Serendip & Paon - Nouveautés Littérature & Poésie - Septembre-2021

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Éditions le Sabot

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Collection du seum 11 rue Gabriel Péri 59370 Mons-en-Baroeul

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TABOR Mona et Pauli ont survécu à d’étranges et immenses inondations. Elles vivent et s’aiment àTabor, un nouveau monde bricolé. Mais de mystérieux visiteurs, sorciers ou fonctionnaires, viennent en troubler l’équilibre, jusqu’à l’ensauvagement dé nitif. Comment faire face? Anticipation révolutionnaire ou rêverie gothique, ce récit explore la possibilité de l’amour et de l’action dans un monde en ruines.

Phœbe Hadjimarkos Clarke est née en 1987. Elle vit dans des grandes villes et des petits villages.

Paru en avril 2021 120 x 185 mm / 296 pages / 13€ Thèmes: premier roman, dystopie, féminisme queer, écologie ISBN: 978-2-492352-02-7


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TABOR À la tombée de la nuit, elles arrivent, le radeau échoue sur ce qui tient lieu de berge ou même plutôt de plage : les varechs sont des herbes molles et pâles, jaunies et imbibées d’eau, les déchets omniprésents (des rubans de plastique, des écouteurs sans fil, des bouteilles, des billets, des vêtements) qui festonnent le monde entier et qui s’entremêlent aux végétaux flapis sont les galets décolorés. Leurs jambes tremblent en retrouvant la terre ferme. « Sauvées, sauvées, on est sauvées. » Elles tombent, rient, se relèvent, flageolent, s’enlacent et rient encore de soulagement. Elles sont sales, fatiguées, affamées, encore un peu humides, tout est encore un peu humide, mais elles sont en vie, c’est un bonheur animal, qui vient de la volonté animale d’être en vie, c’est le bonheur le moins calculé et le moins culturel du monde, un sentiment qui se fout de tout, qui n’a que lui-même pour compagnon ou pour miroir.

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Mona

Puisqu’il est dur de mesurer le te ps et que m les jours et les heures s’enfilent les uns aux autres comme des perles, chacune unique et colorée, indépendante, mais à la forme invariablement identique (qu’est-ce qu’un jour sinon un jour, des plates heures lumineuses et sans identité ?), puisque les saisons sont les seuls marqueurs permettant de différencier les mois et les années, et que les saisons elles-mêmes s’allongent et se rétractent sans logique, qu’elles se traînent indistinctement ; pour ces raisons il est dur de dire quand tout a commencé. Je sais que c’était au printemps, ou plutôt juste avant, les arbres annonçaient le redoux en tout cas, non pas que cela signifie grand-chose, du moins montraient-ils leurs premiers bourgeons, alors que l’hiver nous avait semblé très court, trop chaud. On avait peur qu’il regèle avant la fin de la saison (et qui sait quand exactement le printemps se terminerait de toute façon, et en quoi il se transformerait – il n’y avait aucun moyen de le prévoir) et que tout soit perdu, on craignait de ne pas avoir de fruits cet été-là. Valérie avait tenté de compter, notant les jours sur des feuilles volantes cousues ensemble, essayant d’établir un calendrier. Mais leur cours était évasif et la tourmentait en refusant de s’aligner tout à fait à ses prévisions. Les ciels étoilés restaient cryptiques eux aussi. Il n’y avait guère que nos menstruations pour nous donner une indication du temps qui passe.

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Peut-être que tout a changé avec l’arrivée de Jonas mais je pense que ça a commencé avant, un peu avant, commodément avant. C’était donc cette espèce de printemps précoce, nous en avions déjà vécu deux ou trois depuis notre arrivée ici, je crois. Ce que j’aime raconter à ce propos, c’est ça : le jour de notre arrivée, après avoir accosté, on avait gravi la montagne, épuisées et affamées, on avait trouvé d’abord une source d’eau, elle semblait propre et on avait bu longuement, lapant le ruisseau, accroupies sur ses berges, puis on s’était endormies là, tout de suite, sur le sol, enlacées dans l’herbe molle et comme ensorcelées, sans penser à rien qu’au soulagement qui n’en finissait plus, au plaisir de sentir sous nos corps une terre ferme bien que détrempée, et pas cet affreux tangage qui nous avait bercé jusqu’à l’hallucination. Et au matin ce n’était plus au soulagement que je songeais, ou alors plus sous la même forme. J’avais été envahie de désir. Je n’avais pu penser à rien d’autre qu’au corps de Pauli, je la touchais, la palpais pour vérifier on se l’imagine qu’elle était bien réelle et en vie et moi aussi. Il faisait si froid que nous étions restées habillées, mais j’étais possédée, je m’insinuais sous ses vêtements, j’étais rendue folle par : sentir le poids de son sein soulevé dans ma main puis relâché, ou la résistance du téton sous l’ongle, sentir son dos large se raidir, et la contrainte des couches de tissu, des bandes élastiques qui écrasaient mon bras contre son ventre, écrasaient mon poignet contre son pubis, mes doigts tordus, glissant sur la vulve spumeuse, s’y introduisant mais à peine, à cause du poignet plié et captif, sentir tout ça, et sentir la terre solide me soutenant, me tendait comme je suppose que se tend un arc. Alors que nous trouvions notre rythme dans l’aller-retour entre les impulsions de son corps et du mien, je doutais de pouvoir continuer sans mourir, ma tête menaçait d’exploser, de rouler en arrière et de se briser. L’orgasme final était long 80

et tortueux, s’aplatissant sur nos plexus tournés vers le ciel. Ça nous a semblé un bon présage, ce sexe incroyable et inhumain au premier matin du monde. En marchant un moment, en gravissant les flancs de la montagne, puis en les redescendant plus loin, sur des reliefs qui s’adoucissaient depuis les hautes altitudes, nous étions tombées sur un village dans un pli de terrain, et ce village était habité (preuves : des éclats de voix, le bruit si particulier que font les humains qui parlent en même temps, comme beaucoup d’oiseaux ou une colonie de phoques ; et puis de la fumée). Je me méfiais. Est-ce qu’on devait vraiment s’approcher des habitations, est-ce qu’on pouvait leur faire confiance ? On a rampé théâtralement, en se cachant, doucement, en craignant d’être vues. Ça nous venait naturellement, ces gestes furtifs d’animales traquées, pas la peine de réfléchir, on faisait ça comme si on avait toujours vécu là, dans un pays ravagé par la catastrophe et la mort, normal. Mais Pauli et moi n’étions pas aussi agiles et discrètes que nous l’espérions : des juments au pas lourd plutôt que de lestes renardes, quelque chose comme ça. On nous débusqua derrière un bosquet, et pendant quelques secondes je crus notre heure venue avec terreur et tristesse (l’habitude que j’avais prise de la possibilité et même de la certitude de la mort n’avait rien fait pour en alléger le caractère foncièrement désagréable), jusqu’à ce qu’on me tape sur l’épaule en rigolant et qu’on me souhaite la bienvenue en me tirant amicalement pour me sortir des fourrés. Les ronces déchirèrent mes vêtements et mes mains. On nous ramena au campement. C’était un attroupement de pauvres hères comme nous, des gens perdus, marqués par les catastrophes d’une manière ou d’une autre. Je voyais ce campement comme une communauté millénariste médiévale. Évidemment, on pense à ce qui nous arrange, toujours. Je concède que mon interprétation 81


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TABOR

eut peut-être plus d’effets sur le réel que le réel n’en eut sur elle. Je voyais des correspondances qui satisfaisaient mon bon plaisir – et mon bon plaisir s’accordait le privilège d’organiser la vie selon divers motifs plus ou moins narratifs, cherchant dans les coïncidences des signes, fabriquant avec la succession des évènements des frises historiques. Alors : à cette époque, au Moyen Âge, en quelle année, je ne sais plus exactement – et vraiment il est étonnant de voir comme autrefois on se raccrochait désespérément aux dates, moi en particulier, les années et les siècles, j’adorais ça et j’en étais rassurée, comme si ça n’avait rien d’arbitraire ou même d’absurde de regarder les choses à travers une comptabilité calculatrice, alors que maintenant ça m’est complètement passé, je m’en tamponne des dates, et je les ai toutes oubliées, le temps s’embrouille et se chevauche – au Moyen Âge donc, ou même un peu plus tard, des paysans en perdition se regroupaient pour préparer l’apocalypse en s’assurant de faire partie des âmes sauvées, en instaurant un fonctionnement de partage égalitaire. Voilà à quoi notre vie me faisait penser. Sauf que, je crois, nous en étions déjà à l’après. L’après-Apocalypse. On n’en était pas sûrs néanmoins. D’autres sont arrivés plus tard, petit à petit. Le hameau était encore sale, rempli de déchets, d’objets appartenant à des existences détruites et terminées, il fallait nettoyer, brûler ce qui ne pouvait plus servir, reléguer ce dont on ne savait pas encore si ça servirait ou non. Ainsi commençait notre nouvelle vie dans les décombres des vies d’inconnus, au milieu d’objets venus d’un autre temps, les restes de la société industrielle qui les avait, finalement, détruits. Tout était paradoxal comme ça dans les premiers temps, par la suite, on y a moins pensé, on a moins pensé tout court. On a réussi à s’organiser, à créer des potagers, on a commencé à faire des travaux, la retenue d’eau, on a brûlé des terres pour y planter du blé. Rien de tout ça n’était 82

tout à fait nécessaire, car en réalité les visiteurs en combinaison nous fournissaient généralement de quoi tenir jusqu’à leur prochaine visite. Mais il nous semblait important de conquérir notre autonomie, et le fait de produire notre propre alimentation était le moyen de ne pas devoir dépendre de qui que ce soit d’extérieur, de ne pas être soumis à un moyen de pression, de ne pas avoir de motif de soumission. C’est moi la première qui avait formulé ces idées, bien sûr, j’avais endossé avec bonheur le rôle de l’idéologue du campement ; mais ces idées semblaient si évidentes, et si répandues, même ailleurs qu’à Tabor, colportées par divers vagabonds, qu’elles sont devenues quelque chose dont nous pouvions dire que nous le pensions tous. Notre autonomie était notre puissance. Nous existions pour nous-mêmes, maintenant. Et puis du reste, c’était assez marrant. On redécouvrait les choses, tout prenait une épaisseur qu’on n’aurait pas soupçonné autrefois, et ces exercices agraires étaient comme des jeux, non pas parce qu’ils étaient faciles, mais parce qu’ils nous permettaient de recomposer l’existant encore et encore. Nous savons que l’univers est toujours vaste, mais le monde signifiant s’est réduit à une parcelle. Et j’ai vu dans ce monde nouveau mon vœu exaucé : ma vie enfin réduite à elle-même, à sa nudité, qui n’a pour seul prolongement que le travail des champs et l’amour que je porte à Pauli, et qui se terminera avec ma mort, sans rien d’autre, sans que j’aie rien laissé de durable. Mes accomplissements sont aussi volatiles que les sentiments qui les portent. Nous sommes à une ère nouvelle, purifiée, une ère incertaine, mais illuminée. Nous vivons dans une forme de paix. Nous tentons de trouver un état de symbiose avec la nature malade, les saisons déréglées, avec nousmêmes comme groupe changeant. C’est un travail infini mais c’est un bon travail, celui de restaurer une forme d’harmonie. Le groupe d’ailleurs n’est pas sans conflit, 83


