Recycl(âges)

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RECYCL(ÂGES) Le phénomène d’expatriation des retraités appliqué à Lomé, Togo

Olivia Jazz Davis Projet de Fin d’études - Juillet 2016



Remerciements

J’adresse mes remerciements à mes professeurs, Olivier Combeau, Frédéric Lefevre, Nicolas Flawizky, Marie-Luce Liacopulos-Bassil, Pierre Vincent et Boris Weliachez, qui ont su guider mon travail, me faire confiance et m’aider à imaginer des solutions à la question de l’expatriation des retraités. Je remercie Léo Legendre et Mathieu Mainoldi, pour leurs conseils avisés sur la rédaction de ce rapport. Je tiens à remercier mes parents Marielle et Mose Davis pour leur soutien tout au long de mes études. Ce projet n’aurait jamais existé sans de riches discussions avec Samantha, Inno et Rudolf Akakpo, qui m’ont accueillie dans leur maison à Lomé, m’ont fait découvrir leur pays, et donné les contacts nécessaires pour mener à bien mon voyage. Ce travail m’a donné l’opportunité de rencontrer Carla Djondo et Noël Gake, que je remercie du temps pris pour répondre à mes nombreuses questions à distance et me faire visiter la capitale. Merci aussi à Assana, Mani, Gbandi, Edem, Elisa, Java, Michel, AJ et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à mon travail et qui n’ont pas pu être cités ici. Par avance, merci à toutes les personnes qui m’aideront à produire les éléments de rendu pour vous présenter mon travail.

Merci, enfin, de l’intérêt que vous porterez à ce projet et à la lecture de ce rapport.




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Introduction: Comment répondre urbainement et architecturalement au phénomène d’expatriation des retraités ? Comment en faire une opportunité de développement non seulement économique, mais aussi sanitaire, culturel et social d’un pays en voie de développement ?

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I - Vieillir La société anti-âge

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1. Le troisième et le quatrième âge a. La retraite b. Le corps et l’esprit c. Autonomie et dépendance

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Annexe: “Vieillir a-t-il un sens ?” par Philippe B. Tristan

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2. “Bien vieillir” a. Le vieillissement actif b. Architectures de l’âge c. La ville pour les séniors

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3. L’expatriation des retraités a. Une nouvelle aventure b. Draguer nos anciens c. Néo-colonisation et excès

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II - Lomé, Togo Un cas d’étude

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1. Potentialités et difficultés a. “Lomé, la belle” b. “Lomé, la poubelle” c. Le “chez”

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2. Une ville de cours et de villas a. Identités européennes et africaines b. La cour: temps, murs et flexibilité c. Variations autour du thème de la cour

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3. La lagune a. État des lieux b. Le site c. Ressources constructives

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III - Recycl(Âges) Repenser les valeurs

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1. Implantation a. Enjeux, acteurs et objectifs b. Phasage c. Points névralgiques

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2. Programme détaillé

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3. Maisons de retraite a. Des envies et besoins variés b. Cours et murs c. Unité Alzeihmer

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Conclusion: “La beauté des choses existe dans l’esprit de celui qui les contemple.” -David Hume

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Bibliographie

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Part des plus de 60 ans de la population française

1 5 situation 2011

1 3 projection 2060

Champ : France mĂŠtropolitaine. // Source : Projections de population 2007-2060, Insee.

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Introduction Comment répondre urbainement et architecturalement au phénomène d’expatriation des retraités ? Comment en faire une opportunité de développement non seulement économique, mais aussi sanitaire, culturel et social d’un pays en voie de développement ? Le monde vieillit rapidement: de 11% en 2006, les effectifs des personnes de 60 ans et plus atteindront 22% de la population mondiale en 2050. Pour la première fois dans l’histoire, les personnes âgées seront plus nombreuses que les enfants (0-14 ans). Les pays en voie de développement vieillissent beaucoup plus vite que les pays développés: dans cinq décennies, un peu plus de 80% des personnes âgées vivront dans les pays en développement, contre 60% en 2005. Le vieillissement de la population est donc un enjeu mondial et le parti pris dans ce projet est d’explorer une de ses facettes qui est le fruit direct de la mondialisation: l’expatriation des retraités. En effet, les migrations du « troisième âge » vers les régions touristiques ont acquis une place nouvelle dans les migrations internationales et ce, plus particulièrement, depuis environ vingt-cinq ans. La mobilité des retraités est directement liée à une nouvelle catégorie d’âge qui se développe depuis la fin de la seconde guerre mondiale : les “Young-Old” - dans sa définition donnée par Bernice Neugarten en 1974 qui introduit dans le même temps le terme de “Old-old”. En effet, l’homme qui jusqu’alors avait trois grandes phases dans sa trajectoire de vie: le matin, le midi et le soir - a maintenant un après-midi qui s’allonge de plus en plus et Peter Laslett théorise quatre phases en 1987: le premier âge: la dépendance et l’immaturité, dédié à la socialisation et l’apprentissage le second âge : l’indépendance, la responsabilité et l’épargne, dédié à l’aquisition de maturité et l’accumulation de biens le troisième âge : dédié à l’accomplissement personnel et au loisir et qui correspond au “young-old” le quatrième âge : la dépendance et la décrépitude qui correspond à la catégorie des “old-old” Une autre mutation majeure de l’époque contemporaine est le passage d’un monde rural à un monde urbain. Depuis 2008, plus d’un humain sur deux vit dans une ville et un septième de la population habite une agglomération urbaine millionnaire. L’urbanisation du monde continue à un rythme fulgurant et c’est dans le sud économique que la croissance urbaine sera la plus impressionante. La vie en ville redéfinit complètement les liens sociaux, affaiblissant le rapport à l’autre au profit de l’anonymat, qui est en quelque sorte la seule manière de ne pas être submergé par

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les stimulations en continu venant de la ville. Les modes de vie urbains ont complètement transformé les structures familiales et donc la vieillesse et le rapport à celle-ci. Le vieillissement démographique et l’urbanisation témoignent de la réussite du développement humain au cours du siècle passé. Mais ils représentent aussi des défis majeurs pour notre siècle. Ces changements dans notre société mondialisée auront des conséquences les uns sur les autres et je souhaitais travailler un thème qui réunisse l’ensemble de mes questionnnements : les IRM ou “International Retirement Migrations” La mondialisation et ses effets, notamment dans l’aspect de la rencontre culturel, a toujours attiré mon intérêt. À ce titre j’ai écrit mon rapport de licence sur “l’Architecture Interculturelle” et suivi le séminaire de Nabil Byhum, Léo Legendre et Caroline Rozenholc “Cultures Globales et Cultures Locales” au semestre 7. C’est certainement pour celà que, plutôt que de traiter le problème des retraités en France ou inversement le vieillissement de la population d’une ville étrangère, je souhaite voir quelle richesse pourrait naître des retraités qui font le choix de l’ailleurs. Dans un premier temps il a fallu étudier de près la vieillesse et surtout ces nouvelles définitions du troisième et du quatrième âges. Cette étude a eu pour but de dégager les caractéristiques dynamiques des personnes âgées pouvant faire levier sur la production de la ville. Les films ont été un support de recherche précieux pour ce PFE, permettant d’imaginer de nouveaux personnages pour raconter une histoire plus moderne des “vieux” avec une soif d’aventure, de nouvelles expériences, de partager, d’entreprendre et d’apprendre. De redéfinir une conception d’un âge qui n’est pas à voir uniquement comme la fin d’une vie. L’étude du terrain choisi à permis, dans un second temps, de dégager le potentiel de la ville pour accueillir une population de retraités active. Les difficultés du pays à gérer ses déchets a fait de la revalorisation, le point de départ pour définir la matérialité du projet. Lomé est une exception sur le continent au regard de son histoire, sa situation transfrontalière et sa situation politique. Les Loméens ont toujours été maîtres, malgré la colonisation, de la fabrication de leur tissu urbain. Cet urbanisme togolais a été une base riche pour l’élaboration du projet urbain.

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I - Vieillir


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La société anti-âge “ La vieillesse est un naufrage. ” -François-René de Chateaubriand L’expression « personne âgée », tout comme le mot « senior », sont des mots destinés à éviter l’utilisation directe des mots « vieux », « vieillard » et « vieillesse », perçus négativement de manière générale. Le langage en dit beaucoup sur le regard d’une société. Le sociologue Serge Guérin montre que les mots sont le signe d’un refus à voir le vieillissement comme une donnée dynamique capable de transformations sociales et culturelles. Ailleurs, les centenaires de l’île d’Okinawa, au Japon, sont considérés par la population comme des trésors. Le poids des années apporte la sagesse et dans beaucoup de sociétés de tradition orale, la personne âgée est celle qui détient les savoirs qu’elle transmet au fil de ses histoires, au compte-gouttes. Aujourd’hui Google répond à toutes nos questions: à quoi bon demander à une grand-mère, sûrement gâteuse, de toute façon. Alors que 22% de la population mondiale aura plus de 60 ans en 2050, voilà ce que notre choix d’une société productiviste nous amène à croire. En France, les plus de soixante ans représenteront plus d’un tiers de la population. Nous créons un monde où la catégorie d’âge majoritaire n’aura plus sa place. Aussi, le vieillissement est inéluctable et les plus chanceux d’entre nous arriveront à vivre assez longtemps pour se faire rejeter. Personnellement, j’aimerais que l’on fasse mieux avant d’y arriver moi aussi. En effet, il y a un sentiment d’exclusion. En France, selon les études, on estime que 16 à 25 % des plus de 70 ans se sentent seuls. Les principales raisons de cet isolement sont la mort du conjoint, l’éloignement des enfants et la perte d’autonomie. Des sentiments dépressifs et une précarité économique peuvent aussi engendrer une impression de solitude. Le point de départ de ce projet est la différenciation entre deux catégories du vieil âge et de s’intéresser plus précisémment au nouveau groupe démographique du troisième âge ou les “young-old”. Le vieillissement de la population implique de repenser des formes architecturales et urbaines conçues pour des sociétés dominées par “les jeunes” et qui sont progressivement dominées par “les vieux”.

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1. Le troisième et le quatrième âge a. La retraite La retraite, suppose au sens propre, se retirer. Le terme en lui même suggère donc aux plus de 60 ans (aux plus de 62 ans dés 2017) de se mettre en retrait de la société, un terme qui revient souvent dans les interviews est “de laisser la place”. Après la révolution de 1848, l’ensemble des fonctionnaires bénéficie d’une retraite. À partir de la loi sur les pensions civiles du 8 juin 1853 : Napoléon III généralise le régime de pension par répartition pour la fonction publique, l’âge normal de la retraite ayant été fixée à 60 ans (55 pour les travaux pénibles). À l’époque, l’espérance de vie était d’à peine plus que 40 ans et les rares qui arrivaient jusqu’à la retraite étaient en fin de vie. L’espérance de vie en France est aujourd’hui de 82,57 ans. Les sexagénaires d’aujourd’hui n’envisagent plus leur retraite comme une période de repos et d’inactivité, mais au contraire comme une occasion de réaliser les rêves et aspirations qu’ils ont nourris tout au long de leur vie active. La durée de la retraite augmentant avec l’espérance de vie, le repos est parfois vécu comme une source d’ennui et de désœuvrement. L’arrêt de l’activité professionnelle amène le retraité à devoir trouver une occupation qui lui permet de rester engagé dans la société, de pouvoir utiliser son expérience voir son expertise et de maintenir le sentiment d’avoir un but et de valoir quelque chose. D’après une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse de 2012, un retraité sur cinq est bénévole ! Les bénévoles « très réguliers » qui constituent en quelque sorte le squelette des associations, sont souvent des retraités. Plus de 50% des responsables associatifs sont des retraités (nécessité de disponibilité de temps pour des responsabilités lourdes et complexes). Ce désir de participer au développement d’une communauté, trouvera dans le projet des lieux d’expression. Si de nombreuses personnes choisissent le bénévolat, 500.000 retraités sur 35 millions choisissent de reprendre une activité, la plupart du temps plutôt par nécessité que par plaisir. En effet, les pensions de retraite ne permettent pas toujours de profiter de son temps libre. 43 % de retraités – soit environ 6 millions de personnes – touchent moins de 1 200 euros par mois. 61% des pensionnés interrogés déclarent que leur retraite ne leur permet pas de “vivre correctement”. Le pourcentage s’élève à 71% chez les 65-74 ans. Ce qui n’est pas étonnant quand l’augmentation de la dépendance oblige à embaucher des aides à domicile ou à déménager dans un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). En France, l’hébergement en maison de retraite revient en moyenne à 1 857 euros par mois au résident - en Ile-de-France, un résident paye en moyenne 2 242 euros par mois et à Paris 4 430 euros mensuels !

