14 minute read

FOCUS

Lieux fétiches

NEUF DÉCORATEURS ET ARCHITECTES D’INTÉRIEUR NOUS CONFIENT QUEL PALAIS MÉCONNU, QUELLE MAISON PRIVÉE OU VILLA ATYPIQUE, LES A MARQUÉS, FASCINÉS, INSPIRÉS.... CONFIDENCES.

Advertisement

PAR SOLINE DELOS

PIERRE YOVANOVITCH

LA MAISON DE JOZE PLECNIK, ANNÉES 1920, À LJUBLJANA

« Cet architecte slovène (1872-1957), élève et disciple d’Otto Wagner à Vienne, a radicalement transformé la ville de Ljubljana dans les années 1920-30. Il y a construit, entre autres, la Bibliothèque nationale et universitaire – un de ses chefs-d’œuvre –, les marchés couverts qui longent la rivière, le cimetière de Zale avec ses chapelles mortuaires, le Triple Pont ou encore l’église Saint-Micheldes-Marais. Alors qu’il a déployé dans la ville un style plutôt riche entre néoclassicisme et modernité, sa maison, restée en l’état et transformée en musée, affiche un dénuement monacal. Un ascétisme proche de la perfection, en phase avec mon goût profond. Ici, la simplicité va de pair avec une sophistication dans les détails et une immense poésie, qu’il s’agisse de son choix de matériaux simples, de son salon rond où le plafond est habillé de lamelles de bois composant un motif géométrique, du sol de son jardin d’hiver – un assemblage de différents reliquats de pierres noires et grises tel un terrazzo revisité –, du lavabo en pierre qui a des allures de bénitier dans la salle de bains… C’est en regardant tous ces détails que l’on s’aperçoit que la recherche de la simplicité dans le dessin, loin d’être le signe d’une quelconque paresse, s’avère au contraire d’une grande complexité. J’aime aussi que cet architecte prête toujours une grande attention à la forme. Cette dernière est un sujet qui m’obnubile. “Formes” est d’ailleurs le titre que j’ai, pendant un moment, voulu donner à ma monographie. » O Son actu : ouverture du restaurant Jean-Georges au sein de l’hôtel Riviera, à Roquebrune-Cap-Martin, fin mai.

CHARLES ZANA

LA CASA DE CARLO MOLLINO, ANNÉES 60, À TURIN

« La “Casa del Guerriero”, c’est le temple secret de Carlo Mollino (1905-1973). Dans une villa édifiée en 1888, l’architecte et designer turinois aux multiples vies n’a eu de cesse d’aménager le premier étage, le peaufinant de 1960 à 1968, sans avoir jamais voulu l’habiter, ni y recevoir. De fait, Mollino, fasciné par la culture égyptienne antique, lui avait assigné une autre vocation : être un lieu de passage entre vie terrestre et vie future, une résidence d’éternité à l’image des pyramides égyptiennes. Résultat, tout n’y est que références, messages, symboles énigmatiques et mystérieux. Ainsi, dans une des chambres, un mur est entièrement habillé de papillons naturalisés qui symbolisent l’envol, le tapis bleu évoque le Nil, le lit un bateau (ci-dessous). Ce qui me touche, c’est que ce lieu, pensé

comme une œuvre d’art totale, est à la fois le fruit d’une mégalomanie et d’une fragilité ; Mollino s’y est détaché des considérations fonctionnelles. Ce qui l’intéressait avant tout, c’était que le moindre détail ait du sens, une attitude d’autant plus fascinante que dans les années 60 primaient plutôt des notions esthétique et fonctionnelle. Cette envie de mettre du sens et du contenu dans une création, de réaliser une utopie qui, d’une certaine façon, le dépasse, c’est forcément inspirant. Mais aussi terriblement précurseur, si on la regarde à l’aune de notre époque où la quête de sens est devenue essentielle. Par ailleurs, privilégiant les objets et les meubles qui s’inscrivent en douceur dans l’espace, j’ai toujours été très sensible au dessin de son mobilier, à sa recherche de la courbe humaine et à ses formes tout en rondeurs. On en retrouve l’esprit dans “Alexandra”, un des canapés que j’ai dessiné. » O Son actu : ouverture en juin de l’hôtel Kimpton à Paris, et de la Fondation Cab à Saint-Paul-de-Vence.

Corolle ouverte. Pour la salle à manger (ci-dessus), Carlo Mollino s’est inspiré de la fleur du lotus, symbole de renaissance. En guise de pétales, les chaises “Tulip” d’Eero Saarinen (Knoll). Table aux pieds en forme de colonnes classiques. Lampadaire sur pied de Gino Sarfatti (Arteluce) et suspension japonaise.

FOCUS LIEUX FÉTICHES

CHAHAN MINASSIAN

LA VILLA KÉRYLOS, 1902-1908, À BEAULIEU-SUR-MER

« Si cette villa me fascine autant, c’est parce qu’elle mêle la réinvention d’une esthétique à l’ancienne au confort moderne [elle fut construite par l’architecte niçois Emmanuel Pontremoli pour l’helléniste parisien Théodore Reinach, ndlr]. Une symbiose qui parle au Libanais que je suis, né dans les années 60. A cette époque, âge d’or du pays, l’avant-garde des styles européen et américain côtoyait toujours une pièce de style classique dans les maisons beyrouthines. Quand nous allions déjeuner à Byblos, l’ancienne ville antique, il y avait toujours des lacrymatoires ou des bronzes séculaires exposés dans les vitrines du moindre petit restaurant. Cette maison me parle aussi pour sa rigueur architecturale et ses symétries enrichies de superpositions de matières, de textures, comme les panneautages de marbre parés par endroits de céramique et soulignés de moulurages dans la pièce de réception (photo). Une forme d’opulence subtile, une luxuriance jamais ostentatoire, sans doute aussi parce qu’elle se décline dans une sorte de monochromie. Tout cela m’est familier. Dans mes projets, je joue beaucoup sur cet effet de camaïeu, avec mes palettes de beige, bronze, marron. Et puis, comment ne pas être sensible au fait que cette maison surplombe la Méditerranée, une autre composante de mon ADN libanais ! » O Son actu : à partir de mai, exposition à la galerie Chahan Design (11, rue de Lille, Paris), en collaboration avec la galerie Entwistle.

ardi/ Milan Vukmirovic ; Colombe Clier / Centre des monuments nationaux / Marcelo Ferraz/ Instituto Bardi / Casa de Vidro, Lina Bo BADAGP, Paris 2021. ; Stephan Julliard ; Filipe Braga / Serralves Villa, Fundação de Serralves, Porto (Portugal).; presse

JEAN-LOUIS DENIOT

LA CASA DE SERRALVES, 1935-1944, À PORTO

« On a l’habitude du travail du célèbre décorateur Jacques-Emile Ruhlmann, riche en boiseries et en marqueteries de bois précieux. Or, dans cette maison, pur joyau Art Déco imaginé pour le comte Carlos Alberto Cabral, un grand entrepreneur textile, et où ont œuvré de nombreuses personnalités artistiques de renom, j’ai été frappé par le fait que Ruhlmann y joue une tout autre partition, beaucoup plus sobre avec des effets d’architecture aussi épurés qu’étudiés. Cela peut être un simple panneau rectangulaire sur une porte qui crée un minuscule jeu d’ombres ou un bureau-bibliothèque aux murs recouverts de grandes plaques de bois aux fibres verticales ou horizontales qui, dans leur alternance, forment un immense damier se révélant grâce à la lumière. Aucune grandiloquence mais des effets tout en subtilité et une forme d’intemporalité. Ce qui m’inspire ? Ce travail aussi abouti, réalisé en utilisant des matériaux très simples ; le fait que l’on puisse être dans un vocabulaire austère et néanmoins sensuel. Enfin, si j’aime autant cette maison, c’est aussi pour ce bâtiment réalisé par les architectes Charles Siclis et José Marques da Silva, et entièrement peint en rose – un choix du neveu de Ruhlmann, Alfred Porteneuve. Ce rose, c’est comme une manière de dire qu’une architecture moderne peut aussi s’ériger dans une couleur de chewing-gum. » O Son actu : ouverture de l’hôtel “Cambridge House” à Londres en 2022.

Epure sensuelle. Dans la salle à manger où dominent la pierre et le marbre, la table reprend un modèle dessiné par Jacques-Emile Ruhlmann en 1925. Les chaises sont une de ses créations exclusives. Console en fer forgé et marbre de Raymond Subes, appuyée contre un mur de glace.

MARION MAILAENDER

LA MAISON DE VERRE DE LINA BO BARDI, 1951, À SAO PAULO

« Cette architecte italo-brésilienne (1914-1992), figure majeure du Mouvement Moderne, a travaillé avec Gio Ponti dans les années 1940. La “Casa de Vidro” sur pilotis (1) qu’elle s’est construite en 1951 à São Paulo, au cœur d’un immense jardin, fait la part belle à la lumière, la transparence, la nature et l’art. A l’intérieur, rien d’autre que le verre, quelques meubles et tableaux et les bons matériaux aux bons endroits avec, notamment, un sol en mosaïque bleue dans le salon qui procure une sensation de fraîcheur (2). Au final, que des choix radicaux, et cette lumière qui inonde l’espace. Je me suis toujours intéressée à la manière dont on fait entrer la lumière dans un lieu. Pour mon appartement parisien situé dans un immeuble des années 60, j’ai pensé à recouvrir le sol par des émaux de Briare blancs. Dans la maison de Lina Bo Bardi, ce qui résonne en moi, c’est ce fonctionnalisme poussé dans sa version la plus simple et fluide. On le retrouve même dans l’accrochage des tableaux fixés sur des structures mobiles en métal qui permettent de changer les œuvres, de les déplacer. Réfléchir uniquement à la décoration d’un espace ne m’intéresse pas, c’est pourquoi je me sens très proche de cette manière de penser plus largement à l’environnement. C’est aussi pour cette raison que j’aime tant travailler avec des artistes. » O Son actu : sa collection de meubles “Jardin public”.

FOCUS LIEUX FÉTICHES

1. Folies baroques

Toute l’exubérance décorative de Tony Duquette dans le jardin foisonnant : paire d’obélisques recouverts d’ormeaux, fauteuils fantaisistes style rocaille, un pavillon pagode...

2. Néo-classicisme

Dans le grand salon, le panneau mural du XVIIIe siècle a été acquis par Tony Duquette auprès de la baronne Catherine d’Erlanger. Au dessus, trois tableaux italiens du XVIIIe . Banquette signée de l’acteur hollywoodien William Haines, fou de design.

1

2

VINCENT DARRÉ

DAWNRIDGE, LA MAISON DE TONY DUQUETTE, 1949, À LOS ANGELES

« Pendant cinquante ans, Tony Duquette (1914-1999) a dessiné des bijoux, imaginé des costumes et des décors de films, réalisé les intérieurs de J. Paul Getty, d’Elizabeth Arden, du duc et de la duchesse de Windsor ou encore un étage du Palazzo Brandolini pour la milliardaire américaine Dodie Rosekrans. Dans sa maison de Beverly Hills, il a aussi reçu toutes les stars, de Greta Garbo à Fred Astaire. Ce lieu, que j’ai visité récemment, exprime la quintessence de son style baroque chinoisant, dans le goût des folies du XVIIIe , mais revu à la sauce hollywoodienne. On se croirait dans un décor de film des années 50, un temps que l’on pensait révolu et qui, tout à coup, renaît sous nos yeux. Les murs de son jardin d’hiver sont comme recouverts de malachite – une peinture en trompe-l’œil –, un salon est tapissé de coquillages, les lustres s’ornent de coraux – une de ses toquades –, les escaliers sont tapissés de moquette léopard. Partout, il a ajouté boiseries et chinoiseries, sans modération. Ayant été biberonné aux comédies musicales de Vincente Minnelli – Tony Duquette a d’ailleurs réalisé les décors du film “Ziegfeld Follies” (1945) – et n’aimant rien tant chez les gens qu’une certaine folie, je trouve merveilleux que cet homme ait imaginé cette maison comme un rêve. Et même si le résultat est exagéré et parfois lourd, l’ensemble garde une fraîcheur, une forme de naïveté, une originalité dépourvue de prétention. C’est cet esprit que j’aime. Notre époque manque cruellement de gens libres et excentriques ! » O Son actu : collections orchestrées pour Monoprix et Oka, une fresque réalisée pour le Bistrot de Paris.

STUDIO KO LA VILLA MALAPARTE, 1938-1943, À CAPRI

« Cette maison ne pouvait que nous fasciner ! En effet, notre démarche a toujours été d’imaginer des lieux en les inscrivant dans le paysage, grâce aux savoir-faire et aux matériaux locaux. Loin de répondre à ce cahier des charges – la villa ne s’inspire pas du style architectural de l’île, et sa couleur terre cuite ne reprend pas celle de la roche calcaire environnante –, la construction est pourtant totalement intégrée dans son environnement. Comment ? En étant conçue comme un prolongement du promontoire rocheux sur lequel elle a été édifiée, avec un escalier qui permet de grimper sur le toit. Tel un coquillage accroché à son rocher, elle est à la fois en symbiose et en opposition totale avec le site, comme dans un bras de fer où personne ne l’emporte, mais où l’un sublime l’autre. On ne connaît aucun autre exemple de ce type. D’ailleurs ce rocher sans la maison n’est pas plus singulier qu’un autre, et cette maison posée sur un terrain plat devient tout à coup ridicule. L’autre élément qui nous fascine, ce sont les ouvertures, toutes de taille différente, que l’on croirait placées de manière aléatoire. En réalité, elles ne servent pas le dessin de la façade, comme dans l’architecture classique, elles sont pensées depuis l’intérieur comme un cadrage sur le paysage, un tableau naturel. Du coup, il n’y a pas d’œuvres sur les murs dans la maison ! Si Adalberto Libera (1903-1963), l’architecte de la villa, est l’un des premiers à oser cela, c’est sans doute parce qu‘il l’a imaginée à quatre mains avec l’écrivain, cinéaste et journaliste Curzio Malaparte. Cette leçon, nous l’appliquons souvent. Pour nous, chaque ouverture a une incidence sur la qualité de vie à l’intérieur : comment le soleil s’y projette ? quelle vue offre-t-elle ? Dans l’architecture contemporaine, les grandes baies vitrées annulent la vue car elle devient tellement présente qu’on ne la voit plus. Pour l’apprécier totalement, il faut au contraire cadrer et resserrer, comme avec un appareil photo. » O Actu : le restaurant “Ischia” de Cyril Lignac à Paris.

FOCUS LIEUX FÉTICHES

1. Marquise et perron

Au cœur de Milan, entourée d’un jardin avec piscine chauffée et court de tennis, une perle architecturale des années 30, construite en granit, ceppo et marbre dans le plus pur esprit des villas de l’avant-garde européenne.

2. Œuvre d’art totale

Au rez-de-chaussée se trouvent les espaces dédiés à l’accueil des convives : la salle à manger, le fumoir, la bibliothèque (photo) et le grand salon. L’architecte rationaliste Piero Portaluppi a tout dessiné dans les détails, des portes coulissantes à galandage aux cache-radiateurs subtilement ouvragés.

FABRIZIO CASIRAGHI

LA VILLA NECCHI, 1932-1935, À MILAN

1

2

Laurent Humbert ; Valentina Sommariva ; Max Rommel

« J’ai fait des études en architecture et en urbanisme, et si j’ai finalement changé de trajectoire et choisi d’être architecte d’intérieur, je le dois à la Villa Necchi ! J’avais 27 ans et, pendant mon année sabbatique, je me suis retrouvé en charge de récolter des fonds pour la restauration de cette maison des années 30 – ma période de prédilection – imaginée par l’architecte milanais Piero Portaluppi (1888-1967) pour les deux sœurs Necchi, héritières d’une entreprise de machines à coudre. Alors que ma formation m’avait toujours habitué à penser le bâtiment comme un volume, là, devant le foisonnement de détails décoratifs d’un raffinement inouï, je me suis aperçu qu’il pouvait aussi être travaillé comme un bijou. Pour cette villa, Piero Portaluppi s’est attelé à imaginer ce qui, jusque-là, n’avait jamais été dessiné, comme les cache-radiateurs – habituellement de simples grilles de métal – et qui, sous sa main, se muent en rideaux de laiton aux dessins géométriques. Tout dessiner ad hoc, jusqu’aux poignées de porte, est au cœur de ma démarche. Je retrouve certaines filiations directes entre cette maison et mon travail, notamment dans mon utilisation de boiseries en noyer d’Amérique qui symbolisent une élégance sans ostentation et une esthétique très milanaise. Celle dans laquelle j’ai baigné pendant toute ma jeunesse. C’est assurément celle villa qui a nourri mon regard d’architecte d’intérieur. D’ailleurs, j’impose encore aujourd’hui à tous mes collaborateurs d’en connaître les moindres détails ! » O Actus : un hôtel à Londres, deux restaurants à Paris (dont le Drouant) et un autre à Cannes, ouvertures prévuescet été.

FOCUS LIEUX FÉTICHES

Vincent Leroux ; Nuova Arte Fotografica, Rome

JACQUES GARCIA

LE PALAIS COLONNA, DU XIVE AU XVIIE, À ROME

« A 19 ans, je suis parti en voyage à Rome où, grâce à des amis, j’ai été introduit dans le Palais Colonna. Cette forteresse du XIVe siècle est devenue une grande demeure aristocratique au XVIIe grâce à l’ajout de différentes ailes au fil des siècles. Mon premier souvenir, c’est d’avoir été terrifié devant tant de beauté, ébloui aussi par cette stratification de collections phénoménales accumulées par cette famille. Sur six générations, les Colonna avaient passé commande aux artistes les plus importants, rassemblant les plus beaux tableaux et bronzes du XVe au XVIIe siècle. Et puis, ils imaginent cette œuvre phénoménale, la Grande Galerie (ci-contre), au plafond peint, avec ses collections d’antiques, ses stucs extraordinaires, ses marbres… Tout cela rassemblé dans cet espace aux proportions éblouissantes – 76 mètres de long – avec cette lumière qui vient des deux côtés. C’est dans cette galerie que j’ai compris que l’ostentation pouvait être mystique. J’en ai gardé ce goût pour les mélanges d’époques et les stratifications. Une maison commencée en 1734, achevée trois ans plus tard et qui, depuis, est restée en l’état sans que rien ne bouge, ne m’intéresse pas. J’aime les superpositions qui s’avèrent beaucoup plus compliquées à orchestrer qu’une esthétique de l’épure. Je suis sensible également à cette idée de grandeur, ressentie au Palais Colonna, et qui m’a mené quelques années plus tard à la réalisation du château du Champ-de-Bataille, dans l’Eure. » O Actu : ouverture de l’hôtel Marcel dans le Marais.

This article is from: