Serendip & Paon :: Littérature :: Juin 2021

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C’est ainsi que, malgré son désaccord avec la mer et le bateau, Lafala, maintenant hors de portée des griffes de son avocat véreux, s’en retournait à Marseille, le port des rêves, celui de sa fortune et de son infortune. Et, comme tout être humain vaniteux qui aime revisiter les lieux de ses souffrances et de ses défaites après être parvenu à conquérir le monde, Lafala − même si sa victoire lui avait coûté cher – rêvait, depuis son départ, des gargotes et autres troquets de Marseille, et n’attendait qu’une chose: s’y montrer à nouveau, dans toute sa gloire, et tout particulièrement aux yeux d’Aslima.

RÉSUMÉ C’est le « brusque dégoût de lui-même » qui pousse Lafala, un docker ouestafricain, à abandonner Marseille après avoir été dépouillé de tout son argent et de ses illusions par la belle Aslima. Embarqué clandestinement sur un paquebot et enfermé dans des latrines pendant la traversée de l’Atlantique, il est amputé de ses deux jambes à son arrivée aux Etats-Unis. Remettant son sort à un avocat véreux, Lafala empoche une grosse somme d’argent et retourne dans le « port des Rêves », espace frontière entre la terre et la mer, où il retrouve l’ambiance bouillonnante de la Fosse, les déracinés de la Jetée et ses illusions perdues.

L'AUTEUR Né en Jamaïque en 1889, Claude McKay est considéré comme l'un des écrivains littéraires et politiques les plus emblématiques de la Renaissance de Harlem, reconnu pour son intense engagement à exprimer les défis et les problématiques auxquels sont confrontés les Noirs aux Etats-Unis et en Europe. Personnage complexe et fascinant, il est l’auteur de recueils de poésie et de romans, parmi lesquels Home to Harlem (1928), Banjo (1929) et Banana Bottom (1933). Son autobiographie, Un sacré bout de chemin, a été traduite et publiée par André Dimanche en 2007. Claude McKay est mort en 1948 à Chicago.

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ROMANCE IN MARSEILLE / Claude McKay (jamaïque) Roman / Vingt euros ISBN : 979-10-97210-06-9 Préface d'Armando Coxe Traduit de l'anglais par Françoise Bordarier & Geneviève Knibiehler illustations de Carlos Lopez Chirivella


AUTOUR DU LIVRE: LE MARSEILLE DE CLAUDE MCKAY Trois ans après Banjo, Claude McKay retrouve Marseille et poursuit les questionnements abordés dans son roman précédent en réhabilitant l’histoire du quartier de la Fosse (situé en bordure du Vieux-Port) le décrivant davantage en ses marges qu’en son centre. Tous les personnages du roman, qu’ils abordent la place des Noirs dans les grandes villes européennes ou l’implacable système de domination raciste, émettent des points de vue singuliers que McKay situe au-delà des rapports de force induits par la condition sociale. Comme à Harlem, McKay retrouve à Marseille un cadre portuaire fécond empreint de débats internationalistes et raciaux, créant ainsi d'innombrables intersections entre nations et cultures. Un déracinement dans lequel l'auteur trouve paradoxalement un fort sentiment d'appartenance.

LE CONTEXTE: LA RENAISSANCE DE HARLEM Avec Harlem pour capitale, le mouvement New Negro reste aujourd'hui connu comme l'une des grandes avant-gardes du vingtième siècle. Souvent identifié à l'émergence du jazz, cette "renaissance" de la culture afro-américaine s'étend également à d'autres disciplines comme la photographie, la peinture ou la littérature et consacre notamment les talents du pianiste Duke Ellington, du dessinateur Aaron Douglas, des écrivain.e.s Zora Neale Hurston, Langston Hugues. Reconnu comme un auteur phare de la Renaissance de Harlem, Claude McKay s'est pourtant progressivement éloigné du mouvement, coupable à ses yeux de proposer un éloge naïf de la race noire en vue de son "blanchissement". De par son identité diasporique, l'exploration des non-dits autour des distinctions raciales et sexuelles dans la culture occidentale, l'oeuvre de Claude McKay préfigure celle de James Baldwin.

