L’expérimentation du parcours muséal à travers la promenade architecturale Alvaro Siza, Fondation Ibere Camargo, 1995
Mozziconacci Pauline
SEMINAIRE / S8 FAB / S8 FAB S2
Je tiens à adresser mes remerciements à mes enseignants de séminaire, M. Thibaut Maupoint de Vandeul & Mme Christel Marchiaro pour leur aide et leur encadrement tout au long du semestre, qui m’a permis de mener à bien le développement de cet article.
La Galleria degli Uffizi - Galerie des Offices , Florence, Italie
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(4) Espace de concernation Espace de compréhension Espace «pour en savoir plus» (3)
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Centre Galicien d’Art Contemporain, Alvaro Siza - Saint (7) Jacques de Compostelle
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Fondation Ibere Camargo, Alvaro Siza - Porto Alegre (10)
La définition du musée a évolué au cours du temps en fonction de la progression des sociétés. Aujourd’hui, il désigne une institution permanente publique, ou privée pour les fondations, sans but lucratif au service de la société et de son développement. Elle est ouverte au public, et acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation1. La genèse du musée se trouve dans l’antiquité grecque. Etymologiquement, musée vient du terme grec « Mouseion » qui signifie « lieu sacré dédié aux muses, suivantes d’Apollon, protectrices des arts. Le culte des muses se poursuit chez les péripatéticiens en 319-316 avant notre ère. L’école de péripatéticiens tire son nom grec « peripatein » : « se promener ». On retrouve ainsi l’action de promenade, de mouvement, de «se déplacer en suivant une direction plus ou moins déterminée, aller dans une ou plusieurs ou toutes les parties d’un espace»2. Ceci se précise en Italie, à la Renaissance. A l’initiative des Grands Ducs italiens, l’idée de rassembler une collection de tableaux et sculptures à la vue de tous se développe. Les artistes sont exposés dans les galeries du Musée des 1. Définition ICOM 2. Définition Parcours, Dictionnaire CNRTL
Offices(1-2), lieux de passage, qui relient les deux corps de bâtiment du palais. Les visiteurs déambulent alors au sein de l’espace public, entre les piliers de pierre, et les oeuvres d’arts. Un lien se construit alors entre le matériel, l’architecture,l’art, corps statique ; et l’immatériel, le mouvement du corps dynamique. Le musée, pas simplement dédié à la contemplation d’objets, se joue des limites de l’imagination et de la réalité en laissant libre cours au développement du visiteur en son sein. Cette capacité déambulatoire donne au musée cette importante faculté à réagir en relation avec l’être humain. Le parcours, en règle générale, génère un lien direct entre des lieux, des corps et l’espace. Plus précisément, le parcours muséal amène le visiteur à déambuler, scruter, apprécier les expositions mais aussi l’espace soit l’architecture du lieu et le paysage qui l’entoure. Traditionnellement, le parcours muséal se définit par un passage par trois espaces différents(3-4): l’espace de concernation qui permet de faire le lien entre l’extérieur et le début de la visite. C’est la base qui permet au visiteur de suivre une ligne conductrice et de s’identifier au sujet et au lieu, l’objectif étant de franchir physiquement un seuil qui le mène à l’espace de compréhension ; l’espace de compréhen5
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sion, espace principal qui fait apparaître les grands thèmes de la collection ; l’espace « pour en savoir plus » qui laisse le choix au visiteur d’aller plus loin dans sa démarche ou de sortir de l’espace muséal. Alvaro Siza, célèbre architecte portugais, se plait à expérimenter les typologies de musées à travers le monde, déployant une diversité de parcours pour chacun : le parcours en zig zag du Centre Galicien d’Art Contemporain de Saint Jacques de Compostelle(5-6-7), au parcours en boucle de la fondation Ibere Camargo(8-9-10). Mais, un élément persiste dans ces projets : le rapport à l’urbain. Le parcours commence depuis la ville. Alvaro Siza, par sa technique, réussit à créer une œuvre architecturale en l’inscrivant dans un contexte propre. Ses projets dépassent alors leurs simples fonctions d’objets et déploient une véritable connexion avec l’homme et le paysage environnant. Prenons l’exemple de la fondation Ibere Camargo. Plus qu’un simple musée, Alvaro Siza développe au sein de ce bâtiment un paysage architectural, prolongement du paysage extérieur brésilien, possédant une véritable qualité spatiale possible par l’intelligence du parcours, qui, par sa richesse pourrait être qualifié de promenade architecturale, précepte
