Le droit de grève des salariés dans le secteur privé : déclenchement – formes – conséquences – retenues sur salaire 5 MARS 2016
Le droit de grève est un droit fondamental des salariés du secteur public ou privé. Il est défini par plusieurs dispositions législatives prévues dans le Code du Travail et par : - l’article 7 du préambule de la Constitution de 1946 - la Constitution Française du 4 octobre 1958.
La grève des salariés du secteur privé La grève est une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles dans une entreprise privée. Ces revendications peuvent porter sur les salaires, les conditions de travail, l’exercice du syndical,… Une cessation de travail doit remplir cinq conditions pour être reconnu comme une grève : - une cessation totale ou partielle du travail - une cessation collective du travail, même s’il n’est pas nécessaire que la majorité des salariés se mettent en cessation de travail pour que le mouvement soit qualifié de grève. - une cessation concertée avec un avis préalable des salariés - des revendications professionnelles - avoir prévenu l’employeur des revendications professionnelles au moment de l’arrêt de travail. Il suffit de deux salariés pour que la grève soit légale et un employeur privé ne peut pas considérer que la grève est illégale parce que peu de salariés ont fait grève.
Dispositions législatives Les dispositions législatives du Code du Travail qui déterminent le droit de grève des salariés du secteur privé sont : - les articles L1132-1 à L1132-4 sur le principe de non discrimination en cas de grève - article L2511-1 sur l’exercice du droit de grève qui ne peut justifier la rupture du contrat de travail - article R3243-4 sur l’interdiction de faire mentionner sur le bulletin de paie de l’exercice du droit de grève - Circulaire n°82-3 du 15 février 1982 précisant l’exercice du droit de grève dans les établissements sociaux et médico-sociaux privés.
Les principales décisions de la jurisprudence - Arrêt N°87-40727 de la Cour de Cassation du 11 juil let 1989 précisant que, si la présentation de revendications professionnelles doit être préalable, la grève dans le secteur privé n’est pas soumise à la condition d’un rejet desdites revendications par l’employeur - Arrêt N°93-46448 de la Cour de Cassation du 7 juin 1995 indiquant qu’une convention collective ne peut limiter ou réglementer l’exercice du droit de grève et qu’un délai de préavis de grève n’est pas nécessaire - Arrêts N°94-42631 et N°94-42635 de la Cour de Cassa tion du 19 novembre 1996 précisant que l’exercice normal du droit de grève n’est soumis à aucun préavis, mais nécessite l’existence de revendications professionnelles dont l’employeur doit avoir connaissance au moment de l’arrêt de travail
- Arrêt N°10-26497 – N°10-26499 – N°10-26503 de la Co ur de Cassation du 9 mai 2012 indiquant que si l’action des grévistes n’entrave pas le travail des salariés non-grévistes ou n’entraîne pas une désorganisation de l’entreprise, ils ne peuvent pas être licenciés pour faute lourde sur des faits se rattachant à la grève. - Arrêt N°10-24307 de la Cour de Cassation du 9 mai 2 012 précisant que la nullité du licenciement d’un salarié n’est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais qu’elle s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde. - Arrêt N°11-18404 de la Cour de Cassation du 4 juill et 2012 indiquant que l’employeur ne peut décider seul de la fin de la grève alors que le préavis déposé par les organisations syndicales continue à courir - Arrêt N°11-27413 de la Cour de Cassation du 26 juin 2013 précisant qu’un employeur ne peut pas licencier un salarié gréviste pour faute grave. En effet, conformément à l’article L2511-1 du Code du Travail, l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié et tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit - Arrêt N°12-23006 de la Cour de Cassation du 17 déce mbre 2013 indiquant que la fermeture d’une entreprise par l’employeur lors d’une grève est illicite et constitutive d’une entrave à l’exercice du droit de grève des salariés justifiant l’octroi de dommages-intérêts si aucune situation d’insécurité, d’atteintes aux personnes ou voie de fait n’est établie - Arrêt N°13-19858 de la Cour de Cassation du 22 octo bre 2014 précisant que l’exercice normal du droit de grève n’étant soumis à aucun préavis, sauf dispositions législatives le prévoyant, il nécessite seulement l’existence de revendications professionnelles collectives dont l’employeur doit avoir connaissance au moment de l’arrêt de travail, peu important les modalités de cette information. Ces conditions sont remplies si les salariés font parvenir à l’employeur un courrier de revendications professionnelles 2 jours avant la date de la grève et reçu par l’employeur le jour de la grève. - Arrêt N°14-11077 de la Cour de cassation du 30 juin 2015 indiquant que, si l’employeur n’est informé des motifs de l’arrêt de travail et des revendications qu’en demandant aux intéressés les raisons du blocage des portes de l’entreprise, le salarié initiateur de ces faits ne pouvait se prévaloir de la protection attachée au droit de grève et peut être licencié pour faute grave. - Arrêt N°14-82234 de la Cour de cassation du 9 févri er 2016 précisant que le secrétaire d’une union syndicale départementale ne peut pas organiser une manifestation sans avoir rempli les conditions de déclaration préalable.
Les différentes formes de grève Les débrayages sont des cessations partielles du travail des salariés, soit sur une seule tâche ou à certaines heures de la journée. Les grèves de solidarité sont des arrêts de travail de soutien aux revendications d’autres salariés d’un autre service ou d’une autre entreprise. Pour cela, la grève de solidarité doit soutenir des revendications d’autres salariés de la même entreprise ou d’une autre entreprise et avoir pour but de défendre les intérêts professionnels et collectifs des salariés. Les grèves avec occupation des locaux sont légales si elles n’entravent pas la liberté du travail des autres salariés. L’employeur a le droit de demander l’expulsion des salariés grévistes par l’intervention des forces de police. Les grèves nationales sont des mouvements de grève à l’appel des Confédérations ou Fédération syndicales nationales en contestation contre les décisions gouvernementales.
Le préavis de grève n’est pas obligatoire Dans le secteur privé, il n’est pas nécessaire de déposer un préavis avant le jour de la grève. Ainsi, contrairement à la fonction publique, le droit de grève des salariés dans le secteur privé n’est pas soumis à l’envoi d’un préavis de grève d’un syndicat et ils peuvent se mettre en grève sans délai sous
l’unique condition d’avoir fait connaitre à l’employeur, avant l’arrêt du travail, les revendications professionnelle et le motif de la grève.
Le cas dérogatoire des établissements privés assurant des missions de service public Il existe des dérogations au droit commun de l’exercice du droit de grève sans préavis dans les établissement privés sanitaires, sociaux ou médico-sociaux assurant, ou non, des missions de service public. Les établissements privés sanitaires, médico-sociaux et sociaux n’assurant pas une mission de service public : Dans ce cas, ces établissements privés relèvent des dispositions de droit commun prévues par le Code du Travail. Les établissements privés sanitaires assurant une mission de service public : Dans ce cas, ces établissements privés sont soumis aux même dispositions de la loi 63-777 du 31 juillet 1963 qui régissent l’organisation de la grève et imposent l’envoi d’un préavis de grève au moins 5 jours avant la date de la grève. Ainsi, l’organisation de la grève dans ces établissements privés assurant des missions de service public est la même que celle des établissements publics hospitaliers : - le dépôt d’un préavis de grève 5 jours francs avant le déclenchement de la grève. - le dépôt d’un cahier de revendications. L’article L2512-2 du Code du Travail précise que dans le service public, les parties intéressées sont tenues de négocier pendant la durée du préavis de grève. Le service minimum doit résulter de la négociation entre le chef de l’établissement et les organisations syndicales représentatives. Le Directeur d’établissement a la responsabilité de l’organisation des services et peut saisir le Préfet qui peut prendre des mesures d’urgence et décider de la fermeture de l’établissement ou de certains services. Toutefois, le Préfet n’a le droit de réquisitionner des salariés de ce secteur et il s’agit souvent d’intimidation.
Les conséquences de la grève pour les salariés La grève d’un salarié ne peut pas être un motif de licenciement de la part d’un employeur. Un licenciement d’un salarié pour motif de grève serait lourdement sanctionné par la juridiction civile ou pénales. De la même manière, l’employeur ne peut pas prendre des mesures discriminatoires vis-à-vis des salariés qui exercent leur droit de grève, à défaut il s’exposerait à de lourdes sanctions pénales. La grève des salariés ne peut pas rompre le contrat de travail mais ne fait que le suspendre temporairement, sauf si le salarié commet une faute grave ou lourde. La faute lourde se caractérise par une volonté de nuire à son employeur : violences, des voies de fait, coups et blessures, destruction ou la dégradation du matériel, refus d’assurer la sécurité, l’entrave à la liberté du travail des autres salariés,… De plus, un salarié qui serait victime d’un accident lors d’une grève, ne pourrait pas être pris en charge au titre de la législation sur les accidents de travail.
Les retenues de salaire d’un salarié en grève Les jours de grève peuvent être déduites du temps de travail sauf s’il existe des dispositions conventionnelles contraires. Le salaire du salarié qui est en grève est réduit au prorata du temps de
grève. La retenue par heure de grève doit être égale au salaire mensuel divisé par le nombre d’heures mensuel. Ce résultat est à multiplier par le nombre d’heures de grève effectuées. Le salarié qui participe à un mouvement de grève ne peut pas prétendre au paiement de son salaire pendant toute la durée du mouvement de grève. L’employeur ne peut pas, à la suite d’une grève, opérer des discriminations en matière de rémunération ou d’avantages sociaux entre grévistes et non grévistes.
Le service minimum des entreprises du secteur privé Dans certaines entreprises, la cessation totale du travail n’est pas possible. C’est le cas des établissements privés de santé ou d’éducation dans lesquels les employeurs peuvent imposer un service minimum et obliger certains salariés à ne pas participer à la grève. L’employeur ne peut pas faire appel à des travailleurs temporaires ou à des salariés en CDD pour remplacer des salariés grévistes. Par contre, il est possible de demander aux salariés non-grévistes d’effectuer des heures supplémentaires.
Les rares restrictions du droit de grève des salariés Il existe des rares restrictions au droit de grève des salariés en cas d’atteinte à l’ordre public ou de nécessité absolue. La réquisition des grévistes : Les autorités administratives peuvent ordonner à des salariés grévistes de reprendre le travail pour des motifs d’atteinte à l’ordre public. Cette décision est prise par décret en conseil des ministres et un arrêté ministériel autorisant la réquisition. Cette mesure doit être justifiée par les nécessités vitales de la société ou la nécessité d’assurer la continuité d’un service public. Si tel n’est pas le cas, un recours devant le juge administratif sera possible et celui-ci pourra annuler la décision. Les salariés réquisitionnées ont l’obligation de reprendre leur travail sinon elles encourent des sanctions civiles et pénales. Le respect du service minimum : Seule l’autorité gouvernementale ou administrative peut organiser un service minimum nécessaire au bon fonctionnement du service public ou dans des établissements privés assurant une mission de service public. Le respect de la sécurité des biens ou des personnes : Les consignes de sécurité et le respect des biens et des personnes doivent être respectées par les salariés en grève. Les agissements des salariés grévistes ne doivent pas entraîner de détériorations dans l’entreprise ou dans les lieux publics. A défaut, ils peuvent être poursuivis devant les juridictions civiles ou pénales.
Un employeur ne peut pas licencier un salarié gréviste sauf pour faute lourde L’article L2511-1 du Code du Travail indique que l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Ainsi, Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. De plus, l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux. Les arrêts N°10-26497 – N°10-26499 – N°10-26503 de la Cour de Cassation du 9 mai 2012 ont indiqué que si l’action des grévistes n’entrave pas le travail des salariés non-grévistes ou n’entraîne pas une désorganisation de l’entreprise, ils ne peuvent pas être licenciés pour faute lourde sur des faits se rattachant à la grève.
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