Je tiens à remercier l’ensemble de l’équipe enseignante de l’option Communication de l’École des Beaux Arts de Rennes, Clara pour son soutien, sa contribution et sa patience. Puis ma mère pour m’avoir poussé à découvrir la culture française. Je remercie également l’équipe du centre d’art contemporain La Criée, François Verret, l’équipe du TNB ainsi que François Seigneur pour leur encadrement durant mes stages.
彷 徨 う 魂 の 島
L’ î l e a u x â m e s p e r d u e s
彷 徨 う 魂 の 島
Mathieu ONUKI
http://www.ikunograf.com
Mémoire DNSEP 2012 Option communication/mention éditions d’auteur, médiatisations EESAB - Site de Rennes
Sommaire Déconditionnement Couleurs Platheba Langue Primaire ZOO Homo Sapiens Earth United Anthem United Google Nations Monsters Artefact Champion
10 10 11 12-13 14 15-16 16 16-17 18-19 20 21
Origines / Mutation désorientée Irradiation Recherches 43 secondes Gravures sur bois
24-25 26-29 30-31 32-33
«Fission» Pèlerinage Table rase Chimère Croisements SANAGI (Chrysalide) RESET
36 37 38-39 40-41 42-43 44-47
Introduction Je suis né à Tokyo d’un père japonais et d’une mère française et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 15 ans. La culture et les moeurs de ce pays me paraissaient être la base de ma pensée. Ma langue maternelle a naturellement été le japonais, je l’ai apprise dans une crèche du quartier où nous habitions avec ma mère. Je croyais naturellement faire partie de cette communauté (faite principalement d’enfants), malgré les regards des parents face à un nonJaponais. C’est à ce moment que j’ai commencé à percevoir une différence. Ma première rupture, je l’ai vécue à l’âge de 5 ans, lorsque, selon la volonté de ma mère, j’ai intégré une école française (la seule à Tokyo). Je ne parlais ni ne comprenais la langue et contre ma volonté j’ai dû m’adapter afin de pouvoir être admis au sein de cette nouvelle communauté. À partir de ces années là, le français s’est imposé comme ma langue principale, cela a généré des confusions et j’avais le sentiment de n’appartenir à aucun groupe. Cette immersion soudaine dans cette autre culture a généré des tiraillements, des acceptations et des renoncements qui ont fait naître en moi une forme de rejet de la France. J’étais dans cette école avec des enfants de multiples nationalités et souvent de passage, cela était dû au statut professionnel des parents. C’est à l’âge de 15 ans que j’ai vécu une autre rupture en étant contraint de m’installer en France. L’imprégna-
tion de la culture française s’est faite progressivement durant mes années au lycée. La diversité de la société française m’est apparue et m’a conduit à une remise en cause et une compréhension de mes rejets. Avec le recul, cette période s’est avérée être le point déclencheur d’une réflexion personnelle sur les aspects culturels et identitaires auxquels j’étais confronté. Mes points de vues distanciés de l’une par rapport à l’autre culture m’ont permis d’émettre des hypothèses construites sur des comparaisons et des confrontations. Ce système de télescopage est devenu par la suite un des moteurs de ma méthodologie plastique. Je m’imprègne des images circulant sur Internet ou dans les médias, je récolte des sons, de la vidéo, du texte et des photos que j’agence de manière à générer des collisions. Cette méthode est semblable au choc culturel dont j’ai fait l’expérience au cours de ma vie. Mes travaux me permettent de partager des questions qui me semblent essentielles à poser dans notre époque de globalisation et de mondialisation. La dimension sonore occupe une place importante dans ma production. Ce médium est pour moi le moyen de communication le plus direct et le plus riche en informations. Il est d’autant plus important qu’il correspond à ma méthodologie de travail. Le son est malléable, il peut être mélangé et peut procurer diverses sensations. Le son me permet de partager des ressentis ou des
ambiances que je ne pourrais communiquer autrement. Les sons que j’utilise et que je créé sont en général universellement accessibles et est souvent accompagné de vidéo. Ma problématique essentielle, qui est le fil conducteur entre mes travaux, est née de ma propre expérience et de mes réflexions. J’y ai associé un mot qui m’accompagnera dans toute ma recherche durant ces années aux Beaux arts : « le conditionnement» Intégrer une école d’art m’a permis de construire une recherche approfondie sur la culture et l’histoire du Japon. Cette étape me semblait indispensable pour comprendre mes origines et construire un regard critique à l’égard de cette société. Le lien que j’ai découvert entre ma propre identité et la société japonaise est la notion de rupture spontanée et d’assimilation. Le Japon est historiquement un pays qui a connu un grand bouleversement et une transformation radicale de sa culture. Le dossier de recherche accompagnant ce mémoire décrira en détail ma recherche vis-à-vis de cette société japonaise, en plusieurs étapes, selon une certaine chronologie historique, de 1945 à nos jours. Ce dossier livre des clefs de lecture et des questionnements qui complètent la compréhension de mon travail dans sa globalité.
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Déconditionnement I Couleurs
Ces trois vidéos (Couleurs, Platheba et Langue primaire) sont des stimulations visuelles et sonores destinées à des enfants en bas âge (entre quatre et huit ans). Mon intention était de détruire les codes préconçus par un apprentissage codifié. Je cherchais à produire un procédé très simple et ludique pour maximiser l’accessibilité. (cf.p.10-11 Dossier de recherche) Ce projet était prévu pour qu’il devienne interactif, pour que l’enfant soit davantage stimulé de par sa participation.
