pour routards • Pension Romar Tél. 25 11 24. Ce petit établissement dispose de 5 chambres non climatisées pour 15 euros/nuit, 2 euros le petit déjeuner. Des repas peuvent être servis, en commandant à l’avance. • Pensão Arca Noé Tél. 25 10 54. Elle dispose de 4 chambres, dont l’une est tout confort ; sans restaurant. – Bed and Breakfast À la roça Belo Monte, Victor et Paula, couple portugais, proposerait une formule « bed and breakfast » (chambre et petit déjeuner), autour de 50 à 100 euros la nuit. Voir sur place.
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À noter Santé : traitement antipaludéen préventif et utilisation de produits répulsifs sont toujours considérés comme indispensables par l’Institut Pasteur (bien que l’incidence du paludisme soit passée de 46 % en 2004 à 6,1 % en 2006, grâce à la coopération taïwanaise, São Tomé se trouve toujours classé en zone III). Rappel : le sida constitue un fléau partout en Afrique ; l’usage de préservatifs est impératif. Vaccinations : antiamarile obligatoire (contre la fièvre jaune, doit être pratiquée au moins dix jours avant le départ) ; contre les hépatites A et B conseillées ; être à jour des vaccinations courantes (tétanos, poliomyélite, typhoïde...). Ne pas boire d’eau non filtrée et/ou bouillie. Rappel : il est strictement interdit d’importer en Europe des objets en écaille de tortue. Heure locale : temps universel (soit -1 ou -2 h / heure française). Indicatif téléphonique : 239 Les tarifs des appels internationaux sont élevés au départ de São Tomé. Représentations santoméennes en Europe : Ambassades de São Tomé et Príncipe : - 2, rua da Julqueira, 13000 Lisbonne ; tél. 351 1 36 38 242 ; - 175, avenue Tervuren, 1150 Bruxelles ; tél. 32 2 734 89 66. Consulats de São Tomé et Príncipe en France : - 42, cours Pierre Puget, 13006 Marseille ; tél. 04 91 33 96 69 ; - 144, boulevard Haussmann, 75008 Paris ; tél. 01 42 56 25 73. Formalités : passeport valable six mois après la date du retour en France, doté obligatoirement d’un visa (s’adresser à l’un des consulats de São Tomé en France). N.B. : Prévoir 20 euros de taxe d’aéroport pour quitter le pays.
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Représentation française à São Tomé : Service de coopération et d’action culturelle (SCAC), Agence consulaire : C.P. 115 São Tomé ; tél. 22 22 66 ; fax : 22 17 92 ; e-mail : embfranca@cstome.net. Compagnies aériennes desservant l’archipel : « TAP - Air Portugal » (depuis Lisbonne, 2 vols directs hebdomadaires) ; « Air France » (de Paris à Libreville) ; « Air Service » (de Libreville à São Tomé et de Lagos à São Tomé) ; « STP Airways » assure pour l’instant la liaison São ToméGuinée-Bissau-Lisbonne et la liaison inter-îles (qui devrait prochainement être assurée par bateau) ; « SCD Aviation » relie São Tomé à Libreville, en desservant Douala et Port-Gentil, au Cameroun. N.B. : Un vol charter reliant Lisbonne à São Tomé devrait être mis en place à partir de l’été 2008 (s’adresser à Turismo de São Tomé e Príncipe, tél. 22 15 42, ou à l’un des grands hôtels sur place). Saisons les plus propices pour un séjour : - de la fin décembre au début de mars (brève saison sèche, ou gravanito, belle luminosité) ; - du début juillet à la fin septembre (saison sèche ou gravana). Agence de voyages : ¾ Voyageurs du monde : tél. 08 92 23 94 94 ; www.vdm.com. ; ¾ Mistral Voyages : • En France : à Marseille : 42, cours Pierre Puget, 13006 Marseille ; tél. 04 91 33 96 69 ; e-mail : mistral@tci.fr ; • Au Gabon : à Libreville : Immeuble Diamant (face CK2) – BP 2 106 ; tél. (241) 76 04 21/22 ; fax : (241) 74 77 80. À PortGentil : Av. Savorgnan de Brazza - BP 597 ; tél. (241) 56 25 25 ; fax : 56 25 93 ; • À São Tomé et Príncipe : Av. Marginal 12 de Julho, 971 – CP 297, São Tomé - RDSTP ; tél. 22 12 46 ou 22 33 44 ; fax : 22 21 42 ; • Adresse électronique : mvoyages@cstome.net ; site internet : www.ecotourisme-gabon.com.
