L'ancien député PS s'est vite converti aux idées de la "start-up nation"
Start-up Nation
Convictions "agiles" : comment Olivier Dussopt a retourné sa veste sur le service public Par Hadrien Mathoux Publié le 02/02/2018 à 17:00 Autrefois défenseur acharné du service public en zone rurale, l'ancien socialiste Olivier Dussopt a changé de convictions en quelques semaines. Devenu secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, il soutient désormais la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires. Récit d'une conversion express au macronisme.
Voici venu le deuxième acte de la volte-face d'Olivier Dussopt : lorsqu'il avait quitté les rangs du groupe socialiste à l'Assemblée nationale pour rejoindre le gouvernement, le 24 novembre dernier, ses ex-camarades du PS avaient crié à la trahison. Désormais, le tout nouveau secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique met en pratique son basculement. Invité de RTL ce vendredi 2 février, l'Ardéchois a défendu mordicus les orientations très libérales de l'exécutif concernant les fonctionnaires : plan de départs volontaires dans le but de supprimer à terme 120.000 postes, recours de plus en plus massif aux contractuels, rémunération davantage individualisée et calquée sur les performances... Olivier Dussopt soutient ces mesures. Mieux encore : il semble avoir adopté avec bonheur la novlangue de patron de start-up chère aux macronistes. "Il faut moderniser et assouplir la sphère publique, argue le jeune (39 ans) secrétaire d'Etat. Rendre nos administrations plus véloces, plus agiles et plus armées". Un monde "agile", où les suppressions de poste, mutations forcées ou précarisations d'emploi deviennent des "restructurations", "accompagnements de changement de mission" et autres exhortations à "favoriser les mobilités".
Olivier Dussopt n'a pas toujours été un social-libéral convaincu. En réalité, son parcours politique dessine un tournant spectaculaire. En 2007, à 29 ans, il est élu en Ardèche et devient le plus jeune député de France. A Libération, qui écrit son portrait, il confie alors à propos des socialistes : "Se demander qui on est, quelle est la base de nos convictions, puis définir nos marges de manoeuvre,
oui. Mais renoncer à nos valeurs pour aller vers une conversion forcée au social-libéralisme, je refuse." Une prise de position qui résonne curieusement dix ans plus tard.
Renoncer à nos valeurs pour aller vers une conversion forcée au social-libéralisme, je refuse. Olivier Dussopt, en 2007
Un CV de défenseur des services publics
Pendant le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, Olivier Dussopt endosse un combat : celui de la défense des services publics en zone rurale, en pleine "RGPP" (Révision générale des politiques publiques, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite). En 2010, il propose la mise en place d'un "bouclier rural", et critique durement le sort réservé au service public par la majorité de droite : on le voit dénoncer pêle-mêle la "fermeture d’hôpitaux et de maternités de proximité", la "désertification rurale", la "mise en oeuvre de directives européennes" sur la privatisation de la Poste... Cette même année, il devient le vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF), dont il prend la tête en 2014. Son credo reste le même : défense des services publics dans les campagnes, dénonciation des coupes budgétaires aveugles et des politiques d'austérité. Néanmoins, alors qu'il était proche de Martine Aubry puis Benoît Hamon, Dussopt choisit de soutenir Manuel Valls lors de la primaire de la gauche, début 2017. Il reste au Parti socialiste pendant la présidentielle, puis les législatives.
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Réélu député dans sa circonscription en juin dernier, Olivier Dussopt s'abstient lors du vote de confiance du gouvernement Philippe. A la rentrée, il ferraille dur en tant que président de l'APVF dans la bataille qui oppose les collectivités locales au pouvoir macroniste (réduction des dotations,suppression des emplois aidés). "Nous éprouvons de la déception en même temps qu'un sentiment de trahison", lance Dussopt à Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des comptes publics. Il s'inscrit ensuite dans une opposition sans ambiguïté : il vote contre le projet de financement de la Sécurité sociale, contre la "loi Travail 2",
et contre le budget proposé par l'exécutif, le 21 novembre... avant d'être nommé au gouvernement, trois jours plus tard, et d'être placé sous la tutelle de Darmanin ! "Le fantasme du pouvoir étreint les cœurs à gauche comme à droite", ironise alors Benoît Hamon auprès deMarianne. Qui prévient, prophétique : "Comment est-ce qu'on peut être dans les discours attaché à l'amélioration du service public et ensuite accepter un poste qui va vous amener à supprimer 120.000 fonctionnaires ?"
