Sydney Le car net secret de Ms. Savill
Montréal Verbatim d’un fou, CharlesA n toine Crête
Barbe Power Le poil & l’assiette
10 Burgers Paris à tout grill
BD em m a nuel Renaut, cuisinier chasseur
No 1
banc d’essai
10 burgers parisiens passĂŠs au scanner
banc d’essai
C’est l’invasion. Des Pac-Man en forme de burgers sont entrés dans Paris et boulottent tout sur leur passage. Ils squattent les trottoirs, les quartiers prout-prout ou les arrondissements tsoin-tsoin. Voilà l’outsider des chaînes américaines qui revient d’exil par le train à Saint-Lazare, et c’est 90 minutes d’arrêt pour faire la queue le premier jour à l’ouverture du Burger King, comme si déguster un Whopper après des années de sevrage relevait du vital. Enquête Stéphane Méjanès avec Kim Lévy
burger d’or
Burger d’argent
burger de bronze
bar à burgers
big fernand
où ?
Burger commandé
Composition
où ?
Burger commandé
Composition
18, avenue Claude Vellefaux, 10e
Le Burger Qui Fume 14,50 € seul + 2 € avec frites ou coleslaw
pain au paprika, fumé au foin et mélange d’herbes séchées, steak de bœuf haché, mozzarella di buffala, pickles…
55, rue du Fbg Poissonnière, 9e 01 73 70 51 52 www.bigfernand.com
Le Bartholomé 12 € seul + 3 € avec frites et boisson
bœuf, fromage à raclette, poitrine de porc fumée, oignons confits, ciboulette, sauce BB Fernand, sauce Tata Fernande
01 42 00 19 68
Abdel Alaoui, le Jamie Oliver du Maghreb s’est associé à deux amateurs éclairés pour avoir pignon sur rue. Décor brut, service copain-copain, c’est en cuisine que l’imagination est au pouvoir. Les pains de Gontran Cherrier sont bien choisis, comme celui au paprika qui vient soutenir et chapeauter le Burger Qui Fume. Arrivée sous cloche, pour un shoot de fumée aromatisée au foin, au paprika et à la truffe. La portion n’est pas gigantesque mais la viande est comme demandée (bleue) et chaque élément apporte sa pierre à l’édifice bancal. Un vrai plat vertical que les clients seniors n’hésitent pas à déstructurer. Et ça reste un burger. food mn book / 9
Bien sûr, il y a le côté furieusement marketé. Serveurs à moustache et casquette qui vous vendent du « hamburgé » jusque sur le trottoir du faubourg, en vous promettant une idylle avec les Fernandines (frites maison mollasses et trop épicées). Mais les gaillards sont charmants et l’attente est récompensée. Le Bartholomé réussit l’exploit de se nourrir de deux sauces distinctes (mais pourquoi ?). Une sur le socle, l’autre sous le chapeau. BBQ et cocktail, c’est la fête, on distingue parfaitement les deux. Idem le fromage légèrement fumé et la pointe de ciboulette qui va bien. Une interprétation du burger plutôt réussie qui fait oublier les clichés de l’univers de marque.
le carnet secret de ms. savill
Momofuku Seiobo 1
80 Pyrmont Street (Entrée par Edward Street), Pyrmont momofuku.com/sydney/seiobo La superstar new-yorkaise David Chang décide d’ouvrir à Sydney. Un coup de pied certain dans l’univers des étoilés qui lui permet d’obtenir dès la première année trois toques dans le Good Food Guide. Seiobo (« déesse de l’Ouest » en japonais) se situe dans le casino The Star, et c’est un succès phénoménal. Tout le monde s’arrache les places au comptoir pour goûter le fameux sandwich au cochon confit et à la sauce piquante thaï (Sriracha) de David Chang. Et vous pouvez aussi grignoter au bar,
ce que personnellement j’adore. Mais le menu dégustation en douze plats de Ben Greeno (un Anglais plein de modestie malgré son parcours au Noma et chez Sat Bains) n’est surtout pas à laisser de côté. L’ambiance sonore éclectique répond à une cuisine toujours surprenante qui s’enrichit des conseils très malins du sommelier Rich Hargreave.
Porteno 2
358 Cleveland Street, Surry Hills porteno.com.au Cette troupe de chefs rock et leurs partenaires — en particulier Sarah Doyle, la très glamour-vintage maîtresse de maison — a apporté une touche kitch
d’un Buenos Air à l’ère Evita Peron dans cette ancienne taverne grecque aux proportions généreuses tout en murs de stuc et fenêtres ouvragées. La star ici, c’est le brasero planté au beau milieu du restaurant et attisé par le père du co-propriétaire, Elvis Abrahanowicz, d’origine argentine. « C’est lui la vedette », disent en chœur Elvis et son partenaire Ben Milgate, tous les deux chefs de cuisine. Avec leurs chemises d’ouvriers dévoilant leurs tatouages, ils vénèrent littéralement l’agneau cuit au charbon, les ris de veau, la bavette saignante et le porc confit qui émergent des braises. L’autre partenaire, Joe Valore, s’occupe d’une impressionnante carte des vins sud-américains et la végétarienne Sarah veille à ce que ses semblables ne manquent de rien.
Mr Wong (and MsGs) 3
porteno
3 bridge Lane, Sydney merivale.com/mrwong
Les Chinois de Canton ont commencé à migrer vers l’Australie au moment de la ruée vers l’or au milieu du XIXe siècle. Ils ont apporté leurs traditions culinaires en les modifiant pour les adapter aux palais principalement anglais, écossais et irlandais. Deux siècles plus tard, on n’en a pas fini avec la cuisine cantonaise et ses hybridations. Associé à de talentueux compères, le malin chef sino-vietnamo-australien Dan Hong joue avec notre passion pour le poulet au miel, le porc aigre-doux et la glace frite dans ce décor, où le vieux Shanghai rencontrerait l’Indochine sous les auspices cools de Canton. Le maître singapourien des dumplings, Eric Koh complète l’illusion d’optique, en ajoutant ses excellents dim sum et des dizaines de canards rôtis. Quant au bar MsGs, c’est le lieu idéal pour tester la fusion asiatique et les cocktails glacés servis dans des tasses en plastique scellées d’où émergent des pailles géantes. Une autre création de Dan Hong.
Moon Park 4
4 Redfern Street, Redfern Mis à part les sempiternels bols de nouilles, l’Asie représente bel et bien la « cuisine par défaut » de Sydney. La ville ne se lasse jamais du ravioli chinois frit, des rouleaux de printemps d’inspiration vietnamienne ou des banh mi achetés dans le fast food du quartier et mangés à même le trottoir, jusqu’au dîner du soir, où l’on prépare minutieusement le curry thaï pour le dîner
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momofuku seiobo
ester
entre amis. Une proportion énorme de la population vient de Chine, Vietnam, Thaïlande, Taïwan ou Corée… Il est donc naturel que la nouvelle génération de chefs de Sydney soit irriguée de toutes ces influences. Moon Park est un endroit tout simple, basé sur la cuisine et les saveurs coréennes kimchi (le chou fermenté), sésame, ail et piment, bibimbap (riz, viande, légumes sautés avec un œuf au plat, ndlr), bulgogi (le barbecue coréen) et pancakes avec une note contemporaine et très australienne. À l’image des chefs Ben Sears et Eun Hee An, qui ont travaillé pour les meilleurs en ville. C’est bien ici que Sydney vit le mieux sa lune de miel avec l’Asie.
