Libres d'informer ?

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Comment utiliser une campagne médiatique dans un cours d’éducation au développement?


Michel Leroy

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Journaliste en danger, Panos Paris – décembre 2012


"Seuls les morts ne parlent pas" Proverbe congolais

Reportage dans la banlieue de

Bujumbura

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Sommaire Préface ......................................................................................................................................................................................................................................... 13 Carnet de campagne ............................................................................................................................................................................. 19 La campagne Libres d’informer? ........................................................................................................................ 59 Pistes pédagogiques avec des adolescents ...................................................................... 95 La prison de Mpimba à Bujumbu

ra

Bibliographie, sitographie ..................................................................................................................................................... 119 7


"Et puis ils ont tiré dans ma direction. Heureusement la balle est passée juste devant ma tête quand moi je tombais par derrière. […] Tout le temps, je l’échappe belle, je l’échappe belle, je ne vais pas l’échapper belle continuellement. Et ça c’est un message fort. C’est une grâce que je sois encore là parce que franchement je savais que j’étais une femme morte" Caddy Adzuba, République démocratique du Congo

Caddy Adzuba

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Pour la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai 2012, les associations de journalistes de la République démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda ont organisé une série documentaire visant à promouvoir la liberté de la presse, avec l’appui de Panos Paris et de l’association de défense Journaliste en danger. Un mois plus tôt, un journaliste congolais, Godefroid Bwiti Lumisa et deux confrères français, Florence Morice et Michel Leroy avaient tourné au total sept vidéos. Les médias de la région ont diffusé ces témoignages puis les ont accompagnés par des émissions et des débats avec les auditeurs sur la liberté d’informer, aujourd’hui, en Afrique centrale. Panos Paris et Journaliste en danger ont également produit des affiches, traduites en swahili, en kirundi et en kinyarwanda, trois des principales langues nationales de la région.

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Tensions post-électorales à Kins

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Dans le dispositif, il manquait encore un levier: celui qui permettrait d’informer les opinions publiques du nord, et notamment les plus jeunes, pour les sensibiliser aux risques professionnels qu’encourent les journalistes au sud et à la fragilité de l’exercice d’un des droits fondamentaux de l’homme: être informé. C’est cette ambition que cet ouvrage nourrit. Ce manuel a été conçu comme un outil pratique pour un très large public: enseignants, lycéens mais également simples citoyens intéressés par les questions de médias, de coopération internationale et d’éducation au développement. Parce que la formation est l’un des axes majeurs des projets de solidarité, il a été conçu avec des enseignants et propose quelques pistes pour utiliser ces documents dans le cadre de cours d’éducation au développement, en classes de collège et de lycée.

Préface Sous le prétexte de la guerre C’est le titre du rapport 2012 de Journaliste en danger (JED) sur l’état de la liberté de la presse en Afrique centrale francophone. Au total, et sur l’ensemble de des pays que compose la zone, JED a documenté pas moins de 210 cas d’atteintes diverses au droit d’informer et d’être informé, dont au moins 68 cas d’arrestations ou incarcérations de journalistes. En 2011, JED avait pointé 50 cas, ce qui avait justifié la campagne Libres d’informer? organisée par les associations des journalistes du Burundi, de la RDC et du Rwanda, avec le soutien de Panos Paris et de Journaliste en danger. Cette campagne audiovisuelle donnait une large place aux témoignages d’hommes et de femmes qui, en raison de leur métier de journaliste, se sont exposés personnellement au nom de la liberté de presse. Cette présente publication nous propose de découvrir les extraits les plus significatifs et bouleversants de leur témoignage, tout en nous permettant de mieux connaître le travail de Panos Paris aux côtés des journalistes des Grands Lacs.

Toute la campagne est accessible en libre accès sur internet à l’adresse http://petitlien.fr/libres 13 Préface


Les statistiques enregistrées en 2012 sur le nombre de journalistes ayant passé un ou plusieurs séjours derrière les barreaux à cause de leur travail révèlent une inquiétante augmentation du nombre d’attaques dirigées contre la presse et témoignent d’une détérioration constante du climat de travail de la presse et de la liberté de l’information. Dans la région des Grands Lacs, le chiffre record (64 sur 68 cas) se détaille de la manière suivante: 59 arrestations des journalistes en RDC, l’emprisonnement de journaliste au Burundi et 4 au Rwanda. Les cas les plus flagrants de ces emprisonnements concernent, notamment: • la détention prolongée et sans jugement de trois journalistes congolais dans un cachot de l’Agence nationale des renseignements (ANR) où ils étaient retenus pour avoir été en contact avec un officier déserteur des Forces armées, et participé, selon l’ANR, à une entreprise de déstabilisation du pays; • l’arrestation au Burundi, puis la condamnation à la prison à perpétuité

• de Hassan Ruvakuki, journaliste de la radio burundaise Bonesha FM et correspondant de RFI pour participation à une activité terroriste après avoir couvert une réunion d’un nouveau mouvement de rébellion en Tanzanie; • l’arrestation et la condamnation à quatre et trois ans de prison de la directrice et l’une des journalistes du journal Umurabyo, pour atteinte à la sûreté de l’Etat au Rwanda. Procès de Jean Claude Kavumbagu, directeur de Net Press

Dans tous les cas relevés ci-dessus, les prétextes de la guerre ou de la déstabilisation étaient évoqués pour réduire au silence ou se venger d’un journaliste. Mais, au-delà des statistiques publiées sur le nombre des journalistes arrêtés ou incarcérés à cause de leur travail ou en raison de leurs qualités de journalistes, les chiffres cachent désormais d’autres réalités tout aussi pernicieuses, et nuisibles à la liberté de la presse. Parmi celles-ci, on peut noter: • pour un journaliste arrêté ou emprisonné au Burundi ou au Rwanda, il faut compter des dizaines d’autres préférant désormais le silence ou

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l’autocensure pour ne pas subir le même sort que leurs confrères jetés derrière les barreaux. D’où le nombre apparemment insignifiant de journalistes arrêtés ou incarcérés dans ces pays en 2012, ne reflétant nullement la réalité en terme de sécurité des journalistes ou de respect de la liberté de l’information dans ces pays. • avec le nombre record de 59 cas d’arrestations ou d’emprisonnements de journalistes, le métier de journaliste apparait en RDC comme l’un des plus dangereux comparativement à d’autres professions telles les médecins, les magistrats, les avocats ou les professeurs recensant nettement moins d’attaques en dépit des manquements constatés dans ces secteurs. La conséquence des attaques répétées contre la presse a une incidence directe sur le travail fourni: de la RDC au

Rwanda, en passant par le Burundi, les professionnels des médias pratiquent désormais le service minimum dans leur travail quotidien de collecte, de traitement et de diffusion des informations, en publiant une information souvent consensuelle limitant la prise de risques et leur permettant de survivre. Pourtant, dans leur position reconnue de quatrième pouvoir ou de premier contre-pouvoir au sein des sociétés démocratiques, les médias ont une responsabilité particulière en jouant notamment le rôle de chien de garde pour la société. C’est seulement quand les journalistes sont libres de surveiller, d’enquêter et de critiquer l’ensemble des acteurs de la vie publique que la gouvernance s’installe, que la redevabilité devient une norme et que la démocratie et le développement peuvent prendre racine dans un pays. Faute de pouvoir jouer ce rôle en raison de l’épée de Damoclès – la prison – suspendue au-dessus de leurs têtes, les journalistes et les organisations professionnelles des médias et de défense de la liberté de la presse se mobilisent sur le terrain juridique pour obtenir des réformes des cadres réglementaires de la liberté de la presse. Ces réformes doivent viser avant

prend La maman de Serge Maheshe diale la parole lors de la Journée Mon se de la Liberté de pres

17 Préface


tout la suppression des dispositions qui autorisent les emprisonnements des journalistes sous prétextes de la diffamation, des imputations dommageables, l’offense aux autorités ou l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Ce combat pour la dépénalisation des délits de presse doit être l’affaire de tous car de cette avancée juridique dépend la qualité et la pérennité de la démocratie, le niveau de développement et la stabilité politique des pays de la région des Grands Lacs africains. En racontant le quotidien des journalistes œuvrant dans une des régions les plus sensibles du monde et en publiant leur témoignage, JED et Panos Paris veulent aussi déplacer le débat sur le terrain européen, afin que les citoyens du Vieux continent soient conscients, réfléchissent, s’expriment et agissent en faveur d’un plus grand respect de la liberté d’expression dans cette région si lointaine mais historiquement si proche.

Carnet de campagne Les notes qui suivent font la recension, forcément parcellaire et subjective, d’une année auprès de Panos Paris pour lancer la campagne Libres d’informer?. Elles n’ont évidemment aucun souci d’exhaustivité, mais permettront, on l’espère, de mieux comprendre le contexte d’une intervention de solidarité – et parfois d’urgence humanitaire – en Afrique centrale.

Tshivis Tshivuadi Secrétaire Général de JED

Dans les studios de Radio Neno la Uzima à Bukavu

19 Carnet de campagne


Bangui, 29 mars 2012 Nous sommes dans les locaux de Panos Paris à Bangui, la capitale de la Centrafrique, sur l’avenue des Martyrs. Le bâtiment est une grande villa dont on occupe la pièce principale, ouverte au peu de vent qui veut souffler. A quelques mètres, au bout de la route, les restes du palais des sports où Jean-Bedel Bokassa s’est fait couronner empereur, en décembre 1977. De l’autre côté: l’université nationale et son campus délabré. La République centrafricaine est à la queue de tous les classements en matière d’infrastructures et de développement. Le pays subit la pire crise humanitaire d’Afrique après la Somalie, selon le Bureau pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA). Une crise silencieuse dont il n’est pratiquement jamais question dans les médias du Nord. En janvier 2011, la Centrafrique a procédé à une présidentielle qui a vu la réélection sans surprise de François Bozizé, en dépit d’accusations de fraudes massives. En raison de l’instabilité politique du pays et de la persistance des violences dans de nombreuses zones, les droits de l’homme sont régulièrement bafoués. ur Le couronnement de l’empere omnisport Jean Bedel Bokassa au Palais de Bangui, le 4 décembre 1977

Depuis le processus de Dialogue Politique Inclusif (DPI) initié depuis 2008, l’objectif des autorités centrafricaines est de réintégrer dans le jeu politique les mouvements de rébellion armée. Le 21 juin 2008, un accord de paix global a été signé à Libreville entre le gouvernement, et deux d’entre eux, l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie et l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR). Au cœur du dispositif, le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion, demeure très lent, soumis aux retards du déploiement des observateurs militaires, aux aléas des crises, du banditisme et aux pratiques contraires à l’État de droit exercées par des agents de l’administration. Dans le Nord-Est du pays, dans la zone dite des trois frontières, les rivalités communautaires, pour le partage des ressources diamantifères notamment, ont donné naissance en 2009 à des incidents violents à Birao et Ndele. Au terme de sanglants affrontements, deux mouvements, la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP) et l’UFDR ont signé un accord de cessez-le-feu en octobre 2011. Dans le Nord-Ouest, en période de transhumance, les conflits entre les Le Palais omnisport de Bangui

en 2012

21 Carnet de campagne


éleveurs tchadiens et la population locale composée en majorité de cultivateurs, prend également un tour ethnique.

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Joseph Kony

Jusqu’ici quasi inconnu, Kony est intronisé par internet. La vidéo sera vue plus de 94 millions de fois.

Les éléments du Front populaire pour le redressement (FPR) du général Baba Laddè, le Père de la brousse, composés de Peuhls et de rebelles d’origine tchadienne, ont longtemps écumé la zone de Kaga-Bandoro, Kabo et Sido. Chassés de leurs bases de Ouandago et Gondava (nord) au début de l’année 2012, ils s’éparpillent dans différentes préfectures et font même, au moment de notre venue, des incursions jusqu’aux faubourgs de Bangui. Dans le Sud-Est enfin, l’armée ougandaise, les forces régionales mandatées par l’Union africaine, les Forces armées centrafricaines et des forces spéciales américaines traquent les éléments de la Lord Resistance Army de Joseph Kony et ses enfants-soldats. Kony, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, circule entre le Sud Soudan, la République démocratique du Congo (RDC), l’Ouganda et la République centrafricaine (RCA). En 2012, une campagne sur internet de l’ONG Invisible Children l’a fait connaître mondialement à travers une vidéo controversée qui le compare à Hitler et à Ben Laden.

Ainsi va la Centrafrique ces dernières années: un Etat à la dérive, soumis aux soubresauts de rébellions aux noms compliqués et condamné pendant des années à une croissance économique négative. Le revenu moyen par habitant est inférieur à 300 euros. En 179e position sur 187 pays en matière de développement humain en 2011, la RCA est également dans les derniers wagons sur la perception de la transparence et se classe 154e sur 182 dans le classement de l’organisation Transparency international.

23 Carnet de campagne


Sous la pression de plusieurs bailleurs internationaux, le président Bozizé a annoncé au mois de septembre 2011 sa volonté de neutraliser les auteurs de malversations financières lors de l’ouverture d’états généraux des finances publiques à l’Assemblée nationale. Pour l’instant, l’opération cible surtout des hauts fonctionnaires comme le directeur général de la Société centrafricaine de stockage des produits pétroliers (Socasp) arrêté fin 2011 et accusé d’un détournement évalué à près de 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros). Fragilisé par un processus électoral contesté, le pouvoir centrafricain est crispé dans un conflit ouvert de succession, entre le neveu du président, le colonel Sylvain Ndoutingaï, ministre d’Etat aux Finances et au Budget (et ancien ministre d’Etat aux Mines, à l’Energie et à l’Hydraulique) et son propre fils, Jean-Francis Bozizé, ministre délégué à la Défense. Témoins parfois peu neutres voire partiaux quand ils ne sont pas outrageusement diffamants, les médias centrafricains pouvaient difficilement sortir indemnes de cette confrontation familiale. Que dire alors quand la situation dégénère? Au printemps 2012, la situation sécuritaire

a depuis longtemps tendu les relations entre le pouvoir et les médias. En l’espace de huit mois, trois responsables de journaux ont été arrêtés à Bangui. Avec mon collègue journaliste Gaël Grilhot, nous encadrons une formation pour les étudiants de dernière année du département de Sciences de l’information et de la communication de l’université de Bangui. Dans quelques heures, Gaël va présenter les grands textes du droit international et expliquer leur mise en application.

Bangui réalise Un étudiant de l’Université de le montage d’un reportage radio

En l’espace de dix jours, les étudiants doivent réaliser un journal de presse écrite et une émission de radio sur les droits de l’homme, qui seront tous les deux diffusés dans les médias locaux. Leur diffusion fait de Kôngô Ti Doli (l’éléphant qui barrit, en langue songo) le journal le plus lu de la Centrafrique et, sur Radio Ndeke Luka et Radio Voix de Grâce, une des émissions les plus écoutées.

25 Carnet de campagne


Université de Bangui

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Mercredi 22 juin 2011

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Le 20 janvier 2012, les journaux de Bangui n’ont pas paru pour protester contre l’arrestation, quatre jours plus tôt, de Ferdinand Samba, directeur de publication du Démocrate, condamné à dix mois de prison ferme pour diffamation à l’encontre de Sylvain Ndoutingaï. Le nombre de titres sur le marché a suivi la courbe inverse ces dernières années de celle de la qualité éditoriale. Le paysage médiatique est ravagé par les luttes intestines et les agendas secrets: beaucoup sont à la solde d’hommes politiques, la fragilité économique et la méconnaissance de la loi donnant libre cours à tous les excès. Le sentiment d’impunité est extrême et les conflits d’intérêts quotidiens. Ancien porte-parole du président Patassé,

Alfred Tainga Poloko, le ministre de la Communication, de la Culture Démocratique et Civique nommé en novembre 2010, est aussi le directeur général de Turbo Satellite Média, un opérateur local de télédistribution. Une de ses premières décisions aura précisément été de mettre la télévision sur satellite pour élargir sa diffusion en province. Cependant, les médias centrafricains ont fait des efforts considérables pour s’imposer et se faire valoir, en instaurant un dialogue avec les autorités et avec la société civile, qui s’est concrétisé par des états-généraux des médias tenus en 2008 et des changements législatifs qui ont suivi avec l’ordonnance relative à la liberté de la communication en République Centrafricaine et l’ordonnance instituant le Haut Conseil de la Communication (HCC), l’organe censé réguler les médias, comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le fait pour la télévision et la radio en France ou en Belgique. Vu le taux d’analphabétisme (plus de 80%) et la possibilité pour les radios de travailler en langues locales, l’importance de ce médium est énorme. La plupart ont été créée à la fin des années 1990 et appuyée techniquement par des partenaires étrangers (Unesco, Francophonie, Eglise catholique…). Elles n’émettent guère plus de quelques

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heures par jour. Les moyens en énergie font défaut et les rares appareils disponibles sont mal entretenus. Les insertions publicitaires restent les seuls ressources possibles, dans un marché extrêmement restreint. Les journalistes ne sont que peu formés, incapables bien souvent d’assumer leur responsabilité sociale, en informant la population de manière pluraliste pour l’impliquer dans l’élaboration des politiques et dans l’utilisation pacificatrice de l’information. Pour ce deuxième jour de formation, nous avons voulu susciter du débat chez nos futurs confrères, en conviant trois invités à une conférence-débat sur la liberté d’informer. Une occasion de leur faire toucher du doigt les libertés et les responsabilités liées à leur futur métier. Patrice Yazenga a la lourde tâche de porter la parole officielle. Inspecteur central au ministère de la Communication, il a une activité régulière de formateur, notamment au sein du Centre Jean-XXIII, qui accueille en recyclage les personnels des nombreuses et très influentes radios catholiques. Il rappelle que depuis 2005 une ordonnance, la fameuse ordonnance 05/002,

dépénalise officiellement les délits de presse mais n’élude pas le fait que le code pénal, lui, continue de les pénaliser… et précise aussi que le montant d’une amende peut parfois nuire aux entreprises de presse de manière encore plus définitive qu’une arrestation de journaliste: 50 millions de francs CFA (76 000 euros), qui est en mesure de payer ça aujourd’hui? Maka Gbossokoto dirige Le Citoyen, l’un des plus anciens titres de la presse indépendante centrafricaine. Il préside également l’Union des Journalistes de Centrafrique (UJCA). C’est une personnalité charismatique du petit monde des médias banguissois. Attaqué de toutes parts, pourchassé jusque dans la rue, un jour, par le chef de la sécurité présidentielle d’Ange-Félix Patassé, il a même connu les geôles de la Maison blanche, le quartier des personnalités au sein de la prison de N’Garagba, après le coup d’Etat de 2003, pour avoir critiqué un parent du nouveau chef de l’Etat. Mais le président Maka est aussi à la tête d’une prospère Maka Gbossokotto, Président de l’Union des Journalistes de Centrafrique (UJCA)

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plantation de café, qui lui permet sa liberté de ton et son indépendance. C’est sur ce terrain qu’il commence sa présentation: La liberté de la presse, c’est d’abord le courage des journalistes. Ce courage est sous-tendu par des valeurs qui sont l’humilité et l’indépendance, par rapport aux puissances financières, par rapport à l’Etat et par rapport à soi-même. Il faut gérer les dérapages et les rumeurs tous les jours, parce que les excès d’un seul mettent toute la corporation en difficulté.

Un avocat enfin. Maître Mathias Barthelemy Morouba est l’une des plus importantes figures du barreau centrafricain. Ténor spécialisé sur la question des droits de l’homme, il est un acteur lucide du droit de la presse et une vigie de ses atteintes comme de ses limites. Devant des étudiants médusés, il commence par évoquer la Genèse, le verbe fait chair et le pouvoir divin de créer. Et vous, vous avez fait quoi ?, tonne-t-il alors. Est-ce que vous informez le public ? Est-ce que ce que vous créez est beau ? Non… souvent vous nous créez des écrits qui portent

atteinte aux personnes, vous violez la loi. Et ça, c’est une réalité. Il faut commencer par respecter la loi, sinon on vous muselle et on en profite pour vous mater… Votre liberté s’arrête là où commence celle des autres. Si vous savez utiliser la loi, vous n’aurez pas de problèmes. Il faut la faire vôtre, la manipuler au quotidien. Et puis aussi vous ressourcer, lire la littérature…

Moi j’opte plutôt pour le dieu hindou, rétorque aussitôt Maka Gbossokoto, ce dieu qui a disparu dans le nirvana devant la laideur de sa créature! Aujourd’hui, les journalistes n’ont pas les moyens de faire vivre autant d’entreprises de presse. Regroupons-nous pour en constituer cinq ou six et nous pourrons subsister. Et puis n’ayez pas peur, n’ayez pas honte, de prendre l’argent de l’Etat. L’impôt c’est votre argent, l’argent du peuple!

Les débatteurs affutent leurs arguments. La discussion se prolonge. Les questions fusent dans l’assemblée. Argument contre argument, la cause de la presse est entendue.

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Maître Morouba

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Bangui, 3 avril 2012 Les échos résonnent encore dans toutes les têtes. Interrogé par un groupe d’étudiants qui prépare un article pour Kôngô Ti Doli, Me Morouba a précisé sa pensée: la jurisprudence interdit de faire application de la loi ordinaire quand il y a une loi spéciale. Donc la dépénalisation devrait prévaloir. Mais les procureurs font bien ce qu’ils veulent au final parce que tous les délits se retrouvent aussi dans le code pénal.

Journaliste ou citoyen? Ferdinand Samba, le directeur de publication du quotidien Le Démocrate en a fait précisément les frais. Accusé d’incitation à la haine, de diffamation et d’injures par voie de presse à l’encontre du lieutenant-colonel Sylvain Ndoutingaï, il a été placé en détention provisoire à l’issue d’une demi-journée de procès, le 19 janvier 2012, au tribunal de grande instance de Bangui. La loi spéciale ne lui a pas été appliquée. Dans sa plaidoirie, Alain Tolmo, le procureur, a requis contre lui un an d’emprisonnement ferme et la fermeture définitive de son journal. Le lendemain, en signe de

protestation, le Groupement des éditeurs de la presse privée indépendante de Centrafrique (Geppic), organisait une « journée sans journaux ». Hormis quelques dépêches sur les agences, cela n’a guère eu d’impact. Le 26 janvier 2012, le tribunal prononce une condamnation à dix mois de prison ferme, un million de francs CFA (1 500 euros) d’amende, dix millions de francs CFA (1 500 euros) de dommages et intérêts et la fermeture du journal pour une durée d’un an. Une peine d’un an ferme est également prononcée par contumace à l’encontre de Patrick Agoundou, le directeur de publication d’un autre titre, La Plume, qui est absent du pays lors du verdict. Un mandat d’arrêt est aussitôt lancé contre lui. La maison d’arrêt de N’Garagba est une grande bâtisse ouverte où les visiteurs vont et viennent après s’être préalablement fait enregistrer. Dans la première enceinte, les détenus de droits communs happent le visiteur pour solliciter un savon ou quelques billets pour améliorer le quotidien. Les gardiens veillent nonchalamment, arme en bandoulière. On entre dans le premier quartier et l’on s’éloigne de l’odeur des cuisines, où se prépare la maigre pitance, pour rejoindre la Maison blanche, le quartier des hauts

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fonctionnaires et des personnalités. La Maison fonctionne comme une prison dans la prison, avec ses propres gardiens et une porte fermée dès le soir pour éviter les intrusions et les violences. La vie s’organise dans une cour centrale autour de laquelle se distribuent de grandes pièces où des paillasses accueillent côte à côte une demi-douzaine de détenus sous des moustiquaires. La chaleur est accablante alors que le soleil n’est pas encore le plus chaud de l’année.

Ferdinand Samba nous aide à trouver un peu d’ombre. On installe quelques chaises en plastique et la conversation peut commencer: les apprentis-journalistes ont beaucoup de questions et ils n’hésitent pas à rentrer dans les détails pour connaître le quotidien du détenu. Le journaliste explique.

Je dors dans des conditions acceptables. Je suis bien traité et j’ai le moral.

La veille, son interview sur RFI a fait quelque bruit. En représailles, la direction a demandé que lui soient remis tous les téléphones portables qui circulent allègrement et que l’on partage pour rester relié au monde extérieur. Il faudra juste attendre quelques jours pour qu’ils réinvestissent le quotidien.

