SANAGI (Chrysalide)
Mathieu ONUKI
Les murs poussent sur un sol sans racine Alimentés par câbles et tuyaux Vides- Leurs lignes tracent les courants Les énergies se dispersent alors s’accélèrent les mouvements Poussés, les enfants rêveurs, dans le flux constant Innocence déchirée, tiraillée par leurs pères Les rêves errent dans l’ombre – Ne subsistent que chimères pour éclairer leur horizon incandescent
La culture des monstres et des fantômes est très importante au Japon. Ces êtres surnaturels sont liés à la mythologie, notamment au Shinto. Le Shinto abrite une multitude de dieux inspirés par le caractère sacré qu’ils accordent à la nature. Ces croyances sont à la racine de l’identité du Japon. Le Shinto considère comme divins aussi bien des forces de la nature que des animaux ou des hommes célèbres. Innombrables, les Kami (divinités) se cachent sous les formes les plus diverses, leur caractère est ambigu, comme la nature elle même. Tous possèdent un esprit de violence, qu’il faut concilier ou neutraliser par des rites appropriés. Les Yokai sont des créatures associées aux phénomènes étranges, souvent effrayantes ou séduisantes. Elles nous apparaissent sans appartenir à notre monde. Les Yokai sont de véritables socles sur laquelle repose toute la conception du surnaturel dans la culture japonaise. Avec l’ouverture du pays et l’influence matérialiste occidentale de la fin du XIX e siècle, ils furent menacés de disparition. De nos jours, ce sont les mangas et les films qui permettent la subsistance des légendes des Yokai. Dans notre époque où la science essaie de tout rationaliser, la place à l’imagination est de plus en plus restreinte. C’est peut être un des facteurs des nombreuses crises modernes que connaissent les jeunes générations du Japon. Avec la culture des manga et des jeux vidéos, les jeunes ne cherchent-ils pas un moyen d’échapper à la globalisation et à la société matérialiste?
La génération d’après seconde guerre mondiale a tout perdu entre l’effondrement de leur territoire, l’occupation, puis le renoncement de l’empereur à son statut divin. Ils n’ont pas eu d’autres choix que d’adopter le modèle américain. C’est comme par réaction à ce modèle et par volonté de retrouver une identité que les jeunes générations se sont tournées vers les légendes et mythologies traditionnelles. Au Japon, l’évolution liée à la destruction et à la reconstruction s’est faite de manière brusque et forcée, mais la mondialisation montre clairement une disparition des traditions de diverses cultures tendant vers une globalisation. C’est en m’inspirant des vieilles traditions, des mangas et de la cyberculture que j’ai imaginé des créatures en perpétuelle évolution dans le monde contemporain. Elles sont en même temps la concrétisation d’une crainte face à l’évolution et la représentation de la ville ellemême. La chrysalide est une période de la métamorphose, c’est en ce sens que je conçois l’état actuel du Japon, la première mue s’étant faite arrachée par les événements du XXe siècle. En perpétuelle mutation, ces chrysalides évoluent en se nourrissant des crises sociales pour donner naissance à une chose indéterminée et informe qui est l’avenir.
Références des images Katsushika HOKUSAI / Utagawa KUNIYOSHI / Gegege no kitarou de Shigeru MIZUKI / Godzila de Tomoyuki TANAKA / Gamera de Noriaki YUASA / Pompoko de Isao TAKAHATA / Le voyage de Chihiro de Hayao MIYAZAKI / Un été avec coo de Keiichi HARA / Nurarihyon no mago de Hiroshi SHIIBASHI.
EESAB RENNES 2011
Option Communication / Éditions d’ auteur médiatisations Dans le cadre de l’ atelier de recherche et de création ERRANCES