Ester
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46-52 Meagher Street, Chippendale ester-restaurant.com.au Mat Lindsay a fait ses classes avec la reine de la cuisine de Sydney, la matriarche culinaire Kylie Kwong (voir plus loin). Il fait désormais équipe avec la très smart team d’Italo Vini, Berta et 121 BC (voir plus loin) pour piloter cette salle spacieuse et simple, chauffée à blanc par un four à bois dans
un quartier arty et étudiant en forte voie de gentrification. Les plats déboulent en small, medium ou large size mais les prix restent bas et les vins regardent vers le minimum d’intervention en cave. Tout ou presque est fait maison, y compris le sanga (notre équivalent australien du sandwich) de saucisse, chou-fleur, amandes et menthe. Idem pour le chook (c’est comme ça qu’on désigne chez nous le chicken, le poulet) rôti au feu de bois avec une sauce à l’ail. Le dîner de Mat Lindsay avec James Henry (Bones, Paris) a d’ailleurs été l’un des moments phares du Omnivore World Tour Sydney, en octobre dernier. J’y étais !
six penny 6 83 Percival Road, Stanmore sixpenny.com.au
Dan Puskas et James Parry travaillaient ensemble au Sepia de Martin Benn (voir plus loin), lorsqu’ils ont fomenté et planifié leur propre petit coin de cuisine créative dans la banlieue de Sydney. Six Penny est une salle à manger très épurée d’une vingtaine de couverts et joliment animée de mobilier en bois et de serveurs allumés. Le menu fixe
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plonge ses racines dans le jardin qu’entretiennent les chefs pour délivrer des herbes rares, des noisettes, des alliacés sur un peu de viande et de poisson par-ci, par-là. C’est un peu la rencontre de la nouvelle cuisine nordique avec une touche australienne comme ce crabe, macadamias et camomille ou cette pièce de poisson typiquement australien, le bass groper, aux orties et au seigle. C’est peu dire qu’il s’agit là d’une cuisine et d’une équipe engagées.
Nomad 7
16 Foster Street, Surry Hills restaurantnomad.com.au Vous voulez manger, boire un coup ou simplement prendre un café à Sydney ? Allez donc directement à Surry Hills, le spot idéal pour les bars, cafés cools et restaurants à la mode. Juste à côté d’un amusant bar mexicain appelé Tio’s Cerveceria et pas si loin du mythique restaurant thaï Longrain, s’est ouvert un immense entrepôt avec un four à bois géant. Pain, charcuterie, fromages, tout est fait maison et l’on peut même acheter son vin dans la boutique du caviste. Comme la plupart
I
3 9 7 6 0 0 TA S S E S D E B O U R B O N P OI NT U un Reportage à la Réunion de Kim Levy illustré par icinori
L’
idée de faire revivre le café bourbon pointu — à nouveau cultivé sur l’île de La Réunion, volcan perdu au milieu de l’Océan indien, depuis 2002 — revient aux Japonais. Fous de l’or vert, ils étaient prêts à payer quinze à vingt fois le cours mondial pour retrouver le goût d’un café dont seuls les livres parlaient encore. À Paris, c’est désormais Pierre Hermé ou Anne-Sophie Pic qui l’utilisent. Quittant la chaleur des bas pour rejoindre la chaleur des hauts, le pick-up prend virage sur virage. À 300 mètres d’altitude, sur la route qui relie la ville de Saint-Pierre au sommet de l’île, les maisons basses dissimulent encore leurs jardins ; à 600 mètres, le sucre des mangues trop mûres tombées par-dessus les clôtures coule sur les trottoirs ; à 700 mètres enfin, au lieu-dit des Trois Mares dans la commune du Tampon, les varangues bordées de bananiers épanouis jouxtent l’entrée de la caféière. C’est un petit champ en terrasse sur le flanc de la montagne qui donne l’impression d’une serre à ciel ouvert, d’où émane une odeur de terre chaude. En rangées parallèles à l’horizon, neuf-cents pieds d’arabicas mutants baignent — comme n’importe qui d’autre en cette matinée d’été austral — dans la moiteur de leurs 26°C. Les arbustes coniques pas plus hauts que l’épaule tendent leurs ramées déjà riches de boutons verts à l’ombre de frêles grévillaires. En contrebas, une poignée de jeunes pieds plantés l’année dernière n’ont pas encore atteint la maturité. Ce demi-hectare de parcelle constitue le verger de Patrick Bénard. Il cultive ici l’une des rares surfaces arables où le bourbon pointu produit des fruits de qualité. Un micro-terroir qui combine un sol volcanique, le plus ancien à l’échelle de la jeune île, et « la fraîcheur, l’ombrage et la couverture nuageuse » ad hoc. Le tout à une température moyenne annuelle de 19°C. Un climat qu’on appelle à cet endroit de la planète « rigueur climatique ». Apaisant un peu le souvenir douloureux d’une
II
50 / food mn book
Š j ean c aza ls
bruce palling
tom kerridge
C’est la dernière étiquette à la mode, collée sur la plupart des derniers concepts, sous toutes les latitudes… et souvent sans raison. Mais qu’est-ce qu’un gastropub au juste ? Bruce Palling, très gracieux sujet de sa majesté, est remonté à la source et a rencontré Tom Kerridge, pape du genre avec son Hand & Flowers de Marlow, entre Londres et Oxford. N’est-il pas ? Il y a 70 ans de cela, George Orwell, chroniqueur un pub typique pour y manger. Il faut dire que la de la société anglaise et auteur de 1984, décrivait le pitance habituelle va de la chips de pommes de terre parfait club anglais imaginaire. Appelé « La Lune sous sur-saturée de sel à la peau de cochon grillée aux l’eau », il lui attribuait dix qualités, allant des barmen cacahuètes — une version british particulièrement qui connaissent votre nom par cœur, jusqu’au feu épouvantable de la peau de cochon frite. Le but de de bois ronflant dans la cheminée, en passant par ces plats non comestibles étant d’éponger le surplus le tabac en vente libre et le décor ayant « la laideur de bière des convives… solide et réconfortante du XIXe siècle ». La cuisine n’y Pourtant, une nouvelle approche de la bouffe de pub était mentionnée qu’au passage, et assez peu prise est bel et bien apparue à Londres en 1991, lorsque le au sérieux : « il y a bien le snacking au comptoir où Eagle in Farringdon, un pub sur Bruce Palling a passé la plus grande vous pouvez commander des sandwiches au saucisson le déclin, s’est mis à servir de la partie de sa vie d’adulte à penser de foie, des moules, du fromage et des pickles… six cuisine contemporaine, devenant plats et vin. Il met cela sur le dos jours sur sept, vous aurez votre solide déjeuner — par par la même occasion le premier de cette sublime olive noire au goût exemple un jambon cuit accompagné de ses légumes « gastropub » en Angleterre. Ces exotique, qu’il a goûté il y a près de 50 ans. Palling a écrit sur la gastropionniers n’ont pas réinventé nomie et le vin dans diverses publipour environ trois shillings. » À la différence d’aujourd’hui, il n’est pas fait mention la cuisine britannique — ils lor- cations, allant du Wall Street Journal de dîner ou de vin, rien de tout cela n’étant nécessaire gnaient plutôt vers les standards à The Age à Melbourne, en passant à la perfection du pub. Pour Orwell, c’était la représen- européens comme la bacalhau con par son propre blog www.gastroetation idéalisée de la vie simple des Anglais ordinaires, patatas (la morue aux pommes de nophile.com. Il est actuellement à la tête de la rubrique « Food & Wine » ces familles des jardinets du dimanche, réunies au- terre), les fettuccini à la ricotta, les au PCC Communications de Notting tour des derniers potins et des pintes de bière tiède... petits pois lardons et le vitello ton- Hill à Londres. Ses goûts penchent nato. Il existe encore des gastro- vers les produits de Lyon et Florence, Aujourd’hui, les pubs traditionnels, avec leur télé- pubs qui servent des plats comme et envers et contre tout, il est incavision accrochée au dessus du bar, une table de jeu ceux-là et même des versions plus pable de résister à un grand cru de Bourgogne. miniature et une machine à sous, sont les spécimens étranges de cuisine thaï pour tenen danger d’une espèce qui disparaît à la douzaine ter de conquérir de nouveaux consommateurs. Mais chaque semaine, selon la Camra (L’association de beaucoup ont opéré un virage à 180 degrés pour revedéfense de la bière authentique). On peut bien sûr nir à des plats authentiquement britanniques. attribuer leur disparition à un certain nombre de raisons valables — l’interdiction de fumer dans des Stew and ragoût lieux public, la chasse au verre de trop et, de manière Et personne mieux que Tom Kerridge ne personnifie encore plus déterminante, l’apparition de la bière cette nouvelle tendance. À Marlow, village de carte bon marché dans la grande distribution qui rend postale entre Londres et Oxford, son Hand & Flowers toute compétition impossible. Mais personne ne fut le premier pub de tous les temps à obtenir, il y parle de la mauvaise qualité de la cuisine dans le a deux ans, deux étoiles Michelin. Mise à part cette déclin des pubs. Simplement parce que personne récompense, il a également été désigné l’an dernier n’imagine un seul instant qu’on puisse aller dans comme le meilleur chef anglais lors de la cérémo-
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playlist
Comparer la cuisine d’un restaurant à la piste de danse d’un club peut sembler outrancier. Pourtant, l’une comme l’autre ne se limite pas à l’hyper-sudation. Par M arine Crousnillon
Artiste
Titre
Durée Album
Sortie Je l’écoute !
