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ZUB THOMAS CONWAY KANE EATON
LA GUERRE DU SERPENT
c’est parti.
je m’appelle james allison… et je me meurs ! je suis étendu mollement dans des draps de satin, réchauffé par les rayons du soleil qui traversent la fenêtre de ma chambre... et je me meurs. mais alors que la mort rampe sur moi comme une limace aveugle, je dois vous parler d’un homme appelé niord... et de cette créature démoniaque et répugnante qui, un jour, se traîna hideusement hors de l’enfer pour gagner une terre sauvage oubliée, surnommée...
L A VA L L É E D U
VER !
non, ce n’est pas de la vie terne et rongée par la maladie de james allison que je rêve... car elle finira bientôt... et ne sera que brièvement pleurée...
mais tandis que les ailes noires de la mort se déploient au-dessus de moi, je vois toutes mes incarnations précédentes... une parade étincelante de formes et de vies...
car j’ai été de nombreux hommes, dans de nombreuses contrées... sous des noms tels que hialmar et horsa... eric et john...
... et niord ! surtout
niord ! PRÉSENTE :
ADAPTÉ DE LA NOUVELLE DE
scénaristes
dessinateur
encreur
oui, avant de mourir, je vais vous parler de niord et du ver : vous avez entendu l’horrible histoire de leur rencontre sous de nombreuses variantes... car de cette confrontation, naquit tout le cycle de récits héroïques qui traversa les âges jusqu’à ce que la vérité même se perde irrémédiablement !
ces légendes intemporelles eurent pour héros persée... qui délivra dame andromède d’un immense serpent marin...
... beowulf, dont la puissante épée vint à bout d’un redoutable monstre de feu...
... et siegfried, qui aurait abattu le monstre écailleux appelé fafnir !
... saint georges, qui tua un dragon dans les étendues sauvages d’asie mineure...
enfin, c’est ce que disent les hommes.
mais ils se trompent.
car tous ces récits mythiques ne sont qu’un faible écho... une pâle mémoire...
... de la sinistre réalité que fut l’aventure de niord, le fléau du ver...!
c’était un monde étrange que celui où niord a vécu, aimé et combattu.
je ne dirai pas à quelle époque, car on me traiterait de fou... et les historiens comme les géologues se dresseraient pour me contredire.
nous étions toute une tribu avançant à pied vers le sud : des vieillards, à l’allure de loups avec leurs longues barbes et leurs membres décharnés... des guerriers géants dans la force de l’âge... des femmes aux boucles blondes qui portaient des bébés qui ne pleuraient jamais... et moi...
mais la grande migration épique de mon peuple avait déjà commencé.
... j’étais niord ! ho ! voici une rude contrée et derrière, la jungle !
mais nous la traverserons, par ymir... même si des démons se dressent pour nous barrer la route !
niord ! tu entends les tam-tam au loin ?
d’autres choses nous frappèrent l’esprit...
oui, bragi.
campons pour la nuit.
pendant toute la nuit chaude et étouffante, les tam-tam d’un peuple sauvage vibrèrent sans cesse...
mais nous étions des guerriers, et n’avions peur de rien...
et au matin, les pictes nous guettaient au bord de la forêt... ... de courtes épées dans leurs mains poilues, des peintures sur leur corps, et un air féroce.
je ne pouvais pas le savoir alors... mais nous étions entrés dans le pays du ver.
ils ne tentèrent pas d’embuscade.
... et nous attendîmes simplement l’aube.
ils bramèrent leurs chants de guerre, et nous les nôtres. ils décochèrent leurs flèches empoisonnées sur nous...
et nous, emportés par la joie de la bataille, nous laissâmes tomber nos arcs...
