Les corpographies, créatrices d'ambiances urbaines

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LES CORPOGRAPHIES Créatrices d’ambiances urbaines



LES CORPOGRAPHIES Créatrices d’ambiances urbaines

MOZZICONACCI Pauline

Mémoire de fin d’études ENSA Marseille Suivi par Mme Arlette Hérat Mai 2015



«On ne saurait nier que l’errance nous a toujours exaltés. Nous y voyons un moyen d’échapper à l’histoire, à l’oppression, à la loi, aux tracasseries... la liberté absolue» - Chris Mc Candless



PREAMBULE



Chaque ville est à la fois semblable et différente. Le piéton dans la ville s’interroge très souvent, consciemment ou non, sur son agencement, l’emplacement des bâtiments, leurs fonctions, leur interdépendance, leurs rôles dans la dynamique de la ville. Mais on oublie souvent de réfléchir à la relation entre l’individu piéton, corps dynamique, et l’espace urbain, statique, presque immuable, pour que vive la ville. Lors d’un voyage en Angleterre, plus précisément à Londres, ce questionnement s’est imposé à moi. Spontanément, dans cette ville, je me sentais bien. Quelle en était l’origine ? L’ailleurs, l’organisation de l’espace urbain ou l’ambiance ? L’ambiance assurément. Le va et vient des corps, le comportement des citadins, l’équilibre des constructions, la présence de nombreux squares et parcs, tout ceci a conditionné l’appréciation que j’ai pu avoir de la capitale. C’est ce sentiment qui a transcendé ma notion d’espace urbain jusque là mal considéré, et que j’ai désiré approfondir à l’occasiont de ce mémoire. Les questions du piéton en ville et de son implication dans cette ambiance particulièrement difficile à caractériser, me semblait être un problématique intéressante à développer. J’étais alors persuadée que ma pratique urbaine en serait totalement modifiée ainsi que ma capacité à penser l’espace urbain en tant que future architecte mais également en tant que simple citadine. Dès le début de mes recherches, la notion de « corpographies urbaines » m’est apparue comme une évidence. Il me fallait alors décrypter en profondeur ce terme nouveau pour ainsi mieux appréhender la complicité possible entre le corps et l’urbain. Comment est-il possible que l’espace urbain, par définition inerte, puisse être le lieu de tant d’échanges et de sociabilité ? Comment le piéton donne-t-il vie à ce lieu ? Quels impacts ont ces ambiances sur la perception de la ville ? 9


Quels sont les différents moyens de pratiquer la ville ? Sans prétendre affirmer de théorie particulière, ce rapport de fin d’étude tente d’apporter de nouvelles pistes de réflexion sur ces problématiques. Même si l’expérience corporelle décrite ci-après ne saurait se réduire à une image figée, l’utilisation d’iconographies est malgré tout nécessaire pour mieux comprendre et appréhender les pratiques et les ambiances.

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SOMMAIRE



PREAMBULE

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION

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LES CORPOGRAPHIES URBAINES : ENTRE ESPACE PERÇU ET VECU 19 Aux origines du terme «Corpographie» 21 Les corpographies urbaines à l’heure actuelle 31 Le rapport des corpographies avec le cadre environnant 37

LES CORPOGRAPHIES URBAINES : CREATRICES D’AMBIANCES

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Définition d’une notion abstraite 43 Corps et Ambiances : entre espace perçu et espace conçu 53

L’OBSERVATION IN SITU : UN MOYEN D’EXPERIMENTATION

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Le Vieux-Port, lieu emblématique de la ville 61 Une triple observation, pour une analyse minutieuse 67 Le Vieux-Port, théâtre des ambiances urbaines 71 CONCLUSION

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE RAISONNEE

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TABLE DES ANNEXES

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INTRODUCTION



En ce début du XXI siècle, l’espace public, lieu caractéristique de l’espace urbain, peut être défini comme un espace commun où la pratique sociale entre les citadins est rendue possible. Point de rencontre et d’échanges interpersonnels, il accueille la mise en scène de ses pratiquants. Ce terme, aujourd’hui quelque peu banalisé, a été au fil du temps, le lieu de l’expression d’une société. Identifié, à l’Antiquité, comme un espace de rassemblement incontournable, politique et économique, comme le témoignent l’Agora grecque ou le forum romain, il devient au Moyen-âge, un site d’échanges de marchandises, de débats, de critique et de protestation. Au cours de l’époque baroque et de celle de la Renaissance, l’espace public se définit comme un lieu de représentation ; de pratique d’expériences artistiques et intellectuelles. Mais c’est à l’époque moderne qu’il se trouve profondément modifié par de nombreuses expérimentations et aménagements d’infrastructures, comme le révèle l’intervention parisienne active d’Haussmann entre 1852 et 1870. Bien que le terme d’« espace public » n’ait été employé pour la première fois par Jürgen Habermas dans sa thèse « L’espace public » publiée en 1960, cette notion a su développer au cours du temps, une réelle problématique urbaine de la vie quotidienne des citadins. Accessible à tous, la question de l’espace public praticable devient un véritable enjeu lors du développement urbain. Le projet des villes nouvelles françaises dans les années 70/80, y porte un intérêt particulier puisque désireux de réinsérer le marcheur par une piétonisation des centres ville qui perdure de nos jours. Le piéton reprend progressivement sa place d’acteur principal et universel dans la réflexion urbanistique, quelque peu perdue au cours du XX siècle, siècle de l’innovation technique. Il offre ainsi une nouvelle manière de voir et vivre la ville, en introduisant les notions de mobilité et de corps dans cet espace partagé. 17


Le laboratoire du CRESSON (centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain) consacre une partie de ses recherches à une approche sensible et située, de ces phénomènes kinesthésiques. On y retrouve des chercheurs et auteurs tels que Jean-Paul Thibaud, Pascal Amphoux, Gregoire Chelkoff, Rachel Thomas, Jean-François Augoyard, Paola Berenstein-Jacques…, pris en référence pour ce mémoire. Chacun, à sa manière, étudie les ambiances urbaines et les corpographies. Employé par Alain Guez en Septembre 2006 lors de la présentation du texte Eloge des errants, l’art d’habiter la ville de Paola Berenstein-Jacques , ce terme de « corpographies » exprime la capacité de cartographier l’espace urbain par le corps et le mouvement sans aucune distinction entre l’objet cartographié et sa représentation. Il constitue une « synthèse des conditions interactives qui participent à l’expérience de la ville pour chaque corps » selon Berenstein. L’objectif est alors de comprendre quel rôle cette pratique a-t-elle au sein de l’expérience sensible urbaine et quels en sont les impacts sur la ville et ses ambiances? Dans cette réflexion, nous définirons dans un premier temps la notion de « corpographie urbaine » comme un lien entre le domaine du perçu et celui du vécu, pour ensuite analyser et comprendre son rôle dans la création d’ambiances urbaines, témoins de la coprésence productive des citadins . Il conviendra, enfin de développer une expérience in situ afin de saisir plus concrètement le sujet.

