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QUAND LE CERVEAU CONTRÔLE UN IMPLANT POUR REMARCHER

La connexion directe des signaux cérébraux à un dispositif de stimulation électrique situé sur la moelle épinière a rendu l’usage de ses jambes à un patient paraplégique.

En 2011, à la suite d’un accident de vélo, Gert-Jan Oskam s’est retrouvé paralysé des jambes. Sa moelle épinière avait été partiellement endommagée, empêchant les commandes motrices en provenance du cerveau d’être relayées jusqu’à ses muscles. Mais aujourd’hui, cet homme de 40 ans commence à récupérer l’usage de ses jambes : il marche, monte des escaliers, etc. Et cela, grâce à une interface « cerveau-moelle épinière » conçue par l’équipe de Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch, de l’école polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse. Avec ce « pont numérique », GertJan Oskam pense à l’action de marcher et le signal est transmis jusque dans les muscles de ses jambes.

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D’après l’Organisation mondiale de la santé , chaque année , entre 250 000 et

500 000 personnes sont victimes d’un accident conduisant à une section complète ou partielle de la moelle épinière. La plupart de ces accidents n’endommagent pas directement les nerfs moteurs, mais la perturbation des signaux pour rétablir efficacement une mobilité des membres émis par le cerveau vers les membres inférieurs suffit à bloquer le contrôle des muscles et à provoquer la paralysie

Cependant , dès 2018, l’équipe de Grégoire Courtine a obtenu des résultats encourageants avec une approche inédite, l’électrostimulation. La stratégie a consisté à placer, en dessous de la lésion, un ensemble d’électrodes sur la dure-mère, la membrane entourant et protégeant la moelle épinière. Ces électrodes, pilotées par un ordinateur, envoyaient des impulsions électriques pour amplifier les signaux reçus des connexions encore fonctionnelles, de sorte à activer indirectement les neurones moteurs qui contrôlent les muscles des jambes.

Si la prise en charge de ces patients s’est améliorée ces dernières années, il n’existe pas d’approche thérapeutique

Initialement, six patients ont bénéficié de cette approche. Ils ont réussi à se tenir debout et à marcher dans le laboratoire avec une aide externe. Et après plusieurs mois de rééducation intensive, la mobilité avait progressé chez les six patients… même en l’absence de stimuli À la suite de l’accident, en l’absence de signal provenant du cerveau, il est probable que les fibres nerveuses intactes se mettent en dormance Leur stimulation par les électrodes et le travail de rééducation ont favorisé leur réveil et le renforcement de leur activité au point de rétablir une certaine mobilité

En 2022, des améliorations du système ont permis à trois nouveaux patients ayant une lésion complète de marcher ou de faire du canoë après seulement un à trois jours de calibration. Cependant, un inconvénient subsistait Les séquences de stimulation sont préprogrammées et le patient ne peut pas les ajuster selon la situation dans laquelle il évolue Ce dernier avait donc une perception peu naturelle de la marche et il avait l’impression d’être plus contrôlé par la machine que d’être, lui, aux commandes

Dans leur toute dernière avancée , l’équipe de Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine continue d’utiliser la matrice d’électrodes installée sur la moelle épinière, mais elle est maintenant reliée au cerveau par un nouveau système sans fils . Les chercheurs ont ainsi installé 64 électrodes au niveau de la région du cerveau qui contrôle le mouvement des jambes Ces capteurs enregistrent avec une grande fidélité l’activité neuronale.

Un algorithme décode les intentions motrices du patient à partir des signaux neuronaux et les convertit en impulsions électriques à destination des muscles.

La connexion n’a pris que quelques minutes pour s’établir. Le patient a retrouvé un contrôle beaucoup plus naturel de ses mouvements, ce qui lui permet de marcher, de monter des escaliers ou de se déplacer sur un terrain complexe Et, encore une fois, les chercheurs ont constaté que la combinaison du système de stimulation et de l’entraînement intensif a rétabli partiellement la fonction motrice. Gert-Jan Oskam est capable de marcher sur de courtes distances sans l’aide du système et seulement en s’appuyant sur des béquilles

Il reste à étendre l’expérience à d’autres personnes, dont certaines avec une lésion totale. Par ailleurs, les chercheurs envisagent d’adapter leur système pour des individus qui ont perdu l’usage de leurs bras n

Sean Bailly

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