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Dans le labyrinthe du costumier Dominique Guindon

À l’insu des passants qui déambulent chaque jour dans le complexe de la Place des Arts, se déroulent sous terre toute une série d’opérations critiques pour tout spectacle d’opéra. Des machines à coudre ronronnent, des mains s’affairent, des tissus s’agencent et se transforment.

Ce sont plus de 15 000 costumes qui reposent ainsi dans le « bunker » de la Place des Arts, assortis d’une panoplie de chaussures et d’accessoires, prêts à servir pour les prochaines productions.

À la tête de cette fourmilière, la cheffe d’atelier Dominique Guindon et la cheffe associée Sonia Bayer coordonnent tous les gestes permettant à cette chorégraphie bien ficelée d’habiller chacun des personnages.

Pour l’amour de l’histoire et de la création

Comment en est venue cette passionnée de technique à co-diriger l’atelier de costumes de l’Opéra de Montréal ? D’abord et avant tout, un vibrant appel pour la création, doublé d’un coup de foudre pour l’histoire du costume et l’étude des formes, des styles et des différentes silhouettes.

Après des études en mode au Collège LaSalle et en design de production théâtrale à l’Université Concordia, Dominique travaille au défunt Centre national du costume. Responsable de l’inventaire, elle étudie les diverses techniques employées, par exemple, pour cintrer la taille, affiner certains endroits et donner du volume à d’autres. « Toute cette transformation du corps me fascine. J’aurais passé ma vie là-bas ! »

Après un passage à l’école de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe, elle fait le saut à l’Opéra de Montréal. « Quand j’ai passé l’entrevue, c’était la première fois de ma vie que toutes les petites cases à cocher pour le poste, je les avais. Ça semblait taillé sur mesure pour moi – sans faire de jeux de mots ! » Enfant, elle se souvient de ses excursions en famille au Parc Belmont, non pas pour les manèges, mais pour écouter les chanteurs d’opéra qui s’y produisaient sur l’heure du dîner.

Un atelier à grande échelle

À son entrée en poste en 2007, Dominique Guindon doit se familiariser avec un impressionnant volume à livrer. « La plus grosse production que j’avais faite jusque-là représentait 30 costumes. À l’opéra, il n’y a rien en bas de 200, 400 ou 500 costumes par saison. C’est une autre dimension ! » Résultat : les semaines sont chargées et les journées parfois très longues. « Mais quand je m’assois dans la salle et que je vois que tout fonctionne, c’est du bonbon. »

Quels sont les ingrédients du succès pour tout que tout soit en place le soir de la première ? « Je dois m’assurer que tout le monde est costumé sur scène selon son personnage, que l’esthétique désirée est respectée et que le tout demeure sécuritaire. »

Sous le costume, l’âme du personnage

À chaque production, Dominique Guindon prend plaisir à plonger dans une époque, historique ou moderne. Pour habiller les personnages de la manière la plus évocatrice qui soit, elle doit avant tout bien saisir la personnalité propre à chacun.

« C’est parfois une question de détails, mais il faut qu’on sente les traits de caractère, le bagage, le milieu et l’époque pour amener toute la crédibilité du personnage. En ce qui concerne le chœur, il faut aussi trouver l’allié qui va porter le costume, et pour ça, je dois bien connaître le bassin de gens qui m’entoure. C’est un art, trouver la bonne association ! »

Jouer avec les silhouettes et la morphologie des interprètes pour les adapter aux personnages est un défi de taille.

« Si on souhaite un personnage fort, mais que l’interprète est plutôt frêle, il faut savoir accentuer le caractère et donner de l’autorité. Les gens voient le résultat, mais ne devinent pas tout le travail d’analyse dans le choix final des tissus. »

Ce qui lui plaît le plus dans son travail ? « La diversité des projets et les rencontres. Oubliez le cliché de la diva ! Les chanteurs et chanteuses sont heureux de collaborer avec nous et on développe de belles relations ! »

Sue Wehner : marraine à l’opéra

Dans la petite ville du Midwest américain où elle grandit, Sue Wehner découvre l’opéra par sa mère, pianiste de formation, et la collection de vinyles de la maison. Elle écoute et réécoute avec ravissement les voix d’Ezio Pinza, Franco Corelli, Anna Moffo et bien d’autres.

Jeune étudiante à New York, elle assiste à ses premiers spectacles d’opéra au Metropolitan : « Je pense que l’opéra qui m’a vraiment « convertie » est Boris Goudonov, avec Jerome Hines dans le rôle-titre. J’avais l’impression qu’il mesurait 9 pieds ! ».

Lorsque Sue s’établit définitivement à Montréal avec sa famille, elle continue de fréquenter avec le même enthousiasme les salles de concert et d’opéra. Consciente du rôle de la philanthropie pour les arts et la culture, elle s’implique également pour soutenir directement les organisations.

Comment en est-elle venue à « marrainer » une artiste à l’Opéra ? « Je suis les pas de mon père, en quelque sorte. C’était un homme merveilleux et engagé, particulièrement envers les causes qui rejoignaient les jeunes. L’opéra est une forme d’art si particulière, si exigeante pour les artistes qui sont en scène. Ils doivent maîtriser leur voix, le jeu dramatique, les langues et être en mesure de collaborer avec tant d’autres professionnels, les metteurs en scène, les chefs… C’est un défi considérable ! J’ai senti que, si je pouvais être là pour un artiste, là pour l’encourager et le soutenir (en plus du soutien financier), cela nous donnerait du sens à tous les deux. »

À l’Atelier lyrique, Sue a eu l’occasion de contribuer au développement de deux sopranos, Elizabeth Polese et Lucie St-Martin. « Beth et Lucie sont de venues comme des membres de ma famille. Mes « filles à l’opéra », on pourrait dire ! Je sais dans mon cœur qu’elles vont demeurer des amies pour la vie et que je vais continuer à suivre leurs carrières et leur épanouissement professionnel. » D’ailleurs, Sue insiste sur la nécessité de soutenir les artistes dans la période particulièrement délicate de l’après-Atelier, que ce soit par des contacts ou des conseils.

Comme en témoigne Elizabeth Polese, la présence d’une marraine va bien au-delà du don philanthropique : « Lorsque j’ai rejoint l’Atelier, j’arrivais de Toronto avec mon mari Jesse et mon chien, Darcy. On ne connaissait pratiquement personne et la rencontre avec Sue a été providentielle ! Nous nous sommes découvert des intérêts en commun –le baseball, l’amour des animaux, les drag queens… Plusieurs fois, elle nous a reçu chez elle à Ste-Marthe, nos deux chiens couraient ensemble pendant que nous visitions sa ferme. »

En somme, le programme de parrainage / marrainage donne l’opportunité aux artistes de sortir de leur cercle habituel. Comme le dit Lucie St-Martin : « Je dois avouer qu’avant de rencontrer Sue, j’étais légèrement intimidée par le programme. Mes craintes se sont envolées à notre première rencontre et lorsque j’ai rencontré tous les autres parrains et marraines. C’est vraiment une belle communauté de gens accessibles et passionnés, qui soutiennent l’opéra parce qu’ils l’aiment, comme nous ! »

Qu’est-ce que Sue peut souhaiter aux artistes de la relève en opéra ? « Je leur souhaite un succès durable et les triomphes qu’ils. elles méritent ! Elles ont tellement de talent, de générosité et de discipline, c’est une bénédiction que de pouvoir les aider un peu. J’espère continuer à pouvoir les soutenir encore longtemps et à suivre, aussi, les autres programmes formidables et innovateurs de l’Opéra de Montréal ! »

Lucie St-Martin abonde dans le même sens : « La présence de Sue a eu un impact très positif sur mon parcours à l’Atelier. Ce fût avant tout une expérience très humaine. Par sa présence à tous mes concerts, par ces mots d’encouragement, par l’utilisation de son réseau de contacts en musique pour m’aider et me conseiller. Aussi, la relation s’est étendue jusqu’à ma famille : Sue connait bien mon père et mon grand-père et je connais bien son fils, Soren. Notre relation dépasse la musique : on s’échange nos photos d’équitation, de pêche, de voyage. Je sais que je peux compter sur elle en cas de problème et j’espère qu’elle se sent de la même façon à mon égard ! »

4 opéras à partir de 109$

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