du mouvement moderne exaltant le mouvement et rejetant la conception selon un seul point fixe. Celle- ci a été définit pour la première fois par Le Corbusier en 1925, lors de son explication de son projet, la Villa La Roche, à travers une promenade liant les jeux de volumes, les cloisons, les mezzanines, les passerelles, les rampes, les plans inclinés…Il explique alors : « Cette seconde maison sera donc un peu comme une promenade architecturale. On entre : le spectacle architectural s’offre de suite au regard ; on suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande variété ; on joue avec l’afflux de la lumière éclairant les murs ou créant des pénombres. Les baies ouvrent des perspectives sur l’extérieur où l’on retrouve l’unité architecturale»3. Il s’inspire de l’architecture arabe qui s’apprécie à la marche : « C’est en marchant, en se déplaçant, que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture »4 ; car pour lui, tout est une question de circulation. La rampe devient alors son instrument favori de communication entre deux niveaux, permettant ainsi de visualiser la continuité de l’espace : « Un escalier sépare un étage d’un autre ; une rampe relie »5. 3. Le Corbusier, Œuvre Complète, 1910 – 1929, volume 1, p 60 4. Le Corbusier, Œuvre Complète, 1929-1934, volume 2, p.24 5. Le Corbusier, Œuvre Complète, 1929-1934, volume 2, p.25
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En 2009, Jacques Lucan s’attèle à analyser cette notion dans son œuvre Composition, Non composition6. Il évoque la dissymétrie et la symétrie, comme approche angulaire ou diagonale entraînant un parcours. Celui-ci, plus subordonné à la disposition axiale de l’architecture, est donc plus indépendant, et entraine alors une promenade. Il explique que le parcours devient ainsi plus libre par rapport à l’objet architectural autour duquel il est possible de tourner et qui s’offre sous multiples points de vue. Ce mouvement dynamique est entrainé par la dissymétrie, et un ensemble symétrique s’ordonnerait en fonction d’une perception frontale et statique de l’architecture: ici pouvant être assimilé au mur d’enceinte.
un parcours extérieur d’un intérieur. Nous pouvons établir que ce mur devient, dans ce projet, l’élément unificateur et régisseur de la promenade architecturale car commandant les trois éléments caractéristiques de la promenade imaginée et décrite par Le Corbusier au début du XX siècle. Il constitue un seuil physique à franchir, signifiant l’entrée. Il instaure donc une opacité, un voile qui vient séparer deux mondes, tout en les unifiant. De cette ambivalence se révèle alors un maintient d’un rapport entre chaque fragments de l’édifice. Une unité architecturale est établit.
Comment Alvaro Siza transforme-t-il un simple parcours muséographique en une promenade architecturale ? Le musée Ibere Camargo, par son architecture, s’impose sur la côte brésilienne de Porto Alegre. Son caractère étonnant s’explique principalement par son mur d’enceinte courbe, enlacé par des tubes de béton, qui vient donner un aspect organique à l’ensemble et séparer 6. Jacques Lucan, Composition, Non Composition, EPFL Press, 2009
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I/ Moyens architecturaux pour créer une entrée qui suscite la curiosité du spectateur et le pousse à aller au delà
Toute construction se frotte à la contrainte de son intégration dans un site particulier. Alvaro Siza estime essentiel le rapport entre architecture et paysage. Lui qui assimile l’architecture à un art, pointe l’essence de toute chose : l’harmonie entre les éléments. Il conçoit alors un bâtiment en limite de ville adossé à une colline verdoyante, qui se tourne vers l’immensité du fleuve et de l’horizon. Entre expressionisme et adaptation au site, il développe une architecture juste et adéquate au programme. Imprégné de la culture brésilienne, même s’il n’y a jamais vécu, l’architecte portugais réalise une immersion complète et réussit à capter la sensibilité du site de Porto Alegre : « la relation entre nature et construction est décisive en architecture. Cette relation obsédante pour moi est à l’origine de tout projet. Déterminante au cours de l’histoire, elle se fait rare pourtant »7. Situé en périphérie de la ville de Porto Alegre, l’objectif de cette fondation est de redynamiser la capitale de l’état du Rio Grande do Sul et de recréer un lien entre l’urbain et le fleuve Guaìba, jusqu’alors flou, depuis le retournement de la ville vers la terre pour y développer un quartier industriel au Nord et un quar-
tier résidentiel au Sud. Malgré les nombreuses contraintes liées au lieu notamment l’étroitesse de la parcelle située à l’aplomb d’une butte luxuriante, Siza trouve un équilibre correct.
