7 minute read

PROVENCE À L’ANGLAISE

Next Article
IDYLLE PORTUGAISE

IDYLLE PORTUGAISE

Le désordre apprivoisé

Devant la façade du XVIIIe siècle recouverte d’un enduit traditionnel dans le ton des terres roses de Provence, un jardin romantique a été imaginé par Jean-Claude et Romain Appy, pépiniéristes à Roussillon. Sous le vieil érable s’épanouissent rosiers ‘Iceberg’, lauriers blancs, agapanthes, hydrangeas, lavandes et romarins. Pour créer l’illusion d’un bassin, les végétaux entourent largement les margelles en pierre sédimentaire provenant de La Roche d’Espeil. L’intérieur de la piscine est habillé d’un ciment gris (MGA Concept), donnant à l’eau des nuances de vert.

Advertisement

EN MISANT SUR LES NUANCES RAFRAÎCHISSANTES DU VERT, UN COUPLE DE GALERISTES PARISIENS A REDONNÉ VIE À SA MAISON FAMILIALE DU VAUCLUSE. LEUR GOÛT POUR LE DÉCALÉ ET L’ÉCLECTISME DISTILLE UN CHARME ANGLO-PROVENÇAL IRRÉSISTIBLE...

TEXTE ET PHOTOS NICOLAS MATHÉUS

Soleil, fraîcheur et cigales

Sur la table en pierre, service “Nougatine” en terre mêlée de la céramiste Pascale Mestre (showroom à Coustellet). Pichet vintage (50 Cinquante), verres à pied anciens de Biot et serviettes brodées d’Edith Mézard (Château de l’Ange, à Lumières). Les coussins en laine (Brun de Vian-Tiran) perpétuent la tradition des couvertures camarguaises à carreaux vichy. Lanterne orientaliste fin XIXe en fer forgé.

Les incontournables du Sud : la vaisselle en terre mêlée, la céramique de Vallauris et les plaids à carreaux vichy camarguais

Chasse aux trésors

Ouvrant sur le jardin, l’entrée épurée accueille un banc français subtilement ouvragé de la fin du XIXe siècle en bois naturel, des luminaires italiens en fer forgé – lanterne XVIIIe et applique XVIIe – et un miroir en bambou chinés. Escalier en pierre naturelle et médaillon sculpté représentant une scène de chasse.

Dans le salon, grand écart audacieux entre les motifs floraux et l’ imprimé fauve

Les propriétaires, Sylvie et Philippe, rêvaient d’un refuge charmant et cosy, hors du temps pour ralentir leur vie pressée de galeristes parisiens. Quand la maison familiale, au pied du mont Ventoux, s’offre à eux, ils décident de redonner vie au passé. Ils auraient pu faire table rase des vieux meubles, tout vider et confier le projet à un décorateur en vue. Pas du tout ! Avec ce plaisir décomplexé d’échapper aux diktats du moment, le couple préfère assumer l’héritage, le dépoussiérer et lui insuffler une touche personnelle.

« Tout a commencé avec les tissus, raconte Sylvie. A l’étage, dans le salon-bibliothèque attenant à la chambre, les rideaux sont ceux du bureau du majordome dans le film “Les Vestiges du jour” de James Ivory. Et la moquette aux motifs floraux de la chambre est un clin d’œil à la grande décoratrice Madeleine Castaing. » Au rez-de-chaussée, les rideaux de la salle à manger – tissu découvert dans le showroom d’A Paris chez Antoinette Poisson, enseigne fondée par des passionnés – font revivre le charme intimiste des décors du XVIIIe siècle.

Le secret de Sylvie et Philippe est peut-être là : laisser parler leurs instincts, donner libre cours à des envies et des influences hors mode. Leur modus operandi ? Sauver ce qui peut l’être, comme les meubles anciens et les parquets noircis. Et associer plusieurs tons u

Parfum anglo-gustavo-provençal

Le salon témoigne d’un mix and match romanesque dans lequel un canapé à motif léopard et des céramiques des années 50 – dont une chouette, mascotte de la maison – tiennent les premiers rôles. Le canapé vintage (Maison Rapin), dessiné par Georges Geoffroy (1905-1971), chantre du grand décor classique revisité des années 50, est recouvert d’un velours fauve de la collection “Madeleine Castaing” (Edmond Petit). Collection de céramiques chinées chez l’antiquaire Thibaud Ayasse (50 Cinquante à l’Isle-sur-la- Sorgue). Une touche anglaise s’immisce dans le décor avec les fauteuils à oreilles, héritage familial, tapissés du tissu “Snow Tree” (Colefax and Fowler) et les aquarelles du XIXe représentant des vases en porcelaine, dans le goût de Brighton. Incarnation de l’esprit provençal, le radassier voisine avec une armoire en marqueterie de rotin et des tables demi-lune également en rotin. Tapis à longues palmes en relief (Casa Lopez).

