C O L L E C T I O N S H U S H L A R RY
ART&FICTION
ÉCRIT D'ARTISTE
Nathalie Perrin
Rimbaud, Rambo, Ramuz L' É T R A N G E D E S T I N D E Q U E LQ U E S M A I S O N S D ' É C R I VA I N S
« La Muette », la maison que Charles Ferdinand Ramuz achète en 1930 et où il décède en mai 1947. La veuve et la fille de l’écrivain, puis son petit-fils, l’occupent successivement jusqu’en 2011. C’est alors l’arrière-petite-fille de l’écrivain qui en hérite. Commence une bataille entre les héritiers, qui ont un projet immobilier de rénovation, et les défenseurs de la conservation intégrale de la maison pour en faire... une maison d’écrivain à disposition du public. Qu’est-ce qui nous incite depuis des siècles à préserver les lieux de la littérature, et même à les sacraliser ? Ils ne sont ni véritablement des musées, ni des bibliothèques, ni des bâtiments historiques, mais demeurent comme chargés de l’idée qu’ils sont un moyen pour amarrer un auteur à un lieu. Sinon pourquoi se bat-on pour
ces écrivains « patrimoniaux », leurs bureaux, leurs plumes et leurs gourmettes de baptême ? Quels motifs entraînent des milliers de visiteurs à s’engouffrer dans ces contresens inouïs : celui qu’est l’exposition de la littérature, étant donné qu’elle a vocation à circuler par la technologie du livre, et celui qu’est la visite d’une maison, qui n’est pas, par nature, construite pour recevoir un public ? Que révèlent les querelles qui naissent autour de la patrimonialisation de ces lieux ? Et plus encore, quelles raisons et quelles attentes poussent le public à défendre l’antre d’un homme disparu, qui écrivait sur du papier avec une plume non rechargeable ? Plus qu’un travail de recherche sur une maison d’écrivain, un vrai regard d’artiste contemporain sur le patrimoine vaudois.
— E N L I B R A I R I E E N F R A N C E / B E LG I Q U E L E 7 J A N V I E R 2 0 2 2 —
11 x 17.5 cm, env. 160 pages 978-2-88964-021-8 chf 14.90 / euro 12 — genre écrit d'artiste, recherche sujets abordés Charles Ferdinand Ramuz, maison La Muette, patrimoine, héritage format isbn
erche h c e r e d il a v a tr n Plus qu’u ain , un iv r c ’é d n o is a m e n sur u porain m te n o c te s ti r ’a d regard audois. v e in o im tr a p le r su Z RDINAND R AMU LA MUET TE DE
——— Nathalie Perrin est née en 1989 à Genève. En 2014, elle obtient un Master en arts visuels à l’ECAL (École cantonale d'art de Lausanne) et un diplôme de muséologie à l’Université de Neuchâtel en 2018, cadre dans lequel elle initie ses recherches sur «La Muette». Son travail artistique s’attache à rendre visuels des cheminements de pensée et des idées. Il s’agit principalement de dessins sur papier, sous la forme de plans textuels, à mi-chemin entre la rêverie littéraire et le goût de l’endurance monastique. Nathalie Perrin dessine de foisonnants schémas qui lui permettent de référencer et de mettre en réseau citations, noms d’artistes, titres de livres et de films, etc. Une tentative à la fois d’ordonner le monde au fil de sa mémoire et de sa pensée, et de traduire la dynamique créatrice entraînée par ce mouvement. ———
CHARLES FE E PERRIN SELON NATHALI
EXTRAITS
N AT H A L I E P E R R I N | L A M U E T T E
PRÉAMBULE Il y a environ trois millions d’années, une vie s’achevait, probablement au fond du lit d’une rivière, dans ce qu’on appelle aujourd’hui la dépression de l’Afar, en Ethiopie. Je partais en Afrique dans le but de voir de mes yeux une étonnante relique : les ossements de Lucy, conservés au musée national d’Addis-Abeba. J’avais vingt-deux ans, je portais une de ces chemises qui sentent encore la lessive du foyer et l’inquiétude des mères. J’arrivais dans la capitale de nuit, avec l’intégrale de Joseph Kessel sous le bras, un dictionnaire d’amharique et la chance des débutants. Je n’avais trouvé personne pour m’accompagner là-bas, et encore moins pour des motifs paléontologiques. Au bout d’un mois, j’avais englouti la moitié nord du pays, de la frontière soudanaise à l’entrée de la plaine des Danakils, en passant par les palais de Gondar et l’ancien royaume d’Aksoum. Je n’avais pas parlé français depuis plusieurs semaines, et lorsque j’ai entendu que la maison de Rimbaud se trouvait dans la région, j’ai eu envie d’y aller. Plus que ça, j’en ai eu besoin. Retrouver sa langue maternelle, comme on a besoin de siffloter pour avoir moins peur de la nuit. Là, il y avait une demi-douzaine d’Européens et puis des hyènes pas froussardes pour un sou, quelques poèmes peints sur les murs et cette étrange fraternité qui lie les voyageurs entre eux lorsqu’ils sont loin du pays natal. Harar c’est une ville avec des centaines de mosquées, des maisons closes et des tonnes de khat. On y sentait le feu, le diesel, le café, le gin bon marché, la rose, le savon et la peinture. Dans plusieurs bars, on avait affiché des images de Sylvester Stallone jouant Rambo. À Harar, Rimbaud avait vécu dans une maison, c’est sûr. Mais pas celle-là, dont la construction était postérieure à la mort du poète. Ce qu’il y avait de très mystérieux et d’incompréhensible, c’est que nous étions plusieurs à avoir traversé un immense territoire, sur des routes de fortune et dans des conditions éreintantes, pour toucher avec une espèce de piété les murs de la fausse maison d’un écrivain que nous n’avions jamais vraiment lu. Et encore, qui était confondu, sur place, avec l’interprète de Rocky Balboa. Quelques années plus tard, j’allais devoir définir le sujet d’un travail académique pour achever mes études universitaires. En effectuant un stage au Musée de Pully, je me retrouvais plongée fortuitement dans une controverse impliquant la maison de Ramuz, qui était collée au musée. Entre les méthodes modernes de conservation des amphores et les pro-
blématiques liées aux maisons d’écrivains, j’avais choisi Ramuz. Parce que c’était aussi une façon de comprendre le mystère de Harar. D’une certaine manière, ce livre doit beaucoup à Lucy et à l’espèce éteinte des Australopithecus afarensis. * PREMIÈRE PARTIE « À l’université, j’étais obsédé par la lecture de la vie de Rimbaud et de Baudelaire. J’étais imprégné de poètes fous.» Iggy Pop TROIS JAPONAIS SOUS LA PLUIE Trois ans me séparaient encore du séjour à Pully, et plusieurs événements galvanisèrent la curiosité éprouvée devant la maison de Harar. C’était une curiosité sérieuse, un étonnement sincère et qui allait grandissant. À la frontière du Pakistan par exemple, on m’avait indiqué la route pour joindre Jalalpur Jattan, ville antique fondée sur la tombe de Bucéphale. Ni un roi, ni un saint, ni un savant… mais un cheval, celui d’Alexandre le Grand. Au Tigré, l’église SainteMarie-de-Sion abritait l’Arche d’alliance de Moïse, qu’on ne peut voir – dit-on – sans risquer de prendre feu instantanément. J’avais vu des voyageurs se presser en chaussettes Rohner sur les tombes du roi Darius et d’Artaxerxès, au sanctuaire de Zoroastre, dans les maisons de Durrell au Caire, de Gibran au Liban ou de Malaparte sur la côte amalfitaine. Nous étions toujours quelques-uns au moins, parfois plusieurs dizaines, avec des petits guides, des petites notes, des petites questions. En arrivant à Pully, en février 2016 précisément, j’ai vu trois Japonais sous la pluie. Ils attendaient immobiles devant la maison de Ramuz, qui était fermée. Et je me questionnais sur les raisons pour lesquelles ces homines sapientes se tenaient debout en pleine averse, à dix mille kilomètres de chez eux, devant la demeure d’un écrivain, comme ils l’auraient fait devant celle d’un roi, ou même d’un cheval, mais pas devant celle d’un vendeur d’automobiles. C’est dans les ouvrages de Georges Poisson, docteur honoris causa de l’université de Sōka — à Tokyo justement — que j’allais trouver certaines explications à ce phénomène. Commandeur de la Légion d’honneur, de celle des Arts et des Lettres et grande médaille d’Histoire de l’art de l’Académie d’architecture de France, Georges Poisson ne prêtait pas le flanc au doute. C’était un homme de lettres passionné et respecté, qui partageait avec Iggy Pop et Patti Smith une fascination inflexible pour les poètes et les châteaux
N AT H A L I E P E R R I N | L A M U E T T E
perdus. Au rythme d’un ouvrage par année depuis 1945, Georges Poisson avait armé le touriste lettré francophone pour un siècle au moins. Il inventoria tout, des reliquaires du Val-de-Grâce au cadastre du jardin de Jeanne d’Arc, des deux maisons de naissance de Descartes aux treize logements de Goethe. On trouvait grâce à ses recensements pratiquement toutes les demeures de saints, d’écrivains ou de personnages célèbres d’Occident. Parmi les anecdotes sur la grotte de Lourdes et l’évêque de Tarbes, je découvris l’adresse de La Muette, maison de Ramuz, à Pully. La présence des Japonais sous la pluie me parut de moins en moins mystérieuse étant donné qu’a priori, une maison d’écrivain pouvait se révéler indissociable de la transmission d’une œuvre littéraire, au sens qu’elle apparaissait, d’après Poisson, comme un « intermédiaire obligé entre inspiration et écriture » . Pour comprendre pourquoi on préservait certaines maisons et pas d’autres, qu’on fondait des villes sur la tombe d’un cheval mais qu’on faisait disparaître les cendres des tyrans, il fut nécessaire de remonter dans le temps, bien avant les écrivains. Évidemment, le résumé de plusieurs siècles pouvait avoir des allures de caricature, même dans ce domaine, et j’ai gardé pour raconter ces chapitres les éléments essentiels qui permettent de voir dans quel ordre et comment certains lieux sont devenus des sanctuaires, ou du moins des endroits devant lesquels on est d’accord d’attendre une heure debout sous une pluie de février. LE PÈLERINAGE SACRÉ Le respect patrimonial et esthétique est une attention moderne. Avant les écrivains il y a avait le clergé, les saints, les châsses pleines de reliques et les bûchers préchauffés. Aucune commission de préservation du patrimoine, aucun historien du bâti ne venait mettre son nez dans les histoires de démolition. Les premiers lieux d’habitation et de vie à avoir été préservés et fréquentés par des pèlerins sont des lieux rattachés à des divinités ou à des saints. En Europe, après des siècles de catholicisme, le principe de la relique était acquis. On avait soi-disant gardé le voile de la Vierge à Chartres, les restes des Rois mages à Cologne, l’escalier de Ponce Pilate à SaintJean-de-Latran, le doigt de saint Thomas à Rome. On convoyait crânes, fémurs et gisants en Europe, pour renflouer les reliquaires des communautés à la foi vacillante. En attribuant d’abord une valeur spirituelle aux restes humains d’un saint (crâne, dents, sang), puis aux objets lui ayant appartenu (tunique, vêtements), voire aux objets l’ayant touché (lance, clous, suaire), il y avait peu à attendre avant que les
EXTRAITS
lieux qu’il avait fréquentés soient considérés avec la même dignité d’intérêt. Un lieu comme le Saint-Sépulcre marque par exemple la genèse des routes empruntées par les pèlerins dès les premiers siècles après J.-C. Et qui sait, si Golgotha avait été en Jordanie ou en Syrie, ç’auraient été les rues d’Amman ou de Damas qui auraient accueilli, pendant deux millénaires, les voyageurs du sacré et les effets de leur passage. On aurait peut-être trouvé là-bas, comme à Jérusalem aujourd’hui, des couronnes d’épines en polystyrène phosphorescent, des tickets pour les processions et les horaires des miracles.
N AT H A L I E P E R R I N | L A M U E T T E
EXTRAITS
N AT H A L I E P E R R I N | L A M U E T T E
EXTRAITS
C O L L E C T I O N S H U S H L A R RY
ART&FICTION
ÉCRIT D'ARTISTE
Robert Ireland
Images amies 2 014 -2 0 21
Convoquer toutes ces images qui peuplent la mémoire, une discipline le plus souvent matinale, mais pas quotidienne, tenir le rythme sur des années. Et miser sur une évocation fluide et sereine, fidèle comme en amitié, pour créer de nouvelles images… « Difficulté de me remettre dans le coup : un peu suspicieux. C’était comme si toutes les petites choses à faire submergeaient toute perception d’une entreprise plus vaste et profonde. Qui est sans cesse reportée au profit, justement, de ces petitesses qui ont pour seul avantage d’être vite réglées et, de ce fait, reléguées dans la catégorie des choses faites. « L’essentiel attendra » semble
me vociférer le réel… Ces états d’âme m’ôtent le goût de mon travail artistique. Me manque le souffle mais aussi l’aiguillon. Chaque petit pas dans le sens de la création semble me coûter. » C’est Wittgenstein, en exergue à l’ouverture du premier tome d’Images amies, qui nous le rappelle : « Pour atteindre à la profondeur, il n’est pas nécessaire de voyager loin ; et même il n’est pas nécessaire de quitter son environnement le plus proche et le plus habituel. »
— E N L I B R A I R I E E N F R A N C E / B E LG I Q U E L E 7 J A N V I E R 2 0 2 2 —
11 x 17.5 cm, env. 180 pages 978-2-88964-022-5 chf 14.90 / euro 12 — genre écrit d'artiste sujets abordés monde de l’art, villes et vécus, paysages, statut de l’artiste, histoire des idées, notes d’atelier, vie de famille, psychologie de l’écriture format isbn
er l’image r u d e ir fa t n e m m Co m e nt m o C ? ir n e v u o s le dans tres, des garder des rencon ut c e to , s e g a y o v s e d u o lectures avail tr u a r e u ib tr n o c qui pourra de l’artiste ? AND, IL EN VA
© Sébastien Kohler
IEN ROBERT IREL IC ST A PL LE R U PO ION OMME DE LA VIS DE L’ÉCRITURE C
——— Robert Ireland, né en 1964, est artiste plasticien. Il vit et travaille à Lausanne. Sa pratique littéraire prolonge celle des images et formes qu’il élabore soit dans son atelier, soit dans l’espace public. Son écriture exploratoire se matérialise par des textes critiques, des essais ou des notes. Il ne fait guère de différence entre ces approches car l’image est tout compte fait l’enjeu ultime. ———
R O B E RT I R E L A N D | I M AG E S A M I E S 2 014 -2 0 21
Serais-je définitivement irritable au point de m’insurger contre la mode du « tout-ménage » culturel ? C’est à voir… Les faits sont que la multiplication de papiers sous forme de fanzine, de mini-dépliants et journaux sont devenus pléthore dans le monde de l’art contemporain et croissent manifestement en proportion inverse de la qualité du contenu. Souvent je me donne la peine de les lire, leur donnant une chance. Mais « lire » est déjà un mot trop fort car je me retrouve à les feuilleter, puis ils finissent par m’échapper, me tombant littéralement des mains. Qu’est-ce à dire ? Ce n’est pas un feuilletage distrait à la manière de celui que l’on ferait (mais pas moi) avec un des tabloïds jonchant le sol des transports publics et squattant tristement l’imaginaire collectif en quête de sensations. Non, c’est que je n’ai rien trouvé : ces feuillets sont lisses et n’accrochent ni les sens ni le sens des choses. Un sentiment d’effroi apparaît alors après avoir été en contact avec eux : rien ne me reste, aucun sentiment profond, aucune trace de pensée, aucun état d’esprit critique, seulement une séquence hétéroclite (car souvent ce sont des travaux « collectifs ») de moments vides. Comment en sommes-nous arrivés là, à cette accélération quelque peu arrogante de refus du sens, de formalisme avant tout, de jouissance d’exister en étant multiplié, tout en tombant dans une situation médiocre d’inimportance superficielle, de dire haut et fort et à tout prix qu’on n’a rien à dire ? Fanzine ; 3 mars 2014
EXTRAITS
