3 minute read
PLEIN CADRE
from Bbvnnjjn
Bleu de travail
Ariane Dalle insuffle une énergie nouvelle au département textile d’Elitis. Pour ce premier opus, dans la collection “Expression” (derrière elle), près de vingt voilages, mêlant subtilement lin, coton et autres matières naturelles, jouent avec les effets ton sur ton et réconcilient le fait main et la machine.
Advertisement
ARIANE DALLE Reine des étoffes
NOUVELLE DIRECTRICE ARTISTIQUE TEXTILE D’ELITIS, ARIANE DALLE A INVESTI UN PETIT ATELIER DU SENTIER, À PARIS, AVEC SES PALETTES, SES INSPIRATIONS, SES ÉCHANTILLONS ET SES PREMIÈRES COLLECTIONS.
Esprit libre
Le tissu imprimé “Obsession”, aux couleurs vives et aux lignes puissantes, est un clin d’œil au Street Art de Dakar. Evoquant un lâcher-prise pictural, il fait partie de la collection “Escale”.
D’un tissu au motif inspiré des vanneries Makenge du Kenya à de délicats voilages tout en transparence en lin et coton, Ariane Dalle fait le grand écart. Une habitude chez elle qui, pendant des années, a jonglé avec la sobriété des tissus Larsen et la fantaisie des étoffes Manuel Canovas. A quelques jours du premier confinement, elle prend les manettes du département textile d’Elitis et installe son atelier dans un petit appartement du Sentier, à Paris. Ce contexte si particulier a été le point de départ de la collection “Escale” inspirée, en partie, de l’Afrique. « Pendant cette période, toutes les familles se sont composées, recomposées, décomposées… On s’est tous mis à vivre ensemble, se souvient-elle. Ça m’a évoqué les tribus africaines. » Avec Laure, déjà son acolyte chez Larsen, elles relisent “Le Lion” de Joseph Kessel, feuillettent les catalogues d’expositions du Musée du Quai Branly, se replongent dans l’artisanat africain – colliers Massaï, tapis mauritaniens, maisons de Tiébélé au Burkina Faso… – pour dessiner une collection u
Afrique, de l’Ouest à l’Est
Contrastes en noir et blanc entre le tissu “Terre inconnue” (à gauche), dont la large rayure s’inspire d’un tapis de roseau touareg, fait main en Mauritanie, et “Métissage”, au fond, qui réinterprète les motifs géométriques des vanneries Makenge, du Kenya.
PLEIN CADRE ARIANE DALLE
Mood board
Entre photos originales et morceaux choisis de tissus, la collection “Escale” dévoile des motifs affirmés et des couleurs assumées. “Eternel” et “Continent” reproduisent, chacun à sa façon, les peintures murales des maisons de Tiébélé au Burkina Faso, tandis que le tissage du tissu “Embellie” (au centre) imite à s’y méprendre les perles des colliers Massaï, du Kenya.
extrêmement contemporaine avec des matières et des tissages inédits chez Elitis. « Quand j’ai rencontré Patrice Marraud des Grottes, son fondateur, dit-elle, j’ai découvert un homme audacieux, qui laisse carte blanche à ses créatifs. Depuis plus de trente ans, Elitis n’est pas dans la réinterprétation d’archives, mais dans l’innovation comme en témoignent ses revêtements muraux en nacre, en liège, en raphia, en abaca ou encore en lin. Mon souhait, ici, est de réconcilier le travail de la main de l’homme et celui de la machine industrielle. »
Quelle meilleure démonstration que la collection de voilages où Ariane Dalle explore les possibilités techniques des machines pour révéler les matières et créer des effets subjuguants ! “Variation”, tiré d’une œuvre de l’artiste italien Pier Paolo Calzolari, déroule un motif de vague en broderie, effiloché grâce à un accessoire laser ; “Art”, inspiré d’un tableau de l’artiste Robert Ryman, semble peint au rouleau alors qu’il est brodé ; “Fragment”, enfin, rappelle les pièces usagées, rapiécées, recousues des « Boro » japonais, une prouesse technique de tissage qui imite les cicatrices du temps. Une collection comme un préambule aux tissus à venir qui paraîtront brûlés, déchirés, ou brandissant des motifs XL de l’expressionnisme allemand.
« Le mantra de Patrice Marraud des Grottes, c’est la phrase d’Andrée Putman : “Ne pas oser, c’est déjà perdre”. Ici, toutes les envies les plus folles, les plus spontanées sont possibles », s’enthousiasme la directrice artistique. Alors pourquoi ne pas rêver d’un tissu naturel qui ne prendrait pas feu et pourrait remplacer le polyester Trevira ? Pourquoi ne pas imaginer de lancer un tissu, hors collection, juste pour le plaisir ? Gageons qu’Ariane Dalle n’aura de limite que celles de son imaginationQRens. p. 172.
Terre d’ocres
Réinterpréter, surdimensionner, décaler, tel est le propos de la collection “Escale” inspirée des formes, des matières et des couleurs de l’Afrique. Démonstration avec “Onde”, un motif vibrant entre dessin de Calder et vanneries africaines, combinant jacquard et broderie à la machine guidée par la main ; “Là-bas”, un tie and dye du Niger à l’effet délavé rendu possible par l’impression digitale ; “Echappée” (au centre en bas), répétant les ornements des maisons traditionnelles de Oulata, en Mauritanie.