Première édition de Banjo publiée en 1929 par Harper & Brother (illustration d'Aaron Douglas)


Nuit polaire de Balthazar Kaplan Ab irato éditions, 2021

Fiche descriptive

Titre : Nuit polaire Date de parution : Mai 2021 Rayons : Littérature Thèmes : Littérature contemporaine Sous-titre : Court résumé : Thriller qui se passe en Antarctique, dans un futur proche, aux alentours de 2040. Une enquête sur la disparition d’un homme, au croisement d’enjeux scientifiques, géopolitiques et écologiques. Le récit évolue tantôt dans un espace confiné – celui des bases polaires – tantôt dans celui, immense, du continent antarctique. Collection : (aucune) ISBN : 9782911917776 Auteurs : Balthazar KAPLAN Bio auteurs : Balthazar Kaplan est né en 1965. Il a publié deux romans sous son vrai nom Guillaume Marbot, La Ville (Michalon, 1998), et Le Chimiste (Flammarion, 2004). Il a publié des articles dans la revue l’Atelier du Roman. Sous le nom de Balthazar Kaplan, il est l’auteur chez Ab irato de Little Nemo, Le Rêveur absolu (2014). Largeur (cm) : 15.5 Hauteur (cm) : 20 Poids théorique (gr) : 500 Nombre de page : 290 Prix : 25€ Tirage envisagé : 500

Sur l’auteur Balthazar Kaplan est né en 1965, à Charenton. Il a publié sous son vrai nom, Guillaume Marbot, deux romans, La Ville aux éditions Michalon en 1998, et Le Chimiste, en 2004, chez Flammarion. Il a écrit de nombreux articles dans la revue l’Atelier du 1


Roman. Sous le pseudonyme de Balthazar Kaplan, il est l’auteur aux éditions Ab irato de Little Nemo, Le Rêveur absolu : un essai sur la bande dessinée de Winsor McCay (2014). Il voyage également beaucoup, séjourne plusieurs années aux Etats-Unis puis au Japon et finit par poser ses valises en Bretagne où il enseigne à l’université de Rennes.

Présentation en quelques mots de Nuit Polaire Thriller qui se passe en Antarctique, dans un futur proche, aux alentours de 2040. Une enquête sur la disparition d’un homme, au croisement d’enjeux scientifiques, géopolitiques et écologiques. Le récit évolue tantôt dans un espace confiné – celui des bases polaires – tantôt dans celui, immense, du continent antarctique.

Originalité du livre par rapport aux thrillers ou aux policiers • • • • •

Le lieu : l’Antarctique. On retrouve certaines caractéristiques du thriller nordique (rigueurs climatiques, neige, etc.) mais dans un cadre complètement inédit. L’environnement humain : pas un quotidien normal mais le quotidien d’une base polaire – une forme extrême de confinement…. Une touche d’anticipation puisque l’action se passe en 2040. Mais la base reste très réaliste, et le livre est très documenté. Le croisement d’enjeux scientifiques, géopolitiques et de vie quotidienne d’un collectif au prise avec une nature extrême. Une écriture soignée, soutenue, qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais de l’écrire.

Les enjeux que questionne l’auteur dans ce livre • • •

La question du réchauffement climatique. Les tensions géopolitiques internationales. Le dernier sanctuaire naturel va-t-il résister aux intérêts politico-économiques des grandes puissances ?

Résumé du livre Base Concordia, plateau antarctique. Hiver austral. Les températures extérieures battent des records de froid. Le manager de la base, Henning, disparait sans laisser de trace. Son corps n’est pas retrouvé et les circonstances de sa disparition restent inexpliquées. Six mois plus tard, son successeur, Apollon Maubrey, arrive à la base. Il a été en fait recruté en secret par la gouverneure de l’Antarctique pour enquêter sur la disparition de Henning, même si la thèse officielle est celle du suicide. Il comprend que cette disparition a eu lieu au moment où devait reprendre un forage à travers la calotte glaciaire. Ce 2