7. Alvaro Siza, Imaginer l’évidence, Ed Parenthèses
8. Alvaro Siza, Imaginer l’évidence, Ed Parenthèses
« Les situations les plus difficiles sont souvent un bon moyen de trouver des solutions spéciales »8 Alvaro Siza. Le bâtiment apparaît comme un vaisseau blanc sur fond vert, dont la hauteur respectant fidèlement celle de la falaise adjacente, lui procure un caractère de repère emblématique de Porto Alegre. Ce mélange de formes et de volumes organiques procurent une sensualité vibrante au bâtiment qui, par sa convexité, se distingue même 5km plus loin, depuis le centre ville. Cette relation au paysage brésilien se décline ainsi à toutes les échelles. Un dialogue s’instaure alors. La relation avec le sol de la ville se fait plus qu’aux simples alentours du bâtiment. Pour mieux comprendre la séquence d’entrée, il nous faut partir du centre ville, puis s’approcher progressivement pour en apprécier sa présence, à flanc de falaise, entre terre et mer. C’est alors qu’il se dévoile, comme naturel11
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lement là(15-23). Un socle s’impose au visiteur(16-24) : un second seuil à franchir afin de continuer le processus d’entrée. L’horizontalité des volumes adjacents accentue la verticalité du musée, ils servent de préambule à la découverte du musée, accueillant des fonctions adéquates : ateliers, administration, restauration…(24). Le visiteur se glisse ensuite sous les rampes extérieures en lévitation au dessus de lui(25) et découvre enfin l’atrium(17), modelé par les parois courbes et les rampes tranchantes, qui effectue un cadrage impressionnant sur le ciel et permet un apport lumineux important. Cela constitue ainsi le troisième seuil franchi. Ensuite le visiteur à l’opportunité de se retourner(18-26). C’est alors que le premier contact avec l’horizon s’opère. Cette immensité paysagère s’offre, avec toujours un lien visuel avec la ville. L’horizontalité de cette vue est appuyée par le cadrage compressé, généré par la juxtaposition de la rampe et de la ligne de socle. Cette surélévation générée par le socle permet une mise à distance vis à vis de la rue et nous permet de nous projeter directement vers le lointain paysage.
Avant de pénétrer dans le musée, un dernier retournement est possible où l’on découvre un autre cadrage : l’architecture des courbes, les rampes en lévitation et entre, le paysage en arrière plan qui se dessine(29). Le dernier seuil a franchir est le plus physique(27) : la porte d’entrée en verre, matérialisé ensuite par une succession de traitement de sol : pierremarbre-bois(28). Le mur matérialise alors la limite entre extérieur et intérieur. Le visiteur découvre enfin l’intérieur du bâtiment, tiraillé entre découverte rapide des principaux espaces et incompréhension du processus de déambulation. Il se trouve dans l’espace de concernation(30).