darkside
papertrails
4 :49
psychic
2013
nina simone
feeling good
2 :54
Pastel Blues
1965
Beastie Boys
So what cha want
3 :37
Check your head
1992
David Shaw & the Beat
Infected
5 :59
So it goes
2012
Sono
Keep Control (Hosh remix)
8 :30
—
2013
Shadows of Knight
Shake
2 :28
shake
1969
Illa J
All Good
3:05
yancey boys
2008
David Bowie
Fashion
4 :48
Scary Monsters (and super creeps)
1980
Get a room
I like a cigarette
6:20
Dig out your spade
2011
Lou Reed
Perfect Day
3 :43
Transformer
1972
62 / food mn book
playlist
8h00 préambule Darkside — Papertrails
Allumer le percolateur. Et une clope, tiens. Boire un café. Puis un second. Puis un troisième. Ouvrir les yeux. Entrer en piste. Darkside est le nom du duo formé par Nicolas Jaar et Dave Harrington. Le morceau Paper Trails est extrait de leur album Psychic. Ces garçons talentueux et dotés d’un indéniable sens de l’humour ont également remixé l’album Random Access Memories, de Daft Punk, qu’ils ont mis en ligne sous le nom de Daftside. Brillant.
8h30 réception des commandes Nina Simone — Feeling good
Notons que la réception des commandes donne régulièrement lieu à de solides prises de tête. Exemples avérés : le livreur arrive avec deux bonnes heures de retard et/ou avec les marchandises destinées à un autre restaurant. Sa variante : le même livreur a négligemment explosé un pot de miel et/ ou un carton de 90 œufs tout en espérant que personne ne remarquera rien. Feeling good est extrait de l’album Pastel Blues, sorti en 1965.
9h00 corvées Beastie Boys — So what cha want
Un invariant rythme le quotidien en cuisine : la tâche ingrate, mais néanmoins nécessaire. Son équivalent en maçonnerie serait le gros œuvre, c’est dire. C’est précisément au moment d’éplucher des palanquées de topinambours ou de tourner une
quantité inhumaine de petits violets que le choix d’un morceau idoine se révèle pertinent. À plein volume, n’importe quel album des Beastie Boys peut faire l’affaire. Deuxième single de l’album Check your head. Avec des titres tels que Eggman, 5-piece Chicken Dinner ou B-Boy Bouillabaisse, on peut dire que les New Yorkais ont su mettre la gastronomie à l’honneur tout au long de leur carrière.
10h30 mise en place David Sahw & The Beat — Infected
Brunoise, julienne, mirepoix… Autant dire les finitions. David Shaw, également connu sous le nom de Siskid, est né et a grandi à Manchester. Il a collaboré avec Arnaud Rebotini et Ivan Smagghe avant de sortir son premier album, So it Goes, dont est extrait le morceau Infected. Il s’agit de la reprise d’un titre du groupe britannique The The — visiblement en panne d’inspiration au moment de se trouver un blaze —, sorti en 1986.
12h30 début de service Sono — Keep Control (Hosh Remix)
Le problème récurrent avec la mise en place, c’est quand à quelques minutes du début du service, on réalise qu’on ne l’est pas du tout, en place (vous me suivez ?). À ce stade, reste à garder la tête froide et à faire une fois de plus appel à l’auto-persuasion. Comme le currywurst ou le schnitzel, ce morceau est intrinsèquement allemand :
produit par Sono, un trio hambourgeois et remixé par le non moins hambourgeois HOSH.
13h00 coup de feu Shadows of Knight — Shake
Comme son nom l’indique, en fait. Il ne faut pas confondre les Américains de The Shadows of Knight et leurs confrères britanniques, The Shadows (tout court). Malgré de très bons morceaux, dont le revigorant Shake, édité en 45 tours en 1968, les premiers sont malheureusement restés dans l’ombre.
14h30 fin de service Illa J — All Good
La fin d’un service qui s’est correctement déroulé, c’est une parenthèse suave et ouatée qu’on aimerait voir se prolonger indéfiniment. Exactement comme ce morceau de Illa J. Illa J (John Derek Yancey) est le petit frère de J. Dilla, incontournable producteur de hip-hop disparu prématurément. Pour le morceau All Good, il utilise copieusement un sample de The Look of Love, la bande originale du film Casino Royale. L’histoire ne retiendra pas que c’est Mireille Mathieu qui interprète la version française du morceau, sous le titre accrocheur Les Yeux d’amour.
14h32 plonge David Bowie — Fashion
Hormis le taux d’humidité, aucun rapport avec une activité subaquatique rendue populaire par le commandant Cousteau. D’ailleurs, au moment de
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se jeter dans le grand bain et de récurer les russes à grands coups de paille de fer, l’ambiance sonore se rapproche plus de Black tie White noise que du Monde du silence. Le morceau Fashion est extrait de l’album Scary Monsters (and Super Creeps) sorti en 1980. Les frères Dewaele du groupe Soulwax ont rendu hommage au Thin White Duke dans un long et magnifique clip intitulé Dave.
15h30 ménage Get a Room — I like a cigarette
À l’heure de frotter le sol, on peut être assailli par l’impérieux désir d’en griller une petite, et celui d’esquisser quelques pas de danse libératoires en mâchant une nicorette. Prudence tout de même. Avec toute cette mousse, le sol est bien bien glissant. I like a cigarette est un édit extrait de l’album Dig out your Spade, produit par le duo parisien Get a room ! Donnez-moi du feu, le morceau original, fut interprété par Kim Larsen en 1981. Dix ans avant la promulgation de la loi Evin.
16h00 épilogue Lou Reed — Perfect Day
Le meilleur moment, le meilleur ami du cuisinier, c’est le dernier verre (ou sa variante azotée et poilante : le siphon. C’est selon). Celui qu’on sirote avec la satisfaction du devoir accompli. Et modération : ce soir, ou demain, mais jamais jamais, il faudra se remettre en piste (de danse). Perfect Day est extrait de l’album Transformer, produit en 1972 par David Bowie et Mick Ronson. Il contient des morceaux tels que Satellite of Love et Walk on the Wild Side.
dossier
charcut’ is back !
un monde en salaison Il faut traverser les continents pour se rendre compte de la richesse de ce qui est tout près. La France a laissé tomber la tradition du saucisson-coup de rouge. Et si, malgré tout, la charcuterie devenait l’avenir de la gastronomie ? texte Luc Dubanchet
Lyon. Comment ne pas commencer le voyage en charcuterie par la ville qui la symbolise le plus ? La tradition culinaire est ancrée au pied de Fourvière, le saucisson de Lyon est une clé de la ville, il ne s’envisage pas sans le gamay des crus du Beaujolais.
coins du monde, Bourdain reviendra à New York pour enregistrer les commentaires de ce nouvel épisode de Parts unkown, diffusé sur le réseau de CNN à destination des millions de spectateurs du monde entier. Nul doute que le film sera réussi, monté aux petits oignons, tradition française. Et nul doute qu’on en tirera même une légitime vanité.