forage, controversé, a été interrompu car il allait atteindre un lac souterrain, préservé de tout contact avec l’extérieur depuis un million d’années. Apollon finit par autoriser sa reprise. Pendant ce temps, il continue son enquête. Il est persuadé que Henning a été assassiné, et il pense même savoir comment. Mais par qui ? Par Patrice, le directeur de la base ? Cécile, médecin, avec laquelle Apollon commence une liaison ? Giancarlo, le technicien taciturne ? Chamcepoix, cet entrepreneur, qui, sous ses airs fantasques, semble en savoir plus que tout le monde ? Et surtout pourquoi ? Par-delà la question du forage, ses recherches l’entraînent dans de multiples directions dont il ne comprend pas les liens : quel rôle joue cette société informatique américaine qui gère les bases de données de Concordia ? Que s’est-il passé lors de cette inspection d’une base chinoise que Henning aurait faite juste avant sa disparition ? Et pourquoi Apollon croise plusieurs fois les traces d’une ancienne expédition américaine sur la banquise de Ross ? Mais l’hiver austral fait son retour et Giancarlo chargé de fermer la base de forage pour l’hivernage est retrouvé mort de froid. Considéré comme responsable de sa mort, Apollon perd son poste et doit quitter Concordia. La gouverneure le rapatrie alors auprès d’elle. Mais avant de la rejoindre – la « capitale » est située à l’autre côté du continent, il s’arrête en chemin dans la grande base américaine de McMurdo pour essayer d’éclaircir certains points de son enquête. Il en profite aussi pour renouer avec sa passion de l’alpinisme et part à l’ascension du volcan Erebus… Auprès de la gouverneure, il commence son nouveau travail, celui de superintendant, qui l’ennuie assez vite. Il continue à poursuivre en cachette son enquête, bénéficiant de l’aide précieuse mais ambiguë d’un scientifique russe. Mais il est contraint d’assister de plus en plus la gouverneure, prise au milieu des tensions internationales qui s’accroissent. Et soudain, alors que la Chine et les Etats-Unis révèlent de façon spectaculaire leurs intentions, Apollon rassemble les dernières pièces du puzzle qui lui manquaient et comprend tout ce qui s’est passé, de la disparition de Henning, la question du forage jusqu’aux motivations réelles du conflit entre la Chine et les Etats-Unis. Il parviendra in extremis à empêcher la dislocation complète du continent antarctique, mais en partie seulement.

Contexte du livre chez Ab irato Nuit Polaire est le huitième récit que nous publions après : • • • • • • •

Lormain de Manuel Anceau Livaine de Manuel Anceau Gumri, Arménie, si loin du ciel… de Jean-Luc et Vardhui Sahagian D’un séjour en Palestine - Itinéraire d’Houilles à Tulkarem de Jimmy Gladiator Le passé du futur est toujours présent d’Alain Joubert Carnets oubliés d’un voyage dans le temps – Albanie 1987 de Georges-Henri Morin Hommage à l’Amiral Leblanc de Guy Cabanel

C’est notre premier roman policier ou thriller.

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Extraits 1er extrait Il n’y avait personne à cette heure avancée, même s’il faisait clair. Apollon prit une tasse et se servit un café à une machine en libre-service. Il aperçut au fond, déjà devant ses fourneaux, le cuistot en chef, Charles, avec sa bonne bouille ronde et ses favoris. Ils se saluèrent de loin. Voilà l’homme le plus important de la base, se dit Apollon. Puis, sirotant doucement le breuvage onctueux et chaud, il se posta devant un des grands hublots qui éclairaient la salle. Le spectacle extérieur n’avait rien d’extraordinaire : une étendue blanche à perte de vue, même pas un monticule ou un dôme de neige pour créer une impression de relief, c’était le plat pays en version esquimau. Plus singulière était cette lueur au-dessus de l’horizon, une lueur diffuse et déclinante, un halo rouge qui cherchait à convaincre le ciel de devenir mauve mais ça manquait de conviction, ça ne marchait même pas du tout : le ciel restait d’un bleujaune délavé. Aucun bruit sinon un léger ronronnement, celui des grilles d’aération et de chauffage, et un vague roucoulement de tuyauterie. Pas d’odeurs non plus, sinon les relents d’une odeur humaine, plutôt masculine, mêlée à celle d’un détergent. Il emprunta la galerie suspendue qui reliait le module Vie au module administration. L’aménagement intérieur, récent, rompait avec le décor foutraque du temps des pionniers. Il donnait plutôt l’impression d’évoluer dans une station spatiale avec un environnement fonctionnel aux angles arrondis, comme pour rassurer le regard, à la lumière douce, artificielle qui se mêlait à la clarté venant des hublots. Trouant cette ambiance de cocon artificiel : la signalétique d’urgence et les écrans affichant les températures extérieures qui rappelaient la nécessité de rester vigilant et discipliné. Par le hublot, le soleil toujours au-dessus de l’horizon comme s’il frimait un peu avant de disparaître. Son bureau se trouvait au premier niveau, à l’opposé de celui du directeur. Même escalier central, à colimaçon puis on s’engageait sur la droite. La porte était légèrement entrouverte. Et de la lumière blanche, venant du plafonnier, passait par l’entrebâillement pour creuser dans la pénombre du couloir un entrefilet de couleur pâle. Quelqu’un était dans son bureau… […]

2e extrait Ils commencèrent à marcher droit devant eux. Il n’y avait rien devant qui pouvait constituer un objectif à atteindre, pas la moindre dune, le moindre relief, une platitude infinie. Apollon sentait le froid vif lui attaquer la peau, les yeux, les lèvres. La moindre parcelle de chair exposée était aussitôt assiégée. L’air respiré transformait sa trachée en tube de glace, les poumons semblaient se rétracter et le froid se glissait jusqu’aux sinus. Et ce n’était pas seulement le froid qui l’attaquait. L’air était incroyablement sec. Sous ses pas, la neige, dure, faisait un bruit de carton. « On se rapproche de la fin du « in » », dit Cécile. (…) 4


Éditions du Canoë

2021

7 mai

Claire Fourier

Genre : récit Format : 12 x 18,5 cm Pages : 48 Prix : 8 € ISBN : 978 -2-490251-44-5

Née à Ploudalmézeau, dans la Bretagne du Nord, Claire Fourier est l’auteur d’une vingtaine de livres – romans, récits, haïkus, recueils de pensées – qui nouent finement impertinence, tendresse, mélancolie, résistance et fragilité. Tombeau pour Damiens, la journée sera rude (2018) est parmi les premiers livres publiés par Le Canoë. Son dernier ouvrage, paru en 2020, s’intitule Sémaphore en mer d’Iroise.

C’est par ce texte incandescent que Claire Fourier s’est fait connaître. Dans le métro, un homme et une femme se regardent et s’attirent irrésistiblement. Rencontre éblouissante, arrachée à la monotonie des jours, nécessairement sans lendemain. Elle est mariée, lui peut-être aussi. Ils s’aiment sans retenue une après-midi entière puis retournent chacun à sa vie d’avant. Moment miraculeux. Grâce. « J’aurais aimé écrire cela », note Régine Deforges, dans le Monde des Livres de 1996. Je la comprends. Ces lignes n’ont pas pris une ride.

Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com ; tel 06 60 40 19 16

Diffusion-distribution : Paon diffusion.Serendip


Éditions du Canoë

2021

4 juin

Sophia de Mello Breyner

Genre : conte Format : 12x 18,5 cm Traduit du portugais et préfacé par Colette Lambrichs Pages : 48 Prix : 10 € ISBN : 978-2-490251-46-9

Une plage du Nord du Portugal battue par les vents et la mer. La beauté simple et joyeuse des gens du cru qui vivent au rythme des marées, de l’arrivée des enfants qui viennent pour les vacances en famille, des menus travaux de tous les jours… et puis, soudain, la mort du maître-nageur écorne ce paradis et, de malheur en malheur, le précipite en enfer, celui de la laideur.