Ce n’est qu’avec un grand recul— celui du temps et de l’expérience — que l’évidence de l’encodage de l’art contemporain me frappe. En dépit du fait d’être trop dedans, j’ai réussi à maintenir une distance critique minimale qui me permet de me prononcer. Je dois avant cela me rappeler à moi-même combien les débuts de mes recherches picturales étaient liés à ces questionnements sur les codes, les supports, les habitudes d’un certain art occidental de la fin du second millénaire. J’avais très vite interrogé les signes (flèches, références, schémas, etc.) ainsi que les systèmes « non-artistiques » de représentation dessinée. J’avais aussi longtemps exploré les limites de nomenclature de l’art (est-ce une sculpture, une peinture, une installation… ?). Après être passé par là — avec même une phase iconoclaste — j’ai pu tempérer cette remise en question de la validité matérielle, comme pour mieux me concentrer sur le message et son approfondissement. Je reviens maintenant à ces observations, sur les codes, sans entrer cependant dans les détails. Je m’interroge sur les systèmes incontestés des formats, des séries, des photos encollées sur de l’aluminium, du châssis, des cadres en verre, du mur blanc, du cartel et du carton d’invitation… Ces questionnements ne sont pas nouveaux et j’en fais largement état dans mes réflexions écrites. Ce qui m’interpelle est plutôt la question de la (non) permanence de l’art dès lors qu’il est déplacé, extrait de son contexte autant matériel (galerie, musée), public, qu’économique. Est-ce qu’une œuvre fonctionne encore hors de son contexte ? A-t-elle un sens pour d’autres cultures ? Il est évident que l’artiste a le souhait irrésistible de produire un(e) œuvre universel(le) car justement il a cru échapper aux cadres des disciplines, classifications, champs opératoires prédéfinis, etc. Cependant, l’art lui-même est cet apparatus et les critiques, les revues sont aussi là pour « fabriquer du sens », même là où il en manque : l’art fait partie de son époque. Echapper à cette fatalité ne mène à rien. Mais la question demeure légitime : l’art fait-il sens hors-sol ? Peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles les interventions artistiques dans l’espace public sont un champ qui m’intéresse dans la mesure où l’art n’est plus dans son contexte culturel et n’est même pas forcément perçu comme étant de l’art. Pour finir ce bref excursus, je pense que l’art autant que la religion, les archétypes de l’interdit, du tabou, etc., fonctionne avec un « fonds commun » appartenant à tous. À nous de savoir, individuellement, qu’en faire. Habitus de l’art ; 1er avril 2014
R O B E RT I R E L A N D | I M AG E S A M I E S 2 014 -2 0 21
Hier, jour de mes 50 ans, je me suis blessé d’une entaille de biseau à bois dans le gras du pouce. Du coup, j’ai été réduit à ne plus pouvoir travailler, la main emballée d’un bandage. Je n’ai jamais bien connu la signification chiromancienne des lignes de la main, mais l’image m’est venue que j’avais moi-même inconsciemment tenté d’en dessiner les changements de vie grâce à cette balafre. Entaille ; 26 mai 2014
Si la bibliothèque révèle la personnalité de son propriétaire, en en traçant comme un portrait, je m’étais pour ma part de longue date résolu à ne pas m’en constituer une. La bibliothèque universitaire et ses extensions me suffisaient amplement. De plus, j’ai toujours apprécié la légère pression du délai : cela m’obligeait à lire de façon soutenue, ce que j’ai toujours fait. Dans tous les cas, je suis membre de cette bibliothèque depuis l’âge de 16 ans. Il n’est pourtant pas aisé de se sentir appartenir à une bibliothèque. Mais plus difficile encore de se l’approprier. Les livres changent, sont absents, etc. Ceux que l’on cherche ne sont parfois même pas acquis (fait tout de même plutôt rare). Cependant, une inversion qui prit une fois place me toucha, cette fois où j’allai reprendre un livre de Maurice Blanchot à la bibliothèque : je l’avais lu il y a 4 ou 5 ans déjà et voulais y puiser quelque élément. Lorsque je revins à la maison et l’ouvris, un signet en tomba. À ma surprise, je reconnus tout de suite ce signet : c’était une carte provenant de notre espace d’art, à l’époque — donc absolument original, tiré à peu d’exemplaires. Il me tomba dans les mains comme une résurgence subite d’un temps plus reculé. Il s’avérait donc soit que personne n’avait emprunté le livre entre-temps, à savoir durant environ 5 ans, soit que personne n’avait osé ni même eu l’idée d’en enlever le signet que j’y avais laissé. Signet ; 17 juin 2014
Lorsque l’on en a urgemment besoin, on s’aperçoit qu’on l’a perdu, qu’il n’est plus accroché à la poche intérieure du veston. Et l’on se rappelle avec irritation du moment où telle personne nous a demandé si l’on avait de quoi écrire et si l’on pouvait le lui prêter un court instant. Pas de quoi en faire toute une histoire : de toute façon, des stylos, il y en a partout. De plus, leur coût (mais du coup aussi leur qualité) est moindre. À ce moment, nous entrons alors dans une phase d’absence de stylo. Nous nous en apercevons et sommes sans cesse à nous mettre à la place même de ceux qui nous irritaient tant : ceux qui nous demandaient de prêter notre stylo « un instant » sans nous le retourner (en général par pure inadvertance). Puis les choses s’inversent, notre cleptomanie momentanée et involontaire nous fait nous retrouver subitement entouré de stylos de toutes sortes et de provenance diverses, indéterminées. Dans la plupart des cas, pris à d’autres… Stylos ; 27 mai 2014
EXTRAITS
IMAGES AMIES Robert Ireland
Images amies est une percée dans les notes de l’artiste sur une durée de plus de dix ans et dont l’intention ultime est de les fixer comme autant d’images qui, révélées, nécessitent encore le processus de fixation pour les faire durer encore un peu, telle la rémanence rétinienne d’un monde aperçu mais encore prégnant lorsque les paupières se sont abaissées. Car il s’agit tout compte fait d’images, au final assez proches de celles qu’il fabrique dans son atelier ou qui attirent son intention dans le monde. Ces « images amies » le constituent tout autant qu’il les restitue. — ShushLarry 17 x 11 cm, 156 pages, 130 gr. environ isbn 978-2-940570-64-5 chf 14.90 / euro 12 — genre essai sur l’art, écrit d’artiste sujets abordés art, vie quotidienne, scène culturelle, paternité — Parution en septembre 2019 — Robert Ireland est également l’auteur de l’ouvrage « Inframémoire », paru dans notre collection Re:Pacific en 2014. collection format l’auteur
Robert Ireland, né en 1964, est artiste plasticien. Il vit et travaille à Lausanne. Sa pratique littéraire prolonge celle des images et formes qu’il élabore soit dans son atelier, soit dans l’espace public. L’écriture est exploratoire et se matérialise par des textes critiques des essais ou des notes. Il ne fait guère de différences entre ces approches car l’image est tout compte fait l’enjeu ultime.
Un regard porté sur soi-même durant 10 ans... Images, écriture, souvenirs, bribes. Diffusion Suisse art&fiction diffusion av. du Léman 12, 1005 Lausanne Représentant : Pascal Cottin T: + 41 (0) 78 897 35 80 Distribution : Servidis S.A. commande@servidis.ch / www.servidis.ch Diffusion France Paon-diffusion, 85 rue Gabriel Péri F-93200 Saint-Denis — art&fiction, éditions d’artistes avenue de France 16, 1004 Lausanne 3 rue de la Poterie, 1202 Genève info@artfiction.ch / www.artfiction.ch Contact: Marie Pittet marie.pittet@artfiction.ch +41 (0)21 625 50 20 | +41(0)79 651 24 44 — Imprimé et relié en Suisse par notre imprimeur et partenaire : TBS, La Buona Stampa
« Dans la gare de La Spezia, je fus soudain immobilisé face à ces images rencontrées : tout d’abord intrigué par leur emplacement, à l’extérieur, sur le quai et les murs du bâtiment du chef de gare. C’étaient de très grands tirages photographiques — sans doute des années 60, avec un cartouche les légendant: « Golfo della Spezia », « Porto Venere dall’isola Palmaria », etc. Le reflet du verre qui protégeait ces photos empêchait toute approche immédiate de l’image, provoquant un rejet perceptif au premier contact pour, ensuite, aiguiser la curiosité. Je me demandai ce que j’y voyais au-delà de l’information du titre. Il y avait comme deux couches de réel, qui s’étrangeaient l’une de l’autre ou se décollaient, pour ainsi dire. Il en ressortait une incompatibilité pelliculaire. En effet, la tonalité de ces images de la gare de La Spezia en noir et blanc avait viré par endroits en de larges estuaires couleur sépia. L’effet de corruption appelé « les anneaux de Newton » avait aussi opéré aux malencontreuses zones de contact entre verre et papier baryté. J’étais réellement face à une série de cinq images en cours de dégradation, exposées à la lumière, à l’humidité, aux contrastes thermiques et à la pollution plombée de la gare. Et pourtant elles résistaient, telles des héroïnes du Paléolithique. Le verre fendu, les coulures d’eau infiltrées, les reflets semblaient être les gardiens du temple qui empêchaient toute confusion et évitaient de nous faire prendre ces images pour de simples photographies ou empreintes de réel.
