densité NOUVEAUTÉ JANVIER 2023
Hors collection editionsdensite.fr
Écoutons nos pochettes
Quand vos pochettes racontent vos histoires
sous la direction de Gilles de Kerdrel - Préface de François Gorin
Objets de cultes, de convoitises, de scandales, d’art et de légendes, tout a déjà été dit et raconté sur les pochettes de disque. Tout, sauf ce moment de notre vie auquel l’une d’entre elles est à jamais liée…
Écoutons Nos Pochettes (à la fois site, podcast, et maintenant la présente anthologie) publie des récits autobiographiques (une love affair, une révolte, un trip, un égo en devenir), témoignages du pouvoir de résonance d’une pochette dans nos cortex émotionnels…
« Ce projet est né par hasard. Tant mieux. Un jour, ou plus vraisemblablement un soir, en ressortant Rattus Norvegicus des Stranglers, je me suis revu à 15 ans, affalé sur la moquette de ma chambre pleine de posters, les yeux rivés sur la pochette, ne sachant pas encore combien ce disque – comme des centaines d’autres, mais ça non plus je ne le savais pas encore – était en train d’influencer mes goûts, de guider mes choix, pas seulement musicaux.
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Ce livre n’est pas là par hasard. Tant mieux. Il est la conséquence de ce qui est raconté juste au-dessus. Il publie les récits de celles et ceux qui, adolescents, ont vu leur vie changée par un disque. Ce sont des récits initiatiques, des récits d’apprentissage, des petits frères d’Holden Caulfield dans L’Attrape-cœur de J.D. Salinger. Les pochettes racontées ici n’ont aucune importance. Tant mieux. Ce qui importe sont les histoires qui les relient à Hugues Blineau, Dominique A, Lisa Balavoine, Valérie Bisson, et à vous, si vous voulez participer. »
Les auteurs : préface de François Gorin (Télérama), contributions de Dominique A, JD Beauvallet (Les Inrockuptibles), et 33 autres.
Photographies : Carole Charbonnier
Écoutons nos pochettes, anthologie
29 € ISBN 9782919296385
17 x 23,5 cm, 96 p. broché, Quadrichromie
Diffusion/distribution Serendip : dilicom 3019000119404
Let there be rock, c’est ma grand-mère. Je la revois avec sa permanente grisée que ma mère reprenait tous les dimanches avec des bigoudis roses, je la revois avec ses petites lunettes rondes, sa timidité, son effacement gêné, sa façon de ne jamais vouloir déranger. Ce jour-là, on avait passé l’après-midi dans les allées du centre Alma à Rennes, une grande surface au sud de la ZUP Sud. J’avais onze ans. A la fin de la journée, comme j’avais été sage, ma grand-mère se tourne vers moi et m’annonce qu’elle veut me faire un petit cadeau. Moi, tout de suite, je pense à un gros cadeau. Je l’entraîne vers le rayon disques. Elle trottine derrière, et là, putain, ça faisait un an que j’en rêvais, je m’empare de Let there be rock et je lui tends le vinyle. Je ne sais même pas si elle avait déjà tenu un vinyle entre ses mains, la musique n’existait pas chez nous. Je me demande encore aujourd’hui ce que ça lui faisait dans la tête de regarder cette foutue pochette de disque. Ça clignotait un peu derrière ses petites lunettes, ça n’avait pas l’air d’être simple. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien voir dans tout ça ? AC/DC écrit en gros Même pas sûr. Un monsieur en short avec un banjo dans les mains ? Possible. Une grosse batterie de casseroles en cuivre avec un monsieur qui se cache dedans ? Encore possible. Et un monsieur qui nous tourne le dos pour lui demander de sortir de ses casseroles, pendant que là-bas tout au fond y en a un autre qui joue encore du banjo et qu’au tout premier plan y a encore un monsieur qui est là, mais on ne sait pas ce qu’il fait. Oui, c’est probablement tout ça qu’elle voyait. Et puis aussi, ces fils électriques, ces rallonges qui traînaient par terre, ça n’avait pas l’air d’être bien rangé chez eux. Sans compter qu’en plus, ils avaient plein de gens à moitié allongés sur le sol, enfin, elle ne savait pas trop, on ne voyait que leur bras. Bref, AC/DC venait d’entrer dans la vie de ma grand-mère. C’est elle qui m’a offert mon tout premier vinyle et c’était Let there be rock.
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