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¾ Navetur-Equatour Shipping and Tourism, Ltd (écotourisme, randonnées de découverte...) : à São Tomé : CP 277, São Tomé, RDSTP. • Site internet : www.navetur-equatour.st ; contact : luisbeirao. navetur@cstome.net ; tél. (00 239) 22 21 22 ; fax : (00 239) 22 17 48 ; CCP 277, São Tomé, STP. ¾ Paradiso-Voyages : 24, av. de la République, 94100 SaintMaur-des-Fossés ; paradiso@vianeo.com ; tél. 01 48 86 17 17 ; fax : 01 48 86 93 33. Des tour-opérateurs français spécialisés proposent cette destination : • Terres d’aventure : tél. 08 25 70 08 25 ; • Chamina Voyages : Naussac-BP 5 F – 48300 Langogne ; contact@chamina-voyages.com ; tél. 04 66 69 00 44 ; fax : 04 66 69 06 09 ; • Club aventure : BP 109-13321, Marseille Cedex 16, tél. 08 26 88 20 80 ; fax : 04 91 09 22 51 ; • Zig-Zag randonnées : 54, rue de Dunkerque, 75009 Paris ; tél. 01 42 85 13 93 (ou 13 18) ; fax : 01 45 26 32 85 ; informations @zigzag-randonnees.com. • Voyageurs du monde : tél. 08 92 23 94 94 ; www.vdm.com. Sites internet : Présentation générale et renseignements pratiques : • www.sao-tome.st. Site officiel du consulat de São Tomé. Très complet (voir liens proposés) ; • www.turismo-stp.org. Site du gouvernement de la RDSTP (voir les liens proposés) ; • www.ecofac.org/composantes/saotomeprincipeobo.htm. Site de l’ECOFAC, sur le parc naturel Ôbo ; • www.jardimbotanico.st. Site du jardin botanique ; • www.jornal.st. Site d’information générale et d’actualité sur les pays lusophones, dont São Tomé et Príncipe ; • www.fatbirder.com/links-geo/africa/sao-tome-principe.html. Site d’ornithologie ; • www.marapa.org ;
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• www.traveldocs.com/st. En anglais, présentation générale et liens vers d’autres sites. Données et analyses spécialisées : • www.uns.st. En anglais, très détaillé sur les activités des Nations unies à São Tomé.
Pour se comprendre
« Da minha língua vê-se o mar. De ma langue, on voit la mer. » Vergílio Ferreira.
Bonjour (Madame, Monsieur) : Bom día (Senhora, Senhor), Boa tarde (après-midi), Boa noite (le soir). Comment allez-vous ? : Como está ? Bien, merci : Bem, obrigado (si vous êtes un homme) obrigada (si vous êtes une femme). À demain matin ! : Até amanhã de manhã ! Je suis français(e) : Sou francês(a). Parlez-vous français ? Je ne parle pas portugais : O Senhor (A Senhora) fala francês ? Não falo português. Comment vous appelez-vous ? : Qual é o seu nome ? Como éque se chama ? Je m’appelle... : Chamo-me... Et vous ? : E o Senhor (a Senhora) ? ou : e você ? (moins formel) Oui, c’est d’accord ; non, je ne suis pas d’accord : Sim, está combinado ; não, não concordou. S’il vous plaît, où se trouve le Musée national ? : Faz o favor de indicar-me onde é o museu nacional. Quelles sont les heures d’ouverture de cette église ? : Quais são as horas de abertura desta igreja ? À quelle heure est le dîner ? : A que hora é o jantar ? Nous allons nous promener sur la Marginal : Vamos passeiar na Marginal. Je voudrais aller à Príncipe : Gostaria de ir ao Príncipe. Nous reviendrons lundi soir ; une autre fois : Voltaremos segundafeira à tarde ; outra vez.
