carnet de voyage kirghizstan

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SUR LA ROUTE

A nouveau

Numéro 5

Nous voici dans la montagne sur des routes chaotiques évitant les ornières. Nous croisons plus de cavaliers que de voitures et nos haltes sous les yourtes nous permettent de découvrir la tranquillité des pâturages d’altitude.

Bienvenue au Kirghizstan !

AVEC LES NOMADES DANS LE JAILOO

A CHEVAL AVEC ROMA

ABANDON A 3200 METRES :

L’EPOPEE EN CAMION

www.anouveausurlaroute.fr


Notre parenthèse autour du monde

Claudine ARNAUD, 33 ans, professeur et Olivier BOROT, 30 ans, ingénieur.

Nous avons mis de côté nos situations professionnelles pour partir en février 2009 visiter le monde à pied, à vélo ou en train. Au programme six mois le long de la Route de la Soie jusqu’en Mongolie pour revenir à travers la Russie avec le Transsibérien. Puis départ pour l’Afrique sur les routes du sel avant de suivre la Cordillière des Andes en Amérique du Sud. Ensuite cap sur l’Asie du Sud-Est…

Avec La Ligue contre le Cancer

Touché par le cancer en 2007, notre voyage c’est aussi apporter notre soutien à La Ligue contre le Cancer : en vous inscrivant, vous donnez 5 € au comité des Alpes Maritimes. Grâce au soutien du Conseil général des Alpes Maritimes qui participe au financement de notre projet, notre carnet de voyage est diffusé dans plusieurs centres de soins et dans les comités départementaux de la Ligue contre le Cancer. Puisse-t-il être un bol d’air pour ceux qui en ont besoin...

Si notre aventure vous intéresse, vous pouvez nous soutenir et recevoir notre carnet de voyage tous les mois. Indiquez sur papier libre vos coordonnées en précisant si vous souhaitez la version papier ou la version mail et envoyez vos dons par chèque à :

Association A nouveau sur la route 46, avenue de la République 01630 St Genis-Pouilly

Ou bien téléchargez notre bulletin d’inscription sur notre site : www.anouveausurlaroute.fr

Ce journal est imprimé sur papier recyclé


C

e pays montagneux de l’ancienne URSS ressemble beaucoup à l’Ouzbékistan au niveau du langage et des coutumes, mais les gens ici vivent de l’élevage. Pendant sept mois de l’année le pays est paralysé par la neige et c’est seulement à partir du mois de mai que vaches, moutons, chevaux et yaks paissent dans les pâturages de montagne où les gens s’installent sous des yourtes pour quatre mois. Malgré la neige nous avons tout de même réussi à faire une randonnée de trois jours à cheval en montagne. Puis à vélo entre Och et Irkechtam, le poste frontière chinois, nous avons souffert du dénivelé mais surtout de l’état de la chaussée en construction sur environ

300 km. Avec des lacs de montagnes et des sommets à plus de 7000 m d’altitude, c’est une destination merveilleuse pour tous les amoureux de nature et d’alpinisme.

Arslanbab O

Och O

Sary Tash Irkechtam O

O

Tyndyk, pièce maîtresse au sommet du toit des yourtes, représentée sur le drapeau du pays.


PORTRAIT

A cheval avec Roma

A

vant de pédaler plus au sud au pied des montagnes du Pamir, nous sommes partis à cheval pendant trois jours dans la région d’Arslanbab. Avec un guide, un cuisinier et un palefrenier pour nous deux nous avons été choyés ! Nous avons découvert des paysages féériques. Chaque soir nous plantions nos tentes dans des pâturages de montagne au milieu des animaux en liberté. Autour de nous les sommets avoisinaient les 5000 mètres et la neige encore bien présente nous a contraints à emprunter des petits sentiers de montagnes très escarpés et glissants pour les chevaux. Sur ces chemins, au rythme du pas nonchalant de mon cheval, je me suis pris pour un cowboy de l’ouest américain. Comme un gamin… Pendant cette excursion, nous avons fait la connaissance de Roma, notre guide. Cet homme de 42 ans est le responsable des guides pour le Community Based Tourism d’Arslanbab. Il s’agit d’une organisation issue d’un projet de développement suisse du nom d’Helvetas qui met en relation les touristes désireux de découvrir le mode de vie des Kirghizes avec des

familles qui les hébergent. Le CBT propose aussi des treks ou des randonnées à cheval à des prix très raisonnables (37 € par jour et par personne pour notre excursion) et il donne gratuitement de précieux conseils aux voyageurs à vélos !

Olivier : Explique-nous comment tout a commencé ici ? Roma : Je suis guide depuis 2001. Quand les suisses sont venus nous présenter leur projet, les villageois ont tous refusé. Ils ont demandé de l’argent pour s’acheter des chevaux et du bétail. Les suisses ont dit non et nous ont laissé du temps pour réfléchir à leur proposition. Nous avons été deux à accepter. Nous avons convaincu cinq familles de nous suivre dans cette aventure et nous avons ouvert l’agence du CBT de Arslanbab. Aujourd’hui dix-huit familles accueillent les touristes et


plus de vingt personnes travaillent à recevoir les 1200 touristes qui viennent chaque été.

O. : Comment formez-vous vos collaborateurs ? R. :Nous choisissons parmi les gens qui sont dans des situations difficiles. Si une famille ou une personne est dans le besoin, nous essayons de les embaucher pour quelques excursions. Au début, les hommes s’occupent des chevaux, ensuite nous proposons des stages pour apprendre l’anglais et la cuisine, ainsi que toutes les conditions d’hygiène dont les touristes ont besoin. Au fur et à mesure, ils peuvent devenir cuisinier pendant les excursions puis guide.

O. : Que faisais-tu avant de travailler pour le CBT ? R. : Je suis né Arslanbab et j’ai toujours travaillé ici. Avant le CBT j’étais guide pour une agence de voyage russe qui organise des treks et des excursions dans notre région mais les conditions étaient bien différentes.

O. : Pour les guides ? R. : Et pour les touristes. Maintenant ils sont bien reçus. Ils peuvent découvrir la vie traditionnelle des familles dans les villages alors qu’avec les russes ils étaient tous regroupés dans un camp avec des bungalows et ils ne pouvaient pas partager le quotidien des habitants. Quant à nous, nos salaires sont bien meilleurs puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire.

O. : Es-tu marié ? R. : Oui j’ai une femme et quatre enfants. Deux fils et deux filles. Mon fils aîné a 20 ans.

O. : Comment vous êtes-vous rencontrés avec ta femme ? R. : Ce sont mes parents qui l’ont choisie pour moi. Je me suis marié à l’âge de 20 ans, un peu plus jeune que la moyenne des autres hommes. Aujourd’hui les choses commencent à être différentes, mais à cette époque, c’était les parents qui choisissaient pour les enfants.

Les impressions d’Olivier

Le meilleur souvenir : Circuler à vélo dans la montagne : arriver sur un plâteau à 3000 mètres d’altitude, y croiser des yaks et partager un verre de thé sous une yourte avant de reprendre la route. Le pire souvenir : Maladies...

Le plus marquant : La façon dont nous avons été accueillis par les nomades du Jailoo : en voisins plutôt qu’en touristes.


O. : Pourquoi si jeune ? R. : Nous étions huit enfants. Cela représente beaucoup de travail de s’occuper d’une si grande famille. Alors lorsque j’ai eu 19 ans, mes parents m’ont dit que je devais me marier pour que ma femme vienne s’installer avec nous et nous aide. Ils ont alors cherché une bonne épouse pour moi.

O. : Qu’est-ce qu’une bonne épouse ? R. : Ils ont cherché une fille travailleuse qui sache s’occuper d’une maison et des animaux. Ils ne voulaient pas d’une ingénieure ou d’une avocate. Ensuite ils se sont mis d’accord avec les parents de ma femme sur la somme d’argent à verser pour le mariage. Ils ont observé ma femme pendant une année pour voir comment elle se comportait et puis nous nous sommes mariés. O. : Tu ne la connaissais donc pas avant ? R. : Je l’ai rencontrée pour la première fois le jour de notre mariage.

O. : Cela n’a-t-il pas été difficile ? R. : Les deux premières années de notre mariage ont été très difficiles. Nous nous querellions tout le temps. Mais après la naissance de notre premier fils les choses se sont arrangées. Aujourd’hui nous nous entendons bien. Elle fait du bon

pain et s’occupe très bien de notre foyer. Nous avons chacun notre rôle et nous vivons bien ensemble.

O. : Aujourd’hui les choses se passentelles toujours de la même façon ? R. : Dans les villes les choses sont devenues différentes. Souvent les jeunes hommes partent un an ou deux en Russie avant de se marier. Là-bas ils sont traités comme des esclaves mais ils peuvent gagner jusqu’à 1000 dollars en un mois alors qu’ici il leur faudrait une année entière pour les gagner. Ils reviennent ensuite ici avec de l’argent et peuvent alors choisir une femme et payer leur belle-famille pour le mariage. O.