À ce titre, le passé paraissait être comme en noir et blanc. Car la séparation et l’oubli sont les premiers doutes plombant notre relation existentielle au monde. Diffusion Suisse art&fiction diffusion av. du Léman 12, 1005 Lausanne Représentant : Pascal Cottin T: + 41 (0) 78 897 35 80 Distribution : Servidis S.A. commande@servidis.ch / www.servidis.ch Diffusion France Paon-diffusion, 85 rue Gabriel Péri F-93200 Saint-Denis — art&fiction, éditions d’artistes avenue de France 16, 1004 Lausanne 3 rue de la Poterie, 1202 Genève info@artfiction.ch / www.artfiction.ch Contact: Marie Pittet marie.pittet@artfiction.ch +41 (0)21 625 50 20 | +41(0)79 651 24 44 — Imprimé et relié en Suisse par notre imprimeur et partenaire : TBS, La Buona Stampa
La première fois que j’avais vu ces photographies à la gare de La Spezia remontait à plusieurs années. Je les avais toujours gardées dans un recoin de ma pensée. C’est en repassant avec des amis dans cette ville cinq ou six ans plus tard en voiture que je leur demandai de m’accorder un petit répit afin de les revoir. Je les photographiai, presque à la volée, tel un malfrat.
Sans me rendre vraiment compte de la mise en abyme que je produisais en photographiant des photographies.»
éditions JOU
ARCHÉOLOGIES FERROVIAIRES Bruno Lecat
Littérature Format 11 x 17 cm 96 pages - isbn : 978-2-492628-01-6 10 euros
Sortie le 7 janvier 2022 Distribution-Di usion Serendip livres
Archéologies ferroviaires est tissé de dérives, de déambulations entre ville et campagne. Le narrateur injecte du sens dans une voie de chemin de fer désa ectée, quelque part entre deux villages de l’Hérault, et cueille ce qui en surgit. Il fait ligne à la manière d’un braconneur, confronte les regards que permet la technique en multipliant les interventions poétiques et iconiques. Il s’invente une chronotopie particulière en s’égarant ailleurs et à d’autres époques, accueillant les dépôts laissés dans l’espace géographique et mémoriel de la voie ferrée. À la désa ection d’une voie ferrée répond son réenchantement : les restes d’un réseau vivent leur vie propre, une vie musicale et hantée, au gré des aiguillages de la mémoire. Cette traversée des signes et des espaces touche en chacun de nous ce qui, en n dégagé de l’utilité, s’abandonne à la beauté du reste. Archéologie poétique pour retrouver ce que l’on a oublié, ce que l’on a égaré. Bruno Lecat Né en 1966 à Valenciennes. Enseigne la littérature française, traduit l’espagnol, peint, joue de la musique et photographie. A vécu sur les cinq continents. Participe à Pavé, auteur de douze textes Prendre, chez Tiers-Livre Editeur.
https://brunolecatfr.wordpress.com éditions JOU 60 rue Édouard Vaillant, 94140 Alfortville – France mail : contact@editionsjou.net http://www.editionsjou.net
Extraits :
Route Laurine Thizy Jérémie Fischer
Un chant féminin et féministe, d’une inquiétante actualité. LE LIVRE Elle suit la route – une route droite, aride, qui s’étend jusqu’à l’horizon. Elle ignore ce qu'elle poursuit, ce qu'elle fuit. Pas à pas, cependant, à mesure que le paysage se distord autour d’elle, la mémoire lui revient par bribes, douloureuse.
Paru pour la première fois en 2017 dans la revue pan, ce monologue puissant sur les violences faites aux femmes ressort aujourd'hui dans un nouveau format faisant la part belle aux images hallucinées de Jérémie Fischer.
L’AUTEUR PETITS PANS
janvier 2022 190 x 140 mm 16 pages – 600 ex. 9€ ISBN : 9782956747529
Née en 1991, Laurine Thizy est agrégée de Sciences économiques et sociales et ancienne élève de l’École normale supérieure. Chercheuse en sociologie, elle travaille notamment sur les questions liées à l’IVG et aux normes de maternité. Les Maisons vides, son premier roman, sort en janvier 2022 aux éditions de l’Olivier.
POINTS FORTS • Thématique forte et actuelle : fable poignante et pudique sur les violences conjugales ; • Bel objet mettant en avant la collaboration de deux jeunes artistes en plein essor : valeur littéraire et plastique ; • petit prix, petit format : idéal comme livre de comptoir.
ACTUALITES • Sortie des Maisons vides, premier roman de Laurine Thizy, aux éditions de l’Olivier à la rentrée littéraire d’hiver 2022.
Éditions le Sabot contact.lesabot@gmail.com
le-sabot.fr
Collection du zbeul 11 rue Gabriel Péri 59370 Mons-en-Baroeul
+33 676249059
LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE (anthologie 2)
Le principe de base du Sabot est le constat d'un sabotage constant de nos langages (textuels et visuels) à travers la publicité, la rhétorique politicienne, les chausse-trappes quotidiens. La revue assume l'idée que la littérature, l'art et l’humour viennent pallier à cette perte de sens et manipulations linguistiques tout en proposant de nouvelles formes. L'acte créatif décrit, analyse et embrasse le monde dans lequel nous vivons pour faire apparaître les imaginaires, les inquiétudes et les désirs qui nous composent: intervenir sur nos manières de penser et agir sur le monde, nous donner les possibilités de le dire, sans passivité. Après une première publication compilant les 5 premiers numéros imprimés entre 2017 et 2018 (Le Sabot 1-5, paru en 2020), Le Sabot 6-10 assemble le travail collectif réalisé depuis. Les thèmes de la terre (écologie), la soif (désirs et addictions), la honte (et comment la saboter), la ville (et comment la saboter) et le piège (idem), composent 5
nouveaux chapitres et sont enrichis de nombreux inédits : poésies et tutos de sabotage illustrés. Un ouvrage collectif : l’amicale du Sabot est ouverte et invite à tout type de collaborations. On y découvre des constellations sans ancrage géographique, pratiquant au hasard le vers libre, le dessin numérique ou non, le collage, la sciencefiction, la parodie, la gravure ou la nouvelle. Une cinquantaine de personnes ont participé à l’élaboration du Sabot 6-10, et nous sommes plus d’une centaine à être intervenu•es sur la revue à travers différentes disciplines. Quelques noms récurrents : le graphiste Zypan ; les auteur•rices Amélie Durand, Paul Gourdon, Phoebe Hadjimarkos Clarke, Jobard, Chloé Landriot, Marcel Moreau, Jean-Pierre Siméon, Jean-Baptiste Vidalou… ; les illustrateur•rices Anouk Buron, Rachel Gueston, Victor Ianni, Hugo Pablo Moreno, Mélody Da Fonseca, Noémax Pierre, Roland Topor…
LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE
En librairie à partir du 13/12/2021 160 pages / 30x21cm / 20€ Amicale Le Sabot Thèmes: sabotage, littérature, poésie, Illustrations n&b ISBN: 978-2-492352-06-5
1
Éditions le Sabot contact.lesabot@gmail.com
le-sabot.fr
Collection du zbeul 11 rue Gabriel Péri 59370 Mons-en-Baroeul
LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE
ÉMILIE FENAUGHTY
FAUX MEUDON
J’ai empoigné la cisaille et je me suis lentement approchée de lui. C’était la première fois que j’y touchais, et l’objet était plus lourd qu’il n’y paraissait. Sur le bord de la lame, il y avait un peu rouille rouge, sûrement liée À la nécrose infâme où de l’esprit vaque à terre, au Au faitcloaque qu’il laissait toujours cisaille dehors, dans le jarexécré dont jela suis locataire din. On avait mieux investiau dans J’aimerais loin tout de lacet vieéquipement vacataire, jardinier il yÀal’ombre exactement quinzedéposer ans, peuloque après qu’on a acheté d’un fumier à terre. la maison et le terrain. On venait tout juste de s’ins taller ensemble à l’époque, et les choses allaient plutôt J’aimerais mieux filer et m’enfuir et me taire, bien. j’allais encore plutôt Sur un coup MeEnfin, terrer moi, bien profond comme taupebien. s’enterre. de J’aimerais tête, une après -midi, on s’était rendus désolé en triste roi sans terre au Castorama et M’envieillir on avait pris tout leen nécessaire pour se construite un humilié l’oubli salutaire. bonheur bucolique à deux. On avait même embarqué une petite faux, rigolant que ça pourrait aussi serMoi l’Adam décoré toutdudufait froc libertaire, virDe à Halloween. l’amour idiot : j’ai mauvais caractère. Onm’en était irai dans le jardin donc, on était fin août et il faiOù crever pauvre célibataire, saitSiencore et chaud. soleil allait se coucher pommehumide j’ai croquée, c’est Le la pomme de terre. d’ici une heure ou deux et les moustiques continuaient de nous picorer les membres. Je lui avais bien dit que c’était une mauvaise idée de déménager au bord d’un lac, qu’en plein été on en boufferait des moustiques — ou plutôt, que ce serait eux qui nous boufferaient. J’avais compté. Une année, je m’étais retrouvée avec pas moins de deux cents treize piqûres de moustiques réparties sur tout le corps. Je passais mes nuits à gratter frénétiquement chaque centimètre d’épiderme qui recouvrait mes os, ç’avait même taché les draps de petites traces de sang, un peu partout, sur mon côté du matelas. Lui, il s’en foutait, ça ne le dérangeait pas de s’asperger de pesticides pour repousser ces vampires de malheur. Moi, je préférais encore les moustiques au cancer. La cousine de la conche marine, Il fumait sabourbeuse clope, admirant le paysage. Il me tournait En moins tapageuse aux rochersde qu’elle domine le dos et je pouvais voir chacune ses inspirations, au Maisrythme enfouieque çà etlelàmouvement sous l’épine de desson pinsbras : même qui porde jusqu’à terre. sa bouche. Je n’avais jamais rêvé taitL’huître sa main Plus charnue d’un lait beige et gras d’épouser un fumeur. À l’odeur fatiguée de suint ; L’odeur de tabac froid, ça m’avait toujours rebutée. Âpre, grosse et presque carrée Mais j’étais quand même tombée amoureuse de lui. Ça Que le soc ramène à la surface. ne se contrôle pas ces choses -là, paraît qu’on choisit On la trouve dans les champs, pas. L’odeur du tabac parvenait jusqu’à mes narines. On la cherche en forêt, Dans les arbres, les cigales jouaient de leur vacarme haOn a plus que ça à manger Et c’est plutôt dégueulasse.
LE FRUIT DE TERRE
8 24
NOTRE MONDE EST PRESQUE MORT bituel, et tout ça dans ma tête se mélangeait au son de basse qui venait de la centrale électrique qui se trouvait à deux miles de chez nous. J’avais chaud et je transpirais. Depuis que nous avions déménagé ici, j’avais pris de l’embonpoint, c’était arrivé assez rapidement. La faute aux heures passées dans la voiture, et à la bouffe qu’on trouve dans le coin. De la viandasse bourrée d’eau, de sel et d’hormones qui vous laisse boursoufflé comme un de leurs popcorns après qu’il soit passé au micro -onde. Lorsque j’étais plus jeune, j’aurais pu être modèle. Mais j’avais laissé ça aux autres narcissiques et aux anorexiques. Mon truc, c’était les bouquins et la rhétorique de toute façon. Et puis, pour être modèle, il valait mieux vivre dans les grandes villes. Lui n’aimait que la campagne. Alors que je me rapprochais de lui, son dos toujours face à moi, il a sorti une de ces phrases dont j’avais l’habitude, une de ces phrases prévisibles et plates que je ne supportais plus après autant de temps de vie commune : « On n’est pas bien là quand même, minette ? » Il ne se retournait toujours pas, toujours absorbé par la vue de son paysage au sublime médiocre, alors je n’ai pas répondu. Ses phrases n’appelaient pas de réponses de toute façon, ça faisait longtemps que je l’avais compris. M’avançant, j’ai posé le pied sur la petite faux, cachée dans l’herbe qui n’avait pas été tondue depuis trois semaines. Je l’ai ramassée et je l’ai coincée entre ma hanche et l’élastique de mon pantalon. Alors que j’arrivais à sa hauteur, il s’est enfin retourné, un grand sourire aux lèvres. J’étais désormais assez près pour pouvoir sentir ses relents de tabac. J’ai pris la cisaille des deux mains, une sur chaque poignée, et, ne le quittant pas des yeux, j’ai commencé à enfoncer doucement les lames dans son bas -ventre. Puis j’ai commencé à refermer la lame. Il n’a pas eu l’air de comprendre tout de suite ce qui lui arrivait. Son sourire a mis du temps à s’effacer, puis j’ai vu dans son regard l’incompréhension et la tris-tesse. Il s’est vite évanoui et moi jusqu’à ce qu’il soit par terre je n’ai pas arrêté une seconde de tenir son regard. Je voulais qu’il y voie la colère et tout le mal qu’il m’avait fait. Il s’est écroulé, inconscient. J’étais toujours debout, et
Je ne peux plus dormir Je ne peux plus fermer les yeux j’ai décoché la petite faux que je portais à ma taille. Je me Je ne peux que longer l’abîme suis agenouillée et j’ai posé la faucille dans l’herbe à côté Et dire de moi. J’ai défait sa ceinture, cachée sous la chemise en sang, j’aique baissé son pantalon en même temps que Je nepuis peux veiller son caleçon. J’appelle J’ai rempoigné le manche de la petite faux, et,Je d’un geste vif ettous bref,àj’ai attrapévos sesmains couilles et sa bite et vous appelle regarder placé la fauxde juste niveau du périnée. Puis j’ai appliqué Les mains vosau enfants unEtpeu devisages pression et j’ai coupé le membre, le détachant leurs du reste de son corps. C’était aussi mou que de couper dans du salami. J’ai attendu quelques minutes, posée Regardez vos mains
là, à voir s’il allait se réveiller. Il respirait encore mais il saignait beaucoup, une flaque se formait au - dessous de lui, lentement absorbée par l’herbe verte du jardin. Au - dessus du lac, les nuages commençaient à rougir et le soleil perçait encore un peu, flamboyant, à travers les pins. Quinze ans que je n’avais rien vu d’aussi beau.
CHLOÉ LANDRIOT
BENJAMIN GUÉRIN
(anthologie 2)
Faites pour donner Regardez vos enfants Faits pour vivre Où donc est votre terre Et que font donc vos mains Aux champs de la misère et de la joie, Aux champs de vie, au grand secret des prés humides Que faites-vous de vos deux mains Où sont les vieux jardins laissés en héritage Comment partagez - vous le pain Comment faites-vous de l’étranger l’ami Afin que vos enfants vivent en paix Demain ? Mains coupées de la terre Et de la main de l’autre Parce que vos mains sont coupées Vous les croyez Innocentes Mais c’est tout le contraire Mains inutiles Mais pas inoffensives Nos mains ont disparu et n’ont jamais tant nui Je ne vous fais pas la morale Je dis Seulement Ce que l’on voit les yeux ouverts Et ce qu’on sait les yeux fermés Que notre monde est presque mort Que nos enfants ne vivront pas Et que nos mains moisies leur ouvrent le tombeau.
