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Apprendre à limiter les impacts du numérique
«Toujours plus ! », affirmait un succès de librairie au début des années 1980. C’est assurément vrai du numérique, omniprésent dans notre quotidien, et qui devrait l’être de plus en plus. Ses impacts environnementaux déjà parvenus à des niveaux alarmants sont appelés à augmenter encore. Le sujet est d’autant plus préoccupant que de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la blockchain ou les objets connectés augmenteront la demande en énergie et en équipements numériques.
La tendance est là, mais les impacts environnementaux du numérique restent néanmoins difficiles à évaluer. Les raisons sont multiples : la complexité des systèmes, l’hétérogénéité des architectures et des infrastructures, la multitude des technologies, des impacts et des acteurs… Autre écueil à cette évaluation, les effets rebonds par lesquels une hausse de la consommation des biens et des services contrebalance les progrès technologiques : de fait, l’augmentation des débits des réseaux a induit des applications consommant plus de données.
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Cette évaluation est pourtant essentielle pour tendre vers une utilisation plus responsable et raisonnée du numérique et aider le citoyen à changer ses usages. Seule une approche systémique per - mettrait à la fois d’appréhender et de privilégier les démarches low tech, de distinguer les gains d’efficacité des impératifs de sobriété et d’anticiper les indésirables effets rebonds.
Sensibilisation Et Formation
La prise de conscience est le premier pas. Et c’est le sens par exemple du mooc (cours en ligne massivement ouvert) de sensibilisation aux impacts environnementaux du numérique, réalisé par Inria en partenariat avec l’association Class’Code et sous l’impulsion de la direction du Numérique pour l’éducation (DNE). Disponible gratuitement en français et en anglais sur la plateforme France Université Numérique, il est accessible au grand public et peut servir de support aux professeurs d’informatique pour introduire ces notions dans leurs enseignements. Parallèlement, afin de sensibiliser l’ensemble des acteurs du monde professionnel, Inria Academy l’a décliné en une formation adaptée aux entreprises.
À plus grande échelle, le gouvernement a nommé le 14 novembre 2022 un haut comité sur le numérique écoresponsable, chargé d’établir d’ici au printemps 2023 une feuille de route sur la décarbonation de la filière numérique. Grâce à son expertise, Inria appuie ces politiques publiques. L’institut participe également aux actions portées par l’Ademe, dont un projet mené en partenariat avec EcoInfo pour renforcer le déploiement de la sobriété numérique sur le territoire par des actions de sensibilisation et de formation, des méthodologies standardisées et des outils pour les mettre en œuvre.
Outils Op Rationnels Et Recherches
Des solutions opérationnelles voient le jour et accompagnent cette prise de conscience. Parmi elles, citons le « Référentiel général d’écoconception de services numériques », destiné à aider les concepteurs d’un service numérique à réduire la consommation en ressources informatiques et énergétiques, ainsi que la contribution à l’obsolescence des équipements. Autre exemple, le guide « Bonnes pratiques – Numérique responsable pour les organisations » s’adresse à toute personne en relation avec les systèmes d’information.
Ces deux documents ont été publiés, respectivement en juin 2021 et février 2022, dans le cadre de la mission interministérielle Numérique écoresponsable avec l’appui de nombreux contributeurs.
Des projets de recherche sont par ailleurs menés en partenariat entre les mondes académique et industriel, comme Distiller, entre Inria, OVHcloud et Orange, sur la réduction des impacts des infrastructures cloud , ou encore le Défi Pulse, pour la valorisation de la chaleur fatale liée au calcul haute performance étudiée par Inria et Qarnot Computing (voir l’article page 60)
Num Rique Responsable
Les exigences légales évoluent de même, au niveau français comme européen. Par exemple, la loi Reen du 15 novembre 2021 vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Pour ce faire, deux leviers ont été introduits : l’obligation pour les collectivités de plus de 50 000 habitants d’élaborer une stratégie numérique responsable et pour les formations initiales d’ingénieur d’inclure un module sur l’écoconception de services numériques.
L’enjeu est de taille. Il s’agit d’introduire les pratiques d’écoconception by design , c’est-à-dire dès la conception, dans la mise en place de tout service numérique et, surtout, de former les ingénieurs au technodiscernement afin de proposer un avenir technologiquement raisonné, résilient et inclusif.
> Scannez ce QR code pour découvrir le mooc « Impacts environnementaux du numérique ».
L’écoconception est d’autant plus cruciale qu’elle touche directement à la lutte contre l’obsolescence matérielle et logicielle, contribue à la sobriété numérique et favorise la réduction de la fracture numérique. Mais, s’il doit devenir naturel à chacun de privilégier des solutions low tech , il est avant tout nécessaire de questionner la pertinence du besoin en amont de la conception. Autrement dit, la réduction des impacts environnementaux du numérique est loin de se limiter à cibler des gains d’efficacité technique. Elle nécessite que toutes les parties prenantes soient formées : architectes, développeurs, designers, chefs de projet, mais aussi utilisateurs et maîtres d’ouvrage, en considérant l’intérêt d’un service numérique avant de chercher à en améliorer l’efficacité. Une réflexion que chacun devrait mener…
Pour en savoir +
Publications de la mission interministérielle Numérique écoresponsable : https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/
Le « Référentiel général d’écoconception de services numériques : https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/referentiel-general-ecoconception/ Le guide « Bonnes pratiques – Numérique responsable pour les organisations » : https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/bonnes-pratiques/
> Daniel Romero
Ingénieur de recherche en informatique dans l’équipe-projet Spirals, chez Inria.
Auteurs
> Romain Rouvoy
Enseignant-chercheur en informatique au Centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille (CRIStAL), université de Lille, CNRS, membre de l’équipeprojet Spirals d’Inria.