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Platheba
Vidéo en boucle 2008
animation flash 2008
Cette vidéo a été conçue pour une installation avec des projecteurs orientés vers les spectateurs, elle montre un défilement des couleurs primaires et secondaires, une voix récite des couleurs ne correspondant pas à l’image. Les couleurs projetées dans l’espace modifient toute les couleurs présentes par addition et engendrent de multiples ambiances. La vidéo s’accélère progressivement jusqu’à saturation du son et du visuel.
L’alphabet en capitales défile dans l’ordre, le son récite l’alphabet qui est différent de celui représenté. Par la visualisation intensive en boucle, j’ai cherché à déconstruire les fondements de notre langage. J’ai réalisé une autre version interactive sur flash où l’alphabet apparaît de manière aléatoire avec le son lui-même en aléatoire. Le spectateur doit taper sur son clavier la lettre correspondant au visuel pour passer à la lettre suivante. Initialement, je voulais que ce projet soit réalisé par reconnaissance vocale et non sur clavier.
Langue primaire Vidéo 2008
Une bouche féminine prononce des mots, le son de la voix est absent, le spectateur est invité à lire sur les lèvres comme le font les enfants dans leur apprentissage. Ces mots font partie du vocabulaire «adulte» et sont liés à des problèmes de sociétés ( Virus, épidémie, argent, destruction, consommation, famine...). Par ce procédé, je dédramatise ces mots et les coupe de tout contexte, je voulais que chaque enfant invente des mots en essayant de lire sur ces lèvres.
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Déconditionnement II ZOO
Edition, 52 pages, 110 x 148 2008 - 2010
Ces photos ont été réalisées à Tokyo durant l’été 2008, mon objectif étant de révéler un certain visage de cette ville. Ainsi, je montre à quel point les êtres humains souffrent, enfermés dans une cage formée par la société, où l’expression des sentiments et des passions est inexistante. La ville peut alors être considérée comme un zoo, où des êtres privés de leur liberté se retrouvent à vivre en communauté dans une prison psychique (cf.p.35-36 DDR). Les êtres y sont montrés désespérés, conditionnés, contrôlés. Ce travail peut être considéré comme les prémices de ma thématique de recherche depuis début 2010. Toute ma recherche sur le conditionnement découle de ma vie menée dans cette société.
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United
Homo Sapiens Vidéo 2’03 2009
Tirage numérique 2009
La continuité de ma recherche sur le conditionnement m’a conduit naturellement au nationalisme lié au phénomène de la mondialisation. Ma première inspiration pour cette série était un documentaire visionné sur Arte ( La bataille des droits de l’homme, de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, 2009). Ce film présentait une réunion de l’ONU. Les représentants débattaient sur les problèmes dûs au racisme dans le monde. J’y ai vu une guerre au sein même des Nations Unies et cela a engendré en moi une réflexion sur la notion de cohabitation entre les être humains. « Nous pensions aller à une réunion de l’ONU contre le racisme et nous avons assisté à un déchaînement raciste» (Caroline Fourest). La question de l’union entre différentes cultures était la problématique qui m’intéressait. Je voulais trouver un moyen de montrer et de faire ressentir cette énergie d’attraction et de répulsion entre les peuples. Les différences et les similitudes entre les humains se mêlent pour entrer en collision, c’est ce que je voulais montrer.
Cette vidéo est une succession d’images de drapeaux qui sont diffusés à une cadence de 30 drapeaux par seconde sans ordre particulier. Sont diffusés en tout 192 drapeaux de pays qui font tous partie des pays membres des Nations Unies. Les images saccadées et colorées rappellent l’univers de la publicité, transformant les emblèmes colorés en une sorte de flash lumineux agressif et hypnotisant.
Cette impression sur papier (p.13) représente les 192 drapeaux transformés sous forme filaire (vectorielle) et ils sont tous superposés. Ce procédé m’a permis de mettre tous les drapeaux au même niveau et de créer une image expressive, par la complexité et la concentration des lignes. Ce travail s’est construit en même temps qu’une réflexion sonore faite sur les hymnes nationaux.
2008-2009
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Earth
United Anthems
Piste sonore 3’33 2009
«United Anthem» rassemble les 192 hymnes des pays des Nations Unies qui sont superposés sur une seule et même piste sonore. Cette piste, au premier abord chaotique, fait peu à peu remarquer les complexes variations de timbre et de rythme. Malgré ces disparités, une unité sonore se crée formant un espace où les hymnes font collusion, les nuances ne se distinguant plus. Cette piste témoigne des relations complexes de nos sociétés humaines (cultures, moeurs, langages, folklores…) et des bouleversements contemporains que représentent la mondialisation avec l’expansion et l’harmonisation des liens d’interdépendance entre les nations,. Sont toutefois remarquables les similitudes inhérentes qui, en réalité, sont celles qui construisent ce monde.