Comment est-ce qu'on peut être dans les discours attaché à l'amélioration du service public et ensuite accepter un poste qui va vous amener à supprimer 120.000 fonctionnaires ? Benoît Hamon
Olivier Dussopt trouve visiblement une cohérence dans ce retournement de veste. A France Bleu, il explique que "quand on vous propose d'agir, on ne refuse pas surtout quand c'est au service du pays". Et peut-être aussi de sa carrière : le député socialiste de l'Ardèche aurait-il pu espérer un poste au gouvernement à court terme, sans franchir le Rubicon et passer en territoire macroniste ? En tout cas, celui qui est toujours président de l'Association des petites villes affirme désormais que "le programme d'Emmanuel Macron pour le service public et la fonction publique ne se résume pas à la question des effectifs. Il faut se demander quel est le bon service public, comment on le rend efficace". Assurer un service public de qualité, "et en même temps" supprimer 120.000 postes de fonctionnaire : Olivier Dussopt s'est bien mis en marche.
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Olivier Dussopt, un modèle de trahison… Par Soazig Quéméner Publié le 30/11/2017 à 17:30
https://www.marianne.net/societe/olivier-dussopt-un-modele-de-trahison Marianne, no. 1081 France, vendredi 1 décembre 2017, p. 30
À la loupe
Olivier Dussopt, un modèle de trahison...
PAR SOAZIG QUÉMÉNER Trois jours après avoir voté contre le budget, le désormais ex-socialiste est entré au gouvernement. Il a même accepté de travailler sous la tutelle de l'ex-sarkozyste Gérald Darmanin. page 30
Il n'est pas très connu, et même au Parti socialiste on a du mal à le situer. Il faut dire que l'homme a navigué de Benoît Hamon à Martine Aubry, pour finir dans l'équipe de Manuel Valls lors de la dernière primaire. L'effarante trahisond'Olivier Dussopt, nouveau secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique et du «partenariat de confiance avec les territoires», risque néanmoins de figurer dans les annales du quinquennat Macron. Pensez donc, le mardi 21 novembre, trois jours avant d'entrer au gouvernement, l'ancien maire d'Annonay votait contre le premier budget du gouvernement Philippe après avoir manifesté son hostilité au projet de loi de finances tout au long des débats à l'Assemblée nationale. Visiblement soufflé par cette contradiction, le sénateur socialiste David Assouline a cueilli le nouveau ministre à froid lundi au Sénat où débutait la discussion budgétaire. «Avec tout le respect que j'ai pour le ministre, ce n'est pas banal, c'est même quasi unique que l'on puisse voter contre un budget à l'Assemblée et venir au nom du gouvernement, six jours après, le défendre. Si on le banalise, on diffuse quelque chose qui est déjà ressenti par les citoyens, à savoir qu'il n'y a pas beaucoup de conviction et de cohérence dans l'engagement des hommes politiques.» DERNIÈRE CHANCE Depuis ce spectaculaire retournement de veste, les comparaisons fleurissent. Avec Eric Besson notamment, autre ancien socialiste passé à la Sarkozye au soir du premier tour de l'élection présidentielle 2007 en échange d'un maroquin. Le modèleparfait du parjure politique. «Dussopt n'est pas Eric Besson, je vous rappelle qu'Eric Besson était un membre important del'équipe de campagne de Ségolène Royal, rectifie, cruel, un membre du bureau national du PS qui dresse avant tout le portrait d'un opportuniste. Pendant le quinquennat précédent, il voulait entrer au gouvernement Valls. Là, il a 39 ans, il s'est dit que les socialistes ne reviendraient certainement pas au pouvoir avant dix ans et que c'était sa seule chance d'être ministre. Sans compter qu'il a été élu en 2007. C'est son dernier mandat de député.» Certains de ses anciens camarades sont bien plus rudes. Stéphane Le Foll convoque ainsi Léon Blum : «Les hommes ne sont diminués par le pouvoir que lorsqu'ils le recherchent par vanité ou convoitise.» Benoît Hamon, lui, se fait lyrique : «Le fantasme du pouvoir étreint les cœurs à gauche comme à droite.» Avant de pointer le cœur de la contradiction d'Olivier Dussopt : «Comment est-ce qu'on peut être dans les discours attaché à l'amélioration du service public et ensuite accepter un poste qui va vous amener à supprimer 120 000 fonctionnaires ?» Au gouvernement, on n'est guère prolixe quand il s'agit de jauger le parcours politique de cette caution degauche qui a accepté de dépendre de l'ex-sarkozyste Darmanin. «Dussopt ? Joker. On n'est pas obligé d'apprécier tout le monde», glisse ainsi un ministre important issu de la gauche. «Nous éprouvons de la déception en même temps qu'un sentiment de trahison», avait lancé dans l'Hémicycle Olivier Dussoptà Gérald Darmanin à propos des finances des collectivités territoriales. Le ministre lui avait répondu par l'une des saillies qui font aujourd'hui sa popularité au sein du groupe LREM : «Monsieur le Député, dans le film le Président, Jean Gabin affirmait que dire n'importe quoi "est l'apanage de l'opposition". Malheureusement, cette phrase se vérifie aujourd'hui.» Les deux acteursde cet échange se sont retrouvés samedi 25 novembre à Bercy pour une photo un tantinet crispée.