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ÉNERGIE
Les TER en route vers la fin du diesel
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ÉNERGIE. La crise sanitaire actuelle et ses conséquences ne changent en rien la nécessité de devoir mener la transition énergétique dans le domaine des trains régionaux. Les programmes déjà lancés suivent leur calendrier initial. Mais au contraire de l’Allemagne qui est beaucoup plus avancée sur l’hydrogène grâce à Alstom, ce sont les batteries qui ont le vent en poupe en France. État des lieux des programmes qui permettront aux Régions de progressivement tourner le dos au diesel. Olivier Constant
Tant Bombardier qu’Alstom ont à cœur de répondre aux enjeux de la transition énergétique au travers de la conversion de leurs matériels régionaux. Pourtant, à l’époque de leur sortie, les AGC en version bimode et les Régiolis bimode avaient déjà montré la voie en ce sens. Mais aujourd’hui la solution déployée peut être perçue comme perfectible au plan des enjeux environnementaux car faisant encore appel à une partie diesel conséquente.
C’est la raison pour laquelle les deux constructeurs ont recours à des batteries pour se rapprocher de l’objectif fixé par l’ancien patron de la SNCF, Guillaume Pepy, de sortir du diesel dès 2035 au lieu de 2050.
Le marché le plus important de cette conversion à venir est celui des AGC de Bombardier. Non moins de 488 rames réparties entre 162 pure thermique et 326 bimode électrique/ diesel sont, en effet, éligibles à cette transformation qui ne connaît aucun retard. Une information confirmée par Renaud Lagrave, vice-président du Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine chargé des infrastructures, des transports et des mobilités qui souligne que «nous sommes très avancés avec Bombardier et la SNCF sur le train à batteries ». Avant d’ajouter: «L’espoir que nous avons, c’est d’avoir les moyens de donner suite, c’est-àdire de modifier toutes les rames (62 au total – NDLR) que nous avons au parc et de coupler cette opération avec celle de mi-vie intégrant un changement des aménagements intérieurs ».
La Nouvelle-Aquitaine fait partie des quatre Régions qui ont déjà signé un protocole d’accord pour la réalisation d’une expérimentation de rames de train à batteries rechargeables
Occitanie, Grand Est, NouvelleAquitaine et Centre-Val de Loire travaillent avec Alstom sur le futur TER hybride.
Le 700 e AGC bi-mode est sorti des ateliers Bombardier en juin 2012. La conversion prévue consiste à remplacer les moteurs diesel par des batteries.
pour remplacer son matériel diesel. Les trois autres sont l’Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur (Sud), et les Hauts de France. Seuls des retards administratifs ont empêché l’Au vergne-Rhône-Alpes de rejoindre ce quatuor. «D’autres Régions devraient signer le contrat de modification de ce matériel au cours du second semestre 2020 car elles ont des cas d’usages favorables », confirme Benoit Gachet, directeur marketing de Bombardier France.
L’AGC à batteries bien parti
Dénommé AGC à batteries « zéro émission », le projet consiste à remplacer les deux moteurs diesel (d’origine industrielle) d’une rame existante afin de les remplacer par des batteries. Les atouts de cette opération sont multiples, selon Bombardier: ❚ élimination des émissions polluantes générées par les moteurs diesel et réduction des émissions sonores; ❚ réaliser des économies d’énergie sur les sections électrifiées en 1 500 volts du réseau sur lesquelles le train circulera ; ❚ éviter des électrifications coûteuses de certaines parties du réseau - en particulier les tunnels et autres ouvrages d’art – en favorisant, au contraire, une électrification de sections de longueur limitée présentée comme frugale et partielle.
La modification des automoteurs dont un premier exemplaire dit de pré-série sera envoyé à l’usine Bombardier de Crespin courant 2021 est, d’ores et déjà, présentée comme aisée. Outre le remplacement des groupes électrogènes diesel par des packs batteries (d’une durabilité comprise entre 8 et 15 ans) implantées en sous châssis et des chargeurs de batteries en toiture, les rames seront équipées de pantographes. Car c’est par l’intermédiaire de ces derniers que le plein des batteries pourra être réalisé en 7 à 10 minutes seulement. Les rames seront également dotées de la récupération d’énergie au freinage, un système largement répandu en transport urbain.
