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ITALIE À Venise, les transports collectifs
À Venise, les transports en commun s’enlisent
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RÉSEAU. Plombés par l’absence des visiteurs étrangers et les mesures de distanciation sociale, les transports en commun vénitiens peinent à redémarrer. Ces difficultés mettent en relief l’absence de résilience de ce service public, trop dépendant des recettes touristiques. Ariel F. Dumont (à Rome)
Placée sous cloche durant 69 jours, Venise a finale ment rallumé ses lumières le 18 mai. Mais dans la cité lacustre comme ailleurs, la peur de la contamination rôde encore dans le dédale des ruelles qui s’étirent tout autour des canaux. Les magasins, les bars, les restaurants, les coiffeurs ont finalement levé leurs rideaux de fer mais les clients restent rares. Les « traghetti da parada », les ferries qui transportent les passagers d’un bout à l’autre du canal et permettent de réduire en parallèle l’affluence, notamment aux heures de pointe, sur les « vaporetti » du service lagunaire public, ont recommencé à circuler. Ainsi que les gondoles, mais
Derrière la carte postale, la gestion des vaporetti fait polémique, à l’heure de la reprise des transports publics.
sans les touristes, chassés de la Sérénissime par la crise sanitaire. L’absence des visiteurs venus des quatre coins du monde risque d’ailleurs d’impacter fortement le secteur des transports publics. Avec la fuite des touristes qui payaient le ticket des ferries au prix fort, puisqu’ils ne sont pas résidents, Venise n’a plus les moyens de faire circuler tous les bateaux sur la lagune et, avec la réouverture, les habitants auront des problèmes pour se déplacer. À cela s’ajoute le problème de la réduction obligatoire du taux de fréquentation des transports publics.
Mobilité sous contraintes
Selon les estimations de l’administration locale, la baisse du nombre d’usagers dans les transports en commun devrait entraîner une perte de quelque 100 M€ pour les sociétés AVM et ACTV, qui gèrent le trafic de passagers. « La réduction des courses est un problème sérieux, mais nous manquons de ressources, nous avons dû avancer les salaires du personnel placé au chômage technique pendant les trois derniers mois », a d’ailleurs récemment déploré Luigi Brugnaro, l’édile de Venise. « Nous sommes dans l’incertitude la plus totale, depuis le 4 mai [fin du confinement à l’échelle nationale, NDLR]. Nous avons enregistré une hausse de fréquentation de 10 à 15%, mais pour pouvoir remettre le service à niveau, nous devons d’abord avoir des estimations réelles sur le nombre d’usagers aux heures de pointe », affirme pour sa part Giovanni Seno, directeur général d’AVM.
La question de la mobilité à Venise est d’autant plus compliquée que les possibilités de déplacements indivi duels sont quasiment impossibles. Le manque cruel de parkings pénalise les Vénitiens, mais aussi les navetteurs. À cela s’ajoute l’impossibilité de circuler à vélo ou en trottinette électrique, en raison de l’étroitesse de nombreux ponts et rues. La municipalité veut relancer « la mobilité légère citadine » avec un nouveau service d’autopartage. Et pour éviter les rassemblements, la municipalité réfléchit à un modèle de réservation des transports publics et des parkings. Enfin, la mairie a demandé aux chauffeurs de taxi de revoir leurs prix à la baisse… ■
Marco Gasparinetti, PORTE-PAROLE DE L’ASSOCIATION GRUPPO 25 APRILE
3questions à
«Les vaporetti ont servi de vache à lait à la municipalité. »
Pour les Vénitiens, les déplacements en commun risquent de devenir un véritable parcours du combattant, car faute de moyens et d’investissements ciblés durant les dernières années, la municipalité n’a pas su construire un réseau solide. Décryptage avec Marco Gasparinetti, porte-parole du Gruppo 25 Aprile, la plateforme civique qui défend les droits des résidents.
Bus & Car Connexion : Vous dénoncez les dysfonctionnements des
transports publics vénitiens. Quels sont vos principaux griefs?
Marco Gasparinetti : La municipalité vénitienne n’a jamais eu à financer le réseau de transport public, qui lui rapportait environ 25 à 30 M€ par an. Le prix du ticket payé par les touristes a assuré de bonnes recettes. Les abonnements sont annuels pour les résidents, qui n’ont pas été remboursés pour la période de l’épidémie. Les transports en commun vénitiens sont le deuxième casino de la Sérénissime, qui ne finance pas son réseau mais compte sur lui pour redresser ses finances. Les vaporetti vétustes, qui n’ont pas été remplacés depuis trente ans, ont servi de vache à lait.
BCC : Quel bilan tirez-vous de la situation ? M. G. : Avec la distanciation sociale, la capacité d’accueil des vaporetti a dû être réduite. Résultat : les ferries qui devaient accueillir chaque année 30 millions de touristes, sont insuffisants pour les 30 000 navetteurs qui traversent la ville tous les jours pour aller travailler et aussi les résidents. Le réseau est en train de s’effondrer. La société anonyme qui gère les transports a généré des bénéfices pendant des années et elle a placé la moitié des salariés au chômage technique pendant l’épidémie, et réduit l’offre. La région de la Vénétie vient d’adopter des mesures pour redresser le service public en augmentant la capacité d’accueil tout en respectant la distanciation. C’est un compromis politique. Elle a aussi demandé à la ville de garantir le service aux navetteurs.
BCC : Qu’attendez-vous des pouvoirs publics? M. G. : Il faut remettre le système à niveau au plus vite de façon à avoir un réseau capable d’accueillir les résidents, navetteurs et les touristes! Il faut également permettre aux résidents qui ont leurs propres bateaux, de les utiliser en ouvrant des parkings, car nous n’en avons pas. Imaginez un Parisien qui a une voiture mais ne peut pas la garer! Tous les emplacements ont été réquisitionnés par les hôtels, les taxis d’eau… Enfin, la municipalité doit investir pour remettre la flotte de bateaux de transport collectifs en état. Propos recueillis par Ariel F. Dumont