Macron et la fonction publique ou le retour de la rhétoriq…

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Macron et la fonction publique ou le retour de la rhétorique du «tabou» 2

FÉVR. 2018 PAR MARTINE CHANTECAILLE

BLOG : LE BLOG DE MARTINE CHANTECAILLE

"Fonction publique : Macron brise un tabou" (Les Echos) , "Fonctionnaires : le projet sans tabou du gouvernement" (Le Figaro), " Pourquoi la réforme du statut des fonctionnaires reste-t-elle un sujet tabou ?" " (BFM) …Sans surprise, l’annonce d’une vaste réforme de la fonction publique prévoyant notamment la suppression de 120.000 fonctionnaires, n’a pas manqué ce matin d’être accompagnée du petit mot magique habituel : le « tabou » qui serait ainsi brisé. Sans surprise parce qu’il s’est systématiquement utilisé par bien des libéraux, c’est qu’il est bien pratique ce petit mot ! Retour donc sur la petite déconstruction à laquelle je m’étais livrée il y a deux ans dans un texte intitulé : « La rhétorique du tabou et la leçon d’Orwell » » Qu’il s’agisse de la question des 35 heures ou de la dégressivité des allocations chômage, la rhétorique du « tabou » à briser a encore envahi l’espace public ces derniers jours. « Encore » car, depuis plusieurs années, les déclarations visant à « détabouïser » sont légion. De Laurence Parisot qui, en 2012, voulait « détabouïser la flexibilité » aux déclarations de ministres du gouvernement actuel sur le temps de travail, les seuils sociaux ou l’indemnisation du chômage en passant par la volonté exprimée par Bruno Le Maire en novembre 2013 d‘« apporter des réponses aux problèmes des Français quitte à briser un certain nombre de tabous » (il mentionnait tour à tour la réduction des dépenses publiques, la « simplification massive du droit du travail », la diminution de la durée de l’indemnisation chômage, la baisse des « charges », le « durcissement des règles du regroupement familial »), la liste des « briseurs de tabous » est longue et n’en finit pas de s’allonger. A chaque fois, l’emploi de cette rhétorique répond aux mêmes objectifs. Le premier est de délégitimer ce dont on parle en le renvoyant au domaine de l’irrationnel. Comme l’expliquait Freud, ce qui caractérise en effet les « prohibitions tabou c’est qu’elles ne se fondent sur aucune raison ; leur origine est inconnue ». Ainsi, faire entrer le repos dominical, les seuils sociaux, les 35 heures ou la dégressivité des allocations familiales dans la catégorie des « tabous », c’est les renvoyer à une genèse mystérieuse, à une absence de fondement rationnel, loin d’un principe ou d’un acquis historique que l’on voudrait préserver parce qu’on en mesure la valeur progressiste. Il s’agit là d’une imposture sémantique par laquelle les « briseurs de tabou » entendent transformer des acquis sociaux et la boussole rationnelle du progrès en interdits mystérieux infondés.


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