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LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE

À la demande populaire, les cinq premiers numéros de la revue Le Sabot sont enfin disponibles en un seul volume flamboyant, enrichi d’inédits : poésie et tutos de sabotage illustrés. Les textes, dessins et photographies publiés dans la revue viennent décrire, analyser et embrasser nos réels pour faire apparaître les luttes, les inquiétudes et les désirs qui nous composent: l’acte poétique nous permet d’intervenir sur nos manières de penser et d’agir sur le monde, de le dire sans passivité. Un ouvrage collectif : Le collectif du Sabot est mobile, mouvant ; des constellations sans ancrage géographique, pratiquant au hasard le vers libre, le dessin numérique ou non, le collage, la science-fiction, la parodie, la gravure ou la nouvelle. Quarante-cinq personnes ont participé à l’élaboration du Sabot 1-5, et nous sommes bientôt une centaine à être intervenu•es sur la revue.

Au gré des thèmes abordés, auteur•rices et illustrateur•rices forment des alliances inédites : un texte de Marcel Moreau (19332020), auteur riche d’une œuvre de plus de soixante ouvrages sera par exemple illustré par Rachel Gueston, dessinatrice née en 1998. Des personnalités littéraires et artistiques (Jean-Pierre Siméon, Xavier Löwenthal, Francis Combes...) se mêlent à des voix plus jeunes.

En librairie depuis le 13/12/2020 160 pages / 30x21cm / 20€ Collectif Le Sabot
 Thèmes: sabotage, littérature, poésie, Illustrations n&b ISBN: 978-2-492352003

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LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE

ÉMILIE FENAUGHTY

FAUX

J’ai empoigné la cisaille et je me suis lentement approchée de lui. C’était la première fois que j’y touchais, et l’objet était plus lourd qu’il n’y paraissait. Sur le bord de la lame, il y avait un peu de rouille rouge, sûrement liée au fait qu’il laissait toujours la cisaille dehors, dans le jardin. On avait investi dans tout cet équipement jardinier il y a exactement quinze ans, peu après qu’on a acheté la maison et le terrain. On venait tout juste de s’ins taller ensemble à l’époque, et les choses allaient plutôt bien. Enfin, moi, j’allais encore plutôt bien. Sur un coup de tête, une après -midi, on s’était rendus au Castorama et on avait pris tout le nécessaire pour se construite un bonheur bucolique à deux. On avait même embarqué une petite faux, rigolant du fait que ça pourrait aussi servir à Halloween. On était dans le jardin donc, on était fin août et il faisait encore humide et chaud. Le soleil allait se coucher d’ici une heure ou deux et les moustiques continuaient de nous picorer les membres. Je lui avais bien dit que c’était une mauvaise idée de déménager au bord d’un lac, qu’en plein été on en boufferait des moustiques — ou plutôt, que ce serait eux qui nous boufferaient. J’avais compté. Une année, je m’étais retrouvée avec pas moins de deux cents treize piqûres de moustiques réparties sur tout le corps. Je passais mes nuits à gratter frénétiquement chaque centimètre d’épiderme qui recouvrait mes os, ç’avait même taché les draps de petites traces de sang, un peu partout, sur mon côté du matelas. Lui, il s’en foutait, ça ne le dérangeait pas de s’asperger de pesticides pour repousser ces vampires de malheur. Moi, je préférais encore les moustiques au cancer. Il fumait sa clope, admirant le paysage. Il me tournait le dos et je pouvais voir chacune de ses inspirations, au même rythme que le mouvement de son bras qui portait sa main jusqu’à sa bouche. Je n’avais jamais rêvé d’épouser un fumeur. L’odeur de tabac froid, ça m’avait toujours rebutée. Mais j’étais quand même tombée amoureuse de lui. Ça ne se contrôle pas ces choses -là, paraît qu’on choisit pas. L’odeur du tabac parvenait jusqu’à mes narines. Dans les arbres, les cigales jouaient de leur vacarme ha-