souffrir énormément dans les années 80 quand Auchan a ouvert. Tout le monde y est passé. Et qu’avons-nous fait ? On s’est tiré une balle dans le pied, en ne travaillant plus sur la qualité et en se mettant à ouvrir des sacs sous vide pour améliorer soi-disant la rentabilité. Aujourd’hui il ne faut pas s’étonner ! »
Ce matin de décembre, la maison Reynon est en ébullition. Un buffet de rosette, de saucisson Charcuterie signature à cuire et de sabodet à base de tête de porc Pourtant, à Lyon comme ailleurs en France, la Gilles Vérot, lui, parcourt le monde entier pour attend patiemment les invités de marque qui, situation n’est pas loin d’être catastrophique. diffuser ses produits, faire découvrir sa maipour l’heure, se serrent comme des sardines La plupart des groupes de salaison sont en son et son savoir-faire. Ses pâtés et terrines dans le petit laboratoire d’embossage situé difficulté, la moitié a subi des sont vendus sous son nom en fond de cour. De la vapeur s’échappe de pertes l’an passé. Deux mille dans les « bar Boulud » de New York et de Londres. Il n’est pas sous la porte comme si l’on élisait le pape, emplois ont été supprimés devenu un industriel, mais a quelques mots en parviennent « hachage », dans un secteur qui en compte c’est « boyaux », « séchage » — rien à voir donc avec trente-cinq mille. Le cours du dépassé le stade du petit artiun conclave — avant qu’une grande carcasse sur porc ne cesse de dévisser rensan de quartier pour incarner l’essence pied s’extirpe du cagibi aux normes HACCP. dant l’équilibre des éleveurs, y le renouveau français de la même de la vie, Anthony Bourdain est hilare comme un gone compris les plus gros, de plus charcuterie. Pourtant, il est la maîtrise de Brooklyn qui aurait fait un sale coup. Mais en plus précaire. Quant au confronté au même problème de recrutement que la plupart en réalité, il savoure le moment qu’il vient de nombre annuel de fermetures du sel, la préde ses confrères. « La formapasser avec deux grands noms de la charcute- de boucheries-charcuteries, servation des rie française : Georges Reynon, le patron de la mieux vaut ne pas l’évoquer. tion de charcutier-traiteur est saveurs… maison, et Gilles Vérot, charcutier parisien, « La maison Chorlier, notre clairement devenue plus traiancien apprenti de Georges dans les années 80. principal concurrent, vient teur que charcutier, les gamins Si Bourdain sourit, c’est qu’il sait qu’il vient tout juste de fermer ses portes, préfèrent cuisiner deux bouts de mettre en boîte l’une de ces séquences qui se lamente Georges Reynon, de poireaux et des crevettes font terriblement rêver les cousins d’Amérique. que cette nouvelle devrait pour faire un aspic créatif pluDe la tradition tricolore en veux-tu en voilà pourtant réjouir. Vous plaisantez ou quoi ? Ils tôt que de consacrer du temps à l’apprentissage admirablement servie par son complice du jour, étaient là depuis cent ans. Cent ans, vous vous de la découpe sur carcasse et au travail de la le Lyonnais Daniel Boulud, mega star de New rendez compte ? Nous serons bientôt les derniers viande de porc. » York et traducteur with ze accent de toutes ces des Mohicans ». « Ça ne date évidemment pas Il y a des petits matins, comme ça, où les plus franchouilleries jouissives. Dans quelques se- d’hier, rappelle Gilles Vérot. J’ai vu mon père, belles scènes télévisuelles vous sautent un peu maines, après un voyage en Inde et aux quatre qui était lui aussi charcutier à Saint-Etienne, à la figure. Ce matin lyonnais n’y échappe pas.
food mn book / 65
guide 2014
food mn book / 81
guide 2014
en purée, un plat canaille qu’on n’oublie pas. Comme ces petits escargots de Bourgogne juste saisis crispy, que l’on enfourne avec un peu de crème de boudin noir et une lamelle de pomme de terre grenaille. Si les petits cochons normands ne le mangent pas, ce cuisinier ira loin.
KAYSERSBERG /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
LE CHAMBARD 9-13 rue du Général de Gaulle 68240 Kaysersberg lechambard.fr Ouvert tous les jours Menus : 40–65–91–112–133 € / Chambres : 120–375 € Tél. : 03 89 47 10 17
= Philippe Vétélé ≠ rené fieger C’est l’histoire de deux frères, d’une belle famille qui travaille de concert au cœur du vignoble alsacien. Emmanuel Nasti est architecte et sommelier, Olivier est chef et MOF. Symbiose totale, confiante pour faire avancer une maison bourgeoise comme l’Alsace sait les aimer. Imparable dans son confort (nombre de formules all inclusive, chambre + dîner compris) comme dans une cuisine qui ne perd pas jamais de vue l’Alsace, insérant mine de rien des escargots de la Weiss avec le blanc de poularde bressan ou des kaseknepfles (quenelles au fromage blanc) avec le traditionnel lièvre à la royale. Rassurant comme une fratrie.
Laguiole /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
Michel & Sébastien Bras Route de l’Aubrac 12210 Laguiole bras.fr Fermé lundi, mardi midi (sauf juillet-août) et de novembre à début avril. Menus : 132–159–209 € / Chambres : 290–350–600 € Tél. : 05 65 51 18 20
= Alexandre Bourdas ≠ Thierry Marx Les jours de blues, allez faire un tour sur le site Internet des Bras. « Partager Bras », « Venir chez Bras », le site propose les deux entrées construites en parallèle, comme si l’une et l’autre étaient forcément consubstantielles, deux linteaux pour soutenir la maison = venir et comprendre. Dans la trans-
mission amorcée et opérée en douceur depuis maintenant deux ans, c’est sans doute plus vrai que jamais. Les Bras sont une famille, l’une des plus marquantes de toute la cuisine du XXe siècle. Au-delà de l’amour et du respect filial, de menues choses arriment le passé au présent : le souvenir commun des tartines de pain à la peau de lait et au copeaux de chocolat préparées par la grand-mère, les tartines de jeune laguiole coupé en tranche épaisse par la mère, les parties de campagne en famille autour du Suquet et dans les cours d’eau glacée de l’Aubrac… Sébastien, aujourd’hui, réinvente cette histoire augmentée par Michel. Sans fuir, sans nier, sans se braquer. En assurant simplement sa part de chemin, celui qui conduit chez Bras.
le cerisier 3, rue de la Gare, 62840 Laventie lecerisier.com Fermé samedi midi, dimanche soir et lundi. Menus : 36–60–75 € / Tél. : 03 21 27 60 59
= william elliot ≠ florent ladeyn
LA PLAINE-SUR-MER /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
ANNE DE BRETAGNE Port de la Gavette 44770 La Plaine-sur-Mer$ annedebretagne.com Fermé lundi et mardi midi, du 1er janvier au 14 février Menus : 43 € (déj.) / 69–98–138 € Tél. : 02 40 21 54 72
= Luc Mobihan ≠ Laurent Peugeot Face à la mer, au petit salon, on reçoit l’offrande de la déclinaison d’huîtres. Un plat signature et on comprend pourquoi. Tiède, en sorbet, en gelée au thym, en émulsion à l’huile d’olive et au curry, l’animal vous téléporte jusqu’à la table sans qu’on s’en rende compte. Et là, défilent les ormeaux sauvages au citron caviar, les palourdes aux poireaux et sorbet vinaigre, les morues, poucepieds, couteaux, moules et langues d’oursin en soupe. C’est toujours respectueux des textures, toujours juste. On se demande même si Philippe Vétélé n’aurait pas découvert le fameux umami qui fait vibrer les Japonais et que nos esprits occidentaux parviennent rarement à décrypter. Ici, ça pourrait s’appeler le vrai goût des choses.