Bombardier annonce, dès maintenant, des performances accrues sur son matériel dont la capacité d’emport passager sera totalement préservée. Ainsi, avec 840 kWh de batteries installées, la capacité d’accélération des AGC sera améliorée d’un peu moins de 20 %. Un argument qui ne semble pas faire bouger les lignes au plan des réductions de temps de parcours, la SNCF privilégiant la robustesse d’exploitation. Une multitude de lignes régionales continueront donc d’être desservies avec des temps de parcours similaires à ceux proposés dans les années 1960 et 1970 !
Le constructeur se sait, aussi, attendu sur l’autonomie. Elle sera de 80 km dans des conditions non optimisées (fin de vie des batteries, utilisation de la climatisation). Cette autonomie sera suffisante pour couvrir une large palette de missions. Ainsi, les 76 km d’un aller-retour Mont-de-Marsan-Morcenx pourront être couverts sans recharge des batteries. C’est un même cas de figure qui prévaut pour les 71 km (dont 47 km non électrifiés) de la ligne Miramas-Marseille. En revanche, l’ajout d’une station de biberonnage – à l’image de celles qui existent déjà en transport urbain – sera nécessaire lorsque le service sera supérieur à 80 km.
L’hydrogène en retrait Alors qu’il avait bénéficié d’un vaste courant d’intérêt depuis septembre 2018, date à laquelle Alstom a fait circuler deux premiers trains régionaux en Allemagne, l’hydrogène semble ne plus être aussi en pointe pour le verdissement des TER. Les premiers engagements tardent à venir. Ils étaient initialement prévus fin 2019/début 2020 et auraient pu concerner une quinzaine de rames pour commencer. Alstom précise, toutefois, «être confiant pour voir émerger le projet cette année». Rappelons ici que quatre Régions se sont d’ores et déjà déclarées intéressées par le bimode hydrogène: Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Le premier roulage de ces matériels capables de circuler aussi bien sous caténaires alimentées en 1 500 et 25 000 V qu’en mode autonome (l’hydrogène venant se substituer aux groupes diesel avec une autonomie de l’ordre de 400 km à 600 km suivant la nature des parcours) devrait intervenir courant 2022. Mais ce n’est pas avant 2024 que les premiers matériels neufs pourront être livrés. La solution sera également rétrofitable sur les rames Régiolis existantes à partir de 2026, date à laquelle les premières rames mises en service à partir de 2014 nécessiteront une opération mi-vie.
Pour autant, Bombardier pense déjà à l’avenir et à la nouvelle génération de batteries qui pourraient être disponibles à partir de 2025. « Pour que nous les adoptions, il faudra, néanmoins, qu’elles apportent un gain d’au moins 50% par rapport à celles existantes. Si nous ne sommes pas en mesure de porter l’autonomie de nos rames à 120km environ, nous n’effectuerons pas ce changement», explique Benoit Gachet.
Marseille-Aix-en-Provence desservie dès 2023?
Enfin, l’électrification frugale ou électrification partielle de section de ligne permettant d’éviter une électrification totale du réseau (comme en Nouvelle-Aquitaine avec l’étoile de Saintes) autorisera la recharge en ligne des batteries par l’intermédiaire des pantographes. Il n’est pas inutile ici de préciser que le coût d’électrification d’une ligne est de l’ordre de 2 millions d’euros du km. Les économies pourraient donc être substantielles sachant que la seule électrification de la ligne Marseille-Aixen-Provence est estimée à environ 150 millions d’euros du fait de l’existence de nombreux ouvrages d’art.