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LES CORPOGRAPHIES URBAINES: ENTRE ESPACE PERÇU ET VÉCU

« Rouler, courir, marcher, flâner … la ville est le lieu de tous les croisements » - Michel Da Costa Gonçalves



AUX ORIGINES DU TERME «CORPOGRAPHIE»

Marcher. Ce verbe provenant d’une vieille expression française « aller de marche en marche » pour signifier le voyage, prend tout son sens lorsque Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire universel du XIX siècle (1873) associe l’action de se mouvoir à celle de fouler la terre à pied. Parler de la marche en ville c’est la situer au cœur d’une problématique vieille de plusieurs siècles. Elle est à l’origine de tous les modes de déplacements urbains actuels. « La ville n’existe que par les déplacements de ses habitants […] ils l’inventent la vivifiant de leur parcours » - David Le Breton1 La circulation participe à la vie de la cité. Au fil du temps, celle-ci devient soit quelque chose d’ouvert, ou, au contraire, quelque chose de sécuritaire, qui limite le corps et reflète les inégalités. Le corps peut être le vecteur de critiques envers la société. Nous allons retenir une des principales contestations urbaines qui a traversé les époques. Celle de la modernisation, de la transformation des villes en spectacle urbain au dépend de sa fonction initiale, participative. Dans son texte éloquent, Eloge des errants, Paola Berenstein-Jacques nous signifie la classification de « l’urbanisme moderne » en trois temps. Le premier est celui de la modernisation des villes de la moitié du XIX° siècle au début du XX siècle, considérée comme charnière car révolutionnaire. C’est le temps de la première révolution industrielle et 1 Anthropologue et sociologue français, il est spécialiste des représentations et des mises en jeu du corps humain qu’il a étudié en profondeur selon une quête personnelle remontant à son enfance. Dans Eloge de la marche, il définit celle- ci comme un « chemin de traverse dans le rythme effréné de nos vies »

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de la construction d’un réseau routier territorial développé. Consommation, spécialisation de l’habitat, nouveaux loisirs, contraste ville/ campagne, spectacle de la modernité, industries performantes, vitesse, et surtout efficacité sont les maîtres mots de cette époque qui accomplit les idéaux du 18°siècle. Le second, de 1910/20 à 1959, est celui des avant-gardes2 et des mouvements modernes tels que les CIAM3. En ce début de siècle, la modernité enclenchée à l’ère précédente, fascine mais inquiète car associée à la dernière Guerre Mondiale. Le progrès s’accélère tandis que s’effectue la seconde révolution industrielle associée à l’invention de l’électricité. Les villes modernes deviennent tentaculaires4. La création d’une typologie de ville fonctionnelle par la Chartes d’Athènes en 1933, radicalise et divise l’urbain en quatre « fonctions » : la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures de transport. Le troisième temps, de l’après guerre à 1970, est celui du modernisme (ou moderne tardif) qui a pour objectif principal la reconstruction. Le désir de relancer la croissance et le rêve de modernité suite à cette période de destruction massive l’emporte sur la première intention d’offrir aux populations meurtries de nouvelles ressources. Commence alors la course à la construction. On ne conçoit plus seulement des opérations d’habitation, mais bien une nouvelle ville toujours plus moderne, fonctionnelle, radicale. Cette croissance incessante creuse toujours plus les inégalités sociales non résolues. Françoise Choay assimile l’urbanisme à est un échec lorsqu’elle distingue deux types de modernes : les progressistes qui effectuent des changements radicaux dans l’espace urbain et les culturalistes plus respectueux de la collectivité et de la qualité de la ville. Comme l’historienne, de nombreux citadins se positionnent à 2 Ce terme désigne depuis le XIX siècle, les personnes qui entreprennent des actions nouvelles basées sur les idéaux de la Révolution française, afin de constituer une critique de la société civile. Exemple : mouvement Dada et les surréalistes. 3

CIAM : congrès international de l’architecture moderne

4 Signifiant un centre ancien densifié et une périphérie pauvre récemment popularisée par l’exode rural

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l’encontre des progressistes et leur spectacularisation de la ville. C’est à époque que la modernisation s’accompagne de la transformation des rues piétonnes en grandes voies de circulation. Le corps devient alors un moyen de redonner sa place à l’homme en tant qu’acteur. « La simple action de marcher dans la ville peut ainsi devenir une critique de l’urbanisme compris comme une discipline pratique d’intervention dans les villes » dit Berenstein. Il existe de nombreuses manières de parcourir la ville à pied : courir, marcher, errer, parcourir, escalader, pratiquer l’art urbain… Parmi elles, deux pratiques attirent notre attention par leur caractère contestataire : l’errance et la pratique artistique. L’errance n’est ni réfléchie ni planifiée. Par définition5, c’est l’action d’errer, de marcher longtemps sans but précis .L’errant fait l’expérience de la ville de l’intérieur pour mieux la comprendre. Cette critique de fait, dénonce la rationalité admise par les urbanistes modernes, mais également la spectacularisation des villes contemporaines. Au-delà de la marche, le parcours devient une expérience nécessitant une connaissance spatiale : raccourcis, ruses. L’histoire des errances urbaines peut se calquer selon les trois temps de la modernité. La période des flâneries, de la moitié du XIX siècle au début du XX siècle, critique la modernisation des villes. « Flâner, c’est se balader, sans hâte, en se laissant guider par le hasard des circonstances et des évènements du moment » définit l’anthropologue Nadja Monnet. La figure du flâneur, personnage popularisé par Edgar Allan Poe, Charles Baudelaire et Walter Benjamin, observe la vie citadine. Baudelaire, réel inventeur du flâneur dans Spleen de Paris ou Les Fleurs du mal, le définit comme un observateur itinérant qui contemple sans participer, comme l’héritier de l’« homme des foules » d’Edgar Allan 5

Définition Larousse

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Poe6. Walter Benjamin quant à lui, se sert des analyses de ses deux prédécesseurs et le classe parmi une « critique déconstructiviste », le définissant comme un « mythe moderne »7. Le flâneur possède cette dimension de rêve, d’innocence qui lui permet de redécouvrir perpétuellement la ville.

6 Figure anonyme au milieu de la foule, observant sans être observé, personne qui ne dort pas, qui respire et vit dans la cohue , consulté sur http://laprecaritedusage.blog. lemonde.fr/2011/07/10/le-flaneur-et-le-psychogeographe-paris-et-londres/, le 25avril 2015 7 Traduction du texte de Martina Lauster : « The Modern Language Review » dans le chapitre « Walter Benjamin’s Myth of the « Flâneur » » Vol.102, No.1 (Jan,2007) pp.139-156, published by « Modern Humanities Research Association », consulté sur http://www.jstor.org/ stable/20467157, le 25 avril 2015

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Il y a ensuite la période des déambulations aléatoires, de 1910 à 1930, s’intégrant dans celle des avant-gardes modernes. Des auteurs surréalistes, comme André Breton ont relaté cette nouvelle manière d’expérimenter la ville. Dans son récit autobiographique surréaliste Nadja, il expérimente un nouveau rapport au lieu qui ne se base pas sur le souvenir, mais sur la déambulation et la rencontre : l’inattendu. Il évoque alors le « hasard objectif » qui accompagne l’expérience de l’errance, cette croyance de la rencontre entre le désir de l’homme et les étranges coïncidences qui interagissent avec celui-ci, les signaux du réel mêlés aux forces de l’inconscient. Le troisième moment, celui des dérives, correspond principalement à la doctrine de « l’International situationniste » qui dénonce de manière radicale l’urbanisme moderne et son inflexibilité, par la dérive urbaine comprise comme une errance volontaire. Fondé en 1952, ce courant qui se place en continuité de celui des surréalistes et des dadaïstes, définit un nouveau mode de comportement expérimental qui pratique les espaces urbains de manière non hiérarchisée mais maîtrisée, une « réappropriation de l’espace urbain par l’imaginaire ». Après l’établissement de la charte d’Athènes, la dérive devient un moyen de découvrir les objets géographiques dans leur pluridimensionnalité : dimension symbolique, poétique, distances perçues, formes… et d’ainsi conduire à la conclusion que la ville moderne est ennuyeuse et banale8. Ils dénoncent un espace public urbain trop réglementé, empêchant toute émergence de conscience ou d’opinion collective, par l’aliénation du citadin qui inhibe la vie commune.

8 « Nous nous ennuyons dans la ville, il faut se fatiguer salement pour découvrir encore des mystères sur les pancartes de la voie publique, dernier état de l’humour et de la poésie » Gilles Ivain membre de « l’International situationniste », 1958 Formulaire pour un urbanisme nouveau

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À la différence de la flânerie ou de la déambulation aléatoire, la dérive établit un lien avec la cartographie, et donne lieu à la carte psychogéographique9. Ce néologisme a été introduit par Guy Debord, fondateur du mouvement. « La psychogéographie se proposerait l’étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant sur les émotions et le comportement des individus » définit Guy Debord10. Les cartes sont donc la représentation de l’expérience. Dans le milieu artistique, ces errances sont également étudiées. Les happenings, par exemple, produits par le mouvement néo-dadaïste Fluxus, proposent des expériences qui effacent toute limite entre l’art et la vie urbaine. Le but est d’intégrer le public a la performance qui devient expérimentée, vécue, et ainsi créer une nouvelle subjectivité face au modernisme. Les œuvres Free Flux Tours du courant, en 1976, à Paris, réinventent les déplacements en ville en plaçant de multiples œuvres d’art : boîtes, valises, appelés les « Fluxkits » ou « Fluxboxes », qui dirigent le parcours. Leurs idéologies se rapprochent de celle de Walter Benjamin, affirmant l’artiste dans sa modelation de l’appareil de production en fonction de son environnement. Ils ont su percevoir la menace de sublimer la misère par l’art et vont alors dénoncer à leur tour l’urbanisme moderne.

9 La plus connue est « The Naked City » réalisée par Debord sur la ville de Paris. Composée de collages et de flèches rouges, cette vue situe le parcours de la dérive reliant différents quartiers de la capitale. La carte traditionnellement connue, est ainsi détournée pour mettre en valeur la « structure déambulatoire » et ce qu’elle exprime, plutôt que la ville. On perd alors tout repère et toute notion de lieu. 10 DEBORD, Guy, « Introduction à une critique de la géographie urbaine. In Debord, Guy. Introduction à une critique de la géographie urbaine », Les lèvres nues, no 6,‎ 1955

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Le collectif Stalker, laboratoire d’art urbain, met également en œuvre des promenades et dérives à travers les « vides urbains » dans de grandes villes telles que Rennes, Milan, Berlin. À la manière de « l’International situationniste », ce mouvement établit une cartographie critique des lieux résiduels exploitables artistiquement. Afin de classifier toutes ces pratiques corporelles perçues et vécues, en une seule catégorie, Paola Berenstein-Jacques, nous affirme que le corps peut alors s’inscrire dans ce que l’on peut nommer une « corpographie ». Cette expression est employée pour la première fois par Alain Guez en Septembre 2006 lors de la présentation du texte Eloge des errants, l’art d’habiter la ville de Paola Berenstein-Jacques. Elle fait suite aux nombreuses recherches effectuées par Berenstein sur le corps dans l’espace urbain. Elle englobe toute cartographie corporelle de l’espace urbain sans aucune distinction entre l’objet cartographié de sa représentation du au caractère réciproque de la dynamique qui les crée. Elle constitue une synthèse des conditions interactives participative de l’expérience de la ville et repose sur l’hypothèse que l’expérience urbaine vécue dépend de la présence de nombreuses interactions participatives. « La corpographie serait la mémoire urbaine du corps, son mode singulier d’enregistrement de son expérience de la ville » Paola Berenstein-Jacques. On peut donc supposer que chaque corps fait l’expérience de nombre de corpographies au cours de sa vie. Suite à cette période d’urbanisme moderne radical, à partir des années 70, la majorité des actions dans l’espace urbain deviennent de moins en moins critiques et se rapprochent de plus en plus de l’art du spectacle. Cependant, ce qui rassemble encore tous ces pratiquants est le désir de comprendre la ville comme un champ de possibilités sensibles, artistiques. De nombreuses pratiques se développent alors toujours en rappel aux références modernes, mais sachant se distinguer par ce qu’elles apportent au pratiquant et à son environnement. 28


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LES CORPOGRAPHIES URBAINES A L’HEURE ACTUELLE

A sa manière, le XXI siècle accueille encore le corps comme dénonciateur, mais principalement comme représentant de loisirs et de plaisir. Avec l’émergence des mégapoles actuelles, il devient de plus en plus difficile de se laisser aller à la pratique corporelle dans l’espace urbain. Depuis internet, la connectivité est partout. L’évasion par le corps s’est transformée par une évasion de l’esprit par la technologie. Malgré tout, les corpographies urbaines sont encore pratiquées par un petit nombre. Toujours en lien avec la société dans laquelle elles s’inscrivent, les corpographies sont soumises à de nombreuses conditions pour garantir leur objectif. Les interactivités dues aux divers facteurs urbains, sont éprouvées par le corps en mouvement alors sujet à des désirs et nécessités, se créant ainsi une mémoire urbaine qui synthétise l’espace perçu par le vécu. La régularité, l’intensité de l’expérience, l’éveil des sens, la durée, la temporalité, la vitesse, le parcours, sont autant d’éléments se rapportant au mouvement qui configurent une acquisition de repères spatiaux lors de l’expérience corporelle. Comme dit précédemment, les corpographies expriment la cartographie dynamique de l’espace urbain par le mouvement. Seulement, chaque personne développe son propre mode d’acquisition des informations nécessaires à la compréhension et au ressenti des lieux. Le perçu peut donc être le même mais avec une expérience vécue différente. Concernant l’errance, trois caractéristiques récurrentes peuvent cependant être citées : « se perdre », la lenteur, et la corporéité.11

11 Michel Bernard définit la corporéité comme un « spectre sensoriel et énergétique d’intensités hétérogènes et aléatoires » in De la corporéité fictionnaire, Revue internationales de philosophie n°4, 2002

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Tandis que l’urbanisme recherche encore aujourd’hui la réglementation de l’espace et une orientation spécifiée, les errants contemporains sont en quête de désorientation : se défaire du carcan généré par l’urbanisme, par l’égarement. Ce sont des « hommes lents »12, qui prennent le temps de se perdre et apprécient au mieux la perception de la cité car allant au delà du matériel. La lenteur permet de mieux se rendre compte du lieu, de s’imprégner du perçu. La corporéité quant à elle donne lieu à un lien entre la matérialité physique du corps et celle de la ville. Elle n’est possible que si l’errant respecte les deux conditions précédentes. Le citadin, alors pris dans le « labyrinthe des villes »13, perdu entre son imaginaire et la réalité, retrouve un certain anonymat, se confondant avec l’urbain. Il se perd et disparaît sous /derrière la frénésie des villes. « Sous le désordre apparent de la vieille ville, partout où la vieille ville fonctionne avec succès, est un merveilleux ordre pour maintenir la sécurité des rues et la liberté de la ville. (...) Cet ordre est tout composé de mouvement et de changement et bien que ce soit la vie, pas l’art, nous pouvons d’une manière fantasque l’appeler forme d’art de la ville et l’assimiler à la danse - pas à une danse de précision simple avec tout le monde soulevant en même temps, tournoyant et saluant en masse, mais à un ballet complexe dans lequel les danseurs individuels et les ensembles ont tous des parties distinctes qui se renforcent miraculeusement et composent un tout ordonné. »14. Cette citation de Jane Jacobs, nous rappelle le lien ancien qui associait les corpogra12 Notion de Milton Santos pour désigner les citadins face à la voracité et à la rapidité des temps modernes 13

Expression de Régine Robin

14 Jane Jacobs traduit de l’anglais « Under the seeming disorder of the old city, wherever the old city is working successfully, is a marvelous order for maintaining the safety of the streets and the freedom of the city. (…) This order is all composed of movement and change, and although it is life, not art, we may fancifully call it the art form of the city and liken it to the dance — not to a simple-minded precision dance with everyone kicking up at the same time, twirling in unison and bowing off en masse, but to an intricate ballet in which the individual dancers and ensembles all have distinctive parts which miraculously reinforce each other and compose an orderly whole » The Death and Life of Great American Cities

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phies à la chorégraphie et nous fait ressentir la force du corps, porteur de sensations, d’émotions, mais surtout de lien social. Une unité corporelle qui donne à voir l’espace différemment, par la poésie et la beauté du mouvement : une invitation au voyage, dans son propre univers mais ainsi que celui des autres. A Marseille, la compagnie Ex nihilo15 exploite cette nouvelle vision de la ville en faisant l’expérience de la rencontre entre l’espace urbain et l’Autre : habitant, passant, ou spectateur. L’objectif est de découvrir la danse dans des lieux inhabituels qui se retrouvent eux-mêmes magnifiés par cet art. Les trajets quotidiens quant à eux, pouvant être compris également comme corpographies, s’inscrivent dans une mécanique. Ils dépendent des emplois du temps de chacun. Mais même lors d’un parcours qu’il croit bien connaître, le marcheur fait face à des différences : l’humeur, le motif de déplacement conditionnent son mouvement. Ce type d’itinéraire, souvent entre le domicile et le lieu de travail, peut alors se révéler être une déambulation plaisante où l’évasion de l’esprit est possible. Quelquefois l’enjeu peut être de parcourir le même circuit différemment chaque fois. La vision en sera changée à chaque reprise, car toute pratique entraine un nouveau regard sur ce qui nous entoure. C’est cette relation du corps avec son environnement urbain qui donne leur force et leur portée aux corpographies.

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Compagnie de danse urbaine créée en 1994


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LE RAPPORT DES CORPOGRAPHIES AVEC LE CADRE ENVIRONNANT

Selon Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, la marche peut être porteuse d’ « identité situative », dans le sens où elle facilite la capacité d’orientation et d’action du pratiquant. Se repérer dans la ville est un des premiers réflexes du citadin. Le corps doit alors trouver sa place. Il existe une inter-influence entre le corps et la ville. Celle-ci est le lieu de structuration de la société et de la réalisation du citadin, mais également le berceau d’affrontements symboliques, de revendications, et d’actions passives ou actives de ses habitants. Vécue par sa population, la ville ne peut se réduire à un simple décor, elle constitue un composant essentiel à la pratique des citadins, pouvant jusqu’à être considérée comme un « autre corps », en corrélation avec celui de l’homme. « Cette corporéité urbaine autre a des rapports affectifs et d’intensité avec la corporéité de l’errant et elle détermine ce qu’on peut appeler désormais l’incorporation» selon Berenstein. Le piéton pratique, habite, expérimente, découvre, redécouvre, comprend, mais surtout il vit la ville. Seulement, il n’est pas seul. Dans La dimension cachée, Edward T Hall traite de ce rapport entre les piétons. Il se demande comment l’homme utilise l’espace qui se place entre lui et « l’Autre », et celui qu’il construit autour de lui, subjectivement. Entre alors en compte les notions de « proxémie » , qu’il définit comme un « ensemble des observations et théories que l’Homme fait de l’espace en tant que produit culturel spécifique » et de « dimension cachée » qui correspond au territoire de tout être humain nécessaire à son équilibre. Toutes deux sont caractérisées par la distance physique entre des personnes en interaction. Marcher, éviter, contourner, esquiver, enjamber, sauter, pousser, sont autant d’actions du corps in situ qui s’effectuent en fonction de la présence et de l’action de « l’Autre ». 37


Le déplacement devient alors un langage muet qui permet la communication entre chaque pratiquant de l’espace public. Le comportement de l’homme se modifie désormais en collectivité : il doit passer de l’individuel au groupe, de l’identité personnelle à l’identité sociale collective. De nouvelles conditions doivent alors être prises en compte. La civilité notamment, constitue un facteur essentiel dans l’appréciation de la marche en ville. Bien qu’elle soit qualifiée de «tiède», la civilité se produit selon une multitude d’interactions, à travers lesquelles les individus se reconnaissent comme étrangers, amis, parents, co-présents. Selon son vécu, son expérience, sa manière d’être, soit plus généralement selon son « habitus »16, l’homme développe une matrice de perception, d’action et d’appréciation qui amène à cette composition unitaire créatrice de lien social et de partage. « L’errant à un rapport au collectif fort. Il observe la population et les bâtiments mais son point d’observation n’est pas de surplomb (il est un homme de la foule). Il entre donc dans un rapport de dialectique avec ses contemporains tantôt s’en distanciant pour prendre du recul, tantôt y fusionnant pour apprécier les « changements d’atmosphère psychiques » - Guy Debord

Le vécu éprouvé par l’individu est total lorsqu’il use de ses sens pour mieux appréhender ce qui l’entoure : des scènes, des objets. Le « sentir » s’ajoute à cette activité perceptive, phase plus sensible, affective, qui rapproche toujours plus le citadin du monde dans lequel il s’inscrit. Le « sentir » permet de faire surgir 16 L’Habitus correspond à une manière d’être, une allure générale. Popularisé en France par le sociologue Pierre Bourdieu, l’Habitus est un générateur. Il correspond au fait d’ Etre dans un monde social interprétable d’une manière propre à l’individu, mais qui peut se rapprocher de celle commune à une catégorie sociale à laquelle il appartient. L’Habitus est quelque chose de profondément ancré, incorporé qui influence tout mode de vie.

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la notion d’ambiance difficile à cerner mais également de la créer. La suite du raisonnement tentera de comprendre le rôle du processus corporel au sein des ambiances urbaines vécues et ressenties.

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LES CORPOGRAPHIES URBAINES: CREATRICES D’AMBIANCES

«La ville nous fait oublier que la terre est ronde» - Pierre Sansot



DEFINITION D’UNE NOTION ABSTRAITE

Georg Simmel17 a été un des précurseurs, dès le début du XX siècle, de la pensée de la ville selon ses ambiances. Même si le philosophe ne l’a jamais vraiment définie, il développe néanmoins un raisonnement structuré sur ce qui fait l’unité sensible d’une ville ainsi que sur les rencontres productives d’une ville et de ses habitants. Se basant sur les villes modernes du XIX siècle, il établit un lien entre ce qu’il appelle la « vie sensible urbaine » et la nouvelle perception du citadin qui en résulte. C’est à partir de cette philosophie simmelienne que nous tenterons d’analyser cette thématique abstraite que sont les ambiances urbaines. Par définition, l’ambiance urbaine est la « situation d’interaction sensible (sensorielle et signifiante) entre la réalité matérielle architecturale et urbaine, et sa représentation sociale, technique et/ ou esthétique »18. Le mot « interaction » s’emploie dans le sens où l’intérêt principal d’une ambiance est de relier et articuler des domaines habituellement disjoints. Les ambiances peuvent être assimilées à un processus dont on n’identifie ni le début ni la fin, mais dont les composants sont une multitude de facteurs sensoriels, socioculturels et physiques : lumière, son, température, odeur, toucher, qui se distinguent chacun par leur nature et leurs échelles de temps. Elles font réfléchir sur des actions en contexte, que l’on perçoit, comprend, mais que l’on explique difficilement. 17 Georg Simmel est une des figures les plus importantes de la sociologie allemande classique. Il développe la notion de « sociologie formelle » en relation au « sensible urbain ». Elle constitue une appréhension d’une réalité insaisissable car résultant d’une multitude de facteurs. Elle est donc ramenée à un modèle simple et compréhensible : celui de la « forme ». Pour lui la ville est avant tout une expérience nouvelle, corporelle et surtout sensible. 18 Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés Ed. Belin – sous la direction de Jacques Levy et Michel Lussault

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Cependant, attention aux analogies. Une ambiance est différente d’un environnement, d’un milieu ou encore d’un climat. Bien que sensiblement similaires, ces trois termes se définissent différemment. Environnement est entendu dans le sens d’un « ensemble des éléments (biotiques et abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins »19. Le terme « milieu », sémantiquement très proche, reste cependant plus utilisé en géographie. « Climat » quant à lui revoit à l’ « ensemble des conditions de vie, des circonstances qui agissent sur quelqu’un ». Ce dernier se rapproche le plus de la définition d’ambiance, tout comme « atmosphère », traduction anglaise d’ambiance. Jean-Paul Thibaud, essaie d’apporter un peu de clarté à cette notion, par l’utilisation de l’expression « Ambiance en partage ». Celle-ci évoque deux concepts : celle du partage des ambiances et celle des ambiances en partage, qui nous réinterrogent sur la coprésence et la coexistence des piétons au sein d’un même espace. Le premier évoque une « ambiance ressentie », éprouvée par les sens tandis que le second ouvre le dialogue sur « l’ambiance réfléchie » soumise à l’examen de pensée. Une ambiance est alors comprise comme un passage délicat entre l’expérience sensible et la dimension réflexive, une articulation entre deux domaines en apparence antagonistes, mais en réalité concourants. Afin de pousser jusqu’au bout son analyse, le sociologue propose six caractéristiques de l’ambiance, chacune génératrice de facteurs déterminant les conditions de la marche. « L’ambiance enveloppe » : elle privilégie le face à face avec ce que perçoit le citadin et le fait alors entrer en contact avec le cadre bâti, des qualités environnantes, des activités pratiques relatives au lieu, avec une expérience urbaine . « L’ambiance intègre » : elle prend en compte tous les signaux sensibles comme une unité, unifiant la multitude des composantes d’une situation, mobilisant alors toutes 19

Dictionnaire Larousse

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les qualités de perception du piéton. Elle peut donc être associée à un phénomène de synesthésie. « L’ambiance s’éprouve » : elle confère une tonalité émotionnelle à chaque espace perçu, colorant la vision de la scène, l’action est ressentie avant d’être réfléchie. « L’ambiance s’installe » : elle est comprise comme une « dynamique temporelle » hiérarchisée selon trois périodes, celle de son émergence, celle de son développement, et celle de son adaptation dans le temps. Chacune s’enchaine et s’articule. Le rapport au temps devient essentiel. « L’ambiance relie » : elle met en avant la valeur du partage, définissant une manière d’être ensemble dans un milieu. Elle a la capacité de réunir ou d’écarter les personnes. « L’ambiance stimule » : définie comme « sollicitation motrice », elle mobilise des facteurs qui imposent au corps de réagir, et de se mouvoir. Elle convoque une pré-réflexion au mouvement qui analyse avant d’agir. Ces six actions se déroulent simultanément afin de créer un tout, une atmosphère qui change la vision jusqu’alors admise de l’espace.

Prendre conscience de ce climat sensible aide à une meilleure appréciation du lieu, et conditionne l’imaginaire du piéton dans lequel il s’évade lors de sa déambulation. Juger un endroit agréable ou non repose sur la reconnaissance et l’estimation des ambiances présentes. L’ambiance exprime donc notre subjectivité face à la collectivité : visible en communauté mais s’exprimant individuellement.

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L’analyse de la notion d’ambiance urbaine nécessite une étude de l’expérience sensible, en relation avec des attitudes perceptives variées et multiples, mais également du modèle d’urbanité. Les ambiances peuvent prendre des formes différentes selon les villes, et c’est leur rapport à la réalité matérielle qui permet de les distinguer, et d’en définir les caractéristiques. Les ambiances questionnent les processus de spatialisation relatifs à l’expérience sensible du citadin, et du mouvement qu’il produit.

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CORPS ET AMBIANCES : ENTRE ESPACE PERÇU ET ESPACE CONÇU

« Nous sommes le corps qui rend l’ambiance existante » - Cristiane Rose Duarte Si l’on peut définir le mouvement physique comme une action, un fait corporel incontestable, il ne se confond par pour autant avec elle, mais exprime par son biais, une tonalité sensible qui donne alors une toute autre connotation au geste. La marche n’est donc pas de l’ordre de la simple fonctionnalité, ni d’une banale expressivité, mais constitue, par son interaction avec le monde, une nouvelle dimension sujette à de nombreuses interrogations : celle des ambiances urbaines. Les ambiances représentent «l’espace conçu» du piéton. Le mouvement, l’information et l’ambiance peuvent être regroupés en un tout indissociable. Les informations sont la cause et la conséquence du mouvement, par lesquelles se créent les ambiances. Cause, car toute chose perçue et éprouvée par le corps au cours de son mouvement influe sur sa pratique. Conséquence, car à chaque pas effectué par le piéton correspond un «espace conçu», une série d’informations spécifiques. Se constitue alors un raisonnement cyclique. Selon Benoit Bardy20, une analyse du couplage action-perception est nécessaire pour établir une compréhension générale des ambiances urbaines. Il explique pour cela que le mouvement structure l’espace perçu en révélant et créant des « invariants », dans son espace conçu. « Les divers styles de mouvements et les types d’ambiances se co-définissent ». Il prend la pleine mesure du déplacement en définissant des foyers qui permettent de déterminer des zones de diffusion d’informations. 20 Professeur à l’université de Montpellier, Benoit Bardy est le fondateur d’EuroMov, un centre européen de recherche scientifique sur le mouvement. Il s’intéresse aux mouvements produits au sein d’un contexte culturel et pouvant être source d’ambiances urbaines.

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Cette étude offre un cadre théorique permettant de réfléchir sur la perception dynamique du corps ainsi que son rôle au sein de la représentation sensible de la ville. La compréhension du mouvement est un moyen de relier toutes les échelles du sensible de l’espace urbain. Rachel Thomas, quant à elle, affirme que pour comprendre une ambiance urbaine, il faut adopter trois postures. La première consiste à « faire corps » avec les ambiances afin de mieux en comprendre leur impact. Ce point de vue subjectif évoque la fusion entre une notion abstraite et une concrète mais qui se rejoignent en un point essentiel : le mouvement. Les ambiances ne sauraient être réduites à une discipline exploitant des objets statiques et délimités. Elles seraient plus entendues comme l’expression de ce qui nous touche dans et par le déplacement. La seconde est celle de « prendre corps » dans les ambiances afin se questionner sur leur incarnation et leur origine. Cette position offre de nouvelles sensibilités, et procure un nouveau regard sur l’environnant. La troisième posture prévoit de « donner corps » à la vie sensible urbaine. Il s’agit de trouver les traductions de la relation complexe existant entre le corps et les ambiances. Un décryptage et une nomination de ce lien abstrait si influent dans la vie quotidienne des citadins. Chaque ambiance est unique car dépendant d’une combinaison exclusive de facteurs. Qu’elles soient individuelles ou collectives, elles représentent un but ou un aboutissement. Pour l’errant, par exemple, Guy Debord nous explique que la dérive répond à des désirs individuels d’ambiances : « chacun doit chercher ce qu’il aime, ce qui l’attire »

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Il s’agit désormais de se placer au cœur du problème. L’expérience in situ est alors indispensable à une approche concrète et précise de cette association complexe que constituent les ambiances urbaines. Le contexte étant un des facteurs essentiels aux corpographies créatrices d’ambiances, cette observation urbaine permettra de développer une analyse et un ressenti personnel du site ainsi que des ambiances présentes.

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L’OBSERVATION IN SITU:

UN MOYEN D’EXPERIMENTATION

« La ville vit au rythme de ses déplacements : elle s’agite tous les matins, se calme, se ranime, se calme de nouveau puis repart frénétiquement, pour, enfin, le soir, s’endormir, ou presque… » - Michel Da Costa Gonçalves



LE VIEUX-PORT, LIEU EMBLEMATIQUE DE LA VILLE

Centre historique et culturel antique de Marseille, le Vieux Port constituait, jusqu’au milieu du XIX siècle, le centre économique de la ville, car seule ouverture au commerce maritime. Aujourd’hui port de plaisance, il représente le principal lieu de rassemblement des marseillais amoureux de la mer et du soleil. Symbole de la cité jusque là encore mal traité, il a été l’objet d’un concours international, à l’occasion de « Marseille-Provence 2013 Capitale Européenne de la culture ». Le projet développé par l’agence Tangram architectes, le paysagiste Michel Desvigne, l’architecte Norman Foster, et la société d’ingienerie Ingerop, se divise en deux phases. La première concerne la semi-piétonisation des quais entre le Parvis de la Mairie et la Place aux huiles, la restructuration du plan d’eau, et la fermeture du bas de la Canebière à la circulation. La seconde planifie de prolonger la zone piétonne jusqu’au fort Nicolas et Saint Jean, un réaménagement du bassin de carénage, et la création d’une chaîne de parcs urbains. Pour le moment seule la première phase a été réalisée. L’une des idées directrice a été de redonner l’identité d’origine du Vieux Port : l’Agora. La gestion de la circulation devient alors le principal enjeu afin d’éviter tout stationnement aléatoire qui encombrerait la tranquvillité installée par la piétonisation de ces quais dallés pouvant accueillir nombre d’animations et d’évènements. La fluidité de déambulation ainsi permise favorise la visite de ce coin atypique mais également la fréquentation et l’animation des bars, restaurants, et autres commerces environnants, ouvrant leurs terrasses vers la mer. Le revêtement en pierre homogène de la place, matériau noble, honore l’identité portuaire du site. Néanmoins le traitement diffère selon la fonction des voies : piétonnes, voies réservées aux véhicules légers, et celles accueillant les bus ou autocars. L’absence de mobilier 61


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urbain permet d’éviter toute entrave aux déplacements des usagers et permet un retour à la linéarité originelle des quais dégagés. Rien n’obstrue la vue. Le nouvel éclairage installé participe également pleinement au projet. Simples et élancés, les lampadaires se manifestent par leurs jeux de lumière agréables et bienvenus lors de la pratique nocturne du lieu, mais s’effacent le jour, par leur faible emprise au sol, ne perturbant ainsi aucunement les activités qui se déroulent. Leur hauteur et la puissance de l’éclairage permettent de couvrir toute la surface des quais. Mais le projet ne se limite pas là. Une signature architecturale forte était désirée pour faire honneur au caractère du Vieux Port. L’ombrière de Norman Foster, aérienne et vaste, étonne par sa structure et sa matérialité réflective qui rend le passage des visiteurs interactifs. Elle devient vite un point de ralliement, un repère, un élément constitutif à part entière. A travers ce projet, « Marseille revendique et honore son histoire et sa culture portuaire »

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UNE TRIPLE OBSERVATION, POUR UNE ANALYSE MINUTIEUSE

Puisqu’une ambiance nous amène à réfléchir à un type de mouvement, une expérience, il a semblé approprié tout d’abord en tant que spectateur d’observer et analyser minutieusement la gestuelle de chaque marcheur et de comprendre en quoi celle-ci exprime une ambiance particulière, définissant la sensibilité du site. Comment le dispositif architectural ou du moins l’aménagement à première vue très simple de la place, engendre-t-il des attitudes et de pratiques propres à chacun ? Comment le mouvement corporel, gestes répétitifs, peut il créer cette ambiance urbaine constamment réinventée? L’objectif a été de diviser l’observation in situ en trois temps. Un premier que l’on peut définir comme une observation flottante. Pouvant être caractérisée de naïve, elle constitue une première approche du site, une découverte. Elle a pour visée de ne pas se focaliser sur une chose en particulier, mais rester ouverte à toute éventualité. Cette mise en retrait permet de saisir des usages insoupçonnés. Le second réside dans une observation directe. Après une première idée de l’atmosphère de la place, il devient essentiel, d’effectuer une deuxième étude plus rigoureuse, qui permet de relever des informations claires en relation avec le corpus théorique assimilé préalablement, en lien avec l’argumentaire développé. Chaque détail, chaque déplacement est noté et mis en relation avec le savoir personnel, afin de développer un raisonnement de pensée qui passe de l’écrit au réel. Une grille d’observation est alors mise en place : description physique, d’ambiances, de scènes, des sons, des odeurs, des cheminements, des personnes assises, des objets. Enfin, le dernier temps est défini comme observation participante. Elle correspond au « faire corps » de Rachel Thomas, expliqué précédemment. S’intégrer dans un mi67


lieu n’est pas chose facile. L’attitude adoptée va influer sur ce que l’on va percevoir. Il est alors indispensable de bien choisir sa place pour mieux observer, intégrer et comprendre, le mieux possible. Cette dernière enquête peut faire appel, en complément, à des entretiens. Ceux-ci, permettent ainsi d’effectuer un examen rétrospectif, amenant à une tentative de représentation schématique de l’espace et de ses ambiances. Ils donnent le point de vue des acteurs, et confrontent notre regard à leur vécu, leur expérience. Quelques principes doivent être respectés lors de ces questionnaires : des questions neutres, et une liberté totale de réponse.

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LE VIEUX-PORT, THEATRE DES AMBIANCES URBAINES

Les observations ont été partagées en deux demi-journées. La première, a été dédiée à l’observation flottante, une deuxième aux observations directe et participante. Le jeudi matin, est jour de marché au poisson. Les marseillais sont présents pour leur rendez-vous hebdomadaire. Cependant, aujourd’hui est une journée particulière : celle des grévistes. Traversant la foule, je21 trouve le point stratégique me permettant d’être la spectatrice privilégiée de ces scènes vivantes. A la fois distante mais complice, je me connecte à l’évènement. Le marché au poisson constitue un réel point de sociabilité. Les poissonnières marseillaises, se faisant un devoir d’entretenir la réputation colorée de ce marché, donnent vie à cet espace-temps et animent les échanges entre acheteurs et piétons. Une agglomération linéaire d’individus se constitue alors face aux étals, sur toute la longueur de la place. Les grévistes, regroupés à ma gauche sur l’esplanade, représentent un obstacle à la libre déambulation, et favorisent ainsi les contacts, les contournements, les frôlements avec les autres usagers en mouvement. Scandant leurs slogans et agitant leurs banderoles, ils investissent la place. Pouvant être considérés par certains comme une nuisance, autant physique que sonore, ils font, malgré tout, partie intégrante de l’ambiance urbaine du jour. L’ombrière, est devenue le point de convergence des individus et le principal élément attractif du Vieux-Port, où se regroupent toutes les générations, pour un moment ludique de contemplation de son effet miroir. «C’est notre point de rendez-vous lorsqu’on se 21 Le changement de personne pour le sujet des phrases à venir est volontaire. La transition de la généralité du pronom personnel sujet « il » à la personnalité de « je » est nécessaire pour exprimer pleinement les sensations éprouvées ainsi que le désir initial de relater un journal de bord.