LAVENTIE /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
le cerisier Lire ci-contre
« Une assiette, c’est pas une partouze… » Il faut le chatouiller un peu, Éric Delerue, pour qu’il finisse par lâcher cette délicate formule. Lui estime seulement qu’il fait une cuisine hyper simple. Un bouillon, une cuisson, c’est facile, non ? Sauf que chez lui, cela tient de l’élégance naturelle. Comme s’il ne fallait pas s’appesantir sur la beauté du geste… Cuisinier discret, toujours un peu sur la réserve, il cultive avec soin un goût pour les bonnes et belles choses. Et un art de les faire se rencontrer. Une sorte d’affinité élective qui fonctionne aussi bien avec les gens qu’avec les aliments… Dans l’assiette, pas de révolution de palais, mais un subtil jeu de séduction. Le parfum d’une écume, la rondeur d’un jus, la délicatesse d’un bouillon. Et cette belle intuition (cette mémoire, dit-il) pour associer finement les saveurs. L’huître chaude, émulsion de lard fumé, oignon a fait d’emblée les présentations. La délicate Saint-Jacques, fine
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raviole de moelle, truffe, topinambour a confirmé la première impression. Avec un foie gras poché, vanille, salsifis ou un cannelloni de tourteau noix de coco, il nous a fait perdre un peu le nord. Comme une envie de nous emmener ailleurs ? Une façon plutôt de montrer qu’il est en toutes circonstances un parfait homme du monde. Yes man Chef depuis vingt-sept ans du Cerisier, à Laventie (petite commune du Pas-de-Calais), Éric Delerue a rejoint la métropole lilloise pour reprendre également en main le Oui. Un resto lillois qu’il remet à sa sauce avec un menu court et une carte des vins et champagnes bien longue, elle. C’est que le lieu s’y prête, avec son long bar et sa cave lounge. Une invitation à prolonger les agapes que confirme un chef aimant la fête sans les mondanités. Mot de passe : mojito. On ne vous dit que ça…
guide 2014
LE BOURGET-DU-LAC /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
Atmosphères 681 route des Tournelles 73370 Le Bourget-du-Lac atmospheres-hotel.com Fermé dimanche et lundi Menus : 29–47–55–70 € / Carte : 90 € / Ch : 130–150 € Tél. : 04 79 25 01 29
= Laurent Petit ≠ Sven Chartier
un dernier sursaut, fouetté par le fumé d’une pomme de terre et l’acidité d’une crème battue au yuzu. Le cabillaud nacré trompe son monde en agaçant la langue sous des épices marocaines et sa raviole de foie gras, huître et coques. Rien qu’on n’ait déjà mangé ailleurs. Et pas même ce mille-feuille diaboliquement croustillant à la vanille Bourbon. C’est au Havre et chez Tartarin que la Normandie se vit pleinement.
LE TOUQUET-PARIS-PLAGE /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
Les pattes taillées en pointe sur des joues bonhommes, l’oeil qui frise, cet ancien compagnon de Laurent Petit (près de 8 ans au Clos des sens) ne cesse de tendre, au fil des ans, vers l’essentiel. Ses dressages en lignes de fuite pointent vers le lac, immense miroir de la belle âme de ce cuisinier fraternel et tout en humilité. Les poissons du lac côtoient topinambours, crosnes, salsifis, et cerfeuils tubéreux. Les textures elles aussi sont là, du crémeux au croquant, avec quelques feuilles d’oxalys pour l’amertume. Il y a toujours une idée dans les plats d’Alain PerrillatMercerot. Pas deux, pas trois. Et c’est très bien comme ça.
LE HAVRE /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
jean-LUC TARTARIN 73 avenue Foch 76600 Le Havre jeanluc-tartarin.com Fermé dimanche et lundi Menus : 35–58–99–155 € / Carte : 90 € Tél. : 02 35 45 46 20
= Philippe Hardy
≠ Jacques et Laurent Pourcel S’il y a bien un truc sur lequel il ne faut pas chercher Tartarin, c’est bien le poisson. C’est toute sa vie, quasiment tout son menu. Il arpente les docks du Havre, va retrouver ses pêcheurs, fait même parfois des kilomètres pour dégoter le beau produit et, rentré au chaud dans sa cambuse, il vous vide tout l’aquarium en un repas. Quasi obsessionnel, Jean-Luc Tartarin se pose devant chaque bestiole sortie de l’onde pour rêver, imaginer, découvrir la cuisson parfaite. Aucune routine, aucun système, du sur-mesure. Une langoustine « léchée par la braise de romarin » barbotte dans un capuccino à l’encre de seiche et révèle ses parfums intimes dans les volutes du romarin incandescent. Le maquereau à 38° pile poil fond en bouche sous le caviar et le concombre, puis revit dans
LOCQUIREC /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
LE RESTAURANT DU PORT Place du Port 29240 Loquirec restaurantduport-locquirec.fr Fermé lundi, mardi et jeudi soir et le mercredi Menus : 18–22–32–50 € / Carte : 47 € Tél. : 02 98 15 32 98
LE PAVILLON
= Philippe Hardy ≠ Olivier Bellin
5 avenue du Verger 62520 Le TouquetParis-Plage westminster.fr
C’est un restaurant et c’est dans un port. Ça s’appelle le Restaurant du port. Moins primesautier que Pomme d’api, le précédent établissement de Yannick Le Beaudour, à Saint-Polde-Léon, mais beaucoup plus direct, comme sa cuisine. Seul hic : avec sa femme, Saf, il a quitté le Léon pour le Trégor. Sacrilège au pays de la celtitude clanique et des têtus taiseux. Du coup, Dédé, le vieux pêcheur de homard avec qui il fait affaire depuis toujours, refuse désormais de franchir la frontière. C’est Yannick qui doit s’y coller pour rapporter les bestiaux en loucedé. Pas question de faire autrement, on ne change pas une équipe qui gagne.Car dans l’assiette, produits et inspiration, rien n’a vraiment bougé.
Ouvert le soir uniquement sauf les mardis et mercredis Menus : 55–90–135 € Tél. : 03 21 05 48 48
=? ≠ ? D’abord il y a le Westminster, ce palace d’un autre temps dans une ville plus si folle. Les têtes couronnées et la jet set dorée ont laissé place aux vedettes et à la petite bourgeoisie argentée. Mais le bar est resté un must et les cocktails y sont toujours parfaits. Le restaurant, lui, joue plutôt la back room. Discrètement planqué à l’arrière. Comme son chef. « On continue à progresser », dit William Elliot alors que son nom et sa cuisine font de longue date l’unanimité. La carte a disparu au profit de trois formules, qui s’articulent autour des produits du jour. Ce samedi par exemple, un superbe turbot de 15 kg vient d’arriver et c’est lui qui tient la vedette. Dans l’assiette aussi, tout a été épuré. Trois produits, voire deux, comme l’huître et la châtaigne, les coques et la ratte, la langoustine et le radis pastèque, le turbot et la noisette... Pour assaisonner, un bouillon. Ou une râpure de raifort ou de noyau d’avocat. Et rien de plus. Car William l’a compris, less is more…
Le cabillaud saumuré puis confit dans l’huile d’olive, cuit à basse température avec un peu d’ail, escorté de chou pak choï, d’une purée de céleri tubéreux, de rondelles de potimarron et de crème d’ail, c’est juste un rêve de pureté halieutique. Simple comme un coup de feeling. Idem le foie gras et l’huître, fiers militants du mariage pour tous. Ça croque, ça crisse, ça picote et ça chahute sans perdre l’équilibre. C’est ça, Le Beaudour, l’élégance canaille et le raffinement buriné.
LORIENT /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
L’AMPHITRYON 127 rue du Colonel-Jean-Muller 56100 Lorient amphitryon-abadie.com Fermé dimanche et lundi Menus : 50–88–120–150 € Carte : 110 € Tél. : 02 97 83 34 04
= Régis Marcon ≠ Iñaki Aizpitarte Les traits de Jean-Paul Abadie sont un peu tirés, ses lèvres se plissent en un sourire mélancolique, mais la flamme continue de brûler. Tout dans cette salle aux murs crème lui rappelle Véronique, l’autre lui-même, partie
le bloempot 22 rue des Bouchers, 59800 Lille bloempot.fr Fermé dimanche, lundi et mardi soir Menus : 19,50–50 € (dej.) / 34–40–50 €
= romain pouzadoux ≠ jean-françois piège
Lille /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
le bloempot Lire ci-contre
« Tu t’assois, tu manges ce qu’on te donne. » Ici on ne se la joue pas comme à Paname. On dit cantine, pour menu unique. « Sauf que c’est bon », souligne Florent Ladeyn, le nouveau chouchou des téléfoodeux. La cuisine-réalité l’a avalé tout cru, tout frais sorti de sa campagne flamande. Il en est sorti avec
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les honneurs et sans la grosse tête. Mieux, le beau gosse a prouvé que le Nord, ce ne sont pas les corons et les chicons. Les Lillois lui en savent gré et ont bien mérité cette annexe urbaine de l’Auberge du Vert Mont. Elle se planque sans chichis au fond d’une cour, dans une ancienne menuiserie. Poutres et briques apparentes, mobilier de récup’, vaisselle basique. Équipe jeune en bras de chemise, à la cool. Assiette raccord : pigeonneau de Steenvoorde, cochon de Pitgam, légumes racines et herbes de saison. Des plats nature dans la lignée de ce qu’il cuisine toujours à Boeschèpe, sur son Mont. Seulement, les soirs où il descend en ville et se met lui-même aux fourneaux, la cantine de Bloempot (« pot de fleur » en flamand) sert bien show.