« Faire l’expérience d’un paysage d’une telle échelle est très troublant »9 Alvaro Siza 9. Alvaro Siza, Une question de mesure - Entretiens avec Dominique Machabert et Laurent Baudouin, Ed Le Moniteur
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II/ Production de points de vue variés et multiples
La promenade se poursuit d’étage en étage jouant sur les vues du visiteur et entre les visiteurs. Le mur joue alors un rôle décisif dans la perception et l’expérience des espaces. Il devient une limite, une séparation de deux mondes(32). Tout d’abord, de deux mondes paysagers. D’un côté le paysage architectural intérieur, de l’autre, le paysage naturel brésilien. Dans le premier, l’enceinte du bâtiment permet la création d’un vide central entrainant une mise à distance des principales salles d’exposition. Ainsi, ce recul du visiteur lui permet d’avoir une vue de l’ensemble et de mieux apprécier la qualité architecturale des espaces. Ce lien qui se tisse entre l’architecture et l’homme influant sa représentation des lieux peut être qualifiée d’expérience architecturale. Dans le second, des percements dans le mur d’enceinte(31),de géométrie différente, permettent de lier le lointain paysage et l’horizon au regard du visiteur. Tantôt arrondis rappelant ceux de Le Corbusier dans son projet de High Court à Chandigarh, tantôt plus rectangulaires, Alvaro Siza retranscrit dans ses ouvertures, sa volonté d’allier poétique de la courbe et rigueur de la linéarité. Se construit alors une succession de cadrages(36-37) qui viennent chacun souligner
la beauté de l’horizontale et ainsi nous offrir une brève échappée. L’interaction entre l’architecture et son environnement prend pleinement sens. Puis, il sépare deux mondes sensibles: d’un côté l’intraversion, de l’autre l’extraversion(33). Dans le premier, l’atmosphère instaurée au sein des rampes extérieures est favorable à un retour « vers son monde intérieur, […] centré sur ses pensées, ses émotions, ses rêveries » ainsi qu’un détournement du « monde extérieur 10». Selon Emmanuel Mounier dans Traité du caractère11, l’intraversion « ce n’est pas l’intériorité, mais la disposition la plus favorable à l’intériorité ». Ainsi, une ambivalence s’opère : Alvaro Siza conditionne le visiteur, par l’espace des rampes extérieures comprimé et sombre(34), à se recentrer sur son individualité pour mieux apprécier sa présence au sein du bâtiment et être, par conséquent, touché par la sensibilité architecturale de l’architecte. Cependant, il lui offre également la possibilité d’apercevoir au cours de son passage, un bout de paysage brésilien ou architectural, par des percements judicieusement positionnés. Même lors de l’intraversion 10. Définition du terme « intraversion » - Dictionnaire CNRTL 11. Traité du caractère, Emmanuel Mounier, 1946 – Source, définition « intraversion » Dictionnaire CNRTL
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(32) INTROVERSION
EXTRAVERSION
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du protagoniste, l’architecte le lie sans cesse avec le paysage environnant. Dans le second, le rapport à l’autre est mis en avant. Une interaction entre les visiteurs s’établie(35). Chacun influence l’autre par son mouvement, le comportement du marcheur se trouve conditionné par la distance qu’il maintient avec ses homologues. On ne peut s’empêcher alors d’évoquer la Dimension cachée12 d’Edward Hall, qui représente l’espace que l’homme maintient entre lui et les autres afin de maintenir son espace personnel, propice à son évolution singulière au sein du bâtiment. Dans ce lieu de l’extraversion que constitue l’intérieur du musée, la lumière joue un rôle décisif. Elle influe sur la perception visuelle des personnes : une variation et une fluidité lumineuse contribue à la révélation des formes architecturales(38 à 44). Par conséquent une harmonie entre la lumière et les espaces permet une dynamique de parcours et stimuler la découverte. Elle ajoute également au mouvement fonctionnel du visiteur, une dimension plus sensible. Le patio intérieur permet ainsi une meilleure diffusion du peu de lumière naturelle qui baigne les espaces. Des éclairages artificiels viennent s’ajouter sur chaque plafond de salles. 12. La dimension cachée, Edward Hall, 1966
Ainsi, outre les points de vue auxquels nous amène la promenade, de réels cadrages se mettent en place au cours du parcours et conditionnent l’œil du promeneur. Cette pratique et expérience des espaces architecturaux amène une nouvelle approche plus phénoménologique à l’analyse de la fondation. On la pense alors à partir de la perception et du corps du protagoniste. Se dévoilent ainsi plusieurs manières de percevoir, tantôt rationnelles, tantôt relationnelles ; tantôt sensibles. Une émotion particulière se dégage alors, souvent désirée par l’architecte.
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R+3
Demi niveau R+2
R+2
Demi niveau R+1
R+1
Rez-de-chaussĂŠe (38)
R+3 (44) R+3
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R+2 (42)
Demi niveau R+1 (41)
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Rez-de-chaussĂŠe (39)
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III/ Le maintien du rapport entre les fragments et l’unité architecturale
« La partie est au tout comme le tout est à la partie » 13Frank Lloyd Wright. Le mur d’enceinte ne joue pas seulement le rôle de séparateur au sein de la fondation Ibere Camargo. Toute l’ingéniosité de cette architecture réside dans une ambivalence des choses. En effet, Il maintient un rapport, autant visuel et spatial que structurel, entre tous les fragments constitutifs du projet, précédemment décrits. Il institue une unité architecturale. Structurellement, il supporte les rampes intérieures et extérieures : symbole même de la promenade architecturale, qui peuvent être assimilées à des poutres en porte à faux. « Toute création du nouveau construire porte en germe cette évidence : il n’existe qu’un espace vaste, indivisible, dans lequel relations et interpénétrations supplantent la séparation »14 Siegfried Giedion. Par nature, le musée, ou dans ce cas là, la fondation, est conçu sur l’idée de la déambulation. Que le parcours soit libre ou
13. Frank Lloyd Wright, Truth against the World : Frank Lloyd Wright speaks for an organic architecture, 1987
14. Siegfried Giedion Bauen in Frankreich, 2000
imposé, le corps, lui, reste en mouvement : les pieds mouvants, le regard porté vers les œuvres ou l’espace architectural. La rampe reflète la continuité spatiale au service de la promenade architecturale, un parcours dynamique qui pousse le visiteur vers le haut afin d’atteindre la lumière naturelle, ici matérialisée par une fine ouverture sur la toiture de la fondation. Chère aux architectes modernes et contemporains, le concept de la rampe a été largement exploré depuis le XX siècle, explorant différentes formes et fonctions. Nous pouvons prendre pour exemple le Monument à la III° internationale de Vladimir Tatline en 1920(47), ou encore celles de Frank Lloyd Wright au sein du musée Guggenheim (1959)(49), et de Norman Foster dans son projet du Reichstag de Berlin en 1999(48). Toutes tournent autour d’un vide, tout comme le projet d’Alvaro Siza. Seulement, Siza se distingue de la rampe spirale de Frank Lloyd Wright et Norman Foster en déployant une image de l’anneau de Möbius15, symbole d’une continuité infinie(51-52-55-56). 15. Surface compacte, inventée en 1858 par Auguste Ferdinand Möbius et Johann Benedict Listing, dont le bord est homéomorphe, c’est à dire qui peut être amené par déformation élastique sans déformement, à un cercle. Il ne présente qu’une seule face et a la particularité d’être réglé et non orientable.
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ContinuitĂŠ des rampes
Mur d’enceinte
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En confondant l’entrée et la sortie de la fondation, Siza crée un continuum spatial de promenade qui ne dispose donc pas clairement de début ni de fin. La surface des rampes sur laquelle déambule le visiteur se plie, pour être successivement : sol, mur, toit. Par leur architecture organique, les rampes du projet dépassent leur simple fonction de distribution, pour devenir des vecteurs de lien entre les différentes unités spatiales(53-54). Entre rapprochement et éloignement, l’espace se compresse ou se dilate pour favoriser la mise à distance des choses et des hommes. Le continuum spatial qui se développe au sein du bâtiment, établit un rapport entre l’espace continu en trois dimensions et le temps. Un sentiment de progression est alors mis en avant. Il s’accompagne spatialement, d’une autonomie des salles d’expositions. C’est en ce sens que la fondation Ibere Camargo se distingue réellement du musée Guggenheim qui, lui, fusionne l’espace de circulation avec les espaces d’exposition. Ici, une hiérarchisation des espaces s’opère malgré tout.