bituel, et tout ça dans ma tête se mélangeait au son de basse qui venait de la centrale électrique qui se trouvait à deux miles de chez nous. J’avais chaud et je transpirais. Depuis que nous avions déménagé ici, j’avais pris de l’embonpoint, c’était arrivé assez rapidement. La faute aux heures passées dans la voiture, et à la bouffe qu’on trouve dans le coin. De la viandasse bourrée d’eau, de sel et d’hormones qui vous laisse boursoufflé comme un de leurs popcorns après qu’il soit passé au micro -onde. Lorsque j’étais plus jeune, j’aurais pu être modèle. Mais j’avais laissé ça aux autres narcissiques et aux anorexiques. Mon truc, c’était les bouquins et la rhétorique de toute façon. Et puis, pour être modèle, il valait mieux vivre dans les grandes villes. Lui n’aimait que la campagne. Alors que je me rapprochais de lui, son dos toujours face à moi, il a sorti une de ces phrases dont j’avais l’habitude, une de ces phrases prévisibles et plates que je ne supportais plus après autant de temps de vie commune : « On n’est pas bien là quand même, minette ? » Il ne se retournait toujours pas, toujours absorbé par la vue de son paysage au sublime médiocre, alors je n’ai pas répondu. Ses phrases n’appelaient pas de réponses de toute façon, ça faisait longtemps que je l’avais compris. M’avançant, j’ai posé le pied sur la petite faux, cachée dans l’herbe qui n’avait pas été tondue depuis trois semaines. Je l’ai ramassée et je l’ai coincée entre ma hanche et l’élastique de mon pantalon. Alors que j’arrivais à sa hauteur, il s’est enfin retourné, un grand sourire aux lèvres. J’étais désormais assez près pour pouvoir sentir ses relents de tabac. J’ai pris la cisaille des deux mains, une sur chaque poignée, et, ne le quittant pas des yeux, j’ai commencé à enfoncer doucement les lames dans son bas -ventre. Puis j’ai commencé à refermer la lame. Il n’a pas eu l’air de comprendre tout de suite ce qui lui arrivait. Son sourire a mis du temps à s’effacer, puis j’ai vu dans son regard l’incompréhension et la tris-tesse. Il s’est vite évanoui et moi jusqu’à ce qu’il soit par terre je n’ai pas arrêté une seconde de tenir son regard. Je voulais qu’il y voie la colère et tout le mal qu’il m’avait fait. Il s’est écroulé, inconscient. J’étais toujours debout, et

j’ai décoché la petite faux que je portais à ma taille. Je me suis agenouillée et j’ai posé la faucille dans l’herbe à côté de moi. J’ai défait sa ceinture, cachée sous la chemise en sang, puis j’ai baissé son pantalon en même temps que son caleçon. J’ai rempoigné le manche de la petite faux, et, d’un geste vif et bref, j’ai attrapé ses couilles et sa bite et placé la faux juste au niveau du périnée. Puis j’ai appliqué un peu de pression et j’ai coupé le membre, le détachant du reste de son corps. C’était aussi mou que de couper dans du salami. J’ai attendu quelques minutes, posée

là, à voir s’il allait se réveiller. Il respirait encore mais il saignait beaucoup, une flaque se formait au - dessous de lui, lentement absorbée par l’herbe verte du jardin. Au - dessus du lac, les nuages commençaient à rougir et le soleil perçait encore un peu, flamboyant, à travers les pins. Quinze ans que je n’avais rien vu d’aussi beau.

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Aimée PÉDEZERT

LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE

MANON IRIGOYEN

Vous me prenez pour une folle ? Dit -elle. Vous pensez que je perds la tête ? Espèce d'ingrat. Dit -elle. Mais je suis votre mère, et celle de tous ceux qui n'existent pas, pas encore, des œufs au fond de mon organe de femme. Dit -elle. Mais me faut -il un sexe pour les faire naître hommes ? Vous pensez ça, vous, prétentieux. Mais me faut -il que mon ventre et mon plaisir pour féconder la terre, moi. Dit -elle. Une femme n'a besoin que d'elle -même pour engendrer votre race de vaurien. Ça vous en bouche un coin, hein ? Ça vous emmerde, sale fils à papa. Dit -elle. Mais tu n'es le fils que d'une mère. Et c'est moi. Dit -elle. Que la bite de ces couillons reste bien entre leurs fesses de possédés, je n'en ai pas besoin, jamais. Jamais ! Dit -elle. Avec leurs glands imbéciles, pensent -ils régner sur mon sexe et tout le reste ? Sur les semences, les oiseaux, les océans et jusqu'à la lune ? Leur pendrillon de couilles molles n'est que cache misère de leur prison d'homme surfait qu'ils savent même plus d'où ils sont nés et comment va le monde dans leurs mains de faux maîtres vaniteux, plus peureux qu'ils iraient sous les jupons de leur mère si on ne leur coupait pas les couilles pour l'avoir fait. Dit -elle. Et ne croyez pas, je choisis mes mots pour votre éducation. Et vous appeler "âne" serait une insulte à l'animal.

Dit -elle. Ah, vous me prenez pour une folle, avorton. Dit -elle. Enfermez -moi autant que vous voudrez, ignorant de vous -même, je ne serai jamais moins libre que votre paire de boules et votre nœud mal fagoté. Dit -elle. Vous avez peur qu'on vous l'arrache, votre nœud adoré, hein ? C'est ça, la liberté ? Pauvre imbécile, je vous ai bien mal choisi pour être votre mère. Dit -elle. Comment être maître et esclave tout à la fois, dites -moi, dernier né ? Dites -moi que je suis folle encore une fois, pour vous rassurer. Parce que je n'ai pas besoin de vous, moi. Vous, pire homme parmi les hommes et moi, mère de tous les fils volés à leurs pères par ce qu'ils pensent être naturel de vouloir se vider les bourses dans la mienne. Dit -elle. Il n'y a de puissants en ce monde, que des puissantes. Des matrices de l'infini qui cachent vos trésors. Dit -elle. N'ayez pas peur, enculeurs, parce que je suis votre mère et que je nique vos pères. Ils deviennent puissants quand ils bandent, ils aiment ça, bander. Pauvres lapins, ils sont fatigués de bander. Je leur dis que c'est pas la peine de pleurer sur leur sexe, parce que c'est sur eux -mêmes tout entiers qu'ils doivent larmer. Dit -elle. Foutue prison la bandaison ! Dit -elle. Envoyez -vous chier, c'est moi qui vous le dis. Dit -elle.

SEXE No 3

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3,5€

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Éditions du Canoë

2021

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Sophie Boursat

Genre : roman Format : 12 x 18,5 cm Pages : 128 Prix : 15 € ISBN : 978-2-490251-49-0

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Née en 1959 à Paris, Sophie Boursat a une vie mouvementée. Artiste plasticienne très active jusqu’en 2000, elle expose et voyage grâce à diverses. Elle se forme au job de webmaster, puis devient voyante sur audiotel. En 2002, elle rencontre Sabine Wespieser, chez qui elle publie son premier livre, L’eau et l’huile (2003). Il reçoit un accueil favorable et questionne déjà les dimensions sacrées d’un langage spécifiquement féminin comme son intérêt majeur pour la vie psychique.

Olivia, la narratrice, est voyante au téléphone. Elle travaille pour Résorg-position, entreprise aussi trouble qu’agitée, qui fonctionne comme un monde miniature, comme un négatif de notre société. Tous les jours, Olivia, employée appliquée, sincère et généreuse, prédit l’avenir à celles et ceux qui l’appellent : êtres minuscules, désespérés, drôles ou détraqués, dont une voix au téléphone semble incarner la seule possibilité de vie. Des liens se créent tandis que l’entreprise périclite au rythme des guerres intestines. Comme un asile à voix ouverte, Olivia accueille des bribes d’existence. Tout cela pour 34 centimes la minute…

De 2004 à 2006 elle collabore au journal Particules puis, de 2008 à 2013, devient agent de jeunes photographes japonais et assure une liaison entre Tokyo et Paris en leur organisant plusieurs expositions. Aujourd’hui, elle collabore régulièrement avec l’agence de prospective L’Observatoire de l’Art contemporain pour lancer de jeunes photographes plasticiens.

Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com ; tel 06 60 40 19 16

Diffusion-distribution : Paon diffusion.Serendip


Très vite je me suis prise aux jeux de la révélation des cartes, mais je crois que cela n’a vraiment commencé qu’avec l’événement du cœur d’or… J’ai senti un cœur d’or ! Une seule fois ! Un seul cœur d’or d’entre le cœur de milliers de gens. Un seul : le cœur d’or de Denise.C’est un soir que Denise me pose la question qui se pose tous les jours sans cesse, et elle me demande : — Vais-je bientôt revoir Machin Truc ? Je note les prénoms et les dates de naissance, abats les cartes : — Non, Denise ! Je suis désolée, mais votre histoire avec Machin Truc était juste une aventure sans lendemain. Je regarde encore puis renchéris, amène : — D’ailleurs cet homme, vous le savez bien, Denise, il ne vaut rien ou pas grand-chose. Il n’y a donc pas grand regret à avoir. 3


— Et je rencontre quelqu’un d’autre ? me demande timidement Denise. Je mélange les cartes et les redistribue en me concentrant bien sur le futur amoureux de Denise. Mais alors là, déception, le futur amoureux de Denise, il est tout plat, tout gris. Rien ! — Non vraiment, il ne se passe pas grand-chose. Non, je ne vois aucune rencontre pour vous, Denise. Je suis désolée. Elle ne soupire même pas, Denise. C’est une femme de ménage des écoles et elle a la vie dure. Denise, c’est une mère qui élève seule ses trois enfants. Comment elle en est arrivée là, je n’en sais rien. Je ne lui demande pas. J’entends juste que Denise se résigne. Elle voudrait juste faire l’amour de temps en temps, pour oublier ses servitudes et rire un peu. Mais non, il semble qu’elle n’y ait pas droit. Elle a été oubliée au bataillon et il ne va rien lui arriver, à Denise, à part ses gants en plastique, sa serpillière et son seau. Puis, soudain, je l’aperçois, là, brillant sur les cartes de Denise… — Mais, Denise, m’écrié-je stupéfaite, mais vous avez un cœur d’or ! Il est là, debout, extraordinairement beau, irradiant une enveloppante douceur. Je suis touchée par la présence immatérielle. Ce cœur, c’est une révélation ! — Oui, je sais, me soupire, au combiné, Denise. Sa voix lasse ne dira rien d’autre. Denise sait qu’elle a un cœur d’or, mais pour elle, cela ne change rien. Au