Point de départ du décor, le tissu des rideaux du salon évoque les papiers dominotés du XVIIIe

Le décalé en signature

Dans la salle à manger aux murs pastel (“Aquamarine Light”, Little Greene) et aux rideaux théâtraux en lin (tissu “Colonne”, A Paris chez Antoinette Poisson), la radicalité de la “Table Desk” en marbre et acier chromé, dessinée par Florence Knoll en 1961, rencontre le charme pérenne des chaises paillées peintes en vert foncé (“Ho Ho Green”, Little Greene) et le fauteuil vintage au tressage Lloyd Loom. Duo contrasté entre les céramiques (Atelier Buffile et poterie de Vallauris). Dans la niche, lampe aux rayures graphiques (Casa Lopez). Autre association détonante, la suspension indienne et les appliques années 50 en corde estampillées Audoux-Minnet. Sol hypnotique en carreaux de ciment (Carocim).

de vert pour créer un fil conducteur en peignant les murs, les chaises, le buffet et le bureau Louis XIII. Ils signent ainsi un écrin apaisé pour accueillir les céramiques des années 1950 chinées chez leur ami antiquaire Thibaud Ayasse, à l’Isle-sur-la-Sorgue. Ce goût pour les mélanges et les mises en scène doit sûrement beaucoup à leur grande admiration pour le décorateur Jacques Grange, passé maître dans l’art de faire dialoguer les styles et les époques. Côté jardin, la liberté de ton est également de mise. Plutôt qu’un plan classique sagement ordonné, les différentes espèces végétales s’entremêlent dans un joyeux désordre, autour d’un bassin aux teintes naturelles. Le résultat ? Une maison douce et inspirée, un subtil nuancier vert et un soupçon de romantisme à l’anglaiseQ

Passe-plat astucieux

Une fois le repas préparé, des portes moulurées s’ouvrent sur la salle à manger et permettent le passage des plats. La cuisine en chêne réalisée sur mesure (Maïstrau, à Saint-Saturnin-lès-Avignon) a été peinte en vert pâle (“Boringdon Green”, Little Greene). Timbre d’office à l’ancienne et plan de travail en granit du Zimbabwe. A droite, céramique bleue de Roger Capron. Au fond, on aperçoit le buffet Louis XIII également passé au vert.

Fréquence verte

Dans le bureau-bibliothèque affichant 6 mètres de hauteur, il fallait un luminaire surdimensionné, à l’instar du lustre en plâtre créé par Mathieu Challières pour Maison Rapin. Attenante à la chambre, cette pièce décline un vert anglais (“Tabernacle”, Little Greene) chahuté par les motifs léopard du tapis (Casa Lopez). Le bureau Louis XIII aux pieds torsadés et l’escalier sont passés au vert (“Ho Ho Green”, Little Greene). Couleur également déclinée par le velours gratté du canapé et les coussins tapisserie “Marly” (Colony chez Cleo C Paris). A droite, fauteuil crapaud Napoléon III à volants plissés. Sur la bibliothèque, bustes et bas-reliefs italiens chinés. Lampe de bureau “Gras/n°205” (DCW éditions).

Espace et lumière

Une salle de bains en enfilade bien pensée ! Deux meubles vasques en chêne peint conçus sur mesure (Maïstrau) encadrent la porte ouvrant sur la douche tapissée de zelliges vert pâle (Mosaic Factory) et de carreaux de ciment au sol (Carocim). Robinetterie (Cristina). Appliques (Hydropolis à Avignon). Miroirs (Leroy Merlin). En reflet, voile de lin (Caravane). Serviettes et paniers en jacinthe d’eau (Alinea). Au fond, lanterne indienne chinée.

Romantisme britannique

A l’étage, le tissu “Porcelain Garden” des rideaux (Sanderson), inspiré des motifs des papiers peints chinois du début du XIXe siècle donne le la. Repérés dans le film “Les Vestiges du jour” de James Ivory, ses motifs d’oiseaux et de pivoines enveloppent de douceur le bureau-bibliothèque attenant à la chambre. Celle-ci affiche une tête de lit aux arabesques en rotin (Sika Design) et une moquette à motifs feuilles de bananier en laine (Decorasol), clin d’œil à Madeleine Castaing. Draps (Maison de Vacances), plaid en lin (Colours, à Coustellet) et couverture kaki en mohair (Brun de Vian-Tiran). Fauteuil crapaud Napoléon III en velours avec franges et glands. Au premier plan, face à la porte vitrée de la salle de bains, un fauteuil anglais en acajou, début du XXe siècle, tapissé d’un velours léopard.

This article is from: