8 minute read
Charles : commis du surintendant
from Histoires, ou Contes du temps passé, Charles Perrault - Mémoire de master de Marie-Sophie Bercegeay
auprès de ses conquêtes amoureuses. Le différend est rapidement résolu face aux preuves avancées par Charles Perrault, et Philippe Quinault avoue la vérité aux lettrés et mondains de l’époque. Entre 1660 et 1663, il écrit une Ode sur la paix155 ainsi qu’une Ode sur le mariage du Roi156 . En 1660, il écrit également Le Miroir ou la métamorphose d’Orante157 . Le Dialogue de l’amour et de l’amitié158 est publié la même année chez Sercy. Cette dernière œuvre galante est tant appréciée qu’outre sa traduction en italien, Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Île, vicomte de Melun et de Vaux en fait faire une édition luxueuse à son intention, avant d’être banni l’année suivante par le roi.
Charles : commis du surintendant
Advertisement
Pierre Perrault décide de faire construire un corps de logis à la maison de Vichy, désormais sa propriété. Charles, qui n’est plus son commis, orchestre les travaux. Son implication éveille l’intérêt de Jean-Baptiste Colbert. Jean Chapelain, critique littéraire et académicien, l’introduit auprès du surintendant, en commandant à Charles une pièce en prose sur l’acquisition de Dunkerque. Le Discours sur l’acquisition de Dunkerque par le roi, en l’année 1663159 plaît à Colbert, qui le reçoit le 3 février de la même année et lui offre une place de commis. Cet homme qui cumule les mandats s’occupe aussi bien des Finances générales que des Postes, des Eaux et Forêts, des Mines, de la Maison du Roi, ou encore de la Marine. Il choisit Charles pour devenir son commis dans la surintendance des Bâtiments, Arts et Manufactures. Pour cela, il est chargé de finir le Louvre, de créer des bâtiments à la gloire du roi, de faire graver des médailles avec les grandes actions de ce dernier. Il doit aussi s’occuper des divertissements, des assemblées de lettrés. Charles est donc son bras droit. Il a la responsabilité du mécénat de Louis XIV, et du contrôle des œuvres artistiques et littéraires. Il occupe ce poste à partir du 15 février, avec une rémunération de cinq cents écus d’or, augmentée de cinq cents livres en 1669.
155 PERRAULT, Charles, À M. de Callières sur la négociation de la paix, ode, Paris, éd. J.-B. Coignard, 1698 (écrite en 1660). 156 PERRAULT, Charles, Ode sur la mariage du Roy, Paris, éd. Charles de Sercy, 1660. 157 PERRAULT, Charles, «Le miroir ou la métamorphose d’Orante» dans le Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, dédié à son altesse monseigneur le prince de Conti, Paris, éd.J.-B. Coignard, in-4, 1675. 158 PERRAULT, Charles, Le Dialogue de l’amour et de l’amitié,Paris, éd. Charles de Sercy, 1660. 159 PERRAULT, Charles, « Discours sur l’acquisition de Dunkerque par le roi, en l’année 1663 », dans le Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, dédié à son altesse le prince de Conti, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-4, 1675.
Charles Perrault, comme son commanditaire, souhaite construire un Paris moderne à l’image de Rome. En 1661, l’arrivée au pouvoir de Louis XIV, dit le « Roi-Soleil », se traduit par une période de grandes constructions : le nouveau Louvre, le palais de Versailles, les colonnades, etc. Secondant Colbert, Charles choisit et paye les artistes, bâtisseurs, maçons et ouvriers du château de Versailles. Il est l’intermédiaire entre le contrôleur général et les artisans. Il a une opinion sur tout, décide des décorations du château, des aménagements, des matériaux, etc. Ses compétences en architecture se reflètent d’ailleurs dans ses contes. Il n’hésite pas, pour se faire comprendre ou pour obtenir quelque chose de précis, à dessiner ce qu’il désire. En plus des travaux architecturaux, Charles compose les légendes des médailles mentionnant les hauts faits du roi, dont celle commémorant le renouvellement de l’alliance entre la France et la Suisse. Il écrit aussi la devise de Monseigneur le Dauphin, alors âgé de quatre ans qui sera gravée sur les casaques de sa garde personnelle et inscrite sur les enseignes de son régiment. Il choisit également les dessins de tapisseries ornant la chambre du roi, représentant les quatre éléments, ainsi que les quatre saisons, et accompagnées d’une devise de Perrault. Charles a en effet un don pour trouver les bonnes formulations. Il écrit dans ses Mémoires : « La vérité est que j’ai eu du talent pour faire des devises, et je crois en avoir fait moi seul pendant quinze ou seize années, autant que tous les autres ensemble »160 . Il surveille également les commandes artistiques de l’état. Concernant le champ littéraire, Charles corrige les ouvrages en vers et en prose ayant reçu le privilège royal. Il aide également à la composition d’œuvres sur les belles actions du roi. De son côté, il continue d’écrire et publie des poésies légères, galantes ou burlesques. Charles est un courtisan, et les écrits mettant le roi en scène sont nombreux : le Discours sur l’acquisition de Dunkerque par le roi161 qui lui permet d’être introduit chez Colbert ; mais aussi les Courses de têtes et de blagues faites par le Roi et par les Princes et seigneurs162 en 1670. Il contribue à l’écriture de la Harangue faite au Roy 163 par l’ecclésiastique Jacques Nicolas
Colbert de la Petite Académie dont il est l’un des premiers membres. Il est l’auteur du Siècle de Louis le grand164, point de départ d’une fameuse querelle dont nous reparlerons. Il produit également un discours en collaboration avec Paul-Bernard de Hautmont en 1691 : Au Roi, sur la prise de Mons165 , et une nouvelle Ode au
Figure 8 : Louis XIV, Médaille en argent doré, Fédération Helvétique, 1663.
160 PERRAULT, Charles, Mémoires de ma vie, suivi de Voyage à Paris (PERRAULT, Claude), Paris, éd. H. Laurens, coll. Ecrits d’amateurs et d’artistes, 1909, p. 40. 161 PERRAULT, Charles, « Discours sur l’acquisition de Dunkerque par le roi, en l’année 1663», op.cit. 162 PERRAULT, Charles, Courses de teste et de blagues faites par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l’année M.DC.LXII., Paris, éd. ImprimerieRoyale, grand in-folio, 1670. 163 COLBERT, Jacques-Nicolas, PERRAULT, Charles, Harangue fate au Roy, a Versailles le vingt et un juillet M.DC.LXXXV, par Monseigneur ... Jacques Nicolas Colbert ... . Assisté Messeigneurs les archevêques, évêques & autres députez de l’Assemblée générale tenuë à Saint-Germain en Laye, en ladite année mil six cens quatre-vingt-cinq. En prenant congé de Sa Majesté., Paris, éd. F. Léonard, in-4, 1685. 164 PERRAULT, Charles, Le Siècle de Louis le grand, poème, suivi de A monsieur de la Quintinye, sur son livre « De l’instruction des jardins fruitiers et potagers ... », Paris, éd. J.-B. Coignard,in-4, 1687. 165 HAUTMONT, Paul-Bernard, PERRAULT, Charles, Épître au roy, sur la prise de Mons, Paris, éd. Imprimerie Royale, in-4, 1691.
Figure 9 : Portrait de Charles Perrault, portrait de C. Le Brun, peinture, 1975, 29x12cm.
Roi166 , publiée chez Jean-Baptiste Coignard en 1693. Courtisan empressé, mais franc, Charles écrit donc longuement sur son souverain, mais aussi sur les autres personnages politiques, influents ou royaux en visite en France : il corrige l’Ode de Monseigneur le Dauphin sur la prise de Philisbourg167 , collabore à L’idylle à Monsieur de la Quintinye 168 (traité sur l’agriculture fruitière), à A Monsieur de Callières sur la négociation de la paix169 et à l’Ode pour le Roi de Suède170 . Charles apprécie le genre du burlesque qu’il pratique avec aisance dans Les Murs de Troye, ou l’origine du burlesque171 ainsi que Le Parnasse poussé à bout172 réponse allégorique de Perrault à Philippe Quinault en 1668 mais publié six ans plus tard. La même année, il écrit La Peinture173. Ce poème décrit et encense l’esthétique picturale de Charles Le Brun. Pour le remercier, celui-ci réalise le portrait de l’académicien. À nouveau, Charles publie un Poème à la louange de Monsieur Le Brun174 . Après sa période comique suivent des publications plus sérieuses et proches de la religion, dont l’ode composée à l’occasion de la révocation de l’Édit de Nantes : Aux nouveaux convertis175 ; un poème dédié à Bossuet : Saint Paulin, évêque de Nôle176 ainsi que l’Épître chrétienne sur la pénitence177 . Toujours en 1686, il compose Le Génie178 qui paraît chez Jean-Baptiste Coignard deux ans plus tard.
Outre le Parallèle179 dont nous parlerons dans la partie suivante et ses Contes180, l’une de ses œuvres majeures est le recueil à visée encyclopédique des
166 PERRAULT, Charles, Ode. Au roy. Par M. Perrault de l’Académie françoise., Paris, éd. Vve. J.-B. Coignard et J.-B. Coignard, in-4, 1693. 167 JOUVANCY, Joseph de, BUFFIER, Claude (trad.), PERRAULT, Charles, A Monseigneur le Dauphin après la prise de Philisbourg, Paris, éd. G. Martin, in-4, 1688. 168 LA QUINTINIE, Jean de, PERRAULT, Charles, Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, avec un traîté des oranges & des réfléxions sur l’agriculture. Par Mr de La Quintinye, Directeur des jardins fruitiers et potagers du Roy. Nouvelle edition revue et corrigée. Augmentée d’une Instruction pour la culture des fleurs, Paris, Rouen, éd. Compagnie des libraires, in-4, 1715. 169 PERRAULT, Charles, A Monsieur de Callières sur la négociation de la paix, ode, Paris, éd. J.-B. Coignard, in4, 1698.
170 PERRAULT, Charles, Pour le roi de Suède, ode, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-4, 1702. 171 PERRAULT, Charles, Les murs de Troyes, ou l’origine du burlesque, Paris, éd. L. Chamhoudry, in-4, 1653. 172 PERRAULT, Charles, QUINAULT, Pascal, «Le Parnasse poussé à bout», dans Deux poëmes à la loüange du roy, avec la traduction en vers latins, Paris, éd. J. Chardon, in-12, 1674. 173 PERRAULT, Charles, La Peinture, poëme, Paris, éd. F. Léonard, in-folio, 1668. 174 PERRAULT, Charles, Poëme à la louange de Monsieur Le Brun, Paris, 1681. 175 PERRAULT, Charles, Aux nouveaux convertis, ode, Paris, éd. J.-B. Coignard,in-8, 1686. 176 PERRAULT, Charles, Saint Paulin, evesque de Nole, avec une Epistre chrestienne sur la penitence, et une Ode aux nouveaux convertis, Par Mr. Perrault de l’Academie françoise, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-8, 1686. 177 Idem.
178 PERRAULT, Charles, Le Genie. Epistre à Monsieur de Fontenelle, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-8, 1688. 179 PERRAULT, Charles, Parallele des Anciens et des Modernes, en ce qui regarde les arts et les sciences. Dialogues. Avec le poëme du Siècle de Louis le Grand et une Epistre en vers sur le Genie, Paris, éd. J.-B. Coignard, in12, 1688.
180 PERRAULT, Charles, Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités, Paris, éd. C. Barbin, 1697, cf. annexe 1.