CHENEVIER Olivier, L'influence de l'esprit du Bauhaus sur le paysagisme

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Resumé

Ce travail porte sur la question de l’influence du Bauhaus sur le paysagisme. Le paysagiste contemporain peut-il s’inspirer de l’esprit de cette école ? Le Bauhaus créé en 1919 par Walter Gropius à Weimar en Allemagne, répond au contexte dans lequel il prit place. Par la création d’une école, Gropius prenant appui sur la révolution industrielle, tente de solutionner la crise sociale alors en place, en ouvrant l’art à toute la population. Il décide par la création d’une école, d’utiliser la pédagogie comme l’outil fondamental de cette transformation. Le Bauhaus est donc avant tout un projet social. C’est ce projet qui, suite à la dissolution de l’école en 1933 par le parti nazi, va influencer de nombreux concepteurs à travers le monde. C’est le cas aux Etats-Unis ou la doctrine de l’école va rencontrer un terreau riche et fertile. Elle y influence notamment Garrett Eckbo paysagiste ayant pratiqué des années 30 aux années 90, à une époque où le paysagisme Américain sort de son cadre dit « beaux-arts » pour s’ouvrir à toute la population. Durant toutes ces années, au travers de sa pratique et de ses publications, G. Eckbo tente d’ouvrir le paysage au citoyen ordinaire dans une Amérique marquée par la 2nd guerre mondiale et la reconstruction. Il produit notamment des guides comme The art of home landscaping qui met l’accent sur une analyse fine du climat, du quartier et des problématiques humaines avant tout projet. Il permet ainsi à chaque individu de créer un jardin s’adaptant à ses problématiques propres tout en conservant de grandes questions communes. Il permet donc d’apporter une cohérence d’ensemble à la petite échelle tout en favorisant l’individualité des projets. C’est justement grâce à cette publication que les principes régissant la pratique de G. Eckbo peuvent être transposés dans le monde contemporain. Au travers d’un travail personnel en série sur un quartier pavillonnaire en Ile de France, il apparaît que bien que les problématiques aient changé, il reste de nombreux points de similitude entre les questionnements de G. Eckbo et le monde actuel. Les analyses factuelles qu’il préconise autour du climat, du quartier, de la maison et de la famille ne sont pas très différentes du travail habituel d’un paysagiste pratiquant à petite échelle et rejoignent les problématiques actuelles autour de la crise climatique. Il apparaît néanmoins qu’autour de la question du vocabulaire formel, ses revendications perdent en pertinence à l’ère contemporaine, car elles viennent figer le projet ne prenant pas ainsi en compte le caractère dynamique et évolutif du paysage. La compréhension d’événements comme la création du Bauhaus a donc permis au travers de ce travail de produire des pistes de réflexions sur la résolution des crises actuelles tout en mettant en évidence les limites de l’applications d’une méthode héritière de cette école.



Abstract

This work will focus on the influence of the Bauhaus over landscape architecture. Can the contemporary landscape architect get inspired by the spirit of this school. The Bauhaus was created in 1919 by Walter Gropius in Weimar, Germany. Its creation was the direct result of its context. With the establishment of a school, Gropius taking advantage of the industrial revolution, is trying to resolve the social crisis that is affecting Germany by opening art to all the population. He is using pedagogy as the fundamental tool of this transformation. Thus, the Bauhaus is a social project. It is this project that, because of the closing of the school in 1933 by the Nazis, is going to spread and influence a lot of different designers in the world. It is in the United-States that the school doctrine will meet a rich and fertile soil to develop. It will there influence Garrett Eckbo, a landscape architect that worked from the 30's to the 90's, in a time where landscape architecture was slowly getting out of its "fine arts" state and opening to global population. During all of those years, with its practice and publications, G. Eckbo will try to open landscape architecture to the ordinary citizen in a country scared by the 2nd world war and reconstruction. He will produce guides like The art of home landscaping that focuses the analysis of climate, neighborhood, and people before any projects. He thus allows everyone to create a garden that is adapted to its own problematics while still maintaining common questions. He grants low scale landscape architecture a global coherence while still allowing projects individualities. It is thanks to those publications that the principles that define G. Eckbo work can be transpose to the contemporary world. Through a personal series work in an urban neighborhood in Ile de France, it appears that while current problematics have changed, their is still a lot of similarities between Eckbo's questions and the contemporary world. The factual analysis that he talks about around the climate, neighborhood, house and family are not so different than the practice of current landscape architect working at this scale and are aligned to currents climatic problems. However, it appears that around its formal vocabulary, his claims lose pertinence in a contemporary era, because they freeze the project thus not taking in account the dynamic and scalable character of landscapes. The understanding of events like the creation of the Bauhaus as allows trough this work to produce food for thought about the resolution of current crisis while highlighting the limits of the application of an heiress method based on this school.