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C’est très cher, très joli, très bien : É muito caro, muito bonito, muito bem. Combien coûte le vol aller et retour ? : Quanto custa o bilhete ida e volta ? Où est le chemin pour la « Bouche de l’Enfer » ? : Onde é o caminho para ir à boca de inferno ? Où est la roça Soledade ? : Onde é a roça Soledade ? Peut-on rencontrer un responsable de cette roça ? : Pode-se encontrar um responsàvel desta roça ? Combien de temps faut-il pour aller à Porto Alegre ? : Quanto tempo se precisa para ir a Porto Alegre ? Je voudrais louer une voiture : Queria alugar um carro. C’est combien par jour ? : Quanto é por día ? Excusez-moi, je n’ai pas compris. Pourriez-vous parler plus lentement, s’il vous plaît ? : Desculpe, não percebi. O senhor (a senhora) poderia falar mais lentamente ? Pensez-vous qu’il va pleuvoir aujourd’hui ? : Pensa que vai chover hoje ? Je voudrais changer de l’argent... Où m’adresser ? : Queria trocar dinheiro. Onde posso informar-me ? Je cherche un bon restaurant : Estou à procura de um bom restaurante. Nous allons prendre une bière, un thé, un verre d’eau minérale gazeuse : Vamos beber uma cerveja, um chá, um copo de água mineral com gaz (ou sem gaz). L’addition, s’il vous plaît ! : A conta, por favor ! Cela fait combien ? : Quanto é ? Où sont les toilettes ? : Onde é a casa de banho, por favor ? Je suis perdu(e). Pouvez-vous m’aider ? : Perdi-me. Pode ajudarme ? Cet endroit me plaît beaucoup : Este sítio agrada-me muito. Comment s’appelle cette plage ? Et ce fleuve ? : Como é que se chama esta praia ? E este rio ? Où peut-on acheter des « roses de porcelaine » ? : Onde é que se pode comprar rosas de porcelana ? Qu’est-ce que c’est ? : O que é isso ?
Bibliographie
Tourisme Voisin Bernadette, Gabon, São Tomé et Príncipe, 2008, éditions Le Petit Fûté. Warne Sophie, Gabon, São Tomé et Príncipe, 2003, éditions BRADT. São Tomé et Príncipe, Guia turistico, 2004, Lisbonne, Lucidus Publicana.
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SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE
Liba Moshé (professeur, ancien ambassadeur d’Israël à São Tomé), Jewish Child Slaves in São Tomé (colloque tenu les 11 et 12 juillet 1995). Loude Jean-Yves, 2007, Coup de théâtre à São Tomé, Actes Sud, coll. « Aventure ». Loureiro João, Postais antigos de S. Tomé e Príncipe (photos de cartes postales anciennes), éditions João Loudeiro, coll. « Memòria portuguesa de Àfrica e do Oriente ». Massa Jean-Michel, 1998, Dictionnaire bilingue : portugais de São Tomé et Príncipe-français, Rennes, CNRS-EDPAL, Université de Haute-Bretagne. Péroncel-Hugoz Jean-Pierre, 2004, Le fil rouge portugais. Voyages à travers les continents, Paris, Petite bibliothèque Payot. Publications (nombreuses) des auteurs santomenses, éditions UNEAS (au local de l’UNEAS, à la Bibliothèque et aux Archives nationales, à l’Institut Camões, sur place). Reis Fernando, 1969, Pôvô Flogà. O Povo brinca. Folclore de São Tomé e Príncipe, São Tomé, Edição da Cãmara municipal. Rougé Jean-Louis, 2004, Dictionnaire étymologique des créoles portugais d’Afrique, Paris, Karthala. Russel G. Hamilton, 1984, Literatura africana. Literatura necessária, tome II, Lisbonne, Instituto nacional do livro e do disco, Biblioteca de estudos africanos. Simon Paul-Émile, Inventaire du patrimoine architectural de São Tomé et Príncipe, sous l’égide du Secrétariat de la Commission nationale de São Tomé et Príncipe. Sousa Tavares Miguel, 2005, Equador, roman traduit aux éditions du Seuil. Soulié Tony, 2004, Le rêve africain (peinture et photographie), préface de Bernard Carayon, éditions Au même titre. Tournadre Michel, 2000, São Tomé et Príncipe (beau livre, photos), Aurillac, éditions Regards. Vaz Francisco (Padre), 1993, Mães de S. Tomé e Príncipe, Lisbonne, Éd. de l’auteur.
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Table des matières
Remerciements ............................................................................. 7 São Tomé et Príncipe en chiffres (encadré) ................................ 9 Introduction : Singularité et charme de l’archipel ...................... 11 Au cœur d’un espace lusophone (encadré) .............................. 26 Faits et dates dans la vie de l’archipel (encadré) ........................ 33
1. Les îles du « milieu du monde » ........................................ 37 Sur la route de l’épopée lusitanienne, d’abord une île, puis une autre .......................................................................... L’aventure du premier peuplement ......................................... Camões, le chantre de l’épopée lusitanienne (encadré) ........... Les XVe et XVIe siècles : le temps des découvertes – Au XIXe siècle : la fin de la traite et de l’esclavage (encadré) .. Première culture de rente et traite des esclaves : São Tomé, auberge de l’équateur .............................................................. Le secret portugais (encadré) .................................................. Le déclin économique ............................................................. Les Angolares (encadré) ......................................................... Café et cacao font renaître l’archipel au XIXe siècle ................. Les dames de l’archipel : Ana de Chaves et Maria Correia (encadré) .................................................................................
37 41 42 44 47 49 50 51 52 57
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2. L’époque contemporaine .................................................... 61 À l’origine du nationalisme santoméen : les événements de février 1953 ............................................................................. Príncipe, une région autonome en quête de moyens (encadré) L’indépendance, suivie de dix ans de « marxisme-léninisme africain » ................................................................................. Un apprentissage de l’économie de marché ............................ L’ennemi commun, aujourd’hui : la pauvreté ......................... Des projets en abondance ........................................................ Une instabilité politique préjudiciable à la dynamique du développement ................................................................... La main-d’œuvre : une question récurrente (encadré) .............
61 62 64 66 67 68 69 73
3. Difficile transition vers le libéralisme économique ......... 77 Près de quarante ans d’indépendance ...................................... Prégnance du secteur primaire et tentatives de diversification Émergence du tourisme ........................................................... Le pétrole, un espoir de recettes substantielles ........................ De la plantation à l’entreprise : les anciennes roças devenues « communautés » .................................................................... Les nouvelles entreprises et microentreprises agricoles, à soutenir d’urgence ................................................................ Un produit d’appel fort pour l’Europe : le chocolat ................ Loin de São Tomé et Príncipe : la fabrication du chocolat (encadré) .................................................................................
78 80 83 85 87 92 95 97
4. Une culture singulière aux sources multiples .................. 101 Le Tchiloli, où l’on retrouve l’empereur Charlemagne ........... À Príncipe, l’Auto da Floripès ................................................ Danses et rites traditionnels ..................................................... Succès croissant de la chanson populaire ................................ Littérature : une affirmation de l’identité santoméenne ...........
101 108 110 116 117
TABLE DES MATIÈRES
Agostinho Neto, le « Léopold Sédar Senghor d’expression portugaise » (encadré) ............................................................. Chante-Coq, une légende inscrite dans la toponymie (encadré) Une expression plastique vigoureuse ...................................... Le programme Bantu (encadré) .............................................. La cuisine traditionnelle d’un pays bantou .............................. « Voir pour croire » : São Tomé au croisement des cultures lusophones ..............................................................................
