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HORS COLLECTION
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Fiasco de COMBOR
Format 14 par 21 cm Pages 180 Reliure : Dos carré collé cousu
ISBN : 9782917486788 Prix : 15 € / CHF.- 20 Parution : decembre 2021 Rayon : Littérature
Fiasco, ou la bonne fortune qui peut faire mal, à soi ou aux autres. Il y avait un défaut, dans le Pinocchio bien connu de Carlo Collodi : l'être de bois, revêche et têtu, finit en gentil garçon de chair et d'os à cause d'une fée inopportune. Or, d'après une étude approfondie de l'actuel auteur dans son village aux mille facettes, il apparaît que l'aventurier est indécrottable, malgré les épreuves. D'ailleurs, il s'appelle Fiasco, d'aucuns s'y reconnaîtront. Le nez qui s'allonge aussi, c'était une blague, les enfants ! L’auteur : Extrait des chantiers navals de Saint-Nazaire, Combor, a nagé à grande vitesse vers les rives du Rhône (de la Saône?). Pourquoi ? Le port du ciré se prête bien à ce climat, voyezvous, et on est original à le revêtir. Il était bien dans ce costume, et il a joué pendant quelques années au metteuren-scène et aussi à l’animateur d’ateliers d’écriture, dans des lieux de bons et de mauvais aloi. Se faisant le chantre de la chanson réaliste, il est tombé dans la radio, comme on dit comme cela qu’on tombe dans quelque chose. Et puis, passionné de la plume, il s’est dit qu’il avait peut-être quelque chose à raconter, par ce support. Et le voici, sur les pentes de la Croix-rousse, à écouter, et à déblatérer, chameau jamais altéré, content si une de ses initiatives lui vaut une rencontre improbable.
Distribution pour la France : SERENDIP LIVRES : 10, rue Tesson 75010 Paris - contact@serendip-livres.fr Fax : 09 594 934 00 /// tél. : 01 40 38 18 14 - gencod dilicom : 3019000119404 Distribution et diffusion pour la Suisse : Éditions D'en bas - Rue des Côtes-de-Montbenon 30 1003 Lausanne Tél. +41 21 323 39 18 /// Fax. +41 21 312 32 40 - www.enbas.net
Anne-Marie Guillon est une artiste surréaliste décédée en 1992. Elle a réalisé des oeuvres à l’huile, à l’encre de Chine, des compositions en dentelle et des tableaux de coquillages. Tout comme son compagnon, elle a participé, entre autres, au Bulletin de liaison surréaliste (1970-1976).
Un carnet d’excursion
un livre de Jacques Abeille, d’Anne-Marie Guillon et Jean-Pierre Guillon
Genre / Poésie & dessins Ce livre à la fois poétique et graphique est composé d’Un carnet d’excursion qui donne son titre au livre et du Manuel du vitrier, précédé d’une présentation de Vincent Bounoure. Cet ensemble vise à faire surgir une coïncidence d’émotions et non à promouvoir une esthétique : en un mot, sceller l’amitié profonde qui liait trois amis.
Parution 2021
DECEMBRE
isbn : 978-2-911917-79-0 140 x 200 mm 46 pages 12€
Les auteurs
Un carnet d’excursion est un poème en prose que Jacques Abeille acheva au début des années 1970, accompagné de dessins à l’encre de Chine qu’Anne-Marie Guillon venait de produire à la même époque. Le manuel du vitrier est un dialogue graphique initié en 1978 par Jean-Pierre Guillon avec Jacques Abeille, qui devint un jeu entre eux – le jeu du téléphone – qui dura quelques mois : à l’envoi d’un dessin, son destinataire répondait par un autre dessin réinterprété à sa manière, cette dernière interprétation servant de support à la réponse graphique suivante et ainsi de suite : Ce dialogue est ainsi composé d’une suite de 14 dessins qui se répondent les uns les autres. ■
Jacques Abeille est un écrivain né en 1942. Influencé par le mouvement surréaliste auquel il participera dans les années 1960-1970, il est principalement connu pour le « Cycle des contrées », entamé en 1982 par Les Jardins statuaires. Au fil des années ses textes ont été publiés chez un grand nombre d’éditeurs, mais c’est Attila puis Le Tripode qui ont depuis quelques années entrepris d’éditer l’ensemble du « Cycle des contrées » dont le dernier opus, La vie de l’explorateur perdu, a paru en novembre 2020. Son oeuvre fait également l’objet d’une édition de poche chez Gallimard. Par ailleurs, sous le pseudonyme de Léo Barthe, il a également « commis » quelques livres érotiques.
Jean-Pierre Guillon est un poète et collagiste surréaliste né en 1943 à Rennes et décédé en 2012. Avec ses amis Annie Le Brun et Hervé Delabarre, il a participé aux activités du mouvement surréaliste, de 1963 à 1969. Il a participé au Bulletin de liaison surréaliste ainsi, entre autres, qu’à la revue Phases. Il est le cofondateur, en 1997, de l’Association des amis de Maurice Fourré. En 2002, il a traduit et préfacé l’essai de Gordon Onslow-Ford, Yves Tanguy et l’automatisme, aux éditions La Digitale.
Originalité du livre Ce livre est l’une des rares publications avec des dessins de Jacques Abeille. Le Manuel du vitrier est aussi le témoignage de pratiques et d’expérimentations surréalistes basées sur le jeu, témoignages éloquents d’une l’époque.
Contexte
du livre chez
Ab
irato
Un carnet d’excursion est le douzième titre de la collection d’approche poétique « Abiratures ». C’est par ailleurs le second livre que nous publions de Jacques Abeille après Brune esclave de la lenteur.
Extrait 1 Le manuel du vitrier
Extrait 2 Un carnet d’excursion
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Originalité du livre Il y a un pays
un livre de Manuel Anceau avec des dessins d’Eve Mairot
Genre / Récit littéraire Il s’agit d’un recueil de douze nouvelles qui oscillent entre rêve et réalité, dont les thèmes récurrents sont la solitude, la perte, la mise à l’écart. La plupart de ses protagonistes sont traversés par la souffrance aiguë causée par la perte d’un être cher, la solitude, l’ennui ou la fuite du temps qui passe, qui les éloignent davantage de leur bonheur perdu. Souvent le fantastique intervient auprès des personnages comme un élément salvateur qui les délivre de leur souffrance. Cette délivrance passe par la marginalité, la folie, uniques vecteurs qui permettent d’atteindre la « rive bienheureuse ». Un humour fulgurant vient souvent faire contrepoint face à la noirceur de ce qui nous est conté. ■
Parution decembre 2021 isbn : 978-2-911917-78-3
140 x 200 mm 172 pages 16€
les auteurs Manuel Anceau – Né en 1970, il vit à Paris. Il a publié Lormain en 2019 et Livaine en 2018 aux éditions Ab irato, ainsi que L’Enchantement en 1995 et Calendrier des marées, avec des collages de Pierre Rojanski, en 1996 aux éditions La Maison de verre. Il publie également dans les revues L’Echaudée et Analogon (revue surréaliste tchèque). Il a écrit de nombreux textes sur l’art brut qui ont paru dans des livres et catalogues, notamment pour la collection ABCD – Bruno Decharme et la galerie Christian Berst (Paris). Eve Mairot – Née en 1963, vit à Paris. Elle publie régulièrement ses dessins dans la revue l’Echaudée.
