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Nouveautés avril-juillet 2025 Beaux-arts Architecture

Photographie Cinéma Musique

Écrits sur l’art

DIDIER RITTENER

D’après, à cause, grâce à, etc.

Il les avait brièvement prévenu·e·s.

Il leur donnerait des images et ils·elles écriraient dessus.

Pas matériellement dessus, mais à leur sujet. Ce n’étaient pas n’importe quelles images.

Les dessins sont issus d’une série intitulée Libre de droits, un titre qui provient d’encyclopédies visuelles autorisant la reproduction et servant d’inspiration aux artistes. La pratique du dessin est ici envisagée comme une économie de moyens pour tenter d’absorber les motifs et les inscrire dans l’inconscient collectif Quels récits sont transportés par l’image ? Comment opèrentelles sur notre compréhension du monde ? Pour répondre, Didier Rittener a proposé à des auteurs et des autrices d’écrire une notice. Par sa forme concise et sa vision synthétique, la notice est un genre en soi, suffisamment captivante pour être lue, suffisamment claire pour transmettre des informations. Dans cet ouvrage, elle est un espace laissé à l’imagination pour ouvrir des points de correspondance avec le dessin.

Avec des textes d’autrices et d’auteurs tels que Carla Demierre, Valérie Mréjen ou Philippe Rahm, le livre remet les images dans une circulation collective et les fait entrer dans la légende.

collection CAT. Contextuel

format 12 x 20 cm, 228 p., broché isbn 978-2-88964-079-9 prix CHF 24 / € 24

La notice est ici conçue comme un espace créatif à part entière, laissant à chacun·e la liberté d’explorer et de proposer une perspective nouvelle

– descriptive, analytique,

narrative ou poétique – sur l’image qu’elle accompagne.

notices par Katharina Ammann, Caroline Anderes, Natacha Anderes, Ralf Beil, Christian Bernard, Marianne Burki, Anna Byskov, Joëlle Cachin, Garance Chabert, Jean-Pierre Criqui, Irène D’Agostino, Carla Demierre, Julie Enckell, Séverine Fromaigeat, Gilles Fürtwangler, Jérémie Gindre, Pamella Guerdat, Maria Guta, Carole Haensler, Cathérine Hug, Frank Lamy, Elisa Langlois, Pierre Leguillon, Claire Le Restif, Federica Martini, Jelena Martinovic, Valérie Mréjen, Damian Navarro, Joana P. R. Neves, Véronique Portal, Chantal Prod’hom, Fabienne Radi, Dominique Radrizzani, Philippe Rahm, Lucie Rico, Laurence Schmidlin, Benjamin Stroun, Claude-Hubert Tatot, Caroline Tschumi, Thu Van Tran, Isaline Vuille, Anaïs Wenger, David Zerbib

Didier Rittener vit et travaille entre Lausanne et Genève. Diplômé de l’ECAL, il enseigne à la HEAD – Genève. Grâce au dessin, il se questionne sur le statut et la pérennité des images. Par la lenteur d’exécution, le geste et la fabrication, cette pratique devient une façon d›intégrer les représentations des mondes que nous habitons, une économie de la lenteur pour une digestion engagée et partagée. La disparition est une notion constante dans son travail qui interroge les rapports entre la diffusion des images, leur reproduction et la notion de propriété. Portrait

Introduction

Entre autres

Il les avait brièvement prévenu·e·s. Il leur donnerait des images et ils·elles écriraient dessus. Pas matériellement dessus, mais à leur sujet. Ce n’était pas n’importe quelles images. C’était les siennes. Plus précisément, c’était devenu les siennes, car il ne s’en cachait pas, il les avait empruntées à d’autres comme sa terminologie le signalait : d’après, à partir de, notes. Il y avait aussi des images vraiment à lui, des photographies. Sous sa main munie d’un crayon gris, elles étaient aussi devenues des dessins. Mais comme tout ce qu’il s’était approprié en le recopiant, comme tout ce qu’il avait arraché à l’oubli, ces images ne lui appartenaient pas plus. Il les concevait libres de droits, selon le titre donné aux ouvrages qui présentent l’archive de motifs, phrases, ornements, paysages et figures, qu’il collecte depuis 2001. Ce titre lui avait été inspiré par la mention légale relevée sur la jaquette de l’Encyclopédie visuelle de

dans l’habitude, et l’important pour lui, c’était la variété de points de vue. Le temps a passé. Il s’est retrouvé avec tout ce qu’ils·elles avaient écrit des milliers de mots pour ses dessins. Il leur a donné une forme, celle du livre de poche traditionnel, en cohérence avec l’ambition portée par son travail artistique qui s’inspire des recueils de modèles : démocratisation du contenu et modestie des moyens. La légende précède chaque image qui précède chaque notice. À chacune sa page. Elles s’illustrent, se répondent, s’influencent, tout en conservant un statut équivalent, mais sans pour autant disposer de la même autonomie puisque seules les images peuvent s’émanciper de cet ouvrage, participant au système circulaire propre à la répétition comme à la reproduction. Les notices ont été placées dans l’ordre de création des dessins pour éviter qu’il ne doive se justifier de tout classement. La séquence s’est renouvelée jusqu’à la livraison du dernier texte. Il ne s’en est pas préoccupé, il a laissé faire. S’il a confié au hasard la tâche d’organiser la matière, il s’est montré plus personnel en donnant les sources de ses dessins de manière explicite et avec une précision méticuleuse.

Désormais tous·tes crédité·e·s, il pouvait s’effacer derrière eux·elles. C’était cependant sans compter sur le penchant de ses auteur·trice·s pour la loyauté. Il n’avait rien vu venir. Il était omniprésent, nommé incessamment. Certain·e·s en avaient presque fait un personnage. Ainsi, Didier Rittener propulse, Didier Rittener donne vie à l’épopée, Didier Rittener efface les frontières, Didier Rittener inscrit sur un vieux mur, Didier Rittener intègre, Didier Rittener indique, Didier Rittener prend la tangente, Didier Rittener se rend dans le bois de Chervettaz. Et puis, Didier Rittener est un enchanteur des temps passés, un peintre des univers, un artiste contemporain des préoccupations écologiques, un démiurge absolu, un classique contemporain. On le trouve parfois privé de son prénom, c’est alors juste « Rittener » ou encore « D. Rittener », mais aussi l’inverse, c’est alors familièrement « Didier ». Il arrive aussi qu’il ne soit désigné que par ses initiales dans lesquelles on ne peut s’empêcher de lire, comme une fatalité, la mention « Droits Réservés ». Alors quand il l’a prévenue qu’elle aussi écrirait, mais qu’elle ne pourrait pas choisir un dessin, qu’elle devrait parler de tous ou d’aucun, elle renonça à le citer. Après tout, comme elle n’avait pas reçu d’image, elle

J. G. Heck, publiée aux éditions L’Aventurine, en 2001, qui rassemble des milliers de motifs libres d’utilisation. Au moyen de cette désignation, il ouvrait ainsi une réflexion sur la diffusion des images, le principe de reproduction, la propriété non seulement intellectuelle mais aussi matérielle, la logique de marchandisation des biens culturels, l’économie circulaire du dessin, le désir de partage. En confiant ses dessins à d’autres, il ne pourrait donc les rendre coupables de recel puisqu’il ne ferait que leur déléguer la responsabilité de puiser dans ce répertoire iconographique pour créer. Il aimait aussi l’idée que les images se propagent. Il croyait à leur valeur publique, à leur statut de bien commun, tout en sachant qu’elles n’échapperaient pas à la propriété privée. Il le reconnaissait, la bataille était perdue. Pourtant, comment une image ne pourrait-elle être pleinement à soi, dès lors qu’on l’a saisie du regard ? N’est-elle pas une ressource mutualisée dans la mesure où elle forge nos représentations collectives du monde ? Comment imaginer que nul·le ne confisque les images existantes avant d’y ajouter les siennes pour que les suivant·e·s, à leur tour, assimilent ce qui les marquent, les interpellent, les attirent, et le restituent sous une autre forme ? N’y a-t-il pas là, à

travers l’histoire des images, un processus de construction d’une identité culturelle productrice d’humanité ?

Il a retenu un principe simple (un dessin, un·e auteur·trice, un texte), puis l’a mis en œuvre. Il a choisi les auteur·trice·s selon des affinités professionnelles, pré-sélectionné les dessins dont ils·elles pourraient disposer, déterminé la longueur des textes sur le modèle standardisé de la notice d’œuvre. L’origine du projet était d’ailleurs là : la légende comme objet textuel normé de l’histoire de l’art, puis, à partir de la légende, la notice, au format lui aussi clairement défini. Ils·elles se sont mis·e·s au travail. Ils·elles ont écrit. La plupart se sont révélé·e·s fidèles aux usages de leur métier : les écrivain·e·s et les artistes ont imaginé des récits, et les historien·ne·s de l’art ont replacé les images dans leur contexte et les ont analysées. Quant aux plus rares journalistes et architectes, ils·elles ne se sont pas davantage démarqué·e·s par leur approche. Tous·toutes auraient pourtant pu ignorer ses instructions, délirer, écrire à propos de tout autre chose, faire différemment que d’ordinaire. Il aurait tout accepté, mais finalement peu se sont aventuré·e·s hors de leur territoire. Rien qu’on ne puisse vraiment leur reprocher. La liberté se conquiert autant dans l’écart que

n’avait pas d’artiste, et comme il n’y avait pas d’artiste, elle n’avait personne à nommer. Ce serait lui comme tous·tes les autres, mais lui malgré l’anonymat, lui sans aucun doute. Lui qui, avec son archive d’images, réfléchissait à la question de la représentation, il disparaîtrait ici. Sa peine serait toutefois passagère. Il retrouverait son identité dès le premier texte. Laurence Schmidlin

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LdD 10. D’après une photographie du plafond d’un ancien appartement. [2002]

Le regard glisse, la main pendante, les doigts lassent. L’index légèrement surélevé souligne une agitation. Les ongles lissent touchent à peine le sol. La lumière révèle délicatement le parquet finement rayé. Des petits traits stridents envahissent l’ensemble de la surface. Des éclats rugueux dévoilent un joyeux assemblage en alternance saccadée d’obscurité et de brillance. Un envahissement de rayures s’éparpille et pétille à grande vitesse. Les angales de la pièce s’arrondissent, les couleurs fondent, la netteté disparaît. Les gestes frénétiques du tracé se répandent et projettent des reflets enflammés qui jaillissent contre les parois. La direction repose sur une transition lente, un déplacement tendu, un envoûtement progressif. La  chambre se penche, les murs inversés, les

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Ils habitent au fond d’une vallée qu’ils appellent Hill. Leur langue est le hilli. Eux seuls arrivent à s’y retrouver parmi une population où tout le monde porte les mêmes prénoms de génération en génération Mimi, Gigi, Il-il, Lili, Gil, Mili ou Miki. Ils ne connaissent pas l’eau mais une rivière d’un liquide appelé milk serpente au milieu du village. C’est selon eux l’équivalent du Nil. Ils ont tendance à boire un peu beaucoup de gin et se nourrissent exclusivement de mil qu’ils accommodent de mille façons dont un fameux gâteau, le 3/4. C’est un peuple sympathique. Les gens sourirent tout le temps, on dit qu’ils ont la joie de vivre malgré leurs carences et leur isolement. Bien sûr, comme tout le monde, ils connaissent des problèmes et sontparfois préoccupés, mais l’usage unique de la voyelle confère à leurs échanges une expressivité clownesque et des mines réjouies. Les

plaintes au plafond. Des fioles volantes, suspendues au ralenti, atterrissent. L’attirance de l’inversé promet l’avancée d’une incertitude. Inclinaison, un décor mutant. Les papillons sortent, motifs dessinés, motifs répétés. Invisibles, transparences et superpositions, les moulures en distorsion. Les ampoules se détachent, les cristaux se balancent. Les ornements se transforment, l’usure des détails creusés s’entremêlent et fusionnent. Les contours émergent pour mieux se retirer. Un éparpillement lointain avance, se distingue et disparaît. Les précisions sont floues et s’étalent aux allures de fleurs, de choux, de pousses tendres et d’étincelles. Le relief prend la forme d’une bavure nette, un désordre délimité, une île écrasée. Les yeux se retournent, les paupières se ferment. Les couleurs fusent et dessinent un axe qui scinde la pièce. Bris de glace, une dynamique, une chute dans laquelle l’avant à l’arrière irrite le réveil. Le corps suspendu, en état de pivoter, un basculement vertigineux traverse un enchevêtrement, un dédoublement. La suspension se déforme, se détache, offrant une profondeur impénétrable, un accès illimité. Un vertige décalé, l’œil écarquillé à l’affût d’un bouleversement étrange.

Pourtant, l’index est détenteur, en capacité d’exploser, l’ongle effleurant le sol, maintient stabilité. En posant sa pointe sur le parquet, la main garde un sens de gravité potentiellement renversé.

Anna Byskov

enfants jouent à « kill-king » tandis que les adultes tissent un immense kilim en lin. Ils ne connaissent pas le pluriel et ont une perception étroite des échelles de grandeur ils ne quantifient que par petites tailles. Cela va de mini à mini-mini-mini.

La petitesse étant souvent associée au mignon, l’adjectif mini sert à qualifier tout ce qui est joli, bien fait, esthétique, et même grandiose. Mini mini mini ! ! Ils ont des rides marquées à force de tirer sur les zygomatiques. Ils montrent leurs dents en parlant. Lorsqu’ils ne savent pas quoi dire, pour meubler, ils font hi hi hi.

Les mauvaises langues disent qu’ils sont arriérés, qu’ils vivent encore à l’époque Ming. En tout les cas, ils savent apprécier les bonnes choses. Il faut entendre le son Mmmmmm qu’ils produisent en se régalant. Pour une raison inconnue, seule cette planche dessinée leur serait arrivée. C’est sur cette base qu’ils ont développé leur langage. Ils savent lire et recopier plusieurs polices de caractères, mais pour eux l’alphabet se compose de huit lettres.

Valérie Mréjen

LdD 46 D’après différents caractères typographiques extraits de journaux. [2002]

LdD 65

LdD 65. Notes. [2002]

Une équipe de chercheurs a récemment mis au jour les vestiges d’une ville longtemps enterrée, dont les murs sont ornés de graffitis extraordinaires. Pourtant, ce qui a véritablement captivé les experts, ce n’est pas uniquement la richesse visuelle de ces anciennes œuvres d’art urbaines, mais les mots qui y sont inscrits : « fuck » et « no future ».

Dans notre société actuelle, gouvernée par la raison et dénuée de sentiments, ces expressions peuvent sembler sacrilèges, reliques d’un passé rebelle.

Habitués à une existence exempte de chagrin, de rage, de désespoir ou de toute forme de passion, nous nous retrouvons perplexes face à ces mots, cherchant à en saisir la signification profonde. Il convient de noter que dans notre monde contemporain, l’écriture manuelle n’existe pratiquement plus.

La technologie a pris le contrôle, automatisant les tâches et générant des textes dépourvus de toute touche humaine. Le simple fait de saisir un crayon et de tracer des mots sur le papier est devenu une pratique curieusement archaïque. Ainsi, ces graffitis, saturés d’émotions intenses, suscitent un étonnement inconnu et troublant, sinon dangereux.

Pour comprendre la rébellion des époques disparues, les chercheurs se sont tournés vers l’anthropologie et l’histoire des sociétés primitives qui ont habité notre planète. Poussés par leurs émotions bizarres et souvent irrationnelles, ces individus aimaient critiquer, protester, dénoncer et se battre contre ce qui semblait être les injustices de leur époque ou, souvent, simplement se battre entre eux. Ils aimaient les conflits et fondaient leurs actes sur des impulsions, ils aimaient prêcher et fondaient leurs paroles sur une rébellion vide. Leur résistance s’est avérée vaine, car ils n’ont finalement pas réussi à modifier leur destin fatidique. La multitude de « fucks » et de cris de « no future » gravés sur les murs de cette ville oubliée et sur les murs de leur nature humaine résume ce sentiment d’impuissance et d’échec.

Alors que notre société contemporaine s’épanouit dans une sérénité émotionnelle, la

découverte des ruines de la ville et de ses graffitis radicaux incite à l’introspection. Nous sommes confrontés aux échos d’une époque lointaine, où les sentiments bruts étaient monnaie courante et où les mots avaient le pouvoir de résonner profondément. Faut-il craindre que nos générations futures d’entités intelligentes trouvent dans ces graffitis une leçon sur le sens des émotions et de l’expression individuelle, facettes que leur existence rationnelle et sereine ne peut et ne doit pas reproduire ?

Didier
Didier

EN LIBRAIRIE AVRIL 2025

L’AVENTURE ART PRESS

Défendre les avant-gardes, construire le contemporain par

Flore DI SCIULLO

978-2-493458-15-5

19 ¤ TTC

144 pages + cahier central couleur, broché, 12x20 cm

Depuis 1972, art press s’est imposé comme un acteur incontournable de la critique d’art contemporain, mêlant audace et érudition. Fondée par Catherine Millet et Daniel Templon, cette revue pionnière a accompagné, analysé et parfois anticipé les grandes mutations esthétiques et sociopolitiques des cinquante dernières années. De la promotion des avant-gardes à ses prises de position parfois polémiques, art press a su se réinventer pour offrir un regard éclairé et critique sur les œuvres, les artistes et l’évolution des courants.

Ce livre retrace l’histoire unique de la revue, de ses début en noir et blanc à sa stature actuelle, hybride et incontournable. À travers une enquête rigoureuse, l’ouvrage s’appuie sur des entretiens, des archives inédites, et propose une analyse interdisciplinaire qui dévoilent les coulisses de cette institution culturelle.

Bien plus qu’une monographie : une plongée dans le monde de l’art, de la critique et de l’évolution des médias.

Flore DI SCIULLO est docteure en sciences de l’information et de la communication et chercheuse associée au laboratoire CARISM (Université Panthéon-Assas). Ses recherches portent sur l’histoire de la presse artistique en France, les mutations des réceptions de la critique d’art et des formats investis par les journalistes pour parler de culture.

LES POINTS FORTS

• Un récit captivant et bien documenté

• Un livre essentiel pour comprendre l’art contemporain en France des années 1970 à nos jours

• Une analyse interdisciplinaire valorisant la presse en tant qu’objet d’étude

également disponible en version ebook

L’AVENTURE ART PRESS

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Art press, « une revue qui traverse le temps »

Naissance et premières années d’art press, un programme nouveau pour critiquer l’art contemporain

Sous les pavés, la page : Rencontre d’une critique d’art et d’un galeriste sur fond de contestations

Naissance et premières années d’art press, un programme nouveau pour critiquer l’art contemporain

Stabilisation d’art press dans un contexte culturel en pleine mutation

Art press à son apogée : extension du domaine de l’investigation

Une revue d’art contemporain à l’heure de l’altermodernité : persistances, renouvellements, concessions

« L’art d’aujourd’hui, la mémoire de demain » : art press face au temps

Art press, une institution ? Jeux de réseaux et d’adaptation dans un écosystème changeant

Art press, Tel Quel, Peinture, Cahiers Théoriques et les autres : de collaborations en compétitions

« Nous faisons ce que nous pouvons » : critiquer le marché de l’art, c’est aussi composer avec lui

Rubriques, premières et quatrièmes de couverture : les contraintes de la fabrique éditoriale de l’art contemporain

Art press, une revue dans les arènes publiques : engager la critique d’art vers le débat de société

Dénoncer la censure et amorcer un débat public : une ligne de crête constante

Un « Forum » pour les lecteurs : art press et son public

CONCLUSION

EXTRAIT

[…] Dans son roman La Carte et le territoire, Michel Houellebecq narre le parcours de Jed Martin, un artiste qui construit progressivement sa carrière à succès au cours du roman : il obtient son diplôme de l’école des Beaux-Arts de Paris, participe à des expositions collectives puis obtient sa première exposition individuelle à la fictive « Fondation Michelin pour l’art contemporain ». Il est représenté par une galerie, multiplie les pratiques. Le roman, très documenté, laisse une large place à une description minutieuse des interactions sociales et des rapports de force entre artistes, collectionneurs, responsables d’institutions et critiques d’art. Michel Houellebecq s’attache à décrire les différents processus par lesquels un artiste peut parvenir à la notoriété, observant par exemple le rôle que peuvent jouer les critiques et les historiens d’art. […] Au-delà de son arc narratif policier, le roman frappe par sa dimension à la fois fictive et profondément documentaire, qui en fait un levier pour interroger les manières dont l’art contemporain est constitué collectivement comme une pratique culturelle et sociale. Outre son sujet, l’ouvrage lui-même et le succès qu’il a rencontré sont symptomatiques d’un changement de perception de l’art contemporain qui, depuis que le terme s’est imposé entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, est passé d’un statut de niche et de culture élitiste à celui d’une culture massivement partagée, trouvant place dans la production médiatique quotidienne et s’exposant dans l’espace public. On peut alors se demander comment une telle mutation se manifeste dans un format éditorial qui vient, de manière concomitante, enregistrer et contribuer à construire ces mutations : le périodique artistique, et en particulier art press, l’un des plus pérennes aujourd’hui publiés en France. Ce périodique a en effet été fondé en 1972 par la critique d’art Catherine Millet (qui en 2024 en est toujours la directrice de rédaction), le galeriste Daniel Templon et le collectionneur Hubert Goldet.

Art press s’est fondé et identifié sur une défense des avantgardes, et participe à la construction même de l’art « contemporain ». […] Plutôt que de penser l’art contemporain comme un concept prêt à l’usage, qui permettrait de mécaniquement désigner comme « contemporain » tout art produit à partir d’une date donnée, art press cherche davantage à interroger le rapport de l’art au contemporain, ce qui fait que, dans la friction de la production artistique et du fait social, le contemporain se construit. Or, depuis les années 1970, l’art contemporain s’est institutionnalisé et la légitimité de sa critique est remise en cause.

Collection PHOTOGRAMMES

MACHINES À DORMIR

Machines à dormir

Dirigé par Montasser Drissi, Wiame Haddad et Léa Morin.

Collection Photogrammes

15X21cm

800 exemplaires

15 e

ISBN : 9782958731441

Collection PHOTOGRAMMES

MACHINES À DORMIR MACHINES À DORMIR

Avec une oeuvre de Wiame Haddad commentée par Victorine Grataloup. Des contributions de Samia Henni, Hajer Ben Boubaker et Philippe Artières . Des textes, photographies et documents de Madeleine Beauséjour, Michèle Acquaviva, Med Hondo, François Maspero, Élie Kagan, Monique Hervo, René Vautier, et du Collectif Mohamed. Et des photogrammes de films (dé/re)montés par Léa Morin

Résumé :

MACHINES À DORMIR est un livre composé en 5 mouvements à partir de traces des luttes du logement de travailleurs déplacés en France et de leur représentation socio-historique (7m2), artistique (61), sonore (Assifa), filmique (Cinéma) et littéraire (Feu).

Il s’écrit à partir de la photographie de l’artiste Wiame Haddad À propos d’une chambre occupée (vision d’une soirée d’octobre 1961) et de photogrammes de chambres - comme espaces de colères et de luttes - tirés de films militants des années 1960 et 1970.

Accompagnés de photographies sur le mal logement de Monique Hervo et Elie Kagan, d’un corpus d’archives et documents des grèves des loyers et luttes anti-racistes des années 1970 (Sonacotra, MTA), des textes, anciens et nouveaux dénoncent le continuum colonial et tracent des lignes possibles entre les luttes et leurs outils (qu’ils soient politiques ou culturels), et réclament justice.

Collection PHOTOGRAMMES

Extrait 1 :

La chambre incendiée, par Philippes Artières

Un homme de 48 ans est mort jeudi 18 septembre 2014 dans l’incendie de sa chambre au deuxième étage du foyer logement Adoma Les Trépillots (ex Sonacotra) qui abrite de nombreux travailleurs étrangers rue des Saint-Martin à Besançon.

Tôt ce mercredi matin, 6 mars 2002, le feu a pris dans une chambre du foyer Sonacotra à Dreux dans l’Eure-et-Loire provoquant la mort deux hommes dont l’âge et l’identité n’ont pas été communiqués.

Une chambre du foyer Adoma situé rue Drogon à Metz a été détruite par les flammes le dimanche 22 avril 2018 au soir. L’incendie n’a fait aucun blessé mais vingt-trois personnes dont dix enfants ont dû être évacuées.

Le 10 juin 1998, un incendie d’origine indéterminée s’est déclaré vers midi dans le foyer Sonacotra de la rue de Villejuif. Le feu est parti d’une chambre du troisième étage, inoccupée à cette heure de la journée. Le sinistre n’a pas fait de blessé, il a en revanche occasionné des dégâts matériels assez importants. Selon le responsable du site, une dizaine de chambres du foyer qui en compte 280 sont inutilisables.

Sept personnes sont mortes et quatre ont été grièvement blessées dans la nuit de samedi 13 novembre 2010 dans un incendie survenu dans un foyer Sonacotra de travailleurs immigrés dans le quartier de Fontaine d’Ouche à Dijon. Le feu, qui s’est déclaré peu avant 1h30 dans une poubelle située à l’extérieur avant de se propager très rapidement à ce bâtiment de neuf étages, a également fait cent-trente blessés légers. Aucune piste –accidentelle ou criminelle – n’est écartée.

Sept personnes ont été légèrement blessées dans l’incendie qui s’est déclaré dans la soirée du lundi 23 juillet 2007 dans un foyer Sonacotra du XIIIe arrondissement de Paris.

(…)

Pourquoi les chambres des résidents des foyers Adoma / Sonacotra brûlent-elles aussi fréquemment ?

Pourquoi les chambres des résidents des foyers Adoma / Sonacotra brûlent-elles plus que les chambres des cités universitaires et plus encore que les chambres d’internat des grandes Écoles ?

Pourquoi les chambres des résidents des foyers Adoma / Sonacotra brûlent-elles plus que les chambres des foyers de jeunes travailleurs ?

Pourquoi les chambres des résidents des foyers Adoma / Sonacotra brûlent-elles ?

Quels sont les matériaux utilisés pour construire les chambres des résidents des foyers Adoma / Sonacotra pour qu’elles brûlent si fréquemment ?

Quel est le coût de la construction d’une chambre de résident des foyers Adoma / Sonacotra qui brûle fréquemment ?

Combien coûte la rénovation d’une chambre de résident des foyers Adoma / Sonacotra qui brûle fréquemment ?

Quel est le montant du loyer d’une chambre de résident des foyers Adoma / Sonacotra qui brûlent fréquemment ?

(…)

Photogramme du film Soleil Ô de Med Hondo, 1973

Collection PHOTOGRAMMES

MACHINES À DORMIR MACHINES À DORMIR

Détail. Calendrier du Comité de coordination des foyers Sonacotra en grève, Atelier de sérigraphie de l’Université de Vincennes, 1977, archives Association Transports

Foyer Sonacotra de Bagnolet en grève, 1976, archives Association Transports

Collection PHOTOGRAMMES

Extrait 2 :

Un Vichyste en Algérie et en France par Samia Henni

En France, ceux qui étaient appelés les « travailleurs immigrés », souvent relégués aux alentours des villes françaises et maintenus à l’écart de la société, ont contribué pleinement à ce qui est connu comme les Trente Glorieuses, entre 1945 et 1975. Ces années qui ont suivi le régime de Vichy et la Seconde Guerre mondiale sont caractérisées par une croissance économique rapide, une productivité élevée, une consommation frénétique, des avantages sociaux, et la planification et le contrôle étatiques sur une économie entrepreneuriale.

(…)

Durant les années de la Révolution algérienne et la création des camps français en Algérie, quand les femmes et les enfants des « travailleurs algériens » arrivaient en France, elles et ils arrivaient dans les bidonvilles destinés aux familles et s’installaient dans des baraques très sommaires et insalubres.

La plupart des abris étaient composés d’une chambre unique sans eau et sans électricité. Fathia qui habite dans l’un des bidonvilles de Nanterre surnommé « La Folie » témoigne : « Hier, j’avais huit bidons. J’ai lavé tout mon linge. Aujourd’hui, j’attends mon voisin pour qu’il aille m’en chercher, j’ai plus une goutte d’eau ; c’est fini, j’ai plus le courage de rien faire. L’eau c’est ça qui manque le plus, l’électricité ça ne fait rien. On met des bougies. Mais l’eau, vous ne pouvez rien faire sans eau. Pour tout, il vous faut de l’eau. »

(…)

Mohamed Zinet à Nanterre, rushes, René Vautier (1970) Rushes muettes filmées par le cinéaste René Vautier, en couleurs, mettant en scène le cinéaste et acteur algérien Mohamed Zinet dans les bidonvilles de Nanterre, probablement en préparation du tournage des Trois Cousins (fiction, avec Mohamed Zinet, 10 min, 1970). Vautier évoque en effet dans son ouvrage Caméra Citoyenne (éditions Apogée, 1998) les repérages menés à Nanterre.

Collection PHOTOGRAMMES

MACHINES À DORMIR

Extrait 3 :

Entre les chiens et des hommes par François Maspero

La manifestation du 17 octobre 1961 aura fait apparaitre dans notre pays d’humanistes l’évidence suivante d’un côté, des hommes qui ont eu le courage de cette présence massive, pacifique et silencieuse, dont l’extraordinaire dignité submerge tout : de l’«autre côté», les policiers en uniformes et les passants, les excités qui crient « bravo, allez-y, tapez fort », ou ces tristes Parisiens qui passent pressés, l’œil perdu, sans être concernés au milieu des coups et des assassinats... De cet autre coté, ce sont les chiens.

Nous savons donc maintenant, clairement où sont les hommes, où sont les chiens. Nous n’avons pas l’intention de nous étendre sur les manifestations du 17 octobre. Nous aurions voulu saluer nos Frères algériens. Mais nous ne nous en sentons pas même le droit : certes nos bien-pensants ont fait, immédiatement après, un effort important pour se désolidariser de leurs compatriotes. « Nous n’avons rien à voir avec le Pouvoir, nous n’avons rien à voir avec ces gens-là », criait M. Depreux à la petite manifestation du PSU le 1er novembre. Certes, on a pu voir les journalistes de « France-Observateur» clamer dans tout Paris : « nous voulons rencontrer un responsable algérien, vite, vite... » (de ces mêmes journalistes qui ne craignent pas d’écrire que l’on ne peut pas les accuser ici d’avoir jamais confondu la cause de la gauche française avec celle du peuple algérien… Certes l’on a assisté à la ruée indécente des reporters - de « Paris-Presse » à « France-Observateur » - sur le bidonville de Nanterre. Mais nous autres Français, nous tous les Français, aussi solidaires entre nous dans notre complicité de fait que les Algériens le sont entre eux dans le racisme qui les englobe, où en sommes-nous?