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Conclusion
Alvaro Siza, par la fondation Ibere Camargo, propose un projet qui magnifie le regard du visiteur. A travers l’élément du mur d’enceinte, unité architecturale, l’architecture du bâtiment se transforme d’un simple objet à une entité dynamique en symbiose avec l’homme. C’est alors que le simple parcours muséal devient une promenade paysagère et architecturale créée par le mouvement des pieds et des yeux, généré par ce mur : contourner, longer, s’éloigner, voir, percevoir, toucher, se rapprocher, éviter… Une ambivalence persiste entre la désorientation du visiteur, immergé dans l’expérience spatiale et l’objectivation de la configuration spatiale qui laisse entrevoir des cadrages redonnant des points de repère à l’homme. Le dispositif d’une promenade architecturale comme une topologie16 de courbe qui traverse la structure est une stratégie de conception également utilisée Koolhaas(59). Cependant, à l’inverse d’Alvaro Siza, Koolhaas travaille sur la disparition de temps au sein du parcours, de la « trajectoire » : comment faire oublier au visiteur le temps, rapide ou lent, qui passe lorsque l’on déambule. L’expérience de l’espace nous donne la sensation des grands huit de Coney Island décrits dans son œuvre 16. Reférence à la notion d’anneau de mobius
New York Délire. On est pris dans une circulation aspirante qui désoriente totalement le visiteur avant de l’arrêter brutalement devant un cadrage(54), pour ensuite repartir de plus belle. Son projet d’ambassade de Hollande à Berlin(57), matérialise bien cette notion. Koolhaas aspire le visiteur dans des « tubes » de circulation(63). Il perd alors tout repère jusqu’au moment d’arrêt, face à un cadrage urbain, resituant le contexte, pour repartir dans une fuite dynamique. Il est alors possible d’assimiler le parcours que développe Rem Koolhaas au sein de l’ambassade de Hollande, avec celui de la fondation Ibere Camargo. Bien que les deux architectes se distinguent l’un de l’autre par leur rapport à l’environnement, l’un plus urbain, l’autre plus « paysan », leur approche du développement du visiteur au sein de l’architecture semble converger. Ils placent l’homme en mouvement au centre du processus de pensée architecturale. Ils traitent finalement tous deux le continuum spatial en mettant en exergue la notion de temps, ou en la faisant disparaître.
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Tables des matières
I/ Moyens architecturaux pour créer une entrée qui sucite la curiosité du spectateur et le pousse à aller au delà
A. Rapport au paysage urbain : intégration du
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bâtiment au sein de Porto Alegre
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B. Séquence d’entrée depuis la ville en plusieurs
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II/ Production de points de vue variés et mul-
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A. Le mur, séparateur de deux mondes paysa-
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B. Le mur, séparateur de deux mondes sensibles
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étapes
tiples gers
III/ Le maintien du rapport entre les fragments et l’unité architecturale
A. Le mur réunit les éléments B. Les rampes, symbole de la promenade, main-
tenues par le mur
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Bibliographie
Conférences :
- Alvaro Siza, Pavillon de l’Arsenal, Ibere Camargo, source : http://www.dailymotion.com/ video/x161mt0_conference-d-alvaro-siza-vieira_creation - Jacques Lucan, Composition – Non composition, source : http://www.dailymotion. com/video/xbfyun_jacques-lucan-composition-non-compo_creation
Lectures :