LE PRIX DES FEMMES

Pour pouvoir épouser une femme, les hommes doivent payer à leur belle-famille une somme d’argent conséquente (souvent 2000 à 3000 euros). Le montant est négocié entre les deux familles et l’argent doit théoriquement servir à équiper le futur foyer. Cette coutume a entraîné une pratique qui, bien qu’illégale, à encore cours aujourd’hui : c’est l’enlèvement des fiancées. Pour faire diminuer le montant à payer, les femmes sont kidnappées, mises de force dans une voiture. Charmant.


RECETTE

Le Nan

pain traditionnel kirghize Ingrédients : 2 kg de farine de blé 1/2 verre de lait 2 cuillères à soupe de sel 1 cuillère à café de levure de boulanger

D

Pour faire environ 6 pains

leur donnant une forme ans un saladier, ronde et en piquer fortemélanger le lait ment leur centre. Puis le et le sel. Ajouter retourner et le couvrir la farine et la levure et d’un linge. malaxer longtemps Lorsque tous les pains jusqu’à obtenir une pâte sont ainsi formés, les homogène. déposer sur une plaque Laisser-la reposer une de four en ayant pris soin heure au soleil après préalablement de passer avoir couvert d’un linge le Instrument traditionnel qui de l’huile dessous et du saladier. Partager la pâte pour faire permet de faire la lait dessus. environ six morceaux gros décoration centrale Les mettre dans un four du pain en l’enfontrès chaud (200-250°C) et comme le poing. çant fortement les sortir lorsqu’ils sont A l’aide d’un rouleau à padans la pâte. légérement dorés (après tisserie, étendre séparé10-15 min). ment chaque morceau en Une famille à Arslanbab m’a fait découvrir la cuisson traditionnelle du pain dans le four familial.


Avec les nomades dans le Jailoo

C

haque été de mai à septembre, des familles quittent la ville pour partir s’installer avec leurs bêtes dans des pâturages d’altitude, les « Jailoo ». Une fois les yourtes installées, très espacées les unes des autres, leurs animaux sont en liberté dans les prairies. Vaches, ânes, chevaux cohabitent parfaitement et vont où bon leur semble. Seuls les poulains sont attachés pour éviter qu’ils tètent trop souvent leur mère.

Les impressions de Claudine

Le meilleur souvenir : Le cadeau touchant d’une femme, le jour de notre départ du Jailoo : un gilet traditionnel qu’elle venait de broder.

Le pire souvenir : La forte poussée de fièvre avec tremblements qu’Olivier a eu dans la montagne, dans un lieu isolé à cinq heures de voiture d’une grande ville. Le plus marquant : Devoir se faire à l’idée qu’ici les hommes parlent avec Olivier mais m’ignorent complètement.

Nous sommes arrivés dans un « Jailoo » à 2300 mètres d’altitude entre Och et Sary Tash. Un homme nous a conseillé un endroit pour planter notre tente avec une vue sur la vallée, les montagnes enneigées et sur l’ensemble du campement (voir dernière page). Une fois installés, nos voisins les plus proches nous ont ouvert la porte de leur yourte pour nous offrir une collation à base de thé, de pain et de crème épaisse, un bol de lait de jument accompagnant le tout. Il faut dire qu’ici ils font leurs pains dans des fours traditionnels et mangent des produits laitiers issus de leur production. On a pu déguster aussi de l’ « ayran », lait fermenté, des « kourout », petites boules de lait séchées et du beurre rance.

Des activités pour chacun Leurs activités tournent autour de leurs animaux. Les hommes vont pêcher ou travaillent à la collecte du bois pour le chauffage. Quant aux femmes, elles s’occupent de leurs enfants, de ranger l’intérieur de leur yourte, de faire à manger et de la traite des animaux.


Les juments sont traites cinq fois par jour et leur lait, appelé « koumous », est stocké dans une panse de mouton, mélangé à l’aide d’un bâton. Il est bu uniquement le lendemain de la traite. Ainsi il a fermenté pour atteindre 1 à 5° d’alcool et prendre un léger goût fumé.

Nous avons trouvé ce lieu magique : contrairement au reste du pays personne n’est venu nous harceler de questions. Malgré leur curiosité, nos voisins ont tous gardé une distance et c’est au fur et à mesure des jours que nous avons lié connaissance. Partout nous apercevions les enfants qui jouaient au milieu des animaux et le calme de cet endroit nous a séduits.