On échange quelques mots de réconfort, on pose quelques questions, avec le même ton incertain que les deux étudiants qui préparent à côté de nous leur article et à qui consigne a été donnée de travailler sans prendre de notes. L’un des deux est déjà venu visiter un ami. L’autre met les pieds (et la tête) en prison pour la première fois. Au moment de la conférence de rédaction, l’un et l’autre se sont immédiatement portés volontaires pour rédiger l’article. Autant par souci d’information que pour exprimer la solidarité qui sied aux membres de leur (future) profession. On retourne au centre-ville pour un long débriefing avec le reste de l’équipe, dans le prolongement des discussions théoriques de la veille. L’exercice de la pratique par la visite d’une prison: plus qu’un pied de nez… Le 3 mai 2012, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, que l’UJCA de Maka avait décidé de boycotter, le président Bozizé a finalement gracié Ferdinand Samba. Il aura tout de même été incarcéré durant plus de trois mois. L’année précédente, Cyrus Sandy, le directeur de publication de Médias + et Faustin Bambou du journal Les Collines de l’Oubangui avaient eux-aussi goûté aux geôles banguissoises pendant un mois et demi.

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Là encore, les pressions avait permis d’infléchir la décision du juge, qui avait finalement requalifié les faits selon l’ordonnance 05/002. Les poursuites judiciaires pour incitation à la violence et à la haine avaient été abandonnées au profit de la seule diffamation, un délit de presse moins grave qui leur avait valu une simple amende de 300 000 francs CFA (450 euros).

Kigali, 5 avril 2012 Agnès Uwimana et Saidati Mukakibibi, deux journalistes du journal Umurabyo qui ont été arrêtées en 2010, voient leur peine réduite par la Cour suprême. Initialement condamnées respectivement à 17 et 7 ans de prison, elles écopent finalement de quatre et trois ans mais restent en prison. La Cour a maintenu les accusations d’atteinte à la sûreté de l’État contre les deux femmes mais a abandonné les accusations de minimisation du génocide et de divisionnisme contre Agnès Uwimana. La loi sur l’idéologie du génocide, formulée en termes vagues, est souvent utilisée pour faire taire les critiques et les voix discordantes. Votée en 2008, cette loi visait à prévenir toute répétition du génocide, en punissant les propos visant à stigmatiser des groupes ethniques. En novembre 2012, une version amendée qui maintient mais réduit des peines de prison a été soumise au parlement. Selon le ministre de la Justice, elle permettrait de nettoyer la loi de ses excès, afin qu’elle puisse différencier les propos raisonnables de l’idéologie génocidaire. Dans toute la région, les attaques de presse sur la base ethnique continuent d’être légions. En août, le rédacteur en chef du journal rwandais Umusingi, est poursuivi

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pour discrimination suite à un article sur la stabilité conjugale et ce qu’il présente comme les penchants des femmes tutsies… Près de vingt après le génocide qui a coûté la vie à 840 000 personnes et alors que le Tribunal pénal international pour le Rwanda s’apprête à fermer, l’oubli reste impossible. Et pourtant… En 2011, le TPIR avait condamné à Arusha (Tanzanie) deux anciens ministres rwandais, Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza, à 30 ans d’emprisonnement pour entente en vue de commettre le génocide et incitation directe et publique au génocide. Le 4 février 2013, le même tribunal les blanchit en appel et ordonne leur libération immédiate .

Bujumbura, 19 avril 2012 Retour dans les Grands Lacs. C’est mon troisième séjour à Bujumbura en quelques mois. Je retrouve la Maison de la presse du Burundi, qui abrite aussi le centre de ressources audiovisuelles (CERA) des radioteurs et le Centre de formation des médias (CFM). C’est le carrefour névralgique du Burundi médiatique, là où se préparent par

Au niveau stratégique, l’après-génocide a généré une nouvelle géopolitique régionale, dont les turpitudes continuent de faire la une des médias. Plusieurs rapports des Nations-Unies accusent par exemple le Rwanda et l’Ouganda de soutenir les rebelles du M23 qui commettent régulièrement des exactions à l’Est de la République démocratique du Congo. L’accord-cadre pour la paix signé fin février 2013 à Addis-Abeba appelle ainsi les pays signataires à ne pas tolérer ni porter assistance ou soutien à aucune forme de groupes armés.

Préparation de l’émission Club

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de la Presse

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exemple les Club de la presse, un rendez-vous radio et télédiffusé où des rédacteurs en chef et des directeurs de publications échangent sur les grands thèmes de la semaine. C’est souvent là aussi qu’on enregistre les synergies, ces émissions diffusées en direct sur plusieurs antennes en même temps. Une force de frappe formidable, quand il est question de défendre la profession. Quand je reviendrai, quelques mois plus tard, j’assisterai comme auditeur à la synergie lancée pour défendre un confrère emprisonné. J’écouterai, au côté d’un chauffeur de taxi, en plein centre-ville, l’appel à klaxonner, en signe de protestation et l’immédiate bronca s’élever de tous les carrefours, dans un même élan simultané. Mais pour l’heure, personne n’occupe le studio. Nous sommes dans la dernière ligne droite pour produire la campagne Libres d’informer? Nous nous sommes mis d’accord sur une liste de témoins que nous allons réunir pour des entretiens filmés. Avec Florence Morice et le journaliste congolais, Godefroid Bwiti Lumisa, nous avons voulu dépouiller le cadre au maximum pour donner toute leur mesure aux récits. Une chaise vide contre un mur ouvre chaque séquence. Le témoin entre dans le

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champ et s’assoit en silence. Puis après quelques secondes, il commence enfin à parler. Florence fixe les micros, Godefroid affûte ses questions, j’échange quelques mots pour expliquer l’approche, en guise d’anti-stress pour les invités. De retour à Paris, nous couperons les questions pour ne garder que la matière brute. Nous couperons également tous les éléments qui seraient de nature à mettre les témoins en danger: telle allusion trop précise à un militaire, telle formulation qui passe dans la conversation courante – nous avions cherché à ménager un ton de la conversation – mais qui tranche de manière trop vive, une fois enregistrée sur la bande. Le poids des mots… Je finis en interrogeant Godefroid sur le même mode qu’il l’a fait, lui, avec les autres témoins. Je veux en savoir plus sur le contre-pouvoir des journalistes en République démocratique du Congo, sur leur capacité à se mobiliser pour la communauté, contre l’impunité. A la force que peut constituer ce réseau social-là, aujourd’hui, dans un pays où tout semble démesuré. Neuf journalistes ont été emprisonnés en 2011 et un a même été tué.

Godefroid retrouve sur son portable un enregistrement qu’il veut nous faire écouter: on y entend clairement un député de la nation, Yves Kisombe, agonir d’injures et de menaces à peine voilées, la rédactrice en chef de RTVS1, Eugénie Ntumba, qui l’a appelé au téléphone pour une simple interview et qui a continué à enregistrer toute la scène.

La bande s’est disséminée sur Facebook comme une pandémie d’indignation. Une marche a même été organisée. Au croisement de l’avenue des Huileries et de l’avenue du colonel-Ebeya à la Gombe, un quartier de Kinshasa, des centaines de manifestants se sont ébroués jusqu’au siège du parlement, derrière des banderoles contre l’honorable voyou. Quelques jours avant le défilé, l’organisation Journaliste en danger avait reçu des mails d’insultes et de menaces: Nous sommes au courant que vous êtes payés pour salir notre pays auprès de vos partenaires. Bientôt, vous allez payer pour cela. Vous et vos familles. Vous ne perdez rien à attendre.

Protégé par son immunité parlementaire (qui ne lui a, au final, jamais été retirée), re Godfroid Bwiti et Cléophas Baro

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Yves Kisombe a dû subir six mois d’embargo médiatique, spontanément décidés par la corporation. Et c’est donc sur l’antenne de RFI qu’il dénonce la chasse à l’homme dont il s’estime l’objet. Quelques semaines plus tard, comme s’il fallait une morale à l’histoire, ses concitoyens ont cependant décidé de ne pas le réélire… Tshivis Tshivuadi, secrétaire général de JED, l’a résumé dans l’éditorial de la revue Plume et liberté , quelques semaines plus tôt: Ce poison haineux a déjà ravagé des villes et des pays ailleurs, en Europe, ou au Moyen-Orient, ou plus près de nous, au Rwanda ou en Côte d’Ivoire. Depuis, on sait que pour déchainer la violence, il suffit de peu de choses: de quelques mots ou d’un silence complice.

Ces cinq dernières années, les journalistes ont payé un lourd tribut en République démocratique du Congo, avec la mort violente de Franck Ngyke (de Référence plus) et de son épouse Hélène, de Bapuwa Mwamba (du Phare), de Serge Maheshe (de Radio Okapi), du photographe indépendant Patrick Kikuku, de Didace Namujimbo (de Radio Okapi)…

Serge Maheshe

Didace Namujimbo

Paris, 15 avril 2012 Retour à Paris, dans un bar du 10e arrondissement, au sortir de la gare du Nord. Je retrouve Déo Namujimbo, le frère de Didace, à la tête de sa petite tribu. Il vient de retrouver ses enfants, qu’il n’avait pas vus depuis deux ans. La cinquantaine alerte, Déo est journaliste depuis 20 ans. Son père tenait une petite boutique à côté de la radio locale, à Lubumbashi. La proximité avec les journalistes a transmis le virus de l’information à ses enfants.

Déo écume l’Est de la RDC pour la radio et la presse écrite. Il devient aussi correspondant de Reporters sans frontières. En 2004, un de ses papiers, rédigé pour l’agence Infosud, est publié dans Le Soir en Belgique. Des hommes en uniformes viennent lui dire que l’article n’a pas plu. Ses articles dérangent, il le sait. Il décide tout de même de ne plus dormir à Bukavu.

Tu ne sais pas qui va te trahir ou pas...

Didace, lui aussi, était journaliste. Déo l’avait pris sous son aile en 1996 alors qu’il était encore étudiant. A Bukavu, il exerçait à Radio Okapi, un projet conjoint de la

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Mision des Nations Unies au Congo (Monuc) et de la fondation suisse Hirondelle. Le 21 novembre 2008, il est abattu d’une balle dans la tête, à quelques pas de son domicile. On ne sait toujours pas pourquoi. Il a été tué à bout portant. Parfois, c’est un coup de feu. Parfois, une grenade jetée sur la bicoque. On ne fait pas de procès en diffamation chez nous… Dès qu’une arme de guerre est utilisée, c’est la justice militaire qui est mobilisée. On arrête des personnes, on fait des procès. Ils aboutissent rarement. Quand c’est le cas, les prisonniers vont en prison et puis ils s’évadent. Ou ils sont eux-mêmes tués en tentant de fuir…

Le jour des funérailles de Didace, au cimetière de la Brasserie, à Bagira, Déo a reçu un coup de fil des assassins sur le propre portable de son frère… Il n’y a que les morts qui ne parlent pas. Trois mois plus tard, c’est son frère ainé, qui meurt. En l’absence d’autopsie, Déo suspecte un empoisonnement. Ce grand frère était dans les affaires, en l’occurrence

Déo Namujimbo

l’import-export de voitures. Un commerce florissant. Et une menace parfois aussi grande qu’un journaliste curieux dans cette région où la justice peut avoir des penchants expéditifs. C’en est trop. Même terré, de cachette en cachette, sa vie et celle des siens ne tiennent plus qu’à un fil. Lauréat de la Plume d’or en 2008, il vient à Paris recevoir son prix au sénat. Et décide de s’exiler en France. Il trouve refuge à la Maison des journalistes à Paris, qui accueille et accompagne des journalistes contraints de fuir leur pays.

Il participe régulièrement depuis à des conférences dans les écoles et les lycées pour sensibiliser les jeunes à la liberté de la presse, avec le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi), chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif français. Et puis il écrit. Le titre de son premier recueil dit tout: Merde in Congo. Le second est un livre de témoignages:

On tue tout le monde… et on recommence.

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Convoqué à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), son interlocuteur reconnait son nom. Il lisait lui aussi ses articles quand Déo était encore au pays mais, comme il ne voyait plus sa signature, il pensait qu’il avait été tué. Il obtient le statut de réfugié en 2009, met sa famille à l’abri au Burundi et doit prendre son mal en patience. Il retrouve quatre de ses enfants en janvier 2011 et sa femme quelques mois plus tard. Un mois, jour pour jour, avant notre rencontre, ses deux derniers enfants l’ont enfin rejoint.