Oscillation entre réalité et fantastique : les contes de Manuel Anceau semblent, le plus souvent faire écho à un certain nombre de souvenirs où réel et imaginaire se répondent ; certaines nouvelles restent très ancrées dans la réalité, tandis que d’autres oscillent continuellement entre réalité et songe. Présence du fantastique : souvent le fantastique intervient auprès des personnages comme un élément salvateur qui les délivrent de leur souffrance. Le mystère : il s’instaure souvent dès les premières lignes et maintient le lecteur dans l’attente de son éclaircissement, dévoilement qui progresse lentement au fil de ruptures, de flash-back explicatifs et de parenthèses. L’humour : un humour fulgurant vient souvent faire contrepoint face à la noirceur de ce qui nous est conté. Dessins : l’ensemble de ce recueil est accompagné de six dessins dont deux en doubles pages, réalisés à la mine de plomb, au fusain et encre de Chine, et rehauts de gouache pour certains.
Résumé du livre Il y a un pays est un recueil de douze nouvelles qui sont ici résumées : Il y a un pays – Livisse est un simple d’esprit Leunuk – Trois condamnés à mort attendent de quarante-cinq ans qui fut le souffre-douleur exécution qui aura lieu le lendemain, leur jadis des gosses de son âge parmi lesquels à l’aube… le narrateur, qui entreprend ici d’écrire son Nils – Le vieux jardinier d’un domaine, âgé de histoire… celle d’un être qui par son innoquatre-vingt-deux ans, épuisé par une vie de cence et la puissance du rêve vogue vers la labeur, voit un matin sonner à sa porte le tout « rive bienheureuse ». jeune châtelain, un enfant de dix ans engoncé Irène – Un groupe d’enfants, sous la conduite autoritaire d’Irène, fillette de 10 ans, orgueilleuse et méprisante, entreprend de construire une arche dans un bois au bord d’un fleuve. L’entreprise virera au drame…
Chaîne humaine – Un marginal distribue des feuilles sur un carré de trottoir pendant plusieurs jours sous l’oeil dubitatif d’une poignée de vieux habitués du bar d’en face. Un jour, il entre dans le bar et tous finissent par comprendre que sa présence au moment du drame qui vient tout juste de frapper le patron du café, n’est pas un hasard… Le télescope – Un observatoire en Himalaya, la veille d’une tempête de neige, attend depuis des mois son nouveau télescope. Si la tempête durait, les vivres pourraient venir à manquer, d’autant qu’Ivéna, la jeune chienne du savant Xof mange pour trois, au grand désespoir de Nasco, l’intendant, qui aimerait bien s’en débarrasser. Ivéna est retrouvée un jour enchaînée dans un placard. Libérée plusieurs jours plus tard, elle prend peur lors d’une promenade avec son maître, à l’approche de l’intendant et prend la fuite…
dans son costume, pour lui demander de lui apprendre à reconnaître les champignons…
La conférence – Un jeune conférencier en biologie moléculaire, victime de l’ambition du directeur du Centre, après avoir raté sa conférence, retourne la situation à son avantage en captivant l’auditoire d’une façon inattendue… Comme une berceuse – Un homme au soir de sa vie revient sur l’absurdité de l’existence, sur le tendre souvenir de sa mère et sur le sentiment qu’il n’est peut-être pas étranger au fait qu’elle soit passée à côté de sa propre vie à elle… Croire aux fées – Un jeune homme de dixsept ans, le plus âgé d’une fratrie de cinq enfants est déçu, à la surprise de tous, par la supercherie de sa plus jeune soeur de quatre ans qui, prétendant voir des fées régulièrement, s’est révélée dotée d’un talent certain pour les dessiner…
Résumé (suite) Yvonne – Un vieil homme revient sur le jeune écolier qu’il fut et sur ses premiers émois pour une camarade d’école, Yvonne : un amour absolu entre songe, réalité et regret de n’avoir pu éviter un drame… Nous y sommes – Une femme et son fils de six ans viennent tout juste d’emménager dans un quartier miséreux d’une nouvelle ville, soucieuse quant à elle de fuir un passé encombrant. Elle vient de retrouver un travail et, rattrapée par son passé, elle est mise à pied. Contrainte de revenir à son ancienne vie, elle confie son fils à une famille d’adoption. Ces
deux-là, mère et fils, se retrouveront bien plus tard… Lécureuil – Yvan, un marginal de soixante ans, vieux célibataire rebaptisé Lécureuil, prend le chemin du bois de Lardes, avec la ferme décision de quitter ce petit pays une bonne fois pour toutes. Depuis toujours, il ne fait qu’un seul rêve : enlacer tendrement une femme. Au hasard de sa promenade, il découvre une cavité au pied d’un rocher qui lui permet de résoudre une énigme vieille d’un demi-siècle…
Contexte du livre chez Ab irato Il y a un pays est le neuvième récit que nous publions après : • Nuit polaire de Balthazar Kaplan, • Lormain de Manuel Anceau, • Livaine de Manuel Anceau, • Gumri, Arménie, si loin du ciel… de Jean-Luc et Vardhui Sahagian, • Le passé du futur est toujours présent d’Alain Joubert, • Carnets oubliés d’un voyage dans le temps – Albanie 1987 de Georges-Henri Morin, • Hommage à l’Amiral Leblanc de Guy Cabanel, • D’un séjour en Palestine - Itinéraire d’Houilles à Tulkarem de Jimmy Gladiator.
Extrait 1 Livisse donc. Il fut, je ne le nie pas, ce bout de bois qu’on s’est lancé une paire de fois – avant de cesser tout à fait ce petit jeu ; voici pourquoi : un jour que, par caprice, nous le jetâmes dans l’eau du canal, il a si bien commencé à osciller, comme un pendule, qu’on est allé illico lui saisir les épaules, pour le ramener sur la rive, où notre infortuné camarade a bien dû expulser un demi-litre d’eau jaune. Et c’est ainsi qu’on a pris un peu peur, et que Livisse n’a plus été un bâton : voilà un aveu émouvant ; mais fait peut-être (par le récit circonstancié d’une « grosse bêtise », mise sur le compte du jeune âge) dans le seul but de ne pas évoquer de bien plus redoutables humiliations – que nous n’avouerons jamais, si tant est que le souvenir nous en soit resté ; comme on oublie vite, n’est-ce pas, ce qui vous couvre de boue ! Il a réellement été ce bâton ; et aussi une toupie, et cette écorce sur quoi il n’est personne qui ne se soit privé un moment ou un autre de graver des mots salaces, quand ce ne furent pas, par ironie méchante, de petits cœurs roses ? Ici chacun, tôt ou tard, finira par vous le dire, à voix basse : mais ce sera pour mieux vous jeter du sable dans les yeux. Et, comme maman berce bébé, on vous racontera que, tout ça, c’est du passé, que les griffures sont cicatrisées, et que tout le pays roucoule après Livisse, qui est du reste là-bas, assis sur son banc, à l’ombre du tilleul, à sourire, comme d’habitude, de toutes ses dents pourries – sans qu’on puisse savoir pourquoi. Quel soldeur. Quel escroc à la petite semaine a pu brader ainsi la chair d’un être humain nous exclamons-nous depuis des années, nous qui, parce qu’on n’a jamais pu entendre sortir de cette gorge aussi étranglée qu’un soufflet de forge miniature d’autres syllabes que de passablement énigmatiques « hrr ! » et autres « rrhou ! », sans parler de ce fameux regard qui ne vous regarde pas en face mais presque toujours dirait-on par-dessus votre épaule – ne pouvons pas trouver à la naissance de Livisse une seule raison naturelle. Nécessairement, articulet-on entre deux bouchées de pâté à la viande. Nécessairement des fées se sont mises en rond dans le pré du père Lutrin (le père supposé de Livisse), et après une nuit longue de plusieurs siècles, à l’échelle des fées s’entend, qui vivent un siècle en une seule de nos heures, l’une d’elles, épuisée, a fini par toucher une pousse d’ortie, pour la bénir ; pensant qu’il s’agissait d’une graine d’homme. Et voilà où cette méprise nous a tous menés. Maintenant l’ortie a quarante-cinq ans, et elle est si bien d’ici, si bien née de notre sol que, tout à l’heure, un sort cruel l’arracherait à nous, qu’aussitôt on verrait nos talus prier, et les chemins s’étendre, de tout leur long, dans la boue jaune, pour sangloter. (Il y a un pays)
Extrait 2 Chanter était pour ma mère plus qu’un passe-temps ; c’était une vie qui aurait pu se passer loin des lessives, et des repas devant la télé ; une route empruntée par temps clair, sous le soleil des tournées, fleurie de bouquets jetés par des bras palpitants. Peut-être cette vocation empêchée de cantatrice n’a-t-elle jamais été qu’une poussière, qui ne méritait qu’à retourner sous l’armoire de la chambre ; mais qu’est-ce qu’on peut y faire, si dans ce monde une seule poussière peut obscurcir tout l’horizon ? Lessives sans fin, et marmite à remplir tous les soirs et, tous les soirs, un pénis de porc dans son joli ventre doux : voilà ce qu’a été la vie de ma mère. Les vendredis soir où nous arrivions à la maison de campagne, je dormais profondément sur la banquette arrière de la voiture ; maman me soulevait, je crois qu’elle savait que je ne dormais qu’en apparence. Et puis c’était le baiser du soir comme un sceau de cire sur tout ce que la vie sait de nous et qu’elle ne dira pas. (Comme une berceuse)
Extrait 3 --– Il faut que vous m’appreniez à reconnaître les champignons. Ni bonjour ni merde ; et la formule de politesse, on oublie. La petite canaille ; elle a du cran, je ne dis pas ; mais aussi bien (je ne prétends pas en avoir été surpris) le ton arrogant propre aux Lorfrai, qui est comme une troisième main, avec quoi, l’air de rien, ils vous balancent une gifle sur tout le corps. Il s’agissait donc de ça : si ce petit corsaire a bravé la tempête c’était pour me demander de lui apprendre « à reconnaître les champignons » ! Par moments, la vie d’un homme ordinaire (pour les autres, les saints et les génies – je ne sais pas ; je ne peux pas dire) ressemble à une fondue au fromage, où tout (logique, rêve, bonheur, tristesse) se confond ; allez vous y retrouver : ce bout de pain, qui ressemble à un cocon, ressemble si bien à cet autre cocon caoutchouteux – que vous ne savez plus ; est-ce un rêve que j’ai mis à tremper dans le fromage ; un rêve ou la réalité ; ou est-ce le rêve de l’autre, ou la réalité de l’autre, en l’espèce ce petit convive, avec qui je n’aurais certes pas imaginé un jour converser de façon quelconque ? Les champignons, ai-je répondu (je ne pouvais pas l’envoyer bouler – je n’en avais peut-être, du reste, pas tellement l’envie) ; oui j’connais bien les champignons ; pourquoi voulez-vous les connaître ? Et c’est là que, d’un ton qui, perdant assez vite de son arrogance, a fini par aboutir à la diction, irritante, mais un peu plus respectueuse (tout est relatif) d’un instituteur (alors même qu’il s’était lui-même présenté comme un futur élève !), le petit morveux a troussé une histoire plutôt confuse, qui n’était pas à moitié vraie (c’est ce que j’ai supposé – et j’avais sacrément raison) mais où perçait une pensée assez malicieuse, pour faire plus que m’intriguer. Il me sem-
blait qu’enfin j’allais pouvoir m’amuser, et pas qu’un peu, à me frotter le cul par terre, voilà ce qui m’est venu un peu plus tard à l’esprit, quand, juché sur mon vélomoteur, avec, derrière moi, à la place des sacoches, un Nils Lorfrai coiffé d’une de mes casquettes mais, surtout, vous voyez d’ici le tableau, revêtu de mon paletot le moins présentable (si tant est qu’un seul le soit !) – je me fis l’effet de transporter un épouvantail d’un nouveau genre. Question cependant d’élémentaire prudence (tout Lorfrai qu’il était, pensez bien que je ne permis pas à Nils de me désobéir, et qu’il aura revêtu sans broncher ce qui n’était pas, c’est vrai, un déguisement d’une ingéniosité formidable mais, avec les moyens du bord, comment beaucoup mieux faire que cet accoutrement ?) ; enfin, arrivé à la lisière du bois des Frettes j’arrêtai le vélomoteur. Le bon endroit m’étais-je dit ; que dis-je ! Le meilleur coin pour apprendre : estrade moussue ; tableau noir raviné par les dernières pluies de septembre ; craies vert foncé des résineux, jaune-orange des feuillus. Et l’élève n’a pas tardé à poser des questions, beaucoup de questions, tout en semblant, de songeur qu’il était, de plus en plus nerveux, une nervosité qu’à tort je mis sur le compte du temps qui passait. (Nils)
Extrait 4 Ils ont fini par se régaler du poulet au paprika ; même le grand a semblé apprécier (non qu’il eût montré la plus petite satisfaction – mais de dire, à la cantonade, même avec la voix d’un androïde : « y en a encore ? » a suffi aux autres, et en premier lieu à la cuisinière, assez fière de son plat, pour comprendre qu’il n’avait pas été sans apprécier la sauce rouge, et légèrement acidulée) ; puis, au salon, la télévision a ronflé, et, comme d’habitude, c’est Liviane qui aura choisi la chaîne. Liviane la troisième par ordre d’apparition (on dirait, à y penser, le générique d’un film) mais en fait le pivot de la tribu, et la préférée de tout le monde. Non tant parce qu’elle est belle, qu’à treize ans et demi, on dirait déjà une poupée pour adultes. Mais, on pourrait presque dire, en dépit qu’elle le soit, tant cette beauté, un peu trop salée pour une fille de son âge, c’est comme si elle s’excusait de l’avoir – et qu’elle avait décidé pour le restant de ses jours d’être l’incarnation de la bonté même ; rien de la peste qu’on aurait assez facilement supposée. Ici, dans l’appartement de la rue Niel, c’est peu dire qu’elle rayonne de bonté ; maligne, bien sûr, et assez faussement câline, surtout avec son père, pour ne pas savoir, à l’occasion, comme dans le choix délicat du programme télévisé du soir, piloter tout ce beau monde comme on piloterait un petit avion : mais au final chacun (et d’abord son père et sa mère) lui sait gré de tenir, à l’occasion, le manche – et surtout de ne pas le lâcher pour un oui ou un non (pas le genre à faire un caprice d’adolescente). Les mots gentils, les attentions, les : « alors, ça s’est bien passé ? » – c’est elle. Jamais la mère. Les frères n’en parlons pas, avec un Lambout aimable comme un timbre fiscal, et Ivriss, le deuxième sur la liste, dont, comme pour une pâte dentifrice, vous devez littéralement presser le ventre si vous voulez qu’il commence à s’animer (« il ne lèverait pas son cul, même s’il avait le feu de l’enfer aux fesses » – ainsi assène, à qui veut l’entendre, et même à ceux qui ne veulent pas, sa mère), on ne peut pas compter avoir beaucoup plus que des hochements de tête, de ceux qui veulent dire : au fait, tu es là, toi aussi ; eh bien ? Quant aux deux dernières, fillettes de
huit et quatre ans, elles sont, comme on dit, « gentilles », mais c’est là, je crois, une caractéristique assez commune, bien qu’indéfinissable, ce pourquoi il n’y a pas meilleur qualificatif pour se débarrasser du sujet – et passer à autre chose. Quand même la dernière boude un peu trop souvent (à quatre ans et demi précisément, c’est presque un métier !) pour ne pas attirer sur sa petite tête brune, malgré sa bouille, et ses mots d’enfant que sa mère aime un peu trop répéter… quand elle n’en invente pas (le boucher, la bouchère, le facteur : chacun en connaît au moins une dizaine), quelques regards et soupirs agacés. (Croire aux fées)