Une convalescence en plein air Olivier est tombé malade au début de notre séjour dans cet endroit : une fièvre importante qui nécessitera un repos prolongé. Très rapidement tout le campement a été au courant et les gens sont venus nous proposer des médicaments. Chaque matin un voisin venait s’enquérir de l’évolution de sa santé. Les veaux, eux, ont pris soin de lui en encerclant la tente durant toute sa convalescence ! Une fois rétabli, Olivier partait pêcher pendant que j’allais sous les yourtes pour partager un verre de thé avec les femmes. Ce lieu magique nous a accueillis avec une chaleur hors du commun et a été idéal pour se refaire une santé. C.


Abandon à 3200 m

V

oilà une semaine que nous pédalons dans la montagne. Partis d’Och à 900 mètres d’altitude, nous avons déjà franchi deux cols à 2600 mètres sur des routes complètement défoncées. Les descentes se font souvent aussi vite que les montées, c'est-à-dire à 5 km/h. Les soirs, nous sommes souvent hébergés dans des villages ou dans des yourtes de pâturages.

Le mauvais choix Hier nous avons hésité. Nous nous sommes arrêtés à 3200 mètres d’altitude au pied du dernier col qui en compte 3600 et, plutôt que de planter la tente, nous avons accepté l’invitation de Marate. Mauvais choix. Le lait caillé qu’il nous a offert m’a été fatal. Toute la nuit j’ai été torturé par mes intestins. Vomissements puis diarrhées, j’ai enchaîné les sprints jusqu’au cabanon au fond du jardin. Par -5°C, c’était idéal !! Au matin je n’allais guère mieux. On a voulu essayer quand même de monter ce fameux col, mais je n’ai pas été capable de faire plus de 500 mètres. Epuisé, j’ai dû déclarer forfait et, avachi sur le bord de la route, j’ai laissé Claudine arrêter une voiture qui nous a fait franchir le col et parcourir les 35 derniers kilomètres

qui nous séparaient encore de notre objectif, le village de Sary Tash. Nous ne mettions pas un point d’honneur à faire tout notre trajet à vélo, mais cet abandon au pied du col m’a cassé le moral. J’ai regardé le paysage défiler derrière la vitre de la Lada de 1940 de notre chauffeur avec un sentiment d’échec. Le lendemain, les choses ne se sont pas améliorées. La date d’expiration de notre visa approche et je suis toujours incapable de tenir debout. Alors nous décidons d’arrêter un des camions qui se rend vers la frontière et d’y charger nos vélos. Il nous faudra plus de sept heures pour parcourir 78 kilomètres. Sur des routes dans un état catastrophique, à cinq dans la cabine, notre trajet aura été une véritable épopée. Dans le

VIE QUOTIDIENNE

Prix d’un ½ litre de bière : 1 € Prix d’un pain : 0,25 € Prix d’un thé : 0,10 € Prix d’un plat au restaurant : 2 € Prix d’un cheval adulte : 3000 à 4000 € Prix d’une Mercedes (dernier cri mais sortant de la casse allemande) : de 2000 € à 4000 €


camion, trois kirghizes se relayent au volant et, à chaque pause, j’en profite pour sauter derrière un fossé. J’ai de la fièvre et mal partout, et j’ai surtout toutes les peines du monde à refuser leur remède miracle contre mes maux : un verre de vodka pris avec de l’oignon et une bouchée de pain.

SOS dépannage Sur la route nous nous arrêtons pour aider les camions enlisés. Certains sont bloqués là depuis plusieurs jours. Sortir un camion prisonnier de la boue, c’est impressionnant ! Ils sont une dizaine d’hommes sous mes yeux à creuser pour dégager les roues. Ils disposent ensuite des pierres à l’arrière des pneus pour essayer de les empêcher de patiner, puis ils attachent avec d’énormes câbles le camion prisonnier au nôtre. Claudine est restée dans la cabine et est aux premières loges pour le remorquage. Dans des hurlements de moteurs, au milieu de la fumée, notre camion dérape d’abord, puis à la cinquième tentative réussit à extraire le véhicule prisonnier. Tout le monde fête ça accroupi en cercle autour d’un petit

verre de vodka auquel évidemment je suis convié et on repart en convoi en direction du camion enlisé suivant. Nous réitérerons l’opération trois fois et nous devrons même être à notre tour remorqués. Le passage des deux postes frontières se fera lui sans trop de difficultés et quand, à la fin de la journée, nous trouvons le confort d’une chambre d’hôtel en Chine, nous sommes tous les deux épuisés. Le miroir dans la chambre m’annonce clairement que j’ai perdu du poids et il me faudra deux douches pour laver la crasse accumulée durant cette épopée. Malheureusement le lendemain j’ai dû faire connaissance avec les hôpitaux chinois, mais ça c’est pour le prochain numéro... O.

Dans le prochain numéro : LA CHINE, le Xinjiang Kashgar et le désert du Taklamakan



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