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Le Chat, Philippe Geluck

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b. Le corps et l’esprit La perception de l’entrée dans le grand âge a évolué durant le XXe siècle, avec les progrès de la médecine mais aussi l’amélioration de la qualité de vie contribuant à un maintien en bonne santé de plus en plus longtemps. Sur le plan physiologique, la vieillesse se caractérise par le déclin des fonctions organiques puis le vieillissement des tissus et de l’aspect général du corps. Les sens diminuent progressivement et les déplacements du corps deviennent plus pénibles en raison de la déterioration des articulations et de la perte de tonicité des muscles. La vitesse d’un adulte en bonne santé est d’environ 5,3 km/h, celui d’un jeune sénior de plus ou moins 4,8 km/h. Certaines études montrent que la vitesse de déplacement diminue d’environ 15% pour chaque décade au-delà de 70 ans. La vitesse de déplacement est aussi directement liée à sa pénibilité et la densité de commerces et d’équipements à proximité des logements des personnes âgées est primordiale afin de conserver aussi longtemps que possible l’autonomie dans leurs tâches communes et aussi le lien social lié aux différentes habitudes dans des commerces de proximité. Le déclin des capacités physiques affecte la mobilité et donc l’interaction sociale. L’espace des retraités a tendance à se restreindre avec l’augmentation de la dépendance. La diminution de stimulation venant du monde extérieur entraîne une diminution des capacités cognitives. Il y a donc une réelle interdépendance entre la conservation des capacités physiques et psychiques. c. Autonomie et dépendance Lâge chronologique n’est pas toujours le meilleur indicateur des changements qui accompagnent le vieillissement. Il existe d’énormes différences entre l’état de santé et le niveau d’activité et le degré d’indépendance de personnes d’un même âge. Les six groupes iso-ressources (GIR) permettent de classer les personnes en fonction des différents stades de perte d’autonomie. Le classement dans un GIR s’effectue par une équipe médico-sociale à l’aide de différentes variables comme, par exemple, la cohérence, l’orientation, la toilette, la communication. Le classement est un éventail des états de dépendance des plus graves comme le GIR 1 (qui correspond aux personnes confinées au lit, au fauteuil ou dont les fonctions intellectuelles sont gravement altérées et qui nécesssitent une présence constante d’intervenants) au GIR 6 (qui concerne les personnes autonomes dans tous les actes de la vie courante). Le parti pris par rapport au troisième âge est de ne pas les considérer comme des acteurs diminués mais comme des individus dynamiques et intégrés dans la société. Il ne faut cependant pas omettre que ces jeunes retraités en vieillissant risquent de devenir dépendants.

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illustrations de Eve Coston

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Extraits de "Vieillir a-t-il un sens ?" par Philippe B. Tristan pour le compte de l'Institut Régional du Vieillissement de Franche-Comté : « Bon y a des jours que c’est un peu pénible, oui – on court tout le temps après – mais autrement on vit, on revit. Voilà ! Ça nous tient en vie ! Je ne peux pas dire autrement… » -grand-mère retraitée, parlant de ses petits-enfants, 3 :00 « Vous êtes bénévole aux Artisans du Monde ? -Oui, nous vendons pour tous ces pays là qui essaient de… -Oui mais l’idée est venue quand ? Après votre retraite ? En pensant que… -Ah oui ! -En pensant que pour bien vieillir… -J’ai du temps et je veux l’utiliser à bon escient ! -Donc vous pensez-bien vieillir ? Occuper votre temps comme il faut ? -Ah oui ! C’est très important d’occuper son temps de façon utile et intelligente ! » -retraitée, 3 :12 « Vous travaillez encore ? -Oui. -Malgré votre euh… ? -Malgré mon âge. Voilà. Et... malgré ma retraite, parce que je n’ai pas assez pour vivre avec ma retraite. Je suis obligée de travailler un peu à côté. Voilà. Et puis ça me permet de voir du monde. Voilà. De rester jeune. » -vendeuse sur le marché, 3 :41 « Les après-midis je suis dehors, je bouge ! » -jeune retraitée, 4 :21 « Ah non j’les garde pas ! Ils ont leurs parents ! Moi, je garde mon mari ! » -grand-mère, parlant de ses petits enfants, 4 :47 « Vous ne vous ennuyez pas ? -Pas du tout ! -Dites-nous ce que vous faites maintenant ! -Ah bah je ne fais plus rien ! -Rien du tout ? -Non ! ami hors champ : Si, il va danser ! -Oui je vais danser – beaucoup, beaucoup danser ! » -ancien boucher-charcutier, 4 :58 « Je ne me sens pas vieillir. Je n’ai pas l’âge de mes artères ! Je viens d’être seule il y a un an. Je n’ai donc pas appris à vivre seule. C’est très difficile… amie hors champ : Il faut trois ans ! - (…) Je ne voulais pas rester à jusser dans la monotonie. (…) Y a des moments, je me dis, on serait mieux dans l’au-delà… amie hors champ : Oh non ! -Ah bah si. Parce qu’on a vécu des bons moments, pis maintenant on voit que les gens sont indifférents et ça me fait beaucoup, beaucoup mal au cœur. » -retraitée voyageuse récemment veuve, 6 :04

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« La vie elle est déjà au ralenti et puis… J’ai horreur de la retraite ! Parce que je n’ai plus assez d’activités. J’aimais mieux mon travail quand je partais le matin, j’étais bien en forme, toute joyeuse et tout de partir travailler. Là ça me plaisait. Puisqu’on se lève le matin et on a plus rien à faire là… » -jeune retraitée, 7 :52

« Les chinois des différents âge, ils savent qu’est-ce qu’il faut faire, ce qu’il faut apprécier chez l’autre. Les personnes chinoises ne vont pas faire des efforts pour faire semblant d’être physiquement jeunes : ils vont apprécier leur propre beauté à cet âge là. Si on n’est plus joli et sexy comme les jeunes, on peut avoir les autres beautés comme intellectuelle ou… -Donc chaque tranche d’âge à ses propres règles et sa propre beauté ? -Ça rejoint comment on pense la mort : c’est quelque chose d’inévitable donc on adapte chaque phase de vie. » -jeune touriste chinois, 9 :55 « Alors ici c’est la vraie punition. » -enquêtrice en aparté, parlant de la maison de retraite, 13 :50 « À partir de quand vous vous sentez, vous pensez être vieux ? adolescente brune: Et bah à partir de la retraite. Je me dis bah voilà. Ça y est. Ma vie elle commence à être finie. adolescent aux cheveux longs: Et quand on a des petits enfants aussi. Quand ils arrivent, on se dit : Ah bah zut, je suis grand-père ! adolescente noire : Quand je vois mes enfants partir faire leur vie. adolescent blond : Bah, quand on ne peut plus tout faire tout seul. Quand il nous faut de l’aide pour faire des activités ou même se préparer à manger. » -enquêtrice à un groupe d’adolescents, 18 :44 « Vous avez choisi de faire partie d’une association, qu’est-ce que ça dit pour vous ? -Pour moi c’était important à la retraite de continuer à rencontrer des gens et puis de partager des compétences - éventuellement - et donc j’ai choisi d’apprendre le français à des étrangers. Et pour moi c’est vraiment essentiel. -Et la raison pour laquelle vous faites tout ceci ? -Quelques années avant d’être en retraite (…) j’ai trouvé qu’il fallait cultiver ces échanges entre générations et avant de faire ce travail je leur ai demandé {à ses anciens élèves} quelle représentation ils avaient des personnes âgées. Alors parmi les choses positives, (rires) il y avait quelque chose qui m’avait beaucoup frappé ; ils m’avaient dit : «Les personnes âgées, les personnes en retraite c’est celles qui font marcher les associations. » et ils m’avaient dit aussi une autre chose qui m’avait bien marqué, c’était : « Avec nos grands-parents, on peut discuter parce qu’ils prennent le temps de nous écouter. » Alors je me suis dite que c’était un sacré pari à tenir quand je serai en retraite, de faire la même chose et d’essayer de répondre à leurs attentes vis à vis des personnes âgées. Et bien… Bon, c’est une flèche quand même qui va vers la mort mais je crois qu’on peut lui donner le sens qu’on veut si on le décide. Bon je peux dire ça parce que je suis en forme, que j’ai des compétences à partager – mais je crois beaucoup que la vie, le vieillissement, a le sens qu’on lui donne et que c’est important de réfléchir avant d’être en retraite sur ce que l’on veut faire pour lui donner un sens à ce vieillisement. Enfin, mon vieillissement il a le sens qu’à eu ma vie, c’est-à-dire : j’aime les gens, j’aime beaucoup échanger et je trouve que c’est essentiel de discuter avec d’autres pour se connaître, pour trouver des solutions aux problèmes qu’on a et je trouve que c’est toujours plus simple quand on est en réseau avec d’autres gens. » -grand-mère, ancienne enseignante, 19 :30 (sic)

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Série “Golden Years”- Dean Bradshaw

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2. “Bien vieillir” a. Le vieillissement actif “Mens sana in corpore sano” Selon le docteur Pierre Guillet, gérontologue, « bien vieillir » repose sur l’équilibre de cinq piliers : finances, logement, santé, vie sociale, vie intellectuelle. Le vieillissement est influencé par une multitude de facteurs comme la constitution physique, l’environnement social, l’attitude envers la vieillesse et le mode de vie. La manière de vivre d’une personne et sa façon de vieillir peuvent influer sur sa longévité et sur sa santé plus tard dans la vie. De nos jours, la vieillesse est parfois considérée comme un état de fait et non pas comme le résultat d’un développement. Ainsi, certaines politiques urbaines qui traitent de la vieillesse se contentent de fournir des services aux personnes âgées, au lieu de leur donner les moyens de mener une vie active et autonome. Il est temps de changer de paradigme. Vieillir activement a pour but de prolonger l’espérance de vie en bonne santé, car l’inactivité est associé au déclin des capacités mentales et physiques. Ainsi, plus longtemps les personnes âgées restent productives dans la société, et plus elles retardent l’entrée dans la phase de dépendance, plus la charge s’allège pour les travailleurs. L’OMS, dans le rapport Vieillir en restant actif : Cadre d’Orientation, propose la définition suivante du vieillissement actif: “Vieillir en restant actif s’applique à toutes les personnes âgées, individuellement ou collectivement. Un vieillissement actif permet aux personnes âgées de réaliser leur potentiel de bien-être physique, social et mental tout au long de la vie et de s’impliquer dans la société selon leurs besoins, leurs souhaits et leurs capacités, tout en jouissant d’une protection, d’une sécurité et de soins adaptés lorsqu’elles en ont besoin.” Il est important que les personnes âgées restent engagés dans la société: qu’ils mettent à profit leur expertise et maintiennent un sentiment d’utilité, de valeur, de respect de soi. Le vieillissement actif n’est pas encouragé par l’OMS uniquement pour des raisons philanthropiques. Dans les pays développés comme dans les pays en développement, le vieillissement démographique fait naître des interrogations quant à la capacité d’un nombre plus restreint de travailleurs actifs à fournir le soutien économique et social dont a besoin la partie de la population dépendante et âgée. De surcroît, les personnes plus âgées constituent une ressource majeure attendant seulement d’être valorisée. En effet, les personnes plus âgées remplissent des trous que l’état et le marché ne peuvent pas ou ne sont pas disposés à remplir en fournissant une expertise précieuse, des réseaux et des connaissances à beaucoup d’organisations qui ne pourraient pas fonctionner autrement.

