Atlas des plantes de mauvaise vie Un herbier de l’infraordinaire
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En arpentant les rues de Bruxelles, du centre-ville à ses périphéries, plus de 26 plantes communes peuvent être dénotées. Ces adventices, ces plantes qui n’ont pas été semées par l’homme, font partie de nos quotidiens, de nos paysages, et de nos histoires. Pour chacune, une dizaine de noms vernaculaires sont à dénoter dans les divers idiomes savants et dialectes francophones. En explorant ces noms, leurs évocations, mais également en creusant dans les herbiers, les encyclopédies et les guides botaniques, une multitude de mondes et d’imaginaires émergent de ces plantes qui nous côtoient depuis bien longtemps. Dans cet Atlas des plantes de mauvaise vie, la botanique et l’ethnologie se rencontre et se complètent. Au final, en nous ouvrant à l’infraordinaire, à ce qui semble banal et à nos pieds, nous en apprenons autant sur ces végétaux que sur les humains qui inlassablement ne cessent de discourir et d’interagir avec ces dernières. En effet, y auraitil un lien entre le pissenlit et ses attributs diurétiques ? Et que dire du grand chélidoine, aussi appelé le « lait du démon » ? Découvrez-le dans cet atlas richement illustré.
Hélice Hélas Editeur
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Ni botanistes, ni ethnologues, mais détenteurs d’un doctorat en curiosité et une distinction honoris causa à l’université de la patience. Olivia Molnàr est grande prêtresse des ciseaux et détentrice de la magnificente loupe d’illustratrice de cet ouvrage. Aldwin Raoul, arpenteur de grimoire et d’herbier et soufflepoussière décrit .
Collection : Ellipse et laps
Genre : Atlas botanique
Sujets abordés : Ecologie urbaine ; Folklore ; Magie et grimoires
Format 19x30 cm, 62 pages
ISBN 978-2-940700-26-4
CHF 28 / EUR 22
Parution : Avril 2023, Suisse, France et Belgique.
Le Lierre (Hedera helix)
Noms vernaculaires : Lierre grimpant, Lierre d’Europe, Lierre en arbre, Hierre, Lyerre de muraille, Lierre arborée, Drienne, Rondelette, Bourreau-des-arbres, Herbe de Bacchus, Herbe aux cors, Lierre des poètes, Rampante (Rampe en wallon).
Lierre d’Europe : C’est une liane. La plupart des autres lianes vivent plutôt en milieu tropical. Mais en Europe du nord, il n’a pas toujours fait aussi froid en hiver. A l’ère tertiaire, époque où le Lierre est apparu, l’Europe s’épanouissait sous un climat tropical. Il fleurissait alors à l’automne, une période plus clémente et adaptée. Habitude qu’il a semble-t-il gardée jusqu’à aujourd’hui. Ses fleurs sont une des dernières à offrir pitance aux insectes avant le grand froid. Et pour les oiseaux qui ne migrent pas jusqu’en Afrique et doivent endurer les rigueurs du long hiver nord-européen, ses fruits tardifs, qui arrivent à maturité en février, sont une aubaine. Mais si les piafs mangent gratis en période de vache maigre ce n’est pas pour leurs beaux yeux, ça fait partie du plan secret du Lierre. Car si les baies sont nourrissantes, la chair est quand même un minimum toxique, histoire que les graines ne soient pas totalement digérées mais nettoyées de la peau et de la pulpe protectrice par les sucs digestifs, ce qui augmente considérablement leur taux de germination. Quelques minutes après l’ingestion, le volatile défèquera et la graine ira rejoindre la terre promise. C’est une relation mutualiste, gagnant-gagnant pour la plante et pour l’oiseau, même si ce dernier aura les tripes un peu secouées pendant qu’il remplit sa part du contrat.
Lierre grimpant : Anciennement dénommé Hierre le mot a fini par s’agglutiner avec l’article défini « le/l’ » pour donner Lierre. Hierre dérivait d’ailleurs probablement du latin haereo « être attaché, fixé, accroché ». Mais la vie du Lierre est plus alambiquée qu’il ne veut d’abord nous faire croire : il rampe dans les sous-bois dans sa forme moquette impératrice, il engloutit goulument les arbres morts, il joue au reptile discret sur les vieilles palissades dans les centre-villes bétonnés… Voilà son histoire : dans sa prime jeunesse, les pousses du Lierre vont ramper, à la recherche d’une place à l’ombre. Flagrant délit adolescent de skototropisme (littéralement « être attiré par l’ombre »). Car s’il y a une ombre c’est qu’il y a un objet projetant une ombre, c’est donc le présage d’un support à escalader. Une fois qu’il a trouvé la source de l’ombre (arbre, murs, etc.), le Lierre s’agrippe et s’élance à la conquête du ciel, en utilisant des sortes de racines à crampons et assure définitivement sa prise en se gluant au support. En grimpant il va capter de plus en plus de lumière et va pouvoir amorcer sa transition vers l’âge adulte : ses feuilles se transforment, elles perdent leur côté lobé et s’allongent en fer de lance . Haut-perché, notre liane peut enfin fleurir et donner des fruits.
Bourreau-des-arbres : « Une amitié molle et indiscrète, en laquelle il advient ce qui se voit du Lierre, qu’il corrompt et ruine la paroi qu’il accole », voici la description métaphorique dénigrante que lui fait endurer Montaigne en parlant de son superbe développement. C’est pire si l’on remonte jusqu’à Pline, au Ier siècle de notre ère, qui lui n’y va pas par quatre chemins : « le lierre est nocif pour les plantes et les arbres. » Encore aujourd’hui le Lierre est accusé d’être un mangeur-de-pierre, un étouffe-sylvestre et il ne connait que trop bien les massacres à la tronçonneuse. Néanmoins si, c’est vrai, il a tendance à jouer l’indiscret morbide en soulevant les pierres tombales des cimetières mal entretenus, il n’abime des maisons que les murs en mauvais état et, malgré les idées reçus, va jusqu’à solidifier la structure du bâti et protéger celui-ci des intempéries. Pour ce qui est de sa relation avec les arbres, il y a débat. Il est accusé d’étouffer son arbre porteur comme un vulgaire parasite étrangleur, mais la réalité est bien plus complexe. Le Lierre n’influe pas directement sur la croissance des arbres qu’il a choisi, ni en bien ni en mal. Il peut même être l’hôte de petites bestioles qui seront utiles à l’arbre pour se protéger de peste plus grande. En perdant ses feuilles, il offre une litière riche à son hôte. Par contre, si le Lierre atteint le sommet de l’arbre, il va se développer à la manière d’un parasol sans-gène et rentrer en compétition avec l’arbre pour la lumière. A ce combat c’est le Lierre qui va gagner et mener son hôte à sa perte, mais cette bataille ne semble se dérouler qu’avec des arbres déjà affaiblis et défoliés.
Herbe de Bacchus : Bacchus (Dyonisos chez les Grecs) connu notamment pour ses ivresses, portait toujours avec lui une branche de Lierre parfois entremêlé avec de la vigne. Une croyance alors répandue voulait que le Lierre neutralise la vigne, qu’il protège des dérapages éthyliques. Est-ce pour cela que les débits de boissons d’un autre âge accrochaient à leur devanture un rameau ou une couronne de Lierre ? Plutarque dit de Bacchus que s’il a eu la bonne idée d’inventer le vin, il a été inspiré de lui adjoindre le Lierre « pour moins souffrir des effets du vin, la fraicheur du lierre éteignant le feu de l’ivresse. » Mais une ambigüité demeure, le Lierre est-il un remède anti-gueule de bois ou un talisman contre les ivrognes trop imbibés ?
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