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United Google Nations Internet 2010
http://www.ikunograf.com/projet_degres2.html
Ce projet est né d’une constatation que j’ai pu faire sur un fait actuel : notre méthode de recherche via Internet. Cette technique est la recherche image dans Google. Cela permet d’avoir une mosaïque d’images afin d’illustrer un mot. Parallèlement j’ai trouvé des sites et forums parlant d’une nouvelle religion basée sur Google : le Googlisme. Trois points m’ont fait pensé à une société de conditionnement. -l’imagerie qu’on associe à des mots avec une uniformisation de notre imaginaire. -le contrôle de nos faits et gestes en les enregistrant sur des bases de données. - la création d’une religion. Google peut être associé au Big Brother de 1984. Une vidéo créée par Ozan Halici et Jürgen Mayer intitulée Master plan about the power of google explique ce phénomène. Leurs sources proviennent du livre The google story de David A Vise et Mark Malseed. J’ai donc associé ces éléments pour réaliser un
projet sur Internet. Le principe est un menu déroulant avec le nom de différents pays. Une fois le pays sélectionné, en appuyant sur GO un lien est associé à la recherche dans google image (États Unis) du pays en question. Il nous permet donc d’avoir l’image qu’on se fait du pays selon la vision de Google des Américains. Le deuxième menu traite de l’image de la femme de différents pays selon le Google du pays sélectionné. Il faut aussi savoir que Google n’est qu’un programme et que nous sommes ceux qui nourrissent ce système et qui décidons de la hiérarchie de ces images en fonction de leurs popularité (nombre de visites).
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Monsters
Impression numérique 1500 x 1500 édition 200 x 200 2009 -2010
Ce projet a commencé par une phrase du roman d’anticipation 1984, écrit par Georges Orwell en 1948. «...le visage de Big Brother sembla persister plusieurs secondes sur l’écran, comme si l’impression faite sur les rétines était trop vive pour s’effacer immédiatement». Ce qui m’intéressait dans ce texte était le personnage de dictateur, sa naissance et sa représentation. Les notions de persistance rétinienne et d’illusion optique ont été les éléments que j’ai considéré majeurs pour représenter ce personnage. Il est partout mais nulle part et j’ai réalisé qu’il était gravé en nous. Après différents essais j’ai réussi à donner une forme à ce personnage fantomatique omniprésent. J’ai réalisé des affiches dont l’image d’un dictateur (différents dictateurs de différents pays) est représentée de manière quasi transparente dans des cercles concentriques noirs. Les cercles représentent 18
notre rétine et la figure du dictateur que j’ai représentée est celle qui disparaît selon notre proximité par rapport à l’image. Plus nous nous éloignons, plus le dictateur est visible. Cette interaction du mouvement physique dans l’espace, pousse le spectateur à prendre position. Les cercles peuvent également être perçus comme des cibles . J’ai également réalisé une édition, une sorte de catalogue de dictateurs invisibles. Nous devons poser ce livret et nous éloigner pour percevoir les portraits, ainsi je voulais donner une autre lecture de ces images par le changement de médium.
Déconditionnement III Artefact
Édition 80 pages 200 x 200 2009
Ce projet se base sur notre mémoire et la manière dont les industriels profitent d’elle pour nous manipuler (cf.p.11 DDR). J’ai choisi des logos communément répandus et les ai dégradés jusqu’au seuil du reconnaissable. Le spectateur peut ainsi se rendre compte à quel point ces signes sont ancrés en nous.
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Champion
Édition 38 pages140 x 140 2008-2009
La marque Champion était en voie de disparition, c’ est une des raisons pour lesquelles j’ai utilisé ce logo. Je voulais casser la rigidité de l’ossature vectorielle du logo pour lui donner une expressivité en mettant de côté sa fonction informative. J’ai imprimé le logo en série puis, en le plaçant dans un milieu naturel sous la pluie et le vent, la couleur s’est peu à peu diffusée et s’est libérée de sa forme mécanique initiale. C’est ainsi que chaque image s’est personnalisée. Je voulais montrer une disparition naturelle de cette image artificielle, ce genre d’ emblèmes, fierté des industriels s’ avérant si éphémère.
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Origines / Mutation désorientée J’ai établi une recherche pour comprendre la mutation qu ’a subie le Japon après la défaite de la Seconde Guerre mondiale. J’ai commencé par découvrir la destruction massive matérielle, psychologique et culturelle que ce pays a connue, notamment avec l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki, la désacralisation de l’Empereur et l’installation de la nouvelle constitution japonaise écrite par les Américains. Après la capitulation, le pays tout entier a été contrôlé par les ÉtatsUnis. S’ est installé à ce moment le modèle américain qui a engendré le Japon contemporain, où des valeurs traditionnelles ont été remplacées par de nouvelles formes de pensées essentiellement basées sur l’ économie.
Irradiation Vidéo 3’20 2010
Des logos sont comme imprimés sur ce corps formant une sorte de tatouage. À travers ces motifs corporels, j’ai voulu représenter une sorte de nouvelle ethnie ou civilisation basée sur une culture de l’hyper-consommation, où le corps de l’être humain ne fait que servir la diffusion de ces formes et couleurs. J’ ai voulu montrer l’effacement de l’homme tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Nous voyons ce dos agressé et souffrant, se tordant et se grattant comme pour essayer de se débarrasser de cette couche superficielle qui l’irrite. L’ outil lumière est important dans ce travail, tous ces flashs lumineux de logos sont aussi un deuxième bombardement que le Japon a subi. Un bombardement idéologique qui détruira peu à peu les valeurs traditionnelles et qui s’ introduira dans la tête, la chair et sur la peau de ses nouvelles victimes. Le Logo est l’ emblème représentatif des 24
entreprises, il envahit tout notre espace de vie et s’ infiltre partout.
