MEMOIRE-PFE- DECLIN DECLIC pour le delta danubien

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DÉCLIN, DÉCLIC pour le delta danubien



C rist in a C o ste a, C h a r l i n e S owa PF E E NSAG, j u in 2 0 1 1 M emb res d u j u r y : Ren é B o rru ey, arc h i tec te Aysegü l C a n kat , a rc h i tec te Bé n éd icte C h a rd o n , a rc h i tec te Gu y D esgra n d ch a m ps , a rc h i te c te Hu b e rt Gu illa u d , a rc h i te c te Ha limato u M a m a Awa l , a rc h i tec te Ha n ia Pro ko p , arc h i te c te Br u n o Qu eysa n n e , p h i l o s o p h e Soayo u b a T ie mtore, a rc h i te c te

DÉCLIN, DÉCLIC pour le delta danubien

une nouvelle posture européenne pour Sulina projet pour un territoire rétrécissant

As sista nte : F ra n c e L a u re L a b ee u w D irecteu r d ’ét u d e : Patr i c k Th é p o t Re s p o n s a b l e d u M a ster A e d i f i cat i o n - G ra n d s territoires-Villes : Françoise Ver y



M erci Ă J N et Tibi M erci Ă H ugo, m es a m i s et ma famille


sommaire

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préambule Preambul

21 I Le revers de la métropole : la ville rétrécissante, éternelle et récente Reversul metropolei: oraşul în descreştere, etern şi recent 23 1. Les villes rétrécissantes, un phénomène mondial 23 1.1. Globalisation et rétrécissement 28 1.2. Les difficultés pour répondre à ces problèmes 31 2. Sulina, une ville qui se plie et se déplie au rythme de son histoire 33 2.1. Les premières traces 33 2.2. L’ère turque, vers la consolidation du port de Sulina 35 2.3. Un territoire tiraillé, entre guerres de puissances et siège de la piraterie 35 2.4. La Commission Européenne du Danube (CED), une nouvelle posture pour Sulina6 38 2.5. Entre les deux grandes guerres, un redémarrage difficile 38 2.6. L’industrialisation forcée de l’époque communiste 38 2.7. L’ouverture à l’Ouest, des nouvelles perspectives pour Sulina 41 3. Sulina, un état actuel alarmant 41 3.1. Sulina et les caractéristiques de la ville rétrécissante 49 3.2. Sulina dans le grand territoire, une exclusion des réseaux (Europe, Mer Noire, Danube) 6


55 II Le delta du Danube, une région rétrécissante particulière Delta Dunării, o regiune particulară aflată în descreştere 57 1. Les sources de déclin du territoire deltaïque roumain 59 1.1. L’accès limité 63 1.2. La patrimonialisation mondiale 65 1.3. La désindustrialisation post-communiste 69 2. Problématique 71 3. Réponses à l’échelle du delta 71 3.1. Accès limité - accès modéré 73 3.2. Patrimonialisation - transformation 75 3.3. Désindustrialisation - transformation, reconstruction écologique 75 3.4. Désindustrialisation - déconstruction, recyclage 79

III

101 IV Sulina, essai d’impulsion socio-économique Sulina, încercare de impulsionare socio-economică 103 1. Un territoire paradoxal 103 1.1. Traces et strates urbaines 105 1.2. Qualités et enjeux de la ville 107 1.3. Plan local d’urbanisme de Sulina, 2011-2021 109 2. Maintenir une plateforme d’échanges deltaïques 109 2.1. Stratégie générale 112 2.2. Production - pisciculture extensive 113 2.3. Gestion - base de pisciculture 115 2.4. Vente - place de marché 123 2.5. Les mouvements saisonniers à intégrer 127 3. Des matériaux locaux pour l’édification 7


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3.1. Place de marché 3.2. Route économique et parcours paysager

161 V Sulina et le delta du Danube : un rétrécissement réversible Sulina şi delta Dunării: o descreştere reversibilă 163 1. Sulina, une ville à penser à long terme 163 1.1. Approche prospective de la ville 173 1.2 Amélioration du cadre de vie : intervenir dans l’îlot 177 2. Le delta, espace économique, culturel et social 185

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BIBLIOGRAPHIE Bibliografie




prĂŠambule Preambul


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Les Etats voient aujourd’hui leurs frontières s’atténuer par l’augmentation des échanges (informations, biens, services, population etc.). La place des architectes et des urbanistes est requestionnée car ils doivent, d’une part, réagir rapidement à la croissance brutale des villes et, d’autre part, tenter d’accompagner un phénomène plus dramatique, leur rétrécissement, dont les outils de projet actuels ne sont pas adaptés. Intervenir en Roumanie est une aubaine face à ces questions. Sortir de cinquante années sous l’emprise d’une politique communiste ne se pas fait sans peine. Il a fallu que le pays se réinsère rapidement dans les échanges internationaux dont il avait été exclu jusque là. La privatisation post-communiste n’a pas été entièrement maîtrisée et a posé de nombreux problèmes

pour relancer l’économie nationale. L’ouverture de la Roumanie à l’Union Européenne permet des nouvelles perspectives de développement. Cependant, des régions restent encore extrêmement isolées, comme il est le cas pour le site d’intervention choisi : le delta danubien et sa centralité, Sulina, petite ville de 5 000 habitants. Paradoxalement, la position géostratégique du delta sur le continent européen est irréprochable : entre l’Europe et l’Asie, sur le Danube et la Mer Noire. Alors que pendant presque un siècle le delta danubien a été le carrefour des échanges commerciaux entre l’Europe et l’Asie, il est aujourd’hui victime de la globalisation, de la désindustrialisation et des réglementations parfois absurdes dues à son classement au patrimoine mondial. De plus, les 13


réglementations très restrictives de protection n’arrivent pas à diminuer l’exploitation irrationnelle des ressources naturelles (et surtout du poisson), dans le contexte d’une pauvreté accentuée et d’un mécanisme administratif fortement marqué par la corruption. Le delta – machine à dépolluer, une opportunité pour une coopération européenne durable Sulina, la centralité du delta danubien, se trouve donc dans un territoire extrêmement protégé par les règles de l’UNESCO (RAMSAR), de l’Europe (NATURA 2000) et par les différentes réglementations propres à la Roumanie. Trop souvent l’image de préservation est en inadéquation avec l’évolution. C’est exactement ce qui se produit actuellement dans le delta roumain, où le cadre de vie et l’économie se détériorent de 14

manière accélérée. Depuis vingt ans, la nature s’est retrouvée au centre des préoccupations, laissant négligées la part de l’homme et de la culture deltaïque. Des nouvelles pratiques de préservation sont actuellement imposées, n’étant pas toujours en accord avec les traditions de la population. Pourtant, ce territoire est loin d’être une nature vierge. Le facteur humain existe depuis plusieurs siècles, façonnant et faisant partie du territoire. Sulina, la seule ville du delta danubien, a été pendant plus de 100 ans une ville administrative et de frontière très vivante, contrôlant le plus important accès navigable entre la Mer Noire et le continent. Rapportée aux dimensions de la ville, sa diversité culturelle, ethnique et religieuse est impressionnante. Même si la majorité de la population est composée de roumains orthodoxes, la ville a accueilli

des émigrés de tout horizon. Les différents cimetières (lipovènes, juifs, musulmans etc.) et la présence d’une église anglicane et d’une église romano-catholique dans la ville témoignent de ces anciennes communautés d’allemands, français, anglais, turcs, russes etc. A une toute autre échelle, Sulina est placée dans le delta d’un fleuve jetant 50% des pollutions fluviales de la Mer Noire. En même temps, le delta est composé d’une faune et d’une flore qui, par leurs caractéristiques naturelles, constituent un mécanisme fantastique d’amélioration de la qualité de l’eau. Les données ci-dessus montrent l’importance d’une coopération européenne autour du Danube et de son delta, coopération visant le développement d’un système de dépollution des eaux


continentales. Par exemple, l’Allemagne et l’Autriche ont déjà des pratiques s’axant dans cette démarche. A son tour, le delta pourrait servir de modèle pour tous les pays post-communistes qui sont souvent victimes de pollutions et de catastrophes industrielles se propageant dans le Danube. A partir des nouveaux projets intégrant tant l’environnement que la population deltaïque, et à travers une coopération européenne autour de l’axe danubien, le delta pourrait se transformer en une véritable machine à dépolluer du Danube. De cette manière, Sulina reprendrait sa place de première ville à la porte la plus à l’Est de l’UE, ouverte sur la Mer Noire et la Mer Caspienne, en tant que repère innovant du rapport environnement / cadre de vie humain. A grande échelle temporelle et dans l’optique d’une société

post-pétrole, le delta pourrait devenir le noyau d’un système européen de récupération et de recyclage des matières plastiques polluant le Danube. En tant que région rétrécissante, ce territoire aurait un fonctionnement d’autodigestion permanente qui serait, paradoxalement, sa manière de se conserver. Ces ambitions doivent tout de même être nuancées tant que les infrastructures économiques et sociales de Sulina ne seront pas adaptées et redéveloppées. Celles-ci la ralentissent aujourd’hui dans son bon développement. Par ailleurs, la ville se trouve au cœur des fortes contradictions : entre ses infrastructures actuelles très modestes et sa position géopolitique d’échelle continentale, mais aussi entre sa fragilité économique et son rôle de centralité dans la très riche culture du delta.

Sulina est aujourd’hui dans une phase de décroissance alarmante. Son accès difficile, les contraintes environnementales et le manque de stratégie dans son développement local l’ont entraîné dans le processus actuel de déclin et de rétrécissement. Ainsi, DÉCLIN, DÉCLIC se présente en tant que contre-projet du Plan local d’urbanisme de Sulina 2011, qui propose un développement brutal et agressif de la ville vers un tourisme anonyme, qui peut être retrouvé partout, y compris sur l’ensemble du littoral roumain. DÉCLIN, DÉCLIC est le résultat d’une réflexion sur les possibilités d’intervention dans les villes rétrécissantes. A travers l’exemple de Sulina et du delta danubien, il sera présenté ici les différents outils opératoires définis par les spécificités du territoire, de la grande échelle jusqu’à celle de l’homme.

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500 km

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Frontierele statelor lumii se atenuează azi o dată cu amplificarea accelerată a schimburilor (de informaţii, bunuri, servicii, populaţii etc.). Rolul urbaniştilor şi arhitecţilor este rechestionat în momentul în care ei trebuie, pe de o parte, să reacţioneze rapid la creşterea brutală a oraşelor şi, pe de altă parte, să acompanieze un fenomen urban mai dramatic, cel de descreştere a acestora, descreştere pentru care instrumentele de proiectare nu sunt încă adaptate.

à gauche | le delta machine à dépolluer

A interveni în România de azi este o ocazie de a răspunde la aceste provocări. Ieşirea din regimul politic comunist, care a condus-o timp de cincizeci de ani, a fost o etapă dificilă pentru această ţară. România a trebuit să se reintegreze rapid în sistemul de schimburi internaţionale din care fusese exclusă până în 1989. Privatizarea post-comunistă nu s-a

realizat în mod coerent, ceea ce a pus mari probleme în relansarea economiei naţionale. Integrarea României în Uniunea Europeană deschide noi perspective de dezvoltare. În acelaşi timp, unele regiuni ale ţării rămân extrem de izolate, cum este cazul sitului de intervenţie ales: delta Dunării şi centrul urban al acesteia, Sulina, mic oraş de 5 000 de locuitori. În mod paradoxal, poziţia geostrategică a deltei pe continentul european este excelentă: între Europa şi Asia, pe Dunăre şi la marea Neagră. Dacă timp de aproape un secol delta a fost centrul schimburilor comerciale între Europa şi Asia, ea este astăzi victimă a globalizării, a dezindustrializării şi a reglementărilor, uneori absurde, datorate statutului său de patrimoniu mondial. În mod paradoxal, reglementările hiper-restrictive de protecţie nu reuşesc să diminueze exploatarea 17


iraţională a resurselor naturale (în primul rând a peştelui), pe fondul sărăciei accentuate şi a unui mecanism administrativ puternic marcat de corupţie.

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Delta – maşină de depoluare, o oportunitate pentru cooperarea europeană durabilă

actualmente impuse, practici ce nu sunt întotdeauna în acord cu modul de viaţă al localnicilor. Cu toate acestea, teritoriul deltaic e departe de ceea ce numim o natură virgină. Factorul uman este prezent aici de mai multe secole, modelând şi făcând parte din teritoriu.