Née à Porto en 1919 dans une vieille famille aristocratique, ayant vécu sa vie à Lisbonne où elle meurt en 2004, Sophia de Mello Breyner est une des voix majeures de la littérature portugaise. Engagée politiquement à gauche, elle a joué un rôle de premier plan dans les combats qui ont permis l’instauration de la démocratie au Portugal. Poète avant tout (elle a publié son premier recueil, Poesia, en 1944), elle est aussi l’auteur de nouvelles et récits pour la jeunesse qui ont enchanté plusieurs générations d’enfants. Dès 1999, elle reçoit le prix Camões, la plus haute distinction au Portugal ; en 2001, le prix Max Jacob et le prix Reine Sophia de poésie. La plupart de ses poèmes ont été traduits en français par Joaquim Vital aux Éditions de la Différence : Méditerranée (1980), Navigations (1988) et Malgré les ruines et la mort (2000).

Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com ; tel 06 60 40 19 16

Diffusion-distribution : Paon diffusion.Serendip


De l’Atlantique, froid même quand il était agité, nous sortions presque toujours heureux et gelés, claquant des dents, le bout des doigts blanc, les lèvres violettes. Nous courions alors nous habiller dans les baraques en bois qui étaient situées sur deux rangs à l’entrée de la plage avant les cabines en toile et les tentes. Ces baraques en bois étaient hautes et étroites, peintes en vert sombre, et leur porte était trouée d’une lucarne ronde. À l’intérieur, au fond, il y avait un banc, des porte-manteaux sur chacun des côtés et, sur le sol, une natte. Près de la porte, on trouvait toujours un baquet de bois rempli d’eau de mer dans lequel, avant d’entrer, nous nous lavions les pieds pour retirer le sable. Il y avait dans tout cela un confort rudimentaire plein de fraîcheur, une odeur de sel, d’herbes et de bois et une beauté qui ignorait encore le plastique, le contreplaqué, le chrome qui seraient l’apanage d’autres mœurs. Quand nous étions plus petits, les gouvernantes, les bonnes ou les proches entraient avec nous dans la baraque pour bien nous frictionner les cheveux 3


— Et je rencontre quelqu’un d’autre ? me demande timidement Denise. Je mélange les cartes et les redistribue en me concentrant bien sur le futur amoureux de Denise. Mais alors là, déception, le futur amoureux de Denise, il est tout plat, tout gris. Rien ! — Non vraiment, il ne se passe pas grand-chose. Non, je ne vois aucune rencontre pour vous, Denise. Je suis désolée. Elle ne soupire même pas, Denise. C’est une femme de ménage des écoles et elle a la vie dure. Denise, c’est une mère qui élève seule ses trois enfants. Comment elle en est arrivée là, je n’en sais rien. Je ne lui demande pas. J’entends juste que Denise se résigne. Elle voudrait juste faire l’amour de temps en temps, pour oublier ses servitudes et rire un peu. Mais non, il semble qu’elle n’y ait pas droit. Elle a été oubliée au bataillon et il ne va rien lui arriver, à Denise, à part ses gants en plastique, sa serpillière et son seau. Puis, soudain, je l’aperçois, là, brillant sur les cartes de Denise… — Mais, Denise, m’écrié-je stupéfaite, mais vous avez un cœur d’or ! Il est là, debout, extraordinairement beau, irradiant une enveloppante douceur. Je suis touchée par la présence immatérielle. Ce cœur, c’est une révélation ! — Oui, je sais, me soupire, au combiné, Denise. Sa voix lasse ne dira rien d’autre. Denise sait qu’elle a un cœur d’or, mais pour elle, cela ne change rien. Au

son, je l’imagine haussant les épaules face à l’indifférence du destin. — Bon. Merci. Bonsoir ! […] La plupart des voyants que l’on rencontre sur ­Audiotel sont des êtres blessés par la vie, qui soignent leurs plaies en aidant les autres. Il est vrai que le public nous gratifie souvent de chaleureux mercis. Cependant, si vous êtes un voyant du téléphone, c’est que vous êtes tout à fait au bas de l’échelle. Vous jouissez donc d’un parfait anonymat, et depuis cette ombre vous proférez vos conseils des heures durant. Vous croyez absolument tout ce que vous dites puisque tout ce que vous dites, vous le voyez. Vous êtes voyant ! Voilà pourquoi vous vous étonnez vous-même de votre force de conviction et de la solidité de vos arguments. Mais toute votre force vient de ce que c’est là : vous le voyez ! La seule chose que vous ne voyez pas, c’est Comment ça marche ? - Pourquoi ça marche ? Là, de fait, vous ne voyez rien, mais vous êtes bien forcés d’y croire puisque ce que vous dites se réalise ou se réalisera souvent. Les premières fois que des clientes m’ont rappelée pour me dire que mes prédictions étaient justes, je me suis sentie tout à coup messagère. Une voyante, c’est une goutte d’espoir dans une vallée de larmes. Une petite ouvrière du monde spirituel. J’ai trouvé une place dans une drôle d’usine.