Avant-propos

Le Bauhaus a 100 ans. C’est cette courte phrase au détour de l’écoute d’un podcast sur France culture qui éveille ma curiosité. Si l’on célèbre son centenaire c’est que cette école doit toujours être vivante. Or ayant officiellement seulement existée une dizaine d’années, de 1919 à 1933, pourquoi la célèbre on encore aujourd’hui, soit plus d’un siècle après sa création ? Qu’y a-t-il vraiment derrière le mythe des couleurs primaires, des meubles simples en tubulaire métal ou encore de grands bâtiments sobres et blanc? La fascination autour de ce sujet est-elle féconde ou inféconde ? C’est au travers de toutes ces questions que se place ce travail de mémoire. Je m’ancre autour d’un constat: si le Bauhaus est toujours vivant c’est que l’esprit de l’école a su perdurer au travers des âges. Ayant influencé de nombreux architectes et designers, je pose ici la question de son influence sur le paysagisme et comment cette influence pourrait être toujours utile à la pratique du paysagiste contemporain dont je rejoindrai bientôt les rangs. Ne voulant pas accomplir un revival nostalgique des couleurs primaires apparentés au Bauhaus, ce mémoire sera en noir et blanc et tentera d’arborer une mise en page sobre.


Figures Fig. 1. Bâtiment de l'usine Fagus, architecture W. Gropius et Adolph Meyer 1913 Photo par JANSSEN Carsten https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_Fagus#/media/Fichier:Fagus_Gropius_ Hauptgebaeude_200705_wiki_front.jpg Fig. 2. Bâtiment de l’école du Bauhaus de Weimar Photo par ADAM Tobias https://www.uni-weimar.de/en/university/structure/central-university-facilities/universitycommunications/media-service/media-services-bauhaus100/images-bauhaus100/ Fig. 3. Manifeste du Bauhaus, écrit par Walter Gropius, Weimar, 1919 Scan du livre L'esprit Bauhaus http://www.articule.net/2019/06/30/walter-gropius-manifeste-du-bauhaus-1919/ Fig. 4. Bâtiment de l’école du Bauhaus de Dessaud, architecture par Walter Gropius, 1929 Auteur inconnu https://art-zoo.com/bauhaus-dossier/ Fig. 5. Cour préliminaire au Bauhaus, photographe inconnue, 1931 Auteur inconnu https://www.bauhaus-dessau.de/teaching-2.html Fig. 6. Représentation schématique du cours des études au Bauhaus, W. Gropius, 1919 LAROUSSE encyclopédie https://art-zoo.com/bauhaus-dossier/ Fig 7. Johannes Itten avec les étudiants du Bauhaus, photographe inconnue, Weimar, 1920 Auteur inconnu https://lapisblog.epfl.ch/gallery3/index.php/20140709-01/johannes_itten_avec_les_ etudiants_du_Bauhaus_Weimar_1923 Fig 8. Atelier metal, photographe inconnue, Weimar, 1923 Auteur inconnu https://www.slideserve.com/oprah/bauhaus-atelier-de-sculpture-de-pierre-1923powerpoint-ppt-presentation Fig 9. Fênetres standardisées de l’école du Bauhaus, photographe inconnue, Dessaud, 1931 Auteur inconnu https://www.deborahjaffe.net/industrial-design/the-bauhaus/ Fig. 10. Chaise Wassily B3, M. Breuer, 1925 Auteur inconnu https://fondarch.lu/la-chaise-wassily-de-marcel-breuer/


Fig. 11. Bruno House, architecture par Ze’ev Haller, Tel Avic, 1934 Photo par Amit Geron https://www.dezeen.com/2016/08/24/10-tel-aviv-best-examples-bauhaus-residentialarchitecture/ Fig. 12. Portrait de Garrett Eckbo, 1959 Environmental Design Archives https://www.laconservancy.org/architects/garrett-eckbo Fig. 13. Gottrox Country Club, plan projet déssiné par Garrett Eckbo, Berkeley, 1935 University of California collection https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6g50073x&chunk. id=d0e109&toc.depth=1&toc.id=d0e92&brand=ucpress Fig. 14. Back bay fens, plan projet dessiné par Arthur A. Shurclif, Boston, 1912 Boston Park Department collection http://www.masshist.org/database/4284?ft=Collection%20Guides&from=/collectionguides/view/fap053 Fig. 15. Contempoville, plan projet de déssiné par Garrett Eckbo, Harvard, 1938 University of California collection https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6g50073x&chunk. id=d0e109&toc.depth=1&toc.id=d0e92&brand=ucpress Fig. 16. Wesmount square, architecture par Mies Van der Rohe, New York, 1964 Photo KOBAYASHI Goyo, Prise depuis le site GOYO https://lemondeagoyo.wordpress.com/tag/westmount-square/ Fig. 17. Mère migrante, photo par Dorothea Lange, camp FSA, 1936 Dorothea Lange collection https://c4infinity.wordpress.com/2011/12/02/1929-les-photographies-de-la-crise/ Fig. 18. Analyse de facteurs écologiques, plan dessiné par Ian Mc Harg, Staten Island, 1969 Scan du livre Design with nature Fig. 19. Camp FSA dessiné par G. Eckbo, photo par la FSA, San Joaquin, 1938 University of California collection https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6g50073x&chunk. id=d0e109&toc.depth=1&toc.id=d0e92&brand=ucpress Fig. 20. Temple de l’amour, illustration dans le livre An introduction to the study of landscape design par Henry Hubbard et Theodora Kimball, 1917 Internet archive https://archive.org/details/anintroductionto00hubbrich/page/n581/mode/1up Fig. 21. Couverture de Landscape for living, écrit par Garrett Eckbo, Axter City, 1950 Harvard collection, p. 0 http://www.harvarddesignmagazine.org/issues/6/landscape-for-living-by-garrett-eckbo


Fig. 22. Camp FSA de Ceres, dessiné par Garrett Eckbo, San Joaquin Valley, 1940 University of California collection, https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6g50073x&chunk. id=d0e109&toc.depth=1&toc.id=d0e92&brand=ucpress Fig. 23. Composition VIII, peinture réalisé par Wassily Kandinsky, New York, 1923 Moma collection, https://fr.wahooart.com/@@/8XZ6MN-Wassily-Kandinsky-composition-viii Fig. 24. Goldstone garden plan, Garrett Eckbo, Beverly Hills, 1948 Scan depuis Modern Landscape for living Garrett Eckbo, p. 78 Fig. 25. Pavillion américain, photo par Berth Czapnick, Los angeles, 2004 Berth Czapnick collection https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6g50073x&chunk. id=d0e109&toc.depth=1&toc.id=d0e92&brand=ucpress Fig. 26. Couverture The art of home landscaping , ecrit par Garrett Eckbo, Los angeles, 1956 Scan du livre The art of home landscaping, p. 0 Fig. 27. Analyse de l’impact du soleil sur une habitation , produit par Garrett Eckbo dans The art of home landscaping, Los angeles, 1956 Scan du livre The art of home landscaping, p. 24 Fig. 28. Vocabulaire formel de Garrett Ekcbo , production personnelle, Versailles, 2020 Production personnelle Fig. 29 et 30. Carte de l’évolution du climat, production personnelle selon les données de l’INRA, 2020 Production personnelle Fig.31. Végétation sous un climat Aquitain, production personnelle, 2020 Photos depuis le catalogue Truffaut Fig.32 et 33. Carte de la texture su sol et taux de permeabilité, production personnelle selon les données de l’INRA, 2020 Production personnelle Fig.34. Plan du quartier et de ses activités, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.35 . Typologie d’habitats, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.36 . Description d’un lot de la rue Le Nôtre, production personnelle, 2020 Production personnelle


Fig.37 . Façade type d’une maison, production par le groupe Marignand, 2010 Groupe Marignand Fig.38 . Répartition des pièces du rez-de-chaussé, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.39 . Impact de l’orientation su soleil sur la maison, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.40 . Repartition du jardin en fonction de l’expostion, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.41 . Lignes communes s’étendant à travers le quartier, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.42 . Structure d’une famille type, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.43 - 60 . Essai n. 1 - 18 pour la conception des espaces extérieurs d'un lot, production personnelle, 2020 Production personnelle Fig.61 . Assemblage des essais, production personnelle, 2020 Production personnelle



Sommaire Introduction

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I. L’école du Bauhaus

1. L’origine

a. Walter Gropius, architecte d’un projet social 6-7 b. La fin du 19ème et les débuts du 20ème siècle en 8-9 Allemagne, une industrie destructrice

2. La pédagogie

a. L’acte de faire, vers un art global 10-15 b. Le pluridisciplinaire, une vision unitaire des arts 16-21 c. La recherche de la forme morale 22-27

II. Garrett Eckbo, paysagiste moderniste américain

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1. L’avant seconde guerre mondiale a. Premières années de pratique 30-33 b. Passage à Harvard, un apprentissage décoratif à 34-37 collaboratif c. La Farm Security Administration en période de 38-45 grande dépression.

2. L’après seconde guerre mondiale, fondements de la pratique de Garrett Eckbo

a. Fondements historiques b. Fondements pluridisciplinaires c. Fondements picturaux

46-49 50-51 52-55

III. Application contemporaine des principes de Garrett Eckbo

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Conclusion

112-113

Bibliographie

116-119


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Introduction Le Bauhaus, créé en 1919 par Walter Gropius fut l’un des nombreux acteurs qui aida à enclencher l’avènement du mouvement moderniste. L’impact de ce mouvement sur la société est aujourd’hui toujours palpable. Souvent inféodée à des théories fonctionnalistes, le modernisme ne revêt pas toujours d’une bonne image auprès de la population. Mais plus qu’un mouvement architectural, cette doctrine fut l’une des idéologies ayant un profond impact sur la manière d’aborder la question de la conception. Le Bauhaus est un exemple probant de cette nouvelle manière de concevoir. Cette école d’art perdurant entre 1919 et 1933 a bénéficiée d’une histoire mouvementée. Elle fut durant cette courte période un incroyable laboratoire duquel émergea des grandes figures de l’architecture et du design comme Marcel Breuer et Marianne Brandt. En 1933 le parti Nazi ferme le Bauhaus. S’enclenche alors une diffusion de l’école à travers le monde créant son mythe bien connu aujourd’hui. C’est justement cette diffusion, au travers de divers pays, qui influença de nombreux concepteurs dont des paysagistes. Au travers de ce mémoire, je pose la question de l’impact de l’esprit de l’école sur le paysagisme. Le paysagiste contemporain peut-il toujours s’inspirer de l’essence du Bauhaus ? Pour cela je commencerai par définir cette école. Au travers d’une analyse historique, je tenterai de caractériser l’esprit du Bauhaus. La deuxième partie s’attardera sur l’analyse d’un paysagiste héritier du Bauhaus, Garrett Eckbo, et plus spécifiquement sur la manière dont il s’appropria l’essence de l’école véhiculée notamment par Walter Gropius. La dernière partie consistera à un travail d’expérimentation en série à partir de la démarche de projet de Garrett Eckbo, appliqué sur le monde contemporain. L’objectif derrière tout ce travail n’est évidemment pas de réaliser une copie active des principes de Garrett Eckbo et par extension du Bauhaus. Au même titre qu’une reprise musicale, la réinterprétation d’un quelconque élément permet la mise en relation de cet événement avec le monde contemporain. En se faisant, la reprise devient un acte créatif. Elle n’est pas une pâle imitation mais une mise à distance. L’époque dans laquelle elle prend place apporte une strate supérieure devenant ainsi plus équivoque.