son, je l’imagine haussant les épaules face à l’indifférence du destin. — Bon. Merci. Bonsoir ! […] La plupart des voyants que l’on rencontre sur ­Audiotel sont des êtres blessés par la vie, qui soignent leurs plaies en aidant les autres. Il est vrai que le public nous gratifie souvent de chaleureux mercis. Cependant, si vous êtes un voyant du téléphone, c’est que vous êtes tout à fait au bas de l’échelle. Vous jouissez donc d’un parfait anonymat, et depuis cette ombre vous proférez vos conseils des heures durant. Vous croyez absolument tout ce que vous dites puisque tout ce que vous dites, vous le voyez. Vous êtes voyant ! Voilà pourquoi vous vous étonnez vous-même de votre force de conviction et de la solidité de vos arguments. Mais toute votre force vient de ce que c’est là : vous le voyez ! La seule chose que vous ne voyez pas, c’est Comment ça marche ? - Pourquoi ça marche ? Là, de fait, vous ne voyez rien, mais vous êtes bien forcés d’y croire puisque ce que vous dites se réalise ou se réalisera souvent. Les premières fois que des clientes m’ont rappelée pour me dire que mes prédictions étaient justes, je me suis sentie tout à coup messagère. Une voyante, c’est une goutte d’espoir dans une vallée de larmes. Une petite ouvrière du monde spirituel. J’ai trouvé une place dans une drôle d’usine.

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DEVENIR NOIR de Donatien Garnier

graphisme de Franck Tallon

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À la suite d’un grave accident, Alban Zwarte, photographe de guerre, tente de de se dégager du trauma en faisant tatouer un court poème à l’endroit de sa blessure. l ne se doute pas que cette décision va bouleverser sa vie. ue son corps va progressivement se couvrir de textes jusqu’à devenir noir. t que cette transformation va cruellement lui révéler qui il est et d’où il vient. rois livres en un Devenir noir est le nouvel objet convergent de Donatien Garnier. Il se présente sous la forme de trois livres, ADN, Devenir noir (qui donne son titre à l’ensemble) et Noir devenir, édités les uns dans les autres en jouant sur des dynamiques de saturation et de décodage. Un défi graphique et typographique relevé par Franck Tallon, partenaire essentiel du projet.

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date de parution : juin 2021 8.65 x 17.30 cm soit 1/10 du corps de l’auteur 168 pages dont 48 pages de calque impression noir et blanc / dos carré collé un monolithe noir / titre vernis / tranche noire 2 couvertures - 2 livres imbriqués recto/verso prix de vente : 20 euros ISBN : 979-10-95233-14-5

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D’une géné logie problém tique Noir devenir est le récit de la découverte accidentelle, via l’interprétation de ses tatouages, de l’implication de la famille d’Alban Zwarte dans la traite négrière. Il se déplie en vingt-six épisodes triangulés entre un port français, une forêt de l’ouest africain et une île des Antilles.

Double réflexion critique Parti d’une méditation sur le tatouage et le corps-livre, Devenir noir s’est progressivement ramifié en une double réflexion critique : sur le rôle de l’esclavage dans l’émergence du capitalisme contemporain et sur la capacité de la photographie à rendre compte des sousbassement idéologiques de la société. n objet convergent En s’intéressant au tatouage, Devenir noir s’inscrit dans la continuité des « Poèmes convergents » (Recueil d’Écueils, Fluxus, destin pulsé, GEANTs, L’Arbre Intégral, Evidences de la grande alose, Où, l’océan ?) publiés par Donatien Garnier (sun/sun, Atelier B A I E, Voix édition, RRi) depuis 2007: autant de réflexions sur le livre et ses avatars (de la stèle au site web), sur les rapports singuliers de la poésie à ses supports de diffusion.

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’histoire ’un photogr phe Devenir noir est l’autobiographie fictive d’un photographe au parcours chaotique. Il est raconté en vingt-six séquences que l’on peut lire comme autant de planches-contact exhumées de ses archives.

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Diffusion / Distribution Paon Serendip

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Deux récits imbriqués l’un ns l’ utre Devenir noir et Noir devenir, contiennent chacun un aspect de la vie d’Alban Zwarte permettant d’éclairer, par l’intercession d’un rituel amoureux, le sens de ses tatouages. Ces deux livres se présentent sous la même forme : une lettre introductive adressée par le photographe à ses enfants suivie des éléments de décryptage qu’il leur communique en annexe.

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rente-trois poèmes t toués ADN est un ensemble de trente-trois calques contenant les poèmes encrés et leur position sur le corps d’Alban Zwarte, double physique de l’auteur. Il est conçu sur le modèles des catalogues thématiques, souvent bon marché, édités pour les tatoueurs.

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Le projet a fait l’objet d’une résidence à la Fondation Défi gr phique et typogr phique Michalski (2018) et été lauréat d’une bourse de création De taille rigoureusement identique, les deux textes Devenir noir et délivrée par la Région Aquitaine - catégorie Poésie (2017). Noir devenir, sont conçus pour être imprimés l’un dans l’autre (l’un dans les interlignes de l’autre), tête bêche, et reprendre ainsi le processus de noircissement de la peau décrit par le double récit. Une double page contient ainsi deux épisodes imbriqués. Lesquels fonctionnent comme deux brins d’ADN encodant le poème-tatouage sun/sun éditions - 55 rue Estelle - 34000 Montpellier inséré dans la double au moyen d’un calque. Céline Pévrier - celine@sunsun.fr - www.sunsun.fr


Deux textes imbriqués avec le poème tatouage (calque) qu’ils interprètent

Deux textes imbriqués mais très lisibles

XIV • Tu n’es même pas surpris. D’être là, entravé, assister à ta vente. •

sous la terre. Dans ce trou juste assez grand pour ici. Et le voilà qui se présente dans la foule pour

te contenir. Tes bourreaux vivent au-dessus de saisie et violée. Toutes les nuits, jusqu’à l’arrivée

toi, installés sur des tapis. • Tu connais le groupe

mulé dans sa froideur, c’est le jeune chef qui t’a

armé qui t’a capturé, dans le désert, au nord du taque n’est pas venue d’où tu l’attendais. Dissi-

M. Tu connais son chef, sa cruauté extrême et bord. Tous marqués d’entailles profondes. • L’at-

son goût pour la poésie. Mystique et autobio-

arrière tu vis qu’on jetait cinq corps par-dessus

graphique. Exclusivement la sienne. Tu l’entends gré soi. Trois jours après ton arrivée au château

réciter d’une voix rauque et agressive dans le mulation du venin qui pousse à la morsure. Mal-

cliquetis des armes qu’on démonte. Dans les tectrice. • Tu sentais la tension croissante. L’accu-

odeurs de chèvre. Dont l’estomac bouilli et son jus

forme de haine coupable, paradoxalement pro-

sont ta seule pitance. • Tu dois lutter contre une de mépris et de désir dont le résultat était une pensée qui tourne en boucle, mouche d’angoisse,

chez les autres blancs tu percevais un mélange dans ta tête. Et qui te fait sursauter quand elle

béance de l’humain ? • Chez le gros prêtre comme

se cogne à tes absences : ils n’ont pas encore assez veule pour se risquer dans ce cloaque, cette découvert tes sept tatouages. Même s’ils lisent

des Dieux. Car quelle divinité serait assez folle ou

ta langue ils n’y verront que blasphème, invite au

aussi insignifiant, eut été désigné pour s’occuper

déchaînement de leur violence. Tu essaieras de

étrange, quand tu le compris, qu’un être, même Deux couvertures, deux livres imbriqués recto-verso

sun/sun éditions - 55 rue Estelle - 34000 Montpellier Céline Pévrier - celine@sunsun.fr - www.sunsun.fr


nous allions convenir. • Ensuite, dans les jours qui

d’une longue série de tatouages, tous exécutés

recevriez, heureux héritiers, la forte somme dont

selon le même protocole : la porte poussé ; la

muscles, nerfs et os, vous revenant de droit), vous

poignée de main sèche ; un bref échange de

Le poème est dimensionné pour être appliqué par un tatoueur.

dépouille (déduction faites de mes autres organes,

nouvelles ; une tasse de thé fumé ; un verre de

faite des traites déjà versées, et en échange de ma

vodka ; la parole débondée ; la proposition subsé-

« mostrations » privées. À ma mort, déduction

quente sur le carnet ; sa validation immédiate ;

tretien et me rendre chaque année à une ou deux

mon installation sur une sorte de divan recouvert

devrai me conformer à un certain protocole d’en-

d’un tapis ; des chœurs polyphoniques géorgiens ou arméniens ; la douleur plus ou moins vive ;

qui me mettrai très largement à l’abri du besoin, je

mes tentatives pour reconnaître, dans ce qui me

supports. En échange d’une rente conséquente

semblait être le cheminement d’un scalpel, la

originales exécutées sur les « meilleurs »

lettre en cours d’inscription ; l’utilisation d’une

me flatta-t-il, il n’achetait que les pièces les plus

typographie, toujours là même, apparue dès le

sixième du genre en ce qui le concernait puisque,

premier marquage et que je finirai par identifier

« mantras ». Il me proposa un contrat. Seulement

comme une Archer de Hoefler&Frere Jones ; la

supposément thérapeutique lui rappelait mes

précision stupéfiante du tracé réalisé à main

insistant sur un motif millénaire dont la visée une double page Noir devenir

Puis il m’invita à visiter une partie de sa collection

levée et à l’encre d’imprimerie ; le badigeon de

suivirent ce fut le grand jeu. Et ma chance. Ses

Le lendemain je reprenais l’avion avec le premier

une page côté Devenir noir

Où ce que n’est que saisir, sans esquive, dans la jubilation d’être au plus près du monde

chaque tatouage est précisément situé sur le corps

sun/sun éditions - 55 rue Estelle - 34000 Montpellier Céline Pévrier - celine@sunsun.fr - www.sunsun.fr


Abdellatif Chaouite

Chaleur Patio de mémoire

À plus d’un titre 66 chemin de Bande La Curiaz 73360 LA BAUCHE aplusduntitre69@orange.f r www.aplusduntitre.org

Chaleur Patio de mémoire d’Abdellatif Chaouite

Éditions À plus d’un titre

Format 17 par 22 cm Pages 330 Reliure : dos carré cousu broché ISBN : 9782917486757 Prix : 22€ / CHF.- 30 Parution : septembre 2021 Rayon : Sciences Humaines MOTS CLEFS : Langue et Langages – récit philosophique