Bukavu, 3 mai 2012 Les DVD Libres d’informer? sont arrivés par messagerie expresse quelques jours plus tôt. Les affiches aussi, qui ont été rapidement placardées dans les lieux stratégiques, en français, en anglais, en kirundi, en kinyarwanda et en swahili, selon leur destination: Bangui, Bujumbura, Bukavu, Kigali, Kinshasa, Lubumbashi…

de Serge Maheshe et Commémoration de l’assassinat vu Buka à bo udjim Nam Didace

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Pour la journée mondiale de la liberté de la presse, dans l’Est de la RDC, des centaines de journalistes ont marché vers les cimetières où sont enterrés les collègues. Les principaux médias ont diffusé les témoignages, des télévisions bien sûr mais également des radios. Des émissions de débats ont ensuite été proposées aux téléspectateurs. La parole en marche.

Paris, 20 juin 2012 J’assiste à la projection d’un film interdit en RDC: L’Affaire Chebeya, un crime d’État?. Le documentaire de Thierry Michel, à qui l’on doit aussi Congo River ou Mobutu, roi du Zaïre, est un terrible plaidoyer pour la justice et contre l’impunité. En juin 2010, Floribert Chebeya, une grande figure congolaise des droits de l’Homme, militant de La Voix des sans-voix, est retrouvé assassiné dans sa voiture. Très vite, la thèse du suicide

s’effondre au profit de l’assassinat politique. Sous la pression internationale plusieurs policiers sont arrêtés, à l’exclusion des assassins eux-mêmes, toujours en fuite. Thierry Michel filme leur procès et toutes les tentatives des officiers, des plus vaines aux plus sournoises, pour empêcher la vérité et protéger les commanditaires. Ce qui marque sans doute le plus dans ce documentaire, ce n’est pas la gravité de la veuve de Fidèle Bazana, le chauffeur de Chebeya, dont le corps n’a jamais été retrouvé; ce n’est pas la volonté farouche du réalisateur de poursuivre aujourd’hui son travail; ce n’est pas non plus le procès en appel qui s’ouvre au même moment, alors que les familles des victimes ont dû s’exiler au Canada. Non, ce qui marque le plus, c’est l’affirmation qu’au final, la mort de Chebeya a décapité la société civile congolaise. C’est le constat qu’une association de défense des droits de l’homme puissante a cédé la place à des dizaines de structures plus faibles. C’est le constat qu’au final, les assassins de Chebeya ont réussi à affaiblir sa cause. Et je repense alors, comparaison n’est évidemment pas raison, à cette marche de la Gombe, lancée par pas moins de quatre organisations: JED, l’Union nationale de la presse du Congo, l’Observation des médias congolais et l’Union nationale des éditeurs du Congo…

beya à Kinshasa L’enterrement de Floribert Che

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Une seconde Affaire Chebeya vient de naître. Une semaine avant la diffusion du film à Paris, le parlement européen a voté une résolution pour inviter les autorités congolaises, au nom de la liberté d’expression, à ne pas entraver directement ou indirectement, la distribution en République démocratique du Congo du film du réalisateur Thierry Michel sur cette affaire. Il est exceptionnel que l’Europe lie ainsi la diffusion d’une œuvre à la défense des droits de l’homme. Quelques semaines plus tard, Thierry Michel n’aura pourtant pas le temps de poser un pied à Kinshasa: il sera immédiatement reconduit dans l’avion et expulsé du pays, qui lui avait pourtant délivré un visa d’entrée officiel.

Les Grands Lacs ou l’éternel recommencement. Le tribunal de grande instance de Cankuzo condamne Hassan Ruvakuki à perpétuité pour actes de terrorisme. Le journaliste, par ailleurs correspondant pour la section en swahili de RFI, a pour seul tort d’avoir donné la parole à un chef rebelle sur l’antenne de sa radio, Bonesha FM. Comme tant d’autres dans ce pays où il n’est pas rare que les anciennes rébellions arrivent au pouvoir. L’Union burundaise des journalistes (UBJ) se déclare consternée par la décision du tribunal... Pendant qu’il est incarcéré à la prison de Muramvya, il est papa d’une petite fille . En août, en République démocratique du Congo, trois journalistes sont arrêtés et conduits dans les cachots de l’Agence nationale des renseignements, à Kinshasa: Pierre Sosthène Kambidi, rédacteur en chef à la Radio Télévision Chrétienne, Fortunat Kasongo de la Radio Télévision Autonome du Sud Kasaï et John Mpoyi de la Radio Lisanga Télévision. Ils sont suspectés d’avoir été en contact avec John Tshibangu, un officier des Forces armées congolaises, qui a fait défection.

Bujumbura, 20 juin 2012

En décembre, c’est Dadou Etiom, journaliste de Nzondo TV et Guy Ngiaba, de Télé 50, qui sont conduits à la prison de Bandundu à la suite d’une émission

e) Procès d’Hassan Ruvakuki (à droit ga devant la Cour d’Appel de Gite

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critique sur l’Assemblée provinciale de Bandundu. Quelques noms dans une liste qui s’allonge continuellement. Journaliste en danger a recensé pas moins de 158atteintes à la liberté de la presse depuis le 1er janvier 2012. Pour l’organisation, l’impunité dont jouissent [les responsables des attaques contre la presse] est à la base de l’insécurité et de la dégradation accrue de la situation de la presse en RDC. Le 7 mai, le Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, s’était pourtant personnellement engagé à dépénaliser les délits de presse.


La Haye, 17 juillet 2012 Les juges de la Cour pénale internationale condamnent Thomas Lubanga à quatorze ans de prison. L’ancien chef de l’Union des patriotes congolais (UPC), l’une des milices de l’Est de la RDC en 2002 et 2003, avait été reconnu coupable de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants. Mais il n’était poursuivi que pour une partie seulement des crimes qu’il aurait commis au cours de la guerre en Ituri… On surnommait Lubanga et ses miliciens les effaceurs tant l’élimination des hommes, des femmes et des enfants était systématique dans cette zone de non-droit.

de guerre: enrôlement d’enfants, viols, meurtres et persécutions. Pour l’heure, les deux sont libres. En attendant, cet ami journaliste continue, malgré les menaces, malgré les pressions, malgré les attaques, de témoigner avec son stylo et son appareil photo, pour mettre des mots derrière ces actes et des noms derrière ces exactions. Pour lutter à sa manière et à sa mesure contre l’effacement.

Je reçois le message d’un ami journaliste de cette région qui veut y voir le symbole d’une victoire contre l’impunité. Aujourd’hui Lubanga, demain Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura? Les deux hommes sont régulièrement cités comme responsables des atrocités commises ces dernières années dans les deux provinces du Nord et du Sud Kivu. Le général déchu issu du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et le chef des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) font l’objet de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes Bosco Ntaganda, lors de sa première audition à la CPI

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La campagne Libres d’informer? Le 3 mai 2012, à l’occasion de la Journée mondiale de la Liberté de presse, Panos Paris et Journaliste en danger ont réalisé la campagne médiatique Libres d’informer? témoignant des réalités du travail des journalistes congolais, rwandais et burundais. Sept d’entre eux ont accepté de témoigner devant la caméra, racontant les pressions et les menaces dont ils sont victimes. Cette partie retranscrit les témoignages recueillis à Bujumbura en avril 2012, avec des notes de contextes, qui renvoient le cas échéant vers d’autres textes ou d’autres sources. Pour en respecter la tonalité, le style oral de ces entretiens a été le plus possible conservé. L’ordre des entretiens reprend les numéros des vidéos sur la page Dailymotion de Panos Paris.

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Je m’appelle Godefroid Bwiti Lumisa. Je suis journaliste et présentement consultant auprès de Journaliste en danger, qui est une organisation congolaise de défense de la liberté de la presse dans la région des Grands Lacs et plus largement en Afrique centrale.

Je vais vous faire sauter de là, je vais venir vous casser. Moi, je ne suis pas votre ami. Tu comprends? Tu vas voir, je suis une autorité du pays. OK? Cette pute-là qui vient de m’appeler, on l’a ramassée je ne sais où, elle parle au lieu de d’abord s’adresser convenablement en disant ce qu’elle veut… Enregistrement

C’est terrible cette histoire qui s’est passée en RDC en 2011. Un député contacté par une journaliste d’une chaîne de télévision privée qui voulait prendre sa réaction sur la déclaration de l’opposition politique, je crois, et qui n’a pas pris soin de se présenter suffisamment au téléphone avant de pouvoir poser sa question ce

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qui a mis tout de suite le député dans tous ses états, il a piqué une colère énorme et il s’est mis à injurier proprement la journaliste en des termes d’une vulgarité que personne ne pouvait imaginer de la part d’un député. Cette affaire a marqué l’année 2011 pour la profession des journalistes. Ils ont décidé de battre le pavé, de marcher dans la rue jusqu’au siège du parlement pour y déposer un mémo entre les mains du président de l’assemblée nationale et réclamer, exiger, la déchéance pure et simple de ce député national . Moi personnellement j’ai quitté mon bureau et je suis descendu, et j’ai retrouvé dans la rue pas seulement d’ailleurs des journalistes mais aussi des défenseurs des droits de l’homme qui se sont solidarisés aux journalistes pour pouvoir organiser cette marche. La liberté d’informer, c’est un droit c’est vrai et il ne faut pas se dire que c’est un droit que le pouvoir politique peut si facilement octroyer aux journalistes. C’est une lutte, c’est à travers une lutte au quotidien et permanente que l’on peut arriver à obtenir la liberté d’informer.

plus que depuis son existence elle s’est donnée comme mission de lutter pour défendre la liberté d’expression. Au sein de la corporation, il y a des instances qui peuvent faire ce travail: on parle généralement du tribunal des pairs qui peut travailler sur ces questions d’éthique et de déontologie, qui peuvent permettre à la profession elle-même d’autoréguler des questions liées aux imputations dommageables, aux injures publiques, à la diffamation et ainsi de suite. L’élément commun que j’ai retrouvé dans presque tous les témoignages de journalistes qui ont vécu des moments difficiles dans leur carrière de journaliste, c’est que tous ont reconnu que malgré le fait d’avoir été soit interpelé, soit incarcéré, soit emprisonné, cela ne les a pas pour autant intimidé et que, après leur libération, ils sont devenus plus forts qu’avant, plus déterminés à pouvoir continuer d’exercer leur métier, qu’ils exercent sans doute avec beaucoup de passion.

C’est une campagne qui est fondamentale pour Journaliste en danger d’autant

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Je m’appelle Caddy Adzuba, je suis journaliste à Radio Okapi.

Le travail des médias, journaliste, c’est toujours un travail à risque mais il y a des moments où les risques deviennent de plus en plus permanents et ça vous colle à la peau. Tout au début j’étais inconsciente, je me retrouvais dans une situation de mortelle, c’est-à-dire de tout congolais de l’Est de la RDC où carrément il y avait un problème d’insécurité et chaque jour il y avait une personne qui mourait, une personne qui était tuée par balle, et j’étais dans le même système, je me disais que je ne pouvais pas y échapper parce que

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je vivais la même situation que tout le monde. C’est seulement en 2009 que j’ai compris que cette situation c’était particulièrement parce que j’étais journaliste, parce que j’étais une femme de médias. En septembre 2009, la collègue avec laquelle je travaille, Delphine Namuto, revenait d’un reportage dans un camp militaire et parmi les officiers militaires il y a quelqu’un qui a regardé Delphine avec un regard méchant de menace. Delphine ne comprenait rien. En retournant à la rédaction, elle a eu directement un message, un message de menaces, un message qui disait: vous commencez maintenant à vous immiscer dans des choses qui ne vous regardent pas et vous allez attraper une balle dans la tête Et on a cité mon nom en premier : nous allons commencer par Caddy et puis les autres – nous étions trois femmes, deux femmes de Radio Okapi et une de Radio Maendeleo. Je me rappelle aussi, j’étais encore chez mes parents, j’étais en train de suivre la télé et tout à coup je tombe sur la fenêtre de ma chambre brisée et il y avait des rafales. On tirait. Tout à coup, j’ai plongé à plat-ventre sur le sol et heureusement

j’avais mon téléphone, j’ai appelé à gauche à droite pour dire qu’on est attaqué, j’ai appelé un colonel que je connaissais et il est arrivé après deux ou trois heures pour voir ce qui se passait et on n’a jamais su qui c’était. Ce genre de choses est arrivé chez moi au moins trois ou quatre fois comme ça. Trois, quatre fois… Un autre jour je rentrais du travail. Vers 18h30 je rencontre deux gardes qui m’attendaient devant la porte de l’enclos de chez moi et ils me demandent carrément: Ah, c’est maintenant que tu rentres ? Cette fois-ci tu rentres tôt. J’ai dit Donc, c’est-à-dire que vous savez à quelle heure je rentre. Ils me disent OK, on ne vient pas discuter, tu nous donnes ton enregistreur. J’ai dit Ecoute, moi je n’ai pas d’enregistreur, je ne comprends pas de quoi vous parlez. Et ils m’ont forcé pour m’arracher le sac à main et moi je suis tombée en arrière, je suis tombée. Et puis ils ont tiré dans ma direction. Heureusement la balle est passée juste devant ma tête comme moi je retombais en arrière. Qu’est-ce qui m’a poussée pour réintégrer le métier ? Ce sont les auditeurs. Tu rencontres des enfants de deux ans violés, tu rencontres des nourrissons qui ont été violés et tu te dis: mais enfin, quel apport je peux avoir pour mettre fin à tout ça? C’est ton travail de journaliste de dénoncer tout ce qui se passe.