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I


L’école du Bauhaus

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1. L’origine

a. Walter Gropius, architecte d’un projet social

Il est nécessaire de comprendre les origines de la création du Bauhaus avant d’en détailler le contenu. L’école est créée en 1919 par Walter Gropius Architecte allemand des années 1900 à 1969. C’est l’homme à la base de toute l’histoire que je vais dérouler et analyser lors de ce travail. L’un des points clef de sa vie se situe en 1910 lors de son adhésion au Deutsher Werkbund (Union de l’œuvre Allemande). Cette association « cherchait un équilibre entre les exigences morales artistiques et économiques, une réconciliation du capitalisme avec la culture »1. C’est ici que se dessine les prémices d’un point fondateur de sa pensée, la volonté d’allier art et technique. Il réalisa en exemple notable l’usine Fagus près de Hanovre en Allemagne. Un bâtiment qui utilise les proportions, l’abstraction formelle et les contraintes techniques pour élever l’ouvrage au rang de forme artistique. 6

L’ancien et l’histoire sont un autre point clef de sa pensée. Selon Magdalena Droste, « […] il éprouvait un certain malaise et ressentait l’histoire enseignée comme un poids. En outre, Gropius croyait en des fondements intemporels de toute architecture, parmi lesquels il comptait les règles de proportions, la beauté et l’espace »2. Ce refus du passé fut l’une des nombreuses critiques émises à son égard. Mais on peut comprendre au travers de cette phrase qu’il n’est pas question ici d’un déni de l’histoire au profit d’une modernisation mais d’un refus d’une époque, qui prône la décoration au détriment de l’essence originel de l’objet. Cette question de l’essence sera reprise à de nombreuses reprises par Walter Gropius au cours de sa vie et constitue un des points essentiels de sa pédagogie.

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DROSTE Magdalena, Bauhaus, Köln, Taschen, 2006, p. 10 Ibid., p. 11


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Fig. 1. Bâtiment de l'usine Fagus, architecture W. Gropius et Adolph Meyer 1913


b. La fin du 19me et les débuts du 20ème siècle en Allemagne, une industrie destructrice

Depuis 1871 se profile de grands changements en Allemagne. L’empire Allemand modernise le pays et le fait passer d’un état agraire, principalement basé sur l’agriculture, à une nation industrielle. Ces bouleversements induisent une forte croissance démographique et bouleversent le pays.3 Vient ensuite la guerre mondiale de 1914 - 1918. Première guerre industrielle, elle laissera l’empire Allemand vaincu et la nation traumatisée par le caractère destructeur de la modernité. S’en suit une époque de déchirure, au paysage politique instable. On assiste à des confrontations radicales entre gauche et droite, libéraux et conservateurs, réformistes et modernistes. Au niveau international, commence à se profiler les prémices de l’état soviétique Russe. « Ces problématiques domestiques, combinées au schéma politique global ont directement influencé la création du Bauhaus » explique Ines Weizman dans un article écrit pour la présentation d’un colloque international sur le Bauhaus.4 8

Walter Gropius s’efforce de surmonter cette fragmentation par la création de l’école en 1919. Il cherche une nouvelle approche de la modernité. Une démarche « unifiante et synthétique »5 qui profiterait de l’outil industriel en tant qu’élément constructeur et non destructeur. Une « renaissance et la recherche d’autre chose »6.

3 F.-W. Henning, Die Industrialisierung in Deutschland 1800 bis 1914, Paderborn, Schöningh, pp 203 et suiv.. Traduction par WIKIPEDIA, à consulter sur https:// fr.wikipedia.org/wiki/Empire_allemand#cite_note-3 4

WEIZMAN Ines, « 1919, the reinvention of space and time », présentation de Colloque, Internationales Bauhaus-Kolloquium, Journées Transdisciplinaire, 10-12 avril 2019, Weimar, Allemagne

5

OSWALT Philipp, « L’actualité du Bauhaus », Présentation de colloque, Les 100 ans du bauhaus influences & enseignements, Journées Transdisciplinaire, 18-19 octobre 2019, Toulouse, France.