Alice HUGUENY
Rachel GUESTON
Aimée PÉDEZERT
LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE
ABONNEMENT Commandez vos prochains numéros ( avril 2019, août 2019... ) sur contact.lesabot@gmail.com, objet : abonnement. 16 € les 4 prochains numéros livrés chez vous ! ( frais de port compris pour la France Métropolitaine )
RECOMMANDATION RÉGIME Vous vous sentez lourds ? L’impression d’une surcharge qui pèse sur vos épaules ? Nous avons la solution ! C’est très probablement la charge de votre portefeuille ou compte en banque qui vous encombre ! Rien de plus gênant en effet qu’un bourrelet d’euros traînant maladroitement à portée de main. Or, fort heureusement, il se trouve que Le Sabot est à la recherche de toute personne souhaitant s’alléger d’un tel poids. Débarrassez-vous de vos sous superflus en nous les envoyant au 53 rue Stéphenson, 75018 PARIS. Nos recommandations fonctionnement aussi bien pour tout excès de spiritueux dans vos caves ou conserves dans vos placards. Vous verrez, les effets sont garantis et vous procureront un sentiment de bien-être sans pareil !
N°8 3,5€
SABOTER LA HONTE
+33 676249059
Éditions le Sabot
contact.lesabot@gmail.com
le-sabot.fr
Collection du zbeul 11 rue Gabriel Péri 59370 Mons-en-Baroeul
LE SABOT REVUE LITTÉRAIRE DE SABOTAGE (anthologie 2)
FAUX
je somme toutes les 5 minutes que m’apporte mon réveil et je doute qu’un homme puisse se lever si par erreur son réveil sonnait toutes les 5 minutes une mort déguisée en café soluble.
ÉMILIE FENAUGHTY
PAUL GOURDON
ASTUCE J’ai empoigné la cisaille et je me suis lentement ap- bituel, et tout ça dans ma tête se mélangeait au son de prochée de lui. C’était la première fois que j’y touchais, et basse qui venait de la centrale électrique qui se trouvait l’objet était plusNe lourd qu’il n’y tremble plusparaissait. le matin Sur le bord de à deux miles de chez nous. J’avais chaud et je transpirais. la lame, il y avaitc’est un peu de rouille rouge, sûrement liée quelueurs nous on avions à peine ce siècle qui nous étouffe auxDepuis premières s’en déménagé ici, j’avais pris de au fait qu’il laissait toujours cisaille dehors, dans le jar- l’embonpoint, c’était arrivé assez rapidement. La faute occupe très la bien nous-mêmes din. On avait investi dans tout cet équipement jardinier aux heures passées dans la voiture, et à la bouffe qu’on c'est là il y a exactement ans, peu après qu’on a acheté la quinze véritable enquête qui nous reste à faire trouve dans le coin. De la viandasse bourrée d’eau, de la maison et le pourquoi terrain. On venait tout juste de s’ins - sel et d’hormones qui vous laisse boursoufflé comme un taller ensemble est-ce à l’époque, et les choses allaient plutôt de leurs popcorns après qu’il soit passé au micro -onde. le matin bien. Enfin, moi,qu'on j’allais encore plutôt bien. Sur un coup Lorsque j’étais plus jeune, j’aurais pu être modèle. Mais s’effondre si facilement de tête, une après -midi, on s’était rendus au Castorama j’avais laissé ça aux autres narcissiques et aux anoreet on avait pris tout le nécessaire pour se un oùxiques. Mon truc, Des arbres vides griffent lesconstruite immeubles sont tapis plein dec’était gens les bouquins et la rhétorique bonheur bucolique à deux. et Onseuls avait même embarqué de toute façon. Et puis, pour être modèle, il valait mieux malheureux une petite faux, Devant rigolantla dujournée fait quequi ça vient pourrait aussi ser- vivre dans les grandes villes. Lui n’aimait que la camvir à Halloween.à nos fenêtres ce matin pagne. On était danson le décèle jardin donc, on était fin août et il faiAlors que je me rapprochais de lui, son dos toujours deux corbeaux sait encore humide chaud. Le soleil allait se coucher face à moi, il a sorti une de ces phrases dont j’avais l’ha(sur et une rambarde) d’ici une heure ou deux et les moustiques continuaient bitude, une de ces phrases prévisibles et plates que je ne ils prennent soin l’un de l’autre de nous picorer les membres. Je lui avais bien dit que supportais plus après autant de temps de vie commune : c’était une mauvaise Ça ne idée suffitde pasdéménager au bord d’un « On n’est pas bien là quand même, minette ? » Il ne se relac, qu’en plein été on en boufferait des moustiques — tournait toujours pas, toujours absorbé par la vue de son ou plutôt, que ceQui serait quilenous boufferaient. J’avais paysage au sublime médiocre, alors je n’ai pas réponva eux écrire journal de la révolution compté. Une année, je m’étais retrouvée avec pas moins du. Ses phrases n’appelaient pas de réponses de toute Qui fera une série sur la matraque et la manif de deux cents treize piqûres de sur façon, ça faisait longtemps que je l’avais compris. Et comment s’ymoustiques prendra-t-il réparties s’y prendra-t-elle tout le corps. Je passais mes nuits à gratter frénétiqueM’avançant, j’ai posé le pied sur la petite faux, cachée ment chaque centimètre d’épiderme qui recouvrait mes dans l’herbe qui n’avait pas été tondue depuis trois seNe tremble plus le matin os, ç’avait même taché les draps de petites traces de maines. Je l’ai ramassée et je l’ai coincée entre ma Point d’interrogation sang, un peu partout, mon côté dupour matelas. Il y aurasur bien quelqu’un dire Lui, il hanche et l’élastique de mon pantalon. Alors que j’arris’en foutait, ça ne le dérangeait pas de s’asperger de pes- vais à sa hauteur, il s’est enfin retourné, un grand souriTout ça ticides pour repousser ces vampires de malheur. Moi, je des re aux lèvres. J’étais désormais assez près pour pouvoir Pour reprendre les slogans pour exploser abribus préférais encore les moustiques au cancer. sentir ses relents de tabac. J’ai pris la cisaille des deux dans le texte Il fumait sa clope, admirant le paysage. Il me tournait mains, une sur chaque poignée, et, ne le quittant pas des faire des vers entiers avec les matricules des brutes le dos et je pouvais voir chacune de ses inspirations, au yeux, j’ai commencé à enfoncer doucement les lames se féliciter du pouvoir des mots même rythme que le mouvement de son bras qui por- dans son bas -ventre. Puis j’ai commencé à refermer la de l’excitation d’un journal qui tousse qui crache tait sa main jusqu’à sa bouche. Je n’avais jamais rêvé lame. Il n’a pas eu l’air de comprendre tout de suite ce qui qui pleure d’épouser un fumeur. lui arrivait. Son sourire a mis du temps à s’effacer, puis Ou alors L’odeur de tabac froid, ça m’avait toujours rebutée. j’ai vu dans son regard l’incompréhension et la tris-tesse. uniquement en argot en mots simples et vulgaires Mais j’étais quand même tombée amoureuse de lui. Ça Il s’est vite évanoui et moi jusqu’à ce qu’il soit par terre je Un texte en doigt d’honneur ne se contrôle pas ces choses -là, paraît qu’on choisit n’ai pas arrêté une seconde de tenir son regard. Je vouUn cri la putain de sa race pas. L’odeur du tabac parvenait jusqu’à mes narines. lais qu’il y voie la colère et tout le mal qu’il m’avait fait. arrrh Dans les arbres, les cigales jouaient de leur vacarme ha- Il s’est écroulé, inconscient. J’étais toujours debout, et « Ne courez pas ! » cri fracassé de perdants debout fiers déboussolés à qui on fera payer le soleil au guichet d’une banque malade
Ou alors tout doux il y aura bien quelqu’un dans une ville qui nous expliquera que la révolution est intérieure que je c’est nous qu’il y a du sens à se lier à la terre aux autres aux amis Doctement quelqu’un dira qu’il faut se lier à ici À demain à maintenant au monde à redessiner j’ai On décoché la petite faux que je portais à ma taille. Je me en aura des mystiques suis agenouillée et j’ai posé la faucille dans l’herbe à côté de moi. J’ai sans défaitdoute sa ceinture, cachée sous la chemise en Il y aura quelqu’un sang, j’ai baissé son pantalon en même temps que un puis mystique ou une violente son caleçon. J’ai rempoigné le manche de la petite faux, et, d’un geste vif et bref, j’ai attrapé ses couilles et sa bite et Pour dire tout ça placé la faux au niveau du périnée. Puis j’ai appliqué Pour dire juste j’en suis un peu de pression et j’ai coupé membre, lepas détachant Un bataillon de virgules, nouslene sommes seuls du reste deleson C’était aussi mou que de couper Et pour direcorps. en retard dans du salami. J’ai attendu quelques minutes, posée Prophète de l’effondrement
là, à voir s’il allait se réveiller. Il respirait encore mais il saignait beaucoup, une flaque se formait au - dessous de lui, lentement absorbée par l’herbe verte du jardin. Au - dessus du lac, les nuages commençaient à rougir et le soleil perçait encore un peu, flamboyant, à travers les pins. Quinze ans que je n’avais rien vu d’aussi beau.
À Ceux qui disent que la poésie est politique À Ceux qui disent qu’elle est bourgeoise À Ceux qui disent qu’elle est la solution À Ceux qui disent qu’elle ne sert à rien Je demande votre secret contre l’angoisse des premières lueurs du petit feu en barricade dans nos mains qui s’épuisent Je prends ma douche dehors avec du froid du rien du tout j’attends vos paroles alors et j’espère que l’un d’entre vous dépassera le plus beau vers de toute la poésie du monde
Noémax PIERRE
Pour information Issa vit le monde ne perdit jamais le rire et conclut sa vie de misère : « Oui, sans doute et pourtant »
PROBLÈME 30 Nous les illuminés nous la fatigue des mirages Nous les bègues nous les confus les vagues les fracassés Ceux qui repoussent encore ceux qui attendent toujours au pied de l’ombre Nous on joue, on joue plus fort et on joue à perte, ainsi de suite
24 6
Aimée PÉDEZERT
7
ÉMILIE FENAUGHTY
FAUX
J’ai empoigné la cisaille et je me suis lentement approchée de lui. C’était la première fois que j’y touchais, et l’objet était plus lourd qu’il n’y paraissait. Sur le bord de la lame, il y avait un peu de rouille rouge, sûrement liée au fait qu’il laissait toujours la cisaille dehors, dans le jardin. On avait investi dans tout cet équipement jardinier il y a exactement quinze ans, peu après qu’on a acheté la maison et le terrain. On venait tout juste de s’ins taller ensemble à l’époque, et les choses allaient plutôt bien. Enfin, moi, j’allais encore plutôt bien. Sur un coup de tête, une après -midi, on s’était rendus au Castorama et on avait pris tout le nécessaire pour se construite un bonheur bucolique à deux. On avait même embarqué une petite faux, rigolant du fait que ça pourrait aussi servir à Halloween. On était dans le jardin donc, on était fin août et il faisait encore humide et chaud. Le soleil allait se coucher d’ici une heure ou deux et les moustiques continuaient de nous picorer les membres. Je lui avais bien dit que c’était une mauvaise idée de déménager au bord d’un lac, qu’en plein été on en boufferait des moustiques — ou plutôt, que ce serait eux qui nous boufferaient. J’avais compté. Une année, je m’étais retrouvée avec pas moins de deux cents treize piqûres de moustiques réparties sur tout le corps. Je passais mes nuits à gratter frénétiquement chaque centimètre d’épiderme qui recouvrait mes os, ç’avait même taché les draps de petites traces de sang, un peu partout, sur mon côté du matelas. Lui, il s’en foutait, ça ne le dérangeait pas de s’asperger de pesticides pour repousser ces vampires de malheur. Moi, je préférais encore les moustiques au cancer. Il fumait sa clope, admirant le paysage. Il me tournait le dos et je pouvais voir chacune de ses inspirations, au même rythme que le mouvement de son bras qui portait sa main jusqu’à sa bouche. Je n’avais jamais rêvé d’épouser un fumeur. L’odeur de tabac froid, ça m’avait toujours rebutée. Mais j’étais quand même tombée amoureuse de lui. Ça ne se contrôle pas ces choses -là, paraît qu’on choisit pas. L’odeur du tabac parvenait jusqu’à mes narines. Dans les arbres, les cigales jouaient de leur vacarme ha-
24
bituel, et tout ça dans ma tête se mélangeait au son de basse qui venait de la centrale électrique qui se trouvait à deux miles de chez nous. J’avais chaud et je transpirais. Depuis que nous avions déménagé ici, j’avais pris de l’embonpoint, c’était arrivé assez rapidement. La faute aux heures passées dans la voiture, et à la bouffe qu’on trouve dans le coin. De la viandasse bourrée d’eau, de sel et d’hormones qui vous laisse boursoufflé comme un de leurs popcorns après qu’il soit passé au micro -onde. Lorsque j’étais plus jeune, j’aurais pu être modèle. Mais j’avais laissé ça aux autres narcissiques et aux anorexiques. Mon truc, c’était les bouquins et la rhétorique de toute façon. Et puis, pour être modèle, il valait mieux vivre dans les grandes villes. Lui n’aimait que la campagne. Alors que je me rapprochais de lui, son dos toujours face à moi, il a sorti une de ces phrases dont j’avais l’habitude, une de ces phrases prévisibles et plates que je ne supportais plus après autant de temps de vie commune : « On n’est pas bien là quand même, minette ? » Il ne se retournait toujours pas, toujours absorbé par la vue de son paysage au sublime médiocre, alors je n’ai pas répondu. Ses phrases n’appelaient pas de réponses de toute façon, ça faisait longtemps que je l’avais compris. M’avançant, j’ai posé le pied sur la petite faux, cachée dans l’herbe qui n’avait pas été tondue depuis trois semaines. Je l’ai ramassée et je l’ai coincée entre ma hanche et l’élastique de mon pantalon. Alors que j’arrivais à sa hauteur, il s’est enfin retourné, un grand sourire aux lèvres. J’étais désormais assez près pour pouvoir sentir ses relents de tabac. J’ai pris la cisaille des deux mains, une sur chaque poignée, et, ne le quittant pas des yeux, j’ai commencé à enfoncer doucement les lames dans son bas -ventre. Puis j’ai commencé à refermer la lame. Il n’a pas eu l’air de comprendre tout de suite ce qui lui arrivait. Son sourire a mis du temps à s’effacer, puis j’ai vu dans son regard l’incompréhension et la tris-tesse. Il s’est vite évanoui et moi jusqu’à ce qu’il soit par terre je n’ai pas arrêté une seconde de tenir son regard. Je voulais qu’il y voie la colère et tout le mal qu’il m’avait fait. Il s’est écroulé, inconscient. J’étais toujours debout, et
j’ai décoché la petite faux que je portais à ma taille. Je me suis agenouillée et j’ai posé la faucille dans l’herbe à côté de moi. J’ai défait sa ceinture, cachée sous la chemise en sang, puis j’ai baissé son pantalon en même temps que son caleçon. J’ai rempoigné le manche de la petite faux, et, d’un geste vif et bref, j’ai attrapé ses couilles et sa bite et placé la faux juste au niveau du périnée. Puis j’ai appliqué un peu de pression et j’ai coupé le membre, le détachant du reste de son corps. C’était aussi mou que de couper dans du salami. J’ai attendu quelques minutes, posée
là, à voir s’il allait se réveiller. Il respirait encore mais il saignait beaucoup, une flaque se formait au - dessous de lui, lentement absorbée par l’herbe verte du jardin. Au - dessus du lac, les nuages commençaient à rougir et le soleil perçait encore un peu, flamboyant, à travers les pins. Quinze ans que je n’avais rien vu d’aussi beau.
Aimée PÉDEZERT
+33 676249059
Abîmes, le hors texte (phase 1) Un livre de 134 pages au format 16x22 cm. Impression numérique des pages intérieures sur bouffant et couverture en typographie sur papier keaykolour lin.
Abîmes c’est le récit d’Antoine. C’est-à-dire l’impossible « roman » de formation d’un jeune homme qui, comme tant d’autres, chercherait son bonheur et ne le trouve pas, cherche à comprendre les malheurs de sa mère et la perd, cherche un signe du père et ne voit rien venir. est pas à propos en n’ i qu an m ro ce e ir cr « É n mon cul le llo pi pa et l ca bo du et e ch d’une mou les mouches, qui sait ir, l’a en e is ba ça i ss au e rest ai bonheur ? » vr le s pa t es n’ ça si s -il nt se dise On y suit au fil du temps les aventures d’Antoine, bien sûr, mais aussi Ana et Anna, Clara, Léa et Mattéo : un corps se forme par le texte. Ce livre, publié en deux phases, reprend de manière chronologique les textes délibérément écartés par l’auteur pour la publication du récit Abîmes (JBIC éditions). C’est une
Parution : décembre 2021 EAN : 9782914363259 Prix public : 25 €
réflexion sur les sortilèges de la littérature, la naissance et les abîmes d’un personnage. Tout y est invention du dérèglement, jeu du sens et de la langue, sujet aux dérangements.
Un extrait du texte de John Baguette (ci-dessous les pages 1, 2, 3 et 5) est disponible sous la forme d’un diaporama avec lecture par l’auteur
Parution 1er octobre 2021 ISBN : 979-10-91189-29-3
art | littérature
Épigraphies d’un fleuve Dansant sur les courants terribles Était l’idée de la main Matthieu Messagier
Épigraphies d’un fleuve, moment de poésie absolue et concaténée, rassemble trois textes liés entre eux par une cosmogonie commune et une abstraction tellurique, l’image du fleuve : ―
Matthieu Messagier ―
112 pages Format : 12,5 x 19 cm Poids : environ 145 gr Prix : 15 € ―
Genre : Poésie contemporaine CLIL : 3638 ―
Mots-clés : Poésie contemporaine ―
Collection Théodolite La collection Théodolite se consacre au paysage et au sentiment de la nature, avec des incursions en poésie. ―
Couverture : Juliette Léveillé ―
www.lacleamolette.fr Contact : Alain Poncet 06 70 31 36 50 lcam@orange.fr ―
Diffusion : Paon diffusion contact@paon.diffusion.com www.paon-diffusion.com ―
Distribution : Serendip livres 21 bis rue Arnold Géraux 93450 L’ILE-SAINT-DENIS Tél. 01 40 38 18 14 Fax 09 594 934 00 gencod dilicom: 3019000119404
L’Alose aux épars De la tanche et de son principe complétif L’Angélus des nénuphars L’auteur Fondateur avec Michel Bulteau des éditions Electric Press et coauteur du mythique Manifeste électrique aux paupières de jupes — avant-garde poétique parisienne qui pourrait constituer, à l’orée des années soixantedix, le chaînon manquant entre le surréalisme et la beat generation — , grand voyageur puis voyageur immobile en raison d’une maladie neuromusculaire, poète, peintre, dessinateur, Matthieu Messagier vit depuis de longues années au bord de la rivière Doubs dans la maison héritée de ses parents, le peintre Jean Messagier et l’artiste céramiste Marcelle Bauman-Messagier. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le monumental Orant aux éditions Christian Bourgois en 1990 et Dernières poésies immédiates chez Flammarion en 2020. Extrait du site : https://www.printempsdespoetes.com/Matthieu-Messagier :
Né en 1949, révélé en 1971 par la publication du Manifeste électrique aux paupières de jupes, Matthieu Messagier s’est imposé depuis comme l’auteur d’une œuvre singulière marquée par une syntaxe brisée et un sens de la vitesse qui, décuplant la force sonore du vers comme sa souplesse rythmique, pulvérise l’immédiateté d’un sens univoque au profit d’un kaléidoscope de sensations.
Editions LansKine
Difficile d’en sortir Paul de Brancion Parution janvier 2022 Genre : POÉSIE Prix : 14 euros Format : 15 x 22 cm Nombre de pages : 72 pages ISBN : 978-2-35963-051-0
Difficile d’en sortir est une réflexion sur la manière dont le pouvoir s’exprime notamment à travers l’emploi du vouvoiement dans la sphère privée et publique. Chaque texte s’ouvre sur un extrait détourné et plein de drôlerie d’une fable de la Fontaine. La deuxième partie, Maître Corbarek XXI est une fable de circonstance sur le Covid. Maître «Corbarek» observe les hommes « malades de la peste » et essaie d’en tirer une leçon « qui vaut bien un fromage sans doute. » Écrivain de romans et de poésie, Paul de Brancion est rédacteur en chef et fondateur de la revue SARRAZINE (www.sarrazine.net). Il s’implique régulièrement dans des projets artistiques transversaux notamment avec des compositeurs de musique contemporaine, organise et anime les Rendez-Vous du Bois Chevalier, rencontres annuelles consacrées à la littérature, aux sciences et à la poésie. Il dirige le café/librairie parisien L’ours et la vieille grille et aux éditions LansKine, la collection Régions froides. Quelques publications de poésie Ma Mor est morte, poésie en prose, éditions Bruno Doucey 2011 Rupture d’équilibre, éditions La passe du vent, 2017 L’ogre du Vaterland, éditions Bruno Doucey, 2017 Tu veux savoir comment je m’appelle ?, éditions LansKine, 2019 Glyphosate for ever, Rougier V. Ed., 2020 ... de romans Le Château des Étoiles, étrange histoire de Tycho Brahé, astronome et grand seigneur, biographie romancée, éditions Phébus 2005. Traduit en danois, brésilien et tchèque L’enfant de Cederfeld, roman, éditions Albin Michel 1991
Extrait 1 Dans le courant d’une onde pure
vous avez cette facilité faculté de décider impérativement de toute chose
nous étions des nains des riens sous les rudiments des frondaisons du monde contraints à tenir compte des lois rédigées par ce vous impérial et distant ce qui conduit à rechercher par quel truchement l’impérieuse nécessité édictée par/pour vous malgré vous s’est traduite en impossibilité de transgresser Extrait 2 Maître Corbarek XXI sur un cabinet de consulting perché tenait dans son blanc-bec un Covid (XIX) alléché mutant phénoménal issu des faveurs inouïes des Ohms ou plutôt des Fhoms qui par égocentrisme et géocentrisme effrontés avaient fait son lit
Editions LansKine
RÉACTEUR 3 [Fukushima] Ludovic Bernhardt ` Parution novembre 2021 Genre : POÉSIE Prix : 13 euros Format : 15 x 22 cm Nombre de pages : 64 pages ISBN : 978-2-35963-048-0
RÉACTEUR 3 [Fukushima]est une exploration des images produites par les robots explorateurs décontaminateurs de la centrale nucléaire de Fukushima, notemment le robot Little Sunfish qui, le premier, a réussi a s’aventurer dans les eaux radioactives du réacteur 3 de la centrale. Ce poème veut enfoncer le langage dans les toxicités visuelles sombres et granuleuses de la catastrophe techno-scientifiques dont Fukushima reste un symbole le plus désastreux. C’est aussi la naissance de zones interdites à l’homme par leur haut degré de contaminations radioactives, raison pour laquelle les robots se substituent à l’être humain pour les explorer. RÉACTEUR 3 [Fukushima] est donc un texte sur la catastrophe, la robotisation du monde contemporain mais aussi sur les images machiniques. RÉACTEUR 3 [Fukushima] est conçu comme un livre/lecture performée/installation Ludovic Bernhardt, écrivain et artiste visuel (diplômé du Fresnoy) aborde l’écriture comme élément rhizomatique intégré à son travail artistique, ses installations et ses lectures performées. Ludovic Bernhardt, écrivain et artiste, diplômé du Fresnoy, manipule des signes idéologiques contemporains, textuels et iconiques. À travers l’installation et la littérature, en passant par le curatoring, il interroge certains symptômes de la globalisation. Il vit et travaille actuellement à Paris après avoir vécu six années à Istanbul Dernière publication : Work Bitch (éditions JOU)
---------------------/ Quand un son de cloche synthétique annonce le bain, le robot Toshiba fixe son objectif à revers des écrans de contrôle [dix écrans et trois contrôleurs en uniforme]. Sa mission sera de démanteler la centrale, supprimer cinq-centsoixante-six barres de combustibles engoncées dans la cuve de refroidissement. En déviant les globes oculaires, ce que l’on voit, c’est un bras retirant le combustible des assemblages de barres. En simulation. À distance. Vision intacte. Propriété.
---------------------/ Les mots ont la vie longue dit-il, écumant son doute sous des rayons de nucléons. Rentré chez lui, l’homme sermonne son double. Crise de panique dans le câble son, audio dévoré par des rotors d’hélicoptère. La lettre équivalente se délite en lui. L’usine se plie, dessous. Si on reprend les sondes robotiques, qu’apprendon ? Que les faces cachées du problème se fissurent.