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Chorégraphie Inverser Pinocchio
Pantins identiques
Chorégraphie
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Inverser Pinocchio, un jeu d’enfants
Le spectacle Pinocchio Live#2, d’Alice Laloy, met en scène une dizaine d’enfants qui se transforment en pantins, guidés par des Gepettos complices. Une désarticulation qui met mal à l’aise les adultes, mais ne choque pas les jeunes danseurs, issus du Centre chorégraphique de Strasbourg.
A
u début, les dix enfants courent, grimpent, discutent entre eux, s’amusent : bref, ils sont pleins
de vie.
Ca ne va pas durer… Dix jeunes adultes, en costume gris et sabots de bois, poussent chacun un établi. Ils sont les Gepetto de cette version inversée du conte de Pinocchio. Les enfants se juchent sur les établis, et l’on assiste à leur transformation en pantins.
« Je viens de la scénographie et du costume, donc le processus du marionnettiste qui anime des objets m’est intime, explique Alice Laloy, qui a conçu et mis en scène Pinocchio Live #2. À l’occasion d’une commande en photo, j’ai commencé à déguiser des enfants en pantins. Le résultat m’a à la fois fascinée et déplacée. J’ai eu envie d’explorer encore ce processus qui passe du vivant J
«Leur performance physique est impressionnante.
Alice Laloy
Jà l’inanimé. » Elle en a donc fait un spectacle de 70 minutes, créé lors du festival d’Avignon en juillet dernier.
Douze jeunes élèves du centre chorégraphique de Strasbourg, âgés de dix ou onze ans, ont été sélectionnés. Six mois de travail leur ont permis de s’approprier la partition imaginée par Alice Laloy et sa sœur Cécile, chorégraphe. « Leur performance physique est impressionnante. Ils sont inanimés pendant 45 minutes : ce n’est pas quelque chose qu’on relie à l’enfance habituellement », poursuit la metteuse en scène. C’est le fruit d’un engagement important, à la fois moral et physique. « Il faut parfois rester immobile dans des positions inconfortables, décrit Anaïs Rey-Trégan, une jeune danseuse. Une contorsionniste nous a aidés à trouver les bonnes postures. »
DÉSARTICULÉS
S’ils fonctionnent tout au long du spectacle en binôme avec « leur » Gepetto (des étudiants comédiens du Cycle à orientation professionnelle du Conservatoire à rayonnement régional de Colmar), les Pinocchios attirent tous les regards. Des regards parfois troublés devant ces enfants peints, maquillés, reliés à des cordes, aux membres presque désarticulés. « Nos yeux sont fermés ou mi-clos pendant presque tout le spectacle, puisqu’on a de faux yeux collés sur les paupières. Mais on entend les gens du public qui retiennent leur respiration ou font des “oh” », s’amusent Sarah Steffanus et Romane Lacroix, deux autres petites danseuses.
Du côté des parents, le projet est à la fois impressionnant et source d’interrogations. « L’univers est très particulier et il peut y avoir un petit malaise à voir son propre enfant se transformer en marionnette, souligne Valérie Trégan. Mais eux ne sont pas mal à l’aise, et ils sont tous restés eux-mêmes. » Edgar Ruiz Suri s’étonne presque que l’on s’interroge. « Deux amis de ma classe ont vu le spectacle, mais ça n’a rien changé à la façon dont on est ensemble, ou à comment ils me voient », assure le jeune garçon.
L’an prochain, Pinocchio ira prendre d’autres traits. « Le spectacle n’est possible que dans cette forme éphémère », affirme Alice Laloy. Les danseurs ont aussi grandi, physiquement, et ne seront bientôt plus de jeunes enfants. Ils passeront donc le relai à d’autres élèves, dans une autre ville de France. « On savait que ça allait se terminer », philosophent-ils, avant de filer jouer... bien vivants !
Les vidéos et la suite de l’aventure sont à retrouver sur le site de la Cie S’appelle Reviens : www.sappellereviens.com S