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PARIS I /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
PIROUETTE 5 rue Mondétour 75001 Paris 1er Fermé le dimanche et lundi Menus : 15 € (déj.) / 36 € Carte : 45 € Tél. : 01 40 26 47 81
= pierre sang boyer ≠ l’auberge du 15 Qu’est-ce qui fait un restaurant ? Le buzz ? Un emplacement idéal au cœur de Paris. Un cadre chaleureux, aux grandes verrières mâtinées de bois blond ? Ou une cuisine ni bistro, ni gastro, juste bien en équilibre sur une carte courte ? Un peu concept, ce Pirouette. Oui, mais Tomy Gousset tire bien son épingle du jeu. En garçon sérieux, moins adepte des sauts périlleux que de la course de fond. Ce doux tatoué trouve ici son premier poste de chef après un parcours sans faute chez Alain Solivérès (Taillevent), Yannick Alléno (Le Meurice) et Daniel Boulud (Daniel) notamment. Taillé pour durer, il est content du succès mais assez malin pour refuser d’être seulement la coqueluche du moment. Alors il bosse ses fondamentaux. Les produits, les cuissons. Les sauces, les jus. Sur l’ardoise, œuf parfait, anguille fumée et pommes de terre, alouette sans tête, riz au lait, baba au rhum… On est loin du double salto. Mais ces petites figures de style sont solidement maîtrisées. L’impro vient sur l’amusebouche, chips de légumes séchés aériennes, ou sur un Ossau-Iraty, façon cheesecake, qui cache bien son jeu. Côté vin, ça balance bien aussi. Plus de 110 références jonglant entre incontournables et découvertes. Et l’on s’en tire sans faire la culbute.
SPRING 6 rue Bailleul 75001 Paris springparis.fr Fermé dimanche, lundi, et le midi Menu : 84 € Tél. : 01 45 96 05 72
= Sylvain Sendra ≠ Raquel Carena En arrivant dans son repaire d’une discrète rue pavée à l’ancienne, on est frappé par le côté beautiful people de la clientèle. Ça parle toutes les langues sauf le français, le serveur y perd même son Molière, qui n’est pas sa langue natale cela dit. Une fois installé, on le trouve un peu revêche, ce chef américain dans sa cuisine ouverte. Ça ne transpire pas la gaudriole. Et
quand arrivent les premiers plats, alors qu’on s’est imaginé une sorte de cuisine fusion yankee-asiat’ (rapport aux origines du chef et à l’atmosphère feutrée), on tombe sur quelque chose qui renvoie comme à une page cornée du dernier best-seller d’Auguste Escoffier, Ma Cuisine (1934), un an avant sa mort à 89 ans. Et, en plus, c’est assumé. Son truc à Daniel Rose, c’est « la mythologie de la cuisine française ». Bouillon parmentier, coques, poireaux et couteaux. On est en automne, ça réchauffe. Le rouget de l’île d’Yeu barbote dans une belle sauce verte à la menthe, au miel et aux olives de Kalamata, ça sent le roux et l’Europe des 27. Le veau arrive en quasi et en ris, avec un peu de courge melonnette, du cresson et une petite touche de fantaisie, des pépins de grenade, mazette. C’est juste de la cuisine, c’est de la cuisine juste.
Sur Mesure Mandarin Oriental 247-251 rue Saint Honoré 75001 Paris mandarinoriental.fr/paris Fermé dimanche et lundi Menus : 65–80–95–110–125 € (déj.) / 175–205 € Tél. : 01 70 98 73 00
= Gérald Passédat ≠ Jean-François Piège « Destructurer » : Thierry Marx a été parmi les premiers à prendre la cuisine française par les cornes, à tordre les produits, les explorer comme un scientifique explore la molécule. Capable comme nul autre de cuisiner une betterave, une carotte ou un poireau de la tête au pied, en de multiples textures, saveurs, les combinant pour en tirer leur apogée gustative. Après avoir défendu durant dix ans l’agneau de Pauillac et les produits de l’estuaire girondin, le chef/maître en arts martiaux a fini par regagner Paris, sa ville natale. Loin du Ménilmontant populaire où il est né, il fait désormais du « Sur-Mesure », le nom du principal restaurant du Mandarin oriental, dont il dirige les cuisines. Il livre dans l’espace très pur imaginé par Patrick Jouin, une cuisine justement très éloignée de la prouesse technologique où, en tout cas, la cuisine intègre cette technologie jusqu’à la faire oublier. C’est le cas du soufflé démoulé de potimarron à la texture vaporeuse unique ou du cochon de lait confit croustillant aux salsifis et châtaignes.
YAM’TCHA 4 rue Sauval 75001 Paris yamtcha.com Fermé dimanche, lundi et mardi midi. Menus 60 € (déj.) / 100 € Tél. : 01 40 26 08 07
= william ledeuil ≠ gregory marchand Pas poseuse pour deux sous, Adeline Grattard. Pas star non plus malgré le succès d’un restaurant dont le seul luxe est de n’offrir, par service, qu’une vingtaine de couverts âprement convoités. Mais bosseuse, ça oui. Il faut dîner à la kitchen table pour saisir cette constante concentration qui l’anime. En salle, tout n’est que calme et volutes de thé. Ballet incessant de bols émaillés sur des tables en bois blond. Grâce d’un service doux comme une caresse. Un univers vert uni, à l’image de la grande fresque aux nénuphars qui donne le ton. On le sait, Adeline a trouvé du côté de la Chine ses racines en cuisine. De l’Empire céleste, elle a gardé une approche stratosphérique des produits. Pas de sauces satellites, pas de dressage ingénieux, juste un rapport de goût, percutant comme une météorite. Huître et cresson, pour la fulgurance de l’iode et l’acidité, juste balancés par une émulsion de shiitake et foie gras. Radicalisme d’un ris de veau simplement posé sur un cèpe émincé, relevé d’un physalis et d’un trait de vinaigre de riz. Ou encore lotte encornet en sauce XO, pour bien vous emmener ailleurs. Entre Paris et l’Asie ? Peutêtre. Ou bien sur une autre planète.
PARIS II /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
PUR’ 5 rue de la Paix 75002 Paris paris-restaurant-pur.fr Ouvert tous les jours Menus : 125–190 € / Carte : 150 € Tél. : 01 58 71 10 60
= Michel Troisgros ≠ Adeline Grattard Alors bien sûr, il y a cette traversée par les couloirs de palaces, toujours un peu (in)hospitaliers. On se sent observé, des fois qu’on aurait la cravate de travers ou pas de cravate du tout. Jean-François Rouquette, chef du gastro au Park Hyatt Vendôme, n’y est peut-être pas pour rien. Il se met lui-même sur la sellette dans une cuisine ouverte, paraissant dix fois plus grande qu’elle n’est par la magie d’un jeu de miroirs. Mais
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il n’oublie jamais d’où il vient, de cet Aveyron rural au relief lunaire qui a enfanté Michel Bras et Pierre Soulages. Sur les banquettes moelleuses de la rotonde centrale, on oublie la rue de la Paix et on tire une carte chance. Elle se présente sous la forme d’un simple bouillon au gingembre et aux herbes fraîches, dans lequel s’ébattent des ravioles de foie gras et de petits enokis (champignons japonais) translucides, le tout assaisonné de truffe. Les dim sum façon Rouquette explosent au palais, libérant le gras du canard pour une sorte d’extase cholestérique. Quelques petites asperges crues et cuites, juste voilées d’une émulsion de riz, survolées de quelques tobikos (œufs de poisson volant) et flanquées de riz noir soufflé pour le croustillant, on pleure. Un chevreuil avec brioche perdue au speck, salsifis au beurre de cacao et poires pickles, on se pince. On recommande aux monte-en-l’air de quitter les étages pour venir s’attabler au rez-de-chaussée. En bas, l’air est plus Pur’.