Sulina, centrul urban al deltei Dunării, se regăseşte astfel întrun teritoriu extrem de protejat de către reglementările UNESCO (RAMSAR), reglementările europene (NATURA 2000) şi cele proprii ale României. Foarte frecvent imaginea de prezervare se opune celei de evoluţie. Exact acest lucru se întâmplă în delta românească, unde cadrul de viaţă şi economia locală se deteriorează în mod accelerat. De douăzeci de ani natura se găseşte singură în centrul atenţiei tuturor, lăsând neglijate partea omului şi a culturii deltaice. Noi practici de prezervare sunt

Sulina, singurul oraş din deltă, a fost timp de 100 de ani un înfloritor oraş vamal şi administrativ, controlând cel mai important acces navigabil de pe Marea Neagră în interiorul continentului. Raportată la dimensiunile oraşului, diversitatea culturală, etnică şi reliogioasă este surpinzătoare. Alături de populaţia majoritară dată de români ortodocşi, oraşul a adăpostit turci, evrei, lipoveni, tătari etc. Prezenţa unei biserici anglicane şi a uneia romanocatolice sunt rămăşiţele prezenţei stabile a unor mici comunităţi vest-europene (germani, francezi,

englezi etc.). La o cu totul altă scară, Sulina este plasată în delta unui fluviu ce varsă 50% din poluanţii fluviali în marea Neagră. În acelaşi timp, delta este compusă dintr-o faună şi o floră care, prin caracteristicile lor naturale, constituie un mecanism fantastic de ameliorare a calităţii apei. Argumentele enumerate mai sus indică importanţa unei cooperări europene pe tema Dunării şi a deltei ei, cooperare vizând dezvoltarea unui sistem de depoluare a apelor continentale. De exemplu, Germania şi Austria au luat deja măsuri în această direcţie. La rândul ei, delta Dunării ar putea constitui un model pentru ţările post-comuniste, care sunt frecvent victime ale catastrofelor şi poluărilor industriale ce se propagă în Dunăre. Prin noi proiecte întegrând atât mediul natural, cât


şi populaţia deltei, şi prin prisma unei cooperări europeene, delta s-ar putea transforma într-o veritabilă maşină de depoluat a Dunării. În acest fel, Sulina ar putea redeveni primul oraş de la poarta estică a Europei, deschis spre marea Neagră şi marea Caspică, un real reper de inovaţie în ce priveşte raportul mediu natural / cadru de viaţă uman. Pe o scară temporală mai largă şi în viziunea unei societăţi postpetrol, delta ar putea deveni nucleul unui sistem european de recuperare şi de reciclare a materiillor plastice care poluează Dunărea. Cu statutul de regiune în descreştere, delta ar funcţiona într-un sistem de auto-digestie permanentă care i-ar permite, în mod paradoxal, să se conserve. Aceste ambiţii trebuie însă moderate atât timp cât infrastructura economică şi socială a Sulinei nu este readaptată şi

reînnoită. Aceasta încetineşte actualmente oraşul în buna lui dezvoltare. De altfel, Sulina se regăseşte subiectul a multiple contradicţii: între infrastructura ei modestă şi poziţia sa geopolitică de scară europeană, dar şi între fragilitatea sa economică şi rolul ei de centralitate a bogatei culturi deltaice.

oraşele aflate în descreştere. Cu ajutorul exemplului oferit de Sulina şi de delta Dunării, vor fi prezentate aici diferitele instrumente operatorii definite de particularităţile teritoriale, de la scara continentală şi până la scara louitorului.

Sulina se află astăzi într-o fază de descreştere îngrijorătoare. Accesul dificil, constrângerile legate de mediu şi lipsa de strategie în dezvoltarea locală au antrenat-o în procesul actual de declin şi retracţie teritorială. DECLIN, DECLIC se prezintă de altfel ca un contra-proiect al Planului local de urbanism Sulina 2011, care propune o dezvoltare brutală şi agresivă a oraşului înspre un turism anonim ce poate fi regăsit pe întreg litoralul romănesc. DECLIN, DECLIC este rezultatul unei reflecţii asupra posibilităţilor de intervenţie în 19



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le revers de la métropole : la ville rétrécissante, éternelle et récente Reversul metropolei: oraşul în descreştere, etern şi recent



1. Les villes rétrécissantes, un phénomène mondial Oraşe în descreştere, un fenomen mondial 1.1. Globalisation et rétrécissement Le mouvement des villes rétrécissantes ou villes en rétraction, plus connues sous le terme de shrinking cities, peut être retrouvé à différentes grandes périodes historiques. Ce phénomène est présent dès l’époque antique, étant dû à la globalisation des empires. Pendant que de nombreux territoires sont colonisés vers la Méditerranée et l’Asie, d’autres villes, moins intéressantes du point de vue géostratégique, disparaissent. Aujourd’hui la

globalisation est d’une toute autre ampleur. Chaque ville fait partie du système mondial unique, dans une interconnexion permanente, accélérée, productive et fatigante. Alors que toutes les villes contemporaines se veulent métropoles (Grenoble, Chambéry etc.), aucune n’est réellement protégée des dynamiques inversées de rétrécissement.

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1000 km

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à gauche | Sulina et les métropoles du monde en croissance à droite | le revers des métropoles, les villes rétrécissantes

1000 km

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Il s’agit d’un concept encore en cours de définition du fait d’une multitude de causes possibles, de processus et d’effets très particuliers de chaque territoire1. Mais d’une manière générale, les déclins actuels de ces villes sont dus à des phénomènes sociétaux particuliers à notre siècle : - désindustrialisation (Manchester, Leipzig), - suburbanisation (Détroit), - recomposition post-communiste (Allemagne, Europe de l’Est et Russie), - différents facteurs démographiques comme des taux de natalité extrêmement bas et un vieillissement de la population marqué (Japon)2, - après avoir été victimes de guerres, d’épidémies, de catastrophes naturelles ou technologiques (NouvelleOrléans). Ainsi, face au développement 26

rapide de grandes métropoles mondiales, aux mutations des modes de vie, et par les multitudes de crises économiques successives depuis 50 ans, les villes rétrécissantes semblent s’accroître. Dès les années 1990, plus d’un quart des villes de 100 000 habitants sont dans une phase de déclin3. 70% des shrinking cities se trouvent pour la plupart aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Souvent, ce sont des villes qui n’ont pas réussi à s’intégrer aux réseaux globaux, à l’internationalisation des certaines entreprises et à la compétitivité économique grandissante. L’inégalité des richesses s’accentue et devient difficile à pallier. Le déclin des villes est en cours d’élargissement et d’accentuation. Les villes doivent également faire face à de nouveaux changements dans leurs formes de développement


à gauche | exemples de shrinking cities (de haut en bas) : Détroit (Etats-Unis), Ivanovo (Russie), Manchester (RoyaumeUni) 1 | OSWALT P., sous la direction de, Shrinking Cities - Vol.1: International research, Hatje Cantz, Germany, 2006 2 | FOL S., CUNNINGHMA-SABOT E., « Déclin urbain » et Shrinking Cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine, Annales de géographie 4/2010 n° 674, p. 359383 3 | FOL S., CUNNINGHMA-SABOT E., op. cit.

urbain, du fait des nouvelles recompositions économiques et de l’évolution des comportements démographiques. Alors que ces villes sont dépourvues d’activités économiques, abandonnées par la population et détériorées en termes d’infrastructure urbaine, un paradoxe apparaît très souvent : elles se transforment en plateformes d’activités culturelles où les artistes s’approprient les lieux et où se développe une grande créativité. En même temps, ce sont des lieux où des économies informelles s’installent.

ont été victimes d’une perte de population.

En Europe, ces villes sont de plus en plus nombreuses dans les anciennes régions communistes, mais aussi dans la région du pourtour méditerranéen. Souvent, elles ont connu une chute brutale de leur démographie. Entre 1996 et 2001, les données statistiques ont montré que plus d’un tiers des villes de l’Union Européenne 27


1.2. Les difficultés pour répondre à ces problèmes L’intérêt pour les villes rétrécissantes est récent, étant un phénomène de plus en plus repéré dans les analyses des villes. De nombreuses hypothèses apparaissent sur ses causes, mais cela reste une question encore peu évoquée tant dans la théorie de la ville que dans les politiques locales et même dans la manière d’agir des bâtisseurs des villes : architectes, urbanistes, aménageurs, ingénieurs etc. Les outils actuels de projet ne permettent pas de répondre avec sûreté à ce phénomène urbain. Le phénomène de rétrécissement est souvent perçu comme une menace, alors qu’il pourrait être pensé comme une opportunité, un point de départ pour des nouvelles réflexions sur la ville durable. Il s’agit d’un développement qui ne s’appuierait pas forcément sur la 28

croissance mais sur le maintien et l’amélioration du cadre de vie de la population restante. En Allemagne les journalistes, les politiciens, les urbanistes et les aménageurs commencent à intégrer cette idée dans leurs projets et à la définir comme support d’une nouvelle urbanité. Par exemple, dans certains cas ils favorisent la ville compacte comme nouveau modèle potentiel de développement en Europe4. Cela réinterroge également la pensée de la ville : réussir à ne plus agir dans une logique de croissance, mais de décroissance, pour ensuite imaginer la manière de l’accompagner. A partir de ceci, la capacité de l’architecte à bâtir est déstabilisée. Les logiques de déconstruction et de recyclage peuvent être de nouvelles pistes d’intervention. Par ailleurs, cela demande de revoir toutes les bases de la pensée de l’édifice et de la ville connues par la mise en

place de nouveaux concepts et de modèles urbains. Cela pourrait permettre de développer des nouveaux langages architecturaux et des nouvelles typologies de construction et de formes urbaines5. L’investissement des acteurs locaux (politiques, sociaux, économiques, habitants etc.) n’est pas à négliger car chaque secteur est touché par le déclin. Le phénomène de croissance urbaine est étudié depuis plusieurs décennies. Le rétrécissement des villes l’est beaucoup moins. Les mouvements cycliques d’une ville, alternant croissance et décroissance dans son histoire, mais aussi dans son avenir, sont encore plus négligés par les faiseurs de villes, dû en partie à la difficulté de se projeter dans de grandes échelles temporelles. C’est ici que s’intègre la réflexion sur Sulina, que l’on caractérise


de ville en mouvement perpétuel autour de cycles de pliage et de dépliage dans son histoire, mais aussi dans sa position géostratégique et politique. Le cas de Sulina est un exemple parmi d’autres, mais son histoire impressionnante et sa place particulière sur le continent européen invitent d’avantage à s’en intéresser. Il y a de réels enjeux économiques, culturels et humains auxquels il faut répondre rapidement.

4 | OSWALT P., sous la direction de, Shrinking Cities - Vol.2: Interventions, Hatje Cantz, Germany, 2006 5 | OSWALT P., sous la direction de, op. cit.

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2. Sulina, une ville qui se plie et se déplie au rythme de son histoire Sulina, un oraş care se restrânge şi se extinde în ritmul istoriei Sulina est une ville très marquée par son histoire, qui a été influencée par sa place sur le Danube et sur la Mer Noire. Naturellement, elle a une géostratégie particulière marqué par l’influence du delta en tant que lieu de refuge (18e siècle), lieu de transit marchand (19e siècle), et lieu d’exploitation des ressources naturelles (20e siècle).

de pouvoirs. Ce riche passé se ressent spatialement par un ensemble des couches urbaines retraçant la construction de la ville. Cela se perçoit également au sein de la population et de l’économie, qui sont les premières victimes à subir ces moments d’essor et de crise sociétale.

Ainsi, cela la conduit à alterner des temps prestigieux en tant que port commercial important, et des époques plus hostiles avec l’occupation de la piraterie et les conséquences de divers conflits 31


routes des marins grecs, génois et vénitiens (9e, 10e siècles) vagues de populations slaves : russes et ukrainiens (18e siècle) Commission Européenne du Danube (19e siècle) transhumance des bergers roumains (19e siècle) 10 km


2.1. Les premières traces Il est déjà entendu parler de Sulina dès l’antiquité. Dans certains documents, Sulina semble apparaître au 7e siècle avant JC. Mais de façon certaine, les romains amerrissent sur cette terre dès le 5e siècle. Ce n’est qu’en 950 que Sulina est mentionnée pour la première fois en tant que port, dans l’œuvre de Constantin VII Porphyrogénète. Puis en 1327, Pietro Visconti l’intègre dans ses cartes de navigation : Sulina est, à cette époque, un port génois, grecque et vénitien.

2.2. L’ère turque, vers la consolidation du port de Sulina Très rapidement, la position de Sulina sur le Danube et la Mer Noire entraîne l’installation des turcs dans cette région. Ceci commence avec la mise en place d’une garnison pour la surveillance de la navigation en 1480. Ce n’est qu’en 1745 que le port s’affirme en tant que tel avec la construction du premier phare de la ville.

à gauche | carte de l’occupation du delta par l’homme à travers le temps DOBRACA L., La gestion des aires critiques : le delta du danube, entre isolement et réserve, Mappemonde, 1999.1, n°53, p.15-19

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1 km

avant 1800

1800-1850

1856

1900-1914

1914-1918

1918-1939

1939-1945

1945-1989

1989-2011

500m

500m

500m

34

500m

500m

500m

500m

500m


2.3. Un territoire tiraillé, entre guerres de puissances et siège de la piraterie

à gauche | évolution historique de Sulina 6| Commission Européenne du Danube, La commission européenne du Danube et son oeuvre, de 1856 à 1931, Paris, 1931

Sulina se retrouve régulièrement au cœur de conflits entre les empires environnants (principalement russe et ottoman), ce qui entraîne au début du 19e siècle une première décadence économique sur la ville. En parallèle, les bateaux en difficulté de manœuvre se retrouvent dépouillés par les pirates de Sulina. La ville devient petit à petit malfamée. En 1854, le fils de l’amiral britannique Parker est assassiné par les pirates. Cela entraîne le premier bombardement de la ville.

2.4. La Commission Européenne du Danube (CED), une nouvelle posture pour Sulina6 La ville connaît de grands bouleversements à partir de 1856. Après une forte sécheresse et l’invasion des cafards du Colorado dans l’Occident, la population de l’Ouest européen se retrouve contrainte d’importer les céréales de l’Orient. Dans un contexte où une collaboration économique entre les différentes puissances du Danube est nécessaire, il est créé la Commission Européenne du Danube, qui regroupe : l’AutricheHongrie, le Second Empire Français, le Royaume Uni, la Prusse, l’Empire Russe et l’Empire Ottoman. Ensemble, ils décident de rectifier la branche centrale du delta du Danube (passant à Sulina) afin d’assurer le commerce et le transport fluvial sur plus de 100 km. Sulina devient le siège de la Commission. 35


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1842

1850

1866

1905

1907

1930

1980

1984

2011


Ceci permet des transformations importantes de la ville, que ce soit dans la mise en place d’un réseau d’assainissement ou dans l’implantation de nouvelles infrastructures urbaines. Des édifices publics tels que la maison de la navigation, l’école ou l’hôpital, jusque là inexistants sont également installés. Les tensions ne sont pas pour autant réduites. Alors que la ville appartient dorénavant au territoire roumain, elle se fait de nouveau bombarder en 1878 par les russes.

à gauche | représentation photographique de l’histoire de Sulina

Devenant une ville de plus en plus attractive, la croissance démographique de Sulina devient spectaculaire. Pendant les périodes de fortes influences commerciales, jusqu’à 15 000 personnes circulent et échangent dans la ville (habitants et populations passantes confondus : marins, commerciaux etc.). En parallèle, la ville est régulièrement

foudroyée par des épidémies de choléra comme celle marquante de 1893. Cela ne ralentit pas son développement économique car en 1895, elle construit par exemple le chantier naval. En 1910, le développement urbain de la ville commence à atteindre son apogée. Elle dispose désormais de l’électricité et elle a en sa possession : une usine électrique, sept écoles primaires, une poste, un théâtre, une plage aménagée, un casino, un hôtel, 150 magasins, 1900 maisons, et compte plus de 7450 habitants.

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2.5. Entre les deux grandes guerres, un redémarrage difficile En 1918, les premiers bilans sont faits. La ville est en partie détruite, l’économie a des difficultés pour redémarrer, et elle ne commence à se reconstruire qu’à partir des années 1920, où de nouvelles maisons en bardage de bois apparaissent. Entre 1929 et 1933, elle subit la première crise économique mondiale, ce qui affecte la CED et le port. C’est en 1937 que la commission s’arrête. Le port est repris par les autorités roumaines et la population étrangère commence à partir. En 1944, la ville se retrouve bombardée accidentellement et perd plus de 60% de son patrimoine bâti.

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2.6. L’industrialisation forcée de l’époque communiste Au lendemain de la guerre, l’économie chute et le passage à l’industrialisation forcée menée par les communistes ne se fait pas sans difficulté7. Le chantier naval est cependant repris, et une conserverie de poisson et une fabrique de glace sont ouvertes. Par ailleurs, le Danube devient un axe économique interne au bloc soviétique : le Boulevard du Conseil d’Assistance Européenne Mutuelle. Dans un rêve de transformer Constanta en Rotterdam de l’Europe orientale8, Ceausescu inaugure en 1984 le canal artificiel connectant Constanta au Danube. Ce projet d’ampleur internationale9 a été construit entièrement par des forçats. Si jusqu’à cette période les navires passaient majoritairement dans le bras de Sulina, le nouveau canal va contribuer à un ralentissement des échanges fluviaux dans ce bras du delta.

2.7. L’ouverture à l’Ouest, des nouvelles perspectives pour Sulina Après la guerre froide, des grandes transformations s’opèrent dans le paysage roumain. En 1991 le delta du Danube est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Sulina est aujourd’hui au cœur d’un vaste programme de protection de l’environnement, ce qui pose de lourdes contraintes pour son développement. A cette même période, l’Europe s’ouvre vers l’Est. L’un de grands chantiers de coopération est inauguré en 1992 : l’ouverture du canal Danube Main Rhin, qui permet de rejoindre Rotterdam à Constanta et Sulina, en utilisant seulement les voies fluviales. Mais l’embargo de l’ONU sur la Serbie entre 1991 et 1996 ralentit et bloque le transit des marchandises sur le Danube. Parallèlement, Sulina connaît


aussi des difficultés au niveau local. En 1991, le navire ukrainien Rostok échoue à l’entrée du canal et reste bloqué jusqu’en 2005. De plus, l’Ukraine commence en 2006 les travaux pour l’ouverture du canal concurrent Bastroe, qui contribue aujourd’hui à la baisse des flux commerciaux et de l’économie de Sulina. 7| Durant cette période la Roumanie a mis en place une politique de fixation de la main d’œuvre dans les espaces campagnards par un mitage industriel et le contrôle des migrations dans les villes. cf. FOUCHER M., sous la direction de, Fragments d’Europe. Atlas de l’Europe médiane et orientale, Librairie Fayard, Paris, 1993 8| FOUCHER M., sous la direction de, op. cit. 9| C’est le deuxième canal après Panama en tant qu’ampleur des travaux.

de la ville. Afin d’imaginer son ou ses futurs possibles, il faut démontrer cette tendance par des caractéristiques plus précises qui dévoileront ses causes mais qui permettront aussi de définir un programme d’actions judicieux et adapté au contexte d’étude.

En 2007, la Roumanie intègre l’Union Européenne. La mise en place du programme européen transnational Danube Strategy et l’ouverture sur la Mer Noire vont chambouler complètement la place de la Roumanie et de Sulina dans la géostratégie européenne. Sulina est une ville qui alterne des phases de croissance et de rétrécissement. Aujourd’hui, et ce depuis trente ans, elle se retrouve dans une phase de rétrécissement. Mais cela reste une constatation issue d’une approche générale et historique 39



3. Sulina, un état actuel alarmant Sulina, o stare actuală alarmantă 3.1. Sulina et les caractéristiques de la ville rétrécissante La ville est un espace en mouvement, qui évolue et se transforme. Son déclin n’est donc pas à négliger. Selon les théoriciens, il est apparu deux courants de pensée10 de la ville rétrécissante autour de ses temporalités : - une vision linéaire de l’évolution urbaine : chaque ville croit, stagne, décline, voir peut disparaître. Cette théorie est apparue dans les années

1960 avec Lewis, qui désignait également les problèmes sociaux et physiques de l’urbain comme moteur du déclin. Dans les années 1980, une hypothèse dans cette même lignée décrivait le développement urbain en trois stades successifs : l’urbanisation, la suburbanisation et la désurbanisation. - une vision cyclique : moins fataliste que la vision linéaire, elle laisse la possibilité à ce qu’il y ait une phase de réurbanisation après la période de déclin, où la population regagnerait les centres. La ville évoluerait par une alternance de phases de 41


croissance et de déclin. Par les lectures, trois critères ressortent afin de permettre une définition de la ville rétrécissante : - déclin économique : baisse de l’emploi, hausse du chômage, baisse des échanges, déconnexion des réseaux globaux - déclin démographique : baisse du nombre d’habitants, départ des habitants, chute de la natalité, vieillissement de la population etc. - déclin social et urbain : abandon des infrastructures et des services urbains, logements vacants, espaces en friche, diminution des réseaux sociaux, isolement etc. A travers différentes analyses, d’autres éléments ont été déterminés pour décrire une ville en déclin. Très souvent, ce sont des villes où les politiques valorisent faiblement l’enseignement et la recherche, ne 42

permettant pas le développement d’emplois qualifiés. En période de crise, elles éprouvent ainsi des difficultés pour se réadapter et se reconvertir rapidement dans d’autres secteurs. La faiblesse en dessertes, du fait d’un manque d’infrastructures de transport, est un autre facteur. Avec une position souvent dans des régions périphériques, voir ultrapériphériques des métropoles, ces villes doivent aussi faire face à une forte concurrence d’échelle régionale, nationale, voir internationale. L’incapacité d’adaptation et de branchement rapides sur les réseaux économiques mondiaux produit tout de suite un désintérêt des investisseurs11. En suivant cette grille de lecture de la ville rétrécissante, il est possible de mieux comprendre ce qui caractérise le déclin de Sulina.

3.1.1. Une économie en chute Les économies qui ont fait la force de la ville sont aujourd’hui en chute. Les échanges commerciaux sont ralentis. Ceci est visible sur les espaces économiques clés, qui ont marqué la ville pendant plusieurs années et qui sont aujourd’hui abandonnés. Il s’agit surtout de la conserverie, du chantier naval et du port économique. Mais cela se ressent aussi par une chute des activités traditionnelles, notamment la pêche. La privatisation accélérée des entreprises post-communistes a compromis les activités industrielles et a rendu difficile le maintien de certaines activités. Le taux de chômage n’a fait que croître pour atteindre en 2002 le chiffre alarmant de 18,04%. Cette tendance va vers un début de renversement par la création de nouveaux emplois ces cinq


dernières années, principalement dans le secteur public. Alors que ce secteur représente 75% des emplois, seulement 24% des actifs travaillent dans le secteur privé. Il existe peu de développement de l’auto-entreprenariat et un ralentissement des activités traditionnelles. Un phénomène de tertiarisation s’installe, et les efforts de développement du secteur public par la ville se font ressentir. Mis à part une activité touristique qui tente de se maintenir12, Sulina n’a pas su se reconvertir et développer de manière durable de nouvelles activités. Par conséquent, elle devient de moins en moins attractive pour la population. 10 | FOL S., CUNNINGHMA-SABOT E., op. cit. 11 | FOL S., CUNNINGHMA-SABOT E., op. cit. 12 | Plan Intégré de Développement de Sulina, 2009

3.1.2. Une population qui a des difficultés pour se renouveler Depuis 1992, la population a une évolution descendante et ceci pour les différentes raisons

présentées précédemment. Même si le nombre d’actifs augmente encore du fait d’une natalité plus forte par le passé (politique nataliste de l’époque communiste), un renversement risque de se produire d’ici quelques années. Le taux de natalité diminue chaque année. Les 0-14 ans représente seulement 12,32% (2007) de la population de la ville. De plus, la tendance actuelle parmi les jeunes est une migration vers de plus grandes villes, soit pour poursuivre leurs études, soit pour aller vers des espaces économiques plus attractifs. La ville est dans une phase de vieillissement de sa population, ce qui produit une augmentation de son taux de mortalité, qui était en 2006 de 14,60/00. Sulina se retrouve ainsi avec un accroissement naturel négatif de -7,1 0/00, ce qui est beaucoup plus fort que la moyenne roumaine de -1,8 0/00. Cela 43


4290 habitants

version moderĂŠe version optimiste version pessimiste

4072

3387 2011

44

2015

2025


indique que sa population ne se renouvelle pas et qu’elle diminue de façon constante. Les perspectives à venir montrent que la population va continuer à diminuer. Dans tous les cas, elle pourrait baisser d’environ 12,1% d’ici 202513. 3.1.3. Un cadre de vie détérioré

à gauche, haut | les hypothèses d’évolution de la population de Sulina à gauche, bas | état actuel des infrastructures urbaines de Sulina 13 | Plan Intégré de Développement de Sulina, 2009

Les infrastructures urbaines de Sulina sont désuètes, peu entretenues et ne permettent pas le développement d’un cadre urbain agréable. Manquant de financement, seulement le quai du Danube et la route conduisant à la mer sont aménagés avec un revêtement du sol, alors que le reste de la ville est en terre battu. L’UE aide actuellement la ville de Sulina à l’accès à l’eau potable et la mise en norme de ce réseau, ce qui va améliorer le confort le confort des habitants. Après ces travaux d’extension et de

réparation des canalisations, l’UE va continuer à financer la remise en place des sols pavés. Des nombreuses traces du passé marquent le paysage par les infrastructures délaissées et les ruines. Certaines structures aériennes pour des pipelines sont encore présentes et en cours de détérioration. La population partant, le nombre de logements vacants accroît, sans de réels réflexions sur leur devenir.

45


population ĂŠconomie superficie

232 hectares

4290 habitants

DECLIN URBAIN

chute du tourisme depuis 2009

1800

46

1850

1900

1950

2000

2050


Ă gauche | mouvements cycliques de Sulina

47


Bruxelles

Sulina

1000 km

CED 1856

1000 km

CECA 1952

Bruxelles

Bruxelles

Vienne-BratislavaBudapest

Vienne-BratislavaBudapest Constanta Istanbul

1000 km

UE 2007

1000 km

UE 2025?


3.2. Sulina dans le grand territoire, une exclusion des réseaux (Europe, Mer Noire, Danube)

14 | http://ec.europa. eu/regional_policy/ cooperation/danube/ index_en.htm 15 | Il s’agit de l’axe Vienne – Bratislava – Budapest, en interaction avec le Danube.

3.2.1. Sulina, Europe

système transnational. Il aura fallu attendre la chute de l’Union Soviétique en 1989, puis plus récemment, l’ouverture de l’UE. à la Roumanie en 2007, pour réintégrer Sulina dans la pensée du territoire européen.

La Commission Européenne du Danube avait placé Sulina au centre des échanges internationaux, mais elle a aussi conforté sa place en tant que porte d’entrée de l’Europe depuis la Mer Noire. La fin de la CED, suivie de la guerre froide, a engendré la transformation de sa position en Europe. Sulina s’est alors retrouvée exclue des réseaux européens et du système économique. Alors que dès 1951 l’ouest de l’Europe forme la CECA, puis la CEE en 1957, créant un nouveau cœur économique et politique dans la région de Benelux, tout l’est de l’Europe, avec Sulina, se retrouve mis à l’écart du nouveau

Différents programmes européens comme Strategy Danube14 ont l’ambition d’intégrer Sulina, mais aussi l’ensemble du territoire du delta danubien, dans une logique de cohésion, de valorisation des spécificités locales et de développement des territoires. Ces programmes favorisent également le développement d’un nouveau cœur économique entre les capitales de l’Europe centrale15. Ainsi il rapproche le territoire deltaïque de la nouvelle centralité, alors qu’il s’est retrouvé pendant 50 ans dans les zones isolées en extrémité de l’Europe. De nouveaux échanges pourront être redéveloppés, valorisés et soutenus. 49


MOLDAVIE UKRAINE Odessa MER D'AZOV

Skadovsk

Sulina

RUSSIE

ROUMANIE Yalta Constanta

Novorossiysk

Sevastopol

Varna

BULGARIE

Poti MER NOIRE

Burgas

GEORGIE Batumi

Samsun Istanbul

MER EGEE

50

Zonguldak

TURQUIE

100 km


3.2.2. Sulina, Mer Noire Il ne faut pas négliger la position de Sulina sur la Mer Noire, espace maritime qui a toujours été une plateforme d’échange commercial entre l’Asie et l’Europe.

à gauche | Sulina sur la Mer Noire, mais à l’écart des échanges maritimes page suivante, à gauche | Sulina sur le Danube, victime de la concurrence des canaux fluviaux

Alors que par le passé la Mer Noire était un espace de transit vers la route de la soie, elle est dorénavant un véritable lieu d’échange pour les matières énergétiques (pétroles et gaz) entre la Mer Caspienne, la Russie et l’Europe. En regardant de plus près les cartes de ces échanges, Sulina en est exclue du fait qu’elle n’a plus la capacité d’accueil et les équipements d’un port maritime contemporain. Même en tant que port fluvial, certains des ses équipements sont anciens, voir abandonnés. Depuis les années 1980, la Roumanie a misé tout son développement maritime sur le port de Constanta (deuxième port à conteneurs d’Europe), alors

que dans la région deltaïque elle a favorisé plutôt le tourisme. Au-delà des échanges commerciaux, l’accès maritime n’a pas non plus été développé pour les flux migratoires et le tourisme, sauf dans le cas des croisières de luxe où Sulina devient (dans les meilleurs des cas) une escale pour ce type de voyage. L’élargissement de l’Europe continue à tendre de plus en plus vers l’est, et la question de la Turquie est au cœur des débats. Cela qui renforce beaucoup l’intérêt de donner une véritable place à Sulina dans les échanges maritimes.

51


MER DU NORD

Rotterdam

Koeln RHIN Frankfurt MAIN

Nuerenberg Strasbourg Bratislava Vienne Budapest

Sulina

Galati

MER NOIRE

Belgrade Constanta

DANUBE

100 km

52


3.2.3. Sulina, Danube Le rapport de Sulina avec le Danube est un véritable enjeu pour ses échanges économiques. Position qui a permis à Sulina de se développer et d’être actrice importante pendant plus d’un siècle, elle est aujourd’hui menacée pour des questions de rentabilité et de rapidité d’accès. La guerre froide a initié un climat peu favorable à la préservation de Sulina en tant que port important du fleuve. A grande échelle, le développement du Danube a été ralenti. Le trafic danubien a été l’une des premières victimes des faibles échanges entre l’est et l’ouest. Ensuite, à l’échelle de la Roumanie, et comme vu précédemment, Ceausescu a mis en place un programme développant un canal artificiel rejoignant le Danube à Constanta. Dès les années 1980, il y est créé ainsi une plateforme d’échange

fluviale et maritime qui a engendré une concurrence avec Sulina, voire sa perte. En 1992, avec l’ouverture du canal Kelheim connectant le Rhin et le Danube en Allemagne, des nouvelles perspectives de développement ont pu être mises en place. Malheureusement, la succession de barrages le long du fleuve rend difficile la circulation des bateaux à fortes contenances. Par exemple, pour faire Constanta - Rotterdam, il est plus rapide de passer par la Mer Noire que par le fleuve. Il faut trois semaines à un mois par le fleuve alors que par la mer, il faut diviser le temps par quatre avec un transport de plus gros volumes.

Sulina subit aujourd’hui une forte pression émanant des autres canaux débouchant sur la Mer Noire : Constanta (Roumanie) et Bastroe (Ukraine).

Dès les années 1990, il y a une baisse de 20% du trafic par le canal de Sulina, du fait du navire Rostock, ce qui a engendré et accentué la chute de l’économie locale. 53



2

Le delta du Danube, une région rétrécissante particulière Delta Dunării, o regiune particulară aflată în descreştere



1. Les sources de déclin du territoire deltaïque roumain Sursele de declin ale teritoriului deltaic românesc Sulina a alterné des nombreuses phases de déclin et de croissance au cours de son histoire : son statut économique, sa démographie et son emprise territoriale se sont pliés et dépliés face aux différents moments et phénomènes mondiaux et locaux. En tant que centralité du territoire deltaïque, elle a fortement influencé toutes les petites localités qui l’entourent et qui en dépendent. Le territoire deltaïque roumain a vécu, au même rythme que Sulina, des moments de prospérité et de déclin, pour se trouver aujourd’hui dans une phase inquiétante de

rétrécissement (elle peut être appelée shrinking region). Les sources les plus importantes de ce phénomène sont : l’accès limité, la préservation mondiale et la désindustrialisation postcommuniste du territoire deltaïque.

57


10 km

10 km


1.1. L’accès limité Lorsqu’il s’agit d’accéder au delta du Danube par la Mer Noire ou par le continent, il existe des grandes difficultés de déplacement et peu de choix. L’accès par la mer n’est pas du tout valorisé ; il n’existe pas des navettes ou des transports vers les autres ports de la Mer Noire, à l’exception des croisières de luxe. Ces dernières passent par le delta sans accoster. L’alternative – l’accès par le continent – est extrêmement lente.

à gauche | Le delta est un territoire habité.

Dans tous les cas, les localités du delta ne sont accessibles que par l’eau. Le seul trajet fréquenté part de Tulcea, une ville de 100 000 habitants, connectée aux réseaux de transport par la voie ferrée, par des axes routiers et par son aéroport. Il faut compter six heures en train, quatre heures en voiture ou trente minutes en avion depuis Bucarest.

D’ici, le Danube se divise en trois bras, arrivant au nord à Chilia, au centre à Sulina et au sud à St. George. Dans le réseau de transport deltaïque mis en place par l’Etat roumain, il existe deux types de bateaux : les bateaux classiques avançant à 17 km à l’heure, et les bateaux rapides avançant à 40 km à l’heure. Si les bateaux classiques ont une cadence régulière, circulant deux fois par jour, les bateaux rapides ne circulent que deux fois par semaine (les mardis et jeudis pour l’aller, les mercredis et vendredis pour le retour), et cela uniquement s’il n’y a pas de brouillard. Pour calculer les temps des déplacements, la référence a été la vitesse des bateaux classiques. Chilia est accessible depuis Tulcea en sept heures, Sulina en quatre et St. George en six. Pour accéder aux localités du cœur du delta, il faut premièrement parcourir les 70 km du bras de Sulina en quatre 59


Tulcea

10 km

10 km


heures, pour continuer encore deux ou trois heures en voiture ou en barque. Au cœur du delta, il existe des routes parsemées pour les dessertes locales, mais il n’y a pas de lourdes infrastructures comme des véritables routes ou des ponts. De plus, il existe des situations de crise chaque année, en janvier - février, où il arrive que le Danube ne dégèle pas pendant plusieurs jours, empêchant tout transport entre les localités du delta.

ce qui favorise les pratiques touristiques de découverte, le tourisme slow et respectueux de l’environnement, à l’opposée du tourisme agressif et anonyme retrouvable partout sur le littoral roumain, se situant à 50 km au sud du delta.

Cette situation pose énormément des difficultés au développement de la région deltaïque, empêchant sa croissance économique et même mettant en danger ses habitants quand il s’agit des urgences médicales ou des approvisionnements. à gauche | Le delta est accessible uniquement par l’eau, à travers les trois canaux danubiens.

En même temps, l’accès limité a cette région lui attribue une posture exotique et mystérieuse dans l’imaginaire des visiteurs, 61


zone de pêche zone d'élévage / agricole roseaux forêt zone intégralement protegée (accès interdit) zone de pêche

10 km

zone d'élévage / agricole roseaux forêt zone intégralement protegée (accès interdit) 10 km

10 km


1.2. La patrimonialisation mondiale

à gauche| Le delta a des ressources strictement protégées. 16 | Di Méo G., Processus de patrimonialisation et construction des territoires, Université de Bordeaux 3, 2010 17 [ Mitroi-Tisseyre V., L’environnement comme élément du patrimoine culturel dans une réserve de la biosphère, Université Paris Ouest Nanterre la Défense, Laboratoire Dynamique Sociale et Recomposition des Espaces 18 | Mitroi-Tisseyre V., op. cit.

La notion de patrimonialisation est, dès nos jours, fondamentale pour les conceptions et les politiques du développement durable. Celles-ci s’appuient justement sur la qualification patrimoniale de l’environnement, au sens d’une transmission garantie et équitable, aux générations futures, de ressources et de biens communs, tant sociaux (biens et valeurs de civilisation) qu’environnementaux (ressources biotiques ou abiotiques)16. Pour le delta danubien il s’agit d’une patrimonialisation de la nature qui débute timidement dans les années 1930, pour s’achever en 1991 avec la création, sous la tutelle de l’UNESCO, d’une Réserve de la Biosphère qui inclut quasiment toute la région du delta du Danube, avec une surface de

580 milles hectares. Dans le périmètre de la réserve sont présentes quinze communautés avec une population d’environ 15 000 habitants. La réserve et son administration ont été mises en place par un décret d’Etat, sans aucune participation locale. Elles ont joué un rôle important dans la redéfinition des connaissances et des actions légitimes en rapport avec l’environnement17. La nature deltaïque à préserver est loin d’être un espace vierge, se trouvant, au contraire, imbriquée dans des pratiques sociales des plus diverses : agricoles, de pêche, touristiques, domestiques, scientifiques, de loisir, etc. Les conflits d’appropriation qui en résultent entre différents acteurs montrent comment le patrimoine naturel et culturel se modèlent sans cesse et de façon réciproque18. Le rapport de la patrimonialisation 63


de l’environnement avec l’économie locale pose des questions très importantes dans le delta. Il s’agit premièrement d’un accès limité à l’exploitation des ressources naturelles locales, qu’ils s’agissent de la pêche, de l’aquaculture, de l’exploitation des roseaux, des bois ou du sable. Entre ces activités, ce sont la pêche et l’aquaculture qui ont le plus souffert à cause des fortes limitations et interdictions depuis 1991. Cela a ainsi rendu le delta dépendant des régions périphériques pour son approvisionnement. Pendant le régime communiste roumain, la pêche fonctionnait dans un système de maisons de collecte du poisson, où l’Etat achetait les captures des pêcheurs pour l’exportation et, en quantités beaucoup moins importantes, pour la distribution dans le pays. L’Etat payait les pêcheurs à des prix très bas. Depuis 1989, avec la 64

privatisation des lieux de collecte, les nouveaux propriétaires les payent encore moins. De plus, les interdictions liées aux saisons et aux outils de pêche mettent les pêcheurs du delta dans une position extrêmement défavorisée, où ils se voient obligés de voler du poisson pour nourrir leurs familles. Faisant probablement partie d’une grande chaîne mafieuse à l’échelle de la région, les nouvelles maisons de collecte entraînent une croissance explosive du marché noir au sein de la société. Un deuxième rapport difficile existe entre la patrimonialisation de l’environnement et les infrastructures. Il semblerait peut-être évident que la solution à l’accès limité de cette région serait tout simplement la construction d’une route le long des digues du canal Sulina, projet existant depuis les années 1970. Pourtant cela est aujourd’hui

complètement inconcevable par rapport aux réglementations d’une Réserve de la Biosphère. Nous nous retrouvons par conséquent dans une situation qui semble sans issue. Sachant que le transport et l’accès deltaïques sont très lents et difficiles, cette réalité ferme le cercle vicieux avec un seul constat : l’habitant du delta devrait chercher une vie décente ailleurs. Pour ajouter un dernier détail, il existe dans les cartes de réglementation de la Biosphère des zones énormes du delta « intégralement protégées (accès interdit) », pour citer avec précision la légende. L’interdiction s’adresse tant aux touristes qu’aux habitants, renforçant l’isolation du delta. Pour les raisons ci-dessus, il semble aujourd’hui que la préservation de l’environnement agit dans le sens de l’expulsion de l’habitant. Pourtant, l’habitant, ses pratiques et sa culture


font partie de l’environnement deltaïque depuis des siècles. Le projet essayera de montrer comment la patrimonialisation peut prendre (à l’opposée de ses définitions en tant que préservation - stagnation) le sens de la transformation et de l’évolution d’un organisme englobant la nature, l’économie et la société.

1.3. La désindustrialisation post-communiste L’époque communiste roumaine (1945-1989) a marqué profondément le territoire deltaïque par le processus d’industrialisation forcée. Des chercheurs-forçats étudiaient les ressources naturelles de la région et les manières de les exploiter dans l’industrie. Des plateformes-

test ont été mises en place pour l’exploitation de la tourbe et des roseaux dans des centrales thermiques et chimiques, d’autres pour l’exploitation du sable et la production du verre, et encore environ 300 milles hectares du territoire deltaïque (la moitié du delta !) ont été drainés pour devenir des polders agricoles. Malgré les efforts des chercheurs et les financements de l’Etat, aucune de ces expérimentations n’a réellement fonctionné. La plus grande des interventions, celle des polders agricoles, était vouée à l’échec dès le début : la haute salinité de la nappe phréatique ne permettait pas une exploitation agricole profitable. Le drainage n’avait fait que détruire l’équilibre du milieu naturel. A partir de 1989, toute l’industrie roumaine est entrée dans un processus accéléré de privatisation. Les seuls sites industriels qui ont réussi

à maintenir leurs activités jusqu’aujourd’hui sont ceux situés autour de centres universitaires, où la recherche a su innover la technologie de l’ancien système. L’industrie deltaïque, manquant toute infrastructure universitaire, n’a pas pu faire face aux demandes et à la concurrence du marché. Aujourd’hui les énormes surfaces appauvries en biodiversité, les logements ouvriers et les usines, tous abandonnés par leurs propriétaires au cœur du delta, témoignent des projets mégalomaniaques de valorisation économique de la sombre époque. Parallèlement, les bâtiments vides sont désassemblés illégalement par les habitants afin de recycler les matériaux de construction.

65


10 km

10 km


bateau brise-glace

voler du poisson pour survivre

le delta et ses polders agricoles

logements ouvriers abandonnĂŠs



2. Problématique Problematică Les observations ci-dessus ont permis de mettre un cadre face aux problèmes posés par le territoire deltaïque en déclin. Son histoire, sa position géopolitique et ses enjeux environnementaux aident à la lecture de sa posture actuelle et ciblent les outils de projet à mettre en place. Ainsi, la démarche va viser de détourner les sources du déclin du territoire deltaïque en ressources d’impulsion socio-économique pour maintenir la population existante et la culture du delta. La réflexion sera menée à différentes échelles. Dans un

premier temps, la démarche s’appuiera sur l’ensemble du delta. Ensuite nous expérimenterons les outils de projet pour la ville deltaïque en déclin et nous regarderons de plus près Sulina, la centralité menacée du delta. Pour finir, le projet essayera d’agir aussi à l’échelle de l’homme et de ses pas dans la ville, pour revenir enfin à l’échelle territoriale et discuter les divers scénarios de développement de Sulina et du delta.

69



3. Réponses à l’échelle du delta Răspunsuri la scara deltei 3.1. Accès limité - accès modéré Tenant à chaque fois compte des réglementations environnementales, une série de scénarios associant divers moyens de transport a été développée, afin de répondre à la question de l’accès et de la mobilité deltaïque. A la fin des recherches hypothétiques, le projet met en place un scénario modéré, ayant deux échelles d’influence. Il s’agit premièrement de renforcer les connexions intérieures au delta, dans le but de le rendre

plus autonome. Ainsi le projet propose la mise en place des transports doux (bus et vélos) sur les berges des canaux existants. De cette manière, les membres des familles disposant d’une seule barque pourraient se déplacer indépendamment. De plus, les divers produits spécifiques à chaque zone du delta pourraient être transportés plus facilement vers les pôles de distribution. En regardant de plus près la carte des canaux deltaïques, il est souligné la position centrale de Sulina. Le renforcement de ces canaux en tant qu’axes de transport mettrait en avant le rôle de pôle 71


vers Odessa

Tulcea

vers Constanta

10 km

10 km


économique central de cette ville. Dans un second temps il s’agirait de l’ouverture du delta vers la mer Noire et vers la ville de Tulcea. A travers un système de bateaux - navettes vers Constanta, le temps d’accès au delta serait raccourci de sept à deux heures. A long terme, ce même réseau de navettes pourrait rejoindre Odessa et Istanbul. De cette manière le delta du Danube serait relié aux pôles économiques importants de la mer Noire.

3.2. Patrimonialisation transformation Il a été montré jusqu’ici comment la patrimonialisation, faute des réglementations souvent absurdes et non-localisées, pose des problèmes très graves quand il s’agit de l’intégration des facteurs économiques et sociaux locaux.

pour des nouvelles activités. Pour concrétiser ces intentions projectuelles il faudra revenir au sujet des grands polders agricoles abandonnés.

La réponse proposée – le détournement de la préservation en transformation – vise d’un coté l’innovation, avec la mise en œuvre de pratiques scientifiques de reconstruction écologique, et de l’autre coté la mise en réseau et le renforcement des manières traditionnelles d’exploitation du milieu naturel. De fait, ces deux axes fonctionnent très bien ensemble. La reconstruction écologique permet la création des nouveaux terrains de jeu pour les pratiques économiques traditionnelles, disparues pendant le régime communiste, ainsi que 73


10 km

10 km


3.3. Désindustrialisation transformation, reconstruction écologique Les 300 milles hectares de polders abandonnés constituent la moitié du territoire deltaïque. Dans la plupart des cas, ils entourent les localités où les ouvriers-forçats du régime communiste étaient placés. Avec l’aide des organisations internationales, la reconstruction écologique des certains polders a déjà démarré. Il s’agit d’une simple ouverture des digues permettant la re-inondation progressive des ces surfaces. En environ quatre ans, les écosystèmes marécageux y sont reconstruits. Les interventions actuelles s’arrêtent à ce moment du processus. Pourtant la reconstruction écologique pourrait constituer un point de départ avantageux

pour le développement des diverses activités économiques, si nécessaires dans le delta. Lorsque leur exploitation se fait de manière traditionnelle et extensive, le milieu naturel conserve son équilibre et ses qualités de renouvellement. L’exploitation des roseaux, l’aquaculture, les activités sportives et de loisir, ainsi que l’exploitation de la tourbe, sont des exemples de réinvestissement des anciens polders dans l’économie locale. La seule contrainte est celle de la manière extensive et non intensive de mise en place de ces activités.

3.4. Désindustrialisation déconstruction, recyclage L’attention à porter ensuite est sur l’avenir des immeubles de logements ouvriers et des usines, abandonnés en partie ou entièrement. Aujourd’hui ceux-ci sont, pour la plupart, sources de gaspillage ou lieux de promiscuité. Il s’agit à chaque fois d’édificestype. Les usines témoignent d’une indéniable qualité architecturale, qualité souvent inhérente au bâti industriel et aux architecturesmachines. A terme, suivant leur état actuel et leurs qualités constructives, les usines poseront la question de leur reconversion. Le cas des logements ouvriers est différent. Les qualités architecturales y sont moins évidentes. Des trames étroites et régulières, des pièces de vie bien plus que minimales, des installations d’eau et de 75


recherche et dĂŠveloppement

reconstruction ĂŠcologique

tourisme sportif

tourisme slow

commerce

sport et loisir

petite industrie

76


à gauche | l’inondation des polders abandonnés, reconstruction écologique pour une économie diversifiée 19 | Le pourcentage de récupération des matériaux de construction serait estimé à chaque fois par rapport à l’état de l’immeuble à démolir.

chauffage mal mises en œuvre etc. constituent le projet-type communiste, retrouvable dans toutes les localités du pays, sans exception. Les matériaux de construction de ces immeubles sont le béton préfabriqué et la brique. Selon le cas et leur pertinence, le projet propose la démolition de ces bâtiments et la récupération, en partie19, des matériaux de construction pour réaliser d’autres projets. Par exemple, les dalles préfabriquées en béton pourraient servir à la consolidation des digues et à la remise en état des petites routes, alors que la brique pourrait servir à la construction des nouveaux édifices.

deux mètres en sous-sol et constituant un socle d’environ un mètre au niveau du terrain. En déconstruisant les immeubles, les fondations pourraient être facilement adaptées pour devenir de grands bassins à poisson.

Dans le delta du Danube ces constructions ont posé la question de l’étanchéité au sol, à cause du haut niveau de la nappe phréatique. Par conséquent, leurs fondations constituent des cuves en béton, descendant d’environ 77



3


« Soulina, dont l’art des ingénieurs a fait un splendide chenal accessible aux plus gros steamers, n’était qu’un marais fétide, hanté par la fièvre, nid de pêcheurspirates redouté des marins, dont l’oeil terrifié découvrait au loin, comme autant de croix funèbres émergeant des abîmes d’une mer inhospitalière, les mâts des navires engloutis par la tempête », déclaration d’un diplomate belge citée par Armand Lévy, La Roumanie et la liberté du Danube, Paris, 1883, in-18. Introduction, p. xvi. «Les navires sur lest remontaient lentement le cours sinueux du fleuve, quelquefois à la faveur du vent, mais le plus souvent halés à bras, contre vent et courant, par les équipages tirant avec effort sur les rives. Aussi des semaines entières étaient-elles nécessaires pour atteindre les ports de Galatz ou de Braïla, ou ces bateaux allaient chercher leur chargement de céréales. Un petit nombre d’entre eux, pour éviter à leurs équipages les fatigues du halage, se faisaient remorquer par quelques-uns des rares remorqueurs qui existaient alors et dont le tarif était fort élevé. » déclaration du Colonel Stokes lors d’une conférence de la CED

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« Les difficultés à la descente des navires chargés étaient presque encore plus grandes que celles des navires sur lest a la montée. Bien que, pendant le printemps, ces bâtiments trouvassent habituellement que, pendant le printemps, ces bâtiments trouvassent habituellement une bonne profondeur en raison des crues, en automne, après la récolte, l’eau était généralement basse, et dès que les navires entraient dans le bras de Soulina, ils s’échouaient fréquemment sur les bancs qui obstruaient le canal navigable, et ils s’immobilisaient sur place jusqu’à ce qu’ils se fussent allégés d’une partie de leur cargaison. Dans les ports de Soulina, Toultcha, Galatz et Braïla des matelots cosmopolites qui, disait-on, ne valaient guère mieux que des pirates, propriétaires de petits bâtiments propres à servir d’allèges, étaient à l’affût des navires échoués, dont les capitaines devaient nécessairement s’adresser à eux pour alléger. Ces gens leur volaient, par toute sorte de moyens, pillage organisé au moyen de faux ponts, prélèvements par barques pendant la nuit, etc., une partie des céréales qui leur était confiée. Les pilotes étaient généralement d’accord avec eux et leur procuraient du travail en faisant échouer les navires, alors qu’en gouvernant bien ils auraient pu

éviter l’échouement. C’était toutefois à l’embouchure que se produisaient les plus grands dommages résultant de la nécessité d’alléger les navires. Arrivé à Soulina, un navire avait d’abord a s’alléger de manière à ne plus avoir, le plus souvent, que 2 m. 44 (8’) de tirant d’eau. Il devait ensuite attendre un temps favorable pour sortir en rade avec les allèges contenant sa cargaison. Il arrivait souvent, pendant que l’on rechargeait les céréales à bord, qu’un coup de vent survenait ou que le vent devenait plus fort, de sorte que les allèges ne pouvaient rester le long du bord et devaient rentrer au port souvent aussi les allèges faisaient naufrage et, quelquefois, les navires a l’ancre dans la rade étaient poussés a la côte ou avaient leur chargement désarrimé. En principe, si rien de pire n’arrivait, le navire en rade était à peu près sûr de ne pas emporter la totalité de la cargaison qui avait été déchargée dans les allèges.» déclaration du Colonel Stokes lors d’une conférence de la CED


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« En 1853, c’est-à-dire au début de la guerre d’Orient, Soulina ne comptait tout au plus que 1.000 à 1.200 habitants, la plupart Ioniens, Grecs et Maltais. Quelques baraques en planches ou de simples huttes de roseaux élevées sur la plage servaient d’abri à des aventuriers dont l’industrie consistait à dépouiller en grand et par association les malheureux capitaines obligés, par suite des obstacles qu’ils rencontraient sur ce point, d’avoir recours à leurs services. Ils rançonnaient la navigation européenne et rappelaient par leur âpreté impitoyable l’avidité du géant des bouches de l’Escaut. Le vol était organisé et, au milieu du désarroi qui avait suivi les premières hostilités sur le Danube, il se pratiquait impunément. L’emploi forcé des allèges pour le passage sur la barre facilitait particulièrement les entreprises de ces hardis pirates. Leurs embarcations avaient d’ordinaire un double fond qui absorbait une grande partie des grains momentanément extraits des bâtiments de mer et ils restituaient l’excédent, lorsqu’ils ne pouvaient échapper avec toute leur cargaison à la vigilance des capitaines. C’est ainsi que plusieurs moulins à vent, dont on voit encore les débris, étaient en pleine activité a l’embouchure, c’està-dire sur un point désert de la côte, à

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l’extrémité d’une plaine de roseaux. » WilliamRey, Autriche, Hongrie et Turquie, 1839-1848, Paris, 1849 « On peut dire à juste titre que le Danube, ce roi majestueux des fleuves européens qui, dans un parcours de seize cent milles maritimes, relie le centre de l’Europe à la mer, dans lequel se jettent du versant septentrional des Alpes jusqu’aux dernières ramifications orientales des Carpathes plus de quatre cents cours d’eau tributaires, qui traverse deux Empires de premier ordre, tant de Royaumes, de Principautés et de Provinces, les plaines les plus riches et des chaînes alpestres, qui se couvre de centaines de pyroscaphes et de milliers de voiliers, que cette grande artère du commerce de tant de peuples, l’orgueil de l’Allemagne, la gloire de la Hongrie, la nourrice de la Roumanie, est ouverte désormais à la navigation, non seulement jusqu’à la mer, mais jusque dans la mer. Ce résultat est fécond en avantages immenses. Les bâtiments marchands, auxquels la rade de Soulina n’offrait jusqu’aujourd’hui qu’un cimetière menaçant, trouveront dans le fleuve en franchissant les digues protectrices que nous venons inaugurer, le port le plus sûr,

où ils pourront effectuer sans danger leurs opérations de chargement; les primes d’assurance diminueront, les frais d’allège seront épargnés, le nolis deviendra moins cher et le prix des denrées baissera en conséquence 5 la demande des grands marchés de l’Europe augmentera dans la même proportion, la production agricole se trouvera ainsi encouragée, la vente des fruits du sol portera l’aisance dans les pays danubiens et cette aisance, activant le besoin des articles de confort et de luxe, exercera une heureuse action sur l’industrie européenne. On ne comptait dans le Danube en 1857 que 2.500 bâtiments d’un tonnage de 350.000 tonneaux, en 1860 il est sorti de Soulina 3.500 bâtiments portant 558.000 tonneaux. Bientôt l’espace manquera à l’affluence des navires. » déclaration d’un Délégué de l’Autriche pour l’inauguration des digues de Sulina en 1861 «Soulina, dont la rade présente encore les tristes témoins des sinistres pour ainsi dire périodiques que la navigation y éprouvait autrefois, offre actuellement, au lieu d’un danger, le meilleur refuge de la côte occidentale de la mer Noire entre le Bosphore et Odessa. » déclaration d’un Délégué de l’Autriche pour l’inauguration des digues de Sulina en 1861


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Sulina, essai d’impulsion socio-économique Sulina, încercare de impulsionare socio-economică



1. Un territoire paradoxal Un teritoriu paradoxal 1.1. Traces et strates urbaines En se promenant à Sulina, cette petite ville de 5 000 habitants, un architecte ne peut pas rester insensible à la richesse des traces historiques marquant le sol, le ciel et la matière de ce lieu. Sulina séduit instantanément par sa rigueur et sa sagesse, son aléatoire et ses repères. Elle crie ses strates architecturales et invite à une lecture de plus en plus fine de sa substance.

palimpseste urbain de Sulina. Cela permet d’observer son horizontalité structurante, sa régularité finement abattue face aux repères paysagers et architecturaux, son espace public longeant le Danube, ainsi que ses friches mystérieuses du chantier naval, de la conserverie ou du polder agricole.

L’étude se poursuit par un geste brutal et chirurgical de décomposition par couches du 103


1 km

axes horizontaux

axes verticaux

espace public

espace tampon entre la ville et le polder

espaces en attente

îlots

repères culturels et historiques

repères paysagers

système d’éclairage public

500m

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500m

500m

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500m

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500m


1.2. Qualités et enjeux de la ville S’il s’agit de l’échelle locale, Sulina a beaucoup de qualités urbaines et paysagères. Mais elle a aussi des infrastructures économiques désuètes (comme le port, le chantier naval, la conserverie etc.), tout en offrant trop peu en matière de cadre de vie à ses habitants. A l’échelle du delta, elle en constitue la centralité, mais, de nouveau, elle n’a pas les moyens de mettre en place une véritable plateforme d’échanges économiques. Si nous nous éloignons encore plus, Sulina est la porte est de l’Union Européenne, sur le seul fleuve la parcourant de l’Ouest à l’Est, et ouverte sur la Mer Noire. Si dans l’histoire cette position avait fortement marqué la posture de la ville, aujourd’hui elle n’est plus du tout valorisée.

C’est dans ce contexte que sont installées les bases du projet DÉCLIN, DÉCLIC pour Sulina, visant à une confortation de son rôle à toutes les échelles territoriales.

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le PLU et les rĂŠalitĂŠs de la ville

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1.3. Plan local d’urbanisme de Sulina, 2011-2021 Pour démarrer le travail, il a été nécessaire de regarder le Plan local d’urbanisme de Sulina en vigueur entre 2011 et 2021. Ce qui choque dans un premier temps est la nouvelle surface constructible que le PLU propose. Il s’agit d’une superficie faisant trois fois la surface de la ville bâtie aujourd’hui, alors que la population de la ville perd environ 100 habitants par an depuis 1992. La ville existante est à peine touchée par les nouvelles réglementations. Tout l’intérêt du nouveau PLU se concentre sur l’occupation de l’axe rejoignant la mer et celui du polder agricole. Ce dernier n’est même pas redécoupé en îlots. Les canaux existants, distancés d’environ un kilomètre, sont simplement repris en tant que nouvelle trame d’occupation. Chaque

grand îlot reçoit un programme bien défini, dans un système de zonage : terrain de golf, hôtels de luxe, villas individuelles, terrains équestres, aqua-disney-city etc. Un des îlots sert à l’installation d’un aérodrome. Cela est très pertinent en tant que réponse pour l’accès limité de Sulina, mais son implantation dans la proximité de l’habitat est une mauvaise option, constituant une source de nuisances et de pollution. En comparant à chaque fois les propositions du PLU avec les réalités de la ville, il devient évident que le développement proposé constitue une impulsion forcée vers un tourisme anonyme et agressif. Par conséquent, le projet DÉCLIN, DÉCLIC se retrouve dans la posture d’un contre-projet. Sa stratégie est de renforcer les activités traditionnelles et les potentiels de l’environnement deltaïque. 107



2. Maintenir une plateforme d’échanges deltaïques Menţinerea unei platforme de schimb a deltei 2.1. Stratégie générale L’activité la plus présente à Sulina est la pêche, activité traditionnelle très chère aux habitants. Par l’inondation du polder agricole abandonné au sud de la ville le projet y propose la mise en place d’un site de pisciculture extensive. Il est important de montrer comment, en se déconstruisant par l’inondation, la ville rétrécissante peut reconstruire son économie.

production jusqu’au site de consommation et de vente. Cette impulsion économique est doublée par l’amélioration de l’accessibilité de Sulina, pour laquelle le projet propose : un nouveau port commercial en lien avec l’espace de vente du poisson, et un aérodrome situé à 2 km au sud de la ville, longeant la base militaire frontalière. Ainsi il serait créé une véritable plateforme d’échanges commerciaux au cœur du delta danubien.

En termes de programme, le projet décrit le parcours entier du poisson, de son espace de

La pisciculture extensive permettra ensuite le développement d’une palette 109


recherche et dĂŠveloppement

reconstruction ĂŠcologique

tourisme sportif

tourisme slow

commerce

sport et loisir

petite industrie

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port commercial postproduction vente exportation

le circuit du poisson

gestion bassins piscicoles sur le polder inondé à gauche | moteur d’une économie diversifiée à droite | plateforme d’échanges deltaïques

aérodrome

111 111


très diversifiée d’activités économiques au-delà de la production de poisson : exploitation des roseaux, de la tourbe, activités sportives et de loisir, de recherche scientifique pour la réinsertion des espèces menacées etc.

2.2. Production - pisciculture extensive L’inondation du polder d’environ 500 hectares permet, d’un coté, la reconstruction écologique de celui-ci et, de l’autre coté, la création d’un site de pisciculture. Le type de pisciculture proposé est traditionnel. Pourtant il n’en existe plus en Europe, sauf une exception en Espagne, à Veta la Palma20. C’est parce qu’il s’agit d’une activité de luxe, utilisant des surfaces importantes par rapport à la production. Mais dans le contexte d’un territoire rétrécissant, les prix du foncier sont nuls. Pour ces raisons, la pisciculture extensive est une solution très appropriée aux problèmes de Sulina. L’insertion d’alevins dans le milieu inondé, très riche, permet une exploitation piscicole de très haute qualité, sans nutrition artificielle ou traitements

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antibiotiques comme dans tous les autres types de pisciculture. Les facteurs qui définissent son fonctionnement sont : - la stabilité du milieu, contrôlée et maintenue à l’aide des pompes électriques ou capillaires. Les mêmes canaux qui étaient avant utilisés pour le drainage seront cette fois utilisés pour maintenir un niveau stable de l’eau des bassins. Il s’agit d’une inversion du cours d’eau. - la richesse du milieu, qui s’installe en maximum 4 ans et se renouvelle naturellement dans les chaînes trophiques du milieu humide, à condition d’une exploitation modérée. Le temps de croissance du poisson, allant jusqu’à 4 ans, impose un rythme naturel et lent au cycles de production. - l’insertion d’alevins, obligatoirement des espèces locales (carpe, gardon, tanche, carassin etc.) ou en cours de


disparition (esturgeon). La qualité du poisson obtenu (environ 230 tonnes par an) de cette manière est très haute, permettant sa labellisation en tant que produit de l’agriculture biologique de luxe et son exportation à des prix plus élevés. 20 | Veta la Palma se trouve dans le delta de la rivière Guadiamar or Brazo de la Torre ayant une superficie d’environ 3 200 hectares. Il s’agit d’un ancien polder agricole qui a été reinondé pour la pisciculture semiextensive. Le site se trouve au cœur du parc national Donana, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. 21, page suivante | La récupération des matériaux est estimée à 70% pour la brique. Pour le béton elle ne peut pas être estimée avant les travaux.

2.3. Gestion - base de pisciculture Le site de pisciculture pourrait être géré pas les trois associations de pêcheurs de Sulina, comprenant actuellement 320 membres. Le nouveau siège de l’administration pourrait alors occuper les bâtiments abandonnés d’une ancienne base militaire se trouvant à l’Est des bassins. En calculant les proportions superficie / production / profit annuel par rapport au site espagnol Veta la Palma, les résultats indiquent des salaires mensuels moyens de €500 par pêcheur. Cette somme représente le salaire d’un jeune architecte en Roumanie.

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50 m


2.4. Vente - place de marché La récolte suffisamment importante (230 tonnes de poisson par an) permettrait d’ouvrir les activités de la ville autour de la transformation du poisson, sa vente sur place et son exportation. Le site choisi pour ces activités se greffe sur le quai droit du Danube, qui est l’espace public le plus important de la ville. Il est composé d’un immeuble de logements ouvriers abandonnés et d’un terrain vague longeant la rivière. La phase de recherche sur la composition de ce nouvel espace public, a conduit à esquisser une multitude de formes. Le projet se définit enfin par un renforcement de l’horizontalité du site. Les fortes directions marquées par le fleuve et les digues sont reprises en tant qu’axes structurants. L’intérieur du cadre crée par les axes du projet propose plusieurs interventions :

- la déconstruction de l’immeuble abandonné (la ville rétrécissante se déconstruit encore), sa transformation en bassins à poisson et le recyclage21 des matériaux de construction. Les dalles en béton préfabriqué (les anciens planchers) servent au pavage de la place, alors que les briques (l’ancien remplissage de la structure en béton) sont utilisées pour la construction des édifices de celle-ci. La déconstruction de l’immeuble a un fort impact sur les maisons placées au sud du site. Soudainement la vue des maisons est dégagée vers le quai et le fleuve, tout en restant filtrée par une rangée d’arbres et des haies de roseaux. - des halles de marché sont organisées sur la moitié du site. Elles établissent au sud un rapport fort avec l’immeuble de logements existant, le parasitant à long terme avec des commerces au rez-de-chaussée. - les bassins à poisson et les halles

constituent des structures de type série, qui demandent des débuts et des fins. Ainsi, la place est structurée par trois édifices à forte présence, construits en brique. Le choix de ce matériau est inspiré des bâtiments-repère de la ville (château d’eau, chantier naval etc.) sont souvent construits en brique. A la limite ouest du site s’installe un bâtiment sur un niveau, accueillant au rezde-chaussée de grands espaces techniques et de stockage et l’administration du site marchand au premier étage. A la limite est du site est proposé un deuxième espace de stockage pour les commerçants, ainsi que les toilettes publiques du marché. Au centre de la place s’installe le bar-restaurant du marché, un édifice articulant les deux parties du site et orientant le regard des promeneurs soit vers le fleuve, soit vers l’intérieur de la ville, pour devenir un véritable objetrotule. 115


20 m

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pages précédentes | situation actuelle à gauche et à droite | esquisses du plan masse

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20 m

hiver 20 m

été


2.5. Les mouvements saisonniers à intégrer Les mouvements saisonniers dus au tourisme sont très importants à Sulina. En hiver l’ambiance de la ville est assez chagrinante et la vie des habitants se concentre autour de la pêche, du fumage du poisson et du commerce. Les espaces intérieurs de sociabilité, tant que les bars et les boutiques, deviennent très importants pour la population. Le projet traite les édifices proposés, et notamment le restaurant, en tant que succession d’enveloppes se renfermant les unes après les autres et protégeant les habitants du froid.

manière informelle. Un grand espace libre, situé au nord des halles de marché et greffé sur le quai, accueille les commerçants informels. Les mouvements des habitants et des touristes se déploient à l’extérieur des bâtiments, colonisant tout l’espace public. La place du marché devient un lieu de vie et d’échanges. Par exemple, Les touristes peuvent acheter du poisson et des légumes frais du marché et les faire cuisiner par les chefs du restaurant, pour ensuite manger les plats au bord du fleuve.

L’approche estivale est différente car elle est fortement marquée par l’arrivée des touristes. Toutes les activités de la ville tournent autour de leur accueil. Ainsi le commerce se développe fortement, et souvent de 123


20 m

20 m

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plan masse et waterfront


Ă gauche | nouveau plan masse

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3. Des matériaux locaux pour l’édification Materiale locale pentru edificare Dans le projet d’édification, les matières prennent une place très importante. Elle sont constituées soit des matériaux recyclés, comme la brique, le béton et l’acier provenant de la déconstruction des immeubles et des épaves, soit des ressources naturelles locales, comme les roseaux ou les bouteilles en plastic bordant les canaux.

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à gauche et à droite | les matières de Sulina, recyclage et ressources locales

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3.1. Place de marché Les dalles récupérées en béton sont utilisées pour le pavage de la place. Faisant 1mx4m, elles sont disposées de manière à renforcer l’horizontalité du site. 3.1.1. Les halles de marché Les halles de marché ont une structure de champignons en acier encastrés dans le sol et enfermant des panneaux en roseaux. Ceux-ci ont une étanchéité en polycarbonate, pour permettre le passage d’une lumière filtrée par les faisceaux de roseaux, dont les bouts sont protégés de la pluie avec des bouteilles récupérées en plastic. Il s’agit de la reprise d’une technique locale très amusante, pour la protection des clôtures de roseaux. En ce qui concerne les tables des commerçants, elles sont constituées de profils

encastrés en acier qui soutiennent des tablettes en bois. Les profils ont une forme qui permet l’étalage facile des produits vers l’extérieur et les rangements des commerçants vers l’intérieur. Des petits bancs dépliants sont prévus pour les commerçants dans la structure acier. Tant les tablettes en bois (formant des rouleaux de type volets) que les profils en acier peuvent être rangés pendant l’hiver dans l’espace de stockage prévu à cet effet à l’est de la place. Ainsi les structures-champignon libérées, elles peuvent servir au séchage du poisson pendant l’hiver. L’eau de pluie récupérée dans les structures des halles sert d’eau sanitaire pour les toilettes publiques. Enfin, les proportions des espaces et des structures sont affinées et adaptées pour créer l’ambiance d’une ruelle marchande.

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lanière PET Ø110

lanière

cadre métallique 50x20

PET Ø110

montant métallique percé 30x20

cadre métallique 50x20

montant métallique 30x20

montant métallique percé 30x20

roseaux var. 20-30

montant métallique 30x20

polycarbonate 10

roseaux var. 20-30 polycarbonate 10

lanière roseaux var. 20-30 montant métallique percé 30x20 montant métallique 30x20 cadre métallique 70x20 goutière tôle 0,5 Ipn 120x120

20 cm 20 cm

1m

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3.1.2. Le restaurant Le plan du restaurant, suivant une logique d’articulation et de peaux successives de cet édifice, se déploie de l’intérieur vers l’extérieur. Un mur central en brique constitue le corps du bar au rez-de-chaussée pour former un banc sur le toit. Autour de cette colonne vertébrale du bâtiment s’installent la cuisine au sud, le toilettes au centre et le bar au nord, vers le fleuve. La cuisine suit les principes d’organisation de la chaîne du sale et du propre et son espace de stockage est facilement accessible depuis la seconde rue. Une première enveloppe en brique vient enfermer ces espaces. Cette enveloppe contient la montée vers le toit-terrasse du restaurant. (Il faut ajouter ici que dans le territoire deltaïque il suffit de monter de quatre mètres pour se contenter soudainement d’une

vaste ouverture vers le paysage développé à l’horizontale.) Sous l’escalier montant sur le toit, il est créé un espace particulier du bar : une niche qui permet une position stratégique pour l’observation de l’entrée. Un nouveau espace est aménagé autour de l’enveloppe : une salle de jeux pour les habitants en hiver, et une salle à manger pour les touristes en été. Ensuite une deuxième enveloppe est ajoutée. Il s’agit d’une série de panneaux en roseaux qui peuvent fermer la pièce en hiver, tout en laissant la lumière passer, et s’ouvrir complètement en été pour unifier l’espace du restaurant avec celui de la place. Le mouvement d’ouverture / fermeture des panneaux peut aussi servir aux changements jour / nuit. Les porte-à-faux de 1,2 mètres de la toiture-casquette annoncent la présence de l’édifice sur la deuxième rue, tout en marquant

son rôle de rotule au niveau constructif. Pour renforcer la continuité entre le restaurant et la place, les sols sont réalisés avec le même matériau – les dalles en béton. En même temps, les dalles du restaurant prennent, au contraire des dalles de la place, la direction verticale (nord-sud) indiquant le fleuve et démarquant le périmètre de cet édifice. Le même sol est repris sur le toit de l’édifice (belvédère de la place publique) pour renforcer la continuité de la place avec l’espace de la toitureterrasse, qui est construit sur une structure en acier.

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1m

hiver

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1m

été

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coupe nord-sud

coupe est-ouest 1m

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façades en hiver : nord / ouest / sud / est

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2m

façades en été : nord / ouest / sud / est



50 cm

142 dispositif fumage de poisson banc fontaine jardinière

terre 360

brique récupérée 290x190x115

grille métallique

brique récupérée 290x190x115

tuyau fontaine Ø50

brique récupérée 290x190x115

sortie fumée

anneau métallique Ø50

Ipn 80x80

brique récupérée 290x190x115


3.1.3. Le banc en brique Un volume en brique longe la place et renforce le déploiement horizontal des espaces. Il s’agit d’un objet multifonctionnel avec une largeur d’un mètre. Il peut servir de banc en été et

de réceptacle pour le fumage de poisson en hiver. Il est aussi ponctué par des fontaines. Les bassins à poisson ont un fonctionnement en cascade qui permet l’oxygénation de l’eau. Avec le développement d’une végétation aquatique chaque

année, les bassins n’ont plus la seule utilité d’être des éléments de stockage à poisson, mais deviennent des composantes paysagères à part entière.

5m

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50 m


3.2. Route économique et parcours paysager Lors d’une balade le long des quais, une succession dense de maisons et d’immeubles cadre la fourmilière des habitants de Sulina. On y trouve commerces, bâtiments administratifs et gestionnaires des échanges et de la pêche. C’est ici que Sulina s’est construite au tout début pour se développer ensuite vers l’arrière. En partant vers les champs, la ville se découpe en strates vers une ruralisation. Les maisons sont de plus en plus espacées jusqu’à l’arrivée d’un canal, au bout de chemins de terre qui font le passage entre les champs et la ville. L’espace ouvert révèle des sublimes couchers de soleil et des étendues appartenant aux chevaux sauvages.

Une fois le site de pisciculture mis en place à l’arrière de la ville et l’espace de marché sur les quais du Danube, se pose la question de l’aménagement d’une route permettant le transport de poisson entre ces deux pôles. Le poisson produit à l’arrière de la ville serait transporté jusqu’aux bassins de stockage du marché, pour être ensuite embarqué en partie par les bateaux. Mais l’aménagement d’une route économique est aussi l’occasion de découvrir la ville dans sa profondeur, en parcourant ses différentes strates, de l’urbain au rural et vice-versa. Cette traversée de la ville a les qualités d’un véritable parcours paysager. Pour mettre en valeur ses qualités, le projet propose d’établir un lien visuel et sensoriel fort entre les rives du Danube et les bassins de pisciculture. Ainsi la population locale et les touristes auront l’occasion de partager l’intérêt pour ce chemin à double sens.

Trois types d’action se superposent pour mettre en valeur la traversée : - linéarité Pour développer la connexion avec l’arrière de la ville, une remise en état du sol est nécessaire. Aujourd’hui la route en terre battue est peu praticable lors de fortes intempéries et pendante la période hivernale. Le projet propose son pavage avec des dalles en béton de 1mx1m, reprenant la manière locale de traiter des sols. Le rythme d’implantation, allant d’éléments à jointure très resserrée vers d’éléments à jointure large en direction de l’arrière de la ville, permettent la valorisation de la gradation paysagère existante. - rythme Ce deuxième pas permet de réinsérer le projet à l’échelle de la ville par un traitement des 147


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luminaires aux intersections. Aujourd’hui celles-ci sont éclairées faiblement par un seul lampadaire. Le projet propose d’en mettre quatre, afin de rendre plus lisible la trame de la ville et de rythmer la traversée. Le système d’éclairage est complété par la mise en place des luminaires adaptés à la circulation piétonne tout au long de la traversée, et propose une deuxième lecture de la ville. Comme pour les éléments de dallage, une dispersion s’opère en direction de l’arrière de la ville. Il s’agit de l’installation de petites sources de lumière au niveau du sol, orientées vers les clôtures des parcelles, et mettant en valeur les textures vibrantes de la ville.

à gauche | gradation de l’urbain au rural

- unité et rappel Pour mettre en relation visuelle la route du poisson et l’espace de sa vente, chaque intersection est marquée par une rangée des briques au sol. Des bancs et

des fontaines sont installés aux intersections afin de permettre aux usagers de s’approprier les lieux et d’inspirer la contemplation. La traversée s’articule avec la place du marché par un débouché perpendiculaire au fleuve. Celui-ci est renforcé par un ponton longeant le Danube. Vers l’arrière de la ville, un découpage parcellaire a été nécessaire pour la connexion avec l’espace piscicole, tout en offrant l’occasion de réfléchir à des codes de conduite pour ce type d’intervention. Ce découpage est marqué par un traitement rythmé de clôtures et d’ouvertures vers le paysage. A la rencontre avec les espaces piscicole la traversée s’ouvre vers le paysage par un pont simple en bois.

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tissu existant

la connexion à établir

linéarité

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rythme


rythme

unité et rappel

unité et rappel

sur les deux pages | les principes mis en place pour la valorisation de la traversée découpage du parcellaire et ouverture vers le paysage

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Ă droite | composition des intersections : pavage, luminaires hauts et bas, marquage au sol, bancs en brique

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à gauche | traitement du sol et débouché vers le paysage à droite | détails luminaires et elements en brique

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Le double rôle de cette rue, économique pour les habitants et de découverte pour les promeneurs et les touristes, met en avant l’intention et la base du contre-projet DÉCLIN, DÉCLIC – la valorisation économique et le maintien de l’environnement deltaïque et de sa culture.

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Sulina et le delta du Danube : un rétrécissement réversible Sulina şi delta Dunării: o descreştere reversibilă



1. Sulina, une ville à penser à long terme Sulina, un oraş de studiat de pe termen lung 1.1. Approche prospective de la ville Les mouvements de croissance et de décroissance d’une ville doivent être regardés à travers une échelle temporelle large. Jusqu’à présent, Sulina a été observée dans son passé et dans son état présent. Il est maintenant intéressant de se projeter dans son avenir. En effet, il a été établi que Sulina était une ville évoluant de façon cyclique et qui est aujourd’hui dans une phase de déclin. Son avenir est donc hypothétique : va-t-elle continuer à rétrécir, voir disparaître ? Ou

bien va-t-elle se déployer à nouveau ? Quelque soit le type d’intervention (planifié ou non) qu’aura l’homme sur ce territoire, les résultats se feront sentir sur le long terme. Il est donc intéressant de comparer les différentes hypothèses d’avenir, celui-ci étant difficile à prédire avec certitude. Il est important de revenir brièvement sur l’état actuel de Sulina. Son territoire a été décomposé en trois types d’espaces clés, issus des différents stades de développement de la ville : 163


500m

500 m

état actuel

dynamiques si aucune intervention n’est mise en place 500m

emprise si aucune intervention n’est mise en place 500m

densité si aucune intervention n’est mise en place


> 100 hab/ha

0 - 5 hab/ha friche espace tampon espace renaturalisé espace urbanisé inondation friche espace tampon extension retraction regroupement / densification

à gauche et sur les pages suivantes| scénarios de développement pour Sulina 22 | Diagnostic issu du Plan de Développement Intégré de Sulina, 2009.

- des espaces urbanisés se déroulant le long des quais, de part et d’autre du Danube, - des espaces en friche incluant aussi bien les anciens polders agricoles que les sites industriels et portuaires délaissés, - une zone tampon entre la ville et les polders, où se concentre l’activité agricole de la ville, alternant des petits jardins et des espaces d’élevage. Cette classification montre aussi les écarts de densification entre les divers espaces de Sulina. Il est évident que les quais, lieu d’installation des premiers occupants, sont devenus le cœur historique, administratif, économique, social et culturel de la ville. Ce sont également ces trois types d’espaces qui évolueront selon les scénarios : s’étendre, se maintenir ou se réduire.

1.1.1. Si aucune intervention (réglementée) n’est mise en place Selon les données statistiques et les démarches prospectives déjà mises en place sur la ville22, la situation déclinante de Sulina serait alarmante encore pour plusieurs années : son rétrécissement perdurerait au moins jusqu’en 2025. Si aucune stratégie n’est mise en place, et face aux dynamiques de développement passées et actuelles, la ville aurait cette tendance : un rétrécissement depuis l’arrière de la ville et une extension en direction de la mer. Ceci augmenterait les espaces en friche et provoquerait le déplacement des activités agricoles se trouvant dans la zone tampon. Elles auraient toujours un rôle important dans la production des ressources alimentaires de la ville, mais elles seraient menacées de disparaître. L’avancée des 165


500m

500 m

état actuel

dynamiques PLU 500m

emprise PLU

densité PLU 500m


espaces abandonnés impacterait profondément le tissu bâti en menaçant le patrimoine architectural traditionnel de disparaître. Il s’agit surtout des maisons en bois peintes et en roseaux qui, pour beaucoup, se trouvent à l’arrière de la ville. Le renforcement de l’axe se dirigeant vers la plage viendrait à l’encontre de l’organisation historique de la ville en parallèle des quais, mais il se mettrait en œuvre dans le but de valoriser le tourisme. Cela permettrait de connecter la cœur urbain avec les espaces touristiques majeurs : la plage et la mer. Une implantation naturelle des nouvelles habitations le long de cet axe en découle du fait qu’il deviendrait stratégique pour l’économie de la ville.

1.1.2. Si le Plan local d’urbanisme (PLU) est appliqué La ville est en train de mettre en place son nouveau Plan local d’urbanisme, qui sera en vigueur entre 2011 et 2021. Elle développe un projet favorisant l’étalement urbain plutôt que la densification du front danubien de la ville (waterfront), où existent des nombreux espaces en attente. Cette hypothèse est en contradiction avec le processus de développement de la ville connu jusque là. La ville mettrait en place un urbanisme peu cohérent avec l’existant, où prédominerait une grille issue directement de la trame des polders. Le tissu traditionnel (proportions, organisation, découpage du parcellaire), où les dimensions sont adaptées à l’échelle humaine et beaucoup moins ambitieuses, ne serait pas pris en compte. Le PLU met en place des

infrastructures ayant une échelle qui demanderait l’utilisation de l’automobile. Il faut rappeler que les déplacements routiers sont très faiblement développés sur ce territoire. Même s’il existe des routes, la population se déplace principalement à pied ou en vélo, faute de moyens financiers et des difficultés d’accessibilité propres au site. Nous verrions ainsi apparaître de grandes surfaces urbanisées, faiblement reliées entre elles et chacune spécialisée, provoquant ainsi un phénomène de zonage. A cause du manque de phasage des développements prévus dans le PLU, le polder serait urbanisé soudainement de façon discontinue, avec des espaces en friche difficilement appropriables pour des nouveaux projets. L’axe vers la mer serait une deuxième piste de développement, où des projets ambitieux de promoteurs seraient 167


construits. Ceux-ci favoriseraient la construction de maisons-type, ne faisant aucune référence aux pratiques de la population ou à l’architecture locale. Les directions de développement réglementées par le PLU découlent d’un besoin de reconversion rapide vers une activité pouvant être impulsée par les caractéristiques naturelles du territoire. Il s’agit du tourisme. La beauté de la vie et des activités traditionnelles est ignorée, voire effacée : les ex-pêcheurs et ouvriers retrouveraient du travail uniquement dans les grands hôtels en tant que serveurs ou ramasseurs des balles de golf. De plus, le développement ne prend pas en compte les forts mouvements de population en été et en hiver si particuliers au tourisme. Par exemple, les équipements de loisir proposés sont adaptés uniquement pour le climat estival : golf, baignade, 168

plage, centre équestre etc. Par contre, il est intéressant de signaler le projet mettant en place un aérodrome. Cela permettrait à la ville d’avoir un plus large panel de moyens de transport et de la rendre plus accessible rapidement pour les urgences médicales, administratives etc.

1.1.3. Si ce contre-projet est appliqué Le contre-projet a une approche différente du fait qu’il considère le rétrécissement de la ville comme un élément naturel dans son évolution. La réponse proposée n’est pas une action à court terme, mais elle fait appel à des temporalités longues, pouvant aller de 50 à 100 ans et permettant d’expérimenter l’idée de l’urbanisme lent. De plus, le projet agit dans une logique de construction de la ville sur elle-même. Sachant que le tissu existant de Sulina a la capacité d’accueillir une population allant jusqu’à 15 000 habitants (comme ce fut le cas a la fin du 19e siècle), densifier la ville est possible pour éviter l’étalement urbain dans le delta.


Phase 1 - accompagner Sulina vers une stabilité La première étape serait d’accompagner la ville dans le maintien d’une vie locale, avant de retrouver une dynamique ascendante. Il serait privilégié un développement de regroupement de la population et des activités afin de maintenir des cœurs actifs et de faire perdurer une dynamique économique dans la ville, mais aussi de conserver des liens sociaux forts entre les habitants. Ceci se développerait autour d’axes majeurs. Le quai constituerait le premier axe. Celuici est considéré comme l’espace public le plus important de la ville (d’où l’implantation du marché). Ensuite il faudrait le connecter avec l’arrière de la ville, où se situent des éléments importants pour l’économie locale, comme les terrains d’élevage et l’espace piscicole, mais aussi les équipements sportifs. Ainsi

se formeraient des T reliant les divers cœurs urbains. Ayant un véritable rôle de connectivité dans la structure urbaine, ces axes en T permettraient le maintien des activités économiques et de la vie publique dans la ville. Face aux enjeux des villes rétrécissantes et appuyé sur l’exemple du marché et de la traversée, il s’agirait prioritairement d’améliorer les infrastructures urbaines de ces axes (routes, luminaires, accès à l’eau et à l’électricité dans l’habitat). Ensuite, cela passerait par l’amélioration du confort de la population restante et induirait ainsi des actions mêlant des réflexions sur l’îlot, le parcellaire et le bâti. La question de la greffe sur l’habitat est une piste pour apporter de nouvelles commodités dans l’habitat ancien : sanitaires, salles de bain, chambres etc. Mais ceci peut être également l’appui

pour l’installation d’activités saisonnières comme des magasins, des petites entreprises, des espaces de séchage à poisson ou l’accueil de touristes. Dans la logique de rénaturalisation du delta et dans l’intérêt de développer l’activité économique locale, les polders agricoles seront intégralement inondés pour l’installation d’une activité piscicole extensive. Du point de vue économique, celle-ci aurait des effets sur la ville à long terme. Phase 2 - des nouvelles dynamiques de développement La deuxième phase débuterait au moment où la ville atteindrait une certaine stabilité économique et démographique. Elle retrouverait un cadre urbain solide et des nouvelles activités lui permettraient de se réimpulser. 169


500m

500 m

état actuel

dynamiques DÉCLIN, DÉCLIC, phase 1 500m

emprise DÉCLIN, DÉCLIC, phase 1

densité DÉCLIN, DÉCLIC, phase 1 500m


500m

500 m

état DÉCLIN, DÉCLIC, à la fin de la phase 1

dynamiques DÉCLIN, DÉCLIC, phase 2

500m

emprise DÉCLIN, DÉCLIC, phase 2

densité DÉCLIN, DÉCLIC, phase 2 500m


Les axes dynamiques mis en place durant la première phase seraient maintenus à travers une logique de renouvellement urbain et de densification. La ville ne s’étalerait pas, mais profiterait des opportunités foncières existantes : la réappropriation des espaces en attente le long des quais. Ils sont nombreux, d’une superficie largement suffisante, et en attente de reconversion pour l’accueil de nouvelles activités. Ce sont des éléments pouvant servir d’appui pour le traitement du waterfront du Danube, qui, et il faut le rappeler, est la porte d’entrée de la ville. De cette manière Sulina pourrait se reconstruire une identité en tant que centralité vivante du delta du Danube.

1.2 Amélioration du cadre de vie : intervenir dans l’îlot Le contre-projet proposé demande un réinvestissement des espaces en friche, mais aussi des îlots, favorisant le regroupement et la densification des activités et des hommes. Même si la ville a été conçue sur la base d’une grille et d’un découpage parcellaire des îlots rigoureux, il est visible que l’implantation du bâti a été réalisée de façon différente, selon les époques. Sulina se retrouve avec une diversité de fronts urbains, où le bâti se présente sous trois postures différentes: à l’avant de la parcelle pour s’aligner sur la rue, à l’angle des îlots, et en arrière de la parcelle, provoquant ainsi différentes atmosphères selon les lieux où nous nous trouvons dans la ville. Le projet de la traversée met en valeur l’idée de la ville évoluant par strates, allant de l’urbain

172

vers le rural et vice-versa. Cela permet de réfléchir sur la manière d’intervenir dans l’îlot et la parcelle pour occuper l’espace de manière cohérente et conserver cet effet d’étape paysagère dans le cheminement. Le projet propose la mise en place d’un code de conduite dans l’occupation du bâti sur les parcelles, si la municipalité ou la population comptent les densifier. Cela pourrait servir de nouvel outil pour la maîtrise foncière et constituer la base des futurs plan locaux d’urbanisme. Pour une ambiance urbaine, à partir des quais, cela se développerait de deux manières. Premièrement, la forme de l’îlot serait renforcée par l’édification dans les angles, suivant le mode d’installation du bâti traditionnel de la ville. Il s’agirait ensuite de redonner une façade et une continuité bâtie en installant les édifices en front urbain.


Ensuite, en avançant vers l’arrière de la ville, la présence de plus en plus dense des haies, des clôtures en roseaux et de la végétation se fait sentie. L’architecture, beaucoup plus modeste qu’au long des quais, s’installe plutôt au centre de la parcelle. Afin de conserver ces ambiances et rythmes particuliers, la densification pourrait se produire en arrière des parcelles. Rationalisation des extensions et matériaux locaux

polluants dans leurs processus de construction. Les dimensions des panneaux en roseaux, de 60 et 90 cm de longueur, permettraient de construire de façon flexible, selon les espaces envisagés dans les extensions. Cela permettrait également une démarche réversible, dans l’esprit de pliage et dépliage, selon les saisons, les années, l’évolution de la famille et les mouvements de la ville.

La technique constructive mise en place pour le restaurant, employant des panneaux en acier et roseaux, pourrait être reprise pour les extensions du bâti. En tant que matériau local et traditionnel dans la construction depuis plusieurs siècles, le roseau retrouverait une place dans l’architecture contemporaine de Sulina, marquée aujourd’hui par des bâtiments sans qualités et 173


cadre métallique avec charnière 60x60

1m

174 40 cm

montant métallique 10x10 polycarbonate 10 roseaux var. 20-30 cadre métallique 60x60


à gauche et à droite | principes de densification des îlots et la technique constructive proposée pour les modulesannexes

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176


2. Le delta, espace économique, culturel et social Delta, spaţiu economic, cultural şi social Par les interventions mises en place, le projet essaye de renforcer les échanges économiques et l’accueil de la population en favorisant des accès plus rapides et diversifiés en bateau (par le fleuve et la mer), mais aussi par l’implantation d’un aérodrome. La ville de Sulina recevrait des nouvelles opportunités d’ouverture vers l’extérieur, valorisant son statut de centralité et s’ouvrant de nouveau en tant que plateforme d’échanges économiques du delta danubien.

le recyclage des matériaux et s’inspirent de l’architecture vernaculaire. De plus, ils assimilent la logique évolutive de la ville (rétrécissement, déploiement), en réagissent à l’alternance des saisons et des activités de la population, mais aussi à la réversibilité de l’édification, par rapport à une échelle temporelle plus grande. De cette manière le projet questionne les temps de la ville à des échelles différentes (journées, saisons, années, époques historiques).

Les édifices proposés intègrent 177



Le projet vise aussi au regroupement de la population, avec pour objectif le renforcement des échanges sociaux et le maintien de la culture locale. A Sulina, cela se présente à travers des nouveaux lieux de sociabilité crées dans la continuité des quais, et apportant des nouvelles activités économiques. Ceci réanimerait la vie sociale et économique de la ville ainsi que du delta. Sulina est un exemple d’intervention répondant à la question du maintien de l’économie locale, tout en respectant les logiques mises en place par les plans de sauvegarde et de protection environnementale. Cette expérience peut être reprise à chaque fois selon les particularités économiques des villages se trouvant sur le territoire deltaïque : exploitation des roseaux, pêche, sports, loisirs, tourisme, recherche etc. 179


reconstruction écologique recherche et développement

traitement de l’eau

transformation du patrimoine bâti

recyclage

180


Le projet essaye de valoriser et renforcer les activités traditionnelles, telles que la pêche. Alors que l’identité si particulière du delta – de l’homme vivant avec l’eau – est menacée, ces activités locales sont renouvelées, en apportant une approche économique respectueuse de l’environnement, perdue pendant la période communiste. Couplé par l’amélioration de leur technicité, à long terme, elles peuvent avoir un réel impact sur l’économie deltaïque.

de projet architectural.

De plus, la préexistence sur le territoire du recyclage, remis en valeur dans ce projet, pourrait devenir une véritable force dans les nouveaux modes constructifs du delta. L’occupation agressive provenant des directives de développement communiste, qui a meurtri pendant ces cinquante dernières années le paysage du delta, deviendrait une ressource

Intervenir dans un territoire en déclin réclame un requestionnement de la posture de l’architecte face à la lecture des enjeux et des potentiels des sites. Le regard de l’architecte doit aussi porter les moyens financiers, car les villes rétrécissantes ne disposent jamais de budgets élevés. Ainsi son projet doit répondre à toutes les échelles,

C’est en s’appuyant sur les potentiels du territoire, et en détournant les limites de la patrimonialisation en moteur de projet, que la culture du delta pourra être préservée. Dans la logique du projet présenté, protection ne veut pas dire stagnation, mais évolution et transformation. C’est ainsi que l’on permet aux populations locales et aux gens de passage de s’approprier de nouveau leur territoire.

spatiales et temporelles, car une intervention modeste, de dimensions locales, peut avoir avec le temps une répercussion à des échelles beaucoup plus vastes.

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exploitation de roseaux alimentation / restauration recherche et développement sport et santé tourisme slow zone de pêche zone d'élévage / agricole roseaux forêt zone intégralement protegée (accès interdit)

l’habitant et ses activités au coeur de l’écosystème du delta

10 km

10 km


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Toutes les informations sur : http://issuu.com/pfe_sulina_2011



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