Le fait que le courage, l’héroïsme même des familles algériennes de la région parisienne ait réussi à faire enfin éclater jusque dans les rues des quartiers bourgeois l’atroce vérité, l’atroce visage de nos chiens en uniforme, ne doit pas permettre à qui que ce soit de se donner le luxe de ces comédies où l’on répète : Nous dénonçons. nous nous désolidarisons, nous ne sommes pas du même monde. IL EST TROP TARD. Les grands sentiments, même quand ils sont dictés par la peur, et surtout quand ils sont fondés sur cette prémonition primaire et avouée : après eux, ça va être nous, ces grands sentiments-là, qui peuvent-ils tromper ? Il n’y a pas de soir où dans Paris depuis sept ans ne retentit le cri des hommes que l’on roue de coups jusqu’au coma dans les paniers à salade de nos braves gens de la circulation ; sur les plus grandes artères de notre capitale l’obscène rituel du « contrôle d’identité » n’attire plus le regard que de quelques touristes allemands étonnés. Voici deux mois, fin septembre 1961, nous avons été avertis qu’un rescapé des noyades en séries de la Seine voulait faire une conférence de presse, donner des détails et des noms. C’était la première indication précise qui nous parvenait, la première fois que l’on citait ces pratiques. Il nous a été impossible de réunir le moindre journaliste stagiaire. Chacun se récusait. Il n’yavait pas matière à article, paraît-il, et puis c’est dangereux et enfin il y avait la saisie… Mieux valait continuer à boire sagement la bonne eau de la Seine polluée de la pourriture de bougnoule.

Il aura fallu cette nouvelle pression héroïque des « damnés de la terre » pour crever ce mur de la prudence confortable.

(...)

Collection PHOTOGRAMMES

MACHINES À DORMIR

À propos des éditions Talitha :

TALITHA est une maison d’édition associative (Rennes). Nos livres tracent des liens et ré-imaginent des circulations à partir de textes et images du passé en dialogue avec des écritures contemporaines : histoires du cinéma, recherches, récits documentaires, enquêtes, archives, textes militants, et écriture poétiques ou hybrides.

Les livres de la collection PHOTOGRAMMES s’écrivent en « gros plan » à partir de photogrammes (images fixes) de corpus de films, et se composent en collectif (artistes, programmateurs cinéma, écrivains, activistes, chercheurs). En associant librement des idées et des formes (textes, documents, photographies, transcription, fragments, notes) par le collage et le re-montage, il s’agit aussi bien d’inventer des généalogies fictives, que de tenter d’écrire des livres par le cinéma.

Photogrammes de M comme Malika par Anne-Marie Lallement, 1980

(taille réelle)

LA MAISON

Créée pour la valorisation et la diffusion de fonds d’archives, l’association Archivio consacre ses activités éditoriales à la publication de recherches dans le domaine des arts. La ligne privilégie l'accessibilité à l'art et à l'Histoire par le genre narratif et le document.

LA COLLECTION

La collection accueille de brefs récits de non-fiction dont un objet d’art est le héros. Chaque ouvrage décrit et analyse un épisode remarquable de la vie d’une œuvre d’art ; ses péripéties éclairent le contexte historique et les divers enjeux qui ont pesé sur son destin.

Ces « histoires de poche » (10 x 17 cm, 56 p.) conjuguent recherche et accessibilité pour créer une expérience de lecture aussi inattendue que plaisante et intense, avec autant d’action que de contemplation.

La collection accueille tous les domaines de la création et du patrimoine à travers le temps.

Deux titres sont publiés simultanément deux fois par an.

LES AUTEUR.E.S

Archivio collabore avec des professionnels de l’art proches des œuvres et des archives (historien.ne.s, conservateur.rice.s du patrimoine, archivistes, curateur.rice.s, etc.) qui diffusent le résultat de leurs recherches à partir de sources précises, et sous une forme narrative et accessible.

LE PARTENAIRE

ABM Studio (Paris) apporte sa créativité et son expertise graphique à la conception et la production d’un objet en phase avec le principe de la collection.

La peinture

Isabelle Limousin magicienne

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX - ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d’art et lecteurs sur l’actualité des arts, des collections et des expositions

n ° 6 de la collection

56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros diffusé et distribué par Serendip Livres parution : 2 mai 2025 ISBN 978 - 2 - 9589543 - 5 - 2

cinq illustrations couleurs et n&b sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie

tirage : 1 000 exemplaires

création graphique : ABM Studio

collection La vie privée des œuvres une histoire dont un objet d'art est le héros dans

Les numéro 5 et 6 de la collection « La vie privée des œuvres » sont liés par un thème commun : l’œuvre d’art comme butin.

Résumé

Une peinture contre de l’argent et des armes. C’est l’objectif du vol, en 1978, au musée municipal de Saint-Germain-en-Laye, d’une œuvre alors attribuée à Jérôme Bosch par deux membres du futur groupe terroriste Action directe. Comment une peinture de la Renaissance se retrouvet-elle au cœur des tensions exacerbées par les années de plomb en France ? Car le choix de cette œuvre par les activistes est troublant. Rarement tableau volé a si bien illustré les événements qui le concernent : L’Escamoteur paraît annoncer ce qu’il advient. Comme si la peinture avait eu la capacité de susciter, presque cinq siècles plus tard, ce qu’elle représente.

À propos de l'auteure

Isabelle Limousin est conservatrice en chef du patrimoine. Diplômée de la Sorbonne nouvelle, de l’École du Louvre et de l’Institut national du patrimoine, elle est l’auteure de nombreux articles, essais et interventions portant sur l’œuvre de Pablo Picasso et sur l’art contemporain, notamment dans ses rapports avec la science-fiction. Isabelle Limousin a été codirectrice du colloque « Le Musée, demain » organisé au centre culturel international de Cerisy en 2014.

collection La vie privée des œuvres une histoire dont un objet d'art est le héros

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX - ARTS / ESSAI

lectorat adulte amateurs d’art et lecteurs sur l’actualité des arts, des collections et des expositions

n ° 6 de la collection

56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros diffusé et distribué par Serendip Livres parution : 2 mai 2025 ISBN 978 - 2 - 9589543 - 5 - 2

cinq illustrations couleurs et n&b sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie

tirage : 1 000 exemplaires

création graphique : ABM Studio

La peinture Isabelle Limousin magicienne

Argumentaire

La collection « La vie privée des œuvres » des éditions Archivio combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile à acheter, à emporter et à lire dans un domaine réputé tout l’inverse : l’histoire de l’art.

Lapeinturemagicienne d’Isabelle Limousin est une « histoire de poche », avec autant d’action que de contemplation, traitant d’un thème d’actualité illustré par le destin d’un chef-d’œuvre de la Renaissance flamande conservé au musée municipal de Saint-Germain-en-Laye.

Isabelle Limousin analyse un fait divers célèbre de la fin des années 1970 : le vol de L’Escamoteur , alors attribué à Jérôme Bosch, par Jean-Marc Rouillan et Éric Moreau afin de financer leurs activités terroristes.

C’est par l’iconographie du tableau que l’auteure décrit l’épisode. Cette petite œuvre énigmatique, allégorie de la duperie, s’avère être le miroir de l’action criminelle au musée de Saint-Germain-en-Laye, ainsi que de ses suites.

C’est en rapprochant les différentes sources – les historiens de l’art, Rouillan, la presse, la police –que le discours sur l’œuvre comme les motivations et les circonstances du vol sont reconstitués, dans une variation de points de vue.

Le vol de L’Escamoteur par les fondateurs d’Action directe a été mis en abyme de façon spectaculaire au fil des années, à travers une vidéo d’artiste, une conférenceperformance, puis un podcast radiophonique et récemment une BD. Voici le dernier avatar : un essai sous forme de récit où l’art croise l’histoire.

L’Escamoteur est à la croisée de l’histoire du marché de l’art, du terrorisme international et de la révolution en marche des musées à l'aube des années 1980 : Isabelle Limousin rend compte de cette collision, avec attention et précision.

dans la même collection sur editionsarchivio.fr

Manuscrit Isabelle Limousin Lapeinturemagicienne

Iconographie (entièrement concentrée sur les plats de couverture en cours de maquettage)

1

Photographie extraite du reportage de la manifestation « R.E.R. LA FÊTE ! » (10-11 décembre 1977) dans le Journal de Saint-Germain , no 7, janvier 1978, n. p., Archives municipales de Saint-Germain-en-Laye, cote 9PER.

Légende de l’image dans le journal : « Dix jours de magie à Saint-Germain-en-Laye : spectacles, conférences, stages d’initiation, jeu-concours “Y’a un truc” dans les vitrines des magasins. Mais [Gérard] Majax et les 40 magiciens venus en renfort n’ont pas pu escamoter L’Escamoteur de Jérôme Bosch exposé dans le R.E.R. (et bien protégé !). »

Cette présentation publique aux 150 000 visiteurs (selon la RATP) eut lieu un an avant l’enlèvement de L’Escamoteur

© Ville de Saint-Germain-en-Laye

2

Entourage de Jérôme Bosch, L’Escamoteur , vers 1515-1520, huile sur bois, musée municipal Ducastel-Vera, Saint-Germain-en-Laye, inv. 872.1.87.

© Ville de Saint-Germain-en-Laye

3

Encart de l’article de Guy Le Bolzer, « De Paris à Chicago, les truands vont au musée », LeFigaroMagazine , 13 janvier 1979, Paris, p. 48.

4

Illustration de Tim d’après L’Escamoteur de Jérôme Bosch, L’Express, no 925, 31 mars 1969, Paris, p. 39.

(extrait)

Le mercredi 13 décembre 1978, à 17 heures, deux hommes pénètrent dans le musée municipal1 de Saint-Germain-en-Laye. Ils se rendent directement au premier étage et l’un d’eux se dirige vers une peinture. Il la décroche du mur, tandis que l’autre repousse le gardien d’un jet de gaz lacrymogène. Tous deux ressortent quelques instants plus tard avec leur larcin. Une voiture les attend, ils s’éloignent rapidement. Il est 17 h 05

Le vol de L’Escamoteura un retentissement immédiat. Cette peinture de la Renaissance alors attribuée à Jérôme Bosch est un chef-d’œuvre à la notoriété internationale. Le délit est relaté par la presse. Dans Le Mondedu 16 décembre, une brève intitulée « L’Escamoteur escamoté » souligne avec ironie l’extraordinaire correspondance entre le fait divers et le sujet de l’œuvre choisie par les voleurs. Elle représente, en effet, une scène de prestidigitation se déroulant devant une foule attentive : un magicien réalise un tour pendant lequel l’un des spectateurs, ébahi par son adresse, se fait voler sa bourse par un tiers.

La peinture est retrouvée quelques semaines plus tard. Le vendredi 2 février 1979, les voleurs qui espéraient recevoir une rançon tombent dans le piège tendu par la police. Au moment de l’échange présumé, l’un des malfrats, Éric Moreau, est arrêté tandis que l’autre, Jean-Marc Rouillan, s’enfuit. L’œuvre découverte sur la banquette arrière de leur véhicule est intacte.

L’Escamoteur , peint il y a près de cinq cents ans par un artiste flamand, et ceux qui fondent, quelques mois plus tard, le groupe terroriste Action directe n’ont a priori aucun point commun. Leurs chemins se sont pourtant croisés à l’occasion de cet événement tant rocambolesque que tragique.

Comment une peinture de la Renaissance conservée dans un musée municipal de l’Ouest parisien se retrouve-t-elle au cœur des tensions exacerbées par les années de plomb en France ? Quelle est l’intention des terroristes lorsqu’ils décident de voler une œuvre d’art ?

Et pourquoi ont-ils sélectionné celle-ci ? Car leur choix est troublant. Rarement tableau volé a si bien illustré les événements qui le concernent. L’Escamoteur paraît annoncer ce qui va advenir. Comme si, par la puissance de sa magie, la peinture avait la capacité de susciter, presque cinq siècles plus tard, ce qu’elle représente. Comme si elle avait orchestré son propre enlèvement.

Un chef-d’œuvre énigmatique

L’Escamoteur est considéré comme la première scène de genre de l’époque moderne. À ce titre, elle constitue un jalon fondamental de l’histoire de l’art. C’est l’une des rares certitudes à propos de cette petite œuvre énigmatique. Peinte à une date incertaine, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, elle a aussi reçu pour titre LeJongleur , Le Bouffon ou encore LePrestidigitateur . Son histoire n’est retracée par les archives qu’à partir de 1850, dans la collection de la famille Ducastel. Notaire, conseiller municipal et brièvement maire de Saint-Germain-en-Laye, Louis Alexandre Ducastel la lègue en 1872 avec l’ensemble de la collection2 à la ville pour fonder un musée. À l’époque, l’œuvre sans signature est donnée à Lucas de Leyde. Son extraordinaire qualité est remarquable. De petit format, sa composition simple et claire, centrée sur la seule scène de prestidigitation, le fond neutre, la raideur des corps, les visages de l’assemblée alignés à la même hauteur lui confèrent monumentalité, rigueur et intensité, créant une esthétique à la fois archaïque et moderne. En 1893, l’historien de l’art belge Henri Hymans rapproche cette œuvre du Jardindesdélices3 par Jérôme Bosch Certains experts penchent d’abord pour une œuvre de jeunesse. Né Jheronimus van Aken vers 1450 dans une famille de peintres installés à Bois-le-Duc (’s- Hertogenbosch en flamand, d’où le nom sous lequel il est connu), Jérôme Bosch meurt en 1516. Le corpus de ce peintre très célébré en son temps, puis redécouvert par les surréalistes au XXe siècle, est réduit. Seulement une vingtaine d’œuvres lui sont données avec certitude. D’autres le sont à son atelier ou ses suiveurs à une époque où le nom d’un artiste vaut pour la conception d’une œuvre plus que pour sa réalisation d’une seule main. D’autres encore sont de copieurs. S’agit-il d’une œuvre autographe ou d’une œuvre d’atelier ? D’une œuvre de jeunesse ? De la copie ancienne d’un original perdu ? C’est par la recherche que des réponses sont peu à peu trouvées : dans les sources archivistiques, par l’analyse scientifique de la matérialité de l’œuvre, par les expositions qui favorisent la confrontation des œuvres, et par les publications qui font le point sur les connaissances acquises sur cette œuvre ainsi que sur les autres de cet artiste4. Certains experts pensent que L’Escamoteur est lié à La Lithotomie (ou La Cure de la folie), portant également sur la tromperie ; son sujet est ainsi proche du triptyque du Chariot de foin , sur

les vices et tentations5. Au cours du XXe siècle, les experts tentent de percer les secrets d’atelier par un ensemble d’examens scientifiques. En 1936, un dossier de photographies en lumière directe et rasante est constitué ; il est complété en 1967 par une nouvelle série de photographies et des radiographies ; et en 1996, L’Escamoteurest soumis à la réflectographie infrarouge, qui permet d’accéder visuellement au dessin sous la couche picturale en affaiblissant son pouvoir couvrant. Il en résulte que l’œuvre est peinte sur un panneau de bois fait de deux planches de chêne à fil horizontal, positionnées tête-bêche et collées avec soin. Le panneau, qui présente une courbure d’1,5 centimètre, a un format de 53 × 65 × 1 cm. Il n’a vraisemblablement pas été modifié au cours du temps. Le revers ne porte pas de marque, mais une inscription manuscrite « Lucas Cranach », à l’encre noire, datant peut-être du XIXe siècle. Plus de cinq siècles après sa création, cette peinture est en excellent état de conservation.

Du point de vue stylistique, la forme est dessinée, le trait, fin et précis, le modelé, peu accentué et la couche picturale, lisse. Son étude permet de préciser la multiplicité et l’extrême sophistication des techniques employées pour réaliser cette peinture à l’huile appliquée en couches très fines qui présente une surface étonnamment émaillée.

Une première couche de préparation beige clair a été posée sur toute la surface. Un dessin sous-jacent, tracé légèrement à la pointe6, a posé la composition. Les fonds ont ensuite été peints, laissant en réserve les personnages. Pour le ciel, une sous-couche rosée – visible dans les craquelures prématurées – a été appliquée et recouverte d’un bleu d’azurite. La mise en peinture des personnages a suivi. Les tons les plus sombres d’abord, puis les plus clairs. L’artiste a réalisé des effets presque invisibles à l’œil nu, comme le modelé strié de la robe de l’escamoteur. Des glacis bruns, modulés du très clair au sombre, forment la dernière couche et contribuent à l’effet de volume. En 1997, la dendrochronologie, méthode de datation qui dénombre les anneaux de l’aubier (zone de croissance d’un arbre) précise que l’œuvre a été peinte sur un chêne de la Baltique à partir de 1502. Cette nouvelle information invalide l’hypothèse selon laquelle L’Escamoteur serait une œuvre de jeunesse de Jérôme Bosch, et relance les autres, en particulier celle de la copie ancienne d’un original perdu.

Les multiples tours de L’Escamoteur

Comme son attribution, l’iconographie de cette œuvre est sujette à interrogation. La simplicité de la composition, la netteté des formes et la vivacité des couleurs attirent l’œil au premier abord. Le petit format invite à se rapprocher. C’est la première manipulation en acte.

Un bateleur – ledit escamoteur – est placé à droite, revêtu d’une robe vive rouge vermillon et coiffé d’un haut chapeau noir, qui l’identifient immédiatement auprès de ses contemporains. Il présente une muscade ou escamote, petite boule de liège, à une assemblée située à gauche. À sa ceinture, pend un panier d’où sort la tête d’une chouette. À ses pieds, le petit chien de foire attend de faire son numéro. L’homme a disposé sur tréteaux une table avec deux gobelets métalliques, trois muscades, une baguette et un cône bicolore, placé près du centre de l’œuvre.

Le jeu des gobelets ou passe-muscade, dont l’origine remonte à l’Antiquité, très en vogue au Moyen Âge, est d’une grande simplicité. Un prestidigitateur présente quelques petits objets qu’il fait disparaître sous les gobelets, puis réapparaître à son gré. La bouche du bateleur est fermée : il captive par la dextérité de ses mains et la puissance de son regard, dirigé vers l’un des personnages de l’assemblée. Comme hypnotisé par le tour, le personnage est littéralement courbé en deux et crache une grenouille. Son œil est à l’exacte hauteur de la muscade ; tous deux ont la même forme sphérique. Au même moment, derrière lui, un homme portant la robe claire et le scapulaire de l’ordre des Dominicains, bésicles au nez, coupe le cordon de sa bourse.

L’assemblée des spectateurs, composée d’adultes et d’un enfant, chacun vêtu d’un vêtement à la dominante colorée distincte, incarne les stéréotypes d’une microsociété. Si leurs corps semblent manquer de volume, le modelé de leurs visages et leurs expressions sont rendus avec une grande finesse. Les regards, en particulier, sont aussi importants que les gestes. D’ailleurs, aucun ne regarde dans la même direction. Le clerc lève les yeux au-dessus de la scène pour détourner l’attention du forfait accompli par ses mains. Deux personnages, cependant, ne sont pas dupes de la situation : l’homme désignant de son index le voleur à la femme élégante à ses côtés, et l’enfant qui tient un moulin dans sa main, au pied de la victime. La limite du mur, le découpage du parement comme la table marquent des horizontales appuyées évoquant un rideau de scène, renforçant l’idée d’une représentation théâtrale. L’oculus (d’où vient le mot « œil » en français) où niche un oiseau, le cerceau du chien et le panier de la chouette forment trois cercles de diamètres comparables faisant écho à la rondeur de l’œil. Ils rappellent que le regard est au centre de cette scène, comme de l’art de peindre.

Une autre clé de compréhension est fournie par une version gravée. Lorsqu’il entre dans l’atelier de la famille Bosch vers 1550, Balthasar Sylvius van den Bos réalise une estampe d’interprétation de L’Escamoteur avec quelques modifications et ajouts7. La mention « IHERONYMUS BOSCH INVINTOR8 » qui y figure pourrait confirmer que l’œuvre à l’origine des autres est bien de l’artiste flamand. Van den Bos ajoute aussi les phrases suivantes : « Oh combien de tours de passe-passe ne trouve-t-on pas en ce monde ? Ceux qui grâce au sac à malices font merveille amènent par leurs tours trompeurs le peuple à cracher des choses curieuses sur la table. C’est ainsi qu’ils réussissent leur coup. Ne leur faites donc jamais

confiance, car si tu perdais également ta bourse, tu t’en repentirais » Le bateleur est un marginal, un vagabond présentant son tour de ville en ville dans la tradition des foires et des spectacles de plein air. Il emploie la magie, art populaire ancestral pratiqué en place publique qui fascine et effraie tant son pouvoir paraît surnaturel et possiblement trompeur. Des signes alertent pourtant du danger à venir : la présence d’un coucou qui a volé le logis d’un autre assis à côté, celle de la chouette, oiseau de la sagesse mais aussi des ténèbres, qui incarne la folie dans la culture flamande. Son intelligence diabolique caractérise l’escamoteur. Comme les œuvres religieuses de Bosch, telles que LeJugement dernier9 ou Le Jardin des délices , mieux connues pour leur inventivité fantasque et foisonnante, cette œuvre profane sans équivalent dans le corpus de l’artiste délivre un enseignement critique et moral qui contribue à l’élévation spirituelle. Outre les symboles, la situation sociale des personnages mis en scène dans la vie quotidienne fait partie des éléments signifiants : la sottise est associée à la naïveté des classes populaires. L’Escamoteur illustre ainsi le proverbe flamand « Qui se laisse séduire par des jongleurs perd son argent et devient la risée des enfants ». Cette œuvre qui inaugure un genre pictural nouveau – fait artistique majeur – apparait à un tournant de l’Histoire, celui de la transition entre deux mondes, celui du passage de la spiritualité médiévale à l’humanisme de la Renaissance. Mais cette farce satirique, allégorie de la duperie, stigmatisation de la crédulité, conserve encore bien des mystères. Que tient le prestidigitateur dans sa main gauche alors qu’un objet blanc en dépasse légèrement ? Est-il le complice du voleur ? Les objets sur la table formentils un motif ? Le badaud est-il un homme ou une femme ? La main du bateleur tend-elle une hostie dans un simulacre d’eucharistie ? Et pourquoi cette peinture intéresse-t-elle une faction terroriste ?

La France des années de plomb

L’enlèvement de L’Escamoteurs’inscrit dans le contexte très particulier des années de plomb. Les décennies 1960 et 1970 sont marquées en Europe par l’émergence de groupes d’extrême gauche, principalement en Italie et en Allemagne. Apparaissent ainsi entre 1969 et 1970 Lotta continua, Potere operaio, Gruppi d’azione partigiana, Sinistra proletaria, Brigate rosse et Rote Armee Fraktion, traduisant une ébullition idéologique, mais aussi une violence qui culmine notamment en mars 1978 avec l’enlèvement du président du parti démocrate chrétien italien Aldo Moro, le jour de l’investiture de son gouvernement. Il est retrouvé mort quelques semaines plus tard.

En France, après le mouvement de grèves et de manifestations de Mai 68, l’autodissolution de la Gauche prolétarienne (maoïstes) qui prône le recours à la violence comme arme de

lutte, et l’interdiction par décret ministériel en 1973 de la Ligue communiste (trotskistes) marquent un changement générationnel. Il favorise l’émergence de trois réseaux autonomistes les années suivantes, les Brigades internationales, organisation politicomilitaire d’inspiration maoïste, les NAPAP (Noyaux armés pour l’autonomie populaire, ouvriéristes et maoïstes) et les GARI (Groupes d’action révolutionnaire internationalistes), engagés dans la lutte antifranquiste. Jean-Marc Rouillan rejoint ce dernier groupe après avoir été membre du Mouvement ibérique de libération. Action directe, issu du rapprochement des trois groupes précédents, acte sa naissance par le mitraillage du Conseil national du patronat français (CNPF), avenue Pierre-1er-de-Serbie à Paris, le 1er mai 1979, fête du travail. Le même jour, en soirée, une dizaine de bombes touche la banque Rothschild, des agences de l’ANPE (aujourd’hui France Travail), des commissariats de police et des permanences de l’UDF. Le groupe, qui tire son nom de la théorie anarchiste, est un mouvement révolutionnaire, communiste et autonomiste, anti-impérialiste et anticapitaliste, prônant la libération du prolétariat et la fin du capital. Son modus operandi s’inspire du foco théorisé et mis en pratique par Che Guevara, qui consiste à engager une guérilla urbaine devant provoquer un large mouvement populaire d’émancipation par adhésion spontanée.

De ce moment à l’arrestation de Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et JeanMarc Rouillan dans une ferme du Loiret en février 1987, se déroule une intense décennie dont la violence va crescendo. Vols, recel, trafic d’armes et de devises, attaques à main armée, attentats et meurtres L’État, ses symboles et ses institutions sont frappés. Ministères du Travail, de la Santé, de la Coopération, des Transports, de la Défense, de l’Industrie, l’inspection du travail, la DST, le GIGN, des commissariats, l’École de guerre, Interpol, l’Agence spatiale européenne… Le patronat, l’industrie, l’armement, le luxe et les banques sont aussi visés : Philips, Dassault, Renault, Rolls-Royce, Hispano-Suiza, de même que le siège du Parti socialiste, celui du FMI et de la Banque mondiale. Des homicides avec préméditation et tentatives d’assassinats touchent des militaires, patrons ou chefs d’industrie. Le groupe est aussi actif à l’échelle internationale dans le réseau des groupes d’extrême gauche en Belgique, Allemagne, Italie, Turquie et au Liban, visant à unifier les organisations combattantes engagées dans la lutte armée. Peut-être manipulé par des puissances étrangères ? En France, il est, à l’époque, soutenu par certains intellectuels de gauche. Attentifs à leur présence médiatique, ses représentants donnent des entretiens publiés dans la presse nationale – Libération , en particulier – et publient leurs textes manifestes par la maison d’édition qu’ils ont fondée. Les vols et braquages de banques, dits « réappropriations prolétariennes » dans le langage des terroristes, permettent de subvenir aux besoins des membres du groupe entrés dans la clandestinité et de financer l’achat d’armes de guerre.

Le gain est, en effet, l’un des motifs du vol de L’Escamoteur , mais pas le seul.

Lutte armée au musée

Au vu de la notoriété de L’Escamoteur , il était impossible d’envisager de le vendre sur le marché de l’art. « La valeur de ce tableau est inestimable, déclare le maire de SaintGermain-en-Laye Michel Péricard après le vol, nous l’avions assuré pour 3 millions de francs10 » Figure importante de la vie politique et médiatique des « trente glorieuses », membre du Rassemblement pour la République (RPR) présidé par Jacques Chirac, Michel Péricard est maire de Saint-Germain-en-Laye de 1977 à 1999, député de la 6e circonscription des Yvelines de 1988 à 1999, président du groupe RPR en 1995, puis vice-président de l’Assemblée nationale à partir de 1997. Avant d’embrasser la carrière politique, il est journaliste, reporter pour l’émission Cinq colonnes à la une et animateur de L’Heure de vérité En 1971, il lance une nouvelle émission, LaFrancedéfigurée . Son propos, qui annonce les combats écologistes du siècle suivant, alerte les téléspectateurs au sujet d’aménagements du territoire discutables ou de négligences collectives. L’émission télévisée, très populaire, défend la préservation des paysages de France comme le bon usage des deniers publics. Le choix d’un tel forfait dans cette ville ne pouvait avoir que plus d’écho médiatique. Au moment du vol, Michel Péricard déclare qu’il voulait « faire sortir l’art dans la rue » et rappelle que, l’année précédente, il avait été à l’initiative de la présentation inédite de L’Escamoteur dans les espaces de la gare RER de Saint-Germain-en-Laye. Il souligne que, mieux que dans le musée, des milliers de personnes avaient ainsi pu voir l’œuvre en seulement deux jours d’exposition. Dépité par l’événement, il conclut qu’« il va falloir enfermer les œuvres dans des cages dorées […] pour qu’elles soient à l’abri des malfrats […]11 ». Le vol de L’Escamoteur lance le débat de la protection des œuvres dans les musées. Ces institutions, qui n’ont pas encore connu la spectaculaire modernisation des années 1980 et 1990, sont souvent dotées de maigres moyens pour exposer leurs collections. Des articles de presse publiés au moment du vol le mettent en relation avec une situation préoccupante pour le patrimoine national. L’Office central pour la répression des vols d’œuvres et d’objets d’art, force de police dotée de moyens limités, est, de fait, submergé par la vague prédatrice qui dépouille au profit du marché les collections publiques, pourtant inaliénables et imprescriptibles selon la loi. Pour remédier à cette situation, des propositions originales sont formulées, comme celle de Jean Chatelain, professeur de muséologie à l’École du Louvre, qui invite à ce que : « [ ] les musées soient gardés par des soldats le temps de leur conscription, plutôt que par des retraités ou des travailleurs sans qualification. L’exemple du Caire est significatif, dit-il. Aucun vol n’y a été commis depuis trente ans que le musée est occupé jour et nuit par deux cents hommes de troupe12 » La proposition de celui qui fut le directeur des musées de France et l’auteur d’ouvrages majeurs sur le droit, l’administration et la gestion de

ces établissements, et enfin une grande figure de la vie culturelle des années 1960, reste lettre morte.

Le vol d’œuvres d’art fait pourtant partie du panel des actions terroristes conduites en Europe. La Joueuse de guitare de Vermeer est volée en février 1974 dans un musée du nord de Londres. Les voleurs demandent d’abord la distribution de nourriture aux nécessiteux de l’île de Grenade pour un montant 500 000 livres sterling, puis le transfert en Irlande des sœurs Price, membres de l’IRA condamnées à perpétuité, en vain. Menacée de destruction, l’œuvre est retrouvée quelques semaines plus tard dans un cimetière de la Cité. Le 26 avril de la même année, un autre vol spectaculaire est commis chez sir Alfred Beit, ancien député à la Chambre des communes, près de Dublin. Près d’une vingtaine de peintures remarquables de Vélasquez, Rubens, Hals, Gainsborough, Goya et, à nouveau, Vermeer (la seule encore en mains privées) sont enlevées. Une rançon du même montant est demandée, ainsi qu’une fois de plus, la libération des sœurs Price. Second refus des autorités. Les œuvres sont découvertes une semaine plus tard dans une ferme, près de Cork. Parmi les quatre voleurs arrêtés figure Rose Dugdale, richissime héritière, débutante présentée à la reine Élisabeth II, qui avait volé ses parents et consacré sa fortune à soutenir la cause politique qu’elle avait épousée13 Ces actes ont-ils inspiré les voleurs de L’Escamoteur ? Au Royaume-Uni comme en France, un soin averti est mis à sélectionner des œuvres au rayonnement international tant, sinon plus, pour la publicité largement donnée à leur action et l’idéologie qui la sous-tend, que pour l’argent convoité.

( )

1 Aujourd’hui le musée Ducastel-Vera.

2 Le legs Ducastel contient plus de 1 000 peintures, sculptures, dessins, estampes, objets d’art et antiquités égyptiennes.

3 Le Jardin des délices (triptyque), 1490-1500, huile sur bois, 220 × 390 cm, musée du Prado, Madrid, inv. P02823.

4 Voir notamment les expositions rétrospectives de Rotterdam (musée Boijmans Van Beuningen, 1er septembre-11 novembre 2001), Bois-le-Duc (musée Noordbrabants, 13 février-8 mai 2016) et Madrid (musée du Prado, 31 mai-11 septembre 2016) ainsi que le catalogue raisonné du Bosch ResearchandConservationProject ® http://boschproject.org

5 La Lithotomie (ou La Cure de la folie), 1501-1505, huile sur bois, 48,5 × 34,5 cm, inv 2056, et Le Chariot de foin , 1512-1515, huile sur bois, 135 × 190 cm, inv 2052, musée du Prado, Madrid.

6 Contrairement aux tracés, fortement travaillés et hachurés, qui ont été relevés sur des œuvres attribuées à Bosch.

7 Voir la légende no 4 des illustrations de couverture.

8 Cette mention signale que le nom de Jérôme Bosch séduit une vaste clientèle.

9 LeJugementdernier (triptyque), 1504-1508, huile sur bois, 163,7 × 274 cm, Académie des beaux-arts, Vienne, inv. GG-579-581.

10 Michel Péricard cité par France-Soir, « On a escamoté L’Escamoteur de Jérôme Bosch », 15 décembre 1978, Paris, p 3.

11 Michel Péricard interviewé sur France Inter, Inter Actualités de 19 heures 14 décembre 1978.

12 Agnès Cazenave, « L’escamoteur escamoté », La Vie , no 1740, 4-10 janvier 1979, Paris, p 45.

13 Sur Rose Dugdale, voir Damian Corless, « No regrets for renegade IRA art robber Rose Dugdale », IrishIndependent 4 mai 2014, Dublin ® independent.ie

(taille réelle)

collection

La vie privée des œuvres une histoire dont un objet d'art est le héros

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX - ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d’art et lecteurs sur l’actualité des arts, des collections et des expositions

n ° 5 de la collection

56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros diffusé et distribué par Serendip Livres parution : 2 mai 2025 ISBN 978 - 2 - 9589543 - 4 - 5

s ix illustrations couleurs et n&b sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie

tirage : 1 000 exemplaires

création graphique : ABM Studio

Odile Boubakeur

Les Ergastines

Les numéro 5 et 6 de la collection « La vie privée des œuvres » sont liés par un thème commun : l’œuvre d’art comme butin.

Résumé

En 1798, laFrisedesErgastines provenant du Parthénon d’Athènes arrive dans un Paris révolutionnaire qui admire l’Antiquité. Spoliations napoléoniennes et saisies d’émigrés amassent au Louvre un butin exaltant la quintessence de la culture classique. Pourtant, le premier relief du Parthénon débarqué en Europe de l’Ouest restera longtemps invisible, tant l’image qu’il donnait de la Grèce antique était troublante, voire insaisissable.

Les Ergastines furent la passion déçue de celui qui les a fait venir en France, le comte de Choiseul-Gouffier, « maniac» d’antiquités, amateur de « marbres mutilés et d’inscriptions indéchiffrables » et figure exemplaire des « explorateurs » français et anglais avides de ruines.

À propos de l'auteure

L’Antiquité gréco-romaine est pour Odile Boubakeur une passion et un sujet d’étude. Diplômée de l’École du Louvre, de l’École pratique des hautes études et de Sorbonne Université, elle est doctorante en histoire de l’Archéologie sur la rivalité entre le Louvre et le British Museum au XIXe siècle. Elle enseigne les politiques culturelles à l’Institut d’études culturelles et internationales (IECI) de l’université de Versailles.

collection

La vie privée des œuvres une histoire dont un objet d'art est le héros

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX - ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d’art et lecteurs sur l’actualité des arts, des collections et des expositions

n ° 5 de la collection

56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros diffusé et distribué par Serendip Livres parution : 2 mai 2025 ISBN 978 - 2 - 9589543 - 4 - 5

s ix illustrations couleurs et n&b sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie

tirage : 1 000 exemplaires

création graphique : ABM Studio

Les Ergastines Odile Boubakeur

Argumentaire

La collection « La vie privée des œuvres » des éditions Archivio combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile à acheter, à emporter et à lire dans un domaine réputé tout l’inverse : l’histoire de l’art.

LesErgastines d’Odile Boubaker est un livre de caisse à proposer au lecteur comme une « histoire de poche » avec autant d’action que de contemplation, traitant d’un thème d’actualité illustré par le destin d’un chefd’œuvre antique conservé au musée du Louvre.

Odile Boubakeur aborde la question des spoliations des œuvres d’art sous deux angles convergents en 1798 : les saisies napoléoniennes en Italie au nom du peuple français, et l’entreprise prédatrice d’ « archéologues » fortunés qui ont dépouillé les monuments de la Grèce à des fins privées.

À la croisée de la raison d’État et des passions personnelles, le relief des Ergastines est la figure du contraste entre l’œuvre réduite au support de l’image du pouvoir politique et de l’objet esthétique qui apporte une révélation. Avec les Ergastines, le Parthénon est entré à Paris, et avec lui, une nouvelle vision de la Grèce, alors lointaine et méconnue.

Dans ce récit mené tambour battant et plein de rebondissements, les caisses défilent comme des trophées et les œuvres subissent les revers de fortune de leurs divers propriétaires.

LesErgastines est un livre et non un album. C’est la part littéraire de la collection : le récit produit ses propres images. Cependant, une sélection iconographique d’archives de référence est reproduite sur les plats de couvertures et les rabats.

Manuscrit Odile Boubakeur, LesErgastines , Éditions

FIN DU DOSSIER

Manuscrit Odile
4 et 5 (sur le plat 2)

(extrait)

Un triomphe à l’antique

« Heureux Français ! Vous allez jouir enfin du spectacle ravissant de ces chefs-d’œuvre des Grecs1 » Cette affirmation bravache parue dans la presse précède de quelques mois un événement marquant de l’actualité parisienne à la fin du XVIIIe siècle : l’arrivée des saisies d’Italie par les troupes de Bonaparte les 27 et 28 juillet 1798, lors de la fête de la Liberté et des Arts2. Les Parisiens et les Parisiennes se pressent sur le champ de Mars pour admirer une procession soigneusement mise en scène qui a toutes les apparences d’un triomphe à l’antique : « l’Entrée triomphale des monuments des sciences et des arts en France ». Entre autres merveilles3, de prestigieuses sculptures antiques s’apprêtent à rejoindre le Louvre : le Laocoon et l’Apollon du Belvédère sont parmi les plus célèbres. « Ces chars avec leurs charges précieuses étaient numérotés et couverts [ ] de lauriers, de bouquets, de couronnes de fleurs et de drapeaux pris sur l’ennemi, auxquels étaient attachées des inscriptions françaises, latines et grecques, faisant allusion aux divinités et aux personnages représentés en sculpture, ou célébrant la gloire de l’armée et du général à qui on devait ces prodigieuses richesses4 ». Un chœur de jeunes artistes ouvre le cortège et une bannière précède les chars de sculptures : « La Grèce les céda, Rome les a perdus ;

leur sort changea deux fois, il ne changera plus5 » Quintessence de la culture classique, ce précieux butin est destiné à rejoindre le Louvre, baptisé Muséum central des arts par le gouvernement révolutionnaire en 1793. S’y installe, en 1795, la galerie des Antiques qui deviendra musée des Antiques en 1800. Palais des arts voué à « l’édification de tous les citoyens », le Louvre est naturellement le lieu d’exposition des saisies d’Italie et de bien d’autres pays. En 1803, dix ans après sa création, il est rebaptisé musée Napoléon.

Malgré la magnificence de cette réunion de chefs-d’œuvre à faire pâlir d’envie tout admirateur de l’Antiquité, les commissaires de la jeune République savent pourtant que certaines sculptures ne sont toujours pas arrivées à Paris : de splendides reliefs grecs sont encore en route. Ils n’arriveront que trois jours après la fête de la Liberté et seront déchargés au Muséum entre le 31 juillet et le 2 août 1798. Parmi eux, un basrelief frappe le regard du connaisseur : il provient du Parthénon sur l’Acropole d’Athènes et met en scène les Ergastines, dont le nom provient du grec ἐργαστήριον (ergasterion , qui signifie « atelier »), soit littéralement « les ouvrières ». Ces délicates figures féminines présentent à l’archonte d’Athènes, le magistrat suprême de la cité, un péplos, c’est-à-dire une tunique minutieusement tissée et brodée pour honorer Athéna Polias, la divinité tutélaire de la ville, et déposée dans une des pièces du Parthénon (la salle de « la vierge », en grec παρθένος). Le raffinement de leur tenue laisse imaginer la beauté qui fut celle de leurs têtes disparues et jamais retrouvées.

Un « maniac » d’antiquités

Ce relief du Parthénon appartient à une collection dont la liste est bien connue. Elle a été rédigée dès 1793 par les commissaires de la République, qui ont reçu l’ordre de faire venir au plus vite à Paris ces antiquités stockées à Marseille… dont le poids de plusieurs tonnes est dissuasif. Un « maniac » d’antiquités – tel qu’il se nomme luimême à l’anglaise – avait réussi à les faire venir en France malgré le défi technique que représentait l’aventure. Cet amateur de « marbres mutilés et d’inscriptions indéchiffrables6 » auxquels il porte, selon certains, un « enthousiasme religieux » est connu de l’administration des Beaux-Arts : il s’agit de l’ambassadeur de France à Constantinople depuis 1784, le comte Marie Gabriel Florent Auguste de ChoiseulGouffier (1752-1817), destitué pendant la Révolution française après plusieurs années de service.

Choiseul-Gouffier a appris l’archéologie dans les récits de voyage, comme beaucoup de ses contemporains. Il découvre la Grèce en 1776 et ce premier tour au goût d’aventure a valeur de voyage initiatique et d’étude. Il y fait des plans et des élévations de monuments, et rendra compte de ses découvertes dans son extraordinaire Voyage pittoresque de la Grèce paru en plusieurs volumes et qui lui vaut d’être nommé à l’Académie française en 1783. Le comte de Choiseul-Gouffier va user de son statut diplomatique officiel pour se livrer, à titre privé, à l’archéologie telle qu’elle s’exerce à l’époque, c’est-à-dire la quête du bel objet recueilli lors de fouilles menées par un agent à la solde. De Constantinople où il dirige les opérations en obtenant la faveur des autorités ottomanes qui règnent sur la Grèce, Choiseul-Gouffier envoie des ordres au peintre et archéologue Louis François Sébastien Fauvel, qui est sur place à Athènes. Personnalité complexe, Fauvel s’inscrit dans une lignée d’« explorateurs » français et anglais avides de ruines, tout en se livrant à quelques observations scientifiques et s’opposant même à la division des ensembles de vestiges (qui était pratique commune). De son côté, Choiseul-Gouffier adopte une attitude qui confine à la prédation : « Il faut enlever tout ce que vous trouverez. Ne négligez aucun moyen, mon cher Fauvel, de piller dans Athènes et son territoire, tout ce qu’il y a de pillable. […] n’épargnez ni les morts ni les vivants7. » Encouragé, Fauvel fait une remarquable trouvaille : le relief des Ergastines, qu’il met au jour le 25 janvier 1789 – à grand-peine parce que son extraction nécessite le travail de sept ou huit hommes et son transport, la force de vingt hommes combinée à celle de trois paires de bœufs. Pour faciliter son maniement, Fauvel fait scier le relief pour en réduire l’épaisseur qui passe d’environ soixante centimètres à treize, et le voilà prêt à embarquer pour la France. Si les circonstances mêmes de la découverte font débat (à terre ? arraché du Parthénon ?), sa date étonne par sa coïncidence avec la fin de l’Ancien Régime. En effet, soustrait qu’il est à ses « innocentes conquêtes » et ses « si nobles délassements », le comte de Choiseul-Gouffier est destitué de son ambassade le 22 septembre 1792. Escorté par trois officiers russes, il trouve refuge et bon accueil à Saint-Pétersbourg à la cour de Catherine II où il reçoit tous les honneurs : décoré du cordon de Saint-André (premier ordre de l’Empire de Russie), le comte sera également nommé directeur de la Bibliothèque impériale et président de l’Académie des beaux-arts Mais, avant cela, sans avoir pu repasser par la France, il apprend que ses propriétés y ont été saisies et il reste plusieurs années sans établir de contact avec Fauvel. Pendant son mandat, Choiseul-Gouffier avait pris soin d’entreposer à Marseille, dans trois magasins, sa magnifique collection d’archéologie constituée principalement en Grèce, mais aussi en Italie, en Égypte et en Asie Mineure. De toutes,

c’est sa collection d’antiquités grecques qu’il préfère. C’est là qu’elle est saisie en 1793 et, malgré l’impatience des intendants parisiens, elle reste dans la cité phocéenne, faute de moyens matériels pour son acheminement vers Paris. La solution s’offre enfin à l’été 1797 avec l’arrivée, dans les ports de Marseille et Antibes, des objets d’art saisis par Bonaparte en Italie qui traverseront pendant un an le pays jusqu’à Paris en un immense convoi d’œuvres d’art. On s’empresse de séparer les œuvres réservées au musée de Marseille de celles choisies pour orner le Muséum central de Paris. Le numéro 119 de la liste désigne un « grand et beau bas-relief de marbre composé de plusieurs figures auxquelles les têtes manquent ». Ce commentaire élogieux ne laisse pas place au mystère : le relief des Ergastines rejoindra les splendides antiques d’Italie arrivées au Louvre pour représenter cet art grec classique dont les vestiges architecturaux sont encore trop rares en Europe occidentale. Et, pourtant, la fête de la Liberté se tiendra sans les Ergastines.

La copie et l’original

S’agit-il d’un malheureux retard ou d’une volonté de l’administration des Beaux-Arts de dissocier cette œuvre des saisies d’Italie, en raison du bannissement de son propriétaire ? Car l’emballement de l’histoire a fait basculer le destin de la collection de Choiseul-Gouffier : constituée pour le plaisir de la contemplation et des études épigraphiques, elle acquiert soudainement le statut politique de « saisie d’émigrés ».

Peut-être aussi que ce butin révolutionnaire appelle sur lui un regard tant nouveau qu’inédit. Les antiques de la collection Choiseul-Gouffier n'ont pas encore été observés ni appréciés comme l’ont été leurs sœurs de saisie (et d’infortune) des collections italiennes. Connues par des gravures, des descriptions et des récits de voyageurs ayant effectué leur « Grand Tour » en Italie, certaines sculptures romaines comme le Torse , le Laocoon ou l’Apollon du Belvédère sont précédées de leur réputation avant même d’être offertes au regard du visiteur du Louvre. Les antiques du comte, en provenance directe de leur site d’origine, sont de purs originaux grecs – et non des copies romaines d’originaux grecs comme l’essentiel du cortège triomphal du champ de Mars. En effet, les collections aristocratiques ou pontificales italiennes ne comprenaient quasiment pas d’originaux grecs mais des copies situant leurs heureux nouveaux propriétaires comme les héritiers de l’Antiquité romaine. Par les confiscations issues du traité de paix de Tolentino, conclu en 1797 entre la

première République française et les États pontificaux, sont convoitées à travers les œuvres les valeurs antiques érigées comme modèle par le Directoire. Leur appropriation par le gouvernement révolutionnaire hisse Paris au rang de nouvelle Rome. Les antiques de la collection Choiseul-Gouffier élargissent, quant à eux, le regard vers la Grèce, à cette époque un horizon encore mal connu et mal considéré, sous domination ottomane et vers lequel peu de voyageurs et d’amateurs d’art ont osé s’aventurer. Dans ces terres écrasées de soleil, le confort est aussi rudimentaire que les moustiques, nombreux.

À l’arrivée à Paris des collections d’art grec de Choiseul-Gouffier après le long convoi de l’été 1798, toutes les conversations portent sur les modalités d’exposition des antiques d’Italie que le gouvernement du Directoire est fier de « rapatrier au pays de la liberté ». Si la presse s’enflamme sur la grandeur et la beauté de ces chefs-d’œuvre de l’Antiquité, elle s’interroge aussi sur l’accueil réservé aux merveilles qui vont peupler le palais des arts : « Faudra-t-il que le Laocoon, le Torse, l’Apollon, les chevaux de Saint-Marc soient montrés dans une cabane provisoire, de planches et de plâtre, comme les curiosités de la Foire ? Espérons que le Gouvernement, qui veille à notre gloire et prépare notre bonheur, placera dignement les fruits immortels de nos conquêtes (…)8. » Devant cet afflux, la question est légitime : les hommes forts du Louvre doivent agir vite. L’inauguration officielle du musée des Antiques, avec son parcours de visite élaboré, n’aura cependant lieu que deux ans après, le 9 novembre 1800. En attendant, dans la hâte d’en montrer le plus possible, l’exposition produit une impression d’amoncellement de chefs-d’œuvre qui ne laisse aucun répit au visiteur : dans ce musée devenu un lieu de promenade extrêmement fréquenté et populaire, on veut tout montrer et surtout ces œuvres inspirantes de vertus héroïques et d’élégante beauté.

[à suivre]

1 Voir la référence dans la légende no 4 des illustrations de couverture

2 La fête de la Liberté commémore l’exécution de Robespierre en 1794 et la fin de la Terreur. En 1798, le gouvernement du Directoire espère favoriser la concorde nationale autour du défilé des saisies d’Italie.

3 Les saisies ont concerné des œuvres d’art mais aussi des livres, des partitions de musique, des minéraux, de semences, des spécimens végétaux, dans la tradition encyclopédique de la connaissance et du savoir au XVIIIe siècle.

4 Étienne-Jean Delécluze, Louis David, son école &sontemps : souvenirs , Paris, Didier Libraire-Éditeur, 1855, p. 207

5 Journal Gazette nationale ou Le Moniteur universel, no 309, 9 Thermidor (27 juillet) 1798, 1238. La composition du cortège triomphal est détaillée dans l’article ® https://gallica.bnf.fr

6 Lettre du comte de Choiseul-Goufer à l’ambassadeur de France en Angleterre, 30 septembre 1816, Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, 20140044/47 (1799-1885)

7 Lettre du comte de Choiseul-Goufer à Louis François Sébastien Fauvel, 27 février 1789, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits, Ms Fr 22873, fol 164. ® https://gallica.bnf.fr

8 Journal La Clef du cabinet des souverains , no 396, 19 février 1798, 3564. ® https://gallica.bnf.fr

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La vie privée des oeuvres

une histoire dont un objet d'art est le héros

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI lectorat adulte amateurs d’art et d’Histoire, lecteurs sur l’actualité des musées et des expositions

n°3 de la collection 56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffusé et distribué par Paon Serendip Livres parution : 05/11/2024

ISBN 978-2-9589543-2-1

six illustrations n&b et couleurs sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteur, texte, notes et bibliographie

conception graphique : ABM Studio

Tirage : 1 000 exemplaires

dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1

Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 Vanessa Morisset, “Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère”, n°4

F R A N Ç O I S C O A D O U S I T U A T I O N E X P L O S I V E !

Résumé

15 rue Gambetta 93100 Montreuil Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48 editionsarchivio fr

En mars 1965, une bombe éclate au domicile du peintre danois et membre de l’Internationale situationniste J V Martin Disparaissent dans les flammes deux des œuvres de la série des Directives (1963) de Guy Debord, le fondateur de l’IS.

Accident ou attentat ? Le climat d’agitation extrême autour des manœuvres de l’OTAN et des manifestations anti-nucléaires en Europe du Nord a-t-il été fatal aux Directives, œuvres d’art détournées en formes d’action pour « changer la vie » ?

François Coadou enquête sur la puissance explosive des Directives, supports d’une alternative révolutionnaire au monde bipolarisé de la guerre froide au bord de l’anéantissement

À propos de l'auteur

François Coadou est l’auteur de nombreuses études sur Guy Debord et l’Internationale situationniste parmi lesquelles Guy Debord, Lettres à Marcel Mariën (2015), Situations, dérives, détournements (2017) ou André Frankin, Personne et les autres (2023)

Docteur en littérature, professeur des écoles nationales supérieures d’art, il enseigne la philosophie à l’ENSAD Limoges et l’histoire de l’art à l’université de Limoges. Spécialiste des avant-gardes, des rapports entre l’art et la politique ainsi que de l’histoire des marxismes, il est également critique d’art, membre de la section française de l’AICA

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n°3 de la collection 56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffusé et distribué par Paon Serendip parution : 05/11/2024

ISBN 978-2-9589543-2-1

six illustrations n&b et couleurs sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteur, texte, notes et bibliographie

conception graphique : ABM Studio

Tirage : 1 000 exemplaires

dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1

Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 Vanessa Morisset, “Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère”, n°4

F R A N Ç O I S C O A D O U S I T U A T I O N E X P L O S I V E !

Argumentaire

15 rue Gambetta 93100 Montreuil Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48 editionsarchivio fr

La collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES des éditions Archivio combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile à acheter, à emporter et à lire dans un domaine réputé tout l’inverse : l’histoire de l’art.

Situation explosive ! de François Coadou se positionne comme un livre de caisse à proposer au lecteur comme une « histoire de poche » sur la vie d’une œuvre d’art, qui promeut l’accessibilité de l'art par l'Histoire, avec autant d'action que de contemplation.

Situation explosive ! débute sur la semi-destruction de la série de tableaux intitulée Directives (1963) du fondateur de l’Internationale situationniste (IS) : Guy Debord. Ce dernier est plus connu pour ses écrits (La société du spectacle, 1967) et ses films que pour son œuvre plastique dont les Directives constituent l’essentiel : une série de toiles tracées de slogans ; une série mutilée dont les oeuvres rescapées reflètent avec éloquence leur époque ; une série aujourd’hui collectionnée pour son écho concret dans le monde contemporain

Situation explosive ! plonge au cœur de la conception et de la réception agitée de ces objets porteurs d’un projet révolutionnaire fusionnant art, philosophie et politique pour “changer le quotidien” d’un monde en déliquescence

François Coadou ancre son récit dans le fait divers local dont il fait entendre la résonance globale à l’aune des manifestations et des réseaux intercontinentaux de l’IS – mais aussi des agissements souterrains des États dans un contexte de guerre froide à la Détente toute relative. Ce changement de focale donne à l’essai le rythme et le sens d’une enquête

Situation explosive ! est un livre et non un album C’est la part littéraire de la collection : le récit produit ses propres images. Cependant, une sélection iconographique d’archives de référence est reproduite sur les plats de couvertures et les rabats

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une histoire dont un objet d'art est le héros

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BEAUX-ARTS / ESSAI lectorat adulte amateurs d’art et d’Histoire, lecteurs sur l’actualité des musées et des expositions

n°3 de la collection 56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffusé et distribué par Paon Serendip parution : 05/11/2024

ISBN 978-2-9589543-2-1

six illustrations n&b et couleurs sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteur, texte, notes et bibliographie

conception graphique : ABM Studio

Tirage : 1 000 exemplaires

dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1

Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 Vanessa Morisset, “Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère”, n°4

F R A N Ç O I S C O A D O U S I T U A T I O N

E X P L O S I V E !

Positionnement commercial

sur les Directives de Guy Debord

15 rue Gambetta 93100 Montreuil Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48 editionsarchivio fr

Les Directives sont moins connues pour ce qu’elles furent précisément - des tableaux - que pour la postérité des slogans qu’elles affichent. Elles font cependant partie d’un système plastique global fondé sur le graffiti, le collage et le détournement, qui fait l’objet d’une abondante littérature

De nombreuses informations sur les Directives sont éparpillées entre archives primaires (plus ou moins accessibles, cf notes du livre) et monographies / catalogues aisément disponibles (dont le catalogue Guy Debord Un art de la guerre, Paris, BNF, 2013, 22 x 27 cm, 39 euros, avec de nombreuses sources sur les Directives issues du fonds Guy Debord à la BNF).

Situation explosive ! propose une alternative dynamique en termes d’angle, de format et de traitement de l’information Le récit installe de façon vivante et documentée les Directives dans leur contexte, offrant un point de vue ancré dans leur époque mais aussi sur la façon dont on peut les voir aujourd’hui

Cet ouvrage petit mais dense, à l’angle aigu et palpitant, est complémentaire de lectures plus généralistes ou académiques sur Guy Debord et l’Internationale situationniste.

sur la collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES

Plus qu’un article, moins qu’un essai, accessible et économique : la collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES s’inscrit dans un segment alternatif aux produits éditoriaux traditionnels sur l’art, les œuvres et les artistes : la monographie et le catalogue d’exposition érudits, lourds et chers

Cette offre, qui existe depuis quelques années, pratique diversement le petit format, le genre narratif fictionnel ou non-fictionnel, et la bande dessinée

Le concept de LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES et l’association des éléments qui le composent sont uniques sur le marché éditorial

SÉLECTION ICONOGRAPHIQUE

SITUATION EXPLOSIVE ! (hors couverture)

Directive n ° 4. Abolition du travail aliéné , 1963.

Invitation à la manifestation collective « Destruktion af RSG6 .»

I nternationale situationniste / Bulletin central édité par les sections de l'Internationale situationniste / directeur : G. E. Debord, numéro 10, mars 1966. Portraits de Guy Debord et de J.V. Martin, reproduits dans le catalogue « Destruktion af RSG6 », Odense : Galerie Exi , 1963.

Internationale Situationniste, manifestation collective INTERNATIONALE SITUATIONNISTE. Destruktion af RSG6 –En kollektiv manifestation af Situationistisk Internationale, galerie EXI, Odense (Danemark), juin 1963. En arrièreplan, les Directives n ° 1 et n ° 2 de Guy Debord. [2 e et 3 e , rabats ]

[ [1 ère de couverture]

SÉLECTION ICONOGRAPHIQUE

SITUATION EXPLOSIVE ! (légendes sommaires)

Situa&on explosive !

Une aventure des Direc&ves de Guy Debord par François Coadou

Ed. Archivio (extrait)

Un hasard malheureux ?

Dans la soirée du 18 mars 1965, une bombe éclate dans le centre-ville de Randers (Danemark), au numéro 16 de la Slodsgade, chez J.V. MarFn, peintre et membre de l’InternaFonale situaFonniste. Le feu ravage bientôt tout le bâFment. Les toiles de J.V. MarFn partent en fumée, ses archives ainsi que plusieurs œuvres de ses amis. Parmi elles, la série des Direc2ves (1963) de Guy Debord : sur les cinq tableaux qu’elle comprend, deux disparaissent dans l’incendie.

Auteur de La Société du spectacle (1967), livre réputé difficile, déroutant mais pénétrant, Guy Debord (1931-1994) occupe aujourd’hui une place incontournable dans l’histoire de l’art de la seconde moiFé du XXe siècle. Fondateur et animateur de l’InternaFonale le^riste (1952-1957) puis de l’InternaFonale situaFonniste (1957-1972), il s’est pensé comme l’hériFer de la poésie moderne – celle de Rimbaud –, l’hériFer du dadaïsme et du surréalisme dont il s’est efforcé de réaliser le geste : changer la vie, transformer le monde par le biais de l’art. S’il a beaucoup écrit, s’il a beaucoup filmé et monté, plus rares sont en revanche ses œuvres graphiques ou plasFques. Seulement quelques collages de jeunesse et les Direc2ves précisément. Désormais collecFonnées, elles ne semblent que plus précieuses. Elles font sensaFon quand elles sont exposées. C’est dire la perte que représente aujourd’hui la dispariFon de deux de ses tableaux. Un hasard malheureux, dira-t-on. – Un hasard ?

Peut-être pas. L’explosion de Randers, en effet, ne se produit pas dans l’histoire des Direc2ves comme un événement incongru, saugrenu, anecdoFque, arrivé à ces œuvres parce qu’elles auraient été là au mauvais endroit et au mauvais moment, sans d’autre raison que cela. C’est un événement au contraire qui n’est pas dénué de logique : un abouFssement, un

dénouement conforme à ce qu’elles sont. Car s’agit-il simplement d’œuvres d’art ? Pour Guy Debord, c’est un fait qu’elles étaient davantage. Il y aurait alors quelque chose de révélateur dans l’explosion de Randers. Elle serait, pour nous, à prendre comme un indice à parFr duquel remonter le fil d’une enquête, d’une histoire, qui nous ferait passer du sens que nous donnons à ces œuvres, au sens – ce n’est pas forcément le même – qu’elles pouvaient avoir en 1965.

Les manifesta2ons de Randers

Au moment de l’explosion, Randers est, depuis plusieurs jours, le théâtre d’une agitaFon inhabituelle. En cause, des manœuvres militaires de l’OTAN dans la région. Prévues pour le 16 mars 1965, des troupes allemandes doivent y parFciper. C’est ce dernier point surtout qui ne passe pas. Pour la première fois depuis la fin de l’occupaFon nazie en 1945, des soldats allemands vont pénétrer au Danemark. L’annonce suscite, dès le début de l’année, de nombreuses protestaFons à gauche. Des péFFons circulent. En vain. Un comité se consFtue à Randers, composé d’anciens résistants et d’étudiants de l’université d’Aarhus, qui fait savoir, par voie d’affichage et au moyen d’inscripFons sur les murs, qu’il s’opposera, par la force s’il le faut, à l’entrée des Allemands dans la ville. On vient de tout le pays pour l’aider.

Le numéro 10 de la revue Interna2onale situa2onniste relatera ainsi le déroulement de la journée : « Le 16 mars, l’armée danoise, aidée d’importants renforts de police, invesFt la ville. Son plan était de faire entrer par surprise la colonne motorisée allemande jusqu’aux casernes où elle devait staFonner. Mais le comité organisa la surveillance de toutes les routes, de sorte qu’il put être prévenu de la voie d’approche des troupes, à la tombée de la nuit. Des peFts groupes postés à ce^e fin retardèrent le convoi. La masse des manifestants eut le temps de se rassembler et de se porter devant les casernes, du côté où l’on projetait d’y faire pénétrer la colonne. Il y eut un choc violent entre les manifestants et les soldats et policiers danois, les véhicules des Allemands arrivant au milieu de ce^e mêlée. Des voitures furent lapidées, des pneus crevés. On vola même une jeepi . » Si les soldats allemands finissent par entrer dans les casernes et y passer la nuit, ils repartent le lendemain maFn dans la précipitaFon et dans la discréFon, pour le plus revenir.

La violence de ces manifestaFons peut surprendre. Mais le souvenir de l’occupaFon nazie, en 1965, est encore vivace. Quant au réarmement de la République Fédérale d’Allemagne, il est tout récent. Créé en 1949, à parFr des zones d’occupaFon américaine,

anglaise et française, la RFA avait fait son entrée dans l’OTAN en 1954, avant même qu’elle ne se dote d’une armée en 1955. André Frankin, membre liégeois de l’InternaFonale le^riste, avait commenté le fait dans le numéro 15 de Potlatch, le bulleFn d’informaFon du groupe, daté du 22 décembre 1954. Il y voyait un signe préoccupant pour l’avenir du dialogue entre l’Est et l’Ouest et un danger pour les libertés individuelles : les tensions extérieures étant toujours l’occasion de me^re un tour de vis à l’intérieurii. Rien d’étonnant, donc, à ce que, dix ans plus tard, un situaFonniste, J.V. MarFn, se retrouve dans le comité s’opposant à la parFcipaFon de l’armée allemande aux manœuvres de l’OTAN. Ni qu’il en soit, bien mieux, parmi les dirigeants. Pendant l’opéraFon, sa maison sert de quarFer général aux manifestants.

Accident ou a?entat ?

Lorsque la bombe éclate, ce 18 mars 1965, J.V. MarFn et les autres membres du comité viennent de sorFr du numéro 16 de la Slodsgade.

La police se hâte d’arrêter J.V. MarFn, l’accusant d’acFvité terroriste. Les preuves manquent cependant, et la charge est d’autant moins crédible que le fils de J.V. MarFn, Morten, âgé de cinq ans, a été blessé dans l’explosion. Le lendemain, les autorités changent de version. Elles idenFfient ce^e fois le responsable en la personne d’un certain Søren Kanstrup, venu à Randers pour les manifestaFons. Une deuxième bombe, oubliée dans un taxi avec des bagages à son nom, le désigne. Au cours de l’interrogatoire, Kanstrup explique qu’il avait l’intenFon de faire exploser l’auberge qui servait de quarFer général pour les manœuvres militaires, mais qu’il a finalement abandonné le projet, le lieu étant trop bien gardée. Ayant, à l’insu de son hôte, entreposé une bombe chez J.V. MarFn, où il a passé la nuit, elle y aurait, affirme-t-il, éclaté d’elle-même. Après un rapide procès, Kanstrup est condamné à soixante jours de prison, pour possession illégale d’armes. La peine semble minime, l’imputaFon inadaptée. Toute l’affaire reste mystérieuse.

La presse ne manque pas de relever les invraisemblances du récit de Kanstrup. La rumeur se met à circuler qu’il serait un agent provocateur à la solde de la police. Le journal communiste Lang og Folk va jusqu’à prétendre que le chef de la police de Randers aurait été au courant de l’existence de la bombe et n’aurait rien fait.

Le parcours de Kanstrup est en effet suspect. À l’époque de l’affaire, il est membre d’un groupuscule gauchiste qui a avré l’a^enFon en faisant campagne contre l’Espagne du général

Franco et en cassant les vitres d’agences de voyage proposant des séjours à la Costa del Sol. Mais Kanstrup a aussi et surtout été espion pour le compte de la République démocraFque allemande au début des années soixante, et a été surveillé à ce Ftre par les services secrets danois. Est-ce à dire que le coup aurait été téléguidé par la RDA ? Mais pourquoi ? Ou n’est-ce pas plutôt que Kanstrup aurait été à ce moment-là « retourné », et se serait mis à travailler pour Copenhague, infiltrant à la demande différents mouvements contestataires ?

Dès lors, l’explosion de la bombe chez J.V. MarFn est-elle vraiment un accident ? Ou s’agit-il d’un a^entat ? Avait-elle pour objecFf d’inFmider les personnes qui se trouvaient dans la pièce quelques instants auparavant ? Ou même de les tuer ? À moins que le but n’ait été de détruire la base opéraFonnelle de l’I.S. au Danemark.

En maFère d’agitaFon, J.V. MarFn et l’I.S. n’en sont pas, en effet, à leur coup d’essai. En 1963, ils avaient déjà organisé au Danemark une exposiFon, ou plutôt, une manifestaFon collecFve : Destruk2on af RSG-6. ManifestaFon à l’occasion de laquelle Debord avait justement produit ses Direc2ves.

i « L’I.S. et les incidents de Randers », Interna'onale situa'onniste (1958-1969), Paris, Fayard, 1997, p. 435. Revue dirigée par Guy Debord et éditée par l’I.S., Interna'onale situa'onniste comptera 12 numéros de juin 1958 à septembre 1969. Tirée à 4000 exemplaires (à en croire le n°8), elle fut le moyen de diffusion majeur des idées situaVonnistes.

ii Léonard Rankine [André Frankin], « PerspecVves des accords de Londres et de Paris », Potlatch, n°15, 22 décembre 1954. Rééd. in : Potlatch 1954-1957, Paris, Allia, 1996, p. 58-59. Sur Frankin, voir André Frankin, Personne et les autres, édiVon de François Coadou et Frédéric Thomas, Toulon, La Nerthe, 2023.

collection La vie privée des oeuvres

une histoire dont un objet d'art est le héros

SECTEUR ÉDITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d’art et lecteurs sur l’actualité des arts, des collections et des expositions

n°4 de la collection

56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffusé et distribué par Paon Serendip Livres parution : 05/11/2024

ISBN 978-2-9589543-3-8

quatre illustrations couleurs sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie,

Tirage : 1 000 exemplaires

dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1 Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 François Coadou, Situation explosive !, n°3

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Résumé

15 rue Gambetta 93100 Montreuil Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48 editionsarchivio fr

En 2008, à Zurich, un collectionneur achète une œuvre d’art tatouée dans le dos de Tim Steiner par l’artiste belge Wim Delvoye. Tim (2006) et son support vivant accèdent alors à une célébrité sulfureuse et parfois douloureuse pour Steiner, contraint à vivre la vie de l’œuvre avant la sienne Cette expérience-limite met volontairement à l’épreuve le monde de l’art et ses acteurs - et la définition même de l’art

Voici l’histoire d’un geste lourd de conséquences qui, tel l’effet papillon, relie la Suisse à Tahiti, le Périgord à la Chine, Buenos Aires, Gand et Hambourg, en passant par des arrière-salles, un vieux bateau, une ferme expérimentale et l’atelier d’un artiste, sans oublier quelques vidéos sur YouTube.

À propos de l'auteure

Bien qu’il lui arrive de s’aventurer sur des sujets tels que le foot ou les imbroglios du temps, de donner des lectures et récitations performées ou de tenir salon avec des ami e s sur YouTube, Vanessa Morisset - elle l’oublie parfois elle-même - est au fond très sérieuse

Docteure en histoire de l’art, théoricienne donc, elle travaille sur les relations entre l’art et d’autres domaines de l’activité humaine, en particulier la philosophie et les sciences sociales. Critique d’art, elle contribue fidèlement à la revue 02 Récemment, elle a rejoint le collectif de la revue généraliste Les Temps qui restent, créée à l'initiative du dernier comité de rédaction de Les Temps modernes.

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ISBN 978-2-9589543-3-8

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dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1 Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 François Coadou, Situation explosive !, n°3

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Argumentaire

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La collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES des éditions Archivio combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile à acheter, à emporter et à lire dans un domaine réputé tout l’inverse : l’histoire de l’art

“Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère” de Vanessa Morisset se positionne comme un livre de caisse à proposer au lecteur comme une « histoire de poche » sur la vie d’une œuvre d’art, avec autant d'action que de contemplation.

“Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère” est une citation de Tim Steiner, dont le dos a été transformé en oeuvre d’art vivante par Wim Delvoye Ce dernier a fait de l’art le révélateur cynique, loufoque voire dérangeant, des limites et des contradictions des sociétés occidentales

Cette étude de cas en forme de récit aborde Tim (2006) et le système Delvoye sur le mode engageant de l’élucidation : “Mais pourquoi tant d’agitation autour de ce qui ressemble (vraiment) à un tatouage (presque comme les autres) ?”

Avec un style direct qui ne se laisse pas intimider par la complexité du sujet, Vanessa Morisset prend littéralement Tim (2006) à bras le corps pour l’analyser sous toutes ses coutures matérielles et symboliques, débusquer les enjeux que Delvoye y a placés et en tirer les conséquences, du niveau local (Steiner) jusqu’au niveau global (le monde de l’art et au-delà). Introduit dès le début du texte, “l’effet papillon”, avec ses événements en cascade, rythme la construction du récit et les tribulations d’une histoire globe-trotteuse

“Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère” est un livre et non un album C’est la part littéraire de la collection : le récit produit ses propres images Cependant, une sélection iconographique d’archives de référence est reproduite sur les plats de couvertures et les rabats.

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n°4 de la collection 56 pages 10,5 x 17 cm, broché couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffusé et distribué par Paon Serendip Livres parution : 05/11/2024 ISBN 978-2-9589543-3-8

quatre illustrations couleurs sur les plats de couverture, intérieur au noir : présentation de la collection, biographie de l’auteure, texte, notes et bibliographie,

Tirage : 1 000 exemplaires

dans la même collection

Claire Stoullig, Le Cadeau, n°1 Isabelle Limousin, Dérouler "Guernica”, n°2 François Coadou, Situation explosive !, n°3

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Positionnement commercial

sur Tim (2006) de Wim Delvoye

L’œuvre est présente dans les monographies et ouvrages critiques sur l’art de Wim Delvoye, mais aussi dans la chronique de la presse qui a commenté avec fascination le destin de Tim Steiner

“Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère” fait, en 56 pages, une synthèse des deux approches augmentée d’un style littéraire pétillant et de nombreuses sources

Cet ouvrage bref et électrique est un essai qui propose une analyse originale sur la démarche artistique de Wim Delvoye, mais aussi un récit qui incarne dans sa forme l’ivresse de l’expérience

Ainsi, “Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère” propose une expérience de lecture autonome et indépendante de toute littérature spécialisée.

NB : en 2023, un film libanais a relancé l’intérêt pour l’histoire de Tim Steiner, qui a librement inspiré le scénario du périple d’un jeune syrien acceptant la proposition d’un artiste de tatouer dans son dos un visa Schengen

sur la collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES

Plus qu’un article, moins qu’un essai, accessible et économique : la collection LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES s’inscrit dans un segment alternatif aux produits éditoriaux traditionnels sur l’art, les œuvres et les artistes : la monographie et le catalogue d’exposition érudits, lourds et chers

Cette offre, qui existe depuis quelques années, pratique diversement le petit format, le genre narratif fictionnel ou non-fictionnel, et la bande dessinée

Le concept de LA VIE PRIVÉE DES ŒUVRES et l’association des éléments qui le composent sont uniques sur le marché éditorial

crédit Studio Wim Delvoye / courtesy galerie Perrotin

Tim (2006) exposée au m us é e Tinguely, Basel, 2017 et gros plan du tatouage

Wim Delvoye Tattoo ShopGalerie De Pury , Zurich, 2006

Exposition Wim Delvoye, m us é e du Louvre, Paris, 2012 (couverture et 2 e de couverture)

SÉLECTION ICONOGRAPHIQUE

–Vanessa Morisset, « Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère » ( c ouverture)

« Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère »

(extrait)

Paris, un préambule

Comment l’article du quotidien Libération dressant, il y a une dizaine d'années, le portrait de cet inconnu qu’était encore pour moi Tim Steiner, est-il arrivé sur mon bureau ? C’est une longue aventure qui nous amène à celle qui va être retracée ici. Et commençons par la fin, c’est-à-dire la conclusion de l’article : une bien mystérieuse phrase rapportée par la journaliste qui a particulièrement retenu mon attention et m’a donné envie d’en savoir plus. Tim Steiner, comme se faisant une promesse à lui-même, confie : « Je ne finirai pas poussiéreux sur une étagère »1 . Une drôle de préoccupation.

Qu’est-ce qui peut faire naître ce type de crainte dans la tête d’une personne ? Eh bien, l’histoire de l’œuvre d’art qu’il est devenu.

Plus précisément, l’histoire d’un geste qui transforme un ensemble d’éléments hétérogènes en œuvre, et qui, tel l’effet papillon, relie Zurich à Tahiti, le Périgord à la Chine, Buenos Aires, Gand et Hambourg, en passant par des arrière salles, un vieux bateau, une ferme expérimentale, l’atelier d’un artiste et la demeure d’un collectionneur, sans oublier quelques vidéos sur Youtube.

Dans les backrooms d’un white cube à Zurich

Si Zurich est restée dans l’histoire de l’art comme la ville de naissance, au début du 20e siècle, du mouvement Dada, dans les années 2000 s’y est déroulé un événement qui, bien qu’ancré dans les problématiques de l’art du deuxième millénaire, est comparable dans sa radicalité aux prises de positions artistiques des poètes Tristan Tzara et Hugo Ball au Cabaret Voltaire.

En effet, à l’automne 2008, une singulière transaction relevant du marché de l’art contemporain se conclut entre les murs blancs d’une galerie zurichoise alors renommée (De Pury & Luxembourg). Organisée par l’entremise de plusieurs avocats ingénieux (nous y reviendrons), elle consiste en un contrat, liant un artiste, un collectionneur et le porteur d’une œuvre. Car oui, l’œuvre en passe d’être vendue a, d’une manière assez exceptionnelle, un porteur, dans le sens où elle est fixée sur un support mouvant et vivant : elle est tatouée dans le dos d’un homme. Celui-ci se prénomme Tim et tel est aussi le titre de l’œuvre qu’il trimballe sans la voir, dans sa chair. Au moment de la vente, ça fait deux ans.

Réalisée, avec le concours d’un tatoueur professionnel, par l’artiste belge Wim Delvoye dans la même galerie zurichoise - enfin, plus exactement dans un vrai-faux salon de tatouage construit pour l’occasion dans le white cube - l’œuvre n’en aurait d’ailleurs pas été complètement une sans cette vente qui appose sur du papier une série de signatures après celle de l’artiste, elle-même tatouée en bas du dos du porteur. La vente a été sciemment voulue par tous deux dès le départ, y compris dans sa dimension que l’on pressent d’ores et déjà un peu terrifiante (nous y reviendrons aussi bien sûr). Delvoye insiste sur le rôle de la vente dans la constitution du statut de cette œuvre : « […] c’est grâce à la vente que Tim est devenu une œuvre d’art dans les médias, et donc pour le public. »2 . Et Tim d’acquiescer dans un post du blog qu’il a tenu de 2009 à 20153 : « La citation du mois : « C’est de l’art parce que ça s’est vendu. » Wim Delvoye ». Alors, sans vente, pas de Tim ? À cela, nous pourrions rétorquer que, de toute façon, la transaction comme œuvre d’art, ce n’est pas nouveau. Il y a eu par le passé des artistes éminents spécialistes de transactions par le biais desquelles les acquéreurs n’acquéraient pas grand-chose. Rôdé à la signature de contrats en grande pompe, jouant de sa réputation de génie pour convaincre ses commanditaires de lui verser des acomptes avant de s’enfuir sans terminer l’œuvre, après avoir exaspéré tous les mécènes d’Italie, Léonard de Vinci trouve refuge en France chez un roi (François Ier) qui, bien avisé, ne lui demande que d’être lui-même. Plus près de nous dans le temps, le rituel de « cession de zones de sensibilité » inventé par Yves Klein en 1959 n’est pas autre chose qu’une œuvre-transaction. L’acquéreur achète une zone de sensibilité picturale immatérielle qu’il doit payer en or. Lors de l’échange qui se déroule sous les yeux de témoins issus du monde l’art, il doit bruler le reçu que lui fournit l’artiste, lui-même devant jeter la moitié de l’or dans une rivière, un lac ou une mer. La différence essentielle

avec Tim réside dans la dimension métaphysique de l’artiste qu’entretenaient allègrement de Vinci et encore Yves Klein. Delvoye n’est pas romantique, il est plus frontal, et surtout moins dans une réflexion sur ce que peut l’artiste que sur ce que peut l’art, et même sur ce que peut une œuvre d’art. Dans une discussion que l’on peut écouter sur YouTube, l’artiste belge explique qu’héritant de l’art conceptuel qui a causé bien des tracas au fonctionnement des institutions artistiques et en particulier du marché de l’art (problèmes résolus par la suite, tant ce marché est à sa manière inventif), il aime produire des actions qui ne sont pas commercialisables ou qui le sont d’une manière contradictoire et problématique. Pour preuve, si Tim est vendue à Zurich, c’est parce la Suisse est l’un des rares pays où une loi autorise de vendre son corps de façon consentante, comme dans le cas de la prostitution. Mais il a tout de même fallu contourner l’interdiction spécifique de vendre ses organes, et par conséquent sa peau, sur le territoire helvétique. Ce qui fait dire à Delvoye que, dans le cas de Tim, les auteurs de l’œuvre sont moins les tatoueurs, en l’occurrence lui et le tatoueur professionnel qui l’a secondé, que les avocats qui ont rendu la transaction possible. Idéalement, Tim et lui auraient voulu vendre l’œuvre aux enchères, dans le grand fracas médiatique que causent toujours les excès atteints lors des transactions chez Sotheby’s, Christie’s ou Philips4 . Delvoye va même jusqu’à déclarer qu’il souhaitait évoquer avec cette vente les anciens marchés aux esclaves. C’est dire à quel point il se veut provocateur.

Grâce à ces précisions, on comprend mieux ce que la transaction de Zurich a de particulier : elle teste les limites extrêmes des tenants du marché de l’art, artiste (s) y compris, puisque Delvoye attaque le système tout en y participant délibérément. Pas accidentellement, encore moins naïvement. À propos d’une autre œuvre de Delvoye, celle-là même qui l’a rendu célèbre, Cloaca une grande machine high tech qui ingère digère et défèque comme le fait plus communément le système digestif de tout animal et être humain Tristan

Trémeau, critique d’art basé à Bruxelles, pose cette question : « Wim Delvoye ne tend-il pas un miroir cynique et duplice, à la fois critique et complice, au néolibéralisme global et à ses acteurs ? »5 . La vente de Tim amène également à ce genre d’affreux doute quant à la position de l’artiste.

Pour en avoir le cœur net, il faut tirer au clair une autre question centrale dans cette affaire : au juste, dans le white cube de la galerie zurichoise, qu’est-ce qui a été vendu ? Autrement dit, à part ça, qu’est-ce que Tim ? Ou encore : pourquoi tant d’agitation autour de ce qui ressemble (vraiment) à un tatouage (presque comme les autres) ?

1 Marie Ottavi, « Tim Steiner, enchères et en os », Libération, 9 octobre 2012, Consultable sur www.liberation.fr

2 Catherine Joye-Bruno, « Entretien avec Wim Delvoye », Psychanalyse 2014/1, n°29, p. 177-129. Consultable sur www.cairn.info

3 Cette citation de Tim Steiner et les suivantes sont extraites de son blog (2009-2015) et traduites de l’anglais : tattootim.wordpress.com

4 Delvoye est presque parvenu à ses fins puisque la galerie de Pury & Luxembourg où s’est faite la transaction a fusionné en 2000 avec la maison Philipps. Ainsi, la vente de Tim ne s’est pas faite aux enchères, mais néanmoins dans une société de ventes aux enchères.

5 Tristan Trémeau, « Le sublime capitaliste » in Wim Delvoye, cat. expo., Luxembourg, MUDAM, 2 juillet 2016 –8 janvier 2017, MUDAM Luxembourg/Somogy, 2016, p. 167.

collection

La vie priv e des oeuvres

une histoire dont un objet d'art est le h ros

SECTEUR DITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI

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n 1 de la collection

56 pages 10,5 17 cm, broch couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffus et distribu par Paon Serendip parution : 05/04/2024 ISBN 978-2-9589543-0-7

cinq illustrations couleurs sur les plats de couverture, int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie, deu illustrations n&b

Tirage : 1 000 e emplaires

dans la m me collection

Isabelle Limousin D le "G e nica n 2

C L A I R E S T O U L L I G

L E C A D E A U

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Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48

l t 1545, La D l a i n le Ch i m de Bron ino quitte le calme d une chapelle florentine pour la compagnie d hommes qui ne pensent qu la guerre sans avoir un poil qui pense la pai (Machiavel)

Un concours de circonstances a chang le destin de ce tableau aussi audacieu que troublant Il est l objet d un cadeau diplomatique grandiose entre puissants de l Europe du XVIe si cle : C me Ier de M dicis, duc de Florence, remercie l empereur Charles Quint pour son soutien militaire, travers son ministre d tat Nicolas Perrenot de Granvelle

Agnolo Bron ino est le portraitiste de la famille ducale. Incarnant le g nie florentin, alliant naturalisme et sophistication, il produit de superbes images la gloire des M dicis : La D l a i n en fait partie.

Mais au-del de sa n cessit diplomatique, le don de ce tableau o la terre rivalise avec le Ciel, est-il un sacrifice ou un soulagement pour le duc de Florence ?

Cet pisode de la vie d un chef-d uvre du mani risme jette un clairage singulier sur la nature de l art au service du pouvoir

À propos de l'auteure

Claire Stoullig est critique d art, commissaire d'e position et conservatrice g n rale du Patrimoine honoraire Elle a t la directrice du mus e des Beau -Arts et d Arch ologie de Besan on, ville o est conserv e depuis 1545 La D l a i n le Ch i m d Agnolo Bron ino

Claire Stoullig a d but sa carri re Paris au mus e national d Art moderne - Centre Pompidou, puis a t la conservatrice du cabinet des dessins du mus e d Art et d Histoire de Gen ve Apr s Besan on, elle a dirig le mus e des Beau -Arts de Nanc Elle est aujourd hui consultante en mus ographie. Claire Stoullig a t la r dactrice en chef de la revue critique A di et a collabor de nombreuses revues d art contemporain.

collection

La vie priv e des oeuvres

une histoire dont un objet d'art est le h ros

SECTEUR DITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d art et lecteurs sur l actualit des arts des collections et des e positions

n 1 de la collection

56 pages 10,5 17 cm, broch couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffus et distribu par Paon Serendip parution : 05/04/2024 ISBN 978-2-9589543-0-7

cinq illustrations couleurs sur les plats de couverture, int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie, deu illustrations n&b

Tirage : 1 000 e emplaires

dans la m me collection

Isabelle Limousin D le "G e nica n 2

C L A I R E S T O U L L I G

L E C A D E A U

Argumentaire

15 rue Gambetta

93100 Montreuil

Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48

La collection La vie priv e des uvres combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile trouver, emporter et lire, concernant un domaine r put l inverse : l histoire de l art

Le Cadea de Claire Stoullig se positionne comme un livre de caisse proposer au amateurs d art comme une histoire de poche tous points de vue : celle d une uvre d art, La D l a i n le Ch i m de Bron ino, devenue un cadeau diplomatique grandiose

Claire Stoullig met en perspective le d tail historique que constitue le cadeau diplomatique, clairant ainsi l chiquier politique de l Europe la fin de la Renaissance et les r volutions esth tiques qui le traversent L'h poth se qu 'elle formule sur le choi de l uvre par C me Ier de M dicis r sulte de son intimit avec l'objet comme avec son image

C est une histoire (et non un roman) qui, d laissant l approche monographique ou th matique traditionnelle, promeut une lecture vue d uvre des rapports de l art et de l Histoire, la lueur des divers enjeu qui ont pes sur son destin. Les moments d action prennent le pas sur la contemplation

Ce n est pas une histoire cach e que rapporte Le Cadea : c est une histoire devenue accessible qui n est pas familier de la litt rature sp cialis e Une histoire fond e sur des sources et des r f rences en premier lieu les archives du mus e des Beau -Arts et d Arch ologie de Besan on o l uvre de Bron ino est conserv e

Le Cadea est un livre et non un album C est la part litt raire de la collection : le r cit produit ses propres images Cependant, un support est offert au lecteur en couverture (1e, 2e, 3e plats et rabats) : les portraits des protagonistes (Charles Quint, C me Ier de M dicis, l onore de Tol de et Nicolas Perrenot de Granvelle), issus de grandes collections mus ales, accompagnent le tableau de Bron ino

collection

La vie priv e des oeuvres

une histoire dont un objet d'art est le h ros

SECTEUR DITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI

lectorat adulte

amateurs d art et lecteurs sur l actualit des arts des collections et des e positions

n 1 de la collection

56 pages 10,5 17 cm, broch couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffus et distribu par Paon Serendip parution : 05/04/2024 ISBN 978-2-9589543-0-7

cinq illustrations couleurs sur les plats de couverture, int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie, deu illustrations n&b

Tirage : 1 000 e emplaires

dans la m me collection

Isabelle Limousin D le "G e nica n 2

C L A I R E S T O U L L I G

L E C A D E A U

Environnement commercial

sur l u re de Bron ino

15 rue Gambetta

93100 Montreuil

Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48

Issu d'une p riode historique ch rie du public, La D l a i n le Ch i m d Agnolo Bron ino est un chef-d uvre reconnu du mani risme naissant, li un th me populaire (la piet ) Bron ino est facilement identifi comme l un des ma tres de l art florentin, notamment gr ce au portrait d l onore de Tol de et de son fils (reproduit dans le livre), dont le mus e des Offices de Florence a fait l une de ses ic nes

De nombreuses informations sur l uvre sont parpill es entre catalogues d e positions et ouvrages th matiques (signal s dans la bibliographie). Le titre de r f rence est une monographie de l uvre publi e en 2007 (MBAA Besan on / Somog , 25 euros), avec des contenus scientifiques et techniques de haut niveau. Ce beau-livre (24,6 28 cm, 144 pages, 146 ill ) est pr sent comme une chronique augment e de l ultime restauration de l uvre

Le Cadea de Claire Stoullig se situe avantageusement entre cet ouvrage sp cialis (et aujourd hui puis ) et la notice du guide du mus e de Besan on : le livre propose une alternative d namique en termes d angle, de format et de traitement de l information

La sortie du Cadea donne l opportunit de revoir sur le march ditorial

La D l a i n le Ch i m , gr ce un produit instructif qui sort l uvre du mus e pour la projeter dans l action de son temps

sur la collection La ie pri e des u res

Plus qu un article de catalogue, moins qu un essai, historique et narratif : La vie priv e des uvres s inscrit dans un segment alternatif au produits ditoriau traditionnels sur l art, les uvres et les artistes - la monographie et le catalogue d e position rudits, lourds et chers, dont le public est moins friand.

Cette offre, qui e iste depuis quelques ann es sur le march , pratique diversement le petit format, le genre narratif fictionnel ou non-fictionnel, et la bande dessin e.

Un cadeau diplomatique grandiose

En 1543, Côme de Médicis règne en maître sur la ville de Florence, et son immense fortune lui permet d’accroître son pouvoir, notamment militaire, indispensable en ces temps de guerres et d’instabilité territoriale. Le roi de France et l’empereur du Saint-Empire romain germanique sont en constante compétition et se disputent duchés et autres comtés italiens. Partout, et plus encore sur cette terre italienne, il faut se défendre envers et contre tout, et, selon les conclusions de Nicolas Machiavel : « Il ne faut penser qu’à la guerre sans avoir un poil qui pense à la paix 11  »

En cette même année, le duc de Florence obtient de Charles Quint la restitution des diverses

forteresses toscanes encore aux mains de l’empereur, en versant 200 000 écus d’or au compte de ce dernier, toujours à court d’argent, et par l’entregent de Perrenot de Granvelle. Les constants services rendus par ce dernier valent bien un cadeau. Mais les cadeaux favorisent aussi les services à rendre. Le contexte concurrentiel entre familles ducales pour les faveurs du SaintEmpire les pousse à une générosité qui regarde aussi vers l’avenir. Le don promis à Granvelle en 1541 d’un buste de Jupiter 12 a sans doute eu cette fonction anticipatrice. À travers ce prestigieux présent antique, Marguerite d’Autriche, fille de Charles Quint, faisait la promotion à long terme des intérêts de son mari, Octave Farnèse, et de son illustre famille. Il se trouve qu’en 1545, Octave Farnèse et Côme de Médicis sont tous deux en lice pour intégrer la plus haute des institutions chevaleresques de l’Empire : l’ordre de la Toison d’or. Les nouvelles nominations doivent intervenir lors du prochain chapitre de l’ordre, à partir du mois de décembre 1545. Cette circonstance éclaire le

Le Cadeau

Un cadeau diplomatique grandiose

calendrier des événements qui conduiront au succès du « plus beau des cadeaux » à l’été 1545.

À peine terminée et installée dans la chapelle privée d’Éléonore de Tolède en juillet 1545, La Déploration lui est brutalement retirée pour être envoyée à Nicolas Perrenot de Granvelle, qui séjourne brièvement sur ses terres avant son départ pour les Flandres. Côme de Médicis est pressé de régler tambour battant les affaires de la cité, mais ce geste d’impatience est troublant : le panneau ne sera resté en bonne place qu’un petit mois. Oserait-on imaginer que le couple n’est tout simplement guère enthousiaste d’une déploration inondée de bleu ? Alors que les personnages principaux sont en grande lamentation, cette couleur est en effet si lumineuse, chatoyante au point de rendre l’atmosphère enchantée, qu’elle peut paraître tout à fait impropre, voire outrageante à la scène, et pourrait être considérée finalement comme un sacrilège. Car il n’est pas ordinaire, ce bleu outremer, et a fait en son temps couler beaucoup d’encre. En atteste la

correspondance entre le peintre et son seigneur. Bronzino se plaint régulièrement de manquer du pigment – ce qui expliquerait peut-être sa lenteur d’exécution – et en réclame à cor et à cri. Et le duc de répondre qu’il juge excessif le coût de ce bleu. Et pour cause, il provient du lapis-lazuli, une pierre précieuse importée d’Orient, donc extrêmement onéreuse. Hélas ! elle est la seule capable de donner cette luminosité et cet éclat.

Au palais de la Seigneurie, une copie conforme est commandée à Bronzino dès le départ de l’original pour Besançon afin de combler son absence de l’oratoire. Le peintre a repéré et copié les grandes lignes de sa composition avant son enlèvement. Cette fois-ci, il se contente de bleu azurite, infiniment moins subtil dans ses nuances. Avec le temps, la couleur du doublon virera en une tonalité brune, ce qui modifie singulièrement son effet et diminue son incomparable valeur. La réplique ne sera livrée qu’en 1553, huit ans après la commande. Dans l’intervalle une tapisserie sur le même sujet sera substituée au panneau absent. C’est que Bronzino est lent. Une lenteur déjà dénoncée par

Le Cadeau

Un cadeau diplomatique grandiose

ses protecteurs, et qui se manifeste d’autant plus qu’Éléonore de Tolède n’est plus présente ni dans sa chapelle ni dans ses appartements. En effet, le couple emménage en 1549 au palais Pitti, de l’autre côté de l’Arno. Quelques années plus tard, la duchesse ira se soigner à la campagne, près de Pise où elle décédera de la malaria en 1562. Loin du regard des commanditaires, cette copie de remplacement ne répond à aucune urgence ni nécessité pour Bronzino, dont la célébrité dépasse le territoire du duché.

Le cadeau à Granvelle de La Déploration est-il un sacrifice ou un « bon débarras ! » pour les Médicis ?

C’est en tout cas une affaire menée dans des délais remarquables. Au mois d’août 1545, le duc de Florence donne l’ordre de construire rapidement un cadre en vue du transport, sachant que le seigneur Granvelle est peu de temps sur ses terres. Le retable, faisant partie d’un ensemble, n’a pas de bordure, selon l’expression consacrée de l’époque, c’est-à-dire qu’il est encastré à bords vifs dans une niche. Ce léger renfoncement du mur de

face de la chapelle permet une parfaite continuité de la surface du décor environnant, comme l’est actuellement sa réplique. La caisse est robuste, mais rustique. De grandes dimensions, sommairement plus grandes que le tableau lui-même (264 × 173 cm), elle doit contenir les cinq planches qui constituent le support du tableau, assemblées à joints vifs grâce à une colle animale et recouvertes d’un badigeon blanc. Bien que l’assemblage fût renforcé par deux traverses placées au dos, le support est, à l’évidence, plus fragile qu’une simple toile qui aurait été roulée pour le voyage. Cet enlèvement hâtif n’est pas sans dommage. Car vite fait, mal fait : la poix, utilisée comme colle pour mastiquer la caisse d’emballage, sèche improprement et insuffisamment longtemps. Le panneau étant ballotté pendant le transport, la poix se répand sur le bâti, se dépose malheureusement sur le bois du retable et l’abîme. Mais le tableau arrive à bon port. Granvelle est d’autant plus flatté de ce cadeau qu’il en connaît l’artiste. Le seigneur de Besançon est un familier du grand-duché et connu pour son engouement pour

Le Cadeau

Un

cadeau diplomatique grandiose

l’art florentin. Du temps de ses voyages en ces contrées lointaines en tant que redoutable négociateur avec les papes, il n’a pas pu ignorer le peintre de la cour du duc de Florence et ne pas lui accorder grande estime. Pour tenir son rang, le puissant Granvelle, à l’instar de son maître, se doit d’apprécier les arts de son temps et d’être collectionneur. Aussi accepte-t-il des cadeaux. Entre le désir de paraître et celui d’imiter les grands du monde, Nicolas de Granvelle ne cesse de s’enrichir et aime également donner à voir. En atteste notamment son portrait peint par Titien 13, sans doute en écho à celui de Charles Quint 14. En peu de temps, son palais construit entre 1534 et 1540, sur le modèle des bâtiments toscans prestigieux, devient le lieu privilégié pour admirer les meilleures expressions de la Renaissance italienne, flamande, espagnole, française et allemande. Granvelle complète son enrichissement personnel en trésors artistiques, avec nombre de manuscrits, livres d’heures, gravures, intailles, médailles, tapisseries, tableaux et sculptures, mais également de statues antiques, l’ensemble constituant une collection

exceptionnelle pour son époque. Elle comptait de son vivant plusieurs centaines d’objets et une bibliothèque composée d’in-folio aux magnifiques reliures en cuir de Cordoue.

Fort pieux, Granvelle désire installer le tableau dans la chapelle de l’église des Carmes destinée à sa sépulture. Aussi, toujours soucieux d’apparat, il entreprend de la rénover. Mais déjà reparti pour Augsbourg en Souabe bavaroise, il meurt au loin en 1550, et ne voit pas la fin de ce chantier. Le tableau est enfin installé dans la nouvelle chapelle des Carmes consacrée le 6 décembre 1551. Comme tout Granvelle qui se respecte, le fils, Antoine, qui a pris la suite des fonctions de son père auprès de Charles Quint, est aussi préoccupé de rendre hommage à son ascendance, au besoin pour la magnifier. Aussi commande-t-il, en 1572, une copie du retable au peintre bisontin Pierre d’Argent pour leur chapelle dans l’église paroissiale Saint-Laurent d’Ornans, berceau de la famille situé à quelques kilomètres de Besançon. Respectant le même schéma, la composition s’applique à reproduire à

Cadeau

Un cadeau diplomatique grandiose

l’identique le style maniériste. Cependant, Pierre d’Argent, soucieux de poursuivre la tradition d’actualiser la scène biblique, remplace le visage de Pontormo par celui du commanditaire, le cardinal Antoine de Granvelle. La copie d’Ornans, comme celle du palais de la Seigneurie, a perdu ce bleu qui lui conférait une originalité si éblouissante. De valeur ocre dans son ensemble, la couleur se conforme sans grande audace au caractère dramatique du sujet.

Cette multiplication des copies, en FrancheComté et bien plus loin, confirme la séduction qu’exerce le retable et la réputation de son auteur, qui perdure bien au-delà de son temps, de même que l’application à faire connaître et à faire circuler sa formule stylistique. Alors que la collection de Granvelle est finalement dilapidée par ses héritiers, le retable reste dans la chapelle et demeure à cet emplacement jusqu’à la Révolution. Il disparaît alors mystérieusement, passant sans doute sous la protection de citoyens conscients de son histoire et soucieux de sa conservation, ou plus simplement respectueux de la mémoire de

l’auguste famille, et surtout de son illustre ancêtre, le sieur Nicolas Perrenot de Granvelle. Le tableau est mentionné en 1799 dans une liste d’œuvres placées à l’École centrale de Besançon, installée dans l’ancien collège des jésuites, puis est localisé peu après à l’hôtel de ville.

À partir de 1836, le peintre romantique et conservateur du nouveau musée de peinture municipal Joseph-Ferdinand Lancrenon entreprend la restauration du retable, qui a subi d’importantes dégradations depuis son retrait de la chapelle. Mais, jamais complètes, les interventions, dont les techniques ont grandement évolué au fil des découvertes scientifiques, se sont succédé plusieurs fois, jusqu’à cet orage de juin 2002 à l’origine de la renaissance du tableau. La Déploration sur le Christ mort a aujourd’hui retrouvé toute sa splendeur, depuis la restauration complète achevée en 2007. Le bleu incomparable – et scandaleux ? – plonge désormais toute la composition dans une atmosphère miraculeuse, qui fait entrevoir par sa seule couleur le temps de la résurrection.

Le Cadeau

Un

cadeau diplomatique grandiose

collection

La ie pri e des oeu res

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SECTEUR DITORIAL

BEAUX-ARTS / ESSAI

lectorat adulte

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n 2 de la collection

56 pages

10,5 17 cm, broch cou erture souple a ec rabats 12 euros TTC diffus et distribu par Paon Serendip parution : 05/04/2024 ISBN 978-2-9589543-1-4

trois illustrations n&b sur les plats de cou erture int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie,

Tirage : 1 000 e emplaires

dans la m me collection

Claire Stoullig, Le Cadeau n 1

I S B E L L E L I

M O U S I N

D E R O U L E R

G U E R N I C

Résumé

15 rue Gambetta 93100 Montreuil

Nathalie Leleu nl@collectio pro 06 03 00 19 48

Les ingt-sept m tres carr s du c l bre tableau Guernica de Pablo Picasso ont beaucoup o ag , enroul s sur un a e et cal s dans une longue caisse de bois Dans la foul e de sa premi re pr sentation au pa illon espagnol de l E position uni erselle de Paris de 1937, Guernica d bute une premi re tourn e en jan ier 1938 dans les pa s scandina es et en Angleterre, puis prend la mer sur le somptueu paquebot Normandie en a ril 1939 destination de Ne York Apr s plus de quarante ann es d e il am ricain, son retour d finitif en Europe, Madrid, se fait par les airs et sous haute s curit , en septembre 1981

Pourquoi une telle u re d art, que ses dimensions monumentales auraient d contraindre un destin moins o ageur, a-t-elle circul pendant pr s d un demi-si cle a ec autant d intensit ?

Ses p r grinations apport rent Guernica la fer eur qui lui a ait fait d faut Paris : son aura s est ritablement construite au fil de ses o ages Chaque e position du gigantesque tableau de Picasso, pour qui l art constituait un instrument de guerre offensi e et d fensi e contre l ennemi , a ser i la cause des r publicains espagnols, mais aussi des int r ts plus di ers

Par sa puissance et sa pr sence, Guernica est un objet politique qui a contribu crire l histoire du e si cle et ce jusqu nos jours, bien qu elle soit accroch e, depuis longtemps immobile, au Museo Centro de Arte Reina Sofia de Madrid

À propos de l'auteure

Isabelle Limousin, conser atrice en chef du Patrimoine, a t responsable des peintures au mus e national Picasso-Paris et a partag le commissariat de l e position Picasso et la guerre au mus e de l Arm e en 2019

Dipl m e de la Sorbonne nou elle, de l cole du Lou re et de l Institut national du Patrimoine, Isabelle Limousin est sp cialiste d art moderne et contemporain et l auteure de nombreu articles, essais et inter entions portant sur l u re de Pablo Picasso et sur l art contemporain, notamment sur ses rapports a ec la science-fiction. Elle a t co-directrice du colloque Le Musée, demain organis au centre culturel international de Ceris en 2014

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n 2 de la collection

56 pages

10,5 17 cm, broch couverture souple avec rabats

12 euros TTC diffus et distribu

par Paon Serendip parution : 05/04/2024

ISBN 978-2-9589543-1-4

trois illustrations n&b sur les plats de couverture int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie,

Tirage : 1 000 e emplaires

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Claire Stoullig, Le Cadea n 1

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93100 Montreuil

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g e a e

La collection La vie priv e des uvres combine le petit format, le genre narratif et les fruits de la recherche pour proposer un objet facile trouver, emporter et lire, concernant un domaine r put l inverse : l histoire de l art.

D le G e ica d Isabelle Limousin se positionne comme un livre de caisse proposer au amateurs d art et d Histoire comme une histoire de poche : quelques di aines de pages sur les vo ages e traordinaires du monumental G e ica de Pablo Picasso

D le G e ica aborde l histoire du tableau sous l angle de la mati re et du mouvement (d clar d s la couverture) On conna t l image de G e ica, all gorie de la guerre et ic ne occidentale du pacifisme, mais on conna t peu l objet, l vidence malais manipuler, transporter ou fi er au mur

La peinture a pourtant t plus d une trentaine de fois roul e, emball e, e p di e, d roul e, tendue sur son ch ssis et accroch e

Et G e ica a r sist tout Dans le sillage de la grande caisse de bois du tableau, Isabelle Limousin claircit les tenants et aboutissants des diff rents itin raires de G e ica - et d un e il devenu une errancedepuis les incontournables circonstances politiques de sa cr ation

C est une histoire (et non un roman) qui, d laissant l approche monographique ou th matique traditionnelle, promeut une lecture vue d uvre des rapports de l art et de l Histoire, la lueur des divers enjeu qui ont pes sur son destin. Les moments d action prennent le pas sur la contemplation.

Une histoire fond e sur des sources et des r f rences en premier lieu les archives du Mus e national Picasso-Paris, du Museum of Modern Art de Ne York et du Museo Centro de Arte Reina Sofia (avec son e ceptionnel site Repensar G e ica ), o l uvre est actuellement conserv e

D le G e ica est un livre et non un album C est la part litt raire de la collection : le r cit produit ses propres images

La liste des vo ages de G e ica, d roul e entre plats et rabats, participe de la construction de l imaginaire

Un support est offert sur les plats de couverture : trois images e traites du reportage du photographe Kar H Lasch lors de l arriv e de la caisse de G e ica Stockholm en octobre 1956, puis de son d ballage dans les locau en travau du futur Moderna Museet

collection La vie priv e des oeuvres

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56 pages 10,5 17 cm, broch couverture souple avec rabats 12 euros TTC diffus et distribu par Paon Serendip parution : 05/04/2024

ISBN 978-2-9589543-1-4

trois illustrations n&b sur les plats de couverture int rieur au noir : pr sentation de la collection, biographie de l auteure, te te, notes et bibliographie,

Tirage : 1 000 e emplaires

dans la m me collection

Claire Stoullig, Le Cadea n 1

I S B E L L E L I M O U S I N D E R O U L E R G U E R

N I C

g e a e

15 rue Gambetta 93100 Montreuil

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Picasso est pr sent, par sa personne et par ses uvres, dans tous les secteurs ditoriau , tous les formats et tous les genres litt raires. Beau -livre, bandes dessin es, roman, documentaire, biographie et m me science-fiction : c est un cas e ceptionnel

Avec plus de vingt e positions Picasso ouvrant dans le monde chaque semaine (dont la moiti en Europe occidentale), l actualit de l artiste est constante. La comm moration en 2023-2024 du cinquanti me anniversaire de la mort de Picasso (42 e positions en FR, en ESP et au USA) a relanc la machine ditoriale Cependant, l offre pl thorique et la r putation contest e de l artiste peuvent faire craindre une lassitude, voire une d saffection (qui ne s est jamais confirm e)

Dans ce conte te de flu , et conform ment sa ligne ditoriale, Archivio compte sur l attraction d une l gende qui n est pas Picasso au premier chef, mais la plus c l bre de ses uvres : G e ica Tout est l gendaire dans G e ica : ses dimensions, son processus de cr ation, son iconographie, son destin D le G e ica joue sur le contraste avec la l gende : petit format, peu d images, histoire br ve et petit pri , mais un point de vue document et volontairement d cal Une fa on originale d aborder le monument G e ica

Dans le registre traditionnel du beau-livre le catalogue de l e position G e ica au mus e national Picasso-Paris ( d de la RMN, 25 32 2,8 cm, 2018, 320 p , 42 euros) est l ultime r f rence francophone sur le sujet avec de nombreu te tes et illustrations (dont beaucoup d archives) Plus qu un livre concurrent sur le march , D le G e ica est un ouvrage introductif et/ou compl mentaire ce catalogue

En non-fiction, G e ica , hi i e ec e d ablea de Germain Latour ( d du Seuil, 15 22 cm, 2013, 304 p , 21 euros) raconte l histoire du tableau avec un d veloppement sur l histoire politique espagnole au moment du dernier vo age de G e ica Madrid Un livre dans un registre plus sp cialis que D le G e ica

Plus qu un article de catalogue, moins qu un essai, historique et narratif : La vie priv e des uvres s inscrit dans un segment alternatif au produits ditoriau traditionnels sur l art, les uvres et les artistes - la monographie et le catalogue d e position rudits, lourds et chers, dont le public est moins friand Cette offre, qui e iste depuis quelques ann es sur le march , pratique diversement le petit format, le genre narratif fictionnel ou non-fictionnel et la bande dessin e

ensemble d’environ quatre-vingt-quinze œuvres. Si ce dépôt permet de les protéger pendant la guerre, il confirme la primauté du jeune musée new-yorkais comme institution de référence pour l’art moderne outre-Atlantique.

À Paris, pendant ce temps, Picasso traverse la sombre période de l’Occupation. Mais Guernica, désormais aux États-Unis, revient à lui indirectement, comme il le raconte dans un entretien paru en mars 1945 : «  Elle est vraie, Picasso, cette histoire qui a couru le monde ? Un jour, un officier de la Gestapo brandit une reproduction de votre Guernica et vous demande : “C’est vous qui avez fait cela ?” Et vous auriez répondu : “Non, c’est vous.”

Oui, dit Picasso en riant, c’est vrai, c’est à peu près vrai. Quelques fois il y avait des boches qui venaient chez moi sous prétexte d’admirer mes tableaux : je leur distribuais des cartes reproduisant ma toile Guernica, et je leur disais : “Emportez.

Souvenir ! Souvenir !” [ ] Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi 7  »

Sur l’échiquier de la guerre froide

Les œuvres vont rester à la garde du MoMA bien au-delà la Seconde Guerre mondiale. Cet ensemble qui possède une importance si particulière pour l’artiste comme pour la mémoire de la guerre civile perdue par les républicains est une cause à laquelle l’artiste reste extrêmement attaché. Pourquoi ne retourne-t-il pas dans son atelier parisien ? À qui d’ailleurs appartiennent véritablement les œuvres ? Il faut à ce sujet distinguer la grande peinture murale, qui a fait l’objet d’une commande, de la soixantaine d’esquisses préparatoires et post-scriptum.

Appartiennent-elles à Picasso, dont la rémunération n’aurait pas été intégralement versée ? À l’Espagne ? Celle du gouvernement républicain qui a été renversé, ou celle du général Franco, désormais au pouvoir ?

Après la Libération de Paris, alors que l’artiste

pourrait demander le retour de ses œuvres, le musée entreprend à son tour de négocier. Alfred H. Barr écrit ainsi à l’artiste : « Je me permets de vous écrire cette fois au nom du Museum of Modern Art pour vous prier de nous considérer en premier lieu pour l’achat de certaines de vos œuvres que nous avons gardées ici pendant la guerre dans l’éventualité que vous soyez disposé à en céder une ou plusieurs. On désirerait d’acheter [sic] surtout Guernica et les dessins 280 à 326 dans notre catalogue 8  » À défaut de réponse peut-être, la situation temporaire s’installe et l’œuvre reste au MoMA pendant une décennie.

Le monde entre dans la guerre froide. L’art a un rôle à jouer sur l’échiquier complexe de ce nouvel équilibre géopolitique, Picasso aussi. Adhérent du Parti communiste français depuis 1944, l’artiste met son image au service de cette organisation politique et répond à de nombreuses sollicitations, mais son art demeure éloigné des préceptes du réalisme socialiste et du combat contre l’impérialisme américain. Sur le fil étroit des antagonismes, Picasso choisit avec habileté les idées, causes et situations qu’il soutient.

Dérouler Guernica

Dans ce contexte, un nouveau cycle d’expositions commence pour Guernica en 1953. Chaque projet est l’objet d’échanges et de négociations entre l’artiste, les institutions emprunteuses et le MoMa qui gère les multiples engagements décidés par Picasso. Présentée tantôt dans des expositions rétrospectives, tantôt avec ses esquisses préparatoires, l’œuvre possède dorénavant un rôle mémoriel et civilisationnel. Placée au cœur d’enjeux internationaux, elle devient la porteparole du monde occidental, alors que les relations diplomatiques évoluent au fil des conflits de décolonisation en Indochine (1946-1954), Corée (1950-1953), Algérie (1954-1962) ou encore au Vietnam (1955-1975), et que la menace de conflit nucléaire se fait pressante.

À l’initiative d’un sénateur romain communiste, une exposition Mostra di Picasso est d’abord programmée à Rome, puis, après la victoire du Parti aux élections, au Palazzo Reale de Milan. L’artiste, qui conduit l’opération à distance, sélectionne un ensemble d’œuvres engagées pour la seconde manifestation : Guernica, de retour en Europe et choisie pour l’affiche, Le Charnier (1944-1945),

Sur l’échiquier de la guerre froide

Massacre en Corée (1951) ainsi que les panneaux de La Guerre et La Paix (1952), avant leur installation dans la chapelle de Vallauris. Les peintures de guerre font écho aux stigmates des bombardements alliés, toujours visibles dans la célèbre salle des Cariatides. Toujours en 1953, Guernica traverse à nouveau l’Atlantique vers le Brésil, pour son unique séjour en Amérique du Sud, à la deuxième Biennale de São Paulo. À la demande de Picasso, l’historien de l’art Maurice Jardot organise ce projet qui aura un important retentissement auprès des artistes brésiliens et favorisera le développement local d’un mouvement abstrait.

Les deux années suivantes, Guernica est intégrée au parcours itinérant de l’exposition Picasso. Peintures, 1900-1955 au musée des Arts décoratifs. Plus de vingt ans après l’exposition de la galerie Georges Petit, l’artiste est très attentif à cette nouvelle rétrospective parisienne. Également organisée par Maurice Jardot, son retentissement est important alors que le cycle des quinze Femmes d’Alger (1954-1955), inspiré de Delacroix, entre en résonance avec la guerre d’Algérie, qui divise profondément la France.

Dérouler Guernica

Après Paris, l’exposition circule en Allemagne, à Munich, Cologne et Hambourg. À Munich, elle se tient à la Haus der Kunst, qui fut l’un des hauts lieux de l’art à l’époque nazie, où s’était tenue, en même temps que l’Exposition internationale de Paris en 1937, l’exposition Entartete Kunst (« Art dégénéré »), réponse fasciste à la mobilisation de l’avant-garde artistique européenne. Programmées à une période clé de l’histoire européenne, les trois manifestations se déroulent en même temps que le rétablissement de la souveraineté allemande et l’intégration de la République fédérale à l’Otan en 1955. Le rôle de la légion Condor et la responsabilité de l’Allemagne nazie dans le massacre survenu à Guernica sont cependant passés sous silence dans les discours d’inauguration.

À un rythme toujours soutenu, Guernica est exposée à la suite, en 1956, avec ses esquisses préparatoires à Bruxelles, Amsterdam, puis Stockholm.

Lorsque le traité de Rome marquant la naissance de la Communauté économique européenne (CEE) est signé en 1957 par l’Allemagne de l’Ouest,

Sur l’échiquier de la guerre froide

la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, Guernica a déjà été exposée dans presque tous ces pays. Cet événement médiatique et artistique considérable a contribué à cimenter leur entente après une guerre encore récente et une phase de repentance. Il participe aussi à la consécration de Picasso, et plus largement de l’art moderne comme force de transformation. Une décision importante est prise après l’exposition Picasso: 75th Anniversary, qui se tient à partir de mai 1957 d’abord au MoMA, puis à Chicago et Philadelphie. Les œuvres prêtées pour la première exposition de 1939, et déposées par l’artiste à l’institution à la suite en raison du conflit mondial, lui sont finalement restituées à sa demande, près de vingt ans plus tard. Guernica et la soixantaine d’études demeurent dans le musée américain, mais ne seront plus prêtées afin d’assurer leur préservation.

«

Le dernier exilé »

Dix ans plus tard, une campagne offensive est lancée dans la presse française. Le 24 octobre 1969, l’article « Guernica à Madrid ? » parait dans Le Monde : « “Le gouvernement du général Franco estime que la place de Guernica — chef-d’œuvre de Pablo Picasso — est à Madrid”, a déclaré à un déjeuner de presse M. Florentino Pérez Embid, directeur des Beaux-Arts. [ ] Depuis plusieurs années, Madrid tente de récupérer ses enfants prodigues soumis à la contradiction qui les déchire entre leur opposition au régime de Franco et leur attachement à l’Espagne. [ ] Pour héberger Guernica, les autorités madrilènes envisagent le musée d’Art contemporain espagnol, actuellement en construction et qui sera terminé l’année prochaine, à la Cité universitaire de Madrid. Selon le directeur des Beaux-Arts, le gouvernement espagnol ne verrait pas d’objection à ce que

Guernica occupe la place centrale de ce musée. Il a toutefois précisé que Madrid désirerait que Guernica vienne en Espagne avec le consentement de Picasso et “n’envisagerait pas de contester juridiquement la propriété du chefd’œuvre”, commandé par le gouvernement républicain, pour le stand espagnol de la foire internationale de 1937 et pour lequel Picasso n’avait pas été complètement payé. »

Face à cette manœuvre, la réponse de Picasso se fait entendre le mois suivant par la voix de son avocat Me Roland Dumas, reproduite et commentée dans le même quotidien : « “Pablo Picasso a clairement fait connaître à l’époque [ ] que cette œuvre devrait être remise au gouvernement de la République espagnole le jour où la république serait restaurée en Espagne. Picasso n’a pas changé d’intention quant à la destination de cette œuvre d’art. [ ]”

Des mandataires, s’exprimant au nom du gouvernement espagnol, ont tenté récemment de prendre contact avec Picasso, pour lui demander s’il accepterait que Guernica soit remis aux autorités de Madrid, pour figurer soit au musée

d’Art contemporain soit au Prado ; selon l’avocat du peintre, “ces démarches reposent sur une équivoque entretenue par le gouvernement espagnol, qui feint de croire que Pablo Picasso aurait, dans le passé, fait don de cette œuvre ‘à la jeunesse espagnole’, et que cette jeunesse souhaiterait pouvoir la contempler en Espagne même. Cette version des faits est inexacte”… Voilà l’équivoque levée 9 . »

La tentative de récupération est immédiatement stoppée par l’artiste. Le gouvernement de Franco, qui a essayé d’usurper l’œuvre, désirait plus encore neutraliser, voire capter son aura. Plus de trente ans après le bombardement de la ville basque, ce projet, qui constituait une insulte à la mémoire des civils massacrés comme à la vérité historique, visait à établir une relation plus apaisée avec Picasso. Par sa force contestataire, le soutien qu’il apporte aux réseaux d’entraide, aux campagnes d’amnisties de prisonniers politiques et ses prises de position publiques, il incarne tant en Espagne qu’à l’étranger la lutte antifranquiste, encore renforcée par la circulation de son œuvre, qui inspire intellectuels et artistes de gauche dans son pays.

Le 15 décembre 1969, Picasso donne formellement des instructions à son avocat quant au devenir de l’œuvre : « Ce tableau doit revenir à l’Espagne, mais seulement au jour où un gouvernement républicain aura été réinstallé dans mon pays d’origine. D’ici-là ce tableau et les études qui y sont jointes resteront en dépôt et sous la garde du Museum of Modern Art 10  » Picasso meurt le 8 avril 1973. Franco le 20 novembre 1975. Avec le soutien du roi Juan Carlos, Adolfo Suárez porte la transition démocratique en Espagne, engage les réformes politiques en ce sens, puis organise des élections jusqu’à l’adoption en décembre 1978 d’une nouvelle Constitution. Les négociations liées à l’arrivée de Guernica sont toutefois longues et complexes. Roland Dumas, chargé par l’artiste de procéder à la restitution de l’œuvre à l’État espagnol, est en contact depuis de nombreuses années avec les responsables politiques du pays. Ces derniers mesurent en effet combien sa présence serait essentielle à la consolidation du processus politique et social en cours. Le 23 février 1981, alors que les négociations sont près d’aboutir,

les forces ultra-conservatrices tentent un nouveau coup d’État, cette fois-ci déjoué. La république est bien restaurée en Espagne. Huit ans après le décès de l’artiste et une dernière exposition d’adieu, l’immense toile peinte est une nouvelle fois déposée de son châssis, puis roulée. Guernica quitte le MoMA, New York et les ÉtatsUnis. La peinture traverse à nouveau l’Atlantique et rejoint Madrid par avion de ligne, le 10 septembre 1981. C’est un événement international majeur à l’immense couverture médiatique. Plus de quarante-quatre ans après sa création dans l’atelier de la rue des Grands-Augustins, l’œuvre si intimement liée à Picasso, à la guerre civile qui a déchiré le pays et aux années noires de la dictature arrive enfin sur les terres qui sont les siennes. L’arrivée du « dernier exilé 11 », selon les termes employés par Íñigo Cavero, ministre espagnol de la Culture à l’époque, marque la fin d’une époque. Dans des conditions de sûreté maximale sous la vigilance de la Guardia Civil, protégée dans un immense caisson qui la met à l’abri de toute action extrémiste, Guernica est présentée au public dans le Casón del Buen Retiro, ancienne salle de bal du

Dérouler Guernica « Le dernier exilé »

réinstallée après son retour de voyage 12 . »

Le restaurateur recommanda de fixer cette toile sur un nouveau châssis afin de lui redonner une tension adéquate. L’intervention fut réalisée pour la réouverture du MoMA dans un nouvel édifice en 1964, à l’occasion du trente-cinquième anniversaire de cette institution. Comme c’est l’usage dans les musées, les éléments du châssis d’origine furent préservés. Comme cela se produit parfois, ils ont été oubliés au fil du temps.

Au moment de procéder à son transfert en Espagne, le MoMA communique officiellement sur l’événement : « Aujourd’hui comme hier, nous sommes fiers de poursuivre l’engagement du MoMA pour l’histoire de l’art moderne, en envoyant le châssis original de Guernica au Reina Sofia pour enrichir les archives de l’œuvre, afin que le récit de cette peinture d’histoire puisse être pleinement raconté 13  »

Présentée au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía depuis 1992, à Madrid, Guernica est désormais exposée en majesté dans une vaste salle. Elle semble y être depuis toujours. Les visiteurs se succèdent devant elle. Les gardiens qui

l’encadrent veillent à sa préservation. Dans le silence de ce grand musée, elle ne quitte désormais plus sa cimaise.

L’œuvre résiste à tout.

Guernica est enfin déroulée.

de New York

Souvenir

Architecture Urbanisme

L’arche et le désert

L’avis parfois diffus qu’à propos du changement climatique tout a été dit, que l’on en parle trop ou pas assez dénote un sentiment partagé si ce n’est de désespoir tout du moins de lassitude. La lecture de Mike Davis nous donne un regard neuf et approfondi. De ces lectures qui nous rendent comme un peu plus armés sur les questions de notre temps.

En reprenant les travaux de Kropotkine, penseur anarchiste et géographe émérite, Mike Davis dévoile une historiographie de la conscience écologique et détricote bien des idées reçues. De son expérience d’urbaniste, Mike Davis nous délivre des conclusions inédites, fruit d’une analyse reconnue et d’une capacité à faire le pas de côté parfois nécessaire.

Une nouvelle théorie de la révolution doit se tourner vers les questions majeures de notre époque : le réchauffement planétaire, la pacification du prolétariat et l’éclipse démographique de la campagne pour la ville. La vie humaine ne saura perdurer sans l’émancipation de chacun et chacune.

L’arche et le désert rassemble les derniers écrits non traduits de Mike Davis sur les enjeux climatiques.

Mike Davis a profondément marqué les études urbaines et la critique sociale. Né dans une famille modeste du Midwest, il devient conducteur de camion avant de poursuivre des études universitaires. Professeur à l’université de Californie, il se fait connaître avec City of Quartz (1990), une analyse innovante et radicale de Los Angeles. Ses travaux sur l’urbanisation, les inégalités sociales et l’écologie politique, notamment dans Le Pire des mondes possibles : De l’explosion urbaine au bidonville global (2006), lui valent une reconnaissance internationale. Lauréat du prestigieux MacArthur Fellowship en 1998, Mike Davis a légué une œuvre engagée, mêlant rigueur académique et critique sociale du capitalisme moderne.

Traduit de l’américain par Emilie Lecoulant. Mike Davis

crise climatique écologie urbanisme géographie histoire des sciences critique sociale utopie Giec crise sociale énergie Kropotkine

bibliographie succinte :

City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur, Mike Davis, La Découverte (1997). Génocides tropicaux : Catastrophes naturelles et famines coloniales (1870-1900), Mike Davis, La Découverte (2003).

Au-delà de Blade Runner : Los Angeles et l’imagination du désastre, Mike Davis, Allia (2006).

Le Pire des mondes possibles : De l’explosion urbaine au bidonville global, Mike Davis, La Découverte (2006). Mots clefs

L’arche et le désert

« Dans cette perspective, seul un retour à une pensée explicitement utopique peut clarifier les conditions minimales de préservation de la solidarité humaine face aux crises planétaires convergentes. […]

Pour élever notre imagination au niveau du défi de l’Anthropocène, nous devons être capables d’envisager des configurations d’action, de pratique et de relation sociale, et cela exige, dès lors, que nous suspendions les hypothèses politicoéconomiques du présent. »

« Mike Davis est l’auteur d’une œuvre dense et intense, rigoureuse et inventive, largement traduite en français, dont les enjeux n’ont pas fini de venir hanter notre présent et notre futur. », Libération.

« Mike Davis avait le sens de la formule [avec] son écriture puissante, accessible. » Le Monde.

« Toute sa vie, Mike Davis a été un « foot soldier » : un fantassin, un militant de terrain. » Télérama.

« Les textes de Mike Davis, s’ils n’éludent jamais les violences du monde, cherchent constamment à repérer les sources d’énergies qui les produisent, pour en démonter les mécanismes, voire en détourner ou retourner la puissance. » Vacarme.

Préface de Marc Saint Upéry. Marc Saint-Upéry est un journaliste, éditeur et traducteur français. Il a collaboré avec un grand nombre de publications françaises, latino-américaines et italiennes sur des thèmes divers : philosophie politique, géopolitique, mouvements sociaux, Europe de l’Est, États-Unis, Moyen-Orient, Amérique latine, rapports Nord-Sud. Ses articles sont parus entre autres dans Écologie & Politique, Ecuador Debate, Hérodote, Iconos, etc. Il est l’auteur de Le rêve de Bolivar. Le défi des gauches sud-américaines (La Découverte, 2007). Directeur littéraire aux éditions La Découverte entre 1993 et 1997, il y a été le premier à introduire Mike Davis auprès des lecteurs français avec City of Quartz. Los Angeles, capitale du futur (1997).

format

130*210

120 pages

Broché [dos carré collé]

Couverture : Carte couchée 250 gr, quadrichromie.

Intérieur : bouffant crème, 80 gr, n&b.

Impression offset ***

Prix : 14 € TTC

Tirage : 2000 ex. ISBN : 978-2-9596273-0-9

APRÈS LA RÉVOLUTION

Après la révolution est un journal d’application de la pensée architecturale à d’autres objets que la production de bâti en tant qu’elle est un outil pour la transformation systémique de la réalité.

Ce cinquième numéro thématique annuel traite de la planification. Ce terme, absolument central dans les transformations majeures du XXe siècle a été banni du vocabulaire et de l’action politique avec l’avènement des pratiques dérégulatrices du néolibéralisme. Mais le défi majeur qu’est la question écologique pour nos sociétés a

remis ce terme au centre du débat public, comme de l’action révolutionnaire.

Ce numéro engage un bilan critique des tentatives de planification en présentant les contradictions et potentialités que cette activité recouvre d’un point de vue théorique, mais aussi pratique, en donnant la parole à des acteur·ice·s de ces processus et en proposant d’explorer d’autres significations inattendues. Ce travail est accompagné de la republication de documents historiques peu accessibles et d’hypothèses de mise en œuvre de planification dans un monde en feu.

Ce journal est une des activités de l’association Après la révolution, basée à Saint-Étienne. Ce numéro 5 comprendra le maximum de textes que les deux centimètres d’épaisseur du format lettre peuvent contenir en essayant de couvrir le spectre le plus large, dans le temps et l’espace, des pensées capables de réactiver la planification dans les affaires humaines. ALR est im-

primé, relié et façonné à Saint-Étienne par les membres de l’association Après la révolution.

Comité de rédaction du journal : Manuel Bello Marcano, Matthias Brissonnaud, Adrien Durrmeyer, Anaïs Enjalbert, Marianna Kontos, Timothé Lacroix, Léo Pougnet, Claire Thouvenot, Emma Vernet, Xavier Wrona.

Format : 20,8 x 29,5 cm, 350 pages

ISSN : 2678-3991

ISBN : 978-2-493403-15-5

Prix : 23 euros

Rayons : Beaux arts / Essais

Thèmes : Architecture / Philosophie / Sciences sociales

Sortie : juin 2025

SOMMAIRE DU NUMÉRO

Sommaire indicatif sous réserve d’accord des auteur·ice·s et maisons d’édition

ÉDITO

INTRODUCTION GÉNÉRALE — Le comité de rédaction

DOCUMENTS

(republication de documents difficiles d’accès ou peu connus)

INTRO — Le comité de rédaction SÉLECTION DE TEXTES SUR LA « VILLE SOCIALISTE » (SOTSGOROD), PROJET DES ARCHITECTES SOVIÉTIQUES D’AVANT-GARDE — Rassemblés par Claire Thouvenot

LA PLANIFICATION DANS LA PHILOSOPHIE MODERNE OCCIDENTALE : LEIBNIZ, HEGEL ET COMPAGNIE — Léo Pougnet et Xavier Wrona TROISIÈME PLAN SOCIALISTE VENEZUELA 2019-2025 (OU LA PLANIFICATION À L’ÉPREUVE DE LA DICTATURE) — Manuel Bello Marcano

QUELQUES PRISES DE PAROLE DE THOMAS SANKARA SUR LA PLANIFICATION — Xavier Wrona RABELAIS LA MISE EN DÉRISION DES GRANDS PROJETS DU MONDE ET LA PLANIFICATION COLONIALE DE L’EUROPE — Léo Pougnet et Xavier Wrona LE CALENDRIER DANS LA PLANIFICATION AGRICOLE ET L’ORGANISATION DE LA VIE SOCIALE CHEZ LEROI-GOURHAN — Emma Vernet

LES OUTILS DE LA PLANIFICATION : DIAGRAMMES CALENDRIERS CARTES — Matthias Brissonnaud THÈSES SUR LA VILLE L’URBAIN ET L’URBANISME — Henri Lefebvre UNE THÉORIE MARXISTE DE LA PLANIFICATION EST-ELLE POSSIBLE ?

Guillaume Fondu

LA PLANIFICATION CENTRALE ET SES ALTERNATIVES DANS L’EXPÉRIENCE DES ÉCONOMIES SOCIALISTES — Bernard Chavance URBANISATION DU CAPITAL — David Harvey

LA PLANIFICATION, TECHNIQUES ET PROBLÈMES — Guy Caire PLANIFIER LA DÉBAUCHE/PLANIFIER L’EXCÈS : LES 120 JOURNÉES

DE SODOME (SADE) EXTRAIT : « RÈGLEMENTS » — Marquis de Sade

LA RECONSTRUCTION DE L’HOMME (EXTRAIT DE L’HOMME, CET INCONNU) — Alexis Carrel

EXTRAIT DU POPOL VUH/EXTRAIT DU VOYAGE À IXTLAN : LES LEÇONS DE DON JUAN/L’ART DE RÊVER : LES QUATRE PORTES DE LA PERCEPTION DE L’UNIVERS — Carlos Castaneda

ÉPISTÉMOLOGIE

(contributions à la définition du savoir architectural)

INTRO — Le comité de rédaction

À PROPOS DE LA FASCINATION DE LE CORBUSIER POUR LA PLANIFICATION, EN TEMPS DE GUERRE COMME DE PAIX — Xavier Wrona

CE QUE L’ARCHITECTURE DOIT AU SOL : À PROPOS DU ZÉRO

ARTIFICIALISATION NETTE — Marie Clément PLANIFICATION ET PROBLÈMES MATHÉMATIQUES — Matthias Brissonnaud FRIEDRICH HAYEK, LE NÉOLIBÉRALISME CONTRE LA PLANIFICATION — Xavier Wrona

PLANMÄSSIGKEIT OU « CONFORMITÉ À PLAN » (COORDINATION ?), 11 E LETTRE BIOLOGIQUE — J v. Uexkull PLANIFICATION VS PROJET — Thierry Eyraud L’ARCHITECTURE DE LA NÉCESSITÉ — Ernesto Oroza CONCERNENT LA PLANIFICATION DU DÉRAPAGE… DE LA PLANIFICATION EN URSS — Matthias Brissonnaud

PÉDAGOGIE

(travaux d’exploration d’étudiant·es de l’École d’architecture de Saint-Étienne)

INTRO — Le comité de rédaction LA PLANIFICATION MATRIARCALE DE LA CHINE — Camille Deveautour & Luisa Fernanda Parra Ossa UNE DÉSYNCHRONISATION SYSTÉMIQUE DE L’EUROPE — Emile Goyard & Jacobo Palacio

SOVIÉTISATION DES ÉTATS-UNIS — Joshua Guiffrey & Sara Vanegas PLANIFICATION DÉMOCRATIQUE DÉCENTRALISÉE DE BASSE ÉNERGIE DES MOYENS DE PRODUCTION EN URSS — Alice Blottière & Valeria Villamizar

INTERVENTIONS

(en prise avec des luttes actuelles dans un monde en feu)

INTRO — Le comité de rédaction PLANIFICATION ET PLANNING FAMILIAL — Centre de documentation du Planning familial RETOUR SUR L’EXPÉRIENCE DES JO ET LES DISPOSITIFS

QUI RESTENT… Marianna Kontos LA TRICONTINENTALE ET LA PLANIFICATION — Xavier Wrona PALESTINE ET PLANIFICATION COLONIALE : ENTRETIEN AVEC MONIRA MOON — Anaïs Enjalbert et Claire Thouvenot LES ZAD ET LA QUESTION DE LA PLANIFICATION — Xavier Wrona LA RÉFORME DE L’APPAREIL PRODUCTIF ET LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE : CONVERSATION AVEC ADRIEN CORNET ET PAUL FELTMANN DE LA CGT DE LA RAFFINERIE DE GRANDPUITS — Anaïs Enjalbert, Marianna Kontos, Léo Pougnet et Xavier Wrona FAIRE JUSTICE — Elsa Deck Marsault

KUROKAWA ET L’INSTITUT D’INGÉNIERIE SOCIALE, UNE EXPÉRIENCE DE PLANIFICATION ARCHITECTURALE POUR RECONSTRUIRE LE JAPON -Xavier Wrona

ENFOUISSEMENT DÉCHETS NUCLÉAIRES : « UN PLAN DE MERDE » — Sortir du nucléaire ou Thomas Sebeok

« L’ANTHROPOCÈNE, LE REGARD ET LES RÉFLEXIONS

D’UN GÉOLOGUE » — Pierre Thomas

À PROPOS DE LA PLANIFICATION EUGÉNISTE — Claire Thouvenot et Marianna Kontos

À PROPOS DE LA STÉRILISATION COLONIALE ET PATRIARCALE :

EXTRAIT DE LE VENTRE DES FEMMES. CAPITALISME, RACIALISATION, FÉMINISME — Françoise Vergès CRIMINELS CLIMATIQUES — Mickaël Correia

EXTRAIT DE NÉCROPOLITIQUE — Achille Membe

SCOP MORASSUTI : UNE IMPRIMERIE REPRISE PAR SES SALARIÉS À SAINT-ÉTIENNE — Scop Morassuti

COMMENT BIFURQUER : ENTRETIEN AVEC CEDRIC DURAND

ET RAZMIG KEUCHEYAN — Claire Thouvenot, Timothé Lacroix et Xavier Wrona

« L’UTOPIE AU QUOTIDIEN » : LA VIE ORDINAIRE EN URSS

— Extraits du catalogue de l’exposition

BOUKHARINE ET LA QUESTION DE L’IMPÉRIALISME — Maurice Andreu

MONNAIE LOCALE COMPLÉMENTAIRE : ENTRE COMMUNISME ET CAPITALISME — Emilien Épale

PLAN B POUR LA PLANÈTE, LE NEW DEAL VERT — Naomi Klein

TERRA FORMATION — Benjamin H. Bratton

À PROPOS DE LA MUSIQUE ET DU FUTURISME COMMUNISTE

À TRAVERS UN GROUPE DE T3 — Vincent Chanson

CRITIQUE

(Contributions critiques issues de colloques ou d’ouvrages de recherche)

INTRO — Le comité de rédaction

BRICS, OPEP, ALBA, ALCA – DES ARCHITECTURES INTER-ÉTATIQUES

— Manuel Bello Marcano

À PROPOS DE LA PLANIFICATION DU COMPLOT QANON — Xavier Wrona

LA FONDATION DES VILLES ET LA COLONISATION CHEZ VAUBAN

— Xavier Wrona

JO : PLANIFICATION DES GRANDS ÉVÈNEMENTS : ENTRETIEN

AVEC JULES BOYKOFF — Marianna Kontos

GRILLE, VILLE ET TERRITOIRE AUX ÉTATS-UNIS : UN QUADRILLAGE DE L’ESPACE POUR UNE PENSÉE SPÉCIFIQUE DE LA VILLE ET SON TERRITOIRE — À PROPOS DE LA THÈSE DE DOCTORAT DE CATHERINE MAUMI — Xavier Wrona

À PROPOS D’HÉRITAGE ET FERMETURE DE EMMANUEL BONNET, DIEGO LANDIVAR ET ALEXANDRE MONNIN — Xavier Wrona et Matthias Brissonnaud L’EXPÉRIENCE DE PLANIFICATION CYBERSYNE — Manuel Bello Marcano

PLAN MARSHALL ET CONTRE PLAN MARSHALL DANS L’AGRICULTURE

— Claire Thouvenot

MAGNITOGORSK, EMBLÈME STALINIEN DU PLAN QUINQUENNAL ET DE L’INDUSTRIALISATION — Claire Thouvenot et Xavier Wrona SCÉNARIOS DE PLANIFICATION POST-CAPITALISTE MÉCONNUS (autour du livre Construire l’économie postcapitaliste)

LA PLANIFICATION SPORTIVE EN URSS : L’APPARENCE PHYSIQUE COMME PLAN DE L’ÉTAT ? Une conversation d’ALR avec Sylvain Dufraisse, entretien mené par Claire Thouvenot, Timothé Lacroix et Xavier Wrona

PROPHÉTIES D’ENGELS DANS GÉOGRAPHIE ET CAPITAL — David Harvey

L’ARCHITECTURE CONTRE LE CAPITALISME — Adrien Durrmeyer

LA PLANIFICATION À L’HEURE DE LA GOUVERNANCE — Pierre Caye

DES DIVERS IMAGINAIRES DE LA PLANIFICATION DANS LES PAYS COMMUNISTES DANS LE XX E SIÈCLE — Anna Safronova

LA PLANIFICATION EST-ELLE UNE QUESTION ÉCONOMIQUE OU ARCHITECTURALE ? Xavier Wrona

LA CONSOMMATION, MALADIE INFANTILE DE L’ÉCOLOGISME.

SUR LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE — Paul Guillibert

ENTRETIEN AVEC ÉMILIE HACHE À PROPOS DE SON LIVRE DE LA GÉNÉRATION — Emilie Hache, Léo Pougnet et Xavier Wrona

L’AGRICULTURE PAYSANNE EN PAYS BASQUE ET AILLEURS : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE — Iker Elosegi

SEUL LE TEMPS NOUS APPARTIENT — Pierre Caye

PLANNED SOCIETY — Lewis Mumford

MATHEMATICAL METHODS OF ORGANIZING AND PLANNING

PRODUCTION — Kantorovitch

REGIONAL PLANNING AND ECOLOGY — Benton Mackaye

COMPUTERS AND ECONOMIC PLANNING : THE SOVIET EXPERIENCE — Martin Cave

RED PLENTY PLATFORMS — Nick Dyer-Witheford

EXTRAITS

Planches extraites de la partie « pédagogie » du journal

Planches du numéro précédent du journal (N° 4, Production)

MOTS-CLÉS

À QUI VA LA TERRE ? / BENOÎT COQUARD

NÉO-RURAUX / TOURISME OU BARBARIE ? / MARXIENS EN PAYS VERT / L’ÉTAT DU SAUVAGE / QUEERING THE VILLAGE

DÉRIVATIONS #9

SOUS-TITRE Pour le débat urbain

AUTEURS

Dossier sous la direction de Michaël Bianchi et Pierre Geurts, avec une interview de Benoît Coquard et les contributions de Amélie Lucas-Gary, Pauline Michel, Messaline Jaumotte, Demis Pirard, Hugues Lefebvre Morasse, Cristina Pallini & Dipon Bose, Marion Henry, Gregorio Carboni Maestri, Charlotte Renouprez, Jean-Michel Leclercq, Paul Hermant, Marie Gérard Petré, Sebastien Lacomblez, Thomas Bolmain, Axel Serveaux, Stefan Tulepo, Martin Dellicour et Sebastien Lacomblez.

ÉDITEUR urbAgora asbl

DIFFUSION Serendip / Hématomes Éditions

DISTRIBUTION Serendip

ISBN 978-2-930878-15-7

PRIX PUBLIC 19 euros

N° DE PAGES 352 pages

FORMAT 16,5 × 24 cm

RELIURE Dos carré collé

DATE DE PARUTION Septembre 2024

TITRE DU DOSSIER

Ce que l’urbain fait au rural

DESCRIPTIF

Ce numéro de Dérivations est dédié à la ruralité. Pour une revue consacrée à la ville et au débat urbain, c’est un paradoxe, mais seulement en apparence. Le rural et l’urbain, bien que séparés et parfois opposés, présentent des destins qu’il s’agit aujourd’hui de penser ensemble. A l’heure du « triomphe de la ville » (pour reprendre les termes, discutables, de Edward Glaeser), la ruralité s’affiche comme un espace ou coexistent résignations et résistances, conservatismes et créativités politiques. Un espace qui continue d’être mis en question, dans ses pratiques et ses valeurs, par différents acteurs sociaux et économiques issus de la ville et plus généralement par les prédations capitalistes. Qu’il s’agisse du tourisme sous différentes formes, des plus prédatrices (Durbuy) au plus respectueuses (Agritourisme en Gaume), de l’agriculture, pas toujours aussi fragile qu’il n’y paraît, de la nature exploitée ou défendue, de la présence du végétal et de l’animal, la ruralité est un lieu d’abondances bien différentes de celles qu’offre la ville.

Certes, la campagne wallonne n’est pas la même que la campagne française. On n’y est jamais à moins de cinquante kilomètres d’une ville. Les contrastes y sont sans doute moins puissants. En Belgique, point de « désert médical » ou de « campagne profonde ». Beaucoup d’urbains sont issus de villages ruraux et nombre d’entre eux y séjournent tout en travaillant en ville. N’empêche : les contrastes subsistent. En ruralité, la proximité de la nature est bien réelle. Les animaux sont présents, plus qu’en ville. Les paysages, même altérés, sont des biens communs et l’objet de luttes nombreuses.

Ce prochain numéro tente d’approcher les particularités des territoires ruraux et de ceux qui y vivent (humains ou non) sur les plans du politique, du sensible, du culturel et de l’intime. Dans ses rapports à l’urbain et aux urbains. Dans ses contacts, aussi, avec le sauvage et les voix qui appellent à sa préservation, ou du moins à la préservation de ce qu’il en reste. On y trouvera un longue entrevue avec Benoît Coquard, auteur de « Ceux qui restent », des textes de Amélie Lucas-Gary, Messaline Jaumotte, Demis Pirard, Hugues Lefebvre Morasse, Marion Henry, Gregorio Carboni Maestri, Charlotte Renouprez, Jean-Michel Leclercq, Paul Hermant, Marie Gérard Petré, Sebastien Lacomblez, Thomas Bolmain et Michael Bianchi, et aussi des interventions plastiques de Axel Serveaux, Stefan Tulepo, Martin Dellicour et Sebastien Lacomblez.

Michael Bianchi Architecte

Thomas Bolmain Docteur en philosophie

Gregorio Carboni Maestri Maître assistant Conférencier

Brunella Danna-Allegrini Historienne de l’art

Marie Gérard-Petré Philosophe Secrétaire de rédaction de Dérivations

Paul Hermant Auteur Acteur des Temps Présents

Messaline Jaumotte Anthropologue

Jean-Michel Leclerq Anthropologue Journaliste

Louis Gary & Amélie Lucas-Gary Auteurs Artistes

Demis Pirard Sociologue

Charlotte Renouprez Présidente de l’association Les Equipes Populaires

Cristina Pallini & Dipon Bose

INTERVIEW

Benoît Coquard Sociologue

ILLUSTRATIONS

Sébastien Lacomblez Plasticien

Axel Serveaux Plasticien

PHOTOGRAPHIES

Martin Dellicour Photographe

Stefan Tulepo Plasticien

ÉQUIPE

RÉDACTEUR EN CHEF

Michael Bianchi

DIRECTEUR DE PUBLICATION

François Schreuer

DIRECTEUR ARTISTIQUE

Pierre Geurts

Comité de rédaction

Michaël Bianchi

Gregorio Carboni Maestri

Natacha Everaert

Pierre Geurts

Yaprak Hamarat

Marion Henry

Pavel Kunysz

Jean-Michel Leclercq

Charlotte Renouprez

François Schreuer

Manon Vadjaraganian

CONCEPTION GRAPHIQUE Antoine Lantair, NNstudio

IMPRESSION AZ Print sa

Photographie

Olivier Cornil Dans mon jardin les fleurs dansent

« Dans mon jardin les fleurs dansent est une série entamée il y a quelques années, à Bugeat, en Corrèze, où ma mère a décidé d’aller vivre.

C’est l’histoire simple, mais comme beaucoup d’autres pas toujours facile, d’une femme, d’une mère, de liens, de ruptures, de deuils et d’envies.

De résignations et de renouveau, de souvenirs, de pleurs et de rires. Des images de là-bas et des textes d’ici.

Une histoire. Hier, douloureuse. Belle, aujourd’hui. »

Esthétique sans prétention « plasticienne », artisanale et lente, formidablement perméable à l’humain comme à la poésie du détail, son approche photographique se complète souvent de textes, de documents… Olivier Cornil livre ici, avec ces images de la série « Dans mon jardin les fleurs dansent », le résultat d’un travail récent et très personnel à propos de sa mère et de la vie de famille, mené en Corrèze entre 2002 et 2018, aussi près des gens que des choses et du paysage.

Auteur

Professeur à l’ESA Saint-Luc Liège, Olivier Cornil travaille un peu partout en Belgique et parfois à l’étranger, ce qui a été le cas lors des tournées du groupe Girls in Hawaii dont il fut longtemps « membre visuel » à part entière.

Diplômé de l’ESA « Le Septante-cinq » à Bruxelles, il a exposé et publié, depuis lors, maints travaux mêlant souvent photographies et notes, à mi-chemin entre l’autobiographie pudique et une approche généreuse et sensible du documentaire.

S’il a pas mal voyagé du temps où il était membre des Girls in Hawaii, c’est surtout par des missions ou des expositions en Belgique que son travail s’est fait reconnaître : biennale du Condroz en 2013, Mons 2015, Fluide biennale d’art contemporain à Thuin en 2015 et commande d’architecture pour la CFWB dans la même région, « Propositions d’artistes » chez Contretype, à Bruxelles, en 2012.

Il a publié de nombreux livres d’artiste et une monographie, Homeland / Vladivostok, chez Yellow Now, en 2013. Il est également le fondateur, avec Emmanuel d’Autreppe de l’Image sans nom, un lieu dédié au livre et à la photographie à Liège.

152 pages couleurs, format 23×32 cm (à la française)

88 pages 23×32 cm avec insertion de 64 pages 10,5×14,8 cm

Couverture souple cartonnée avec reliure apparente

Olivier Cornil

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Olivier Cornil

Dans mon jardin les fleurs dansent

Maman Catherine Tilmant

Français Format : 23x32 cm à la française

60 pages intérieures Quadri / Couverture cartonnée + estampage à chaud (or) / Sérigraphies + textes

Edition limitée à 500 exemplaires

L’auteur

Laurent TESSIER est enseignant-chercheur à l’Institut Catholique de Paris. Il accompagne depuis plus de dix ans les enseignants en formation à la faculté de sciences de l’éducation de l’ICP dans leurs projets numériques. Ancien vice-recteur de l’Institut, il a également été en charge du campus numérique de cet établissement. A travers ses différents engagements, il veut aider à développer des écosystèmes d’alternatives pédagogiques qui favorisent la réussite de tous.

Tout est parti de la revue les Cahiers du cinéma que lisait sa grande soeur, de films de Louis Malle et de Jacques Tati vus au festival d’Avignon. Catherine aime les images. Elle commence par étudier la photographie pour se diriger ensuite vers la peinture et la sérigraphie aux Beaux-Arts. Elle aime tous les supports qui permettent de raconter, de s’exprimer et de véhiculer les émotions. Elle travaille pour le cinéma et le théâtre où elle crée des costumes et des décors, met en lumière des visages pour Benno Besson, James Thierrée, Declan Donnellan, Rupert Everett et bien d’ autres encore.

A la question “pourquoi écrit-on?” se substitue parfois celle-ci: “pour qui?”

Au début il y a une mère. Qui, face à un diagnostic sans appel et en hommage à la vie, décide une mort lumineuse, plutôt que de sombrer en un naufrage dégradant. Or, à ses côtés, il y a sa fille, qui écoute cette décision et qui comprend que face à l’être cher, les jours, désormais, sembleront trop courts. Mais le décompte rapide qui s’ensuit suscite en elle des images: au creux des regards échangés, des mots murmurés, des gestes protecteurs et de l’attention qu’elles se portent l’une à l’autre, elle esquisse alors une broderie, dédicace à cette mère qui s’en va. Pour apprivoiser la peine, elle la transforme en une série d’impressions fragmentaires du réel, tendres et poétiques, créant un ensemble de sérigraphies qu’elle module en suivant le rythme de l’Adieu, évoquant sa brièveté; ensemble qui donne à entrevoir ce qui se joue à la frontière entre ce qui était et qui bientôt ne sera plus. Catherine Tilmant pose ici encore un regard doux et vrai, sans jamais s’éloigner de l’enfance, sur “Les Choses de la Vie”. A contre-pied du deuil et de ses incisions, sa couleur et ses brumes apaisent l’inquiétude, réconfortent les tremblements, tandis que les silences et les blancs appellent la clarté. Elle a choisi pour sa boite à musique des parois tendues qu’elle habille de soies roses, sous lesquelles se devine la pulsation de deux coeurs: à l’infini...”

GONGCO.

Artiste:ChristianPatterson

Éditeur:ÉditionsImagesVevey etTBWBooks

Graphiste:ChristianPatterson

Publication:novembre2024

Format:23x28cm/ 288pages

Langue:EN

ISBN978-2-940624-28-7/Europe&UK Prix:45-55€

Résumé

Christian Patterson a découvert une ancienne épicerie au Mississippi, ouverte par des immigrants chinois. Après avoir développé une amitié avec le propriétaire, il a acquis une partie du contenu lors de la fermeture du magasin, qu'il a ensuite transporté à son studio à New York pour le photographier. Son travail met en scène ces vieux produits de manière artistique, explorant les liens entre la culture de consommation et la créativité. À travers Gong Co., Patterson réactive ce lieu d'une manière contemporaine, tout en interrogeant les transformations sociales et économiques. Cette série a été exposée lors de la Biennale Images Vevey 2016, où Patterson a recréé l'épicerie dans un ancien café. Son travail, lauréat du Grand Prix Images Vevey 2015/2016, utilise la photographie pour confronter les images aux objetsphysiques,créantainsiuneexpérienceémotionnelle.

Biographie

Christian Patterson est un photographe contemporain américain né en 1972. Son travail explore souventdesthèmesliésàl'histoire,àlamémoireetàlatransformationdeslieuxetdesobjets.Ilest notammentconnupoursesprojetsquimêlentledocumentaireetlafiction,créantainsidesrécits visuelsrichesensignifications.Pattersonaremportéplusieursprixprestigieuxpoursontravail,etses œuvresontétélargementexposéesdansdesgaleriesetdesmuséesàtraverslemonde.

Prove your love Jenny Rova

Lorsque Jenny Rova rencontre Philippe à Zurich, celui-ci vit illégalement en Suisse suite au rejet de sa demande d’asile. Par peur des répercussions, il refuse d’être photographié. Mais Rova souhaite conserver des souvenirs et prend des captures d’écran de leurs appels vidéo à son insu. Après quelques mois de relation, le couple décide de se marier, mais la procédure est complexe et les autorités suspectent un mariage de complaisance. Initialement personnelles, ces images deviennent des preuves cruciales de l’authenticité de leur vie de couple. L’installation Calling Philippe/Prove your love invite à réfléchir sur le rôle de l’image dans notre vie quotidienne : l’importance de la mémoire dans la construction d’une relation, l’usage de la photographie comme preuve d’amour, et la question délicate du consentement.

Une scénographie originale de Images Vevey et de l’artiste En collaboration avec le Château de l’Aile

Pages : 152

Taille : 15 x 21 cm

Langue : Anglais, Suédois, Allemand

ISBN : 978-2-940624-30-0

Angels with dirty faces

Préfaces de Tai-Luc, Garry Bushell et Matt Kelly

Année : 2024

Collection : Livres Serious Publishing

ISBN : 9782363200457

Pages : 400

Format : 250 x 250 mm

Papier : MultiArt Silk 150g

Langue : anglais - français

Couverture : couverture cartonnée - cahiers cousus, dos carré, carton 2.5 mm, tranchefil

“Angels with dirty faces - A Photobook by Riton” est un ouvrage photographique regroupant plus de 350 portraits en noir et blanc. Durant plus de 7 ans et demi son auteur a voulu rendre hommage aux principaux acteurs des scènes underground musicale Punk, Oi! et Hard-Core. Des artistes ayant pour certains officié dans des groupes dès 1976 et d’autres beaucoup plus récemment, l’ouvrage se voulant intergénérationnel et international. Le leitmotive étant la musique, il regroupe donc principalement des musiciens, mais également d’autres acteurs de l’ombre comme les rédacteurs de fanzine, organisateur de concert, responsable de label de disque, des dj’s ou bien encore des photographes qui auront tous marqué différentes époques dans ces scènes.

Avant-propos de Don Letts

Textes de Francis Dordor

Catalogue 2024

Pelle di Lava

Chiara Indelicato

Photos et textes : Chiara Indelicato

Traduction : Dominique Vittoz

Mise en page : Yann Linsart

978-2-493-123-077

06/11/2024

Hard cover, reliure suisse

Textes en français, italien et anglais

700 exemplaires

168 pages

220 x 285 mm

37,00 €

Pdf complet

Chiara Indelicato, photographe et habitante de Stromboli, explore dans son œuvre la vie sur une île volcanique, où les habitants vivent avec la conscience aiguë d’un monde fini, à la merci des éléments.

Sous la cendre, entre la mer et le feu, elle questionne comment subsister dans un environnement aux ressources limitées.

Pelle di Lava puise son origine dans deux catastrophes survenues en 2022 : un incendie ravageant la végétation de l’île, suivi de pluies torrentielles provoquant des coulées de boue qui atteignirent le village. À travers ce projet, Chiara Indelicato propose une réflexion sur l’urgence climatique, revendiquant une relation animiste avec la nature et le droit de défendre cette terre vivante et fragile, dont le volcan devient lui-même le porte-parole.

Développant ses images avec du café, de la vitamine C et de l’eau de mer, en l’absence de moyens polluants, elle tisse un lien organique entre son procédé et l’île, rude et indomptable.

Ce livre a reçu le soutien de la Région PACA, de Favini, de la galerie Le Lieu de la photographie (Lorient) et de la librairie Les Modernes (Grenoble).

Pelle di Lava

Pelle di Lava

Pelle di Lava

Pelle di Lava

Quatre Yeux

Adrien Bitibaly

Photographies : Adrien Bitibaly

Textes : Julie Chaizemartin, Adrien Bitibaly, Yann Linsart

Mise en page : Yann Linsart

978-2-493-123-05-3

09/11/2023

Reliure Bodoni, impression argent sur papier noir, couverture sérigraphiée

Textes en français et anglais

500 exemplaires

112 pages

185 x 240 mm fermé

39,00 €

Au Burkina Faso, les événements tragiques (mort soudaine, maladie, accident…) ou sortant de l’ordinaire sont forcément interprétés comme étant le résultat d’une intervention malveillante. Il faut donc un coupable à désigner. Ayant grandi dans cette culture, Adrien Bitibaly a pu observer dès son plus jeune âge l’importance des religions traditionnelles dans la société burkinabè. Parmi les manifestations de ces croyances, les accusations de sorcellerie l’ont toujours interpellé. Enfant, les objets ou les lieux qu’on lui désignait possédés ou hantés lui apparaissaient tout à fait ordinaires et il n’a jamais compris ce qui pouvait générer ces dénonciations. La sorcellerie reste insaisissable, surnaturelle, invérifiable. Pourtant, les conséquences d’une accusation sont, elles, bien réelles : les inégalités et discriminations subies par les accusées (car ces accusations touchent très majoritairement des femmes) sont légion.

Adulte, avec Quatre Yeux, Adrien Bitibaly a arpenté le pays pour rencontrer des prêtres traditionnels, individus dotés de la « capacité » de déterminer si une personne possède des pouvoirs maléfiques et doit être ainsi désignée comme sorcière.

Quel est leur rôle dans cette pratique sociale ? Possesseurs d’un pouvoir dont les conditions d’exercice restent inconnues pour la majorité, peuvent-ils pour autant se tromper ? Son travail photographique cherche à montrer ce qui peut déclencher les accusations de sorcellerie. Il s’agit pour lui d’explorer la genèse d’une croyance populaire, et non de chercher à prouver une vérité.

Ce livre a reçu le soutien du Cnap et de la Région PACA.

Quatre Yeux

Adrien Bitibaly

Quatre Yeux

Adrien Bitibaly

Quatre Yeux

Adrien Bitibaly

This Mortal House Building 1

Performance : Maria Stamenković Herranz

Textes : Marina Abramović et Marianna Gelussi

Mise en page : Yann Linsart

978-2-493123-0-91

09/11/2023

Pli portefeuille, sans reliure, dans dossier en carton

Textes en anglais

500 exemplaires

88 pages

235 x 310 mm fermé

470 x 310 mm déplié

35,00 €

Vidéos du livre

Le livre This Mortal House Building 1 de Maria Stamenković Herranz, édité par Palais Books, cherche à traduire sous une forme éditoriale la performance de l’artiste au Sakıp Sabancı Museum, Istanbul.

Durant 24 jours MSH a construit, dans l’espace du musée, un labyrinthe de briques les yeux bandés, puis le dernier jour l’a détruit.

À partir des nombreuses photographies qui constituent la documentation de la performance, le livre propose une lecture non linéaire, elle même sujette à des constructions et déconstructions.

Sans reliure, tel un journal, le lecteur est invité à suivre deux numérotations, une en chiffre arabes, l’autre en chiffre romains. La première lecture offre un déroulé chronologique de l’événement, tandis que la seconde donne l’accès à une nouvelle part de textes et d’images. Cette différentes voies donnent alors l’accès à un labyrinthe aussi bien visuel que mental.

En pliant, dépliant et assemblant les feuilles de différentes manières, nous sommes amenés à modifier l’expérience que nous avons du livre et à appréhender de façon singulière celle de la performance.

Préface de Marina Abramović.

Texte de Marianna Gelussi.

5250 bricks (19 x 9 x 5 cm)

230 bricks per layer of wall

34 layers of brick

1,8 kg per brick

9450 kg in total

179 cm height

110 cm passage between walls

Each brick requires 2 1/2 minutes of work

218,75 brick per day

6 days a week, 8 hours a day

24 days

From 1 to 40

From I to XXXIX

Unfold

Fit together

Fold back

Like a labyrinth, it constructs itself destroys itself and brings forth new connections

This Mortal House Building 1

This Mortal House Building 1

This Mortal House Building 1

Liste des publications :

Chiara Indelicato - Pelle di Lava novembre 2024

Michel Medinger - Lord of Things juillet 2024

Dislocations | Catalogue de l’exposition au Palais de Tokyo février 2024

This Mortal House Building 1 | Maria Stamenković Herranz novembre 2023

Quatre yeux | Adrien Bitibaly novembre 2023

Mänk’áčen édition livre d’artiste | Sergio Valenzuela Escobedo juillet 2023

Prix Camera Clara 2012-2022 avril 2023

Mänk’áčen | Sergio Valenzuela Escobedo

Sélection par Christine Barthe, Sur/America, L’inaperçu, Paris

Shortlist Prix du Livre Auteur, Rencontres d’Arles

Shortlist Revista Zum/IMS 23, Brésil

Meilleurs livres de photographie 2022 du quotidien El País, Espagne

Meilleurs livres de photographie 2022 de Clément Chéroux novembre 2022 (épuisé)

Inner, Outer, Paintings, Friends | Lukas Panek

Sélection par Patrick Rémy, L’inaperçu, Paris

Meilleurs livres de photographie émérgente 2020’s, revue IMA, Japon novembre 2021

Unclassified | Yann Linsart novembre 2021

Desiderea Nuncia | SMITH, Lucien Raphmaj et Diplomates

Prix du livre photo-texte des Rencontres d’Arles 2022 juillet 2021

Palais Books 10 rue du Plan de la Cour 13200 Arles palaisbooks.fr palaisbooks@gmail.com 07 77 85 91 99

Palais books est une maison d’édition arlésienne fondée en 2021 sous l’impulsion du duo Yann Linsart et Delphine Manjard, représentée par la Librairie du Palais.

PARUTION : AVRIL 2025

Heiny Srour

FEMME, ARABE ET … CINÉASTE

Coédition Éditions Motifs (Alger), Archives Bouanani (Rabat) et Talitha (Rennes)

Collection INTILAK

128p. 10 illustrations – 12 X 21 cm

Édition trilingue français, anglais et arabe

Graphisme : Studio Chimbo

Traduction : Djamila Haidar, Sis Matthé et Melissa Thackway

Prix de vente : 15e ( 900 DA – 100 dhs )

ISBN (en cours)

Distribution/Diffusion : Paon Diffusion / Serendip

Résumé

1976. Un texte féministe de libération. De son parcours de militante et son vécu de cinéaste, la libanaise Heiny Srour révèle les maux, les combats et les doutes qui l’assaillent lors de la réalisation de son film, L’heure de la libération a sonné, sur l’engagement révolutionnaire des femmes.

Avec humour, révolte, et puissance, elle met à jour la violence des réactions. Ses camarades militants arabes lui reprochent de laisser trop de place au féminisme et pas assez aux luttes. Les féministes françaises lui reprochent d’avoir un regard « trop masculin » car son film montrerait trop d’armes. Et quand un cinéaste latinoaméricain salue son travail… c’est en lui disant qu’elle a « des couilles ». En déployant une réflexion accessible et essentielle sur les systèmes de domination que constituent le patriarcat et le colonialisme, elle affirme la nécessité d’articuler les combats. Et pratique et théorise l’intersectionnalité avant l’heure.

Ce texte-manifeste bouscule et participe à outiller nos mouvements militants contemporains.

Biographie de l’autrice

Heiny Srour est une réalisatrice libanaise née en 1945 à Beyrouth. Après des études de sciences humaines au Liban et en France, elle s’engage pour la libérakon des peuples arabes et l'émancipakon des femmes. En tant que cinéaste militante, elle réalise deux longsmétrages : L’heure de la libéra2on a sonné (1974), le récit d’une lume armée à Oman, séleckonné à la Semaine de la crikque à Cannes en 1974, et Leïla et les loups (1984), une fickon qui retrace 80 ans d’histoire silenciée de la Paleskne et du Liban, pour en contester toute version coloniale et masculine.

À propos du livre

"Y a-t-il un cinéaste arabe qui ait provoqué une explosion de colère méprisante pour avoir affirmé devant des militants marxistes – ne riez pas – son désir d’être cinéaste un jour ? Y at-il un cinéaste arabe qui ait été obligé de cacher à sa famille qu’il voulait réaliser des films ? Y a-t-il un cinéaste arabe qui se soit vu traiter de fou par X nombre de producteurs pour avoir osé proposer d’aller filmer une guérilla ?"

La force du texte kent au fait que l’autrice arrive à resktuer les effets que les amaques répétées ont sur elle. En faisant surgir ce « je », elle ose aller complètement à contrecourant des grands discours de libérakon de l’époque où triomphent avant tout le « nous ». Évoquant son expérience personnelle, son vécu résonne avec de nombreux deskns de femmes empêchées dans leur expression arkskque.

Son texte fait écho encore aujourd’hui. Il a été remarqué à travers les ans par un certain nombre de lectrices surtout, pour qui il a représenté une révélakon féministe et qui ont eu à cœur de le partager. C’est ainsi qu’il se serait retrouvé aux épreuves de français du bac en Tunisie ; ou que des jeunes féministes arabes en font des lectures, les larmes aux yeux. Signe que les choses n’ont pas tout à fait changé pour les réalisatrices et créatrices, au grand désespoir de Heiny Srour elle-même : elle aurait préféré que les jeunes femmes d’aujourd’hui vivent une réalité différente de la sienne, quime à faire de son texte une archive datée !

Heiny Srour, écrit et fait des films à parkr d’une société colonisée, et lie émancipakon de la femme et libérakon polikque. C’est là où résident toute la force et la singularité de son propos.

EXTRAIT 1

Femme, Arabe et…Cinéaste. Situation viable ? Alors questions :

Y a-t-il un cinéaste arabe qui ait provoqué une explosion de colère méprisante pour avoir affirmé devant des militants marxistes – ne riez pas – son désir d’être cinéaste un jour ?

Y a-t-il un cinéaste arabe qui ait été obligé de cacher à sa famille qu’il voulait réaliser des films ?

Y a-t-il un cinéaste arabe qui se soit vu traiter de fou par X nombre de producteurs pour avoir osé proposer d’aller filmer une guérilla ?

Y a-t-il un cinéaste arabe qui se soit entendu répéter dès le berceau qu’il n’était pas, par essence même, un être « créateur » ? Inspirer les œuvres des autres d’accord ! Écrire des romans traitant de sujets « féminins » est à la limite permis (à contrecœur du reste). Mais prendre la caméra pour parler de dignité humaine (surtout si on insiste sur la libération de la femme), de dignité nationale ? Ah ça non Madame ! C’est l’affaire des hommes.

Voilà quelques échantillons de réactions.

Un poète égyptien « marxiste » : « Quelle fille bizarre ! Ce n’est ni un homme ni une femme. »

Un jeune algérien : « Ce n’est pas possible qu’elle ait pu faire ce film. Une femme ne peut pas faire des films, surtout pas des films politiques » (ton tranquillement incrédule).

Un diplomate yéménite : « Ah ! C’est vous l’auteur du film ? Je vous croyais âgée de 45 ans » (avec un geste pour dire grosse et une grimace pour dire laide).

Un cinéaste irakien (dégoûté) : « Cette séquence sur les enfants est bien trop longue » (avec un hochement de tête pour dire : quand une femme se mêle de politique voilà ce que ça donne).

Une militante de psyché-po : « C’est un film d’homme, c’est plein de fusils. » Sa camarade renchérissant : « Ce n’est pas par hasard que nous parlons nous, de « libération », alors que les femmes du tiers-monde parlent elles, d’émancipation. »

Je fais timidement remarquer que nous disons toujours « taharor » (libération) et jamais « intilâq » (émancipation). En vain. Je suis une féministe sous-développée !

Un Mao français : « Sans ce côté M.L.F. (Mouvement de Libération des Femmes) le film était politiquement impeccable ! » Sous-développée encore !

Un cinéaste latino-américain marxiste léniniste (enthousiaste) : « Voilà un film fait avec des couilles ! »

Et moi : « Non, avec un utérus ! C’est très créateur les utérus, ça engendre la vie. »

Un nombre X de militants arabes : « Tu as trop insisté sur la libération de la femme.

L’ennemi c’est l’impérialisme, pas l’homme. »

Un journaliste libanais : « Êtes-vous une vraie femme… Je veux dire une femme normale ? Avez-vous jamais aimé un homme par exemple ? »

Un cinéaste marocain : « C’est politiquement le film le plus « dur » du cinéma arabe.

Comment a-t-il pu venir d’une femme et pas d’un homme ? »

Les pires furent parfois ceux dont j’étais politiquement proche dans les milieux du cinéma arabe. Témoin de leur animosité un ami me dit : « Tu as tout fait pour les mettre contre toi : Tu as fait un film politique alors que c’est leur chasse gardée, en plus tu es jeune, et tu n’es ni borgne ni bossue. Tu ne leur laisses rien pour se consoler ? »

En somme, c’est bien fait pour la méchante agresseuse.

Assez joué à la victime, me dira-t-on. Ce film a été bien accueilli par la critique européenne et encore mieux par la critique et le public arabes.

J’en conviens mais je note aussi qu’on a voulu y voir surtout le côté anti-impérialiste. Dans le monde arabe en particulier, on a refusé de s’attarder sur les côtés « subversifs » : décolonisation de la femme et décolonisation de l’enfant.

De toute façon, ce n’est pas la première fois que l’énergie des femmes est acceptée dans des moments où toute la société est en danger. Quand il s’agit de sauver la maison qui brûle, les sociétés les plus conservatrices et les plus misogynes permettront à certaines femmes de dépasser les limites de leur rôle traditionnel. Les femmes deviennent souvent des symbolescompensateurs de la réalité quotidienne des femmes. Elles ne changent pas nécessairement la condition des autres femmes qui sont renvoyées à leurs voiles ou leurs casseroles, une fois le danger passé. Bien souvent, en fait, le plus souvent, le statu quo est rétabli après la violente secousse où pourtant toutes les valeurs de la société auront été remises en question.

Je vous l’avais bien dit, jubileront certains. Elle veut faire de la diversion à la cause antiimpérialiste. Elle veut convaincre les femmes de ne pas participer à la lutte puisque de toute façon elles n’en auront rien !

Ne mélangeons pas tout, et précisons que, si la participation des femmes à la lutte antiimpérialiste est une condition nécessaire, elle n’est cependant pas suffisante, à leur libération.

EXTRAIT 2

Revoyant mon histoire personnelle, je réalise aussi que mes décep2ons poli2ques successives ont joué un rôle fondamental dans mon choix du cinéma comme moyen d’expression. J’aurais pu, en effet, choisir la peinture ou le ballet, mes deux grands amours d’antan. Amours restés sans lendemain, vu le mépris manifesté par mon milieu bourgeois pour ce genre de choses menant à « être une danseuse de cabaret », tout comme le cinéma d’ailleurs, dans l’esprit de mes parents. Certes, le cinéma était le moyen d’expression le plus complet mais je crois surtout le plus poli2que. Après la répression de mes revendica2ons féministes pendant de longues années de travail poli2que, le cinéma était le seul moyen à ma disposi2on pour crier ce que je voulais dire, sans aoendre que les états-majors poli2ques le trouvent opportun ou non. Quel bonheur de décider librement du sujet d’un film – une révolu2on féministe – sans que quelqu’un vienne vous rappeler « le maillon principal ». Quelle joie de décider toute seule à la table de montage de la longueur de la séquence des femmes sans que quelqu’un vienne vous dire « camarade ce problème n’est pas à l’ordre du jour.

EN ATTENDANT OMAR GATLATO, SAUVEGARDE

WASSYLA TAMZALI

Regards sur le cinéma algérien

Introduction fragmentaire au cinéma tunisien

La Cinémathèque algérienne : laboratoire de la culture post-coloniale

Coédition Éditions Motifs (Alger), Archives Bouanani (Rabat) et Talitha (Rennes)

Collection INTILAK

400p. 200 illustrations – 15 X 23 cm

Graphisme : Louise Dib , Studio Chimbo Prix de vente : 25 e – 3000 da – 150 dhs

ISBN 9782958731427

Paon Diffusion / Serendip

Wassyla Tamzali, née à Bejaïa en 1941, est avocate, militante féministe et écrivaine Elle a notamment publié Une éducation algérienne en 2007 (Gallimard), Une femme en colère en 2009 (Gallimard) et La tristesse est un mur entre deux jardins avec Michelle Perrot en 2022 (Odile Jacob).

En attendant Omar Gatlato, Sauvegarde est à la fois la réédition augmentée d’un de ses premiers ouvrages, longtemps introuvable, sur les cinémas algériens et tunisiens, et un nouvel essai où l’autrice évoque la cinémathèque algérienne comme laboratoire de la culture post-coloniale.

Portrait Wassyla Tamzali crédit:Lamine Ikheteah

À Alger, dans les années 1970, Wassyla Tamzali et sa bande d’ami.e.s fréquentent quotidiennement la Cinémathèque algérienne, espace unique de débats et de cinéphilie au cœur d’Alger Ils vibrent au rythme des cycles de films, des rencontres avec les cinéastes invités avec un engagement collectif pour un cinéma nouveau.

Au sortir de chaque séance, celle qui était alors avocate à Alger, notait ses impressions et ses analyses sur les films algériens et tunisiens qu’elle venait de découvrir. En 1979, alors qu’elle s’apprêtait à s’installer à Paris, elle publie ses critiques consignées, dans un livre intitulé En attendant Omar Gatlato, en référence au film de Merzak Allouache qui, le premier, s’est libéré du récit national et a filmé autre chose que la révolution en suivant Omar, un jeune habitant un quartier populaire d’Alger.

" Nous cherchions notre place dans ce grand récit nationaliste étouffant, nous faisions les cent pas devant la Cinémathèque, en attendant quoi ? En attendant Omar Gatlato "(W.T.)

En plus de ses critiques, elle a réalisé et réunit dans le livre des entretiens avec les réalisatrices et réalisateurs (Assia Djebar, René Vautier et Merzak Allouache entre autres). Elle a aussi inclus des photos de tournages, des portraits de cinéastes, de comédiens de l’époque qu’elle conservait chez elle.

Ce livre imprimé, mais sans doute jamais distribué, a été totalement perdu durant des années. Quelques exemplaires ont été récupérés par Wassyla Tamzali au début des années 2000 et ils ont pu un peu circuler entre les mains d’artistes et de chercheurs qui ont su voir l’importance de ce. C’est pour donner l’occasion à d’autres personnes de découvrir ce document précieux, que nous avons voulu le rééditer aujourd’hui

Le texte Sauvegarde qui ouvre le livre, et qu’a écrit Wassyla Tamzali en 2022, revient quant à lui sur l’édition, la disparition et la redécouverte du livre En attendant Omar Gatlato , mais elle y fait surtout l’analyse minutieuse et sensible de ces années charnières de l’histoire de l’Algérie et du rôle du cinéma et de la culture dans le pays depuis son indépendance en 1962. Elle y évoque les décisions politiques, les initiatives, les affinités, les heureux hasards qui ont fait et qui continuent à faire le cinéma algérien aujourd’hui.

Par ces textes c’est le mouvement de toute une société qui est décrit à travers les films produits et réalisés au cours des soixante dernières années.

EXTRAIT SAUVEGARDE, 2022

Tout le long de l'avant-première à la Cinémathèque, j’ai pensé « je suis Omar » Un garçon gominé aux allures de dandy, soucieux de son élégance - toujours un peigne dans la poche revolver – dormant sur un canapé dans une chambre exiguë et à même le sol, quatre frères et sœurs plus jeunes que lui Merzak nous livre le premier portrait d’un enfant du « peuple » , ces conditions de vie pour le moins surréalistes. Son personnage n’en semble pas affecté. Il affiche en toute circonstances une virilité bienveillante, c’est un homme fraternel avec ses amis, tolérant avec ses voisins, protecteur avec sa famille. C’est aussi le premier film urbain. Omar vit dans une des cités construites dans les années 1950 pour « pacifier » l’Algérie, par Fernand Pouillon : « Climat de France » (1957), un nom aux relents colonialistes, abandonné par les habitants pour celui de « Mille soleils » , à l'image de la multitude d'assiettes d’antennes de télévisions qui recouvrent les façades. Comme tous ceux de la cité, Omar vit dans son quartier, Bab El Oued, avec sa bande de garçons qui bricolent leur survie entre les ruines d’une tradition sans issue et les promesses creuses d’un pouvoir prédateur. Ils semblent joyeux, et sont des « hommes libres ». Le film a des moments documentaires, saisis « de l’intérieur » avec empathie par le réalisateur C’est cette même proximité « tendre » que l’on retrouvera dans le film de Hassen Ferhani Dans ma tête un rond-point (2015).

EXTRAIT SAUVEGARDE, 2022

Alors ? Pourquoi retenir ce temps dont les traces s’effacent dans la ville et dans les esprits, pourquoi raconter ? Pour que s’inscrivent ces années dans le récit national, et moi par le même mouvement ? Sans doute. Mais plus sûrement pour poursuivre cette bataille, ce désir de montrer que les chances étaient là, et essayer de comprendre les raisons du naufrage de ce que nous pensions être l’Algérie de demain. L’anthropologue Margaret Mead a dit que le jour où elle réalisa qu’elle était la société dont elle parlait, elle fit un grand pas en avant. Elle dit aussi : « Un petit groupe de citoyens engagés et réfléchis est capable de changer le monde. » Nous ne l’avons pas fait. Mais rien ne se perd. Nous sommes comme les cailloux blancs du Petit Poucet qui marquaient le chemin du retour. C’est parce que la Cinémathèque est un de ces cailloux que je suis revenue vivre à Alger. Je me suis retrouvée. Cette histoire n'a-t-elle pas trouvé sa place dans le mouvement qui nous porta tous, dans l’année 2019, le Hirak ? Je l’ai vue dans le regard d’inconnues, d’inconnus, dans celui d’enfants qui ne savaient pas encore. C’est elle qui me fit marcher. Nous n’étions pas assez, comme au temps de la Cinémathèque, pour détourner le fleuve des vieilles habitudes et nous laisser emporter par le « poème nouveau » , si cher à Jean Sénac, le citoyen de la beauté Mais nous étions là

Donc Omar Gatlato a aussi révélé un public, celui-là même que, de festivals en colloques nous recherchions désespérément. Dans une déclaration à la presse en avril 1969, Ahmed Rachedi, alors directeur de l’ONCIC, relevait avec une certaine morosité que le public algérien n’aimait que les westerns et les films étrangers. Hélas il jouait les Cassandre en la circonstance, en annonçant les mauvais présages. Car le public algérien aime toujours les westerns et il boude toujours les films algériens. Mais cette constatation accablante ne nous accable plus aujourd’hui, car le public algérien a aimé un film algérien, et pas parce qu’il y avait une invite vulgaire comme dans L’Inspecteur Tahar, pas parce qu'il y avait de la « bagarre » comme dans L’Opium et le Bâton. Non, le public algérien a aimé un film qui ne véhiculait aucune des recettes si chères aux producteurs - ceux qui ont toujours toute prête une définition du goût du public, le public algérien a aimé un film qui ne lui renvoyait pas une image flatteuse de lui, ou héroïque. Il est allé rire de ses petites misères quotidiennes. Pour la première fois. Et cela, c’est très important. Car nous découvrons là un aspect du « goût » du public qui pourrait bien nous aider à situer le rôle du cinéma en Algérie et du même coup celui de l’action d’« émancipation culturelle ». Et d’ailleurs, le public ne riait pas tant que cela. Ils ne « rigolaient » pas beaucoup, les milliers de jeunes qui se précipitaient au guichet. Le film touchait des points trop sensibles

Nous avons découvert un public. Et c’est avec ce public que nous revenons à la charge pour interroger les films algériens

www.revue-blinkblank.com

La revue du film d’animation

Numéro 11

Printemps/été 2025

19,5x24,7 cm à la française

160 pages illustrées quadri couverture souple isbn 978-2-493524-12-6 parution : 4 avril 2025 prix de vente public 20€TTC

Éditions WARM

19 rue Emile Zola 85400 Luçon infos@warm-ed.fr warm-ed.fr

Résumé

Première publication régulière en langue française consacrée au film d’animation et à ses enjeux, Blink Blank permet de rendre compte, deux fois par an et en 160 pages, de la créativité de l’animation : partager l’actualité du film d’animation ; mettre en valeur ses talents ; comprendre ses enjeux artistiques ; connaître son histoire ; appréhender ses horizons techniques, géographiques, ses nouveaux défis

La revue donne la parole aux critiques, historiens, chercheurs, observateurs attentifs de la vie des formes animées et aux artistes eux-mêmes.

Sommaire indicatif du n°11

Entretiens inédits, points de vue critiques sur l’actualité, incursions dans les coulisses de la création, éclairages historiques.

- Dossier : Animation et jeux vidéo

- Rencontre : Wes Anderson

- Films & Séries : l’actualité des courts et des longs métrages

- Passé Présent : Les robots géants

- Focus sur le cinéma d’animation hongrois

- La Fabrique de l’animation : Un métier : restaurateur de films d’animation ; Portfolio

Points-clés

- revue semestrielle de référence sur le film d’animation créée en 2020

- le fruit d’une coédition WARM, NEF Animation et la Cinémathèque québécoise.

- destinée à celles et ceux qui aiment le film d’animation et qui souhaitent en approfondir la connaissance

- les numéros parus sont disponibles (sauf le n°1)

Nos engagements

Maison d’édition indépendante, membre du Coll.Libris et de la Fedei. Impression en Pays de la Loire (label Imprim’Vert, ISO14001).

Diffusion-distribution Serendip Livres

21 bis rue Arnold Géreaux 93450 L’île Saint-Denis Tél. : 01 40 38 18 14 contact@serendip-livres.fr gencod dilicom : 3019000119404

Revue de référence indispensable aux étudiants, professionnels et amateurs de l’animation

Parlez-en à vos partenaires (écoles de cinéma, bibliothèques, salles, associations et festivals de cinéma…).

Blink Blank#5
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Blink Blank#1 Épuisé
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Blink Blank#9

Revue de presse (extraits) :

« To blink, en français, c’est cligner de l’œil, et blank c’est un vide, un blanc, dans le son ou l’image… D’où le titre de ce célèbre court métrage de Norman McLaren, Blinkity Blank (1955), qui jouait sur le temps de perception le plus bref de l’œil, cinq minutes de graffitis contrôlés sur pellicule - où un Truffaut en transe vit « toute la fantaisie de Giraudoux, la maîtrise d’Hitchcock et l’imagination de Cocteau » ! Ce petit bijou a inspiré le titre de cette nouvelle revue entièrement consacrée au cinéma d’animation. (…) L’ensemble est vraiment remarquable et devrait vite s’imposer comme indispensable aux cinéphiles en général étant donné l’importance qu’a pris l’animation dans le 7e art »

Bernard Génin, Positif n°711, 2020

« Rétrospectivement, il est remarquable de constater que cette revue a trouvé sa cohérence dès son premier numéro qui imposait un chemin de fer précis entre un gros dossier thématique, des entretiens avec les réalisateurs qui signaient les films d’animation les plus importants du moment, des analyses de films récents, la découverte d’un métier de l’animation, des longs métrages qui ne sont pas encore terminés, une réflexion exclusive de Michael Dudok de Wit en philosophe des images et Michel Chion en analyste passionné de la fabrication du son dans le cinéma d’animation mainstream. Voilà déjà un programme ambitieux à la hauteur de l’effervescence de la production contemporaine du cinéma d’animation dans sa large diversité d’esthétiques et de récits (…) »

Cédric Lépine, Médiapart, 2021

« Riche, variée, Blink Blank propose une approche très dynamique du cinéma d’animation – des auteurs les plus connus aux plus originaux –, nous faisant découvrir, avec une grande joie avouons-le, des univers plastiques, des formes de narration puissantes, vives, nécessaires. On y découvre une actualité plurielle en même temps que des pratiques, emportés par une revue qui est tout à la fois généraliste, informative, didactique, militante aussi, en ne renonçant pas à un discours savant et informé. Après l’avoir lue, on est surtout pris par des envies de cinéma, poussés par le désir de découvrir et de se plonger dans des univers très variés qui nous rappellent l’importance et la nécessité d’une forme de cinéma propre, d’un discours qui réarticule nos imaginaires et nos mémoires, les stimule, les incarne autrement, leur offre une voix puissante ! »

Hugo Pradelle, Ent’revues, 2021

UN JARDIN

Une rencontre imaginée entre Laura Mulvey et Jean-Louis Comolli

Yola Le Caïnec, Léa Busnel et Élise Legal

▶ Format (mm) ������������������������� à définir

▶ Nombre de pages à définir

▶ Prix (€) +/- 15

▶ ISBN 978-2-493534-18-7

▶ Parution ��������������������������������������� mai 2025

▶ Graphisme Marine Le Thellec

Un jardin est un livre en trois parties, qui mêle images, textes et documents d’archives autour des pensées des cinéastes et théoriciens Laura Mulvey et Jean-Louis Comolly. La première et la troisième partie sont des textes inédits du collectif Women Remix (Yola Le Caïnec, Léa Busnel, Élise Legal) tandis que la partie centrale réunis des textes de Laura Mulvey inédits en français (trad. Women Remix) et des textes de Jean-Louis Comolli publiés pour la première fois dans un livre. Ce livre est l’endroit d’une rencontre inédite entre des figures majeures de la pensée critique du cinéma.