Une élec trification par tielle de la sec tion Marseille-Saint-Antoine et de la gare d’Aix-en-Provence pourrait ramener ce coût aux alentours de 30 millions d’euros. La Région PACA milite donc pour sa réalisation rapide afin de pouvoir y faire circuler neuf AGC à batteries dès 2023. Cette électrification a minima, qui pourrait être prête dès le début de l’année 2022, nécessite l’obtention de financements européens FEDER. Dix millions d’euros pourraient être, ainsi, mobilisés ramenant la note finale à 20 millions d’euros seulement. Il appartient, toutefois, à SNCF Réseau, le gestionnaire des infrastructures ferroviaires d’en présenter la demande.
ROI de 7 ans, voire moins
À l’issue de sa transformation, la première rame prototype débutera ses premiers essais début 2022, les premières circulations commerciales étant attendues dès la fin de cette même année. Mais il faudra compter sur les différentes procédures d’homologation qui ont souvent retardé l’autorisation de mise en service commercial (AMEC) ces dernières années. Les autres Régions auront également un prototype chacune afin d’expérimenter la motorisation à batteries durant six mois à un an. Le passage à ce nouveau mode de traction nécessite, en effet, une adaptation des méthodes de travail tant au plan opérationnel qu’à celui de la maintenance.
Dès maintenant, Bombardier se positionne pour réaliser les opérations de transformation qui immobiliseront les rames durant une période de quatre à cinq semaines. Mais les Régions seront libres de confier ces opérations à d’autres intervenants (cas des ACC en Région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple) qu’elles souhaiteraient, ainsi, soutenir au plan de leur charge de travail. Le constructeur ne fournira, alors, que les kits de remotorisation des engins.
Les Régions devront voir également dans quelle mesure elles ont intérêt à coupler cette opération de remotorisation avec celle dite de mi-vie. Comme cette dernière nécessite deux à trois mois de travail, le couplage des deux peut incontestablement avoir du sens au plan de la disponibilité des matériels. Surtout, elle permettrait aux Régions de repartir avec un train remis à neuf présentant désormais le label « zéro émission ».
Il en coûtera aux environs de 2 millions d’euros la rame
Deux rames à hydrogène Coradia iLint ont parcouru plus de 180 000 km sur des lignes régionales du nord de l’Allemagne en 530 jours d’exploitation.
Allemagne: premier bilan prometteur pour le Coradia iLint Au travers d’un communiqué publié le 19 mai 2020, Alstom estime avoir démontré la fiabilité de la technologie de pile à combustible dans le cadre du transport quotidien de voyageurs. Le constructeur s’appuie, en effet, sur les 530 jours d’exploitation et les plus de 180000 km parcourus par les deux premières rames à hydrogène au monde sur des lignes régionales du nord de l’Allemagne. Revenant sur l’opération pilote qui s’est achevée fin février 2020, Andreas Wagner, directeur de la division SPNV et mandataire de Eisenbahnen und Verkehrsbetriebe Elbe-Weser GmbH (evb) a exprimé sa fierté « d’avoir été la première société ferroviaire au monde à pouvoir exploiter les deux premiers trains à hydrogène sur le réseau Weser-Elbe. Dès le départ, nos passagers ont montré un vif intérêt pour ces trains et leur nouvelle technologie de propulsion. Totalement silencieux, ce train à hydrogène a également marqué des points grâce à son profil “zéroémission“, un attrait non négligeable en ces temps de changement climatique. Enfin, la perspective d’être aux commandes du Coradia iLint est une source de motivation toute particulière pour nos conducteurs de train».
14 trains à hydrogène exploités à partir de 2022
À partir de 2022, quatorze trains Coradia iLint commandés par LNVG et construits par Alstom sur son site allemand de Salzgitter remplaceront la flotte d’autorails diesel sur les lignes du réseau Weser-Elbe. La société de gaz et d’ingénierie Linde construira et exploitera, pour sa part, une station de remplissage d’hydrogène près de la gare de Bremervoerde. Surtout, ces nouveaux trains deviendront encore plus « verts » à la faveur d’un investissement de 8,4 millions d’euros porté par le gouvernement fédéral de Basse-Saxe pour la fabrication d’hydrogène non plus à partir d’énergies fossiles – comme c’est le cas actuellement – mais par électrolyse et au moyen d’énergie éolienne.