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5. La découverte d’une architecture plurielle ..................... 145 Sur l’île de São Tomé, au gré de quelques itinéraires .............. – À São Tomé, la capitale ....................................................... La première cathédrale africaine (encadré) ............................. – À l’intérieur de l’île : de São Tomé à São Nicolau ............... – La route du Nord : de São Tomé à Santa Catarina ............... – La route du Sud : de São Tomé à Porto Alegre .................... Sur l’île de Príncipe, où le temps s’est arrêté ........................... – Le merveilleux nous enveloppe ............................................ – Décor d’une vie coloniale fastueuse ..................................... – L’île aux jacas, aux singes et aux perroquets ....................... – Une paix profonde ................................................................ – En parfait état, la maison de maître de la roça la plus fantasque de l’archipel ......................................................... – Une merveilleuse petite plage en forme de banane .............. – La baie des Aiguilles, l’une des plus belles de l’île, et du monde .......................................................................... – Séjour ou visite à Bom Bom Island Resort ...........................
149 149 152 157 164 171 181 182 184 184 185 186 187 188 188
6. Une large gamme de loisirs ................................................ 191 Activités sportives ................................................................... – Randonnées et tourisme rural ............................................... – Quatre chemins et des guides spécialement formés .............. La protection de l’environnement : une priorité nationale. Ôbo, un parc naturel de 300 km² (encadré) .............................
191 191 192 194
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– Pêche au gros et plongée sous-marine .................................. – Natation et surf sur les vagues .............................................. – Tennis .................................................................................. – Bateau ou avion pour un tour ............................................... Repos au rythme de la vie locale .............................................
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7. Votre voyage ......................................................................... 203 Le choix des hôtels et des lieux de restauration ....................... – Sur l’île de São Tomé ........................................................... – Sur l’île des Rolas ................................................................ – Restauration locale ............................................................... – Bars et discothèques ............................................................. – Sur l’île de Príncipe .............................................................. À noter ....................................................................................
203 203 209 213 215 216 219
Pour se comprendre ...................................................................... 223
Bibliographie ................................................................................ 225
ÉDITIONS KARTHALA Collection Méridiens
Les Açores, Christian Rudel L’Afrique du Sud, Georges Lory L’Argentine, Odina Sturzenegger-Benoist L’Azerbaïdjan, Antoine Constant Le Bénin, Philippe David La Biélorussie, Philippe Marchesin La Bolivie, Christian Rudel Le Botswana, Marie Lory Le Burkina Faso, Frédéric Lejeal Le Cambodge, Soizick Crochet Le Congo-Kinshasa, A. Malu-Malu Le Costa Rica, Christian Rudel La Côte d’Ivoire, Philippe David Cuba, Maryse Roux Djibouti, André Laudouze Les Émirats arabes unis, Frauke Heard-Bey L’Équateur, Christian Rudel La Guinée, Muriel Devey Hawaii, Alain Ricard L’Indonésie, Robert Aarsse L’Irak, Pierre Pinta La Libye, Pierre Pinta Malte, Marie Lory La Mauritanie, Muriel Devey Mayotte, Guy Fontaine Le Mexique, Christian Rudel La Mongolie, Jacqueline Thevenet Le Mozambique, Daniel Jouanneau La Nouvelle-Calédonie, Antonio Ralluy Le Portugal, Christian Rudel La Roumanie, Mihaï E. Serban São Tomé et Príncipe, Dominique Gallet Les Seychelles, Jean-Louis Guébourg La Turquie, Jane Hervé Le Vietnam, Joël Luguern