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b. Architectures de l’âge Pour les architectes, les établissements médico-sociaux sont un défi particulier. À mi-chemin entre le logement et l’hôpital, ils doivent stimuler le contact social mais offrir de l’intimité, accueillir les chaises roulantes et les lits d’hôpitaux tout en étant confortables et « cosy », et le tout avec des budgets généralement limités. Majoritairement, dans les pays développés, l’idée a été de séparer les générations sous prétexte que le troisième âge n’a pas les mêmes capacités physiques que les jeunes. La réponse institutionnelle, dans l’héritage de Descartes, aux grandes questions de la société comme le vieillissement s’est bornée à identifier le problème et l’isoler (il en va de même pour les fous, les immigrants, les pauvres, les malades…). Aujourd’hui, face à la tristesse générale constatée dans ce type d’établissement, d’autres modèles sont expérimentés: moins isolés et isolants. Les projets évoqués ici sont de ceux qui ont en commun de vouloir intégrer les personnes âgées même physiquement ou mentalement dépendantes à la ville et donc à la vie. Il n’est pas étonnant que ces installations ressemblent moins à des bâtiments qu’à des micro-quartiers. Le Centre Social de Kärdla par l’agence DAGOPEN n’a pas remporté le concours pour cette maison de retraite en Estonie. Cependant, la mixité du programme - maison de retraite, garderie, centre d’animation et logements sociaux - et la volonté de créer des lieux de rencontre centripètes, des “places” malgré une implantation en pleine forêt est intéressante. Chaque cour étant affectée à un programme mais étant desservie par une circulaion commune, ils traitent aussi la notion du “vivre ensemble mais différemment”.

Centre Social, Kärdla, Estonie / DAGOPEN

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Centre pour personnes âgées à Alcabideche, Portugal / Guedes Cruz Arquitectos

Guedez Cruz Arquitectos développent à Alcabidèche une réinterprétation de la vie méditerranéenne. Même si la ressemblance n’est pas frappante, le prétexte créé une variété de rues /ruelles publiques et piétonnes qui permettent à la ville entière de profiter des places végétalisées entretenues à la fois par des jardiniers et les séniors du complex. Ces jardins sont comme une prolongation des habitations et incitent à passer du temps dehors, à être dans l’espace public. Le cas du “Dementia Village” est extrêmement particulier. L’intention a été de recréer une ville pour personnes atteintes démence, des GIR 1 et 2, qui ne peuvent donc pas toujours comprendre ni interagir avec le monde “normal”. Le parti pris des concepteurs a été “s’ils ne peuvent aller à la ville, la ville viendra à eux”. À la différence des deux projets précédents, cet ensemble intègre des équipements (salles de sport et de musique), différents restaurants et commerces (notamment un supermarché où l’on fait la queue pour “payer” mais la caissère ne fait que scanner les articles, il n’y a jamais échange d’argent).

“Dementia Village”, De Hogeweyk, Pays-Bas / Molenaar&Bol&VanDillen Architekten

Le nombre de pensionnaires maximum préconisé pour les Unités Alzeihmer est de 14 personnes. Ainsi 6 unités organisés autour de 6 cours proposent des “lifestyles” différents permettant aux résidents de s’associer autour de goûts communs et recréer une notion de

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voisinage. Cette expérimentation très innovante recréé une sensation de rythme, d’utilité, et de communauté malgré sa fonction première d’institution médicale. Il existe une variété de typologies d’habitats développées pour les séniors de l’adaptation du logement en terme de place, de mobilier et parfois grâce à la domotique, à l’EHPAD, à la maison en résidence avec services, aux Unités Alzeihmer, etc. Cependant ces différents modèles institutionnels sont majoritairement conçus pour le quatrième âge ou pour la transition vers celui-ci, ce qui n’est pas l’unique question de ce projet.

The Villages, Floride

c. La ville pour les séniors L’émergence d’une forte population de séniors a donné naissance à des portions de villle voir des villes entières. Nous pouvons dégager certains points communs entre trois typologies de grande échelle: -les villes pour séniors américaines : Suncity et Youngtown en Arizona, the Villages en Floride et Laguna Woods en Californie -les communautés spontanées de retraités : la Costa Brava et la Costa del Sol en Espagne -le village thématique: Huis Ten Bosch à Sasebo au Japon

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Les similarités entre ces projets permettront de dégager des envies communes de cette catégorie d’âge qui servivront de base de travail. Il est d’abord intéressant de noter la forte homogénéité sociale et générationnelle au sein de ces communautés. Alors que toutes les publications de l’OMS, de la communauté européenne et de ses pays membres communiquent sur l’importance d’intégrer les personnes âgées et leur permettre de continuer à être des contributeurs de la société, une majorité de séniors qui en ont le moyens font le choix de l’isolement. Ou plutôt de se retrouver entre-soi, où ne plus voir la jeunesse des autres ferait oublier sa vieillese. Dans the Villages les moins de 19 ans sont interdits de séjourner plus d’une trentaine de jours dans le complexe et les moins de 50 ans n’ont pas le droit d’y résider à moins d’être mariés à un résident au delà de cet âge. La Costa del Sol en Andalousie abrite le plus grand nombre et la plus forte densité au monde de résidents retraités expatriés venant principalement du Royaume-Uni, d’Allemagne, de France, des Pays-Bas, de la Suède, du Danemark, de la Norvège, et de la Belgique. La tendance y est au regroupement, non seulement en termes d’âge, mais aussi dans des résidences mono-nationales. L’architecture est à mi-chemin entre l’envie de dépaysement et l’envie de se sentir comme à la maison - littéralement - un extérieur de type andalou qui abrite un pub anglais digne des bas-fonds de Liverpool. Ce paradoxe entre l’envie de découvrir le monde et l’envie d’être dans un univers familier est à son comble à Huis Ten Bosch à Sasebo au Japon. L’image ci-dessous donne l’impression d’avoir été prise au Pays-Bas et pourtant il s’agit d’un parc à thème, près de Nagasaki, abritant des répliques échelle 1:1 de bâtiments à Rotterdam, Utrecht, Delft, Amsterdam, Gouda, La

Huis Ten Bosch, Sasebo, Japon

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Hague, Leiden et Heusden. Entièrement construit de 10 millions de briques hollandaises importées, ce parc abrite aussi une communauté de 500 retraités. Huis Ten Bosch met en relief que les migrations internationales des retraités ne sont pas uniquement motivées par la recherche d’un meilleur climat ou l’envie d’augmenter son pouvoir d’achat mais aussi par l’envie sincère d’expérimenter un mode de vie étranger, bien qu’adapté et un tant soit peu édulcoré. Ce complexe pour retraités étaient à l’origine destiné à des écrivains et artistes ayant commercialement réussis et engagés en faveur de l’écologie. La crise de 1989 au Japon a rendu la communauté bien moins sélective. Les activités proposées pour occuper les résidents ont cependant conservé cette orientation créative avec des ateliers de fabrication d’œufs de Fabergé, de plantation de tulipes et de peinture baroque néerlandaise entre autres. Ce parc étonne pour de nombreuses raisons: la principale étant de proposer de vivre dans un environnement thématisé, complet avec parades, faux personnages comme la famille royale néerlandaise et d’animateurs (des étudiants néerlandais en tenues traditionnelles) - comme de vivre dans Disneyland. Il semblerait que cet univers artificiel attire pour son impression de sécurité mais aussi dans son homogénéisation sociale (il n’y a pas de mendiants à Huis Ten Bosch). Le caractère hyperdynamique du parc à thème est aussi cité par les résidents comme un point positif: les activités et parades non seulement occupent mais rythment la journée, le mois, l’année. Enfin, le caractère piétonnier du complexe est aussi fortement apprécié des résidents qui peuvent se déplacer sans inquiétude.

Voiturettes de Golf, The Villages, Floride

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L’on remarque d’ailleurs que le mode de déplacement principal des retraités dans les Villages, sur la Costa del Sol et à Huis Ten Bosch est la marche. Les autres infrastructures dans ces lieux sont conditionnées par cette manière de se déplacer plus lente et moins anxiogène. Dans les Villages et la Costa del Sol c’est la voiturette de golf qui est préférée pour les plus grandes distances. La dimension plus réduite de Huis Ten Bosch permet aux résidents d’effectuer l’ensemble de leurs dépalcements à pied. Le fait que la résidence soit dans un parc à thème qui attire 4,2 millions de visiteurs par an et qu’elle se veut “un modèle de ville écologique du futur” influence aussi les préférences de mobilité des résidents. Ces trois urbanités orientées vers les séniors sont organisées comme des sociétés du loisir qui - grâce à une forte homogénéisation sociale - nient l’autre et - grâce à une forte homogénéisation d’âge - nient la viellesse voire même la mort (il est d’ailleurs d’usage dans les communautés de retraités de retirer les corps des défunts au milieu de la nuit). Il y a aussi des choses très positives que l’on observe à travers ces différents exemples comme la forte implication dans des associations diverses et une véritable attention à la propreté et la qualité environnementale. Le fort dynamisme et un maintien en bonne forme physique y sont aussi remarqués grâce aux nombreuses activités proposées et une forte densité d’équipements sportifs. Le caractère piétonnier de ces lieux fait qu’ils représentent une urbanité à mi-chemin entre la forte densité d’équipements et de commerces et le calme du péri-urbain. À travers l’étude de ces communautés de retraités, on se rend compte du fait que ce sont des produits de marketing dirigés dans la plus pure tradition capitaliste vers un marché bien défini . D’ailleurs, dans les publicités pour ces complexes, ce qui est toujours mis en avant est un “lifestyle”, un unique mode de vie qui est à des années lumières des nuances et variétés des modes vie possibles lorsqu’on ne s’acharne pas à vouloir tout “bien ranger” dans des cases isolées. 3. L’expatriation des retraités a. Une nouvelle aventure Le choix courant de vie des personnes âgées reste de vieillir chez soi, pour des raisons de confort, d’attachement, d’habitude. Cependant, la mutation sociétale qui accompagne le vieillissement de la population donne naissance à de nouveaux comportements. Devenant de plus en plus mobiles, les séniors n’hésitent plus à changer de lieu de résidence pour vivre pleinement leur retraite devenue une période de vie à part entière. Durant les dernières décennies, ces migrations se sont accrues le long des littoraux convoités pour leur cadre de vie agréable et ensoleillé. Les structrures familiales ont changé, les seniors expatriés aussi: ils n’ont plus forcément de liens familiaux ou culturels avec le pays de destination, ils sont tombés sous le charme, sous l’emprise de la beauté des lieux, lors d’un voyage touristique et ils ont décidé d’y vivre. Ou bien un article de presse, un reportage télé , une discussion avec des amis et hop, les seniors ont franchi le cap: partir !