frenchie 5-6 rue du Nil 75002 Paris frenchie-restaurant.com Fermé le midi, samedi et dimanche Menu : 48 € Tél. : 01 40 39 96 19
= James Henry ≠ Guillaume Delage Si vous voulez envoyer un courrier à Gregory Marchand, n’écrivez rien d’autre sur l’enveloppe que : rue du Nil, Paris. Après un restaurant et un bar à vins, le « frenchie », baptisé ainsi par Jamie Oliver, a investi cet ancien coupe-gorge avec le take away ultime, Frenchie To Go (voir ci-contre). Il avait déjà convaincu ses potes, Terroirs d’Avenir (trois boutiques : boucher, poissonnier et maraîcher), Hippolyte Courty (L’Arbre à café) et le cueilleur Stéphane Meyer de le rejoindre pour créer THE spot gastronomique de la capitale. Au resto comme au bar, Gregory Marchand envoie du sérieux, pas foufou mais punchy. Comme cette classique royale de foie gras avec son chutney de figues d’une onctuosité dingue, ou cette bonite à l’encre de seiche, tomates jaunes, aubergines et oignons pickles, où la tendresse est titillée par l’acidité. Au bistrot, c’est même un peu plus culotté, lieu oblige : truite de Banka fumée, choufleur, granny smith ou tête de cochon, céleri rave, girolles pickles, sans compter des stilcheton de compét’. Dis, patron, on ne délocaliserait pas les bureaux d’Omnivore rue du Nil ? Voir aussi Frenchie Wine Bar ci-contre
guide 2014
PARIS Iv
SATURNE
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17 rue Notre-Dame des Victoires, 75002 Paris saturne-paris.fr
Le Sergent recruteur
Fermé samedi et dimanche Menus : 40 €–65 € (déj.) / 65 €–125 € Tél. : 01 42 60 31 90
41 rue Saint-Louis-en-l’Île 75004 Paris lesergentrecruteur.fr
= Alain Passard ≠ Laurent Chareau
Menus : 48-70-90 € Tél. : 01 43 54 75 42
= bruno verjus ≠ sylvain sendra
En 2013, après avoir passé trois ans ensemble, Sven Chartier, le cuisinier, et Ewen Le Moigne, le sommelier, n’ont pas connu la crise. C’est Sven qui en parle le mieux : « Il fallait prendre des risques pour que l’on mange à Saturne comme nulle part ailleurs. Je me suis planté des centaines de fois mais je commence à être satisfait du résultat, même si je passe trop de temps à faire du management plutôt que de la cuisine. » Ces risques n’avaient qu’un objectif : « que mes plats se rapprochent des vins nature, ceux qui coulent comme une eau de source et rafraîchissent tout de suite. » Prénom Saturne, nom Table. Cave, ils y tiennent. Elle est là toute la beauté et toute la complexité du poème saturnien. Des rimes parfaites, mets-vin et vin-mets, riches mais éphémères, à l’hémistiche pour passer plus vite à la ligne. On pourrait détailler la tomate à l’émulsion et à la glace d’huile d’olive, le thon rouge au kombu (algue) et œufs de thon fumés aux sarments de vigne, ou le tourteau au céleri dans son jus
de carcasse. Mais ces plats nets, précis, d’une jeunesse insolente, avaient déjà disparu le lendemain. Comme ce sommet du genre, vif, iodé : encornet, moule, poireau et bouillon d’algue. Énorme en accord avec une Plume d’ange 2009 de Claude Courtois. Quel bonheur de savoir que Sven Chartier n’a que 29 ans. On est sûr de pouvoir ajouter plein de dates à ce guide.
C’est toute une histoire : l’Île SaintLouis, l’histoire du sergent de Napoléon qui convainc la future chair à canon avec force… canons (de piquette), les poutres apparentes intactes depuis le XVIIe siècle, le décor parfait dans la veine scandinavo-brasserie-clubhub-germanopratin, l’aisance satinée et discrète, le goût parfait. Ça pourrait être presque trop… Mais voilà qu’on vous cueille direct au cœur, là où l’estomac fait le mieux son nid. Car la pièce de bœuf de Simenthal, maturée 80 jours, arrive sur la table avec ses frites passées dans trois bains d’huile comme à Bruxelles et sa petite salade simplement parfaite. Vous mordez dans la chair rouge, soyeuse, avec juste ce qu’il faut de gras au bon goût noisette et vous vous propulsez dans un Paris sans doute un peu perdu, des grandes maisons accortes, à l’écoute. Désarmant quand Éric Mancio, l’un des plus grands sommeliers de Paris, vient vous faire goûter une « petite chose en train de se faire », un nouveauné sorti de l’Alsace d’André Ostertag. Parfaitement excitant sur la cuisine d’Antonin Bonnet, dont la maîtrise balaie le champ classique et terrien comme les poireaux à la vinaigrette de praline qui crissent sur une mous-
VENI VIDI VINISAT Chez Saturne, pas question de céder à la mode des caves à manger. La dégustation des vins, c’est avec la cuisine de Sven ou rien. Ou alors chez soi. On peut acheter au restaurant, mais on peut aussi commander depuis son canapé. Ewen Le Moigne a lancé Vinisat.com, un site de vente en ligne de vins rares, y compris dans de gros contenants, jusqu’au jéroboam. Livraison en France et en Europe, en 24h, 48h ou 72h. On peut même laisser ses bouteilles en gardiennage. Ewen en prend grand soin, il ne sait pas faire autrement.
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seline de panais et des brisures de noisette. En sortant, vous traversez la Seine, Notre-Dame offre son chœur. Et vous vous dites que rien de mieux n’aurait pu arriver.
PARIS v /\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/
Itinéraires 5 rue de Pontoise 75005 Paris restaurant-itineraires.com Fermé samedi, dimanche et lundi Menus : 32-38 € (déj.) / 55–65–85 € / Carte : 60 € Tél. : 01 46 33 60 11
= William Ledeuil ≠ Sven Chartier Depuis l’angle de la rue de Pontoise et de la rue Cochin, dix ans de Jeune cuisine vous contemplent. Sylvain Sendra n’a que 34 ans, mais il a déjà vécu toutes les vies que s’apprêtent à découvrir les gamins toqués parisiens. Un bistrot de poche à 24 ans, Le Temps au temps, entre Bastille et Nation, prolongé en Itinéraires plus large, à portée de flèche de Notre-Dame, là même où on le retrouve aujourd’hui, les codes de sa bistronomie juvénile définitivement pulvérisés. Avec Sarah, sa conscience, il a fait disparaître le chahut, visuel et sonore, pour un endroit d’une classe folle où se bouscule une clientèle cosmopolite mais fidèle. Sans souci des modes et des blogs buzzeurs, il poursuit son chemin de Lyonnais amoureux de l’Italie. La sucrosité piquante de la poire à la mostarda fait décoller vers Crémone le lièvre au cacao, kumquat confit et crosnes. La cassate transporte en Sicile la glace basilic, huile d’olive et graines d’anis germées.
frenchie wine bar 6 rue du Nil, 75002 Paris Fermé samedi et dimanche De 36 à 50 €
Ce qui avait été conçu comme la salle d’attente cool du grandfrère Frenchie, est devenu l’un des spots les plus inaccessibles de Paris. Hiver comme été, la joue de bœuf maison, la ventrêche de porc noir de Bigorre ou les antipasti sont pris d’assaut par une foule qui apprécie le perfectionnisme de Gregory Marchand, la cave nature à souhait et l’ambiance perchée entre café et show room privé un jour de grands soldes.
cahier de cuisine
jeanfrançois piège
&
sang-hoon degeimbre — San, comment te sens-tu à quelques heures de la rencontre avec Jean-François ? — C’est paradoxal, je suis content et en même temps inquiet. Je ne sais pas comment cela va se passer, si le courant va s’établir entre nous. Mais on va se laisser porter. En tout cas je suis impatient d’y être. Dis-le à Jean-François ! » lun.27.01.14 deux jours avant le tournage
Ci-contre : Pigeon, mouillette au jus de crevettes grises
recettes à quatre mains premier jour, dans la cuisine de sang-hoon
Page suivante : Jardin marin aux crevettes grises
– On pourrait partir sur une crème prise aux crevettes grises, j’ai des crevettes de Zeebruge magnifiques. Et puis on peut jouer aussi avec le pigeon de Jean-Yves Bruyerre qui les élève tout près d’ici, il les nourrit au lin ! » Après quelques minutes, le choix des plats à quatre mains est fait : jardin marin aux crevettes grises — « on plantera les poireaux à l’envers comme un clin d’œil aux corbeaux ! » — et pigeon mariné, rôti, avec une mouillette au jus de crevettes grises.
Éléments imprévus une boîte et un pain de mie
Jean-François Piège a apporté une boîte précieuse, réalisée selon ses plans par le menuisier qui se trouve juste en face de chez Thoumieux, éditée à seulement dix exemplaires. « – C’est une boîte à œufs, un peu améliorée ! », rigole-t-il en la montrant à San. On y sert la crème aux œufs qui est devenue un peu symbolique de la maison. Et je t’ai aussi apporté un pain de mie parce que j’aime l’idée qu’on puisse faire tout à partir d’un simple mélange de farine, d’eau, de sel et de lait. – On va aller dans la cabane pour choisir un peu ce qu’on va faire. » Ils reviennent quelques minutes plus tard avec des poireaux minuscules. « – Il arrive un truc dingue, explique San. Chaque fois que Benoît plante des baby poireaux, le lendemain on en retrouve la moitié repiquée avec les racines en l’air ! On a mis un bout de temps à comprendre que c’était sans doute les corbeaux qui les déterraient et les replantaient d’un coup de bec, on ne sait toujours pas pourquoi ! – On va en faire un plat, rigole JeanFrançois. Pourquoi pas partir sur un jardin ?
San déploie la belle boîte en bois, en extirpe les bols délicats, à la porcelaine aussi fine qu’une coquille de crustacés. Dans une casserole, il prépare une crème cuite, incorpore quelques crevettes décortiquées pendant que Jean-François trie délicatement les baby poireaux en prenant soin de conserver les racines. La crème est coulée dans les bols, prise au froid légèrement, avant que les chefs/jardiniers ne plantent les poireaux, ajoutent quelques crevettes et parsèment l’ensemble d’herbes du jardin de Ben. Cela donne un amuse-bouche terre/mer parfaitement dans le ton de ce pays. « – Pour le plat, crevettes et pigeon, ça me va bien, ça me rappelle le pouletécrevisses, dit Jean-François. Pour la mouillette, c’est vraiment l’idée d’avoir en bouche comme une sorte de pain perdu aux crevettes grises. – Si tu veux, on va utiliser des jus préparés par ultrason. Grâce à cette technique, on obtient 2 l d’un jus pur avec une centaine de grammes de matière. Il est prêt en 45 secondes et cela évite les mauvais goûts qu’on obtient parfois avec les réductions. » San revient quelques instants plus tard avec un jus brillant d’une belle couleur corail. Le chef parisien goûte, valide aussitôt pour la puissance et la profondeur.
La suite est un jeu d’enfant : il coupe un gros cube de pain de mie maison — 5 bons centimètres de côté —, le fait dorer à la plancha sur une seule face avant de l’immerger partiellement dans le jus de crevettes grises. « Tu peux lever les filets du pigeonneau ? », demande San. Le commis Piège s’exécute à la perfection, prélevant les deux cuisses avec les sot-l’y-laisse et gardant la peau intacte grâce à des incisions judicieusement placées. « – J’admire la technique de JeanFrançois. La mienne, je l’ai acquise de manière empirique, je ne suis resté que trois mois à l’école hôtelière, à quatorze ans, mes parents m’ont retiré de là, j’étais insupportable. C’est après que je suis devenu apprenti boucher, pas par choix. Je me suis créé des techniques en suivant ma propre logique. » Le pigeonneau de 28 jours élevé avec amour est ensuite mariné dans du go chu jang (une pâte de piment fermenté), du ssamjang (une pâte de soja fermenté), du ponzu (une sauce japonaise à base d’agrumes) et de jang sauce (soja fermenté liquide). « – Ce serait bien d’apporter plus de croustillant comme j’ai eu hier avec le maquereau, remarque Piège. – Des céréales ? – Oui ! – Du blé soufflé ? – Ce serait top ! » En un rien de temps, la cuisse est panée dans les céréales avant d’être snackée à la plancha côté peau et terminée au four. Un peu de sucre glace sur la mouillette. Et les deux cuisses de pigeon vont soudain se percher sur un arbre miniature utilisé la veille par San pour une « chasse aux truffes sous la neige » ludique. « On goûte ? » Ok, mais on photographie avant…
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Ci-contre : Chevreuil, betterave crapaudine, capucine tubéreuse, ssamjang
recettes à quatre mains Deuxième jour, dans la cuisine de Thoumieux
Éléments imprévus une capucine tubéreuse et de la pâte de soja
Étrange et captivant ballet que celui de deux chefs ayant fait connaissance la veille, se retrouvant ce matin-là confinés, contrairement à l’Air du temps, dans quelques mètres carrés de cuisine, juste avant le service parisien. « On était moins stressé quand on était en Belgique ! », taquine San. La veille, le chevreuil cuit sur des marrons ardents, magnifique dans l’idée, s’est avéré un peu cotonneux – « c’est vraiment dû à l’animal car la cuisson est parfaite, il a dû être stressé ou mal abattu », analysait Sang-Hoon.
« – Allez, on va faire du chevreuil !, propose Jean-François. On va s’amuser à le marier avec le ssamjang et la capucine. – J’ai été boucher, je peux te lever le chevreuil de chasse ! – Et donc on va travailler ça comment, la capucine ? – J’ai essayé en cuit mais ça ne donne rien. Cru, c’est piquant, un peu comme du gingembre. Goûte. – Ah oui c’est hard !, crache Jean-François. On a une betterave crapaudine ? Je ferais bien un jus avec pour avoir comme un sang de betterave. – Oui ça peut marcher avec le chevreuil cuit sur les marrons. On pourrait râper à la microplane un peu de capucine tubéreuse pour booster le jus. – Nicolas, apporte-moi le vinaigre de feuilles de framboisier. On fait des vinaigres de fruits comme la grandmère de Valence les faisait. Bon, on les travaille un peu mais j’adore les utiliser, je pense que ça pourrait bien fonctionner. »
Il n’a pas fallu longtemps pour que le dos de chevreuil se retrouve sur les marrons rendus brûlants — « ce sont clairement les vendeurs de marrons qu’on trouve dans les rues qui m’ont inspiré », note Piège. Cinq minutes de cuisson, autant de repos. Les filets sont levés, rosés, délicats. Sang-Hoon a fait mariner quelques feuilles de capucine dans la pâte de soja fermenté, un peu d’eau et de vinaigre. Il les taille méticuleusement à l’emporte-pièce. Jean-François verse une noix de beurre dans une poêle, fait à peine chauffer pour fondre la matière grasse, rajoute hors du feu le jus de betterave délicat et un peu de genièvre pilé. Dans le fond de l’assiette, Sang-Hoon dépose un peu de pulpe de betterave et de capucine tubéreuse pour créer un petit sous-sol. Jean-François y dépose délicatement les pièces de viande pendant que le chef belge forme comme des corolles avec de fines lamelles de betterave crue. Un peu de jus délicatement versé, quelques pousses de betteraves et quelques feuilles de capucine déposées dans un silence chirurgical à la pince à épiler. Et voici le dos de chevreuil à quatre mains, entre Sologne et Séoul…
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