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Racing Mutest Académie L’horizon bleu
RACING MUTEST ACADÉMIE
L'horizon bleu
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La Racing Mutest Académie du Racing Club de Strasbourg Alsace est un phénix. Ayant connu son âge d’or au début des années 2000, avec un fantastique quintet Nasser Larguet/ Jean-Marc Kuentz/ Claude Fichaux/ François Keller/ Guy Feigenbrugel et pour point d’orgue la victoire en Gambardella (la Coupe de France des jeunes) en 2006 face au Lyon de Ben Arfa et Benzema, il a dû fermer ses portes en 2011 quand le dépôt de bilan du club fut inéluctable. Rouvert en 2016 et désormais dirigé par François Keller, la Racing Mutest Académie, dont sont récemment sortis Mohamed Simakan, Youssouf Fofana et Anthony Caci, fait face aux jours heureux et à la réjouissante perspective de sa rénovation. Entretiens avec quatre de ses mousquetaires.
FRANCOIS KELLER 49 ans, directeur du Centre depuis 2016
Lors du dépôt de bilan du club, en 2011, vous êtes nommé entraîneur de l’équipe première qui avait alors été rétrogradée en CFA2, l’équivalent de la 5e division. Après deux montées en deux ans (en CFA puis en National), vous quittez votre poste suite à une série de mauvais résultats, d’un commun accord avec Marc Keller, votre frère et Président. C’est là que démarre votre retour au Centre de formation…
Exactement. J’avais un contrat de 5 ans après le dépôt de bilan, pour prendre en charge l’équipe 1. J’ai démissionné en mars 2014 et il me restait 2 ans de contrat. Marc m’a alors proposé de revenir à la formation, l’idée étant de réamorcer la pompe pendant ces deux ans en espérant un retour rapide en Ligue 2... Quand je prends la direction du Centre, y a le concierge à plein-temps et Thierry (Brandt) à mi-temps. Le paradoxe c’est qu’il n’y avait plus de jeunes en formation puisqu’on avait perdu l’agrément… Fallait tout reprendre à zéro.
Et c’est mission accomplie puisqu’en août 2016, vous retrouvez la Ligue 2 et le monde professionnel…
C’était une vraie période de transition ! Pour avoir l’agrément, il faut faire la demande un an avant, c’est une sorte de test imposé par la LFP avec un cahier des charges très précis qu’il faut pouvoir honorer. Il fallait remercier tous les éducateurs, la plupart du temps des profs d’EPS qui entraînaient nos quelques jeunes en plus de leur travail au collège ou au lycée. Pendant cette période de relance, ils ont porté le Centre à bout de bras, sans eux on s'écroulait. On devait embaucher des entraîneurs diplômés et disponibles à plein-temps. On est donc passé de 2,5 salariés à 12. On a obtenu l’agrément en catégorie 2 et dès l’année suivante on a fait la demande pour l’agrément en catégorie 1, qui permet notamment d’être mieux protégés par rapport aux contrats des jeunes joueurs en formation. C’est allé très vite ! D’ailleurs, la LFP n’en revenait pas et avait même du mal à suivre. Depuis, on se développe ; on a investi dans un centre de performance, une salle de musculation, embauché un analyste vidéo. On est passé à 25 salariés.
François Keller, directeur de la Racing Mutest Académie.
Parmi ces salariés, notamment dans l’encadrement technique, il y a plusieurs anciens joueurs pros (Martin Djetou, Guillaume Lacour, Quentin Othon, Gaëtan Krebs). C’est une volonté de garder un lien entre les générations, de tisser une toile qui préserve l’histoire du club ?
Oui ! On souhaite s’appuyer sur des anciens du club, qui ont la fibre Racing. On donne la priorité à ces personnes-là. Ce sont des joueurs qui ont marqué leur époque, qui ont une vraie connaissance du club et qui ont des personnalités qui correspondent à ce que l’on souhaite développer.
Est-ce que cela vous permet aussi de développer une identité de jeu, par exemple en appliquant les mêmes schémas tactiques dans toutes vos équipes, des plus jeunes à l’équipe première ?