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Cette mobilité, en pleine croissance, ne concerne pas uniquement les jeunes retraités ; elle est depuis quelque temps le fait de retraités très âgés qui migrent parce que les hébergements en structures d’accueil sont moins coûteux que dans leurs régions d’origine. Deux générations de retraités migrants peuvent donc se cotoyer. Les jeunes retraités sont des consommateurs qui favorisent le maintien d’un tissu économique local, le développement des commerces, et des activités de loisirs. Leur installation permet également de relancer le marché immobilier et d’aider à la création d’emplois. Selon une enquête OpinionWay, réalisée pour Mysilverway.fr en 2015, un Français sur trois de plus de 50 ans serait prêt à vivre sa retraite à l’étranger. Nous pouvons donc projeter 7,4 millions de personnes prêtes à tenter l’aventure! Environ 1,3 million de retraités français vivent déjà à l’étranger ! Ils ont généralement choisi de sauter le pas pour les raisons suivantes:

coût de la vie

climat propice

fuir le pessimisme

réaliser ses rêves

Trois grands facteurs ont été identifiés par le gérontologue Russel King afin d’expliquer l’augmentation des migrations internationales des retraités: une familiarité accrue avec les destinations étangères, l’amélioration des transports internationaux, et la réduction des barrières légales et institutionnelles lors d’un déménagement à l’étranger. Le film Là-Haut, sorti par Pixar Studios en 2009, est une poétisation du phénomène d’expatriation des retraités. Elle décrit l’aventure de Carl, vendeurs de ballons ,veuf, qui, plutôt que de voir sa maison rasée par des promoteurs qui essaient de le faire placer en maison de retraite, décide de s’envoler vers l’Amérique du Sud vivre l’aventure qu’il avait rêvé avec sa défunte femme. Les profils des personnes attirées par le départ varient énormément: retraités n’ayant jamais eu le temps de voyager, professeurs poussés à la retraite, personnes à petites pensions voulant vivre décemment, entrepreneurs ayant des difficultés à être considérés en France, séniors ayant simplement envie de profiter du soleil, personnes ayant envie de s’engager dans l’humanitaire, immigrés de première ou de deuxième génération ayant envie de retourner “au pays”... D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2016, l’État français alloue 550€ par mois à 35000 retraités étrangers à très faibles revenus qui résident seuls en résidence sociale ou en foyer de travailleurs pour retourner dans leur pays d’origine. L’expatriation de retraités, c’est tout simplement la globalisation qui tend progressivement à englober de plus en plus de secteurs et d’étapes de la vie.

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b. Draguer nos anciens En 5 ans, le nombre de personnes de plus de 60 ans vivant hors de France a plus que doublé et il augmenterait de 4 % par an en moyenne. Au delà de l’attrait du climat et du voyage, les retraités choisissent parfois de s’expatrier pour des raisons fiscales mises en place par des pays désireux d’attirer ces nouveaux fonds qui relancent les secteurs surtout touristique et immobilier et ceux liés à l’aide à la personne dans un second temps. Certains pays proposent déjà des avantages fiscaux pour attirer les retraités étrangers comme le Maroc, le Portugal, le Sénégal, la Malaisie, l’Indonésie ou des facilités d’accession aux visas comme le Panama. Dans d’autres endroits comme la Floride et l’Arizona aux États-Unis, le Mexique et le Costa Rica les hôtels, restaurants et lieux de loisirs proposent des remises très avantageuses pour les plus de 60 ans. Cette drague ne passe pas uniquement par le portefeuille. Les promoteurs immobiliers de la Costa del Sol en Espagne mettent en avant les valeurs thérapeutiques du soleil. Cet attrait des personnes âgées pour le soleil méditerranéen qui guérirait de tous les maux date des années 1800 lorsque le mal du siècle était la tuberculose et que les médecins préscrivaient des séjours dans le sud de la France. Il est donc rentré dans les esprits que le climat doux et peu humide de la méditerranée faisaient des miracles. Il n’est donc pas étonnant que les séniors se ruent vers la côte d’Azur “réchauffer leurs vieux os”. Une autre méthode utilsée pour attirer les séniors est de construire des équipements qui leurs sont destinés comme les greens de golf. Les promoteurs immobiliers en ont tellement construits à la Costa del Sol qu’elle est aujourd’hui surnommée “la Costa del Golf ”.

Carte des terrains de golf sur la Costa de Sol, Espagne

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Stand du Portugal au Salon des SĂŠniors (7 au 10 Avril 2016), photo personnelle

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c. Néo-colonisation et excès Si les communautés de retraités analysées dans la partie I.2.c. semblent apporter un entière satisfaction à leurs résidents ils présentent certains facteurs qui dérangent. La ségrégation socio-spatiale n’est évidemment pas exclusive aux communautés de retraités. C’est un phénomène qui s’exprime à travers la croissance du nombre de “gated-communities” à travers le monde où la ségrégation s’opère selon des critères de fortune et de “race”. On observe donc une augmentation des techniques de sécurisation voire même de militarisation de l’espace. Au-delà d’un dégoût tout à fait personnel des espaces communs et “libres” millitarisés, ma critique de ces lieux qui nient “l’autre” vient du fait qu’ils crééent des situations politiques dangeureuses et nuisent tout simplement au pacte social. La communauté destinée uniquement aux retraités - une ségrégation qui devient donc économique, “raciale” et générationnnelle déstabilise complètement la structure familiale, la tolérance, l’empathie. De sans cesse vouloir nier la différence n’est donc pas une option de société qui semble “durable” voire même désirable. Pour ce qui est des migrations internationales de retraités cette tendance à l’entre-soi rappelle un autre temps, celui de la colonisation. Ces migrations ne peuvent qu’être une forme de néo-colonisation si elles n’ont que pour seul but de profiter de main d’œuvre moins chère et de climats plus cléments. Les migrations des retraités vers la Costa del Sol évoquées précédemment n’ont pas grand chose à voir avec l’envie de découvrir une autre culture mais plutôt de recréer un petit-(insérer le nom du pays d’origine) au soleil. Cette triple ségrégation (économique, “raciale” et générationnnelle) a pour effet d’exclure la population locale de centaines d’hectares de son sol et - à la manière du ressenti des Bretons envers les Anglais qui viennent racheter les côtes françaises - ne fait qu’exacerber les tensions entre le nord et le sud économique. Les exemples sont nombreux à travers le monde au Méxique, au Maroc, en Tunisie, en Malaisie et en Thaïlande notamment. Alors que le phénomène d’expatriation des retraités pourrait avoir tant de potentiel en tant que nouvelle forme d’échange culturel, voilà qu’il emprunte ses codes au tourisme de masse qui ne montre qu’un ersatz de culture étrangère et où les clubs meds proposent des spaghettis aux quatre coins du globe. L’ensemble des personnes du troisième et du quatrième Âges n’est pas forcément désireux de vivre dans des communautés spécifiques à l’écart des autres. N’ayant pas uniquement envie de rester chez elles non plus il est temps de réfléchir à d’autres manière de vivre les migrations internationales de retraités: d’autres moyens d’intégration, d’autres structures d’accueil. Une autre histoire est à imaginer.

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Vues aériennes de Mexico City, Méxique.

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II-Lomé, Togo


Les rues d’Agoé (banlieue immédiate de Lomé), photo personnelle

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afrique francophone

déconseillés

non-démocratiques

IDH en Afrique

à plus de 6h d’avion

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burkina faso Savanes Capitale: Dapaong Population: 828,224 Densité: 98 hab./km2

bénin

Kara Capitale: Kara Population: 769,940 Densité: 66 hab./km2

Centrale Capitale: Sokodé Population: 617,871 Densité: 46 hab./km2

Plateaux Capitale: Atakpamé Population: 1,375,165 Densité: 81 hab./km2

Maritime Capitale: Lomé Population: 2,599,955 Densité: 430 hab./km2

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ghana


Image satellite de LomĂŠ, Google Earth

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Un cas d’étude À l’occasion du XVIIIème Congrès mondial de gérontologie et de Gériatrie à Rio de Janeiro, en juin 2005, l’OMS a conçu le projet « Villes-amies des aînés » : un rapport qui conseille les villes sur la manière d’adapter leurs structures et services afin que les personnes âgées aux capacités et aux besoins divers puissent y accéder et y avoir leur place. Comme vu au chapitre précédent, des villes à travers le monde cherchent à attirer les retraités qui s’expatrient : la problématique étudiée étant donc applicable n’importe où sur Terre avec un climat clément, la prochaine étape du projet était de choisir une ville. Ce choix relève moins d’une étude comparative des villes adaptées qu’à une envie personnelle de découvrir un continent que je n’avais jamais visité. Ce projet a aussi été l’occasion de découvrir des techniques de construction innovantes à l’œuvre dans la région ainsi que de mettre a profit des connaissances sur l’architecture en terre aquises au cours d’un stage à Santiago du Chili en 2014. Afin de vérifier et compléter les informations difficilement acquises sur un pays peu documenté et de rencontrer le fameux “genius loci” j’y ai entrepris un voyage d’étude en Février 2016, qui a été une étape indispensable, extrêmement enrichissante et décisive dans l’élaboration de ce projet. Le Togo comporte une variété de peuples et de paysages, ce qui contribue à sa potentielle attractivité pour les séniors. Les tours opérateurs déjà basés à Lomé proposent safaris et randonnées afin de découvrir une faune et une flore riches. Le lac Togo, le pic d’Agou, les cascades de Kpalimé, et la ville d’Aného sont quelques-uns des paysages sublimes à découvrir à moins de 2h de voiture depuis Lomé. Les plus téméraires pourront aussi visiter la vallée des Tambermas, au nord du pays dans la région de Kara. Ils y découvriront des petits chateaux forts de terre: les Tatas, uniques en leur genre et classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Les “Tatas”

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Plages de Baguida, à 15 minutes de Lomé en zémidjan (moto-taxi), photo personnelle

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1. Potentialités et difficultés a. “Lomé, la belle” Lomé, la capitale, est située en bord de mer. Autrefois surnommée “Lomé la Belle” ou “Lomé la Cité de Paix”, elle était considérée comme l’une des villes les plus agréables d’Afrique de l’Ouest avec ses plages de sable fin, sa lagune paisible, une végétation luxuriante et surtout sa grande sécurité. L’économie de la capitale de l’ancien protectorat allemand a connu jusqu’à la fin de la décennie 1980, une époque florissante. Grâce à ce climat politique et social, Lomé présente une particularité rare en Afrique : l’absence de ségrégation sociale dans l’espace. Les paysages sont donc peu contrastés et caractérisés par le mélange des types d’habitat. Cette mixité spontanée est une opportunité pour l’intégration des retraités français dans une ville étrangère. Devenue après la première guerre mondiale une colonie française, nous y trouvons aujourd’hui encore de nombreuses boulangeries, du foie gras, du fromage et des saucissons dans les supermarchés, ainsi que des huîtres à Noël. Le climat est équatorial tempéré par l’océan. La chaleur est ainsi stable (entre 25°C et 30°C), sans pointes excessives, et le souffle qui vient de la mer rend Lomé agréable. De plus, la ville jouit d’un micro-climat qui lui permet d’atteindre une faible pluviométrie. Comme la plupart des régions tropicales, Lomé subit tout de même deux saisons de pluies, une petite et une grande. La lourdeur de l’atmosphère est assez pénible dans les semaines qui les précèdent. Le choix du site est donc directement lié à la recherche de fraîcheur pendant ces périodes, primordiale pour le confort et la santé des personnes âgées. Au cours de mon voyage d’étude en Février 2016, j’ai pu remarquer l’atmosphère bien moins pesante à proximité de l’eau: aux bords de la mer et de la lagune. La littoral étant en plein développement, j’ai choisi un site dans la partie remblayée de la lagune qui pourrait, grâce au projet, révéler tout son potentiel. Une autre “belle” chose de Lomé est la relative égalité homme/femmes. Le trait démographique le plus caractéristique de la ville est la prédominance des femmes, fait exceptionnel en Afrique. Les femmes togolaises ont leurs propres logiques migratoires et ne font pas que suivre leurs maris en ville. Elles peuvent être des chefs de ménage à part entière et les commerçantes très riches de tissus, les “nana benz”, ne sont que l’illustration la plus connue de la place de la femme dans le commerce à Lomé. Ainsi les retraités expatriés, dont les femmes sont légèrement majoritaires (52%), peuvent continuer à vivre sans que leur genre soit un obstacle à leur intégration.

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b. “Lomé, la poubelle” C’est le nouveau surnom que lui ont donné les habitants. Les diffcultés de la métropole sont celles de la plupart des villes d’Afrique, mais poussées à l’extrême : le pays a été privé d’aide internationale pendant près de quinze ans, pour sanctionner le régime répressif du président Gnassingbé Eyadéma. Le robinet de l’aide au développement a commencé à se rouvrir en novembre 2007, après des élections législatives jugées satisfaisantes par la communauté internationale. Premier signe de la renaissance, de nombreux ouvriers posent des pavés sur la terre rouge des rues principales. “Le besoin le plus urgent, c’est l’assainissement, estime le maire de Lomé, Lodé Aouissi. Le deuxième, c’est le traitement des déchets. Ensuite, il y a les transports en commun et l’éclairage public.” La gestion des ordures est un véritable fléau des grandes villes africaines, et tout particulièrement à Lomé. Des myriades de sachets plastiques utilisés comme emballage envahissent les paysages urbains Ils représentent l’une des formes de pollution visible la plus prégnante, avec un impact désastreux sur l’environnement, la santé et l’économie touristique. En effet, les sachets plastiques se retrouvent disséminés partout ; jonchant le sol des rues, enfouis dans le sous-sol, encombrant les canalisations d’assainissement, souillant les plages puis emportés par les marées au large. Les conséquences environnementales sont multiples : en bouchant les caniveaux et créant des retenues d’eau, les sachets plastiques occasionnent des dégâts importants au niveau des infrastructures d’assainissement ; en s’accumulant, ils diminuent la capacité d’absorption des sols et contribuent à la gravité des inondations. Par effet de cascade, les sachets plastiques entraînent une pollution des nappes phréatiques et un appauvrissement des sols. Certains problèmes de santé publique découlent de ces conséquences environnementales; la prolifération des moustiques dans les eaux stagnantes favorise la propagation de la malaria, et des maladies telles que le choléra ou la fièvre typhoïde sont générées par l’insalubrité. De plus, quantité d’animaux terrestres et marins sont intoxiqués par l’ingestion des sachets plastiques. Pour ces raisons, la contribution du projet à l’amélioration de la gestion des déchets sera un point majeur de ce travail. Au delà, d’une envie purement humanitaire, la problématique de rendre une ville d’un PMA (pays des moins avancés) attractive pour des retraités européens par un projet architectural et urbain est indissociable de la nécessité de traiter ce genre de grandes faiblesses urbaines. Nettoyer la ville de Lomé est une condition sine qua non pour l’implantation du programme que je propose, et exclure Lomé de mes choix de site pour sa pollution extrême, qui est le lot de la majorité des capitales du monde sous-développé, serait éviter une des questions que j’étudie à travers le projet de fin d’études et que je rappelle ici : Comment faire du phénomène d’expatriation des retraités une opportunité de développement pour une ville du sud économique?

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DĂŠcharge sauvage longeant les rails du site, photo personnelle

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Photo de JoĂŤl Tettamanti

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c. Le “chez” Lomé est une ville dont l’espace urbain a toujours été produit par ses habitants. Les Allemands reconnaissent dés leur installation, allant jusqu’à l’officialiser par un premier cadastre, la propriété du sol aux Loméens, fait quasi unique en Afrique. Ceci pourrait expliquer que la culture de construction et l’attachement extrême à sa maison y soit fermement enraciné. L’achat d’une maison déjà construite y est quasiment impossible. Non pas pour des raisons financières mais parce que la maison familiale a une valeur sacrée qui en interdit la vente. De surcroît le Loméen ne souhaite pas acheter un maison toute faite et préfère bâtir à son rythme son propre “chez”. L’attachement viscéral à sa maison vient du fait quelle est l’expression de la réussite, et le signe nécessaire de l’accession au rang des hommes mûrs. Être propriétaire et bâtir sa propre maison, avoir son “chez” est le souci premier de tous les Loméens. La maison que l’on construira est intégrée dans un plan de vie, sa taille et sont confort étant proportionnels au degré de la réussite. Le “chez” est donc un projet infini auquel on pourra toujours rajouter des pièces, un étage, des terrasess, des jardins.... L’évolutivité de l’espace architectural loméen est une caractéristique intéressante pour à un projet prospectif qui a vocation à se densifier avec le temps et le succès de l’intégration des personnes âgées. Sous l’effet de la “course au chez”, entre 1980 et aujourd’hui, la superficie de l’agglomération a sextuplé alors que la population de Lomé a “seulement” quadruplé. Cette pratique est donc très gourmande en sol dû à la recherche de terrains moins chers toujours plus loins du centre urbain.

1914 1914-1945 1945-1952 1952-1967 1967-1979 1979-1995 1995-2010 51


Marché d’Ahanoukopé, photo personnelle

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2. Une ville de cours et de villas a. Identités européennes et africaines La ville est née au XIXe siècle, elle est coloniale mais d’abord africaine. Le protectorat allemand date de 1884 mais ce n’est qu’en 1897 que l’administration coloniale choisit Lomé comme capitale plutôt qu’Aného. Lomé fut créée lorsqu’un groupe de commerçants d’origines africaines diverses, voulant échapper aux taxes et contrôles douaniers des britanniques, s’installèrent juste en dehors de la Gold Coast anglaise (actuel Ghana). Avant cela le site était occupé par les Éwés, installés là après avoir fui Notsé au XVIe-XVIIe siècle. Il s’agissait d’agriculteurs qui cultivaient les terres riches des plateaux de Tokoin et pêchaient dans la lagune. Ils vivaient à l’écart des différents commerçants - d’autres groupes Éwé puis Minas et Haoussas, puis Anglais, puis Allemands, puis Français. Lomé couvre une superficie de 90 km2. Elle ne peut s’étendre que vers le nord et l’est, « coincée entre la côte et la frontière avec le Ghana. La croissance de la ville est par ailleurs limitée par la vallée marécageuse du Zio au nord-est. Elle est à la fois ville côtière et ville lagunaire. Le centre-ville est situé à l’intérieur du boulevard circulaire mais deux “centres” y sont spatialement dissociés et juxtaposés : l’activité commerciale intense a son secteur à l’est, la vieille ville africaine, et les bâtiments administratifs hauts et modernes ont le leur, l’ancienne ville coloniale.

palais présidentiel

village artisanal

grand marché

stade eyadéma gare ferroviare musée national - palais des congrès ambassade de france

gare routière de cotonou centre culturel américain centre culturel français

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institut goethe

boulevard circulaire


Lomé est une ville basse, les constructions en hauteur ne se rencontrent que dans le centre administratif et se comptent sur les doigts de la main. Le quartier administratif est très aéré, très vert. C’est là que l’on retrouve la plupart des bâtiments coloniaux. Les vérandas à arcades y sont fréquentes et les bâtiments principalement blancs sont entourés de jardins plantés d’arbres hauts et imposants. C’est uniquement dans cette partie de la ville que toutes les rues sont bordées d’un trottoir. Le centre commerçant est dense et animé. Les quartiers centraux, se trouvant à l’intérieur du boulevard circulaire, sont constitués essentiellement d’un bâti ancien qui est un habitat de cour. Les parcelles sont closes de murs aveugles, à l’intérieur les bâtiments d’habitation sont de tailles diverses, sans étage. Le long de ces murs s’installent les commerçants à l’aide de tables et de parasols. Le point névralgique de ce quartier était la halle du Grand Marché qui a pris feu en 2013 mais la foule extrêment dense cherchant à acheter tout des tissus et pagnes, au riz, les produits de beauté, récipients, vêtements, est restée fidèle. Les quartiers péri-centraux sont très étendus et en général considérés comme uniformes : rues non goudronnées à part les axes principaux, densité moyenne. La ville croît sans contrôle des pouvoirs publics et les terrains font souvent l’objet de litiges. Depuis l’indépendance en 1960, seules 5 zones de la ville ont fait l’objet d’une planification: l’aéroport, le port autonome, l’université de Lomé, la réserve des Forces Armées togolaises (FAT) et Lomé II. Lomé II est une opération immobilière crée par l’ancien dictateur Gnassingbé Eyadéma. Il s’agissait d’une “gated community” censée attirer de riches étrangers au moment ou le restant de la capitale tombait en ruine. Lomé II voulait devenir un vitrine de la capitale et avait l’avantage d’avoir de larges avenues ombragées, des rues bitumées et surtout entretenues. L’opération s’est cependant soldée par un échec et on y trouve seulement la résidence présidentielle, d’autres villas de hauts fonctionnaires, et deux ambassades. Lomé est constitué du mélange de deux types d’habitat que je décrirais en détai: la cour et la villa. La villa est un habitat d’origine européenne. Habitat importé, il n’en est pas moins devenu aujourd’hui un idéal citadin parfaitement intégré. Elle est signe de richesse - même si tous les riches Loméens n’habitent pas dans une villa. La bourgeoisie traditionnelle éwé par exemple habite dans de vastes cours familiales. La villa n’est donc pas un indicateur de catégorie sociale 100% fiable. Ce qui distingue les habitats riches des habitats pauvres sont les espaces extérieurs. La villa est habituellement de couleur blanche et entourée d’un jardin d’espèces décoratives soigneusement entretenues par un jardinier à temps plein. Ce jardin s’oppose à l’espace non bâti de l’habitat populaire car il est ornemental et non utilitaire. Dans la cour traditionnelle loméenne nous trouvons des cocotiers, des manguiers, des bananiers et une variété d’autres espèces qui donnent des fruits qui pourront être consommés ou vendus. À l’inverse, les jardins de l’habitat bourgeois rassemblent des palmiers royaux, flamboyants, hibiscus, bougainvillées et arbres du voyageurs... L’espace central de la maison cour sert aussi d’espace de réunion et de cuisine. À l’abri des regards du visiteur, la villa a elle aussi un espace extérieur dédiée à la cuisine.