Livres : - Paolo Amaldi, Architecture, profondeur, mouvement, Ed Infolio - Jacques Lucan, Composition-non composition, Ed EPFL Press - Yanfang Niu, La promenade architecturale selon Le Corbusier - Alvaro Siza, Imaginer l’évidence, Ed Parenthèses - Alvaro Siza, Une question de mesure - Entretiens avec Dominique Machabert et Laurent Baudouin, Ed Le Moniteur
- Julie Cros, Composition pittoresque et promenade architecturale, ENSA Marseille - Anais Vigneron, Le Parcours dans les musées, source : www.issuu.com - Hortense Da Silva, Parcourir l’architecture, source : www.issuu.com - Sylvain Primout, Le musée, surface sensible : le parcours, révélateur de l’espace, source : www.issuu.com Pdf Internet : - Promenade architecturale au MAC/VAL, source : www.macval.fr/IMG/pdf/CQFD_ ARCHI.pdf
Mémoires : - Marie Fernandez, La tectonique du Crustacé, ENSAVDS 29
Annexes
FONDATION IBERE CAMARGO ALVARO SIZA
U R B A I N P A Y S A G E
STRUCTURE
COMPOSITION
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
M AT H É M AT I Q U E S ET GÉOMÉTRIE
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Rapport de proportion
GSPublisherEngine 0.67.100.99 GSPublisherEngine 0.64.100.99
GSPublisherEngine 0.67.100.99
T Y P O L O G I E ET MORPHOLOGIE
Expositions
GSPublisherEngine 0.67.100.99
Ateliers GSPublisherEngine 0.64.100.99
Restauration
GSPublisherEngine 0.67.100.99
GSPublisherEngine 0.67.100.99
FONDATION IBERE CAMARGO ALVARO SIZA
L U M I È R E
V
U
E
S
U S A G E S
xx (2)
1
1,21 m
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
GSPublisherEngine 0.65.100.99
2
1
2
Eclairage naturelle (1)
Eclairage artificielle (2)
GSPublisherEngine 0.65.100.99
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GSPublisherEngine 0.64.100.99
M AT H É M AT I Q U E S ET GÉOMÉTRIE
GSPublisherEngine 0.65.100.99
Circulation automobile Circulation piétonne
Paysage
Vues traversantes
Trottoir piéton public
Voie publique Avenue Padre Cacique
Trottoir piéton public
Promenade d’entrée de la fondation
Zone pour livraison
Colline boisée
Vues unilatérales
T Y P O L O G I E ET MORPHOLOGIE
1
1
1
2
3
4
2 2
Vues unilatérales cadrées
GSPublisherEngine 0.85.100.98
GSPublisherEngine 0.67.100.99
GSPublisherEngine 0.85.100.98
GSPublisherEngine 0.67.100.99
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O.Niemeyer - MAC, Rio, Brésil
HISTOIRE DE L’A R C H I T E C T U R E
F. Gehry - Guggenheim museum, Bilbao
A. Siza - Pavillon du Portugal, exposition 1998, Lisbonne
O. Niemeyer - Musée national, Brasilia
F. Lloyd Wright - Musée Guggenheim, NY
R.Piano, R. Rogers, P. Rice, M. Davies - Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou
Eglise Marco de Canaveses
Arr : Aire de repos
Porto Alegre Nord : Quatiers industriels
Arr : Airesans de reposintervention Ari : Zone
Em Jr
Em Jr
Em
Em
Jp
Mx
Mh
Em
Porto Alegre Sud : Qua-Arr tiers résidentiels
Mh
Em
Mx
Mx
Ari : Zone sans intervention Em : Zone forestière
Em : Zone forestière Jp : Jardin palustre Jr : Jardin rupestre
Mx
Ari
Arm : Arm Zone : Zone paysagère paysagère Jp : Jardin palustre Mh : Forêt Higrofila
Ari
CONDITIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
A. Siza - Musée Mimesis, Seoul
Jr : Jardin rupestre Mx : Forêt xerofita
Mhr : Zone forestière de repos
Tp : Sentier principal Mh : Forêt Higrofila Ts : Sentier secondaire
Mhr : Clareira Zone: clairière forestière de repos
Arr
Lago : Lac
Jp
Mx : Forêt xerofita
Jr
Tp : Sentier principal
Lago Arm Ari
Ts
Ts : Sentier secondaire
Mx Mh
Clareira Mh
Mhr
Clareira : clairière Lago : Lac
Tp
Jr
Lago Arm
Mx Ari
Ts
Mh
Clareira Mh
Mhr
Tp
Quel lien entre architecture et structure? Le bâtiment est régit par une répétition d’une trame structurelle orthogonale qui ordonne l’espace, composée de murs porteurs et de poutres.
LES
La structure est dissimulée, par le jeu de supperposition de couches, souvent expérimenté par Siza. Ainsi, cette dissimulation laisse place au vide et à une fluidité d’espaces successifs. C’est donc bien la strucutre qui fabrique l’espace.