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Et puis tu te dis: Moi-même si je dénonce je suis en danger, qu’est-ce que je peux faire? Et tu te dis: Va travailler, va travailler… Je suis allée voir cet enfant-là, après j’ai pleuré et je me suis dit: Je rentre travailler. Tout le temps je l’échappe belle, je l’échappe belle mais je ne vais pas l’échapper belle continuellement et ça c’est un message fort. C’est une grâce que je sois encore là parce que franchement je savais que j’étais une femme morte.

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Je m’appelle Jolly Kamuntu, je suis directrice de Radio Maendeleo Bukavu, dans la province du Sud-Kivu à l’Est de la République démocratique du Congo.

Exercer la profession de journaliste à l’Est de la République démocratique du Congo n’est pas chose facile quand on sait que les médias internationaux et d’autres experts ont qualifié le Sud-Kivu comme la province cimetière pour les journalistes, ce n’est pas facile d’exercer dans une province rouge comme ça. Des témoignages, il y en a nombreux mais il y en a un grand qui me vient à l’esprit et que je ne peux pas oublier de toute ma vie: c’était en septembre 2009

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lorsque deux collègues de Radio Okapi viennent me voir avec un message au téléphone. Un message qui disait que comme vous avez pris l’habitude parler de choses qui ne vous concernaient pas, votre temps de mourir est venu. Vous allez recevoir chacune une balle dans la tête, en commençant par Caddy et puis Jolly et puis Delphine. J’étais grosse, je me rappelle, de huit mois et demi et en recevant ce message… c’est vrai que c’était une coutume dans la province, les menaces il y en avait partout, la situation sécuritaire n’était pas bonne dans la région et on s’attendait à des menaces parce que la plupart des défenseurs des droits de l’homme les recevaient avant nous. Avec les collègues, on s’est dit: Qu’est-ce qu’on fait?. On est allées voir le président de l’Union nationale de la presse du Congo, à l’époque c’était le directeur de Radio Maendeleo. On lui a expliqué et on lui a montré le message et il nous a demandé chacune ce que nous on pensait de ce message, de la provenance de ce message. On commençait à lier ça à différents reportages que l’on avait réalisés, à différents

travaux qu’on avait faits. A l’époque je revenais de plusieurs reportages dans les provinces de l’Est et j’étais en train de travailler sur la question de la répression des crimes, des viols et violences sexuelles à Bukavu. J’étais en train de couvrir un procès devant les tribunaux militaires et civils. Après cette entrevue, notre coordinatrice de l’Association des femmes médias du Sud-Kivu (Afem-SK) nous a interpellées en nous rappelant un fait qui s’était déroulé lors de l’enterrement du troisième journaliste à Bukavu: un gars qui ac compagnait les gens à l’enterrement avait lancé en blaguant que trois hommes journalistes venaient d’être tués et qu’il était le tour maintenant des femmes journalistes. Elle nous a rappelé cette phrase. On a ri au cimetière mais ce jourlà, ça nous a interpellées. Vous avez quelqu’un qui vous menace sur un numéro Vodacom et qui vous dit: Moi c’est Lucifer!. Vous entrez dans un supermarché et il vous dit: Vous êtes dans tel supermarché, ne pensez pas que vous allez vous échapper, nous vous tenons à l’œil. Ce n’était pas facile et c’est un événement qui m’a beaucoup marqué.

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Je suis restée quand même et je me disais: Voilà, je suis sacrifiée et je ne vais pas abandonner ma profession parce qu’avec la situation de la ville, on ne sait pas où on peut être abattu, il y a des gens qui étaient abattus dans leur propre domicile, il y a des gens qui étaient abattus dans leur propre parcelle, il y a des gens qui étaient abattus au service donc je ne savais pas comment me comporter et j’ai continué à travailler, j’ai continué à boulonner sans abandonner. C’est une période très très mauvaise de ma vie dans la profession de journaliste. Aujourd’hui je continue de vivre dans cette menace permanente parce que jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas qui me menaçait, je ne sais même pas à quoi a abouti cette enquête. On a donné le numéro de téléphone du réseau qui nous appelait et nous, on pensait qu’avec le développement de la technologie de l’information et de la communication on pouvait quand même identifier le coin d’où il appelait, on pouvait quand même identifier d’autres numéros qu’il avait déjà appelés avant nous et avoir quand même une évolution par rapport aux enquêtes. Mais jusque-là rien et donc pour moi la menace n’en est pas finie. On ne sait pas si l’homme peut se réveiller l’un ou l’autre jour pour exécuter sa sale besogne.

que ça ira un jour, que cette liberté-là ne va pas rester dans les écritures, dans les livres ou dans les codes mais que ça va devenir une réalité pour nous. Mais aujourd’hui, je le répète, c’est encore un rêve auquel on aspire pour qu’il devienne une réalité.

On espère que les autorités sont en train de fournir un effort considérable et

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Je m’appelle Serge Nbizi, je suis chef de programmes de la Radio publique africaine, une radio locale émettant à partir de la capitale burundaise, Bujumbura.

Je m’appelle Domitille Kiramvu

On a été arrêtés au mois de novembre 2006 pour être libérés au mois de janvier 2007. J’étais avec Domitille Kiramvu, qui travaillait à la RPA et qui a été emprisonnée parce que sa voix était dérangeante, c’est ce qu’on disait.

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“ “

Domitille Kiramvu Si j’étais passée devant le juge et que j’avais été inculpée, j’aurais eu le temps de faire ma valise, j’aurais eu le temps de dire au-revoir à mes enfants – j’ai trois enfants, ils étaient vraiment très jeunes – j’aurais eu le temps de dire à mon mari au-revoir. A ce moment-là, j’ai même eu envie de pleurer.

Serge Nbizi

On nous a accusés d’avoir porté atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et qu’on avait diffusé des informations sur un dossier en phase pré-juridictionnelle. C’est autour de 18-19 h qu’on est arrivés en prison mais autour de 19 h, des agents de la police de la prison centrale de Mpimba sont venus pour dire que je ne dois pas rester là-bas, que je dois déménager. Les autres prisonniers se sont opposés. C’est vraiment à cette époque-là que j’ai eu peur parce que les autres prisonniers m’ont raconté que d’habitude, si on déménage la nuit, soit c’est pour aller être tué ou disparaître comme ça, sans trace. Alors les prisonniers, qu’est-ce qu’ils ont fait? Ils ont appelé ma consœur, Domitille Kiramvu, qui était dans le quartier des femmes et je pense que c’est là

où le projet a été abandonné. On m’a conduit dans le quartier des fonctionnaires moyens. C’était comme un enfer. C’était une prison qui avait une capacité d’accueil de 800 personnes. Plus tard j’ai compris pourquoi c’était un enfer. Cette prison-là contenait plus de 3 800 prisonniers. Vous comprenez, une prison qui a une capacité d’accueil de 800 personnes mais où on en retrouve plus de 3 800… Certains dorment comme des animaux, c’était vraiment terrible. On a été emprisonnés pendant quarante-quatre jours, sans aucune condamnation.

Domitille Kiramvu

Quand on nous a incarcérés, l’objectif principal, c’était de nous faire taire. Mais moi, ce n’était pas ça, hein? Dès que je suis sortie, je me suis dit Je vais me venger de ces gens mais en ne piétinant pas la loi, parce qu’il y a une loi sur la presse, en respectant la loi sur la presse, en respectant la loi qui régit le pays, mais je me suis dit Je vais me venger. On était avec Serge, c’était mon chef à l’époque, il était mon rédacteur-en-chef. Mais chaque fois on se disait: Il faut qu’on essaye de sauver ces gens qui viennent de passer six ans, sept ans sans aller devant le juge.

Carnet de formation vu par les journalistes

79


“ “ “

Serge Nbizi

Domitille Kiramvu

Chaque mercredi, tous les médias se mettaient ensemble sur une même fréquence pour parler de nous . Cela nous réconfortait, on sentait qu’on était soutenus à l’extérieur.

Domitille Kiramvu

“ “

La chose qui m’a beaucoup touchée, et qui continue de me toucher (il ne faut pas que j’y songe), c’est que j’ai passé le nouvel an et la fête de Noël sans mes enfants. Ils étaient très jeunes. Ça, je n’oublierai jamais.

Serge Nbizi

Le climat qui était en 2006, ne pensez pas que c’est fini, de toutes les façons, ce n’est pas fini.

Serge Nbizi

Moi je me dis chaque fois, le 3 mai, les journalistes se rencontrent pour parler de cette liberté de la presse mais ils devraient se rencontrer pour combattre pour cette liberté. Non pas pour en parler mais pour combattre pour que cette liberté de la presse soit une réalité au Burundi, soit une réalité au Rwanda, soit une réalité dans la sous-région, en Afrique et dans le monde entier.

La liberté d’informer, c’est d’abord quelque chose que les autorités ne vont pas amener sur un plateau aux journalistes, ce sont les journalistes qui doivent travailler pour l’obtenir, ils doivent l’arracher. C’est aux journalistes eux-mêmes de combattre pour avoir cette liberté-là. Même maintenant il y a un journaliste qui est incarcéré parce qu’il a fait son métier.

81 Carnet de formation vu par les journalistes


Je m’appelle Jean-Claude Kavumbagu. Je travaille pour une agence de presse en ligne qui s’appelle NetPress qui a commencé ses activités le 1er juillet 1996.

J’ai rencontré des difficultés assez tôt parce qu’en 1998, deux ans après la création de NetPress, elle a été interdite pendant huit mois. L’année suivante, 1999, j’ai fait de la prison. En 2001, l’agence a été encore une fois interdite. 2003: j’ai fait de la prison. 2005: NetPress a été interdite. 2008, j’ai fait de la prison et 2010 j’ai fait de la prison. Donc vraiment, plus malheureux que ça, ça n’existe pas ! Il y a un souvenir qui doit te marquer dans la vie, parce que jusqu’en 2008 on

83 Carnet de formation vu par les journalistes


m’avait toujours accusé d’outrage à chef de l’Etat. Ce n’est qu’en 2010 qu’on m’a accusé de trahison. Comme si j’avais trahi mon pays. Un journaliste qui émet une opinion et qui est accusé de trahison, vous comprenez que, quand même, l’accusation est trop forte. Le jour de mon arrestation, j’étais au bureau et puis quand j’allais fermer la porte pour aller voir ma famille, j’ai rencontré deux policiers qui avaient un mandat d’amener. Ils m’ont pris dans leur voiture, directement jusqu’à l’endroit où se trouvait le procureur, dans son bureau. Mais quand même j’ai pu appeler une personne pour lui dire que je venais d’être arrêté. Parce que si vous n’avertissez pas, on ne sait jamais. Dans ce pays on dit que la prison c’est déjà un avantage. Sinon quand vous êtes détourné, il y a des risques qu’on vous retrouve dans des rivières ou dans des forêts, déjà enterré.

Un mauvais souvenir c’est également le jour où mes enfants sont venus me voir pour la première fois. Comme ça fait peur la prison, les enfants ont pleuré et cela les a marqué d’autant plus que même à l’école ils ont mal travaillé, ils ont échoué en classe. Donc je me dis que ça c’est un souvenir que je ne peux pas oublier de toutes façons et qui va me marquer durant toute ma vie. Nous sommes au total six ou sept qui ont déjà fait de la prison. Nous avons senti depuis longtemps que nous devons nous protéger. Mutuellement. Le gouvernement ce n’est pas notre patron. Notre patron, c’est le public qui nous écoute et qui nous lit, donc ce n’est pas le gouvernement. Le gouvernement a ses médias, il n’a qu’à nous laisser tranquilles.

Le 13 avril précisément, c’est le jour où il y a eu procès. Et juste un mois après, le 16 mai 2011, on m’a acquitté sur la trahison, mais comme si la justice voulait sauver la face, elle a procédé quand même à une condamnation de huit mois, suite à un article de la loi sur la presse .

Jean Claude Kavumbagu, Directeur de Net Press, se rendant à une audition

85 Carnet de formation vu par les journalistes


Je m’appelle Cléophas Barore. Je suis le premier vice-président de l’Association rwandaise des journalistes. Mais je travaille aussi pour Radio Rwanda, où je suis rédacteur-en-chef adjoint.

Il y a eu des arrestations, par exemple des journalistes qui avaient écrit des articles sur des sujets extrêmement sensibles. Il y a eu le cas de journalistes qui avaient été arrêtés, parce qu’on les avait soupçonnés de corruption, on les a jugés et on les a libérés. Quand une affaire tombe dans les mains des juristes, dans les tribunaux, on préfère se mettre à côté et laisser la justice faire son travail. Récemment, au mois de janvier de cette année 2012, on nous avait donné une

87 Carnet de formation vu par les journalistes


information comme quoi des enfants qu’on ramassait dans la rue étaient gardés dans un centre de transfert qui n’était pas adéquat. Les journalistes y sont allés. Ils ont constaté, ils ont pris des images, ils ont pu parler aux enfants. Au moment d’aller à la mairie de la ville Kigali pour savoir comment des enfants ramassés dans une vie de misère sont gardés dans un centre où la vie n’est pas du tout meilleure, le maire de la ville n’a pas voulu parler aux journalistes. Il a aussi envoyé un SMS pour dire: Est-ce que vous ne pouvez pas abandonner ce reportage ? Quelle utilité publique trouvez-vous en faisant ce reportage ?

La liberté de la presse c’est aussi cette liberté de laisser le peuple s’exprimer. Si j’ai à mener une interview, que personne ne vienne me dicter les questions à poser. Que personne ne me cherche des gens à interviewer. Que personne ne me demande la cassette pour la visionner. Que personne n’aille dire: Non, il faut écrire comme ça ton papier. Le jour où le journaliste n’aura pas ce poids sur ses épaules, ce jour-là on aura à respirer l’air de la liberté de la presse.

Nous, comme on était décidés à faire une plaidoirie pour ces enfants qui étaient mal gardés, on a décidé de publier un reportage sans l’interview du maire de la ville mais en y mettant le message qu’il avait envoyé sur téléphone par un SMS. Ça a passé à la télévision mais aussi à la radio nationale. On est rentrés. Personne n’a été menacé. On a vu qu’il y a des fois où nous nous autocensurons sans motif. Ça nous a donné du courage, ça nous a encouragés à faire ce genre de reportage, à nous intéresser à la population plutôt qu’aux autorités.

89 Carnet de formation vu par les journalistes


Je m’appelle Felix Zigirinshuti, je suis chargé de cours à l’université nationale du Rwanda, faculté de droit. J’enseigne aussi le droit de la presse à la faculté de droit même et à l’école de journalisme et de communication.

Les plaies du génocide ne sont pas 100 % guéries, les cicatrices sont toujours là. Au lieu de donner bonne impression aux gens, certains journaux ont provoqué le génocide de 1994. La liberté de la presse à ce moment-là a avorté. Comment faire? Faut-il encore laisser les journalistes à leur guise, à leur liberté et à 100 % leur donner liberté totale, liberté de presse mais quel genre de liberté ? Ou faut-il d’abord les éduquer, les former pour le métier de journaliste? Mais comment alors refaire une presse qui serait une presse

91 Carnet de formation vu par les journalistes


qui n’entrainerait pas encore une fois la population rwandaise à un autre drame ? A partir de 2005 jusqu’à aujourd’hui, il y a beaucoup de radios privées, mais au départ on avait hésité à avoir des radios privées parce que les radios touchent une grande partie de la population. Puis finalement on a lâché. On a dit qu’il fallait essayer. Il faut que ça commence quand même. Il ne doit pas y avoir hantise des médias de la haine d’avant 1994 pour qu’on n’entreprenne pas des bonnes entreprises comme des radios et même des télévisions. On a accepté et il y a maintenant plus d’une vingtaine de radios privées et jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas entendu parler de délit majeur commis à travers des radios privées, je n’ai même pas entendu un cas pénal.

Là où tu connais que tu es libre mais que, s’il y a des conséquences négatives qui sont liées à ta liberté, toi-même tu sais te retenir.

Beaucoup de journalistes sont téméraires, oui, ils osent et ils osent trop souvent et impliquent des gens au niveau politique sans des preuves suffisantes. Je suis libre d’informer mais de quoi ? De la vie privée d’un individu? De la vie privée d’une personne publique ? Suis-je libre ? Ce que je voudrais signifier c’est quoi ? La liberté de la presse, oui d’accord. Elle doit être secondée par un professionnalisme. Je ne dis pas les études: le professionnalisme journalistique.

93 Carnet de formation vu par les journalistes


Pistes pédagogiques La campagne Libres d’informer? peut constituer un support pédagogique de première main pour évoquer à partir d’un cas pratique, les enjeux de la solidarité internationale et du développement des médias, par exemple lors de cours d’histoire-géographie, d’éducation civique ou dans un club solidarité… Cette partie constitue donc un début de boîte à outils à l’attention des professeurs de collèges et de lycée qui voudraient l’intégrer dans leurs cours. Après une présentation des enjeux de l’éducation au développement, nous proposerons quelques exemples de mises en œuvre pour des classes de cinquième et de seconde, réalisées avec des professeurs de l’Education nationale. Les lecteurs trouveront d’autres exemples sur la médiathèque de Panos Paris, qui recensera les contributions qui lui seront envoyées. Le 5 juillet 2012, le Parlement européen a adopté une déclaration écrite sur l’éducation au développement et à la citoyenneté mondiale, qui invite la Commission et le Conseil à élaborer une stratégie européenne à long terme en faveur de l’éducation au développement.

95 Pistes pédagogiques


L’Union européenne étant un des plus importants bailleurs de fonds en matière d’éducation au développement, l’adoption de cette déclaration est une étape décisive vers une plus grande reconnaissance par les citoyens européens des enjeux que recouvre l’éducation au développement. De prime abord, les textes officiels sont extrêmement ambitieux en France: L’éducation au développement et à la solidarité internationale vise à donner aux jeunes des clés de compréhension des déséquilibres mondiaux et à encourager leur réflexion sur les moyens de réduire la pauvreté et les inégalités. Elle participe à l’éducation au développement durable, en contribuant à la compréhension des interdépendances environnementales, économiques, sociales et culturelles à l’échelle mondiale. Deux textes officiels renvoient explicitement au terme d’éducation au développement durable et à la solidarité internationale. Le premier est la note de service du

Bulletin Officiel sur l’Éducation au développement et à la solidarité internationale, du 29 septembre 2009, qui en précise le concept et présente les acteurs et les ressources. Le deuxième est le plan triennal de généralisation de l’éducation au développement durable dont la troisième phase (à partir de 2011) est présentée dans la circulaire du 24 octobre 2011. Dans chaque académie, un comité académique d’éducation au développement durable, présidé par le recteur et qui regroupe les différents acteurs impliqués, définit la politique d’éducation au développement durable. D’autres liens peuvent par ailleurs se faire, notamment sur l’apprentissage des droits de l’Homme ou, de manière moins formelle, à travers la mise en place de clubs ou d’actions de solidarité. Officiellement, les nouveaux programmes des lycées accordent une place importante à ces thématiques, que ce soit dans la voie générale, la voie technologique ou la voie professionnelle.

97 Pistes pédagogiques


Mais paradoxalement, les réformes récentes des programmes d’histoire géographie n’ont pas eu pour conséquence évidente d’élargir le champ d’étude à l’Afrique ni d’offrir des opportunités d’ouvertures au champ de la solidarité internationale. Si le développement durable constitue par exemple le fil conducteur du programme de géographie de seconde, il est censé interroger surtout la diversité des modes de développement dans la perspective d’une population mondiale de 9 milliards d’individus (nourrir les hommes, accéder à l’eau et à l’énergie…). Elle impose une ouverture à différents champs disciplinaires mais laisse peu de place, au final, à la solidarité internationale et l’on voit mal pour tout dire comment introduire dans le cadre officiel du programme l’étude d’une campagne médiatique comme Libres d’informer?. Les nouveaux programmes d’enseignement commun d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) des classes de seconde démarrent sur l’étude de L’État de droit et notamment la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dans une tradition qui ancre la démocratie dans le droit. Mais le temps limité de cette introduction ne permet guère de longs développements sur les droits civils, comme la liberté

d’opinion (art.10) ou la liberté d’expression (art. 11) et encore moins des digressions sur des comparaisons spatiales, le travail étant exclusivement axé sur la France. Les trois thèmes traités ensuite permettraient chacun de riches éclairages mais ils sont là-aussi essentiellement centrés sur une citoyenneté franco-française, tout comme en classe de première (Vivre dans une société démocratique: Les institutions, la vie politique et sociale, la nation et sa défense) et en terminale, autour de quatre questions de société comme La bioéthique ou Violence et société. Difficile là-encore, dans un temps contraint de pouvoir espérer avoir un contrepoint sur la situation des droits de l’homme dans les Grands Lacs. Les journées mondiales peuvent être l’une des opportunités d’élargir l’horizon des élèves, et de les sensibiliser aux droits de l’Homme et à leur vie de citoyen, en lien avec les acteurs associatifs et institutionnels. Le 10 décembre (Journée mondiale des droits de l’homme), le 8 mars (Journée des droits de la femme) et le 3 mai (Journée mondiale de la liberté de presse) paraissent particulièrement propice à ce type de travail.

99 Pistes pédagogiques


Les enseignants et les élèves qui souhaitent s’investir dans ces actions de sensibilisation sont encouragés à le faire et d’innombrables actions éducatives, moins corsetées par le programme officiel, sont dès lors envisageables.

une Semaine de la solidarité internationale parraine près de 2 200 manifestations dans plus de 500 villes de France.

valoriser les initiatives les plus remarquables.

La Semaine est la déclinaison de la Global Education Week organisée par le Conseil de l’Europe. Coordonnée en France par le Centre de recherche et d’information pour le développement, ce grand rendez-vous de sensibilisation à la solidarité internationale permet d’initier des projets pédagogiques pour agir en citoyen solidaire, à travers un soutien financier aux acteurs locaux.

Les ressources sont légion pour tirer les contenus vers tel ou tel thème d’étude, et sur le sujet qui nous intéresse, les principaux instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, les problématiques de résolutions des conflits ou la Déclaration universelle des droits de l’Homme pour ne citer que ces trois exemples.

Mais, à condition d’être inventif, il est malgré tout possible d’exploiter pédagogiquement une campagne médiatique comme Libres d’informer? dans le cadre formel d’un cours ou dans des dispositifs comme les Travaux Personnels Encadrés (TPE) en lycée par exemple.

Le site Itinéraires de citoyenneté, régulièrement enrichi, (il figure dans la sitographie en fin d’ouvrage) fait une large recension des opportunités de travail sur les thématiques transversales du droit ou de la mémoire (avec la prévention des crimes contre l’Humanité par exemple) dans une approche active et participative.

Les récentes réformes ont introduit en effet des enseignements dits d’exploration, moins contraignants et plus ouverts. C’est le cas par exemple du cours de Littérature et société, qui vise à renforcer l’attractivité de la voie littéraire en faisant toucher du doigt, aux lycéens, les champs professionnels qui s’y rattachent.

De la même manière, depuis 1998, dans la deuxième quinzaine de novembre,

L’enseignement réalisé par les professeurs d’histoire-géographie ou de lettres

Qui plus est, des concours (comme le prix des Droits de l’Homme René-Cassin de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui récompense depuis 1988 les actions réalisés sur les droits de l’Homme dans les collèges et les lycées) permettent de

101 Pistes pédagogiques


y croise les approches disciplinaires, en mettant les élèves en situation d’enseignement et en situation de recherche.

critique des élèves ainsi que des compétences qui sont susceptibles de les guider vers les métiers de l’information.

