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Études
from Histoires, ou Contes du temps passé, Charles Perrault - Mémoire de master de Marie-Sophie Bercegeay
Études
Il est très heureux au collège, toujours dans les premiers de classe. Il commence très tôt à écrire : « J’aimais mieux faire des vers que de la prose, et les faisois quelquefois si bons que mes régens me demandoient souvent qui les avoient faits » 148. Dans le collège où ses frères firent également leur éducation, il reçoit peu de punitions. Cet enfant sage répète tous les soirs ses leçons, en latin, à son père, qui se préoccupe grandement de l’éducation de ses fils.
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Charles se révèle très doué en philosophie. Son excellente mémoire auditive lui permet de débattre avec force arguments en classe. Son professeur décide même de lui faire réaliser une thèse. Il se heurte néanmoins au refus des parents, au vu de la dépense que cela occasionnerait. Très déçu, il empêche le jeune homme de prendre la parole en cours, ce qui provoque son départ immédiat.
« J’eus la hardiesse de lui dire que mes argumens étoient meilleurs que ceux des Hibernois, parce qu’ils étoient neufs et que les leurs étoient vieux et tout usés. J’ajoutai que je ne lui ferois point d’excuses de parler ainsi, parce que je ne sçavois que ce qu’il m’avoit montré. Il m’ordonna une seconde fois de me taire, sur quoi je lui dis, en me levant, que puisqu’il ne me faisoit plus dire ma leçon tous les jours, comme les autres écoliers, et c’est un grand abus de les en avoit dispensés, qu’on ne disputoit plus contre moi, et qu’il m’étoit défendu de disputer contre les autres, je n’avois plus que faire de venir en classe. En disant cela, je lui fis la révérence et à tous les écoliers et sortis de la classe. » 149
À la suite de ce coup d’éclat, Charles étudie à la maison. Cet arrangement est accepté par ses parents, très compréhensifs. Il est suivi dans son départ par un camarade, Beaurain, avec qui il étudie dans la maison parentale pendant trois ou quatre années. Les deux étudiants autodidactes s’organisaient de la manière suivante : de huit à onze heures, puis de quinze à dix-sept heures, ils lisaient La Bible, les œuvres de Tertullien, L’Histoire de France, ainsi que les classiques (Horace, Virgile, Tacite, etc.). Le temps restant servait à de longues promenades l’été, ou à la lecture. Leur méthode de travail consistait à lire des chapitres, d’en écrire les sommaires en latin, et d’en extraire les citations intéressantes. Très rapidement se mettent en place des entreprises de traduction, dont De l’Habillement de Tertullien, mais surtout du sixième livre de l’Énéide en vers burlesques, à laquelle participent Nicolas et Claude Perrault, respectivement docteur de la Sorbonne et médecin ainsi qu’architecte. La famille écrit ensuite les Murs de Troyes ou de l’origine du burlesque150, dans lequel Apollon, dieu de la poésie lyrique apprend la trivialité grâce aux ouvriers du mur de Troyes, en construction. Charles cultivera ce goût pour le burlesque par la suite, et notamment dans ses contes, par le biais de l’humour.
Après ses études, il voyage jusqu’à Orléans en juillet 1651, avec deux camarades : messieurs Varet et Menjot. Par bravade, ils demandent à être reçus aussitôt par les juges. Leur monnaie sonnante et trébuchante leur ouvre les portes à vingt-deux heures. Bien que leurs réponses soient médiocres, Charles, qui apprend
148 PERRAULT, Charles, Mémoires de ma vie, suivie de Voyage à Paris (PERRAULT, Cl.), Paris, éd. H. Laurens, coll. Ecrits d’amateurs et d’artistes, 1909, p. 20. 149 Idem, p. 21. 150 PERRAULT, Charles, PERRAULT, Claude, BEAURAIN, Les murs de Troyes ou L’origine du burlesque, Tübingen, éd. G. Narr, posthume,2001, 115 p.