IDÉES
Comment prendre position face à un si vaste paysage? Centre - Ville de Porto Alegre
5km
Implanté en bordure de ville dans un quartier de logements, la fondation Ibere Camargo se situe sur une parcelle triangulaire, serrée entre une colline luxuriante, une autoroute et le Rio Grande, qui ne procure pas beaucoup d’opportunité de se developper au sol. L’objectif de l’architecte était d’instaurer un rapport d’échelle entre le projet et le Gaiba. Le bâtiment se développe alors en hauteur sur une vingtaine de mètres et vient se confronter à la hauteur de la colline. Les jeux de volumes du projet ainsi que la convexité de la parcelle offrent des cadrages sur le lointain et sur la ville.
Alvaro Siza mêle également le côté structurel au côté fonctionnel : les poutres qui servent a maintenir les niveaux supérieurs et qui reprennent les descentes de charge font office de garde corps pour les salles d’exposition. Elles contreventent l’ensemble du bâtiment et reprennt également les efforts exercés par les rampes en façade. Au premier étage, la retombée de poutre est dissimulée dans l’épaisseur du faux plafond. Chaque mur de béton est feraillé au maximum pour augmenter la résistance et permettre de reprendre un maximum de charges.
En partant d’une unité, Siza arrive à un ensemble, composé d’unités. En modellant la forme primaire qu’est le rectangle, il est arrivé à dessiner trois volumes en apparence indépendants physiquement et fonctionnellement, mais en réalité reliés par le socle qui génère une continuité spatiale par le parcours fluide effectué.
HISTOIRE DE L’A R C H I T E C T U R E
Lina Bo Bardi - Sesc Pompeia, Sao Paulo
Lina Bo Bardi - Sesc Pompeia, Sao Paulo
Le Corbusier-High Court, Chandigarh
CONDITIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
Comment les espaces conditionnent le ressenti du visiteur? Alvaro Siza offre des cadrages résultant de l’intéraction de son architecture et du paysage.
LES
Il met en scène les volumes qui composent le bâtiment et qui viennent cadrer l’horizon, la ville lointaine, la mer, le ciel et la végétation.
IDÉES Quelles atmosphères sont génèrées par les différentes sources de lumière? La lumière est un élément essentiel dans ce projet. Tout d’abord d’un point de vue fonctionnel afin d’apporter une lumière de qualité pour les salles d’exposition et d’un point de vue ambiant afin de créer une atmosphère propice à la déambulation et à l’appréciation de l’espace. Pour les salles d’exposition du dernier étage, la lumière est filtrée par un étage technique situé en toiture. Dans les autres salles, un caisson lumineux translucide émet la meme intensité lumineuse que celle du dernier étage grâce à un dispositif technique informatisé. Ainsi une ambiance lumineuse homogène est établie pour une meilleure appréciation des oeuvres exposées. Une toute autre atmosphère est exprimée dans les rampes extérieures, plus intime, favorable à une introspection. La pénombre prend le dessus et donne aux peu d’entrée de lumière plus d’intensité. La lumière guide le cheminement. Elle ressere ou dilate l’espace.
Les rampes extérieures viennent créer un pincement et cadrer plus précisément la vue. Il existe un effet de juxtaposition des éléments qui se retrouve dans de nombreuses caractéristiques des projets d’Alvaro Siza. Chaque vue et chaque cadrage ne fait que mêler plus le bâtiment à son environnement, au paysage.
INTROVERSION
EXTRAVERSION
La déambulation au sein de la fondation s’effectue en spirale descendante. On emprunte tout d’abord un ascenseur pour s’élever au niveau le plus haut pour ensuite passer progressivement dans les trois salles d’exposition avant d’emprunter les rampes (une extérieure et une intérieure), pour renouveller ce parcours à chaque étage. Il existe une continuité et une fluidité de parcours qui favorise le passage d’un usage à l’autre. Il existe alors une symbiose entre l’homme et l’architecture. Selon les usages des espaces, le rapport à l’autre est différent. Côté intérieur de la fondation, il existe une extraversion, des échanges visuelles, physiques et sonores entre chaque visiteurs, qui stimule l’usage que l’on fait de chaque espace. Dans les rampes extérieures, au contraire, on se concentre sur le non usage ou du moins sur une introversion du visiteur qui se recentre sur ce qu’il vient de visiter.
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Mozziconacci Pauline
SEMINAIRE / S8 FAB / S8 FAB S2