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lagune réserve des FAT

campus universitaire ville coloniale

Lomé II

aéroport international

premières villes africaines

Cuisine togolaise

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port autonome


Espèces d’arbres fruitiers et plantes tuberculeuses communes à Lomé: Bananier Cocotier Manguier Palmier à huile Avocatier Manioc Igname

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On peut remarquer les fondations d’un bâtiment prévu mais jamais terminé ainsi que l’ensemble des arbres fruitiers qui nourrissent la famille au fil des saisons et sont également la base d’un petit commerce. Cour loméenne typique, photo personnelle

40 m

30 m

20 m

10 m

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b. La cour: temps, murs et flexibilité Le premier acte du propriétaire batisseur est la construction d’un mur de clôture en terre ou en parpaings autour de sa parcelle. Il s’agit d’abord d’affirmer ses droits sur la parcelle (le foncier étant assez litigieux à Lomé). La construction du mur est aussi considérée comme une mise en valeur en soi afin de démontrer sa progression vers l’obtention du “chez”. Enfin la construction du mur permet de stocker les matériaux sur la parcelle avec moins de risques de se faire voler. Ces nombreux lots vides, surtout dans la zone péri-urbaine créé des paysages inachevés caractéristiques de l’urbain en devenir à Lomé. Après la construction du mur de cloture il y a en général un arrêt des travaux de trois ans en moyenne d’après une enquête de l’Association pour la recherche et le développement en urbanisme (ARDU) et de l’École africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (EAMAU). Cet arrêt est dû au fait que la majorité des chantiers sont financés par une épargne personnelle - le recours au prêt bancaire étant impossible pour la grande majorité des Loméens. La construction du mur épuise les économies du propriétaire. Le plan de la maison est réalisé par un dessinateur ou le propriétaire lui-même. Pour la construction de sa maison, le propriétaire est prêt à consacrer des heures chaque semaine au suivi des travaux afin de voir son projet respecté. Le plan correspond à ses désirs et a été longuement mûri. “Un loméen propriétaire dans un quartier périphérique fait visiter sa parcelle, qui ne contient que deux pièces construites à la hâte, en décrivant au fur et à mesure le plan de la future maison, la disposition des pièces et leur destination: pour lui cette maison dont il rêve est déjà inscrite dans l’espace. (...) La construction est prévue à très long terme, intégrant un enrichissement futur puisqu’on prévoit à l’avance que certaines constructions seront détruites ou englobées dans un bâtiment plus vaste. Souvent le proriétaire a prévu des travaux sur plus de dix ans et il n’envisage les premiers bâtiments construits que comme une étape.” -Philippe Gervais-Lambony, De Lomé à Harare, Le fait citadin, p. 169 Il est amusant de noter que parfois l’étalement des travaux est volontaire, afin de servir d’alibi pour refuser de redistibuer de l’argent aux membres de la famille élargie qui viennent réclamer. La construction d’une maison désigne les propriétaires comme riches et ayant réussi. Ils sont satisfaits de cette image mais beaucoup moins de son corollaire qui sont les demandes d’aides financières, d’hébergement plus ou moins longs et d’appuis dans la recherche d’emploi. Le temps est donc un des grands facteurs du bâtir loméen. Les citadins essaient de bâtir rapidement de quoi loger leurs familles et éventuellement des locataires, ensuite ils s’arrêtent pour un temps, mais cet arrêt n’est jamais définitif car une maison n’est jamais achevée. Elle évolue en même temps que la famille, est modifiée lors des héritages, s’aggrandit et se décore en cas de réussite financière. La maison loméenne est évolutive par définition, sa modification perpétuelle fait partie des manières d’habiter.

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Homme et ses pavĂŠs en attente, photo personnelle

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Mise en valeur des murs d’enceinte et constructions, Image satellite, Google Earth

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Axonométries des maisons de madame A et des messieurs V et D fabriquées à partir du livre De Lomé à Harare: Le fait citadin de Philippe Gervais-Lambony

Madame A: cour poly-familiale

Monsieur V: cour locative juxtaposée à la maison-cour du propriétaire

c. Variations autour du thème de la cour Si la cour est traditionnellement rectangulaire et unifamiliale elle s’est hybridée à la fois au contact des formes coloniales et en réaction à l’exode rural et la pression foncière. Madame A partage sa maison avec son frère, sa sœur et leurs familles respectives. Chacun possède sa maison et l’espace extérieur qui l’entoure. Seule la maison qu’ils ont hérité de leurs parents est contre le mur comme dans la typologie conventionnelle. Monsieur V loue 22 habitations d’une ou deux pièces. Les locataires se partagent une vaste cour mais en réalité n’occupent qu’un espace dans un rayon très proche du pas de leur porte - les enfants étant les seuls à oser réellement s’approprier le centre de la cour. Les locataires partagent un lieu pour étendre le linge, un coin cuisine et un puits. La parcelle de Monsieur D a été spécialement aménagé pour attirer des classes moyennes. Elle est à mi-chemin entre l’habitat de cour et la villa. Ce type de cour ou la vie en commun est réduite au minimum correspond bien aux désirs de la classe moyenne occidentalisée qui rejette un type d’habitat fondé sur la vie en commun dans un espace partagé.

Monsieur D: hybride cour-villa pour classes moyennes

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Vue de la partie nord du site depuis les rails, photo personnelle

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site

lac Ouest

plateau de Tokoin

Grand canal

village de Bé

lac Est

lac de Bé

canal de Bé

3. La lagune a. État des lieux La partie la plus ancienne de la Lomé est le village de Bé. C’est à cet endroit que des pêcheurs s’étaient installés afin d’éviter le littoral qui était le lieu de prédilection pour enlever des personnes pour la traite d’esclaves. Ils cultivaient aussi des terres sur le plateau de Tokoin. La lagune est donc le cœur originel la ville. Les lagunes font partie d’un ensemble lagunaire complexe et très vaste qui se prolonge sur une bonne partie du Golfe de Guinée. Ce sont des étendues d’eau saumâtre ou douce, séparée du milieu marin par un cordon littoral d’environ 2 km de large. Cette zone lagunaire divise la ville de Lomé en deux parties : la ville basse située sur le cordon littoral au sud et la ville haute située sur le plateau de Tokoin.

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Le système lacustre est composé d’Est en Ouest par le canal de Bè qui s’étend sur environ 1,2 km, le Lac de Bè qui couvre une superficie de 31 ha, le Lac Est d’une étendue de 29 ha, le Grand Canal long de 2,6 km et le lac Ouest d’environ 20 ha. Les plans d’eau du Lac Ouest et Est, sont couverts par endroits de plantes envahissantes comme les jacinthes d’eau. Cette frange lagunaire possède un potentiel paysager incroyable mais est malheureusement jonchée de dépotoirs sauvages. La lagune de Lomé est un interstice urbain central. Elle a longtemps posé problème: il y avait 175 hectares de terrains marécageux dans la ville, les moustiques y pullulaient propageant le paludisme et les quartiers limitrophes étaient inondés à chaque saison des pluies. Entre 1974 et 1979 des travaux d’assainissement ont consisté en l’aménagement des lacs et canaux et le comblement de certaines parties de la lagune afin d’empêcher la stagnation de l’eau. De nouveaux travaux d’assainissement réalisés en 2009 et en 2014 sont venus à bout des problèmes d’inondation de la partie comblée de la lagune entre les lacs Ouest et Est c’est donc à cet endroit que j’ai décidé de m’implanter.

Le Lac Est bordé de cocotiers, de palmiers et de manguiers, photo personnelle

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Centre Hospitalier Sylviano Olympus

Plateau de Tokoin

300

Lac Ouest

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m


Marché d’Ahanoukopé

315 440

m

30 ha

840

m

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m


b. Le site Le site choisi est délimité à l’est par le marché aux fruits tropicaux d’Ahanoukopé, au sud par le Grand Canal, à l’ouest par le Lac Ouest et au Nord par des lotissements. Actuellement, l’endroit est cultivé par des maraîchers qui produisent bananes, mangues, noix de palme, maniocs et ignames à l’ouest du chemin de fer qui traverse le site. À l’est des rails est un dépotoir sauvage majoritairement composé de sacs et autres emballages plastiques, cartons et tailles de plantes. Une entreprise de stockage de marchandises est localisée à l’extême ouest du site. Elle ne sera pas détruite, ne produisant ni odeur ni suffisamment de bruit pour gêner l’implantation du projet.

Vue de l’intersection du rail et du Grand Canal, photo personnelle

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Vue du site vers le marché d’Ahanoukopé depuis les rails, photo personnelle

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Vue de la partie sud du site depuis les rails, photo personnelle

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Montage photo des matériaux locaux et leurs utilisations à partir d’images personnelles ou trouvées sur Internet

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c. Ressources constructives Intégrer une problématique d’utilisation des matériaux locaux semble relever du bon sens pour des raisons écologiques et de participation à l’économie locale, mais aussi, dans ce cas pour intégrer le nettoyage du site à la démarche constructive, car le matériau local présent en plus grande quantité sur le site sont les déchets plastiques. Ces plastiques mous seront exploités de quatre manières différentes: -fondus et moulés en briques multicolores -fondus et mélangés à du sable ce qui produit après moulage des pavés de voirie ou de briques grises ou noires -bourrés dans des bouteilles en plastique, empilées et enduites -en substition ou complément à l’agrégat dans le béton Ces techniques de revalorisation des déchets plastiques sont déjà utilisées à travers le monde et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest (mise à part les briques multicolores qui ne sont utilisées qu’en Inde pour le moment). Une autre ressource propre au site sont les jacinthes d’eau, espèce végétale envahissante qui doit régulièrement être extraite des canaux et lacs dans Lomé, car elles étouffent l’écosystème de la lagune. Les jacinthes d’eau sont utilisés en Indonésie pour faire du mobiler une fois séchées et tressées et seront utilisées pour des parements de façade dans le projet. Ces tressages ont l’avantage de laisser passer l’air mais pas les oiseaux, chats et lézards et protègeront les vides laissés pour rafraîchir la sous-face des toits. Dans les années 1960, lorsque le Togo devient un gros exportateur de clinker, le parpaing devient le matériau de construction prédominant à Lomé et l’emporte sur la brique d’argile extraite des carrières creusées sur le rebord du plateau de Tokoin. La terre est un matériaux avec une forte inertie thermique qui sera utilisée à travers le projet afin de garder la fraicheur dans les habitations. S’il n’est pas le plus écologique des matériaux, le béton confectionné avec du clinker togolais, du sable extrait de la lagune dans le cadre de travaux pour augmenter sa capacité de rétention (l’eau est saumâtre donc le sable est adéquat pour la confection de béton et de verre) reste une ressource constructive locale et bon marché. Dernièrement, les bambous sont encore peu utilisés en Afrique. Ceci n’est pas dû aux qualités technologiques des espèces de bambous qui y poussent, qui sont bonnes - mais d’un manque de tradition locale et de technique pour leur utilisation. Les espèces répandues dans la région Maritime au Togo sont Bambusa Vulgaris et Oxytenanthera Abyssinica. Elles fournissent un bon matériau de construction de murs, charpentes, pallissades et sols moyennant un traitement de protection pour des utilisations de longue durée. Les fibres de ces bambous peuvent également servir à la fabrication de cordes et pour la vannerie. Deux équipes à Singapour et Zurich étudient même la possibilité de remplacer les ferraillages dans le béton armé par du bambou.