... pour nous jeter sur eux !
je ne peux pas décrire avec des mots le massacre, la fureur, et par-dessus tout, la sauvagerie impitoyable de cette mêlée... sinon, vous frémiriez d’horreur... mais même moi, james allison, je suis horrifié quand je revois cette boucherie à laquelle j’ai pris part, en tant que niord !
et alors que les pictes s’enfuyaient, nos femmes s’approchèrent pour fracasser le crâne des blessés à coups de pierres... ou leur trancher la gorge avec des couteaux de cuivre.
nous finîmes par l’emporter... moi, niord, j’étais occupé avec un ennemi particulièrement vaillant.
mais la victoire ne fut pas aisée !
nous ne torturions pas.
on tuait simplement ceux qui nous auraient tués.
comme tous ceux de sa race, il m’arrivait à peine au menton... mais c’était une masse de muscles d’acier...
ce combat était propre à rassasier mon âme avide de batailles !
je saignais d’une vingtaine de blessures... ... avant de voir une ouverture dans sa défense instinctive...
... et j’en profitai, mon bouclier frappant sa tête nue !
nadda kroton...! hein ? encore vivant !?
tu as le crâne dur, picte !
nadda...!
nadda... krotonn n n nnn
les hommes de cette époque étaient bâtis d’une autre trempe !
mon coup aurait dû faire gicler sa cervelle comme de l’eau...
mais il ne fit qu’entamer horriblement son cuir chevelu.
je le laissai là.
non, helga !
c’est un ennemi sauvage et brutal... mais brave !
laisse-le vivre !
fou ? je l’étais peutêtre... selon les normes de cette époque barbare lointaine.
vivre ?! le bruit de la bataille a dû te rendre fou !
mais je retournai au combat avec une vigueur décuplée... et je tuai encore beaucoup de pictes avant qu’ils se dispersent.... ... et fuient dans les ténèbres de la jungle !
cette nuit-là, alors que les tam-tam vibraient dans la jungle, je pansai les blessures de mon prisonnier... et commençai à apprendre son langage primitif guttural.
ek kaa gorm.
ek kaa niord.
gorm. ce doit être son nom. alors...
il se vanta d’abord, bien sûr... d’être un grand chasseur et combattant...
et après plusieurs jours dans notre camp, lui aussi avait appris notre langue... assez bien pour dire... vous... vous me laissez bons guerriers... partir... dans comme gorm. les collines... pour faire la paix entre nos peuples.
je suis sûr que gorm n’a jamais compris pourquoi je l’avais épargné... pas plus que moi, niord...
mais ayant récupéré, il put partir...
puis, après avoir brûlé nos morts sur un grand bûcher funéraire, nous pillâmes nos ennemis et traînâmes leurs corps sur le plateau... ... avant de les jeter dans la vallée, en pâture aux vautours qui s’assemblaient déjà.
et on l’oublia... d’accord !
... si ce n’est que dès lors, je pris un peu plus de précautions en allant chasser...
... m’attendant à ce qu’il s’embusque, un beau jour, pour me décocher une flèche dans le crâne.
puis un matin, il apparut à la lisière de la jungle...
gorm !
... son visage fendu en un rictus simiesque !
viens ! gorm a quelque chose... à te montrer, à toi et ta tribu.
la pointe d’une lance, je parie ! mais...
très bien. que nous as-tu amené ?
quelle nouvelle diablerie...? eux !
coiffés de plumes et peinturlurés, les chefs de clans étaient regroupés derrière gorm, notre férocité les avait impressionnés... et ils s’étaient dit que nous avions épargné gorm parce qu’ils avaient si peu d’importance pour nous qu’il était inutile de les tuer.
ainsi la paix fut conclue après de longues palabres et d’étranges serments et rituels.
nous ne jurions que par ymir, mais eux juraient par les éléments... par des idoles fétiches...
... et par une autre créature, trop terrible pour être nommée !
les jours qui suivirent, je chassai avec gorm...
et il me conduisit dans de sombres vallées inhabitées... et en haut de collines emplies de silence, où aucun homme n’avait jamais mis le pied avant nous.
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