Le programme est structuré autour de six domaines d’exploration, parmi lesquels les professeurs doivent en choisir deux ou trois. Deux se rattachent plus spécifiquement aux thématiques de la campagne, au sens le plus large: Médias, information et communication: enjeux et perspectives et Regards sur l’autre et sur l’ailleurs.

Le sujet, précise le Bulletin officiel, peut être abordé dans une perspective historique, et notamment sur le rôle social qui apparaît à partir du XIXe siècle, mais également sur les aspects socio-économiques de l’information et ses contraintes, qui sont l’une comme l’autre, à la lumière de la campagne Libres d’informer? des sujets d’études passionnants.

Le premier est plus généraliste mais il peut précisément permettre de fournir un cadre sur lequel prendra appui le second. L’objectif est en effet de faire réfléchir les élèves à la place et au rôle des médias dans la société, dans une éducation à l’analyse critique des médias et à leurs messages, à l’ère des technologies numériques. Cette réflexion sur les usages se double d’une portée citoyenne qui va mettre en avant la distanciation et l’esprit

Pour le second domaine d’exploration, l’objectif est d’éveiller la curiosité des élèves pour les cultures, traditions et civilisations étrangères, et de les faire s’interroger sur les différents regards dont elles peuvent faire l’objet: celui de l’ethnologue, de l’anthropologue, du sociologue, du poète ou de l’écrivain, de l’explorateur, du reporter, de l’historien, du géographe, de l’archéologue... Les notions d’altérité et d’identité culturelle y sont abordées pour que l’élève prenne conscience de différentes manières de rendre compte de réalités qui peuvent être éloignées dans l’espace ou dans le temps, et des diverses émotions et facultés qu’éveille et que mobilise en nous le contact avec l’autre et l’ailleurs.

103 Pistes pédagogiques


La visée est de nourrir leur appétence pour les sciences humaines et les métiers de l’ethnologie, l’anthropologie, l’archéologie, mais également la coopération culturelle, les relations internationales… Le bulletin officiel précise même quelques pistes de travail: On peut travailler sur des textes et des documents divers: récits de voyage, fictions, livres de photographie ou films, pages empruntées à divers essais, documents sonores, en choisissant d’explorer, sans prétention à l’exhaustivité, une culture, une contrée, une période, éloignées dans le temps ou dans l’espace, et en s’interrogeant sur la manière dont les documents rendent compte de l’altérité, la caractérisent, la réduisent ou la mettent en valeur. […] La contextualisation historique et les compétences que cultive la géographie favorisent la compréhension des enjeux de la relation à l’autre et à l’ailleurs. L’évaluation du travail est fondée sur des dossiers écrits ou des exposés individuels ou collectifs. Pour les professeurs sollicités pour réaliser ce guide, la campagne Libres d’informer? peut être ainsi un point de départ à la réalisation d’un projet avec des adolescents. L’élève devra témoigner de son autonomie en allant à la recherche d’informations pertinentes sur une thématique personnelle.

Ce peut être aussi bien un recueil d’entretiens sur l’Afrique des Grands Lacs à travers des regards croisés, un exposé sur l’exercice du journalisme dans un environnement autre ou une recherche sur les atteintes aux droits de l’Homme, ce qui permet par exemple de lier la notion d’Ailleurs aux acquis de l’ECJS de seconde et de dépasser une vision trop simplement exotique. Sur un sujet qui ouvre autant de perspectives de traitement et dont l’actualité ramène sans cesse à l’histoire, le champ des possibles est quasi-infini et l’on peut facilement ouvrir les sujets à l’exode, à l’immigration, à la justice internationale ou à la décolonisation pour ne citer que ceux-là. La bibliographie sommaire et évidemment non exhaustive qui figure en fin d’ouvrage peut constituer un point de départ. On y ajoute un ouvrage qui est lui-même à la croisée des disciplines: Congo, Une histoire. Son auteur, David Van Reybrouck, est un Belge d’une quarantaine d’années, né à Bruges, romancier, homme de théâtre et journaliste. Congo embrasse des siècles d’histoire en multipliant les approches et les points de vue. Des extraits analysés peuvent constituer un autre point d’appui à une démarche qui associerait médias, littérature et sociétés.

105 Pistes pédagogiques


Exemples de mise en œuvre pédagogique en classe Notes pour le professeur d’histoire geographie

• La première partie du programme de cinquième d’éducation civique consiste à montrer que les différences individuelles ou collectives ne doivent pas introduire des inégalités de droits et de traitements entre les individus, tout particulièrement atteindre les droits fondamentaux de la personne, pour reprendre les consignes du portail national des professionnels de l’éducation. • Les capacités sont comprises comme des modes opératoires d’ordre intellectuel et/ou pratique qui permettent à un élève, guidé par son professeur ou en autonomie, de construire, d’assimiler, de mobiliser des connaissances et d’exercer sa réflexion. Les capacités mobilisées ici sont disciplinaires (situer dans l’espace et élaborer un récit historique) et transversales (décrire, caractériser, identifier…)

• Le programme officiel a prévu la mise en place d’une action solidaire (environ un dixième du programme d’éducation civique), de manière transversale

e s s a l c n e avec d’autres enseignants et avec la vie scolaire. La mise en œuvre développée ici se concentre donc sur cette proposition et pourra déboucher sur des rencontres-débats avec des acteurs impliqués et/ou une exposition de nature à sensibiliser le grand public.

• Elle pourrait également s’insérer dans les 5 % du programme de géographie laissés au choix du professeur pour développer un thème lié à humanité et développement durable ou répondre aux questions suscitées par l’actualité.

• L’extrait retenu permet d’aborder la question du genre, les droits et libertés et les enjeux du développement, avec notamment un travail sur les échelles. La démarche et les thèmes choisis sont adaptés au niveau des élèves de 5e mais les professeurs pourront évidemment sélectionner certains items en fonction de leur avancement et/ou de leurs propres priorités.

• En vue du brevet informatique et internet (B2i), le travail proposé permet également une utilisation raisonnée des technologies de l’information et de la communication qui mobilise les domaines 3 (créer, produire, traiter, exploiter des données) et 4 (s’informer, se documenter)

107 Pistes pédagogiques


Présentation

Le document (accessible à l’adresse http://petitlien.fr/jollykamuntu) est un extrait de la campagne Libres d’informer? en Afrique centrale. En 2011, plus de 50 journalistes ont été arrêtés ou incarcérés dans cette zone. Pour la journée mondiale de la liberté de la presse, les associations de journalistes de la République démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda ont organisé, avec l’appui de Panos Paris et de l’association de défense Journaliste en danger, une série documentaire visant à promouvoir la liberté de la presse. Jolly Kamuntu est directrice de Radio Maendeleo, la principale radio associative communautaire de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo. En 2009, elle a reçu des menaces de mort, dont les auteurs n’ont jamais été identifiés. A partir de cette vidéo et des six autres qui ont été enregistrées en avril 2012, les médias ont décidé de produire des reportages et des émissions débats sur la liberté d’informer, aujourd’hui, en Afrique centrale.

e s s a l c n e Activite

1

1 La veille de l’exercice, les élèves devront:

g a. Localiser la République démocratique du Congo sur une carte de l’Afrique - insérer une carte vierge de l’Afrique avec les frontières des pays

g b. Localiser le Sud-Kivu sur une carte de la République démocratique du Congo - insérer une carte vierge de la RDC avec les frontières des provinces

g c. Situer Bukavu parmi des villes de la République démocratique du Congo - insérer une carte vierge de la RDC avec juste la situation de 4 ou 5 villes dont Bukavu

g d. Rappeler à partir de leur cours ce que signifie IDH g e. Situer à partir du planisphère de l’IDH de leur manuel où se situe

109 Pistes pédagogiques


la République démocratique du Congo en matière de développement 2 Au cours de la seance, on commencera par lire les questions avant de montrer l’extrait 3 A partir de cet extrait, les élèves devront:

g a. Expliquer pourquoi Jolly Kamuntu parle du Sud-Kivu comme d’une province cimetière pour les journalistes.

g b. Décrire en un petit paragraphe ce qui est arrivé à cette journaliste. g c. Justifier en quoi ce témoignage est révélateur de la vulnérabilité des journalistes en République démocratique du Congo. 4 A partir de leurs propres recherches, i ls pourront dans une séance suivante:

g a. Expliquer à partir des taux d’illettrisme pourquoi la radio est l’un des médias les plus populaires en République démocratique du Congo.

e s s a l c n e g b. Raconter qui était Serge Maheshe.

g c. Justifier pourquoi, selon eux, son nom et son image apparaissent à la fin du document.

Activite

2

A partir du document, les élèves devront constituer les affiches d’une action solidaire sur les risques du métier de journaliste en Afrique centrale. Pour cela, ils pourront:

g a. Réaliser une carte permettant de localiser la République démocratique du Congo sur une carte de l’Afrique (voir plus haut)

g b. Réaliser une carte d’identité du pays permettant de situer la place de la République démocratique du Congo en matière de développement

g c. Réaliser des interviews d’acteurs du développement permettant d’expliquer les actions menées pour protéger les journalistes en

111 Pistes pédagogiques


République démocratique du Congo.

g d. Réaliser des portraits de journalistes français et congolais permettant de comparer leur vulnérabilité face aux risques professionnels.

g e. Faire le bilan des journalistes récemment tués en République

e s s a l c n e Exemples de mise en œuvre pédagogique en lycée Notes pour le professeur d’histoire geographie

• Depuis la rentrée 2010, l’accompagnement personnalisé est intégré à l’horaire de tous les élèves. Il se déroule sur deux heures par semaine. C’est un temps d’enseignement censé aider les élèves à s’adapter aux exigences du lycée, à approfondir des connaissances et à acquérir des méthodes de travail.

• En classe de seconde, parmi les activités proposées, il est possible d’entraîner les élèves à la prise de notes, un exercice qu’ils ne maîtrisent pas toujours. La mise en œuvre que nous proposons ici permet de doubler cet entrainement d’un intérêt disciplinaire lié à l’éducation au développement.

démocratique du Congo, à partir des rapports de l’association de défense Journaliste en danger (www.jed-afrique.org), de Reporters sans des journalistes (http://africa.ifj.org/fr).

• Les objectifs sont donc triples: u Etre capable de sélectionner de manière autonome les informations essentielles d’un discours (écouter pour retranscrire, synthétiser)

113 Pistes pédagogiques


u

Etre capable d’effectuer une recherche documentaire sur internet

(objectif méthodologique propre au lycée) u

Approfondir les connaissances en géographie sur les freins au développement dans le monde (objectif disciplinaire)

• L’extrait retenu permet d’aborder la question du genre, les droits et libertés et les enjeux du développement. La démarche et les thèmes choisis sont adaptés au niveau des élèves de 2nde mais les professeurs pourront évidemment sélectionner certains items en fonction de leur avancement et/ ou de leurs propres priorités.

Présentation

Le document (accessible à l’adresse http://petitlien.fr/caddyadzuba) est un extrait de la campagne Libres d’informer? en Afrique centrale. En 2011, plus de 50 journalistes ont été arrêtés ou incarcérés dans cette zone. Pour la journée mondiale de la liberté de la presse, les associations de journalistes de

e s s a l c n e la République démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda ont organisé, avec l’appui de Panos Paris et de l’association de défense Journaliste en danger, une série documentaire visant à promouvoir la liberté de la presse. Caddy Adzuba est journaliste à Radio Okapi, une fréquence de la paix créée par la Mission de l’Organisation des Nations unies en RDC et la fondation Hirondelle, une organisation suisse. Elle a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. A partir de cette vidéo et des six autres qui ont été enregistrées en avril 2012, les médias ont décidé de produire des reportages et des émissions débats sur la liberté d’informer, aujourd’hui, en Afrique centrale.

Activite

3

Les élèves devront écouter l’enregistrement vidéo avec pour consignes de: 1 Restituer les propos oraux:

g en prenant des notes sur ce qu’ils entendent;

115 Pistes pédagogiques


g en expliquant lors d’une mise en commun du travail, leur stratégie; g en réalisant une synthèse du témoignage d’une page environ.

e s s a l c n e

2 Réfléchir sur l’extrait travaillé: en notant sur une feuille tous les thèmes de réflexion que cet extrait g soulève; après une mise en commun du travail, en choisissant en groupe un thème g de réflexion (au besoin, le professeur peut orienter vers quelques sujets comme les médias de la haine dans les Grands Lacs, la liberté d’informer, la dépénalisation des délits de presse…);

en réalisant des exposés à partir de recherches documentaires sur g internet (en citant précisément les sources utilisées); en présentant par oral leurs exposés à leurs camarades g (ce qui permet de réinvestir le travail de prise de notes).

117 Pistes pédagogiques


Bibliographie, sitographie

Interview à travers les barreaux

de la prison de Goma

•Campagne Libres d’informer?: http://petitlien.fr/libres • Textes officiels: circulaire du 24 octobre 2011 sur la troisième phase du plan triennal de généralisation de l’éducation au développement durable (EDD): http://petitlien.fr/5q78 • Educasol, plateforme associative de référence pour l’éducation au développement et à la solidarité internationale en France: www.educasol.org • Crid, Centre de recherche et d’information pour le développement, collectif de 53 associations françaises de solidarité internationale: www.crid.asso.fr • Acodev, fédération des organisations non-gouvernementales de coopération au développement (Belgique): www.acodev.be • Fondation Education et développement (Suisse), qui doit fusionner en 2013 avec la fondation d’éducation pour l’environnement pour donner naissance à un vaste centre national de compétences en éducation au développement durable: http://www.globaleducation.ch • Carrefour tiers-monde (Québec), organisation non gouvernementale d’éducation au développement et à la solidarité internationale: www.carrefour-tiers-monde.org

119 Bibliographie, sitographie


• Réseau européen de l’éducation à la citoyenneté mondiale, Centre Nord Sud du Conseil de l’Europe: http://petitlien.fr/61xj • Exemples de pratiques pédagogiques en milieu scolaire portant sur la solidarité internationale: http://petitlien.fr/61xc • Ressources pédagogiques pour les enseignants (réseau d’information et de documentation pour le développement durable et la solidarité internationale): http://petitlien.fr/61xi • La place de l’éducation au développement et à la solidarité internationale dans les programmes scolaires (Educasol/Ritimo): http://petitlien.fr/61xd • Education au développement, état des lieux 2010 (Antipodes): http://petitlien.fr/61xh • L’éducation au développement durable: comment faire?, Bischoff Orane (dir.), Cahiers pédagogiques, 2010 • Blog d’éducation au développement: http://petitlien.fr/61xg • Développement durable, Où en est-on aujourd’hui, Jean-François Levionnois et Romain Suchet (dir.), De Boeck, Planète en jeu, Bruxelles, janvier 2013 • Pour une éducation au développement durable et solidaire: Guide pédagogique, école, collège, lycée, Centre régional de documentation pédagogique de FrancheComté, janvier 2012 • L’éducation au développement durable: De l’école au campus,

de Marie-Christine Zélem, Olivier Blanchard, Didier Lecomte et Lucie Sauvé, L’Harmattan, Paris, juin 2010 • Développements durables: Tous les enjeux en douze leçons, Jacqueline Jalta, Yvette Veyret, Autrement, Paris, mars 2010 • Stratégie nationale de développement durable 2010-2013, vers une économie verte et équitable: http://petitlien.fr/67v7 • Elections et médias en Afrique centrale. Voie des urnes, voix de la paix?, Marie-Soleil Frère, Khartala, Hommes et sociétés, avril 2010 (la version anglaise est éditée chez Zed Books, septembre 2011)

• La couverture de l’actualité régionale par les médias des Grands Lacs, Monitoring conjoint des médias au Burundi, en République démocratique du Congo et au Rwanda, Marie-Soleil Frère (coordination), Jean-Pierre Uwimana (Rwanda), Simon Kururu (Burundi) et Banza Tiéfolo (RDC), Panos Paris, 2010 • Code de déontologie et textes juridiques régissant les médias au Rwanda, Jean Paul Kahiyura, Panos Paris, 2009 • Textes juridiques et déontologiques régissant les médias au Burundi, Gérard Ntahe, Panos Paris, 2009 • Comprendre les textes juridiques et déontologiques régissant la presse en RDC,

121 Bibliographie, sitographie


Donat M’Baya et Charles Mugagga-Mushizi, Panos Paris, 2006 • Itinéraires de citoyenneté: http://itinerairesdecitoyennete.org • Semaine de la solidarité internationale: www.lasemaine.org • Blog Afrikarabia: http://petitlien.fr/6e5u • Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo: http://monusco.unmissions.org • Conférence internationale sur les Grands Lacs: https://cirgl.org/index.php • Dossier pédagogique d’Amnesty sur la liberté d’informer (2011): http://petitlien.fr/6e5r • Guide pédagogique sur la liberté d’expression de Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de Québec: http://petitlien.fr/6e5s • Human Rights Watch: https://www.hrw.org • Reporters sans frontières: http://fr.rsf.org •Comité pour la protection des journalistes: www.cpj.org/fr •Institut international de la sécurité de l’information: www.newssafety.org •Fondation internationale des femmes dans les médias: http://iwmf.org •Grotius, la revue géopolitique de l’humanitaire: www.grotius.fr •Panos Paris: http://panosparis.org

•Journaliste en danger: www.jed-afrique.org • Web-documentaire Kinshasa FM – Le quotidien des journalistes en RDC: www.kinshasa-fm.org Dans la même collection: • Sortir de l’ombre, Le témoignage, une victoire morale, Isabelle Seret, Panos Paris avec les associations des femmes des médias de la région des Grands Lacs: ARFEM (Rwanda), AFJO (Burundi) et AFEM/SK (RDC), 2012

123 Bibliographie, sitographie


• Réalisation de la campagne Michel Leroy et Florence Morice

Libres d’informer?

• Coordination

est une campagne réalisée à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de presse du 3 mai 2012 par Journaliste en danger et Panos Paris, en collaboration avec l’Union burundaise des journalistes (UBJ), l’Association rwandaise des journalistes (ARJ) et l’Union nationale de la presse congolaise (UNPC) et notamment sa section du Sud-Kivu.

Pierre Martinot, Sayfonh Khamphasith et Aziza Bangwene

• Entretiens Godefroid Bwiti Lumisa

• Montage Mathieu Nieto

Uru rugamba rwogusaba ubwigenge bushimijije rwateguwe mu ntumbero y’umugambi « ondes des Grands Lacs » wa Panos Paris

Cette campagne a été réalisée dans le cadre du projet Ondes des Grands Lacs mise en œuvre par Panos Paris. www.echos-grandslacs.info

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gutangaz’amakuru Mubihugu byo muri Afrika yo hagati, , mu mwaka wa 2011 yombi ga 50 batawe muri aza basa u akur yam aban isanzure bw’itang barafungwa. Ubw e kubangamirwa. makuru ntibukwiy

Centre de ressources audiovisuelles (Cera) – Bujumbura (Burundi) Ce document a été réalisé avec l'aide financière de l'Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de Panos Paris et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne ni d'aucun autre bailleur.

En 2011, plus de été 50 journalistes ontrale. és en Afrique cent arrêtés ou incarcérla presse ne se jette pas . La liberté de eaux derrière des barr

Ce document a été réalisé avec l'aide financière de l'Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de Panos Paris et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne ni d'aucun autre bailleur.

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d’ informer

Hari ubwisanzure bwo

Photo : Chris Sattlberger / Panos Pictures ©

This campaign has been organized in the framework of the « Airwaves over the Great Lakes » project implemented by Panos Paris.

, Mu mwaka wa 2011ti, muri Afrika yo haga u barenga abamenyeshamakur pi bazira i yom 50 baratawe mur bwo nza c’ubwigenge umwuga wabo. Ikiba ntikiri mu mabohero. kuru kumenyesha ama

Libres

Photo : Chris Sattlberger / Panos Pictures ©

Photo : Chris Sattlberger / Panos Pictures ©

In 2011, more than 50 journalists were arrested or tral Africa. imprisoned in Cenof the press The freedom ind bars. cannot be put beh

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gushikiriza inkuru

Ce document a été réalisé avec l'aide financière de l'Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de Panos Paris et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne ni d'aucun autre bailleur.

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Hari o Uburenganzira bw

Photo : Chris Sattlberger / Panos Pictures ©

A free

Ce document a été réalisé avec l'aide financière de l'Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de Panos Paris et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne ni d'aucun autre bailleur.

• Moyens techniques

iki gikorwa kivuga kubwisanzure bw’itangaza makuru cyateguwe n’umushinga Ondes des Grands Lacs ushirwa mubikorwa na Panos Paris

• Conception graphique Sébastien Guérin

• Avec le concours de: Vicky Byicaza Natabaye, Aziza Bangwene, Pascal Chirhalwirwa,

125 Bibliographie, sitographie


Anita Kampimbare, Sayfonh Khamphasith, Claude Masumbuko, Donat M’Baya Tshimanga, Pierre Martinot, Franck Mbumba, Robert Minangoy, Willermine Nabuhoma, Pierre Nsana, Cyprien Ndikumana, Herménégilde Niyungeko, Tshivis Tshivuadi, Alexandre Niyungeko

• Merci à Caddy Adzuba, Cléophas Barore, Godefroid Bwiti Lumisa, Alain Caron, Jolly Kamuntu, Jean-Claude Kawumbagu, Déo Namujimbo, Serge Nbizi et Domitille Kiramvu, Alain Wandimoyi et Felix Zigirinshuti.

• Mise en page de l’ouvrage Pascale Rangé

• Illustration Jacques Flamme

• Photo de couverture Chris Sattlberger (Panos Pictures)

Ces témoignages ont été recueillis dans le cadre du projet Ondes des Grands Lacs mis en œuvre par Panos Paris et soutenu par l’Union européenne, Sida et Cordaid. Leur contenu relève de la seule responsabilité de Panos Paris et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne ni d’aucun autre bailleur.

127 Bibliographie, sitographie


Crédit photos Couverture Page 4 Page 6, 15 et 85 Page 8 et 42 Page 10 Page 16, 48 et 49 Page 18 et 25 Page 23 Page 30 Page 39, 119 et 128 Page 46 Page 50 Page 52 et 54 Page 57 La prison de Goma et ses inve

© Chris Sattlberger (Panos Pictures) ©Thierry Brésillon © Teddy Mazina © Florence Morice © Etienne Kokolo © Alex Bahati © Pierre Martinot © Petterik Wiggers (Panos Pictures) © Journal Le Confident © Jacky Delorme © Sud Ouest © Pascal Chirhalwirwa © Robert Minangoy © CPI

ntaires

129 Bibliographie, sitographie



Libres d’

informer?

Afrique centrale. nalistes ont été incarcérés en En 2011, plus de cinquante jour x. eau barr e pas derrière des La liberté de la presse ne se jett

Ce credo a servi de slogan à la campagne qu’ont lancée Panos Paris et l’association de défense de la liberté de la presse Journaliste en danger. Sous le titre Libres d’informer?, des affiches ont été réalisées, en français mais aussi en kirundi, en kinyarwanda, en swahili et en anglais. Une série de témoignages filmés ont été diffusés sur le net et sur les principaux médias des Grands Lacs. Cette publication raconte, sous la forme d’un carnet de voyage, au plus près des réalités vécues par les journalistes locaux, l’environnement qui permet (ou au contraire empêche) d’exercer l’un des droits fondamentaux de l’Homme: celui d’être informé. Elle explique comment il est possible d’utiliser cette campagne médiatique dans un cours d’éducation au développement ou pour l’animation d’une session de sensibilisation sur la liberté de presse et l’éducation aux médias. Réalisée en lien avec des enseignants, elle donne des pistes pédagogiques pour aborder auprès des jeunes ces thématiques au cœur du concept de citoyenneté et permettre de contextualiser les événements qui continuent de secouer cette région. En soulignant les réussites locales en faveur du développement des médias autant que les échecs, cette publication veut aussi servir d’antidote à tous ceux qui se satisfont d’un discours fataliste et résigné sur l’appui international en situations de crise ou de post-crise. Retrouvez la campagne en libre accès à l’adresse http://petitlien.fr/libres Panos Paris soutient le pluralisme des médias, l’accès à une information indépendante, diversifiée et responsable pour contribuer à l’expression des populations les plus marginalisées.

Institut Panos Paris 10, rue du Mail • F – 75002 Paris Tél.:33 (0) 1 40 41 05 50 • Fax: 33 (0) 40 41 03 30 E-mail: panos@panosparis.org Site: www.panosparis.org


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