Photo de Dirk E. Hebel, École polytechnique fédérale de Zurich / Future Cities Laboratory Singapour

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III- Recyclages


Recherches, croquis personnel

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Montage photo d’ambiance dans une cour agricole, document personnel

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Repenser les valeurs Un article paru le 25 mars 2016 sur silvereco.fr affirme que: “Les seniors expatriés retraités sont de plus en plus nombreux à s’impliquer localement, en s’engageant aux cotés d’ONG ou en créant leurs propres associations-fondations. Les retraités représenteraient 5 % des volontaires missionnés sur le terrain par les ONG pour des missions allant de 3 mois à 2 ans. Mécénat de compétence, aides logistiques, enseignement, soutien scolaire, assistance médicale…, nombreux sont donc les domaines dans lesquels les seniors s’investissent de plus en plus à l’étranger. Leur motivation principale : se rendre utile pour l’autre dès lors qu’ils sont en bonne santé, dégagés des contraintes professionnelles tout en profitant de l’opportunité de découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles cultures.” Il existe donc une possibilté de faire autrement que les installations étudiées précédemment - d’intégrer des séniors engagés dans une ville - dés lors que l’on cesse de regarder le troisième âge comme une masse, une part de marché à qui vendre un mode de vie spécifique et que l’on commence à voir des êtres humains concernés par la mixité et la participation. Ce projet veut reconnaître les identités complexes de retraités et le potentiel du site choisi, grâce à de nombreuses problématiques complémentaires : - reconnaître les multiples capacités et ressources des aînés -favoriser la participation et la contribution des aînés dans tous les domaines de la vie locale -intégrer progressivement des personnes âgées françaises dans la communauté -mettre en valeur un nouvel axe paysager -permettre le “vieillissement actif ” à Lomé -introduire la notion de tri des déchets grâce à l’utilisation du déchet plastique dans la construction -rechercher de nouvelles manières de réemployer le déchet plastique -cohabiter avec l’agroforesterie urbaine déjà en place sur le site -faciliter la mixité culturelle et générationnelle -construire dans le respect des formes et des traditions togolaises -reconnaître la richesse de la culture animiste locale en l’intégrant à la recherche pharmaceutique -introduire la notion de gériatrie par un lieu de formation et de soins -soigner le rapport à l’eau du site qui est dans la zone lagunaire de Lomé

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Cinkassé

Boucle ferroviaire, arrêt sur images d’une vidéo du groupe Bolloré Transport & Logistics, youtube.com

Wagons de la Blueline lors de l’inauguration de la gare de Lomé, togo2030.com

Port Autonome de Lomé, site de l’Alliance pour la promotion du Port de Lomé, a2pl.org

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1. Implantation a. Enjeux, acteurs et objectifs L’enjeu du projet est double: à la fois le développement de la capitale togolaise dans une démarche soutenable et l’invention d’un lieu pour une population vieillissante à la recherche de nouveaux horizons. Les domaines principaux à développer sont communs aux deux thématiques : l’amélioration des infrastructures, de l’assainissement, de la gestion des déchets et du système de santé. Les personnes âgées seront des acteurs à part entière de ce renouveau urbain. L’agence française du développement (AFD) a déjà participé au financement de plusieurs projets visant à l’amélioration du système de santé, de la gestion des déchets, et l’accès à l’éducation à hauteur d’environ 157 millions d’euros depuis 2008. En 2014, le Togo est parvenu à mobiliser 516 millions de dollars de l’aide publique au développement (APD), soit une hausse de 26,04% par rapport à l’année précédente. Les prêts représentent 54,39% et les dons 45,61%. Les appuis proviennent de la coopération bilatérale et multilatérale, des organisations internationales, des ONG et autres fondations. Parmi les donateurs traditionnels, on retrouve l’Union européenne, le Système des Nations Unies (SNU), la Banque mondiale, la Banque Ouest-Africaine du Développement (BOAD) et la Chine. Plusieurs associations locales sont également actives sur la question de l’amélioration de la gestion des déchets d’une manière moins conventionnelle que le financement de nouveaux sites d’enfouissement. L’association “les pavés de Lomé” fabriquent, à partir de sacs plastiques ramassés à travers la ville et du sable, des pavés qui servent pour le pavage des routes (grâce au procédé CERVALD déjà utilisé dans de nombreux pays voisins comme le Burkina Faso, le Mali et le Bénin). Les associations française EtcTerra et togolaise ENPRO en partenariat avec la Commune de Lomé mettent en œuvre une collecte de déchets dans le cinquième arrondissement de Lomé qu’ils transforment en briques plastiques déstinées à la construction de latrines publiques et en compost. Ils mettent à disposition de 250 agriculteurs péri-urbains un engrais organique de qualité. L’approche de ces organisations montrent qu’en s’éloignant des solutions “classiques” on peut résoudre plusieurs problèmes à la fois en créant de l’emploi et en s’intégrant dans une démarche de développement soutenable. L’implication des personnes âgées dans la partie administrative de ces associations doperait leur développement. Pour ce qui est de l’amélioration de la qualité de l’éducation au Togo, les séniors pourront combler une partie du déficit de professeurs ou de formateurs au niveau adulte dans tous les domaines allant de la lecture, l’écriture, les sciences, à l’apprentissage de techniques artisanales ou à des formations informatiques de base. Un autre acteur est à souligner dans le développement des infrastructures, de l’énergie verte et des réseaux de télécommunications: le Groupe Bolloré. Ils construisent actuellement une boucle ferroviaire reliant la Côte d’Ivoire au Togo en passant par le Burkina Faso, le Niger et le Bénin qui s’étalera sur plus de 2700 km. À proximité des rails ils créent, grâce à des panneaux photovoltaïques, des zones alimentées en électricité stockée dans des conteneurs de batteries

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LMP (lithium métal polymère), créeant des espaces diffusant lumière et un signale Wi-Fi: les Bluezones. Une Bluezone a déjà été créé à Lomé dans le quartier de Cacavéli. Ces nouveaux espaces permettent le développement d’activités économiques, culturelles et sportives. Le site choisi pour le projet étant traversé par les rails du groupe Bolloré, une nouvelle Bluezone sera dessinée. Les différentes actions déjà entreprises par des organismes gouvernementaux, organismes associatifs et les entreprises privés seront catalysés par l’implication des personnes âgées dans cette communauté et pérennisés grâce à l’apport économique non négligeable que représentent ces expatriés. En effet, la pension de retraite moyenne d’un français est de 1 300 € alors que le salaire moyen togolais est de moins de 50€. b. Phasage Actuellement, il y a plusieurs obstacles à l’attractivité de Lomé en tant que destination privilégiée par les retraités européens en quête d’une retraite disons “durable” - qui pourrait être à la mode dans un futur où l’offre pour les retraités du troisième âge serait plus diversifiée qu’aujourd’hui. Les principaux freins à un départ à l’étranger sont les suivants par ordre d’importance:

être loin de sa famille

peur d’un système de santé moins bon

être loin de ses amis

le mal du pays

complexité de l’installation

Inscrire le projet dans le temps permet non seulement de résoudre un à un les obstacles à un emménagement à Lomé mais aussi de permettre à la population locale de s’approprier ce programme et s’accoutumer à l’arrivée de nouveaux voisins “uovo” (le terme togolais pour désigner les européens). La première étape est d’ordre sanitaire. Les hôpitaux togolais sont dans une situation alarmante d’abandon par le gouvernement, comme en témoignent les grèves à répétition. Les médecins, infirmiers et étudiants se plaignent du manque d’effectifs et de moyens. Le budget de la santé demeure modeste face aux besoins, mais il est en constante augmentation. Les standards des hopitaux togolais publics et même des cliniques privées sont insuffisants face à ceux qu’éxigeront les retraités français. À titre de comparaison, la population de Lomé équivaut à environ un tiers de la population de Paris mais, alors que l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris représente 39 hopitaux et plus de 95 000 professionnels au service des patients, les trois seuls centres hospitaliers publics à Lomé sont : le CHU Sylviano Olympus (1138 lits, 1400 employés), le CHU Lome Commune (150 lits, 125 employés) et le CHU Campus (120 lits, 100 employés), c’est-à-dire 58 fois moins de professionnels de la santé qu’à Paris.

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équipements attractifs Afin de pousser à sauter le pas, sont proposés des installations supérieures à la plupart des EHPAD de la métropôle. La piscine est aussi un nouvel équipement pour le quartier en dehors des horaires de thérapie rééducative.

spéciaLisation en gériatrie La formation est un volet essentiel du projet afin de pouvoir employer un personnel de qualité localement. La gériatrie n’est pas une spécialité médicale actuellement enseignée au Togo.

infrastructures adaptées Rénovation, dans un rayon d’environ 900 mètres, des routes et connexion les futurs parcelles où s’installeront des retraités au nouveau quartier.

rencontres intercuLtureLLes Créer un nouveau rapport au “uovo” non-dominant grâce à la prise en compte de la médecine traditionnelle togolaise dans le centre de recherche et à un premier contact avec les volontaires français venus nettoyer le site.

conditions sanitaires Cette première étape est essentielle pour que le projet soit même envisageable. Dans un premier temps le plastique utilisé pour construire briques et pavés proviendra du site mais progressivement s’installera une dynamique de tri et une économie informelle autour de la collecte de sacs plastiques et autres déchets qui seront rachetés par le centre. L’hopital sera construit aux normes européennes.

Les espaces se déveLoppent par consteLLation autour de ces pôLes fondamentaux.

Axonométrie du site, document personnel

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Cette première étape doit aussi traiter de la gestion des déchets qui, comme expliqué précédemment, sont bien plus que de la pollution visuelle. Dans un premier temps le centre de tri des déchets n’est guère plus qu’un endroit pour peser et laver les plastiques, un chaudron pour faire fondre les sacs et les mélanger au sable, une table pour mouler les différents pavés, et un endroit pour stocker les pavés ou briques à l’abri des voleurs. Des volontaires d’associations locales et étrangères travaillent au néttoyage du site et grâce aux briques fabriquées construisent un centre de revalorisation des déchets qui introduira des pratiques de tri et de recyclage. L’arrivée de volontaires étrangers sert aussi à la deuxième phase qui est le rapprochement entre deux cultures étrangères. Ils seront logés chez l’habitant afin de créer un premier contact avec les personnes qui pourraient accueillir une cellule dans leur cour destinée à un retraité européen par la suite. Le pôle de recherche en médecines alternatives vient aussi mettre en contact chercheurs et “sorciers” locaux et ouvrir un dialogue autour de la santé. Dans un troisième temps les infrastructures doivent être adaptées à la déambulation d’une population âgée. Actuellement les rues n’ont ni trottoirs ni revêtement goudronné à part celles longeant les côtés est et ouest du site. La rénovation des rues à proximité du site a plusieurs objectifs: sécuriser les cheminements piétons, améliorer les réseaux électriques et internet au moins jusqu’aux cellules intégrées dans le parcellaire existant, stabiliser le revêtement de sol afin que le quartier ne soit pas paralysé pendant les saisons de pluie (les rues de terre battue deviennent boueuses) et rendre les voieris perméables à l’eau pour supprimer le ruisselement vers le site. Le revêtement innovant “Topmix perméable” développé par Lafarge-Tarmac permet d’absorber jusqu’à 1000 L/m2/min d’eau et est un moyen efficace de lutter contre l’imperméabilisation des sols en ville dans les régions du monde où il ne gèle pas. pavage perméable

sol naturel perméable sable

membrane géotextile Topmix Perméable

gravats

Schéma de mise en œuvre du Topmix perméable, lafargetarmac.com

Ces trois premières étapes sont des phases qui préparent l’arrivée des retraités. Cette “viabilisation” du terrain s’étale sur une période d’environ 7 ans (fabriquer les pavés pour recouvrir environ 30 km de rues de 6m de large en moyenne prend plus de 4 ans pour une équipe de 50 personnes). Les années passant, l’hôpital aura aquis une réputation suffisante pour que les retraités puissent avoir confiance et ils seront bientôt prêts à emménager sur le site. La prochaine étape est donc de construire l’école de formation en gériatrie, cette spécialisation médicale n’étant ni enseignée ni pratiquée au Togo à ce jour.

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Au fur et à mesure du nettoyage du site, des murs d’enceinte sont construits pour délimiter le travail dejà fait mais surtout afin de poser les bases du projet urbain qui est une réinterprétation de la typologie de la cour togolaise évoquée dans la partie II.2.c. C’est donc à partir de ce moment, où l’on vient délimiter des espaces extérieurs différenciés, que nous pouvons commencer à accueillir les retraités. Ils pourront déjà s’investir pleinement dans la construction de leur espace qui se veut à l’image de la maison loméenne, flexible, jamais terminée et toujours en devenir. L’ajout au programme de la piscine et de l’espace bien-être est important car les séniors expatriés désirent des équipements de loisir supérieurs à ce qu’ils pourraient trouver en France. Cette piscine permet aussi des exercices aquatiques plus doux pour les articulations fragiles des séniors. Lorsqu’elle n’est pas utilisée à des fins thérapeutiques elle est ouverte au public. Le plan urbain se développe en constellation à partir de ces différents pôles structurants du plan masse. c. Points névralgiques Hôpital et centre médical Cet hôpital se veut complémentaire à l’hôpital Sylviano Olympus situé à 700m au nord du site. C’est un élément essentiel pour que des retraités se projettent à Lomé mais est aussi un équipement qui évitera l’envoi à risques de malades togolais en Europe pour certaines opérations. L’accès à une imagerie médicale moderne sera aussi un véritable apport pour Lomé. L’ouverture de cet hopital aux Loméens n’a pas uniquement des motivations philantropes mais aussi techniques: la quantité de retraités qui emménageront sur place ne sera pas suffisante pour permettre à l’hopital de fonctionner en continu et des chirurgiens qui ne pratiquent pas suffisamment sont moins habiles et efficaces. La référence principale pour l’implantation de cet hopital est la clinique chirurgicale de Léo au Burkina Faso conçue par l’agence Kéré Architecture.