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Poésie de Jindřich Štyrský Ab irato éditions, 2021

Fiche descriptive

Titre : Poésie Date de parution : Juin 2021 Rayons : Littérature Thème : Poésie contemporaine (XXe siècle) Court résumé : Recueil poétique, en édition bilingue, traduit du tchèque et présenté par Petr Král. Collection : Abiratures ISBN : 9782911917721 Auteurs : Jindřich Štyrský Bio auteurs : Jindřich Štyrský (1899-1942) est un peintre, poète, éditeur, photographe et dessinateur surréaliste tchèque. Il est l’un des membres fondateurs du groupe surréaliste tchèque. Largeur (cm) : 14 Hauteur (cm) : 20 Poids théorique (gr) : 200 Nombre de page : 82 Prix : 15€ Tirage envisagé : 500

Sur l’auteur Jindřich Štyrský est né en 1899 à Cermna (Autriche-Hongrie) et décédé en 1942 à Prague, en Tchécoslovaquie. Grand nom du surréalisme tchèque de l’entre-deux guerres et de toute l’expression moderne, il a été autant peintre, collagiste, photographe qu’auteur de poèmes – en vers ou en prose – et d’essais critiques.

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Présentation en quelques mots de Poésie L’ensemble des textes présentés dans ce livre est la traduction intégrale du recueil publié sous le même titre – Poésie – en 1946 à Prague.

Originalité du livre • • •

Première édition de Poésie en français. Première édition en français d’un livre de Jindřich Štyrský. Traduit et présenté par Petr Král décédé le 17 juin 2020, grande figure intellectuelle tchèque qui a aussi vécu en France, entre 1968 et 2006, où il a publié de nombreux livres et essais sur la poésie et le cinéma (Stock, Actes sud, Flammarion, P.O.M ; Champ Vallon.) Petr Král a reçu de nombreux prix dont, en 2019, le Grand Prix de la francophonie de l'Académie française, et en 2016, le Prix Jean Arp pour l'ensemble de son œuvre.

Evènements prévus autour du livre • • •

Sortie annoncée dans la Lettre de l’Institut tchèque à Paris depuis janvier 2021. Présentation du livre et lectures d’extraits à l’Institut tchèque (date en cours). 2022 : exposition au Musée d’art moderne de la ville de Paris consacrée à la peintre surréaliste Toyen, campagne de Jindřich Štyrský, avec lequel elle participait aux activités avant-gardiste du groupe surréaliste tchèque dans l’entre-deux guerre (Štyrský est décédé en 1942, Toyen s’est ensuite exilé à Paris).

Contexte du livre chez Ab irato Poésie est le onzième titre de la collection d’approche poétique « Abiratures » que nous publions après : • • • • • • • • • •

L’Autre côté des nuages d’Alain Joubert Les charmes du chaos de Guy Cabanel Journal intime de Guy Cabanel et Jean Terrossian Brune esclave de la lenteur de Jacques Abeille Le passé du futur est toujours présent d’Alain Joubert Carnets oubliés d’un voyage dans le temps – Albanie 1987 de Georges-Henri Morin L’Ivresse des tombes de Guy Cabanel et Barthélémy Schwartz Hommage à l’Amiral Leblanc de Guy Cabanel L’Effet miroir d’Alain Joubert, Nicole Espagnol et Roman Erben Un couteau entre les dents d’Antonio José Forte (œuvre poétique complète traduite du portugais)

C’est notre deuxième recueil bilingue après Un couteau entre les dents de Antonio José Forte. 2


Extraits 1ers extraits Cimetière L’ange de pierre ne compte pas Les monticules de terre rose De tendres mots frissonnent Dans les inscriptions dorées Transparents sourires Souvenirs Frêles tiges de muguets Paroles en arrêt dans le parfum de la brise Yeux campanules Un baiser aspire les morts aux poumons putrides Lumière dans le rhum La mort sur une périphérie de machines Tombes oubliées Claires tonnelles qui invitent à entrer Les maisons ressemblent aux coffres-forts Une clé Jeunes femmes aux cheveux fraîchement frisés Qui déteignent à la première pluie Mégères sans âge Petits singes grecs Papous Abyssines Et la soi-disant seconde élite L’escalier des spirites Et le cri pour les places louées qui rappelle l’Or du Rhin C’est à ce cénacle charmant Que je pensais venir en aide En l’absence de cerises d’oiseaux et de filets Terre Ceinture Galbe Sans saisons Sans pluies À jamais sans fatigue

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La jeunesse détruite flotte dans les maisons, les maisons flottent dans les chambres, les chambres flottent dans les armoires à linge et le tout en pleine lumière. Au centre des broussailles de croix noires, tombes effondrées, photo sur émail ternie, couronnes mortuaires en perles de verre, vases d’eau jaune et putride qui rappelle les crèmes des pâtissiers, tissu formant des tiges en dentelles entremêlées de lianes de lierre. Par-dessus le mur du jardin voisin s’élève une ramille avec deux oranges. Clous à crochet, maisonnettes d’escargot, perles répandues dans l’argile, un faucheux se déplace sur des fils de fer rouillés. Et au milieu de ce décor funèbre j’aimerais dessiner ton portrait, le visage de mon amie maritime et son image gravée sur un mur écaillé, fissuré, trempé de pluie, imprégné d’eau, fendillé par la tempête, dé-vasté par le temps. Quelques fleurs séchées, insérées par une main frêle parmi les feuilles d’un livre et des photos pâlissantes, voici les seuls souvenirs qui me restent. […]

Couverture du livre •

La couverture, déployée jusqu’au dos de couverture est une oeuvre de Jindřich Štyrský : Au-dessus de la Vltava (huile, 1932)

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Éditions du Canoë

2021

4 juin

Billy Dranty

Genre : poésie Format : 12 x 18,5 cm Pages : 176 Prix : 16 € ISBN : 978-2-490251-45-2

Billy Dranty a participé activement à la revue Moriturus au début des années 2000. Poète, il a publié cinq livres chez Fissile, dont une trilogie : L’hydre-anti – Derelictus – Rivage veuf. Il a également publié Trucidive chez Barre parallèle, Détrauma aux éditions Les Arêtes, ainsi qu’une quinzaine de plaquettes aux éditions Derrière la salle de bains. Éditeur critique, il s’est consacré, ces dernières années, à établir, documenter et présenter pour les éditions Ypsilon, Fissile et L’Arachnoïde, les correspondances croisées de René Daumal avec Léon Pierre-Quint et Roger Gilbert-Lecomte, de Richard Weiner avec les poètes du Grand Jeu (en collaboration avec Erika Abrams), ainsi que les Lettres à Pierre Minet de Max Blecher. C’est dans les mêmes temps qu’il a écrit Advers, puis Attract obstruct.

Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com ; tel 06 60 40 19 16

Ce livre important en contient deux : Advers et Attract obstruct, qui se répondent organiquement, sur le mode d’une structure dense et ramifiée. Le premier se veut un « espace sauvage d’expectoration », où le vers combattif et sans concession progresse par saccades, saccages et scansions, pour se défaire de la « glu » des tricheries, qui est aussi celle du lyrisme. Logique de rupture, donc, pour trouver une voix à un je démembré, qui cherche à se réinventer une naissance. Le second, tendu dans le feu entre attachement et arrachement, décline par blocs de discours amoureux les étapes d’une intrigue en suspens(e). Du « OUI en pléthore » d’un éros révolutionnaire qui voit poindre le nœud des corps, on s’inquiète finalement d’un lieu absent, entre-deux, à l’image d’un texte qui hésite, donc se pose la question de sa forme, adverse et adversifiée.

Diffusion-distribution : Paon diffusion.Serendip


défondations espace sauvage d’expectoration enchaînement-souffle contre phrasés b(r)aillés pour embrayer

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