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Entre musique et peinture

LES FULGURANCES DE BRICE BAUER

Violoncelliste, Brice Bauer est l’âme du parvis de la cathédrale, sa voix. Il nous a tous capturés un jour ou l’autre dans les filets de sa musique, aussi pressés que nous ayons pu l’être. Mais la musique est loin d’être la seule corde à son arc…

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Musicien compositeur, Brice Bauer est aussi plasticien, peintre dans l’âme. Et peut-être « peintre avant tout », dit-il en regrettant que « la France cartésienne ait du mal à envisager la polyvalence ».

Lui se veut « voué au monde » depuis l’enfance, se reconnaît saisi de « fulgurances », « de choses qui frappent comme une évidence, comme en amour ». Tant en musique qu’en peinture, « un son peut s’imposer tout comme un geste ou une couleur, les remettre en cause fait souvent perdre du temps car on finit par y revenir ».

Ses gestes de peintre transcrivent l’urgence et le mouvement, mais « n’empêchent pas l’approfondissement », dit-il en passant en revue la pile d’œuvres sur papier qu’il a préparée en prévision de l’interview. Le but est de « pousser les choses jusqu’au bout », de questionner, de tendre vers un horizon pour transmettre une émotion aussi partageable que possible.

Cet horizon qui habite ses innombrables paysages tous jaillis de ses souvenirs ou de ses rêves, mais souvent « reconnus » par ceux qui les découvrent. « Il y a une mémoire universelle » estime

Lorsque s’étend au loin le souffle du monde – Acrylique et huile sur bois

l’artiste heureux de revoir des œuvres anciennes.

Bunker émergeant de la douceur des sables pour se noyer dans le ciel, paysages anodins rythmés de pylônes électriques… dessins et peintures confinent à une forme d’abstraction, mais une abstraction sans brutalité, comme à mi-chemin, poétique.

« Je vais revenir au ciel, à la ligne d’horizon », se promet-il, « à des œuvres de cet entre-deux face auxquelles on puisse inventer sans être emprisonné par une ambiance ».

« RENDRE L’INVISIBLE VISIBLE OU DU MOINS PERCEPTIBLE »

Mais s’impose aussi l’importance de reprendre une série de peintures sur verre entamée il y a un an.

Des plaques peintes, conçues non comme des tableaux, mais comme des œuvres en trois dimensions « avec un recto et un verso complètement différents », des « sculptures auxquelles il faudra un socle en pierre ou en bois qui s’agissait d’œuvres « très spontanées dont la force émanait de la lumière », réalisées sur papier « pour la rapidité du geste ».

L’huile permet-elle la rapidité d’exécution requise par ce travail assez graphique ?

Revenu à son chevalet en cet automne, l’artiste cherche la réponse, le geste libérateur.

Un geste hybride correspondant à sa musique et à sa peinture. « Quand je compose, raconte-t-il, je travaille par aplats et couches successives, quand je peins, je laisse place à l’improvisation et je rythme mes toiles de marques et de signes comme une sorte d’écriture sur portées musicales ».

S’étonnera-t-on qu’il ait composé de longues plages sonores conçues pour l’accompagner quand il dessine ou quand il peint ?

« La dernière remonte à deux heures, confie-t-il. Je l’ai titrée avec les couleurs que le son me semblait avoir. » Synesthésies baudelairiennes ? « Je n’y avais jamais pensé, s’amuse-t-il, mais la boucle est bouclée, il fut un temps où je ne jurais que par lui ! » a

devrait permettre, dans certains cas, d’insérer une source de lumière ».

Des œuvres « vivantes et aléatoires » résume Brice en évoquant une ancienne exposition Artside où, dans une installation de carcasses d’ordinateurs et de fils tendus soumise aux aléas de la déambulation, il « avait tout misé sur la lumière, les diapos, les voiles de tulle et une musique très expérimentale ».

« Lors des expos suivantes, plus carrées, j’ai toujours eu tendance à ajouter un détail qui anime l’espace. J’aime l’idée de rendre visible ou du moins perceptible ce qui ne l’est pas et qui pourtant est partout. »

« Comment révéler ces choses qui appartiennent tant à la matière qu’à à nos sentiments, à nos ressentis ? ». La question le taraude. Il l’explore pour se confronter à lui-même afin d’y trouver une part qui touche tant à l’intime qu’à l’universel, échapper au « décoratif ».

Trouver l’expression « où il est le plus présent », dit-il en évoquant une série qui lui a valu le Prix Schuller décerné par la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg en 2011. Réalisées à l’encre et brou de noix en techniques mixtes, il

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