Recherches Dessins 2009-2010
Inspiré par la danse Butô (cf.p.26-28 DDR) et des témoignages des victimes de Hiroshima (cf.p.16-17 DDR), j’ai réalisé une série de planches de recherches associant cette danse à l’événement apocalyptique de la bombe atomique. Dans la destruction totale et la souffrance absolue, l’Homme se libère de son conditionnement humain, il se laisse emporter par son instinct animal. Ce degré zéro me semble être l’origine du Butô, il n’est pas étonnant que cette danse soit apparue à cette époque d’après-guerre. Il représente la folie de nos sociétés contemporaines, la fracture entre l’Homme et la nature et tente de renouer ces liens. Ici, les corps sont soumis à une extrême chaleur, la peau tombe et l’Homme se retrouve en état de chair et d’os.
26
27
28
43 secondes
Édition 290 x 415 2010
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Ces photos proviennent de villes diverses que j’ai visitées ou dans lesquelles j’ai habité (Tokyo, Cannes, Rennes, Londres, Hiroshima). À travers elles, je souhaite montrer un aspect universel de l’Homme et parler de tout humain quel que soit son âge, son origine, son sexe, sa culture.
inconnus. Ces photos sont aussi conçues pour donner à voir des traces laissées par une nouvelle apocalypse nucléaire. La bombe atomique est de plus en plus adoptée par différents pays et je partage, comme tous ceux qui connaissent sa puissance, la crainte d’une nouvelle récidive.
Ma première inspiration pour cette série est née d’une photo prise après la bombe atomique lancée sur Hiroshima le 6 Août 1945. Ce jour là, les êtres humains les plus proches de l’épicentre furent alors instantanément désintégrés par la chaleur dégagée et par la puissance nucléaire. Sur cette photo de Eiichi Matsumoto (cf.p.20 DDR), nous pouvons constater que les seules traces restantes des êtres humains sont leurs ombres projetées aux murs. Ainsi, marqué par l’idée de la désintégration du corps et de la peur de la disparition totale de l’espèce humaine, j’ai montré les traces d’un instant éphémère de la vie d’individus
Yves Klein a aussi été marqué par les images ramenées d’ Hiroshima après la bombe atomique. Il a réalisé une toile nommée Hiroshima en 1961où il présentait des corps en mouvement où le temps semblait suspendu pour l’éternité. De même, les installations de Claudio Parmiggiani nous montrent un monde postapocalyptique où l’homme a été totalement éradiqué, ne laissant que des traces derrière lui. Cette série de photos m’a amené à la réalisa-
tion d’ une édition, la couverture noire gaufrée laisse entrevoir la trace de l’ancien drapeau de la marine japonaise (utilisé comme le symbole de la puissance japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale) interdit d’utilisation par les Américains après la défaite. Ce drapeau montrant le soleil avec ses rayons diffus me semblait correspondre à l’image prémonitoire du flash de la bombe atomique.
Gravures sur bois 900 x 600/600 x 1800/1200 x 900 2010 - 2011
Ces gravures reprennent des postures de danse Butô interprétées par Tatsumi Hijikata, Wakamatsu Moeno et Imre Thormann. (cf.p.26-28 DDR) Le déséquilibre et la désorientation sont des termes qui s’approchent de l’expression que je recherchais. À travers les trois postures corporelles, je mets en valeur un effondrement, une contraction et une élévation qui circulent de manière cyclique. Les trois gravures fonctionnent comme un triptyque qui exprime trois états d’un corps qui dévoile une perturbation psychologique et sociologique. Une perturbation liée à un malaise d’une société qui a perdu ses valeurs. Le butô, né dans les années 50, tire sa source de la transformation effrénée de la société japonaise d’après guerre. Une perte d’identité, à la foi à l’échelle de l’individu mais aussi à l’échelle culturelle. Le processus de création contribue également à la mise en relief de l’association entre tradition et modernité. Les corps subissent de multiples transpositions à travers différents medias numériques 32
pour finir gravés dans la matière naturelle. La gravure sur bois permet de révéler le corps à travers la matière évidée. J’ai creusé, comme le Butô lui même, l’expressivité au delà de la superficialité du corps.
«Fission» Dans ces travaux, j’ai voulu mettre en relief les symptômes causés par l’hybridation culturelle vécue par le Japon contemporain. Ils traitent à la fois de la transformation du pays au niveau de son territoire comme espace public, au niveau de sa culture et de sa société mais aussi de son idéologie. Les transformations contemporaines sont la cause de la perte des valeurs et des croyances acquises au cours des siècles. Je compare ainsi la ville à un Yôkai (monstre traditionnel japonais), qui engloutit les individus, sans cesse contrôlés et manipulés par cette force dont ils ne peuvent plus s’échapper. Enfin, certains de mes travaux mettent en lien les effets de cette société métamorphosée sur l’individu luimême. Ce dernier appréhende le monde qui l’entoure, craint le bouleversement de son quotidien et le vide qui finalement s’impose à lui.
Pèlerinage
Vidéo 2’01 2010
Cette vidéo a été prise à la sortie de Tokyo sur le chemin qui mène à Hiroshima. À travers ce défilement du paysage j’ai voulu tracer le portrait du Japon contemporain. La vitesse du shinkansen (TGV japonais) me paraissait exprimer l’évolution effrénée des grandes villes du Japon. Le déplacement reste continu et monotone, seul le décor change. La transformation est radicale, nous passons de la ville à la nature en quelque dizaines de secondes. J’ai eu l’impression de voyager dans le temps face à ces paysages, les buildings deviennent de plus en plus bas pour laisser place à des maisons, les champs et les arbres envahissent peu à peu l’espace jusqu’à remplir l’écran, et là, se dévoile un Japon très ancien.
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Table rase Vidéo 1’59 2011
Cette vidéo a été conçue juste après l’événement survenu à Fukushima (cf.p.56-57 DDR). Table rase montre une transformation radicale survenue sur les grandes mégalopoles du monde. L’alarme qui introduit la vidéo est le signal national d’alerte, il rappelle les bombardements durant la guerre. De cette alarme commence une série d’explosions de cause inconnue, rasant ces villes en passant de la lumière à la pénombre. La lumière rejoint l’ombre et seul le vide persiste. Ces villes montrent l’évolution de l’homme, une évolution qui peut devenir la cause de sa destruction. Nous fragilisons notre avenir incertain pour des profits du présent.
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Chimère
Vidéo 3’27 Photos 2011
Été 2010, debout au milieu des buildings du quartier de Shinjuku, je regardais ce flux incessant d’énergies. Les lumières révèlent les architectures ainsi que les corps des passants. La ville et ses habitants à travers les lumières colorées sont l’image de ces quartiers de Tokyo. Les énergies s’échappent de chaque élément, constituant l’espace, en se mêlant les unes aux autres. La chimère représente en même temps la ville sous la forme de créature engloutissant chaque être, mais elle est aussi illusion créée par le scintillement des enseignes publicitaires. Le traitement numérique de la vidéo renforce l’idée de la platitude de l’image et de l’espace représenté. La ville n’est plus qu’un ensemble de lignes dans le néant.
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Croisements
Édition, 50 pages 106 x 147 2010 - 2011
Le croisement a été la thématique de mon voyage en 2010. Par association, comparaison et superposition d’images et de symboles, j’ai voulu révéler une certaine facette du Japon d’aujourd’hui. Ce pays longtemps refermé sur lui-même s’est vu contraint d’ouvrir ses portes après sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale. Après la destruction du territoire et la perte des croyances face au renoncement de l’empereur à son statut divin, les habitants n’ont eu d’autre choix que de reconstruire un nouveau Japon sur ces ruines. La capacité d’adaptation fait partie des points forts de ce pays. Ils ont incorporé des cultures extérieures afin de les ajuster à leur besoin. (cf.p.24-25 DDR) Dans les images, j’ai voulu montrer des collisions, des chocs entre tradition et modernité à travers les paysages, les architectures, les vêtements ou la nourriture en jouant à la foi sur les cadrages et les couleurs. Face à la modernisation du territoire, la nature s’efface peu à peu alors que celle-ci est le témoin et la passerelle entre les époques. 40
La tradition japonaise a toujours respecté la nature en l’identifiant à des divinités. Étroitement liée à l’idéologie Shintô, c’est l’identité qui disparaît avec la destruction de cette nature. Les séismes de 2011 font resurgir les collisions identitaires de ce pays et une nature qui veut reprendre ses droits.
SANAGI (Chrysalide) Vidéo 4’41 Édition, 74 pages 180 x 250 2011
La culture des monstres et des fantômes est très importante au Japon. Ces êtres surnaturels sont liés à la mythologie, notamment au Shintô. Le Shintô abrite une multitude de dieux inspirés par le caractère sacré accordé à la nature. Ces croyances sont à la racine de l’identité du Japon. Le Shintô considère comme divins aussi bien des forces de la nature que des animaux ou des hommes célèbres. Innombrables, les Kami (divinités) se cachent sous les formes les plus diverses, leur caractère est ambigu, comme la nature elle-même. Tous possèdent un esprit de violence, qu’il faut concilier ou neutraliser par des rites appropriés. Les Yôkai sont des créatures associées aux phénomènes étranges, souvent effrayantes ou séduisantes. ils nous apparaissent sans appartenir à notre monde. Les Yokai sont de véritables socles sur lesquels reposent toute la conception du surnaturel dans la culture japonaise. 42
Avec l’ouverture du pays et l’influence matérialiste occidentale de la fin du XIXe siècle, ils furent menacés de disparition. De nos jours, ce sont les mangas et les films qui permettent la subsistance des légendes des Yôkai. Dans notre époque où la science essaie de tout rationaliser, la place à l’imagination est de plus en plus restreinte. C’est peut-être un des facteurs des nombreuses crises modernes que connaissent les jeunes générations du Japon. Avec la culture des mangas et des jeux vidéos, les jeunes ne cherchent-ils pas un moyen d’échapper à la globalisation et à la société matérialiste? La génération après la seconde guerre mondiale a tout perdu entre l’effondrement de leur territoire, l’occupation, puis le renoncement de l’empereur à son statut divin. Les Japonais n’ont pas eu d’autres choix que d’adopter le modèle américain. C’est comme par réaction à ce modèle et par volonté de retrouver une identité que les jeunes générations se sont tournées vers les légendes et mythologies traditionnelles.
Au Japon, l’évolution liée à la destruction et à la reconstruction s’est faite de manière brusque et forcée, mais la mondialisation montre clairement une disparition des traditions de diverses cultures tendant vers une globalisation. C’est en m’inspirant des vieilles traditions, des mangas et de la cyber-culture que j’ai imaginé des créatures en perpétuelle évolution dans le monde contemporain. Elles sont en même temps la concrétisation d’une crainte face à l’évolution et la représentation de la ville elle-même. La chrysalide est une période de la métamorphose, c’est en ce sens que je conçois l’état actuel du Japon, la première mue due aux événements du XXe siècle. En perpétuelle mutation, ces chrysalides évoluent en se nourrissant des crises sociales pour donner naissance à une chose indéterminée et informe s’apparentant à l’avenir.
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RESET
Édition 24 pages 290 x 290 2011
Cherchant du repos et du calme, fatigué des flux de la ville de Tokyo, j’ai souvent été attiré par les espaces verts. Ces images sont issues de parcs disséminés dans les différents quartiers de Tokyo. J’ai été marqué par le changement radical des temporalités. Ces parcs étaient comme des espaces où le temps s’allongeait dans un calme paisible. Se trouvaient dans ces espaces des personnages méditatifs, pensifs, rêvant, assis sur des bancs ou couchés dans l’herbe. Le point commun apparent qui les reliaient était le repos. Mais l’envers de ces scènes est souvent bien plus sombre et douloureux. Ce sont des déchus d’une société sans pitié. Une société basée sur la compétition qui commence dès la naissance. Le taux de natalité ne cesse de diminuer au Japon, dû aux frais scolaires très élevés et au fait que les femmes accordent de plus en plus d’importance à leur carrière professionnelle. Cette diminution implique que chaque parent projette tous ses espoirs en son enfant. Dès la naissance, l’enfant est soumis à une forte 44
pression de la part des parents et des grands parents. Cet enfant portera tout ce poids sur ses épaules jusqu’à ce qu’il réussisse ou rate, car au Japon il n’existe que deux catégories : Les gagnants et les perdants. (cf.p.35-36 DDR) C’est face à cet enjeu que les enfants vont s’affronter durant toute leur scolarité. La plupart ne se contenteront pas des cours à l’école et iront dans des juku jusqu’au soir pour combler leur lacunes et rattraper les retards. Les enfants évoluent dans ce cadre, fixant aveuglément un but unique qui leur a été imposé. Les répercussions dues à ce stress tournent souvent au drame. Nombreux sont ceux qui craquent et cela peut se traduire par l’enfermement (rejet de toute relation avec le monde extérieur), la rébellion ou le suicide (cf.p.33-34/37/39/47 DDR). Les brimades entre élèves (ijimé) est une pratique courante et cela peut prendre n’importe quelle forme, que ce soit physique ou psychologique. Et, celui qui sera déchu, sera voué à porter le masque de l’humiliation, le poids
le plus lourd qui puisse être au Japon. Le plus démuni devra vivre caché, écarté de la scène, se faisant le plus petit possible. Les perdants se réfugient souvent dans des parcs ou dans des recoins de la ville, vivant dans des tentes en bâche bleue ou dans des boîtes en carton. Certains arrivent à résister en passant leurs nuits dans des fastfood, vidéothèques ou dans des cafés manga. Les Japonais les nomment les «homeless», terme repris de l’anglais. Malgré tous les regards de la société, nombreux sont ceux qui luttent pour ne pas toucher le fond. Ils gardent une poussière de dignité et survivent en n’espérant plus rien de l’avenir. Ils semblent attendre que le temps passe. D’autres refusent leur situation et font tout pour s’accrocher à la société. Le travail à leur disposition est très limité, nettoyage de la ville, ramassage de carton et de canettes, tri des ordures. Les homeless sont de plus en plus nombreux au Japon, cette situation est due à la crise
financière et à son système social peu développé. Le travail étant le reflet de la vie pour les Japonais, il n’est pas rare de voir des personnes âgées continuer à travailler jusqu’à la mort. C’est dans ce cadre que j’ai réalisé ces photos, en imaginant une vie possible pour chacun de ces personnages. Je sentais dans le fond une sorte de réaction contre la société japonaise. Dans le calme et la paisibilité apparente, est enfouie une souffrance profonde. Leurs visages cachés par le masque, ils semblent fuir les regards. Ce sont des images pleines d’ambiguïté, les personnages sont méditatifs tout en se laissant emporter par un instinct animal dans ce milieu naturel. Tiraillés entre nature et société, ces Japonais semblent être confus et semblent avoir abandonné le combat. La nature est un élément majeur dans la culture traditionnelle japonaise. Mais celle-ci est détruite et oubliée pour laisser place à des murs de béton. C’est elle qui aujourd’hui semble vouloir calmer la course à la modernisation,
et c’est dans ces espaces que l’on trouve les réfugiés de cette société. Reset est un mot anglais qui signifie remettre à zéro, réinitialiser ou annuler. C’est en regardant un documentaire sur les homeless au Japon que j’ai entendu ce mot prononcé pour la première foi. En approfondissant ma recherche, je me suis rendu compte que ce mot revenait plusieurs fois, dans la bouche d’un enfant dépressif, d’un employé licencié ou dans une lettre de suicide. Ces gens veulent recommencer leur vie, repartir à zéro et vivre une nouvelle vie. Cela provient de l’insatisfaction et du regret de la vie qu’ils ont vécu ou qu’on leur a fait vivre. La plupart de ces gens n’ont pas eu le choix et sont arrivés à un point où ils ne veulent plus continuer. Reset est le rêve de nombreux Japonais et en même temps le cauchemar causé par l’impossibilité de le réaliser. La bâche bleue est chose très courante au Japon, cette couleur fait penser au ciel, au
vide. Dans les parcs de Tokyo, cette bâche est souvent présente. Celle-ci est distribuée par la mairie pour les SDF. Cette couleur bleue est loin de l’image du SDF au Japon, elle semble être là afin de les dissimuler, les cacher derrière ces beaux ciels bleus pour en faire abstraction. Les photos en deuxième et troisième de couverture de cet ouvrage proviennent du parc de Ueno, au centre de Tokyo. Ce grand parc abrite de nombreux homeless qui habitent en communauté. Ces deux images sont les façades des grilles qui enferment ces habitants. Cette grille est recouverte de bâches imprimées représentant des illustrations d’arbres, de maison avec des chiens dans le jardin semblables à des dessins animés pour enfants. Est-ce par ironie que ces personnes sans maison se cachent derrière les images de maisons rêvées par les enfants? Ou, est ce par cruauté que la société souhaite une fois de plus les dissimuler derrière une illusion? 45
Stages
Trait d’Génie Le stage réalisé en septembre 2010 dirigé par François Seigneur m’a permis de comprendre l’enjeu de son projet et de saisir ses volontés dans le monde de la création. Ce stage m’a également donné l’opportunité de contribuer à un projet collectif avec d’autres écoles d’art (Beaux Arts d’Angers et École d’Architecture de Rennes). Ce projet nommé «Trait d’Génie» se développe dans un petit village des Côtes d’Armor nommé Saint-Gouéno. «Trait d’Génie» comprend plusieurs enjeux, c’est un projet évolutif qui se déroule en plusieurs étapes, sur plusieurs années. L’objet final se présentera sous forme d’une passerelle, soutenue par divers objets anciens usagés récupérés. La première étape en 2009 était la réalisation de la maquette. En 2010 on était chargé de construire des piliers à la hauteur de la passerelle en utilisant des arbres morts des environs. Ces piliers permettaient d’avoir une échelle générale de la passerelle qui devrait faire environ 350 mètres. En parallèle, on réalisait un travail de récolte des objets auprès des habitants des villages avoisinants. Les objets étaient des anciens outils qui avaient perdu leur utilité, oubliés au fond des caves et qui ont été remplacés par de nouveaux produits. François voulait leur donner une deuxième vie, leur faire raconter leur histoire et servir à nous soutenir pour nous permettre d’accéder à l’autre côté de la vallée. Afin de récolter chaque mémoire, nous sommes allés rencontrer les habitants des villages voisins avec une caméra, un appareil photo et un carnet à dessin. La plupart des agriculteurs que nous avons rencontrés étaient âgés 50
et avaient connu une autre époque. Ces personnes nous ont raconté les histoires qu’ils ont partagées avec leur objets avant de nous les céder. Tous ces objets accumulés les uns sur les autres se présenteront comme un amas de ferraille, une ferraille enfermant plein d’ histoires. Les objets contemporains sont de plus en plus dépourvus d’affect, la société de consommation pousse la production de masse et l’individualité est dissoute dans la masse. Les objets et les vivants subissent le même sort. C’est pour permettre une réflexion sur le passé et notre monde contemporain que cette passerelle se dressera. Chaque objet avec son histoire mérite l’attention et le respect, c’est pour cela que les souvenirs rassemblés lors des entretiens seront gravés sur des plaques et installés sur la passerelle .
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La Criée Centre d’art contemporain à Rennes Ce stage a été au départ une proposition de La Criée. Olga Kisseleva, artiste d’origine Russe, préparait son exposition qui allait être présentée du 21 janvier au 27 février 2011. Le vernissage allait débuter avec une performance sous la forme d’un repas russe animé par deux acteurs, un cuisinier et cinquante convives. Notre travail consistait à filmer et à restituer cette performance. Ce film était destiné à devenir une pièce présentée dans l’exposition, c’est pour cette raison que le délai qu’on nous avait imposé était très court. Nous étions trois étudiants sur ce projet (Marie Leclercq, Seokkyung Bae et moi) avec l’aide d’Alain Rodrigue, notre enseignant en vidéo. Au bout de quatre jours de montage intensif, le film était présenté au milieu de l’espace de La Criée. Suite à des retours positifs d’Olga et de La Criée, Alain a proposé de continuer à travailler avec ce centre d’art contemporain. Le projet que nous avons exposé au directeur de la Criée consistait en la réalisation d’une édition DVD couvrant toute l’exposition «Divers Faits» d’Olga Kisseleva. Ce projet comprend le design du boîtier, le graphisme sur et dans le DVD, la captation des images vidéo et photo, une interview de l’artiste et du personnel de La Criée, une animation d’introduction, des diaporamas et la conception du DVD. Le directeur de La Criée était vivement intéressé par cette proposition, et nous avons prolongé notre temps de stage jusqu’en juin, date à laquelle nous avons remis dix exemplaires de cette édition. Nous avons fait connaissance avec tout le personnel de La Criée dont Marie 52
Lemeltier, chargée de communication qui nous a fourni les éléments d’identité graphique avec leur charte graphique. Cette charte avait été réalisée par une agence de graphisme nommée «Lieux Communs». Boîtier Nous avons commencé par la conception du boîtier, chacun proposant son idée sous forme de croquis. Nous avons ensuite participé à un atelier animé par Annie Robine (Artiste relieur) pour avoir des conseils concernant la fabrication. Lors de cet atelier, nous avons affiné les dimensions, la couleur, le type de pliage et le papier pour la fabrication de la boîte. Nous avons essayé différentes formes d’étuis pour singulariser l’objet et pour lui donner une identité propre, en respectant l’identité de La Criée. Après plusieurs essais de gaufrage et de découpage, nous avons opté pour un modèle. Au bout d’un mois nous avions quatre prototypes que nous avons soumis à l’ensemble du personnel de La Criée.
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DVD Parallèlement, nous avons travaillé sur le DVD en tant que contenant et contenu. Nous devions hiérarchiser les informations et créer une arborescence. Lors de la réalisation de ce projet nous avons réflechi à une éventuelle création d’une collection de dvd, qui allait à la fois servir de : -présentation des expositions terminées, -complément d’une exposition en cours grâce aux interviews et les explications concernant la conception de l’exposition -archivage pour La Criée. En suivant cette idée de collection nous avons pensé cette édition en prenant exemple sur des expositions passées et nouvelles. Ce projet d’édition a été très enrichissant car il nous a permis de concevoir un objet de A à Z dans une dynamique de groupe. Il m’a permis de découvrir le logiciel DVD studio pro, de me perfectionner à la technique du montage et d’aiguiser mon sens de l’observation sur le plateau et devant l’écran tout en restant dans le milieu de l’art contemporain. 54
TNB
Stage réalisé au Théâtre National de Bretagne durant la période de deux mois du 25 mars au 25 juin 2011. Ce stage s’est réalisé autour du chorégraphe et metteur en scène François Verret dans la salle Gabilly à Rennes. Au départ, la demande de François était assez floue, mais très vite j’ai réalisé qu’il attendait de ma part un investissement créatif et imaginatif. Il travaillait sur une pièce en phase de création nommée «Courts circuits». Cette pièce relie la danse, le théâtre, la musique et la vidéo. Le processus de création de François est personnel, il m’a fallu un certain temps pour le comprendre. Il commence par une phase d’observation de la personnalité et de son univers. Il attend ensuite des propositions et il extirpe de celles-ci des idées qui peuvent nourrir sa pièce. C’est ainsi qu’il construit la pièce finale qui est un assemblage des univers de chacun. Il pose au départ une directive à suivre puis il laisse les choses venir à lui, en restant ouvert à toute proposition. Il est très attentif aux collisions qui peuvent se provoquer entre les personnages. Sa pièce est assez décousue mais elle se croise en plusieurs points, le décor étant le monde contemporain. François est sensible aux éléments médiatiques et à l’actualité, il observe aussi l’accélération du monde contemporain dans une frénésie collective qui accumule une sorte de maladie. J’ai tout de suite été sensible à ce sujet car je partage certaines de ses pensées et des sensations, comme l’étouffement lié à l’abondance des informations. Je lui ai donc fait part de mes recherches sur la société japonaise, ce qui l’a tout de suite intérressé, 56
notamment par rapport à l’événement de Fukushima, qui était à ce moment très récent. Concernant mon investissement, dans un premier temps, il me fallait comprendre et assimiler les univers des personnages. Au total, au nombre de huit, les personnages s’entrechoquent, incarnant différents statuts et personnalités. Chaque personnage incarne plusieurs personnalités, pouvant passer de la star au jeune de la rue, de l’homme politique à Marilyn Monroe, de la prostituée au chef d’entreprise... Il y a là une question sur l’identité par rapport au vêtement et à l’attitude, une identité superficielle qui crée les barrières sociales entre les hommes. Je vais prendre l’exemple d’un personnage qui m’a marqué, celui nommé le Winner, qui portait un masque et un costume. Il incarnait le personnage politique ou le chef d’une grande entreprise. Doté d’un égo démesuré, il semble être le centre de tout. Pour ce personnage, j’ai proposé à François des images en grand format, qui pourront être présentes sur scène en tant qu’accessoires et décors de plateau. Je lui ai donc proposé des images de ce personnage dans des postures de glorification. Ces images pourront autant devenir des affiches de campagne, des images dictatoriales que des oeuvres photographiques encadrées et accrochées.
Ce stage a été très enrichissant, du fait d’avoir pu contribuer à la création dans l’univers du spectacle. J’ai pu ainsi côtoyer les acteurs, danseurs, scénographes, techniciens et vidéastes. Les photos réalisées dans le cadre de ce stage ont été utilisées pour illustrer le projet dans les agendas culturels, j’ai dû ainsi prendre connaissance des modalités concernant les droits d’auteur. La liberté que j’ai eue m’a autorisé à expérimenter dans différents domaines de la photographie, que ce soit dans l’argentique ou le numérique et sur différent supports, afin de permettre à cette image de pouvoir vivre sur scène.
Typographie : Arno Pro, Futura, KouzanBrushFont Papier : Arches 120gr Impression : Identic à Cesson Sévigné