Ce magnifique ouvrage poétique et philosophique explore la langue et plus précisément les langues, celles qui parlent et se parlent, en rémanences, ressentis et rêveries méditatives. Le fil de la pensée, de la langue parlée ou écrite, comme celui des souvenirs, métaphore du fil de l’eau qui de la source à l’océan est transformation permanente. Ces langues tracent les chemins de traverse des unes aux autres, comme des cours d’eau tumultueux qui s’alimentent de multiples ruisseaux. L’auteur nous propose deux textes qui s’entremêlent, qui cheminent en résonances, en flux ou en fragments à travers deux contextes. L’un de près, suscité par la proximité de la mort rôdeuse puis faucheuse, l’autre de plus loin dans le temps et dans l’espace. Délibérément, ils se sont croisés en flots de souvenirs, réminiscences et pensées volantes. Les poèmes comme des respirations viennent fragmenter ces textes vertigineux, les ponctuer de quelques blancs où l’espace se dilate et propose au lecteur une forme de divagation plus lente, un souffle, une surface apaisée comme celle d’un lac. L’auteur nous invite ainsi chaque fois, comme dans une nouvelle boucle, vers une nouvelle source et le sens des mots, des pensées reprennent un déroulé, se rapprochent et s’éloignent dans une même danse, un maillage délicat, une dentelle précise et à la fois un foisonnement riche et précieux. La pensée élaborée d’Adellatif Chaouite, ce cheminement intime qu’il nous propose à travers ses langues est aussi une invitation à prendre la route, à créer, construire et reconstruire notre propre langue, à acquérir une forme de liberté et d’autonomie de penser, à dessiner un imaginaire nouveau, multiple commun et pourtant singulier.


Abdellatif Chaouite est né Marrakech de parents amazighs de la vallée de l'Ourika. Il est docteur en psychologie, antropologue, rédacteur en chef de la revue Écarts d'identité : https://ecarts-identite.org/ Écarts d’identité Migration - égalité - interculturalité Le titre Écarts d’identité – le mot “Écart” étant l’anagramme de “Trace” – est emblématique de la position de la revue dans un questionnement critique sur les modalités de rencontres des populations immigrées avec la société d’accueil et les processus de construction d’un avenir commun qui ne se fond ni dans l’imaginaire de la confusion, ni dans celui de la dispersion. La question de l’intégration est, à ce titre, révélatrice de ce qui travaille profondément l’ensemble du corps social. Dès lors, la revue Écarts d’identité se donne pour objectif d’animer le débat sur les questions de l’émigration/l’immigration et de l’intégration. Sa ligne éditoriale fait dialoguer de manière vivante analyses et témoignages de chercheurs, de praticiens associatifs et professionnels, et d’acteurs concernés par l’expérience de l’immigration. Dans les interstices de ces dires – du penser, du vivre et du faire – la revue contribue à saisir les différents mobiles qui animent, conflictuellement, cette finalité socio-politique appelée Intégration.

Bibliographie : Chaleur - Patio de mémoire est le deuxième livre publié aux éditions À plus d'un titre après : Zyada - Le livre du couchant, En 2015 Abdelatif Chaouite à co-écrit avec Azouz Begag Écatrs d'identité aux édition du Seuil 1990 -

Enfances Maghrebines (sous la direction de A. Chaouite et M. Dernouny). Casablanca, Afrique-Orient, 1987 L’interculturel comme art de vivre, L’Harmattan, 2007 Imaginaire interculturel, Déviation et dérives, l’Harmattan, 2011 Nul n’attend l’étranger, l’étranger est seul a attendre. Coédition Séguier (Paris)/La Croisée des chemins (Casablanca), 2011 Mémoire de l’accueil des étrangers (ss. dir. A. Chaouite), Lyon, La fosse aux ours, 2014. Pour une politique de la Relation, collectif, Lyon, La Maison des Passages, 2015.

Abdellatif Chaouite est co-fondateur de l’Institut pour une Politique de la Relation : https://politiquedelarelation.fr/ : L’immense richesse du livret Pour une Politique de la Relation – Quel monde désirons-nous ? est de participer aux réflexions sur les enjeux « culturels/interculturels » du monde contemporain et de donner à voir des pratiques interculturelles que réalisent des associations et des artistes. Les signataires du Manifeste « Pour une Politique de la Relation » partagent toutes et tous l’idée que l’invention du monde est une alchimie permanente où rien n’est fixé, rien n’est figé, tout est vivant. Mais il y a des urgences car comme le dit Patrick Chamoiseau : « de vieilles ombres sont de retour et nous fixent sans trembler ». C’est pour répondre à ces vieilles ombres que nous devons construire une culture du métissage. Dans son article Être-au-Tout-Monde, nos héritages, Abdellatif Chaouite que l’on retrouvera dans le n°7 de Critica Masonica ajoute : « mille voix s’élèvent de part ce monde pour dire les complexités, les entremêlements de nos héritages et leur devenir Rhizome, les connectant suivant des lignes d’une déterritorialisation généralisée (économique, sociale, écologique, culturelle et politique). »

Filmographie : Documentaire Les mots de l’islam volet 3 Abdelatif Chaouite : Les "cinq piliers" de l'islam : producteur ISERL (Institut Supérieur d ‘Etude des Religions et de la Laïcité)

Distribution pour la France : SERENDIP LIVRES : 10, rue Tesson 75010 Paris - contact@serendip-livres.fr Fax : 09 594 934 00 /// tél. : 01 40 38 18 14 - gencod dilicom : 3019000119404 Distribution et diffusion pour la Suisse : Éditions D'en bas - Rue des Côtes-de-Montbenon 30 1003 Lausanne Tél. +41 21 323 39 18 /// Fax. +41 21 312 32 40 - www.enbas.net


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