Clinique chirurgicale et centre médical de Léo, Burkina Faso / Kéré Architecture

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Cette petite clinique d’à peine 2 248 m² comprend un bloc opératoire, des chambres, une maternité, son administration et sert à plus de 50 000 personnes à Léo, Burkina Faso. Elle a été construite en briques de terre compressée et est surmontée de larges toits en tôle qui protègent les bâtiments et leurs environs de la pluie et du soleil écrasant. Ce système de double toit est assez courant dans les constructions africaines contemporaines car il permet de limiter la radiation thermique par le toit dont la sous-face est aérée. La décomposition de l’hôpital en plusieurs bâtiments par spécialité permet de le rendre moins imposant et intimidant. Le fait de pouvoir circuler librement dans des espaces à l’air libre et à travers différents espaces protégés du soleil grâce aux toits rend l’hôpital accueillant. Les tarifs de cette institution sont identiques aux autres hôpitaux publics malgré des services plus performants grâce aux tarifs supérieurs appliqués aux retraités français toujours couverts par la Sécurité Sociale. Centre de revalorisation des déchets Une décharge sauvage d’environ 6 000 m2 est présente sur le site soit plus ou 9000 m3 de déchets à trier: les plastiques pour les pavés, les cartons comme combustible pour chauffer les chaudrons et les déchets organiques pour le compost. 4 à 6 personnes peuvent fabriquer de 300 à 600 pavés par jour, soit environ 6 à 12 m2 de pavage. Les pavés servent à la construction du mur d’enceinte qui délimitera le centre de tri permanent qui fonctionne sur l’exemple de quelques déchetteries innovantes à travers le monde et notamment une à Jakarta où les personnes viennent déposer leurs déchets triés contre rémunération. L’économie loméenne est largemant fondée sur le secteur informel qui occupe plus de 50% de la population active urbaine. Ce mode de fonctionnement s’intègre vraiment très bien aux économies décentralisées et informelles déjà à l’œuvre sur place et permet d’introduire “naturellement” une dynamique de recyclage tout en se déchargeant des tâches lourdes comme le ramassage et le tri, afin de pouvoir se concentrer à la longue uniquement sur la transformation de cette nouvelle ressource. Ce centre de revalorisation dispose aussi d’un lieu d’accueil et d’information afin d’aider à l’essaimage de petits centres de transformation qui tiennent dans quelques mètres carrés ou sur le compostage à domicile. Une des nombreuses associations qui pourront être dirigées par des personnes âgées. École de gériatrie-gérontologie A Lomé comme au Togo en général, il n’existe ni gériatre ou aide-soignant formé en gériatrie, ni de filière de formation en gériatrie en faculté de médecine. Je ne m’en étais pas rendue compte avant de lire le mémoire d’Elsa Biouley, une étudiante qui a présenté un centre gériatrique dans la banlieue loméenne pour son projet de fin d’études à l’EAMAU. Intégrer un lieu de formation au programme est essentiel afin de pouvoir employer les aides soignants, infirmiers et spécialistes dont les retraités européens approchant du grand âge ne sauraient se passer et surtout pour former des professionnels compétents qui seront prêts lorsque la transition démographique entamée par le Togo entraînera le vieillissement de sa population.

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Machines permettant d’ouvrir un micro-centre de revalorisation de plastiques dans son garage. Les plans de construction sont disponibles en opensource sur le site: preciousplastic.com

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Pôle de recherche en botanique et médecines alternatives 50% des Togolais sont de croyance animiste (29% sont chrétiens et 20% musulmans). Le marché des fétiches est d’ailleurs une des attractions touristiques de Lomé où les sorciers vont s’approvisionner en différentes herbes et parties animales. L’industrie pharmaceutique est toujours à la recherche de nouveaux principes actifs pour améliorer et développer de nouveaux médicaments. Ce sont les ethnopharmacologues qui arpentent le globe afin de rencontrer différents guérisseurs, tenter de comprendre le fonctionnement des soins prodigués et trouver une explication “rationnelle” et exploitable dans la médecine conventionnelle. Ce pôle témoigne d’un respect envers les savoirs locaux et est un lieu d’échange, d’information et de discussion non seulement dans un contexte scientifique mais aussi à l’entrée du centre autour d’un “arbre à palabres” et sur le toit du bâtiment rendu public grâce à un grand escalier et des gradins. Piscine, espace bien-être et centre de rééducation Le site étant à un endroit remblayé de la lagune proposer des équipements supplémentaires en relation à l’eau semble pertinent. La valeur thérapeutique de l’eau n’est plus à prouver et permet de faire une activité sportive tout en ménageant les articulations fragiles. Ce centre est ouvert au public avec un accès matinal réservé aux soins et exercices de rééducation. Le hammam et le sauna sont des équipements attractifs pour les séniors. L’eau pour la piscine est puisée dans la nappe phréatique à quatre mètres en dessous du niveau du sol et est aussi récupérée pendant la saison des pluies grâce à la forme du toit.

Hôpital

Centre de revalorisation des déchets

École de gériatrie - gérontologie

Pôle recherche

Piscine

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2. Programme détaillé Ce document a été élaboré grâce à l’étude des programmes et dimensions d’équipements similaires existants ou dans le cadre de l’unité de vie Alzeihmer selon un raport de “Réflexion sur les critères de définition et missions des Unités Spécifiques Alzheimer en EHPAD et prise en charge des troubles sévères du comportement” publié par Gérontopôle.

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3. Maisons de retraite a. Des envies et besoins variés Cellules pour retraités intégrant un équipement partageable avec le reste de la cour locative

commerce

bureau avec connexion wifi

atelier de bricolage

buanderie et puit (récupération des eaux de pluie du toit)

Déjà, l’expression « maison de retraite » prête à confusion car elle suggère qu’un bâtiment spécifique pourrait satisfaire les besoins d’une classe d’âge homogène. Or, les besoins et envies varient selon les individus, leur état de santé et leurs désirs de communication. Je choisis d’employer ce terme au pluriel pour expliquer les différents types de logements que je souhaite mettre en place. Ces logements s’insèreront à la fois dans le nouveau plan masse de la partie remblayée de la lagune et dans le tissu urbain existant dans un rayon de 900 mètres autour du site rénové. La distance de 900 m correspond à environt 10 minutes de marche à pied pour un sénior (4,8 km/h). Les cellules qui s’ajouteront à des cours existantes intègreront des pièces à partager avec les autres habitants.

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b. Cours et murs La cour comme typologie urbaine proprement loméenne est intéressante pour générer l’urbanité de ce nouveau quartier. Le projet urbain sera un jeu de ce qui la constitue : les murs, l’espace central, les cellules qui l’entourent, le temps long et le fait qu’elle soit toujours en construction. Afin de créer une variété d’espaces à vivre chaque cour est caractérisée par des thèmes liés au vieillissement (savoir, loisirs, vie associative, intergénérationnalité), à la revalorisation des déchets (artisanat, agriculture), à la culture togolaise (arbres fruitiers, fleurs, élevage, cuisine en plein air) et à des aspects plus paysagers du site (eau, terre, ciel). Ces cours sont générées à partir des différents pôles et se raccordent aux rues qui arrivent sur le site. Le positionnement des cours en fonction des rues et éléments régulateurs (rails, cours d’eau, le soleil) créé des désaxements qui orientent le parcours à travers le quartier. Les endroits où les cours se superposent déterminent l’emplacement d’équipements de quartier, de commerces et d’espaces communs entre deux cours. La logique de la cour est inversée lorsque l’espace central devient public. Les cours sont délimitées par un mur d’enceinte bordé d’un espace à bâtir d’environ 8 mètres. On propose l’installation de cellules pour les retraités européens mais des lots sont laissés vide afin d’intégrer la mentalité du “chez” loméen et l’installation future de séniors togolais. Ces espaces à bâtir sont aussi disponibles pour des ménages loméens plus jeunes afin de créer de la mixité générationnelle.

Maison individuelle Jardin privé

Maisons individuelles Jardin privé partagé

Maisons et appartements privés Jardin privés et place publique

Appartements et espaces communs Jardin privé partagé

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c. Unité Alzeihmer Le risque de démence augmente fortement avec l’âge, puisqu’on estime de 25 à 30% les personnes âgées de 85 ans et plus qui sont atteintes d’une certaine forme de déclin cognitif. La création d’un lieu pour les personnes atteintes de démence permet aux personnes qui souhaitent s’installer définitivement à Lomé de savoir qu’ils seront pris en charge dans de bonne conditions pendant toutes les phases du grand âge. Ces personnes ont des moments de lucidité où ils pourront profiter d’activités musicales et artistiques, d’un moment de détente dans le jardin thérapeutique, d’une pétanque ou de promenades autour du patio ou à l’extérieur. Pour les moments de désorientation les parcours à travers le bâtiment sont organisés en deux boucles avec un traitement de sol qui permet aux résidents de pouvoir s’orienter facilement et suivre le fil qui mène toujours vers un espace commun.

Parcours en boucle

Jardin de déambulation accompagné et patio

Liens visuels avec l’extérieur

Variété d’espaces communs

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Recherches, croquis personnels

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Conclusion : “La beauté des choses existe dans l’esprit de celui qui les contemple.” -David Hume L’analyse des envies et besoins du troisième et quatrième âges qui migrent ont permis d’imaginer une histoire pour créer le projet. Ce nouveau quartier sera à prédominante piétonnier, prenant en compte la vitesse de déplacement des personnes âgées et offrant une variété d’espaces publics où s’arrêter, discuter, partager, enseigner et apprendre. Ce projet a pour but de montrer que les retraités peuvent être un levier de transformation urbaine dynamique et changer le paradigme quant à la manière de voir les “vieux” qui, plutôt que faibles et dépendants, ont encore beaucoup de façons de contribuer à la société. Il s’agit à la fois d’explorer un des phénomènes liés à la crise des retraités en Europe et de traiter la question du vieillissement démographique dans un pays en voie de développement avant que leur société n’évolue comme la nôtre avec la perte du respect, du lien social et d’un regard positif pour nos aînés. Loin de l’intention de créer un morceau de ville européen, les caractéristiques des modes de fabrication de l’urbain à Lomé sont pertinentes pour fabriquer un lieu où les séniors pourront participer activement à une communauté. Respecter les modes de construction locaux permettra aussi de créer un endroit où les Loméens se sentiront tout à fait chez eux et les différents éléments de programme ont pour but de pallier à un manque d’équipements sanitaires, sportifs, pédagogiques, associatifs et artistiques à travers la ville. Le terrain d’une trentaine d’hectares présente des qualités paysagères exceptionnelles qui seront mise en valeur une fois l’endroit nettoyé grâce à la démarche de construction. Le programme, étudié afin de correspondre à la fois aux retraités arrivant et aux besoins et envie des Loméens, prédispose l’endroit à devenir un pôle atttractif de la ville où des thématiques commes les déchets et la vieillesse généralement vues comme des problèmes deviennent une ressource, une richesse même et marquent l’identité d’une ville en devenir.

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