Ce n’est pas notre projet. On ne fait pas jouer le même système à toutes les équipes, déjà pour donner de la richesse tactique aux joueurs, mais aussi parce que l'on sait qu’aujourd’hui les entraîneurs
restent rarement très longtemps en poste. Thierry Laurey était une exception qui confirme la règle avec ses cinq saisons sur le banc… Mieux vaut ne pas trop caler le travail du Centre sur celui de l’entraîneur de l’équipe pro, sinon il faudrait changer de braquet à chaque changement de coach. Et puis en tant que formateur on aspire à ce que les jeunes aient un bagage pour réussir à Strasbourg dans l’idéal, mais ailleurs aussi si ça ne marche pas chez nous.
Annoncer à un joueur qu’il n’est pas conservé, après plusieurs années passées à le voir grandir, ce doit être le pire aspect de votre métier non ?
C’est très dur. Même s’il est moins fort, que c’est évident qu’il n’a pas le niveau pour passer l’étape d’après, lui dire que ça s’arrête me brise le cœur à chaque fois. On a parfois passé cinq ans à le suivre et là il faut faire le constat que ce ne sera pas possible de poursuivre l’aventure, en tout cas pas à Strasbourg. Mais une formation réussie, c’est aussi lui avoir donné la possibilité de rebondir ailleurs.
Et puis pour ceux qui obtiennent le Graal, à savoir un premier contrat pro, le plus dur ne fait finalement que commencer…
L’autre difficulté, c’est d’accompagner les joueurs dans leur passage vers le groupe pro. À de rares exceptions, plus tu intègres le groupe pro et moins tu joues ; parce que tu es remplaçant, sans grand temps de jeu et comme les matchs de l’équipe pro et de la réserve se jouent le même jour, le joueur est coincé. Donc c’est souvent une année de transition un peu délicate, où ton pic de forme peut redescendre. C’est ce que vivent Nordine Kandil ou Habib Diarra en ce moment par exemple. Mais les tops joueurs le comprennent, ils se donnent à l’entraînement et sont prêts à jouer dès qu’il le faut. Et un jour, ils s’imposent dans l’équipe comme l’ont récemment fait Caci, Simakan ou Fofana.
Est-ce que vous vous appuyez sur l’expérience des grandes années du Centre (2003-2006), lorsque vous étiez entraîneur de l’équipe réserve ?
On ne peut plus fonctionner comme à l’époque, c’est une nouvelle génération… Sont arrivés les portables, les réseaux sociaux… Et puis aussi, on a moins de joueurs au Centre, plus de salariés donc plus de suivis, plus de technologies… Aujourd’hui, on fonctionne avec moins de gamins et c’est mieux ! La formation, c’est les trois années de lycée qui correspondent aux contrats aspirants et les deux années bac+1 et bac+2 aux contrats stagiaire pro. Ça se joue à des âges importants dans la vie d’un garçon. En tout, on a 70 jeunes, en 2003-2006 on était 90 ! C’est le jour et la nuit. Là où le bât blesse, c’est les infrastructures extérieures, les terrains pour disputer nos matchs, les tribunes…
C’est là qu’arrivent le projet de nouveau stade et ses perspectives…
C’est dans le projet du nouveau stade oui, qui est en grande partie financé par les collectivités locales, mais pour le Racing Soprema Parc et la Racing Mutest Académie, c’est aussi le club qui investit. Il faut réunir un budget de 15 millions d’euros pour créer un vrai de lieu de vie. Ce sont deux projets distincts. Il y a deux ans, on était à 6 mois de déposer le projet, mais est arrivée la crise du Covid et celle de Mediapro (alors diffuseur des matchs de L1 et qui a cessé tout paiement des droits TV – ndlr)… Donc les fonds ont été utilisés pour compenser ces difficultés. Et là, il faut reprendre le travail, rassembler des fonds de financements pour essayer de suivre la locomotive du nouveau stade. On travaille à cela et le club a vraiment la volonté de passer ce nouveau cap. On en rêve ! a
QUENTIN OTHON, 34 ans, adjoint des U17 nationaux, coach des U18 régionaux, ex-défenseur latéral
Quand êtes-vous arrivé à la Racing Mutest Académie ?
J’ai arrêté ma carrière pro à Troyes, en 2016. Je suis revenu au Racing dans la foulée, c’était un retour à la maison, en grand frère de l’équipe réserve. En même temps, je passais mes diplômes d’entraîneur. Depuis cet été, je ne suis plus qu’entraîneur, j’ai arrêté de jouer. Quand je reviens en 2016, le club est en L2 et poursuit sa remontée… En cinq ans, c’est allé très vite ! Il y avait déjà de bons joueurs en réserve (Anthony Caci, Gaëtan Weissbeck, Kevin Zohi…), mais chez les jeunes ça ne suivait pas forcément après les cinq ans passés en division amateur. Là, on a recollé les wagons et le travail du club a été très bon pour retrouver rapidement le haut niveau.
Vous connaissiez bien le Centre, vous y avez fait votre formation et gagné la coupe Gambardella, il y a quinze ans déjà…
Un grand souvenir ! Je suis arrivé à quinze ans, de région parisienne. À cette époque, plusieurs clubs me contactaient. C’est Jacky Duguépéroux qui est à l’origine de ma venue. Comme il y avait déjà Kevin Gameiro, avec qui j’avais joué en jeunes, et un autre pote qui devait me rejoindre, je savais que je ne partais pas dans l’inconnu. L’autre argument qui a convaincu mes parents, c’était le suivi scolaire qui se faisait au Centre. Ça les rassurait. Moi c’était mon rêve de gosse, je n’imaginais pas ne pas devenir footballeur.
Vous n’avez fait qu’une année stagiaire, très vite le club vous a proposé un contrat pro…
C’est pas facile à gérer… Quand on signe pro ça ne fait que commencer ! Parfois tu signes pro, tu t’entraînes, t’attends qu’on fasse appel à toi et là faut pas te rater alors que t’as pas joué un match officiel depuis un ou deux mois ! Quand on est jeune, on n’est pas forcément préparé à ça. Aujourd’hui, en tant qu’ancien joueur, j’essaye d’apporter cette expérience et cette compréhension psychologique des choses.
Vous êtes encore jeune et avez arrêté il y a peu de temps, est-ce que cela vous aide à comprendre la nouvelle génération maintenant que vous êtes du côté des formateurs ?
Pas forcément… J’ai été à leur place, mais aujourd’hui, c’est le règne des réseaux sociaux. Ils sont davantage dans le paraître, moins acteur de leur vie. Ils aiment parfois trop tout ce qu’il y a à côté du football. Je généralise bien sûr, ça ne concerne pas tous les jeunes joueurs, mais globalement je constate ce phénomène. Il y a moins le goût de l’effort, de suer pour ses potes. J’ai vu des mecs avoir un talent dingue, j’ai vu des phénomènes qui n’ont jamais percé, parce que mal accompagnés, parce qu’il y avait des manques en matière d’hygiène de vie ou d’implication. Mais il y a des pépites et des bons gamins, qui donnent beaucoup pour le club et pour atteindre leur objectif. Et puis ils ont des contrats pros de
Quentin Othon
plus en plus jeunes, parce que les clubs veulent se protéger… Mais sont-ils prêts mentalement ? Il faut aussi apprendre à gérer les agents, qui sont de plus en plus influents. J’ai vu des garçons tellement sous leur emprise qu’ils n’écoutaient même plus leurs parents...
Comment envisagez-vous votre futur ?
Je suis en CDI au Racing et je m’y sens bien. J’ai commencé à la préformation (U15 et U14) et ce n’est que depuis cette année que j’ai un poste en formation (à partir de U16). C’est là que je m’épanouis et dans l’idéal, je voudrais continuer dans cette voie. Il y a beaucoup encore à faire et à découvrir ! a
NORDINE KANDIL, 20 ans, joueur professionnel depuis juin 2021, trois ans de contrat, milieu offensif
Nordine Kandil a fait ses débuts en Ligue 1 lors de la dernière saison.
Vous êtes un peu l’enfant du club…
C’est vrai oui, je suis au Racing depuis l’âge de six ans. Mais je n’ai jamais dormi à la Racing Mutest Académie, j’ai toujours habité chez moi, là où je suis né, dans le quartier de La Meinau, à quelques pas du Stade. Quand j’avais dix ans, le club était en 5e division, mais je calculais pas tout ça. Moi j’allais voir le match au stade et c’était le Racing quoi ! Le stade était toujours rempli. C’est en grandissant que j’ai commencé à comprendre le long parcours qu’avait fait le club pour retrouver le haut niveau.
Quentin Othon
Est-ce que la vie d’un jeune footballeur change radicalement une fois le premier contrat pro signé ?
J’ai signé pro en juin 2021, après un an aspirant et deux ans stagiaire. Au début, je ne jouais pas avec les pros. Ça s’est fait petit à petit. Je suis rentré une première fois contre Fribourg en amical, 10-15 minutes, après je faisais deux entraînements par semaine avec les pros, puis trois. Je me changeais encore à la Racing Mutest Académie. Puis ils m’ont intégré pour de bon au groupe pro et depuis je ne suis qu’avec eux. Avec Sahi, Diarra ou Elimbi, on est les p’tits jeunes, on se serre les coudes. Le paradoxe, c’est que je joue peu. Je suis dans le groupe avec les pros où pour l’instant je n’ai eu que quatre rentrées en jeu et je ne peux pas jouer avec la réserve puisque les matchs sont le dimanche… Donc je joue peu de matchs cette année. Il faut s’adapter !
Comment se sont passés vos quelques bouts de matchs joués en professionnel ?
Je suis rentré dans des matchs où soit on perdait, soit on devait remonter le score… Du coup, parfois, je me précipitais un peu… Sauf Saint-Étienne, le seul où on gagnait déjà (4-1) et là j’ai signé la passe décisive sur le but du 5-1. Contre Reims je provoque le coup franc qui amène l’égalisation de Bellegarde, ça fait du bien. Le plus dur c’est les premières minutes, faut dépasser ses peurs, s’adapter à la pression. Mais je me sens toujours bien sur un terrain.
Quelle a été l’étape la plus compliquée dans votre parcours à ce jour ?
L’étape la plus compliquée à gérer dans la formation, c’est de devoir être là et réactif dès que le coach fait appel à nous. Faut pas se rater quand on a sa chance, tout va très vite. En ce moment j’ai un début de pubalgie, donc je suis en soin. On verra si je peux faire des rentrées d’ici la fin de saison et sinon faudra que je sois prêt pour la prochaine saison ! a
RYAD HRICH, 19 ans, un an de contrat stagiaire, défenseur central
Ryad Hrich est l'un des membres importants de l’équipe de N3 du Racing et international U20 marocain.
Quand et surtout comment es-tu arrivé au Centre ?
Je suis arrivé il y a quelques mois, en septembre 2021. À 19 ans, c’est tard ! D’habitude, on arrive plutôt dans un centre à l’âge de 15 ans. De U6 à U17, je jouais à l’USM Saran, puis je suis parti à SaintPryvé-Saint-Hilaire, un club amateur, c’est ce qui rend ma trajectoire pas banale. En août 2021, on avait notre premier match de championnat avec les U19 Nationaux et un recruteur de Strasbourg basé sur la région Centre m’a repéré et m’a proposé une semaine d’essai ici, à Strasbourg. Au terme de mon essai, je suis rentré et deux jours après, j’apprenais que j’étais pris et je partais de chez moi pour m’installer à la Racing Mutest Académie. Quand Strasbourg m’a recruté, mes parents étaient en vacances. Ils l’ont appris à leur retour, je suis parti le jour même !
L’histoire a donc démarré comme ça, c’est beau…
Oui ! Comme je suis majeur, ça s’est fait très vite, en plus c’était le 31 août donc la fin du mercato. J’ai d’abord signé une convention de un an (équivalent d’un contrat amateur), le temps de faire mes preuves, mais au bout de six mois ils m’ont fait signer un contrat de stagiaire pro. Ça m’encourage pour la suite !
Est ce que tu sens de grandes différences avec les autres joueurs du Centre qui ont eu un parcours plus classique ?
Ici, tout le monde a suivi le cursus normal, alors oui je sens des différences ; techniquement déjà, sur le terrain, on voit qu’ils sont propres et formés, qu’ils ont plusieurs années déjà derrière eux. Ils sont habitués à cette exigence du haut niveau. Moi, ce qui fait ma force, c’est ma détermination ; je suis arrivé sur le tard, j’ai de l’énergie. Parfois, certains sont déjà un peu fatigués, presque blasés, alors que moi j’ai faim, j’ai une grande détermination.
Comment vois-tu ton avenir ?
J’ai déjà fait des entraînements avec les pros. Je sors de ma première sélection avec les U20 du Maroc. C’était un stage de préparation pour les éliminatoires de la CAN. J’ai joué un match sur les deux. Je suis très heureux d’avoir ma chance. J’ai un contrat stagiaire pro pour encore un an. Je dois faire mes preuves pour obtenir un contrat pro. À côté, je suis en école de commerce, je poursuis mes études et je vais bientôt prendre un appart’ et quitter la Racing Mutest Académie. Il est temps parce qu’ici, je suis le doyen ! a