Collection Études littéraires
Aux sources du roman colonial, Seillan J.-M. Coran et Tradition islamique dans la littérature maghrébine, Bourget C. Culture française vue d’ici et d’ailleurs (La), Spear T. C. (éd.) De la Guyane à la diaspora africain, Martin F. et Favre I. De la littérature coloniale à la littérature africaine, János Riesz Dictionnaire littéraire des femmes de langue française, Mackward C. P. Discours de voyages : Afrique-Antilles (Les), Fonkoua R. (éd.) Dynamiques culturelles dans la Caraïbe, Maximin C. Écrivain antillais au miroir de sa littérature (L’), Moudileno L. Écrivain francophone à la croisée des langues (L’), Gauvin L. (éd.) Écrivains afro-antillais à Paris – 1920-1960 (Les), Malela B. Édouard Glissant : un « traité du déparler », Chancé D. Esclave fugitif dans la littérature antillaise (L’), Rochmann M.-C. Essais sur les cultures en contact, Mudimbe-Boyi E. Francophonie et identités culturelles, Albert C. (dir.) Habib Tengour ou l’ancre et la vague, Yelles M. (éd.) Histoire de la littérature négro-africaine, Kesteloot L. Imaginaire de l’archipel (L’), Voisset G. (éd.) Insularité et littérature aux îles du Cap-Vert, Veiga M. (dir.) Littérature africaine et sa critique (La), Mateso L. Littérature africaine moderne au sud du Sahara (La), Coussy D. Littérature et identité créole aux Antilles, Rosello M. Littérature franco-antillaise (La), Antoine R. Littérature ivoirienne (La), Gnaoulé-Oupoh B. Littératures caribéennes comparées, Maximin C. Littératures d’Afrique noire, Ricard A. Littératures de la péninsule indochinoise, Hue B. (dir.) Le métissage dans la littérature des Antilles fr., Maignan-Claverie Ch. Mouloud Feraoun, Elbaz R. et Mathieu-Job M. Nadine Gordimer, Brahimi D. Parades postcoloniales, Moudileno L. Poétique baroque de la Caraïbe, Chancé D. Roman ouest-africain de langue française (Le), Gandonou A. Trilogie caribéenne de Daniel Maximin (La), Chaulet-Achour C.
Collection Les Afriques
Afrique est-elle protectionniste ? (L’), Hibou B. Afrique et le monde des esprits (L’), Haar G. ter Ajustement structurel en Afrique (L’), Duruflé G. Algérie par ses islamistes (L’), Al-Ahnaf M., Botiveau B. et Fregosi F. Assassinat de Lumumba (L’), De Witte L. Cause des armes au Mozambique (La), Geffray C. Chemins de la guerre et de la paix (Les), Marchal R. et Messiant C. Commerce frontalier en Afrique centrale (Le), Benafla K. Côte d’Ivoire, l’année terrible, Vidal C. Défi de l’ethnisme (Le). Rwanda et Burundi (1990-1996), Chrétien J.-P. Démocraties ambiguës en Afrique centrale, Bernault F. Économie camerounaise (L’), Aerts J.J., Cogneau D. Économie sud-africaine au sortir de l’apartheid (L’), Cling J.-P. Effervescence religieuse (L’), Seraphin Gilles Énergie sociale à Abidjan (L’), Le Pape M. Esprit d’entreprise au Cameroun (L’), Warnier J.-P. Ghana, une révolution de bon sens, Chavagneux C. Impossible retour (L’), Walker Clarence E. In Township Tonight !, Coplan D. B. Isolément global. La modernité du village au Togo, Piot Ch. Juge en Côte d’Ivoire, Zorro-Bi E. Longue marche de la modernité africaine (La), Copans J. Mort de Diallo Telli (La), Diallo A. Odyssée Kabila (L’). Trajectoire pour un Congo nouveau ?, Willame J.-C. Patrice Lumumba. La crise congolaise revisitée, Willame J.-C. Peuple du fleuve (Le), Bureau R. Politique par le bas (Le), Bayart J.-F., Mbembé A. et Toulabor C. Prophète de la lagune (Le). Les harristes de Côte-d’Ivoire, Bureau R. Religion de la vie quot. chez des Marocains musulmans, Ferrié J.-N. Sahel au XXIe siècle (Le), Giri J. Sénégal peut-il sortir de la crise ? (Le), Duruflé G. Sénégal sous Abdou Diouf (Le), Diop M.-C. et Diouf M. Sociologie des passions (Côte-d’Ivoire et Rwanda), Vidal C. Sorcellerie et politique, Geschiere Peter Togo sous Eyadéma (Le), Toulabor C. M. Tunisie, le délitement de la cité, Khiari S.
