Perspective Cavaliere

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ISBN : 978-2-493205-03-2

© Perspective cavalière, 2023

Graphisme : Débora Bertol

Nathalie Rouanet

Rouge indien

Qui était Amrita Sher-Gil, cette femme au destin fulgurant née en Hongrie et morte en Inde, qui portait colliers de perles et manteaux de fourrure dans le Paris des années vingt et qui a peint la vie humble et aride des habitants de Shimla dans une œuvre aujourd’hui considérée comme majeure ?

Dans Rouge indien, Nathalie Rouanet retrace la brève vie d’Amrita Sher-Gil à la manière d’un scénario : son enfance en Hongrie puis en Inde, ses années de formation à Paris, nourries de rencontres illustres au parfum de scandale, et sa fin tragique alors qu’elle n’avait que vingt-huit ans.

Par sa création et son mode de vie, cette artiste exigeante, à la sexualité exaltée, a posé les bases de la peinture moderne et de l’émancipation féminine en Inde.

Date de publication : 30 janvier 2023

Illustration : Christophe Merlin Contact presse & librairies : Couverture souple avec rabats Étienne Gomez Antony Thalien

12,9 x 19,8 cm 0679918283 06 31 20 71 63

152 pages, 18 € editionsperspectivecavaliere@gmail.com

« Les couleurs de l’Inde l’inspirent, et sa peinture prend corps. Le talent de Nathalie Rouanet est de restituer ces couleurs, mais aussi les odeurs, les goûts, le bruit de l’Inde, et de narrer l’histoire d’Amrita comme on compose un tableau. Bref, une très belle lecture de cette rentrée de janvier ! » (Carine Chichereau)

Née en France, Nathalie Rouanet vit à Vienne. Elle est traductrice en allemand de Nina Bouraoui, d’Hélène de Monferrand et de JeanClaude Carrière, et en français de nombreux essais, catalogues d’art, scénarios et sous-titrages. Elle est aussi slameuse sous le nom de Ann Air.

Une après-midi de juillet 1948, dans une villa cossue des coteaux de Shimla, une Hongroise du nom de Marie Antoinette Gottesmann-Baktay se suicide avec le pistolet de son mari, un Indien sikh. Dans un film, cet événement tragique n’aurait lieu qu’à la fin. Et nous n’apprendrions les détails que petit à petit, comme moi qui ai fait de longues recherches et reconstitué les fragments de l’intrigue image par image, lettre par lettre, bribe par bribe. Au début, il n’y aurait aucun marqueur de temps ni de lieu. Juste :

Photo © Maria Noisternig
#l’incipit

On entendrait une mélodie de piano, Saint-Saëns ou Gabriel Fauré. Et le doux clapotis d’une pluie de mousson. Un plan large sur une villa à flanc de montagne, tandis qu’apparaîtrait un intertitre :

Sois heureux un instant. Cet instant, c’est ta vie.

La façade de la villa est blanche, les toits sont verts. Les fenêtres en saillie surmontées d’une coupole ressemblent à de petits mausolées. Dans le jardin, des pins de l’Himalaya, des fougères arborescentes et des rhododendrons indiqueraient aux connaisseurs, géographes ou grands voyageurs, la zone dite des « montagnes septentrionales ».

Dans la séquence suivante, la caméra balayerait un salon somptueux. De lourds rideaux et draperies aux fenêtres. Aux murs, des toiles de grand format d’un artiste encore inconnu, des photographies encadrées, des miniatures indiennes. Sur un petit bureau, une lampe Art déco, des livres et des papiers en désordre, une loupe et, dans un cadre, la photographie autochrome de deux petites filles aux coiffures des années vingt et vêtues de déguisements. On entendrait le doux bruissement d’un ventilateur de plafond et un cliquetis de vaisselle. La caméra continuerait son panoramique, puis zoomerait sur une table basse octogonale en bois de cèdre sculpté où des mains d’homme à la peau brune verseraient du thé dans une tasse en porcelaine anglaise. Notre champ de vision engloberait aussi de fins souliers de femme et les plis d’une robe en soie. Un lent travelling arrière révèle- rait alors une femme blanche élégante d’un âge avancé, la soixantaine passée, assise, non, plutôt affalée dans un profond fauteuil, le chignon défait et le visage ravagé – de chaleur, de fatigue, de chagrin ? On ne sait pas. Pas encore. (p. 9-10)

#la séance de pose avec Marie

Paris. Atelier d’Amrita. Au bout du petit matin.

Plan large. Des toiles de grand format d’Amrita, mais aussi de Boris et de Marie-Louise, sont appuyées aux murs : un torse d’homme, plusieurs nus féminins dont celui du modèle noir des Beaux-Arts, des portraits, des autoportraits, des natures mortes, des paysages parisiens, des villages de Hongrie. Amrita est au chevalet. Elle porte un ample tablier de peintre noir et des bracelets de perles qui cliquettent à chacun de ses gestes. Ses cheveux sont sommairement attachés en chignon. Le soleil du matin éclaire le fauteuil Récamier couvert d’un drap blanc, où est allongée une jeune fille appuyée sur les coudes, un livre entre les mains, nue sous une étoffe de soie où l’on devine un dragon brodé.

– Écoute ça, Amrita, on croirait qu’il l’a écrit pour toi :

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche

Est large à faire envie à la plus belle blanche ;

À l’artiste pensif ton corps est doux et cher ;

Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair…

#les funérailles d’Amrita

Le bûcher a été préparé, du bois mort empilé, au sommet une litière en bambou. Les mains aimantes y déposent Amrita.

EXTERIEUR. JOUR

Les amis sont venus chargés de fleurs ; jasmin, soucis et laurier rose, poudre de santal rouge et ghee répandus sur son corps.

Puis son père accomplit le rituel. Le vieux lion, barbe et crinière blanches, calme comme la rivière, son regard noir troublé de larmes, allume le bûcher et chante le Kirtan Soliha : « Le parfum de santal venu de l’est est l’encens, le vent est l’éventail... »

Bientôt la fumée monte, le bois s’enflamme, les flammes lèchent la défunte. Rouge carmin, rouge garance, rouge indien. Puis le silence.

On n’entend plus que le crépitement du feu et les sanglots de la mère. Sa robe noire flotte dans la brise légère.

Des étincelles éclaboussent le ciel, les pétales de fleurs s’envolent. Et dans la profondeur des braises, nous entendons craquer le crâne et le bois.

Ce n’est que quelques jours plus tard qu’on rassembla ses cendres et qu’on les dispersa dans la rivière sous la lueur argentée de la lune.

Ne pleure pas les beaux jours Parce qu’ils sont passés, Souris parce qu’ils ont été.

Depuis ce 5 décembre 1941, quatre buffles noirs attendent leur dernier coup de pinceau.

Recensions :

- "Rouge indien", par Yves Mabon, Lyvres, 30/01/2023 : https://www.lyvres.fr/2023/01/rouge-indien.html

- Séries de vidéos de Nathalie Rouanet publiées sur les comptes Facebook/Instagram de Perspective cavalière, 01/2023.

- "Amrita Sher-Gil, un destin hollywodien", par Daphné Bétard, Beaux-Arts Magazine, 03/2023 : https://www.beauxarts.com/produit/beaux-arts-magazine-n465/, p. 40.

- Entretien radiophonique avec Nathalie Rouanet (et Étienne Gomez), par Sylvie Gillot, "Remue-méninges féministes", Radio libertaire, 04/04/2023 : https://www.anarchiste.info/radio/libertaire/podcast/semaine/202314.html

- Entretien avec Nathalie Rouanet, par Jean-Davy Dias pour RegArts: https://regarts.org/Interviews/Nathalie_Rouanet.php

Amrita Sher-Gil sur Arte : Amrita Sher-Gil reine de la peinture moderne (Invitation au voyage, 31/02/2022) : https://www.arte.tv/fr/videos/108267-001-A/en-inde-amrita-sher-gil-reine-de-la-peinture-moderne/ Amrita Sher-Gil, reine de la peinture moderne - Delhi, capitale de l’Inde moghole - À Pondichéry, le soleil a rendez-vous avec Vénus (Invitation au voyage, 04/02/2023) : https://www.arte.tv/fr/videos/109357-004-A/invitation-au-voyage/

Rencontres en librairie/sur des salons avec Nathalie Rouanet : Zeugma (Montreuil), 27/01/2023 ; salon Animalia/Inde (Mairie du XIXe), 29/01/2023 ; Le Tracteur Savant (Saint-Antonin-Noble-Val) ; "Resto Littéraire", Chapitre 3 (Vesoul), 13/05/2023.

Alexandra Chreiteh

Ali et sa mère russe

Traduit de l’arabe (Liban) par France Meyer

Le 12 juillet 2006, Israël frappe le Liban suite à l’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah à la frontière. Un bus affrété par l’ambassade de Russie à Beyrouth évacue les ressortissants russes vers un aéroport syrien. Pendant le trajet, la jeune narratrice, d’origine russe, retrouve Ali, un ancien camarade de classe d’origine ukrainienne qu’elle avait perdu de vue. Pourquoi Ali fuit-il le pays qu’il s’est toujours dit prêt à défendre ?

Premier roman d’Alexandra Chreiteh traduit en français, Ali et sa mère russe confronte la société libanaise aux tabous qui la divisent.

ISBN : 978-2-493205-01-8

© Perspective cavalière 2021

Graphisme : Débora Bertol

Illustration : Christophe Merlin

Édition originale :

Date de publication : 11 janvier 2022

Contact presse & librairies : Couverture souple avec rabats Étienne Gomez

© Alexandra Chreiteh 2009

12,9 x 19,8 cm 0679918283

96 pages, 14 € epl.gomez@gmail.com

« Si vous manquez ce petit bijou, ce sera tant pis pour vous ! »

Marcia Lynx Qualey, ArabLit

« Ali et sa mère russe est centré autour de deux personnages : Ali, l’homosexuel éponyme, et la narratrice hétérosexuelle, qui ne se considère pas comme homophobe, car – vous savez – elle a des amis gays. On y retrouve l’humour et la perspicacité caractéristiques d’Alexandra Chreiteh, qui s’intéresse particulièrement aux jeunes de Beyrouth. L’homosexuel ukraino-libanais, qui panique également depuis qu’il a découvert que l’une de ses ancêtres était juive, est une merveille de haine de soi et de flamboyance mélangées. »

Marcia Lynx Qualey, ArabLit

Extrait n°1 : On finissait tout juste de déjeuner quand Israël déclara la guerre au Liban (p. 5-6)

Le 12 juillet 2006, on apprit que le Hezbollah avait kidnappé deux soldats israéliens à la frontière. Ce qui ne nous empêcha pas d’aller manger des sushis. On finissait tout juste de déjeuner quand Israël déclara la guerre au Liban. Les employés du resto se dépêchèrent de fermer et nous demandèrent de partir tout de suite. On partit tout de suite, sans payer l’addition.

Coup de bol, on avait choisi un des restos les plus chers du centre de Beyrouth. On avait bien vu ce jour-là que quelque chose clochait, mais on était sortis quand même. Les rues étaient quasi désertes, alors que d’habitude elles grouillaient de monde, quant au resto, qu’on trouvait toujours bondé, il était presque vide à part nous – ma copine Amal, son fiancé Salim et moi – et deux inconnus qui fumaient, assis à la table à côté.

L’un d’eux m’avait observée à plusieurs reprises pendant le repas. J’avais remarqué son manège dès notre arrivée, et j’avais essayé d’éviter ses regards, dont l’insolence m’embarrassait. Mais j’avais eu beau l’ignorer, ça ne l’avait pas démonté, et à peine sortait-on du resto qu’il m’accostait en souriant et m’appelait par mon prénom.

Bizarre, me dis-je. Mais plus bizarre encore, c’est qu’il m’avait parlé en russe – il se trouve que ma mère est russe et que cette langue est ma langue maternelle. Il se présenta – il s’appelait Ali Kamaleddine – et me demanda si je le reconnaissais, mais non, il ne me disait rien, et je ne sus pas quoi répondre. Voyant mon embarras, il précisa qu’une dizaine d’années plus tôt on avait été camarades de classe à Nabatieh, dans le sud, où nos familles habitaient. Il était sûr, ajouta-t-il, que ma mère n’avait pas oublié la sienne, parce qu’elle était ukrainienne ; dès qu’il me dit son nom je me souvins d’elle, puis de lui, et je fus stupéfaite de découvrir qu’il avait tant changé depuis la dernière fois que je l’avais vu – ce que je lui dis.

Ali : « une merveille de haine de soi et de flamboyance mélangées »

Ali est en vacances au Liban pour l’été au moment où la guerre éclate. Depuis plusieurs années il est parti vivre en Allemagne où il termine des études de médecine et où il vit son homosexualité au grand jour. Son amour du Liban, qu’il s’est toujours dit prêt à défendre jusqu’à sa mort, n’est pas seulement contrarié par l’homophobie régnante – en partie fantasmée – dans son pays natal, mais aussi par un antisémitisme exacerbé par la guerre, incompatible avec ses origines…

« De mémoire récente, le portrait d’homosexuel le plus saisissant dans la littérature arabe est peut-être Ali et sa mère russe (2009) d’Alexandra Chreiteh, la romancière libanaise au regard acéré et au style ultra-contemporain. […] Alexandra Chreiteh ne se contente pas de dépeindre un homosexuel émancipé : elle se moque de ses deux protagonistes comme on pourrait se moquer de soi-même. »

Extrait n°2 : Il aurait bien voulu pouvoir rentrer au Liban définitivement (p. 46-48)

Soudain il eut la larme à l’œil ; ça l’attristait vraiment, dit-il, de voir encore et toujours ravagé ce pays fabuleux.

– Quel dommage…

Il soupira, puis ajouta après un court silence qu’il aurait bien voulu pouvoir rentrer au Liban définitivement, parce que la vie était bien plus agréable à Beyrouth qu’en Allemagne. […]

– Alors pourquoi tu ne reviens pas ? m’étonnai-je. La guerre sera bientôt finie et tout redeviendra normal, comme d’hab ! Qu’est-ce qui te retient ?

– Plusieurs choses…

– Mais encore ?

Déjà, je suis gay…

Il avait dit ça comme s’il s’agissait d’une évidence, du genre « La Terre tourne autour du Soleil ». Mais moi, j’étais choquée, et Ali resta stupéfait car il pensait que je savais depuis longtemps.

Rappelle-toi la dernière fois que tu es venue chez moi… Je sus immédiatement à quoi il faisait allusion […].

Il m’expliqua qu’il avait toujours été homo sans le savoir, qu’il l’avait découvert grâce à ce qui s’était passé entre nous, et que j’étais la seule fille qu’il avait aimée avant de comprendre qu’il préférait les hommes. Et il me remercia de l’immense service que je lui avais rendu.

De rien… dis-je embarrassée.

La narratrice : « une femme dans l’histoire, une femme qui n’a que son corps »

La narratrice est l’une des nombreuses femmes à bord. Comme elle est atteinte d’une cystite, les « pausespipi » représentent autant d’intermèdes tragi-comiques au cours du voyage. Mais le thème du corps de la femme en temps de guerre est aussi développé à travers d’autres personnages comme une jeune fille qui a ses règles en arrivant à l’aéroport et une jeune femme enceinte qui accouche prématurément.

« Je voulais qu’il y ait une femme dans l’histoire, une femme qui n’a que son corps et qui ne tente pas de construire son identité contre quelqu’un ni quoi que ce soit. […] Il était très important pour moi d’aborder un certain type de discours héroïque qui intervient souvent dans les périodes de guerre. Bien sûr le corps de la femme apparaît toujours en tant que métaphore – la femme est violée, symbole de la perte de souveraineté sur la terre, ou tuée, symbole de conquête ; il y a le corps de la mère qui enfante les fils de la nation. Et puis je voulais montrer autre chose, les besoins physiques d’une personne, d’une femme qui traverse la guerre. […] Bien sûr, dans les périodes de guerre, les femmes sont les plus grandes perdantes, mais elles sont souvent réduites à des métaphores. Elles sont rarement autorisées à exister par elles-mêmes. Je me demandais toujours : quand le sang est-il pur, et quand est-il impur ?

Alexandra Chreiteh, entretien avec Rachael Daum, ArabLit

Extrait n°3 : « Dieu merci, je ne tomberai jamais enceinte ! » (p. 88-91)

Dans le hall de l’aéroport, Ali se cacha au milieu de la foule des voyageurs qui attendaient, assis sur leurs valises, la réouverture du guichet de contrôle des passeports et la reprise de l’embarquement. Seule une des filles de l’amie de ma mère se tenait debout, immobile, jambes serrées, et quand je lui demandai ce qu’elle avait, elle me répondit que ses règles avaient débarqué au moment même où on était entrés dans l’aéroport, qu’elle n’avait trouvé ni serviette hygiénique ni papier toilette, et qu’il ne lui restait plus qu’à essayer d’empêcher le sang de couler. À peine avait-elle dit ça qu’une goutte roula le long de sa cuisse droite, et Ali qui s’en aperçut s’écria :

– Ça te dégouline jusqu’au genou !

Il lui donna vite un de ses T-shirts pour qu’elle s’essuie.

Un moment plus tard, un des gars de l’ambassade vint demander s’il y avait une sage-femme dans la salle parce que la femme enceinte était en train d’accoucher. […] Malheureusement pour elle, il n’y avait pas de sage-femme parmi nous.

Peu après, elle se mit à hurler de douleur et ses cris résonnèrent aux quatre coins de l’aéroport, mettant tout le monde mal à l’aise.

– Dieu merci, je ne tomberai jamais enceinte ! se félicita Ali.

Une docteure proposa son aide et demanda si quelqu’un voulait bien l’assister ; Ali se porta volontaire, parce qu’il avait étudié la médecine pendant quelques mois à la fac, et qu’il avait un jour aidé une vache à mettre bas, chez sa grand-mère à la ferme. […]

Ali ne refit surface que tard dans la nuit ; le guichet de contrôle des passeports n’avait toujours pas rouvert et tout le monde s’était assoupi par terre ou sur sa valise en attendant. Il me réveilla pour me dire que la jeune femme avait eu un garçon et qu’elle l’avait appelé Ali, comme lui. Il se tapa la joue et soupira :

Pauvre gosse !

Sources :

Marcia Lynx Qualey, « Homosexualité et roman arabe : le triomphe de la moquerie », Translator’s Lodge, 18/01/2022 :

https://translatorslodge.com/2022/01/18/lhomosexualite-dans-le-roman-arabe-le-triomphe-de-la-moquerie/ Rachael Daum, « Alexandra Chreiteh : écrire sur la menstruation en arabe standard moderne », Translator’s Lodge, 11/01/2022 :

https://translatorslodge.com/2022/01/11/alexandra-chreiteh-ecrire-sur-la-menstruation-en-arabe-standardmoderne/

Rachael Daum, « La jeune romancière libanaise Alexandra Chreiteh parle du paysage littéraire arabe », Translator’s Lodge, 13/01/2022 :

https://translatorslodge.com/2022/01/13/la-jeune-romanciere-libanaise-alexandra-chreiteh-parle-du-paysagelitteraire-arabe/

Marcia Lynx Qualey, « Homosexuality and the Arabic Novel: The Triumph of Mockery », ArabLit, 04/09/2015 : https://arablit.org/2015/09/04/homosexuality-and-the-arabic-novel/

Rachael Daum, « Alexandra Chreiteh on Writing About Menstruation in Modern Standard Arabic », ArabLit, 04/12/2015 : https://arablit.org/2015/12/04/chreiteh/

Rachael Daum, « Lebanese Novelist Alexandra Chreiteh on the Arabic Literary Landscape », ArabLit, 07/12/2015 : https://arablit.org/2015/12/07/arabic-literary-landscape/

Recensions :

Lyvres (Yves Mabon) : https://www.lyvres.fr/2021/07/ali-et-sa-mere-russe.html

Jameson Currier

Le Troisième Bouddha

Traduit de l’anglais (État-Unis) par Étienne Gomez

Le 11 septembre 2001, Ted part à Manhattan sur les traces de son frère, courtier dans le World Trade Center. À peine rentré de Bâmiyân, Stan fuit en Inde pour une raison connue de lui seul. Jim fait un reportage sur le troisième Bouddha lorsqu’une explosion le sépare des hommes qui l’accompagnent.

Dans ce roman complexe et lumineux, les quêtes des personnages tissent un mystérieux contrepoint dans un monde déchiré par le fondamentalisme islamiste.

ISBN : 978-2-493205-00-1

© Perspective cavalière 2021

Graphisme : Débora Bertol

Illustration : Christophe Merlin

Édition originale : The Third Bouddha

© Jameson Currier 2011

Couverture souple avec rabats

Contact presse & librairies :

Étienne Gomez

12,9 x 19,8 cm 0679918283

376 pages, 21 € epl.gomez@gmail.com

Roman du deuil et de la séparation, roman de formation et de quête de soi, Le Troisième Bouddha met en relation deux histoires différentes, quoique liées entre elles par une troisième : à New York, celle de Ted, qui fait le deuil de son frère aîné Pup en même temps que ses premiers pas dans le milieu gay ; en Afghanistan, celle de Jim, dont la nouvelle de la mort de Pup vient ébranler la relation avec Ari ; entre les deux, celle de Stan, qui a opéré Jim après l’explosion de la camionnette où il voyageait pour un reportage sur le troisième Bouddha, qui aurait échappé aux bombes de Talibans.

Le Troisième Bouddha est le premier des trois grands romans de la maturité de Jameson Currier, sur le thème de la violence meurtrière.

C’est aussi la première publication des éditions Perspective cavalière : le monde selon ses marges, avec Ali et sa mère russe d’Alexandra Chreiteh, traduit de l’arabe (Liban) par France Meyer.

« Une histoire au suspense fascinant, tant sur les épreuves de la vie que sur la force spirituelle qui permet de les traverser. Cinq étoiles ! » —Bob Lind, Echo Magazine

« Entre histoire captivante et galerie de personnages remarquables, ce roman associe une quête spirituelle à la quête ordinaire et néanmoins impérieuse d’identité et d’amour dans le monde moderne. » —Charles Green, Gay and Lesbian Review Worldwide

« Une histoire complexe, portée par ses personnages, où la quête d’autrui débouche sur une découverte de soi. »

—Ellen Bosman, Library Journal

ISBN : 978-2-493205-02-5

© Perspective cavalière, 2022

Graphisme : Débora Bertol

Illustration : Christophe Merlin

Édition originale : Intolerable: A Memoir of Extremes

© Kamal Al-Solaylee, 2012, 2022

Kamal Al-Solaylee

Intolérable : Mémoires des extrêmes

Traduit de l’anglais (Canada) par Étienne Gomez

Aden, 1967. L’arrivée au pouvoir des socialistes révolutionnaires marque la fin du protectorat britannique. Pour la grande famille des Al-Solaylee, c’est le début d’un long exil à Beyrouth puis au Caire. Mohamed, ancien magnat de l’immobilier dépossédé de ses biens, tombe dans une dépression qui ne dit pas son nom, tandis que Safia, jadis bergère dans l’Hadramaout, entretient la famille jusqu’au moment du retour, inexorable, dans un Yémen transformé

Les mémoires de Kamal, dernier de onze enfants, ne retracent pas seulement l’itinéraire d’un jeune homme qui se découvre homosexuel dans un Moyen-Orient en voie de radicalisation, ils évoquent aussi le destin intolérable d’une famille restée là-bas, à l’autre extrême. L’étau ne cesse en effet de se resserrer dans ce Yémen postcolonial frappé de plein fouet par la crise du monde arabe, puis par la guerre civile et par la catastrophe humanitaire en cours.

L’édition française est complétée par une postface de l’auteur.

Date de publication : 27 mai 2022

Contact presse & librairies : Couverture souple avec rabats

HarperCollins Canada

12,9 x 19,8 cm

Étienne Gomez

0679918283

312 pages, 22 € editionsperspectivecavaliere@gmail.com

Lauréat

Globe and Mail Best Book of the Year, Toronto Book Award, Canadian Booksellers' Top Pick for LGBT Books of the Year, Amazon.ca Best Book of the Year

Finaliste

Lambda Literary Award for Gay Memoir/Biography, Edna Staebler Prize for Creative Nonfiction, Hilary Weston Writers' Trust Prize for Nonfiction, OLA Forest of Reading Evergreen Award

Sélection du CBC Canada Reads « One Book To Break Barriers »

« Un grand livre, qui raconte parfaitement le Yémen et l’effervescence d’un Orient libre, émancipé du joug colonial et faisant valoir un progressisme populaire, avant de sombrer dans les mouvements islamistes. » (Quentin Müller)

Photo © Mark Raynes Roberts

Né à Aden en 1964, Kamal Al-Solaylee a émigré au Canada en 1996 après des études de littérature anglaise à Keele puis à Nottingham au Royaume-Uni. Devenu journaliste au Globe and Mail puis professeur à l'université Ryerson de Toronto, il a publié trois ouvrages, Intolerable: A Memoir of Extremes (2012), Brown: What Being Brown in the World Today Means—to Everyone (2016) et Return: Why We Go Back to Where We Come From (2021). Il est aujourd'hui directeur de l'École de journalisme, rédaction et communication de l'université de la Colombie-Britannique à Vancouver.

#Beyrouth, 1967

« Je suis le fils d’une bergère illettrée qui fut mariée à quatorze ans et mère de onze enfants à trente-trois ans. » (p. 7)

Kamal est le fils d’une bergère et d’un gardien de sécurité devenu magnat de l’immobilier, l’une des premières fortunes d’Aden. La famille, chassée du jour au lendemain en 1967, trouve refuge à Beyrouth, où le père, qui n’a plus que son compte d’épargne en Angleterre, prend un appartement dans un immeuble nommé Yacoubian, habité par des stars de la chanson et du cinéma. Malgré les airs de paradis de ce Beyrouth d’avant la guerre civile, la situation commence à se dégrader, et les tensions montent entre druzes, chrétiens, chiites et sunnites. Aussi, lorsqu’une bombe explose dans le parking de l’immeuble Yacoubian, le père trouve la situation moins grave qu’à Aden.

Extrait n°1 :

« On lui avait donné moins de vingt-quatre heures pour quitter Aden. » (p. 48)

Son plus effrayant face-à-face avec le NLF eut toutefois lieu en novembre 1967, lorsqu’un petit groupe d’hommes masqués vint l’enlever dans son bureau, en mode gangster, avant de le séquestrer pendant trentesix heures. Nous avons entendu plusieurs versions de cette histoire, que Mohamed a répétée pendant des années à ses invités, à Beyrouth puis au Caire. Il est difficile d’en réconcilier tous les détails, mais les points principaux restent les mêmes. « Ils m’ont attaché à une chaise (là-dessus, il n’a jamais varié). J’ai demandé une cigarette (je le croyais aussi là-dessus, car il a fumé comme un pompier jusqu’en 1972). Leurs visages transpiraient l’envie », disait-il de ses ravisseurs, qui, par défi, avaient ôté leurs masques. S’il affirmait n’en avoir reconnu aucun, aux yeux de ma mère, certains étaient probablement d’anciens prestataires que sa démesure avait rendus jaloux. Le montant de la rançon pouvait augmenter ou diminuer en fonction du public, mais il se chiffrait toujours en milliers de livres sterling. Un point était incontestable. On lui avait donné moins de vingt-quatre heures pour quitter Aden. Imaginez ce que c’est que de devoir reloger en un jour une famille nombreuse (ainsi que d’autres personnes à charge) dans un nouveau pays, en laissant tout ce que vous avez, ainsi que tous les gens que vous connaissez, sans savoir si vous les reverrez. J’ai toujours cru que j’avais eu de la chance d’être trop jeune pour prendre la mesure de la souffrance d’une famille ainsi arrachée à son pays. Les pertes étaient financièrement immenses, mais émotionnellement incalculables.

#Le Caire, 1977

« Tout le monde était assis devant le poste de télévision, en train de regarder l’Egypt Air présidentiel à son atterrissage sur le sol israélien. Le seul événement comparable en Amérique du Nord serait Apollo 11 en 1969 ou l’élection de Barack Obama en 2008. » (p. 7)

Tandis que Kamal écoute de la pop occidentale et que ses sœurs choisissent leurs bikinis pour les vacances, l’Égypte entre en état d’alerte à partir de la guerre du Ramadan/Kippour en 1973, et les accords de Camp David à la fin de l’année 1977 font basculer le Moyen-Orient dans une ère de radicalisation.

Extrait n°2 :

« Depuis cet été 1977, le Moyen-Orient a changé autant que ma famille. » (p. 15)

Depuis cet été 1977, le Moyen-Orient a changé autant que ma famille. Cette année m’apparaît comme décisive du point de vue des valeurs – tolérance, curiosité, égalité, ardeur au travail et mobilité sociale – que mon père cultivé et ma mère illettrée avaient essayé d’inculquer à leurs enfants. Nous vivions dans un monde laïc où la liberté de culte – nous eûmes beaucoup d’amis et de voisins chrétiens au Caire et mon père négocia avec la petite communauté juive d’Aden – et la liberté religieuse allaient de pair, du moins en apparence. Cela faisait exactement dix ans que nous avions été chassés d’Aden à cause des sentiments et des intérêts probritanniques de mon père. Après une dizaine d’années à Beyrouth, celui-ci avait guidé son troupeau de onze enfants au Caire comme vers un havre de paix – et c’est très certainement ce que cette ville est restée jusqu’en 1977, époque à laquelle le réseau essentiellement clandestin des Frères musulmans est réapparu sur la carte sociale et politique égyptienne pour prêcher l’évangile du « retour à l’islam ». Le séjour du président Anouar el-Sadate en Israël pour négocier la paix ne fit que renforcer la détermination des islamistes à imposer leur philosophie. C’est vers la même époque que notre école, un établissement privé mixte pour la classe moyenne du Caire, recruta sa première enseignante voilée. À peine âgé de treize ou quatorze ans, comme beaucoup de mes amis égyptiens et autres expatriés arabes à l’Education Home du quartier de Dokki, je sentais qu’une évolution était en cours. Le jour où Mlle Afaf essaya de convertir les élèves au port du voile, elle provoqua une fronde chez les parents.

#Gay/Le Caire

« Mon séjour en Angleterre m’avait donné du courage et, dans un moment de confiance, j’avais appelé le numéro d’aide de Liverpool pour chercher des informations sur le milieu homosexuel du Caire. L’aimable opérateur m’indiqua, à ma grande surprise, que plusieurs bars apparaissaient dans Spartacus, le guide gay international. “Vous êtes sûr ?” lui demandai-je, incrédule. » (p. 154)

Fin 1981, alors que l’assassinat du président Sadate par les Frères musulmans accentue la contrainte du retour au Yémen, Kamal rend visite à sa sœur Faiza à Liverpool. À son retour, il commence à fréquenter le milieu gay – insoupçonné jusque-là – du Caire.

Extrait n°3 : « Le public occidental était invité par des homosexuels égyptiens. » (p. 157)

Ahmad, tailleur, et Bill, son partenaire américain professeur dans le secondaire, proches de la quarantaine tous les deux, me prirent sous leurs ailes. Ils échangeaient en anglais ou dans un arabe poussif. Ahmad, issu de la classe ouvrière, devait principalement sa maîtrise de la langue anglaise à ses liaisons avec des Américains et des Britanniques. Je leur servis parfois de traducteur. Je n’aurais pas pu être plus heureux. Ce fut grâce à eux que je découvris le véritable milieu gay du Caire – pas celui des rencontres avec des étrangers dans des hôtels –, qui se déployait autour du quartier miteux d’Haret Abu Ali. Parmi tous les chapitres de mon existence, celui-ci m’apparaît presque irréel. On aurait dit qu’une cité perdue dont je n’aurais entendu parler que dans les contes existait réellement et qu’il suffisait de monter dans un taxi pour y aller. De vieilles danseuses du ventre qui avaient connu des jours meilleurs s’y produisaient dans des cabarets devant un public de machos et d’efféminés. Le public occidental était invité par des homosexuels égyptiens, et il fallait comprendre l’arabe dialectal pour pouvoir rire des numéros ou des chansons. Si je détestais ce genre de musique, sa valeur camp et sa signification dans le milieu gay local m’apparurent sur-le-champ. J’avais toujours aimé la danse du ventre et la crise religieuse qui secouait le pays entravait de plus en plus de vocations. Ces soirées me projetaient dans le Caire de l’âge d’or, celui des années 1950 et du début des années 1960 que je connaissais grâce à la télévision. Évidemment, cela ne pouvait pas durer.

« Sanaa ? Cette cité d’allure médiévale que nous n’avions vue que dans les guides de voyage et sur les mauvaises cartes postales que nous recevions de notre famille à quelques occasions particulières ? Je compris aussitôt qu’il fallait absolument que j’évite de passer le restant de mes jours dans un pays où la charia autorisait les pendaisons publiques. » (p. 17)

Lorsque la famille est contrainte au retour au Yémen, Kamal comprend qu’il lui faut fuir en Occident, ne serait-ce que parce que parce que son propre frère Helmi s’est converti à un islamisme radical.

Extrait n°4 : « “Bien fait pour eux”, dit-il nonchalamment. » (p. 177)

La stricte adhésion à l’islam des différentes classes et catégories de la population rendait l’adaptation d’autant plus difficile. Il était impossible d’organiser sa journée sans tenir compte des cinq appels à la prière – à l’aube, à midi, dans l’après-midi, au crépuscule et dans la nuit – dès lors que tout le monde les respectait. L’islam en question était par ailleurs un zaïdisme rigoriste, appliquant la charia. Jusqu’en 1987, la pendaison ou la flagellation publique dans un lieu désigné de Sanaa passait pour un divertissement pour certains habitants. Le jour où il fut annoncé que deux hommes surpris en flagrant délit de « sodomie » devaient recevoir le fouet après les prières du vendredi, j’eus un malaise physique qui ne fit qu’augmenter quand j’entendis la réaction d’Helmi. « Bien fait pour eux », dit-il nonchalamment. Le Yémen avait durci le comportement de ce frère pratiquant et il usait aussi très activement les défenses de mes sœurs.

#Yémen : de la guerre civile à la catastrophe humanitaire

« À l’été 2001, je rentrai ainsi au Yémen. Aucune conversation téléphonique, aucune lettre n’aurait pu me préparer à ce qui m’attendait là-bas. » (p. 256)

Kamal rentre pour la première fois au Yémen juste avant le 11 septembre 2001, occasion à laquelle il entend parler pour la première fois d’Oussama Ben Laden sur la chaîne de télévision du Hezbollah. Depuis lors, à chacun de ses séjours, il suit la dégradation des conditions de vie au Yémen, jusqu’au « Printemps arabe » et au déclenchement de la guerre civile et de la catastrophe humanitaire en cours.

Extrait n°5 : « Personne ne chante pour le Yémen. » (p. 300)

Était-ce tenter le destin ?

La question revenait me tarauder pendant que j’écrivais, effaçais, réécrivais (et réeffaçais) les premiers mots de cette postface pour l’édition française que vous tenez entre les mains. Croyais-je vraiment que le Yémen ne pouvait pas connaître pire qu’en 2012, année sur laquelle se termine l’édition anglaise de ces Mémoires des extrêmes, selon le sous-titre choisi, et qu’il ne pouvait pas s’éloigner davantage du Canada où je vivais ? Je me trompais lourdement. Depuis dix ans, le Yémen est entré dans un purgatoire de violence et de destruction de masse à côté duquel les dix ou vingt années précédentes font désormais figure d’âge d’or.

Comment cela s’est-il produit ? Quel est cet univers qui laisse mourir les enfants de faim et de malnutrition, qui laisse détruire les infrastructures et ruiner l’économie d’un pays tout entier pendant que le monde regarde impuissant ou tire profit de la situation ?

#Gay/Sanaa

Je ne sais pas pourquoi je pose des questions dont j’ai déjà la réponse. Peut-être est-ce une façon de repousser, ne serait-ce qu’un instant, la douleur d’affronter les événements qui ont fait déclarer là-bas par les Nations unies une catastrophe humanitaire sans équivalent dans le monde depuis la famine en Afrique de l’Est dans les années 1980. (Sauf que cette fois, il n’y a pas eu un bataillon de stars pour entonner Do they Know It’s Christmas et We Are the World, les deux 45-tours qui, en 1984 et en 1985, ont réuni plusieurs millions de dollars pour l’action contre la faim : personne ne chante pour le Yémen.) Peut-être est-ce un moyen de laisser un espace au doute et à l’hésitation avant d’en venir à ces certitudes que sont la tragédie de ma famille et ma propre impuissance, la réaction somme toute irrationnelle que j’ai eue face à elle. […] Comme je regrette les promesses du Printemps arabe, que je préférerais encore oublier ! Comme j’aimerais retrouver l’impression que j’avais, en 2012, quand je pensais que mes inquiétudes quant à la sécurité et au bonheur de ma famille pourraient nous rapprocher, réduire le fossé entre nos extrêmes. Le fait est que, matériellement, nous sommes plus éloignés que nous ne l’avons jamais été au cours des trente dernières années.

Recensions :

Mathew Hays, The Globe and Mail : « Tant de seuils identitaires sont franchis dans Intolérable qu’on a le vertige : classe, ethnicité, genre, orientation sexuelle, nationalité, religion et degrés de pratique religieuse. Ce livre sur les rapports tourmentés d’une famille à l’Histoire – et sur les rapports délicats d’une région du monde avec la modernité – contient tous les éléments nécessaires à une grande autobiographie : il est aussi émouvant que complexe. »

https://www.theglobeandmail.com/arts/books-and-media/intolerable-by-kamal-al-solaylee/article4209631/

Adrian Brooks, Lambda Literary :

« Dans ces mémoires d’un homosexuel courageux, avec en toile de fond le conflit entre les valeurs démocratiques et l’obscurantisme d’un monde arabe en plein bouleversement postcolonial, le microcosme est surtout un reflet du macrocosme. L’histoire, douloureusement intime par moments, notamment lorsqu’elle évoque une famille qui ne peut plus supporter de regarder les photos de l’époque où elle était libre, prend des proportions épiques avec la séparation familiale et avec le tumulte du “Printemps arabe” »

https://lambdaliterary.org/2013/09/intolerable-a-memoir-of-extremes-by-kamal-al-solaylee/

Jeet Heer, The Walrus :

« Des mémoires aussi puissants qu’intimes… une lecture nécessaire. »

https://thewalrus.ca/from-the-middle-east-but-no-longer-of-it/

Diane Anderson-Minshall, Advocate :

« Intolérable est un livre complexe et stimulant, ne serait-ce que parce que l’histoire d’émancipation qu’il raconte s’accompagne d’une analyse culturelle des différences irréconciliables liées à l’ancrage moyen-oriental d’Al-Solaylee ainsi qu’à l’appel de l’Occident. »

https://www.advocate.com/print-issue/current-issue/2013/07/12/new-queer-memoirs-way-we-were

ISBN : 978-2-493205-04-9

© Perspective cavalière, 2023

Graphisme : Débora Bertol

Nuril Basri

Le rat d’égout

Traduit de l’anglais (Indonésie) par Étienne Gomez

Roni, jeune écrivain indonésien dont le premier roman a eu un éphémère succès, tombe amoureux d’Eliot, un agent littéraire français invité pour un festival à Jakarta. Entre eux se noue une intimité ambiguë qui fait toute la matière de ce nouveau roman, écrit en partie en Europe où l’auteur part faire une tournée promotionnelle inattendue.

Né dans un village de Java occidental, Nuril Basri vit dans la marginalité à Jakarta. Après Not A Virgin, inspiré de sa formation dans un pensionnat islamique et publié en traduction anglaise avant l’original indonésien, Le rat d’égout évoque ses débuts en littérature. Inédit en anglais, langue où il a été écrit, ce livre est ici présenté en avant-première au public français.

#queer #asie #asiedusudest #marges #marginalité #postcolonial #decolonial

Date de publication : 30 janvier 2023

Contact presse & librairies : Couverture souple avec rabats Étienne Gomez Antony Thalien

Illustration : Christophe Merlin

12,9 x 19,8 cm 06 79 91 82 83 06 31 20 71 63

160 pages, 18 € editionsperspectivecavaliere@gmail.com

« J'ai beaucoup aimé ce court roman, vif et plus profond que Roni veut bien nous le faire croire. J'ai aimé le ton, l'humour, l'écriture libre, moderne (belle traduction d’Étienne Gomez, également l'éditeur), la concision, Nuril Basri va au plus direct ! » (Yves Mabon, Lyvres)

#la rencontre avec Eliot (incipit)

Jamais je n’avais vu Jakarta sous cet angle. De mon point de vue borné, toujours biaisé par le besoin d’être au centre de tout, ce n’était qu’une ville saturée de fils électriques où les gens se marchaient sur les pieds, quitte à s’excuser ensuite. Bon, pas toujours, mais de toute façon je m’en fichais. Je ne restais jamais longtemps et ne gardais aucun souvenir de mes allées et venues. Puis j’ai dû passer quelques nuits là-bas dans des guesthouses et j’ai compris que c’est une ville qui offre des choix. Mais ce n’est pas sur la capitale que je veux écrire. C’est sur Eliot.

Ce jour-là j’avais décidé d’aller à un petit festival littéraire. Je n’étais pas invité mais j’étais venu quand même pour observer les gens. J’aime bien ça, observer les gens. Une chose qu’il faut que vous sachiez, c’est qu’il y a quelques années j’ai écrit un roman sur un type si aigri qu’il passait sa colère sur tout. Un peu à mon image, pour la petite histoire. Mais ça plaît, les gens ont acheté le livre et il y a eu des articles dans la presse. Pas pour ça que je suis devenu une star ni l’auteur qu’on s’arrache. Un an plus tard, mon roman prenait la poussière en librairie et perdait de son écho. Maintenant que je vous ai parlé de cet unique succès, je dois vous dire pour ma défense que j’ai écrit un certain nombre de textes ces deux dernières années, pas tout à fait finis mais presque. Bientôt peut-être.

Cet événement – le festival littéraire, je veux dire – dure deux jours et il y a plein de conférences. Le plus souvent dans ce genre de manifestation je m’installe au dernier rang. Je ne juge pas ce que disent les intervenants, parce que déjà je m’en fiche et, franchement, je ne suis pas super intelligent. J’aurais bien aimé, mais je crois que ça m’aurait rendu arrogant. De toute façon je n’étais pas là pour serrer la pince à des

Photo : © Nuril Basri

auteurs connus ni pour faire la conversation. Ils ne m’intéressent pas tellement. De vrais snobs, pour certains. J’étais là pour revoir Eliot, que j’avais rencontré deux ans plus tôt. J’aimais beaucoup Eliot. Avec sa stature impeccable et son visage parfaitement symétrique, je vais le présenter comme un jeune dieu. Je l’avais rencontré à l’un de ces événements littéraires où les écrivains émergents viennent parler de leurs livres. Un grand moment dans ma vie, vous le sentez. Si vous connaissez ce monde-là, vous savez qu’il n’y a pas plus hype que la foire de Francfort. Eliot était donc là, très sûr de lui. Quand je l’ai aperçu derrière moi, je me suis dit quel dieu ! Il était un peu plus âgé que moi. Six ans, peut-être plus. Pas sûr. Maintenant j’ai vingt-six ans, si ça vous intéresse. Et il était beau- coup plus grand ! Un vrai modèle de propagande nazie : mâchoire sculptée, barbe sexy pas trop fournie, courts cheveux poivre et sel –la version blonde –, et de beaux yeux gris-verts qui paraissaient briller, peut-être à cause des éclairages. Je devais faire un peu biche dans les phares quand j’ai engagé la conversation, mais il m’a souri et il m’a tendu sa carte de visite. C’est comme ça que j’ai pu le chercher sur Facebook, car voilà ce que font les gens comme moi. Et on est devenus amis. (p. 7-9)

#la photo dans le fauteuil de Thomas Hardy

Pendant son séjour au Royaume-Uni, Roni est généreusement accueilli par Nikita. Tout se passerait au mieux si le mari « très upper class » et un peu snob de Nikita n’accueillait Roni avec un embarrassant silence…

Nikita, qui venait de déposer une tasse devant moi sur la table basse, est repartie chercher un cake que j’ai dégusté avec enthousiasme. Je me sentais un peu mal à l’aise dans ce salon, d’autant que le mari de Nikita ne s’était toujours pas présenté.

« Alors, qu’avez-vous donc écrit, comme ça ? »

Monsieur m’adressait enfin la parole.

« Un roman, William ! Je t’en ai déjà parlé. Je te l’ai même montré ! » a répondu Nikita avant de s’installer pour siroter son café

Il s’appelait donc William. Il s’est replongé dans les pages de son journal. Ne sachant quelle contenance me donner, je me suis mis à gigoter les jambes. Nikita m’a souri doucement. Moi aussi, je lui ai souri. C’était la première fois que je rentrais chez des Anglais. Il y avait des objets partout, vieux, disparates, ambiance musée. Rien de très futuriste.

« Tiens, montre-lui le fauteuil ! » s’est soudain exclamé William après deux ou trois minutes d’un silence assez gênant.

Nikita m’a demandé si je voulais le voir.

« Le fauteuil ? Quel fauteuil ? »

J’imaginais déjà un instrument de torture. Elle m’a dit de la suivre dans le bureau, une pièce qui semblait avoir résisté à plusieurs tentatives de mise en ordre. Il y avait des piles de livres et de journaux partout, et des plantes qui piquaient du nez.

« Vous voyez ce fauteuil dans le coin ? Le fauteuil isolé ?

– Oui, plus tout jeune.

– Le fauteuil de Thomas Hardy ! William en est devenu propriétaire il y a plusieurs années.

– Un si grand romancier ! »

William venait de nous rejoindre, et sa voix m’a surpris.

« Vous avez lu son œuvre ? »

Sans chercher à mentir, j’ai fait non de la tête. Je voyais déjà tomber sur moi le regard condescendant de William, mais Nikita s’est empressée d’intervenir.

« Venez, asseyez-vous dedans. Vous aussi, vous êtes romancier ! »

J’ai obéi en soupirant. Le fauteuil était vieux et plus si confortable. Nikita m’a souri, et je lui ai souri aussi.

« Vous voulez une photo de vous dans le fauteuil ?

– Oui, bonne idée », j’ai répondu en lui tendant mon téléphone.

J’ai posé le menton en l’air, genre gentleman sauf que je n’étais pas du tout à l’aise. Sur la photo j’ai l’air très malheureux mais Nikita était ravie. Puis elle a dit qu’elle devait se mettre aux fourneaux et que les invités ne tarderaient plus. C’étaient des gens qui voulaient me rencontrer.

« Des amis, ne vous inquiétez pas. »

Je n’ai rien répondu. (p. 82-84)

#le rat d’égout mange du steak

À la fin de cette rencontre, la directrice du National Centre for Writing est venue me demander ce que je voulais au dîner. Je lui ai répondu que tout me convenait. Je suis un rat d’égout ! Mais elle m’a dit que, comme c’était ma dernière soirée à Norwich et que toutes les rencontres s’étaient bien passées, il fallait fêter ça. J’ai d’abord proposé des pâtes, mais très vite, à l’idée d’être invité, j’ai changé de réponse et opté pour un steak.

« Un steak, très bonne idée ! » elle a répondu d’un air satisfait, avec un accent rauque.

Wynona – tel était son nom – aurait mérité que je la remercie de s’être aussi bien occupée de moi pendant tout mon séjour. J’aurais aimé l’avoir comme tante, ou comme grande sœur avec une grande différence d’âge, comme ça j’aurais pu lui piquer ses chouettes tailleurs ! Je pense toujours beaucoup à elle.

On est partis au restaurant à pied dans le vent froid avec un petit groupe. Nos pas claquaient doucement sur les pavés. Comme ça faisait deux ans que je n’avais pas mangé de steak, je salivais déjà. Je sentais le goût sur ma langue ! Ça fait du bien parfois de penser à la nourriture !

Le steak, énorme, est arrivé sur une ardoise chaude. C’est sans doute la viande la plus délicieuse que j’aie mangée de ma vie. J’ai savouré le tout tranche par tranche, en introduisant chaque morceau délicatement dans ma bouche. J’ai pris soin de bien mâcher, aussi. Une trentaine de fois chaque morceau !

Après le dîner, on s’est tous dit au revoir.

Dans ma chambre, j’ai fourré mes vêtements dans ma valise pour ne pas être pris par le temps le lendemain matin. Je me suis assis sur le bord du lit, la gorge sèche.

Le steak que je venais de manger avait coûté l’équivalent de plus de 500 000 roupies ! Je savais que je n’en dormirais pas de la nuit. J’étais triste et j’avais envie de pleurer. Je l’avais trouvé tellement bon, ce steak, que je me jugeais atrocement coupable de l’avoir tant savouré.

J’ai eu une pensée pour ma mère, qui n’avait jamais rien mangé de semblable. Et que dire de ces vieux qui claquaient toutes leurs économies dans leur pèlerinage ? Ou de tous ceux qui n’avaient pas les moyens de se payer à manger ? Je venais d’engloutir un steak au prix d’un mois de loyer ! J’avais l’impression d’avoir lésé tellement de monde que ça me rendait malheureux. Je me sentais mesquin, abominable. Serrant les lèvres et le cul, je me suis interdit de vomir et de chier. (p. 76-78)

Recensions :

- Yves Mabon, Lyvres : https://www.lyvres.fr/2023/02/le-rat-d-egout.html

- Guillaume Contré, Le Matricule des Anges : https://www.lmda.net/2023-03-mat24134-le_rat_d_egout?debut_articles=%4012869

- Marc Verlynde, La Viduité : https://viduite.wordpress.com/2023/03/30/le-rat-degout-nuril-basri/

Entretien avec Nuril Basri, par Jean-Davy Dias pour RegArts : https://regarts.org/Interviews/nurilbasri.php

Journées d’étude et publications académiques :

- Étienne Gomez, « Translating and publishing Asian Queer: Nuril Basri’s The Sewer Rat », Paris, Sorbonne Nouvelle, 15 mai 2023.

- Étienne Gomez, « Nuril Basri, figure de la marginalité littéraire en Indonésie », Aix-Marseille, 17-18 novembre 2023.

- Étienne Gomez, « Exister par la traduction : le cas de Nuril Basri (Indonésie) », La Main de Thôt (Toulouse Jean Jaurès), n°12, 2024 « Traduction et Résistances » (proposition en attente de réponse).

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