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Observation flottante fixe

Mer

Marché Marché

Au Mer

Poisson

Au

Poisson

Métro

Ombrière

Métro

Ombrière

Grande Roue Grande Roue

Bouche D’aération

Bouche D’aération

Bouche D’aération

Bouche D’aération

Mer Marché

Au Mer

Marché

Au

Métro Ombrière Ombrière Scène 1

Scène Métro 2

Bouche Bouche D’aération D’aération Bouche Bouche D’aération D’aération Bouche Bouche Bouche D’aération D’aération D’aération

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Scène 3

Poisson

Scène 3

Scène 2

Scène 1

Grande Grande Grande Grande Roue Roue Grande Roue Grande Roue Roue Roue

Poisson

Piéton Déplacements très fréquents Déplacements fréquents Déplacements moins fréquents Déplacements rares Intéraction Scene urbaine

Bouche D’aération Bouche D’aération

Scène 4 Scène 4 Grande Roue Grande Roue Scène 5 Bouche

D’aération

Scène 5

Bouche D’aération


promène en ville» raconte Laura. Cette promenade est aussi le point de ralliement de multiples moyens de transport tels que les bus ou les cars touristiques, déversant leurs passagers aux différents arrêts attribués et modifiant de fait, l’activité de la place. L’absence volontaire de mobilier urbain, entraine des assises aléatoires et l’appropriation de matériels techniques tels que les bouches d’aération et les rambardes de sécurité. Assis, les citadins sont spectateurs du quotidien, du mouvement et de l’inertie ambiante. «Je fais partie des personnes qui aiment bien observer les gens, et d’ici je peux bien le faire» nous explique François. Principalement fréquenté par des familles, des touristes, des enfants ou des amoureux en ballade, ce lieu emblématique de la ville devient agréable, attrayant et chaleureux. Après avoir acquis davantage de connaissances théoriques, je laisse de côté ma vision naïve de départ et retourne sur le site avec l’intention de développer une observation directe. Cette nouvelle étude se concentre plus spécifiquement sur l’immobilité ou le déplacement des corps, compris comme corpographies urbaines. Une classification peut alors se faire. Piétons immobiles Groupe de piétons ouvert, contemplant la mer Groupe de piétons fermé, discutant entre eux Couple de piétons Couple de touristes se prenant en photo Couple de piétons prenant des «selfies» Piétons mobiles Déplacement linéaire Déplacement groupé Déplacement groupé dispersé

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Observation directe fixe

Mer Mer

Métro Métro

Ombrière

Grande Roue

Ombrière

Grande Roue Bouche D’aération

Bouche D’aération

Bouche D’aération

BUS

BUS

STATIQUE BUS

DYNAMIQUE

STATIQUE

DYNAMIQUE

Bouche D’aération

BUS

Mer Mer Imitation

Métro Ombrière Imitation

Ombrière Scène 1

Imitation

Café 2

Café 3

Café 1

Café 2

Café 3

Piéton Déplacement Observation Imitation Imitation après observation

Grande Grande Roue Roue

Scène urbaine

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Imitation

Observation Observation

Scène 6 Scène 6

Café 1

Scène 3

Observation

Scène 2 Observation

Café 6

Imitation

Imitation

Observation

Scène 1

Bouche D’aération Bouche D’aération

Scène Métro 2

Scène 3

Observation Bouche D’aération

Bouche D’aération

Scène 4 Scène 4 Grande Roue Grande Roue Scène 5 Scène 5

Bouche D’aération

Bouche D’aération

Café 6 Café 5 Café 5 Café 4 Café 4


Ces différents états corporels, induits par un corpus d’informations caractéristiques de ce lieu, génèrent des données permettant une interaction entre chaque groupe d’usagers et ainsi créer des ambiances. Deux types de comportements résultants se distinguent : l’observation et l’imitation. L’une évoque la stabilité tandis que l’autre fait référence à une action. Cependant, la première peut entrainer la seconde. En effet, après avoir perçu et intégré les activités dans son inconscient, l’observateur serait enclin à suivre les mêmes orientations que ses prédécesseurs. La plupart des circulations résultent de la condition de leurs pratiquants. Les « hommes lents »22, les errants, sont souvent les touristes qui prennent le temps de découvrir et apprécier l’endroit, tandis que les traversées plus rapides sont opérées par des marseillais, pressés d’atteindre leur destination. Afin d’aboutir cette prospection, une observation participante est inéluctable. D’observateur, je passe acteur, et devient imitateur. Plongée au sein de cette ambiance urbaine, dirigée par les mouvements de mon corps et la stimulation de mes sens, soumise à des facteurs environnants tels que la chaleur, les ombres, le vent, les espaces vides ou au contraire pleins, je m’abandonne alors à cette atmosphère méditerranéenne si attirante.

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Pour reprendre l’expression de Milton Santos

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«Le monde rend la place vivante. Si il n’y avait seulement que quelques personnes,ça n’aurait pas le même effet, la même ambiance» - Delphine

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ÂŤCette ambiance apporte de la chaleur au Vieux-PortÂť - Claudine

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«Il y a souvent du monde, c’est agréable» - Claudine

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«Je m’étonne toujours de voir des fois les gens qui se posent un peu n’import où et n’importe comment» - Delphine

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«Là, il fait beau, tout le monde est de sortie» - François

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«Bien sûr que le cadre joue un rôle important, c’est Marseille, on est face à la mer!» - François

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CONCLUSION



Au cours de cet argumentaire, nous avons, dès le départ, fait le choix de regrouper chaque déplacement piéton en un seul et même groupe : les corpographies urbaines. Thème vaste, il tire son origine d’un ensemble de raisonnements savants et complexes qui font émerger de réels questionnements encore d’actualité. Qu’est ce que la mobilité physique au sein de l’espace sensible de la ville ? Quels rôles et quels impacts ? Comment appréhender une ambiance ? Révélé au sein d’une période critique décisive, le déplacement du corps dans la ville exprime aujourd’hui un sentiment de bien être, d’évasion, de voyage propre au sein de l’immobile composition urbaine. Une beauté du mouvement perceptible, à mi chemin entre espace et temps, touche les citadins par son caractère sensible. Bien que structurée par une mécanique naturelle, celle de l’organisme, la marche suggère une fluidité spatiale permettant une symbiose entre les corps et la ville. D’un ensemble d’individualités corporelles, une unité est alors possible. Au cours de sa déambulation, l’homme met en éveil ses sens et s’autorise à voir la Vie, celle partagée. L’ambiance dégagée de la rencontre des citadins, nous fait oublier la ville fonctionnelle, et nous fait percevoir la ville ressentie et vécue. Par cette réflexion interdisciplinaire, autant analytique qu’engagée, la vision de l’urbain se retrouve changée. Souvent considéré comme un simple espace de passage, lorsque l’on prend la peine de bien observer, l’espace urbain se trouve sublimé par les va-et-vient qui révèlent, à travers les ambiances urbaines en partage, des caractéristiques insoupçonnées des lieux. En tant qu’architecte, cette conscience des qualités d’espaces est fondamentale. Cette analyse de la ville par les corpographies nous fait 85


réaliser la similitude qu’elle peut avoir avec une réflexion de projet : prise entre fonctionnalité et sensibilité. Elle nous fait reconsidérer l’importance des espaces libres urbains, terrains de jeux des marcheurs et sites de liens sociaux et d’échanges.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS



Figure 1

Figure 2

Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6

Figure 7

Figure 8

Figure 9

Figure 10

Figure 11

Figure 12

Figure du flâneur définie par Baudelaire. Source : Internet

Flâneur Source : Internet

Foule urbaine Source : Internet

Coprésence au sein de l’espace urbain Source : Internet

The Naked City, carte psychogéographique de l’International situationnistes. Source : Internet Les piétons et la connectivité Source : Internet

Trajets quotidiens Source : Internet

Piétons, New York City Source : Internet

«Fluxkits» ou «Floxboxes» de Fluxus Source : Internet

Ambiance urbaine Source : Internet

Piétons traversant la rue, Shibuya, Tokyo, Japon Source : Internet

Piétons, New York City Source : Internet


Figure 13

Figure 14

Figure 15

Figure 16

Figure 17

Figure 18

Figure 19

Figure 20

Figure 21

Figure 22

Figure 23

Figure 24

Ambiance urbaine piétonne, Paris Source : Internet

Ambiance urbaine piétonne, San Francisco Source : Internet

Ambiance urbaine Source : Internet

Ambiance parc urbain Source : Internet

Times Square, New York City Source : Internet

Ambiance parc urbain Source : Internet

Ambiance urbaine Source : Internet

Plan masse du projet de semi-pietonnisation du Vieux-Port Source:www.vieuxportdemarseille.fr

Ambiance urbaine piétonne, Japon Source : Internet

Ambiance urbaine Source : Internet

Ambiance urbaine Source : Internet

Projet de semi-piétonnisation du Vieux-Port Source:www.vieuxportdemarseille.fr


Figure 25

Figure 26

Figure 27

Figure 28

Figure 29

Figure 30

Figure 31

Figure 32

Figure 33

Figure 32

Figure 33

Figure 34

Perspective, projet de semi-pietonnisation du Vieux-Port Source : www.vieuxportdemarseille.fr

Club nautique, Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Perspective, projet de semi-pietonnisation du Vieux-Port Source : www.vieuxportdemarseille.fr

Marché au poisson, Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Vieux-Port Source : Photographie personelle

Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Perspective, projet de semi-piétonnisation du Vieux-Port Source : Internet

Grévistes, Vieux-Port Source : Photographie personnelle.

Vieux-Port Source : Photographie personnelle

Vieux-Port Source : Photographie personnelle


Figure 35

Vieux-Port Source : Photographie personelle

Figure 38

Vieux-Port Source : Photographie personelle

Figure 36

Vieux-Port Source : Photographie personelle

Figure 37

Vieux-Port Source : Photographie personelle


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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE RAISONNEE



LIVRES THIBAUD Jean-Paul, DUARTE Cristiane Rose, (Dir.), Ambiances urbaines en partage : pour une écologie sociale de la ville sensible Edition MetisPresses, 2013, 286 pages THERY Laurent, La ville est une figure libre Edition Parenthèses, grand prix de l’urbanisme 2010 DA COSTA GONCALVES Michel, GALAND Geoffrey, Circuler en ville Edition Autrement Jeunesse, 2004 TERRIN Jean-Jacques (Dir.), Le piéton dans la ville : l’espace public partagé Edition Parenthèses, 2011, 279 pages AMPHOUX Pascal (Dir.), La notion d’ambiance : une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale Edition Plan urbanisme construction architecture, 1998, 167 pages PANERAI Philippe, DEPAULE Jean-Charles, DEMORGON Marcelle, Analyse urbaine, Edition Parenthèses, 2012, 187 pages

ARTICLES BERENSTEIN-JACQUES Paola, Errances et corpographies urbaines Disponible sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00836176

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BERENSTEIN-JACQUES Paola, Eloge des errants [En Ligne] Disponible sur https://dpearea.files.wordpress. com/2012/11/2008-berenstein.pdf DULTRA BRITTO Fabiana, BERENSTEIN-JACQUES Paola, Corpographies urbaines – Expériences, corps et ambiances In Faire une ambiance [colloque tenu à Grenoble, les 10,11 et 12 Septembre 2008 ], AUGOYARD Jean-François, [En ligne] disponible sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-0074583 MONNET Nadja, Qu’implique flâner au féminin en ce début de vingt et unième siècle ? Réflexion d’une ethnographe à l’œuvre sur la place de Catalogne à Barcelone [En Ligne] Disponible sur http://journals.cortland.edu/wordpress/ wagadu/files/2014/02/quimplique.pdf BONARD Yves, CAPT Vincent, Dérive et dérivation. Le parcours urbain contemporain, poursuite des écrits situationnistes ? Articulo – revue de sciences humaines [En Ligne], Hors série 2 1 2009, disponible sur https://articulo.revues.org/1111 PAQUOT Thierry, LE BRETON David, AUGUSTIN Jean-Pierre, CHARBONNEAU Jean-Pierre, MONGIN Olivier, JOLE Michèle, Corps à corps avec la ville In Urbanisme, n°325, p.31-70, Juillet/Aout 2002 CROIZE Jean-Claude, PAQUOT Thierry, OFFNER Jean-Marc, LAVADINHO Sonia et WINKIN Yves, KAYSER Bengt, LEVY Jacques, AMAR Georges et MICHAUD Véronique, THIBAUD Jean-Paul, CHARBONNEAU Jean-Pierre, Marcher In Urbanisme, n°359, p.41-72, Mars/Avril 2008 101



THIBAUD Jean-Paul, Variations d’ambiances : processus et modalités d’émergence des ambiances urbaines, CRESSON, Octobre 2007 [En Ligne] Disponible sur http://doc.cresson.grenoble.archi.fr/opac/ doc_num.php?explnum_id=341

DEFINITIONS Dictionnaire Larousse de poche Edition 2005 LEVY Jacques, LUSSAULT Michel (Dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Edition Belin, 2013, 1128 pages

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TABLE DES ANNEXES



Plan masse du projet de semi piĂŠtonnisation du Vieux-Port,Marseille

Semi piĂŠtonnisation du Vieux-Port, Marseille

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Semi piĂŠtonnisation du quai du port, Vieux-Port, Marseille

Semi piĂŠtonnisation du quai rive neuve, Vieux-Port, Marseille

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REMERCIEMENTS Ce travail n’aurait pu voir le jour sans l’intervention et la précieuse aide de nombreuses personnes auxquelles j’exprime toute ma reconnaissance. Je remercie tout d’abord, Mme Arlette Hérat, qui par sa bienveillance, sa patience et surtout son expertise a su m’accompagner sans relâche, tout au long de cet exercice. Grâce à sa grande disponibilité, elle a su me fournir les outils nécessaires pour traiter ce sujet vaste et complexe. Je voudrais également exprimer ma reconnaissance envers Mme Nadja Monnet, qui a su, lors d’un entretien, rapidement dissiper toute confusion et clarifier chaque notion traitée. Merci à mes amis pour leur support moral et intellectuel. Enfin, je tiens à exprimer toute ma gratitude envers ma famille, pour leur soutien indéfectible, tant apprécié et inestimable.

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«Les corpographies créatrices d’ambiances urbaines». Une telle expression recouvre aux moins deux thèmes complexes. Tout d’abord les «corpographies». Définies par Paola Berenstein-Jacques comme la mémoire urbaine du corps vis à vis de son expérience de la ville, elles constituent un nouveau type de cartographie de l’espace urbain par un espace conçu depuis le perçu et le ressenti du citadin. Puis, les «ambiances». Notion tout aussi vaste que nébuleuse, les ambiances sont éprouvées de tous, mais difficilement explicables. Situé entre ressenti sensible et analyse pragmatique, le propos développé dans ce rapport de fin d’étude consiste à expliquer, par une approche interdisciplinaire, ce qu’est la mobilité corporelle en ville, et quel est son rôle dans la vie sensible urbaine.

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