Collection Contes et légendes Au pays des initiés, Gabriel E. Mfomo Chant des Bushmen Xam (Le), Stephen Watson Contes animaux du pays mafa, Godula Kosack Contes diaboliques d’Haïti, Mimi Barthélemy Contes, fables et récits du Sénégal, Lilyan Kesteloot Contes des gens de la montagne (Cameroun), Liliane SorinBarreteau Contes haoussa du Niger, Jacques Pucheu Contes igbo de la Tortue, Françoise Ugochukwu Contes et légendes du Bénin, Mémoires d’Afrique Contes et légendes fang du Gabon (1905), H. Trilles Contes et légendes touaregs du Niger, L. Rivaillé et P.M. Decoudras Contes moundang du Tchad, Madi Tchazabé Louafaya Contes mystérieux du pays mafa, Godula Kosack Contes du nord de la Guinée, Gérard Meyer Contes du pays badiaranké (Guinée), Gérard Meyer Contes du pays des Moose. Burkina Faso, Alain Sissao Contes du pays malinké (Gambie, Guinée, Mali), Gérard Meyer Contes du pays nzakara (Centrafrique), Anne Retel-Laurentin Contes du pays tammari (Bénin), Sylvain Prudhomme Contes peuls du Nord-Cameroun, Dominique Noye Contes du sud du Cameroun, Séverin Cécile Abega Contes tamouls, S. Madanacalliany Contes tshokwé d’Angola, A. Barbosa et M. Cl. Padovani Contes wolof du Baol, J. Copans et Ph. Couty Les dits de la nuit (Sénégal), Marie-Paule Ferry Mythes et Légendes de la Corne de l’Afrique, Christian Bader Les nuits de Zanzibar, Henry Tourneux Récits épiques toucouleurs, Gérard Meyer Soirées au village, Gabriel E. Mfomo Sur les rives du Niger, Kélétigui Mariko
Composition, mise en page : Écriture Paco Service 27, rue des Estuaires - 35140 Saint-Hilaire-des-Landes
Achevé d’imprimer en septembre 2008 sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery 58500 Clamecy Dépôt légal : septembre 2008 Numéro d’impression : 808023 Imprimé en France La Nouvelle Imprimerie Laballery est titulaire du label Imprim’Vert®
L’archipel de São Tomé et Príncipe, situé dans le golfe de Guinée, non loin des côtes gabonaises, fut découvert il y a plus de cinq siècles, en 1471, par des navigateurs portugais. Quinze ans plus tard, les deux îles furent peuplées par des repris de justice et des esclaves, et devinrent « une grande et triste auberge de l’équateur », selon l’expression de l’écrivain santoméen Francisco Tenreiro. Là, les caravelles s’approvisionnaient en eau et en vivres afin de continuer leur course à la recherche de la route des Indes. Une végétation luxuriante, des paysages montagneux, un relief étrange, une architecture d’une richesse exceptionnelle qui, tel un livre, raconte leur histoire, caractérisent ces îles. Pays des roças, dernier vestige d’un système agraire unique, fondé sur la servitude, c’est aussi le pays du Tchiloli qui, de manière inattendue, met en scène l’empereur Charlemagne, en un long plaidoyer pour la justice. Premier producteur de cacao au début du XXe siècle, São Tomé et Príncipe, à présent micro-État dont l’indépendance n’a pas quarante ans, tente de diversifier ses productions agricoles, d’élever le niveau de vie de sa population, tout en multipliant les relations internationales et son offre touristique. De nouvelles ressources financières, liées au gisement pétrolier découvert au seuil du XXIe siècle, devraient favoriser cet effort de développement. Ces îles de l’équateur, où se mélangèrent les origines africaines et portugaises, réceptives aux influences du monde entier, étonnent le voyageur. L’auteur livre ici, sur São Tomé et Príncipe, à la fois une présentation exhaustive de ce pays inconnu de la plupart des Européens et un guide pour ceux qui seraient tentés par une découverte sensible de ces îles, auxquelles l’histoire et la géographie conférèrent une empreinte singulière.
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Dominique Gallet, journaliste et photographe, a connu différents pays en développement. Elle a publié des reportages sur Haïti, conçu et produit un mensuel d’information au Niger.
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ISBN : 978-2-8111-0025-4