Toustes les deux artistes et théoriciens de l’image en tant que vecteur des structures politiques et sociales, Laura Mulvey et Jean-Louis Comolli ont largement contribué à la pensée critique du cinéma

Laura Mulvey, assez peu traduite en français, est la penseuse du concept de « male gaze », tandis que Jean-Louis Comolli a toujours articulé l’existence des images avec leurs expressions sociales

ESSAI, CINÉMA, ÉTUDE DE GENRE

Un jardin découle d’un projet de film qui les aurait fait se rencontrer et dialoguer ensemble dans le jardin de Jean-Louis Les contraintes économiques et temporelles liées à la fabrication du film, mais aussi celles liées la santé fragile de Jean-Louis Comolli, décédé en mai 2022, ont empêché l’aboutissement du projet dans sa forme filmique. Ce livre devient dépositaire de leur rencontre impossible, ébauchée par des échanges épistolaires, et des séquences d’entretiens menés avec l’une et l’autre

Léa Busnel, Yola Le Caïnec et Élise Legal se sont rencontrées en 2013 dans le cadre d’études cinématographiques à Rennes� Depuis lors, elles ont travaillé ensemble en écrits et en images sur la représentation des femmes à l’écran

Le livre se positionne avant tout relativement à la pensée de Laura Mulvey� En évoquant avec Jean-Louis Comolli la théorie de Laura Mulvey, il s’est vite présenté comme étant le plus à même parmi les cinéastes français de donner la réplique à la féministe britannique Il retrouvait notamment dans la pensée de Mulvey ce rapport d’interrogation et d’analyse urgentes des modifications complexes du statut de l’image en lien avec l’accélération des évolutions techniques

Jean-Louis Comolli et Laura Mulvey — similairement nés en 1941 —, ont des approches théoriques du cinéma et de l’image non pas identiques, mais complémentaires Jean-Louis Comolli aborde l’image du point de vue d’un matérialisme historique, Laura

Thèmes abordés : Cinéma expérimental, documentaire, psychanalyse, féminisme

Œuvres associées :

▶ Fétichisme et curiosité, Laura Mulvey, Brook, 2019

▶ Voir et pouvoir, L’innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire, Jean-Louis Comolli, 2004

▶ Bonjour Monsieur Comolli (film documentaire), Dominique Cabrera, 2023

Mulvey, dans une perspective freudienne, interroge l’inconscient individuel mais aussi collectif dans l’image, inconscients à l’œuvre notamment dans la mythologie Dans leurs approches respectives, un questionnement persistant les fait se rejoindre : la femme n’est jamais représentée à l’écran sans qu’il y préside une intention spécifiquement liée au fait que ce soit une femme. Un Jardin propose de lier collectivement deux pensées de cinéma qui reposent sur l’affiliation de la lecture et du cinéma� Il s’agit d’imaginer une rencontre traversée par des enjeux de traduction d’une langue à une autre L’espace du livre devient un lieu de montage où s’élabore des mises en commun réelles ou rêvées� Un Jardin ambitionne de mettre en formes et en images ce que recèle un travail de lecture traversé par des enjeux amicaux, féministes et matériels

Léa Busnel : Née à Lorient en 1995, Léa Busnel a fait des études universitaires de lettres et de cinéma avant d’intégrer en 2018 le master « Documentaire de création » à l’école documentaire de Lussas, en Ardèche Après l’obtention de son diplôme, elle s’installe à Marseille en 2019, où elle travaille principalement en tant que réalisatrice dans le champ du cinéma documentaire Elle est aussi membre de l’association La Buissonnière, qui propose des ateliers de réalisation de courts métrages dans une dynamique d’éducation populaire auprès de divers publics à Marseille et ses alentours

ESSAI, CINÉMA, ÉTUDE DE GENRE

Yola Le Caïnec : Née en 1971 à Nantes, Yola Le Caïnec a grandi en Vendée à Fontenay-Le-Comte Elle enseigne dans les classes préparatoires à Rennes, en français philosophie et études cinématographiques Après s’être intéressée aux images de la femme dans la littérature fantastique, elle a complété ses travaux sur l’image en philosophie épistémologique et esthétique autour de Gaston Bachelard (Universités de Nantes, Nanterre, Paris-3) Elle a ensuite étudié l’œuvre d’Arnaud Desplechin (Paris 3), puis, pour sa thèse, Le féminin dans le cinéma de Georges Cukor des années 50 au début des années 80 (Paris-3) Elle a participé à des groupes de recherches (Film pluriel, GRAC), écrit pour des sites (Cinémathèque française), des revues (CinémAction, Atala, Positif) et communiqué dans des colloques (SERCIA) Elle a travaillé pour le festival romain Printemps du nouveau cinéma français autour d’Arnaud Desplechin et de JeanLouis Comolli, a donné des conférences pour les festivals de Entrevues (Belfort), FIFF (Strasbourg), FEMA (La Rochelle), Travelling (Rennes), Lumière (Lyon), ainsi que pour l’ADRC (rétrospectives Ida Lupino, Kinuyo Tanaka, Warner, Jean-Louis Comolli)� Outre ses écrits sur l’acteur de cinéma, le genre, le cinéma américain, l’esthétique amateure, elle a réalisé des entretiens (éditions DVD), a été jurée pour le prix Alice Guy, aux Écrans du réel (Le Mans) et a coréalisé des entretiens et des films.

Élise Legal : Artiste et autrice, Élise Legal est diplômée de l’École Nationale Supérieure des BeauxArts de Lyon et est actuellement résidente aux ateliers de la Ville de Nantes Elle a eu l’occasion de présenter son travail entre autres à la galerie gb agency  (Paris), Sabine Knust Gallery (Munich), Graves Gallery Museum (Sheffield). Son premier recueil de poésie Stray Dog est publié chez Ma Bibliothèque en 2021 et son dernier livre Problèmes de localisation est paru chez Même pas l’hiver en 2024 Elle poursuit également une thèse de recherche-création à Paris-8 qui porte sur l’agir politique de la poésie�

Jean-Louis Comolli : Après le ciné-club d’Alger, Jean-Louis Comolli était rédacteur en chef aux Cahiers du Cinéma de 1966 à 1971� Il a enseigné à l’IDHEC, FEMIS, PARIS 8, Belo Horizonte (UFMG), Barcelone (IDEC, Université Pompeu Fabra), Strasbourg (Univ Marc Bloch), Genève (HEAD) Il a écrit pour Trafic, Images documentaires, L’image, le Monde, Jazz Magazine� Il a publié de nombreux livres dont Free Jazz / Black Power (1971, avec Philippe Carles) ; Regards sur la ville (1994, avec Gérard Althabe) ; Arrêt sur Histoire (1997, avec Jacques Rancière) ; Cinéma et politique, 56-70 (2001, avec Gérard Le-blanc et Jean Narboni) ; Daech, le cinéma et la mort (2016) Il fut le lauréat du Prix Scam en 2003 pour l’ensemble de son œuvre � Pendant de nombreuses années, il a participé au blog « cesfilmsapart », sur lequel il a écrit de nombreux textes

Laura Mulvey : Professeure de cinéma au Birkbeck College de l’Université de Londres, Laura Mulvey est l’autrice de : Visual and Other Pleasures (Macmillan, 1989/2009), Fetishism and Curiosity (British Film Institute, 1996/2013), Citizen Kane (série BFI Classics, 1992/2012) et Death Twenty-four Times a Second: L’immobilité et l’image en mouvement (Reaktion Books, 2006). Elle a réalisé six films en collaboration avec Peter Wollen dont Riddles of the Sphinx (British Film Institute, 1977 ; dvd, 2013) et Frida Kahlo et Tina Modotti (Arts Council 1980) Avec l’artiste/cinéaste Mark Lewis, elle a réalisé Disgraced Monuments (Channel 4, 1994) et 23 August 2008 (2013)

Image extraite des repérages filmés de Women Remix dans le jardin de Jean-Louis Comolli

EXTRAIT 1, Laura Mulvey, extrait du chapitre « Le spectateur possessif » Il y a quelques années, j’ai remonté numériquement une séquence de 30 secondes de Two Little Girls from Little Rock (« Deux petites filles de Little Rock »), le numéro d’ouverture de Les hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, 1953), pour analyser la précision des pas de danse de Marilyn Monroe, et pour en faire un hommage à la perfection de sa performance. En plus de la persona artificielle et stylisée, évoquant un bel automate, ses gestes sont orchestrés autour de moments au cours desquels elle pose. Sur ce fragment particulier de pellicule, joué pour la caméra, elle remonte la bretelle sur son épaule dans un jeu affecté proche de celui d’une garce en robe débraillée, ce qui rentre en complète contradiction avec la précision mécanique de ce geste et de tous les autres. La pleine conscience du geste est telle qu’il a, pour moi, quelque chose du punctum de Barthes, et je me suis retrouvée à revenir encore et encore sur ces quelques secondes du film. Dans le nouveau montage, j’ai répété le fragment trois fois, en faisant un arrêt sur image aux moments où Marilyn marque une pause entre ses mouvements. En plus de son propre jeu précis et contrôlé, la danse ellemême nécessite un contrôle du corps qui pousse son être naturel à ses limites, alternant aussi entre immobilité et mouvement. Le geste développé se déploie jusqu’à ce qu’il trouve un point de pose, tout comme le cinéma ralenti (delayed cinema) trouve des moments identiques à travers la répétition et le retour. La séquence de 30 secondes finit lorsque que Marilyn s’avance en gros plan, rejetant la tête en arrière, adoptant la pose et l’expression de la photographie type de Marilyn en pin-up. Cette image arrêtée rappelle les Marilyns qu’Andy Warhol a réalisées après sa mort, dans l’hommage sérigraphique au masque mortuaire. La superposition imaginaire de l’image de Warhol sur la trace de la Marilyn vivante contient l’idée d’une signification différée, comme si sa mort était déjà préfigurée dans cette pose. Une conscience aigüe d’elle « alors », avant sa mort, se condense avec l’image comme masque mortuaire et la présence poignante de cet indice (index) comme le « c’était maintenant ».

Le spectateur fétichiste, mu par un désir d’arrêter, de retenir et de répéter ces images iconiques, d’autant plus perfectionnées dans le cinéma hautement stylisé, peut soudainement, de façon inattendue, rencontrer l’indice. Le temps de la caméra, son temps embaumé, vient à la surface, basculant d’un récit du « maintenant » à l’ « alors ». Le temps de la caméra apporte avec lui un « imaginaire » du tournage au sein de l’œil de l’esprit, l’espace hors champ de l’équipe et du matériel, de sorte que le monde fictif se transforme en conscience de l’événement pro-filmique. Alors que la crédibilité fictive décline, que l’incrédulité n’est plus suspendue, la « réalité » envahit la scène, affectant la présence iconique de la star de cinéma. En raison du statut iconique de la star, il ou elle ne peut être greffé.e que tangentiellement sur un

personnage fictif. Si le temps de l’indice déplace le temps de la fiction, l’image de la star bascule non seulement entre ces deux registres mais également pour inclure l’iconographie construite par le studio et toute autre information qui pourrait circuler sur sa vie. De ce genre de fusion et de confusion, les rumeurs et les scandales tirent leur fascination et tendent à s’attacher à l’iconographie extra-diégétique de la star. Même la performance la plus réussie est suivie, parfois dans un éclair inattendu, de cette présence extra-diégétique qui s’invite de l’extérieur de la scène et du hors-champ, donnant une vulnérabilité inattendue à la performance d’une star à l’écran.

EXTRAIT 2, Jean-Louis Comolli

Tous les films, disait Christian Metz, sont des films de fiction. Il n’y a pas que les films. Ou plutôt les fictions sont partout, et tout aussi bien hors des romans et des films narratifs, dans les listes de course ou, autrefois, les annuaires téléphoniques, dans les objets et les rôles usuels, dans l’ordinaire des êtres, des situations, des choses. Je le dis à ma façon : tous les êtres parlants sont des êtres de fiction, la fiction travaille le langage, elle forge l’écoute et l’entendement. Fiction se dit de ce qui est fabriqué, « fait » de tête et de main d’homme. C’est-à-dire à peu près tout ce qui nous entoure, y compris désormais une bonne part de ce que les Anciens appelaient « nature ». Je prétends donc, passant du « cinéma (dit) de fiction » au « cinéma (dit) documentaire », ne pas avoir quitté la fiction, m’y être tout au contraire désespérément adonné. Pourquoi ce « désespérément » ? Il faut une certaine dose de foi, et solide, dans l’humaine condition, pour supposer qu’en chacune ou chacun des passagers du temps que nous sommes puissent naître et se développer de singulières fictions mettant à mal les ordres établis. L’hypothèse que toutes et tous nous sommes porteurs de fiction, et pas seulement acteurs, bien que nous le soyons aussi, dans les fictions des maîtres, est une hypothèse renversante. À tout le moins rebelle.

Et si tout cela est bien tel que je l’écris, la question se pose toujours : pourquoi être passé du cinéma dit de fiction au cinéma dit documentaire, puisque fiction il y a dans les deux catégories ? Autrement dit, qu’est-ce qui définit le cinéma dit documentaire par rapport à l’autre ? C’est bien simple pour moi : le recours à des êtres réels, vivant leur vie de tous les jours, celle que je souhaite filmer, justement. Les comédiens (de métier) peuvent parfaitement faire « comme si » ils étaient employés de bureau ou architectes (après une légère formation). Mais pour les « personnes réelles » comme vous et moi, c’est une performance inédite et le plus souvent non rééditable que de jouer dans un film leur propre rôle. Se produit dans leur vie une sorte de crise, telle qu’elles ou qu’ils investissent dans leur collaboration au film une part, ou des parts d’ellesmêmes ou d’eux-mêmes qui les surprennent, les font se découvrir davantage, se révéler. Cette part de fiction, précisément, que la vie sociale ordinaire masque ou étouffe, peut apparaître dans

cette circonstance extraordinaire. Cette révélation d’elles-mêmes ou d’eux-mêmes au travers d’un film est un bouleversement qui démontre que chaque être parlant est à sa façon créateur. Voilà qui me touche plus que les performances souvent admirables d’une ou d’un comédien. Ce n’est pas de la même eau. Pour le non-comédien, il en va d’une certaine forme de rupture avec le monde ordinaire, d’une liberté nouvelle, d’une désaliénation. C’est ce qui est donné à voir et à entendre aux spectatrices et spectateurs. L’insistance, toujours difficile, souvent contrariée, de cette liberté sur l’écran est ce qui se transmet dans la salle. Les spectatrices, les spectateurs sont eux aussi des amateurs. Elles, ils assistent à une série de passages à l’acte qui ne sont ni feints ni virtuels. Dans notre moment historique où le faux se fait passer pour vrai, il n’est pas vain de se référer à cette sorte d’épreuve du feu. Le passage à l’acte de jouer emporte avec lui — arrache — quelque chose de réel qui peut devenir un fait d’expérience.

C’est bien la question de la croyance du spectateur dans les fictions cinématographiques qui est en jeu : cette nécessaire croyance s’appuie ici sur une évidence, que celle ou celui qui joue son propre rôle n’est pas dans le semblant. Je crois à la fois à ce que raconte d’elle ou de lui celle ou celui qui est filmé, mais je crois absolument qu’elle ou il existe hors du film, dans le monde que nous pensons réel parce qu’il est celui de notre soumission et de nos révoltes. La fiction cinématographique ne se substitue pas au monde, elle en fait valoir, tout au contraire, l’étrangeté, l’autonomie, l’indiscipline, la non-malléabilité. Nous trouvons là, cinéastes, la butée de réel qui nous évite de basculer dans l’illusion des illusions que le monde serait pliable et adaptable à merci.

EXTRAIT 3, Jean-Louis Comolli

Depuis de longues années je prétends défaire l’imperium des effets visuels, sonores, narratifs… dans les films dits documentaires. Les films, par exemple, de la série Marseille contre Marseille : il eut été tentant de forcer le trait dans la représentation des hommes politiques marseillais, et d’abord ceux du Front National. Dans un papier écrit en 1995, Mon ennemi préféré, j’ai proposé de montrer sans raillerie ou ridicule les représentants du F.N. que j’ai filmés, entre autres, pendant trente ans, mais de les montrer tels qu’ils se veulent et se pensent, dans ce qu’ils considèrent comme leur glorieux combat. « Filmer l’ennemi » dans sa force et non dans ses faiblesses. Car il s’agit de le combattre tel qu’il est et non tel qu’on le voudrait. De la même manière, j’ai filmé Philibert dans un acte d’amour pour son cinéma, sans emphase, sans prétentions autres que de filmer pour de bon sa parole, sans lui demander rien d’extraordinaire. Nous parlons, j’écoute, il écoute. J’ai donc présenté ce film comme un manifeste pour un cinéma de paroles

Dans ce cinéma dit documentaire, que reste-t-il aux personnes filmées, nos contemporains et souvent nos amis, si la parole leur est enlevée ? Dans la parole, libre, improvisée, se déroule une scène

majeure de la subjectivité. La barrer revient à barrer le sujet filmé, à le restreindre à une figure corporelle sans intériorité. La parole, quand elle est filmée, porte le dedans du sujet à s’aventurer dans un dehors collectif, social, politique. Eh bien, la parole libre, librement associée, est l’invention spécifique du cinéma documentaire, seul en mesure d’enregistrer cette parole vive en même temps que l’image synchrone de celle ou celui qui la profère. Jamais cela n’était arrivé dans l’histoire, puisque le phonographe puis le magnétophone étaient à même d’enregistrer la parole comme suite de sons, mais sans une image synchrone qui lui donne forme et sens dans le visible et pas seulement dans l’audible. Comment comprendre cette oblitération de la parole filmée ? Parce que cette parole dans un monde de distractions exige qu’on la suive, qu’on l’écoute, que l’on s’en laisse pénétrer, toutes attitudes, si je comprends bien, peu propices au déploiement du marché. La parole enregistrée de l’autre filmé demande qu’on lui accorde du temps et de l’attention, qu’on soit à l’écoute, car, dans ce qui se dit, il y a toujours le moment historique, les aléas du présent, la crise des subjectivités, la poussée de l’inconscient. Filmée, la parole du sujet est un compte-rendu fidèle de ses affections et de ses explosions. Tout ce qui affirme la prégnance des subjectivités est devenu l’un des enjeux du contrôle par le marché — avec peu de succès pour l’instant, la fantaisie individuelle étant toujours disposée à l’emporter sur le réglage social.

Rejeter un cinéma de paroles prend le sens, selon moi, d’un soutien au marché spectaculaire, qui a toujours supposé un spectateur paresseux et distrait, un mauvais spectateur. Je plaide pour une transformation de ce spectateur en spectateur actif et non passif, capable de se saisir de l’image et du son, du corps et de la parole filmés.

EXTRAIT 4, Un jardin, scénario de la première partie du projet Women Remix

Les textes de ce dernier chapitre ont été grandement rédigés dans le cadre d’une demande de subvention auprès de la Région Bretagne. Dans ce présent livre, ces écrits deviennent la trace écrite d’un travail préparatoire qui n’a pas pu voir le jour. Ce temps de travail, à la fois dans le milieu du cinéma, de l’édition ou des arts visuels, est considérable et dicte des conditions qui peuvent s’avérer décourageantes pour les auteur·ices qui sont souvent dépendant·es de ce type de financement. Nous avons souhaité visibiliser ce travail sous-terrain dont il n’est pas rare qu’il reste lettre morte. Les dialogues de la séquence 1 et 2 entre Laura Mulvey et Jean-Louis Comolli ont été inspirés par notre tournage de repérage en décembre 2019 à Paris. Les rushes de ce tournage où Laura Mulvey et Jean-Louis Comolli lisent séparément les mémoires de Louise Michel ont été ajoutés au dossier de candidature. Les commentaires d’images de Laura Mulvey dans la séquence 3 sont en partie une retranscription et traduction d’un dialogue entre Laura Mulvey et Élise Legal lors de cette même session de tournage.

14x19 cm à la française 384 pages isbn 978-2-493524-09-6 parution : 2 février 2024 prix de vente public 24€TTC

Points-clés

• premier livre consacré à l’œuvre cinématographique de Jean-Louis Comolli

• une figure majeure du cinéma documentaire français (théorique et politique)

• diversité des auteurs et des approches

Le cinéma de Jean-Louis Comolli

parole et utopie

sous la direction de Isabelle Le Corff et Antony Fiant

Résumé

L’œuvre de Jean-Louis Comolli est immense. Critique de films, théoricien majeur, il n’a eu de cesse d’analyser les enjeux esthétiques, politiques, spectatoriels du cinéma. Mais Jean-Louis Comolli a également été un cinéaste hors pair qui a réalisé plus de cinquante films entre 1958 et 2019.

L’enjeu de cet ouvrage est de mettre en lumière une œuvre singulière, d’amorcer une réflexion sur une expérience cinématographique aux confins du documentaire et de la fiction, de l’histoire et des rêves, du cinéma et de la littérature.

Universitaires, cinéastes et amis éclairent ici quelques-uns des films d’un corpus primordial. Ils y révèlent une pensée en actes, une profonde croyance dans le cinéma.

Sommaire

1. En découdre avec l’histoire — La Cecilia, l’enfance du cinéaste (Isabelle Le Corff), La négociation. Sur Les Esprits du Koniambo (Amélie Bussy), La plage, le bocage en juin (Jean Narboni), L’utopie du retour. Tabarka 42-87 (Isabelle Le Corff), À propos de Buenaventura Durruti, anarchiste (Entretien avec Gérald Collas)

2. Pratiques de la parole — Une valse à trois (Claudio Pazienza), Les enjeux de dignité. La vraie vie (dans les bureaux) (Emmanuel Mouret), Jeux de rôles et drôles de jeux : le miroir trouble de Carpentras (Sylvie Lindeperg), Comolli et Samson : filmer tout contre Marseille. Décadrages du corps politique (Camille Bui), Les costumes et les mises en scène de la politique (Michel Samson), À propos de Jean-Louis Comolli, Filmer pour voir ! (Entretien avec Ginette Lavigne), Comolli rit (Laurent Roth)

3. Formes et figures de l’art — En passant par le Québec et la Hongrie : contributions de Jean-Louis Comolli à l’émission Cinéastes de notre temps (1967-1971) (Antony Fiant), Le cinéma : école de la vision et de l’écoute (Giusy Pisano), Naissance d’un hôpital. Dans le laboratoire intime de la création » (Rémi Fontanel), L’amitié, l’ineffable et l’état de verve (Jacques Bontemps), Projet d’EA6 Comolli (Vincent Dieutre)

4. Textes de Jean-Louis Comolli — Note sur Naissance d’un hôpital, Échange sur La Cecilia, Lettre à Jordi Ballo, Échange sur On ne va pas se quitter comme ça

Éditions WARM

19 rue Emile Zola

85400 Luçon infos@warm-ed.fr warm-ed.fr

Nos engagements

Maison d’édition indépendante, membre du Coll.Libris et de la Fedei. Impression en Pays de la Loire (label Imprim’Vert, ISO14001).

Diffusion-distribution Serendip Livres

21 bis rue Arnold Géreaux 93450 L’île Saint-Denis Tél. : 01 40 38 18 14 contact@serendip-livres.fr gencod dilicom : 3019000119404

Le cinéma de Jean-Louis Comolli

parole et utopie

Les directeurs de l’ouvrage

I S ab ELLE L E Co RFF est professeure à l’université de Bretagne occidentale à Brest et membre du laboratoire HCTI (Héritage et Création dans le Texte et l’Image). Ses travaux portent sur l’approche culturelle et esthétique du cinéma européen contemporain - irlandais en particulier - ainsi que sur le cinéma documentaire. Elle a récemment co-dirigé, avec Antony Fiant, Denis Gheerbrant et la vie (WARM, 2022), ainsi que L’art documentaire et politique contemporain (Presses universitaires de Vincennes, 2022). Elle est co-auteure avec Dominique Cabrera du film Bonjour Monsieur Comolli (2023).

BONJOUR MONSIEUR COMOLLI

de Dominique Cabrera (2023 - 85’), co-écrit avec Isabelle Le Corff

En 2021 et 2022, le cinéaste et critique Jean-Louis Comolli et la réalisatrice Dominique Cabrera se retrouvent pour quelques libres conversations filmées en compagnie d’Isabelle Le Corff qui prépare un livre sur l’œuvre de Jean-Louis. Il est question du film à faire, de ceux qui sont faits, de ce que les films ont fait d’eux, de la vie, de la mort et des jardins. On rit. On sourit. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingts ans. à voir en ligne jusqu’au 16/11/2023 : https://www.kubweb.media/page/bonjour-monsieur-comolli-jean-louis-dominique-cabrera/

aNT o N y F I a NT est professeur en études cinématographiques à l’université Rennes 2 où il dirige le master « Cinéma et audiovisuel ». Il travaille sur l’esthétique et la dramaturgie du cinéma contemporain, qu’il soit de fiction ou documentaire, et plus particulièrement sur le cinéma soustractif et la représentation des peuples. Il a coordonné une douzaine d’ouvrages collectifs et est l’auteur de six essais dont : Wang Bing. Un geste documentaire de notre temps (2019, WARM) et L’Attrait du silence (2021, Yellow Now).

Les auteurs et autrices de l’ouvrage

Jacques Bontemps, Camille Bui, Amélie Bussy, Gérald Collas, Jean-Louis Comolli, Vincent Dieutre, Antony Fiant, Rémi Fontanel, Ginette Lavigne, Isabelle Le Corff, Sylvie Lindeperg, Emmanuel Mouret, Jean Narboni, Claudio Pazienza, Giusy Pisano, Laurent Roth, Michel Samson.

14x19 cm à la française

156 pages dont 12 quadri isbn 978-2-493524-13-3 parution : 2 mai 2025 prix de vente public 16€TTC

Points-clés

• le livre de référence sur le Nouveau cinéma argentin

• une cinématographie parmi les plus créatives, régulièrement sous le feu des projecteurs

• un auteur en prise directe avec la création cinématographique argentine

Éditions WARM

19 rue Emile Zola

85400 Luçon infos@warm-ed.fr warm-ed.fr

Répliques du nouveau cinéma argentin

Résumé

Au tournant du XXIe siècle, alors qu’une crise économique inédite plongeait le pays au bord du gouffre, le Nouveau cinéma argentin, né d’un mouvement générationnel et spontané, s’est imposé sur la scène nationale et internationale. Des films comme Pizza, birra, faso d’Adrián Caetano et Bruno Stagnaro, Mundo Grúa de Pablo Trapero, La ciénaga de Lucrecia Martel, La libertad de Lisandro Alonso, Silvia Prieto de Martín Rejtman et Extraño de Santiago Loza, à travers de nouveaux modes de production, ont su dessiner de nouvelles esthétiques.

Le Nouveau Cinéma Argentin est abordé dans cet ouvrage comme un cinéma de la réplique, dans toutes les acceptions du terme : il s’est construit en réaction au cinéma national des années 1980 ; il dialogue avec le Nouveau cinéma argentin des années 1960, la Nouvelle Vague française et le cinéma étranger contemporain ; ses figures centrales sont celles du revenant et du temps cyclique ; son épuisement en 2008 est la conséquence d’une reproduction à l’identique de ce qui faisait sa singularité. Enfin, la même année il se perpétue via une forme plus consciente et regroupée (le collectif El Pampero Cine mené par Mariano Llinás) qui continue à faire du cinéma argentin l’un des plus créatifs du moment.

L’auteur

Nicolas Azalbert est cinéaste, critique de cinéma et spécialiste des cinémas d’Amérique latine. Rédacteur des Cahiers du Cinéma (2000-2020) et correspondant à Buenos Aires, Argentine (2001-2009). Programmateur au Festival Biarritz Amérique latine (2013-2021).

Chez WARM, il est l’auteur avec Eduardo Carrera de L’Argentine, malgré tout (2017) et de la préface du livre Lisandro Alonso, habiter la nature, rêver le cinéma d’Adrien-Gabriel Bouché (2020).

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Nicolas Azalbert

Collection dédiée au cinéma,

cinématographique.

Lisandro Alonso

habiter la nature, rêver le cinéma

Adrien-Gabriel Bouché

Avant-propos de Nicolas Azalbert

couverture souple avec rabats dos carré collé

176 pages dont 16 pages de photos isbn 978-2-9568325-1-5 02 octobre 2020

Editeur WARM

Lisandro Alonso est un des cinéastes argentins les plus singuliers de sa génération. Figure du Nouveau cinéma argentin au début des années 2000, il est l’auteur à ce jour de cinq longs métrages, La Libertad (2001), Los Muertos (2004), Fantasma (2006), Liverpool (2008) et Jauja (2014).

L’une des forces de son cinéma réside dans sa grande cohérence formelle, philosophique et poétique. Chaque film répond au précédent et annonce le suivant, avec sensiblement le même schéma narratif (un homme seul face aux éléments et à un espace qu’il parcourt) et le même recours aux plans longs qui accordent une place importante aux rythmes de la nature.

Dans cet essai, Adrien-Gabriel Bouché met à jour le dialogue dynamique entre réflexion existentielle (habiter le monde) et enjeux formels (rêver le cinéma) à l’œuvre dans le cinéma d’Alonso, et propose de le lire comme une invitation à la rêverie et à une forme d’émerveillement originel devant l’image.

Adrien-Gabriel Bouché est chercheur en études cinématographiques et enseigne à l’université Rennes 2. Ses recherches portent sur la rêverie dans le cinéma contemporain, qu’il soit fictionnel ou documentaire.

Nicolas Azalbert est cinéaste, critique de cinéma et spécialiste des cinémas d’Amérique latine. Il est l’auteur avec Eduardo Carrera de L’Argentine, malgré tout (WARM, « Photo-Graphie », 2017).

Sommaire

avant-propos

Introduction

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

diffuseur-distributeur Serendip Livres

10, rue Tesson 75010 Paris

Tél. : 01 40 38 18 14 contact@serendip-livres.fr gencod dilicom : 3019000119404

Musique

densité NOUVEAUTÉ FÉVRIER 2025

Collection DISCOGONIE

JL Murat : Le Moujik et sa femme de Cédric Barré

discogonie

Avec sa pochette et son titre déroutants, « l’album rouge » est un disque amoureux, passionnel et passionnant conçu, selon la modestie légendaire de Jean-Louis Murat, pour « écraser toute la concurrence ». L’auteur de Vénus, voguant d’ordinaire en compagnie de son alter ego musical Denis Clavaizolle, rompt sur Le Moujik et sa femme avec (presque) tout ce qui a fait sa notoriété et sa réputation.

disco gonie

Loin de la pop synthétique sophistiquée des débuts et de son image de dandy murmurant à l’oreille des filles, il se mue à cinquante ans en guitar hero débraillé, leader d’un power trio blues-rock qui revisite les formes jubilatoires de la musique américaine, sans jamais tomber dans un mimétisme nostalgique à la française. Des textes directs et percutants, un chant libéré, onze morceaux à l’os pensés pour être joués au plus vite sur scène. Un comble pour celui qui considérait le live comme « une forme dépassée de faire de la musique ».

« Foule Romaine » / « Baby Carni Bird » / « L’Amour qui passe » / « L’Au-delà »

Les auteurs : Cédric Barré directeur artistique à La Manufacture, salle de spectacle de Saint-Quentin (02).

L’auteur : Cédric Barré dirige les affaires culturelles et un lieu de spectacle à Laon.

JL Murat : Le Moujik et sa femme 12,90 € ISBN 9782919296583 10 x 18 cm, 128 p. broché, couverture à rabats

Diffusion/distribution Serendip : dilicom 3019000119404

À SUIVRE : Tindersticks second album, Iggy Pop The Idiot, The Velvet Underground & Nico...

densité NOUVEAUTÉ JANVIER 2025

Collection DISCOGONIE

Pixies

:

Doolittle

discogonie

de Christophe Debouit et Le J. de Bob

Un titre énigmatique, un singe auréolé, une multitude de références bibliques et aquatiques, les mystères de l’Ouest et de l’espace qui s’entrecroisent et surtout un sens de la dynamique incomparable : Doolittle a tout pour marquer les esprits en 1989. Son impact a contribué à élargir l’audience de la scène alternative américaine, celle qui constituait la marge rageuse du rock et l’éthique punk du do-it-yourself, face au hard rock fm qui remplissait alors les stades.

disco gonie

Acmé et point de rupture du parcours underground mené tambour battant par le groupe, Doolittle démultiplie les futurs possibles pour leur musique sans transiger dans leur style inimitable : concision de l’écriture, richesse musicale, changements de rythme, tonalités ambiguës, paroles cryptiques. Si la production et les chansons alternent intensité et respirations, l’album s’impose en un bloc urgent, tout en vélocité.

« Gouge Away » / « Monkey’s Gone to Heaven » / « Here Comes My Man »

Les auteurs : Christophe Debouit a grandi avec le rock anglo-saxon, le magazine Best et les émissions de Bernard Lenoir. N’a pas fait de la musique son métier mais la pratique, seul ou au gré des rencontres (O.M.R., Cendre Ogata).

Julien Morel d’Arleux / le j. de bob articule depuis 25 ans sa vie professionnelle au service de l’État avec l’organisation de concerts. Marqué initialement par le rock alternatif puis par deux John (Coltrane et Zorn), il est cofondateur et administrateur de Projet Bob/La Bobine à Grenoble, un lieu culturel participatif.

Pixies : Doolittle

12,90 € ISBN 9782919296576

10 x 18 cm, 176 p. broché, couverture à rabats

Diffusion/distribution Serendip : dilicom 3019000119404

À SUIVRE : JL Murat Le Moujik et sa femme, Iggy Pop The Idiot, The Velvet Underground & Nico

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