6

GREEL Catherine, « Vie allemande », BIHANIC David, Staatliche bauhaus cent pour cent 1919-2019, Paris, T&P Publishing, 2019, P. 158


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Fig. 2. Bâtiment de l’école du Bauhaus de Weimar


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Fig. 3. Manifeste du Bauhaus, ĂŠcrit par Walter Gropius, Weimar, 1919


2. La pedagogie a. L’acte de faire, vers un art global

La pédagogie du Bauhaus est le point fondamental de toute cette recherche. Elle est l’héritage le plus conséquent de l’école et laisse aujourd’hui toujours des traces dans le monde contemporain. Au départ de l’école, on trouve un texte écrit par Walter Gropius, le manifeste du Bauhaus. « Le but final de toute activité créatrice est la construction […]. Les anciennes écoles d’art n’ont pas pu produire cette unité, et d’ailleurs comment auraient-elles pu , étant donné que l’art n’est pas enseignable ? Elles doivent de nouveau s’orienter vers l’atelier. Le monde des dessinateurs doit se tourner vers le bâtir […] Il n’existe aucune différence, quant à l’essence, entre l’artiste et l’artisan. L’artiste n’est qu’un artisan inspiré »7. On comprend ici l’importance du Faire pour Gropius. Cette nécessité du rapprochement entre artistes et artisans dans un contexte de reconstruction. Les écoles d’arts décoratifs et les beaux-arts étaient autrefois organisés autour d’une spécialisation et visait à satisfaire les demandes d’une classe bourgeoise, seule catégorie sociale à pouvoir s’offrir de l’art. La naissance du Bauhaus vise justement à rassembler l’art décoratif, représenté par les artisans, et les beaux-arts, représentés par les artistes. Ce projet vise donc à ouvrir l’art à toute la population par son incorporation dans tous les domaines de construction. Par cela l’art devient accessible et répond à un projet social plus vaste, plus juste. Ce projet s’appuie sur les technologies de l’époque pour se mettre en place. C’est justement grâce aux promesses de l’industrialisation et de la production en masse que l’art peut devenir global. Pour cela, l’objet industrialisé doit être pensé comme une œuvre à part entière et non plus comme une simple réponse à une demande. Ce projet sera soutenu par les 3 directeurs successifs au Bauhaus mais plus particulièrement par Hannes Meyer, successeur de Gropius. En effet, suite à de nombreuses critiques émisent à son égard et grâce au succès de son agence, Gropius démissionne en 1928 soit, 9 ans après la création de l’école. Le Bauhaus aura entre-temps déménagé de Weimar à Dessau suite à de nombreux conflits politiques dans cette région. Ce grand changement

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GROPIUS Walter, Manifeste du Bauhaus, Weimar, 1919, A consulter sur : https://art-zoo.com/manifeste-du-bauhaus/

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Fig. 4. Bâtiment de l’école du Bauhaus de Dessaud, architecture par Walter Gropius, 1929


vers Dessau a fortement impacté l’école, lui offrant beaucoup plus de liberté sur ce 2ème acte. C’est en 1928 que Hannes Meyer succède à Walter Gropius, il met en place un département architecture, alors manquant dans l’école, et ouvre l’établissement aux commandes publiques pour « abattre la séparation entre le travail intellectuel et élitiste de l’architecture et celui de la construction »8. Il se place en rupture avec Gropius tout en respectant l’accord commun d’un projet social. Dans un article pour le magazine ‘Bauhaus’ il réécrit le manifeste de Gropius. Monique Blanc explique : « Le but final de toute activité créatrice est la construction », lisait-on chez Gropius, ce que Meyer reformula : « Ainsi, l’objectif de tout travail du Bauhaus est la réunion de toutes les forces génératrices de vie vers un développement harmonieux de notre société » »9 On commence alors à décerner une notion plus vaste, plus englobante dans ce nouveau manifeste. Il introduisit deux nouveaux thèmes au Bauhaus dont un faisant référence au paysage. « Il soulignait que chaque réalisation devait tenir compte du paysage et concluait : « En tant que créateur, nous accomplissons le destin du paysage » ». Cette référence n’est pas plus développée dans l’ouvrage l’esprit du Bauhaus et est une des seule énonçant cette volonté de tenir compte du paysage.10

8

TUFANO Antonella, « Hannes Meyer : réformer l’enseignement, réformer la société » pp.84-85, Staatliche bauhaus cent pour cent 1919-2019, Paris, T&P Publishing, 2019, 158p.

9 10

BLANC Monique, l’esprit du Bauhaus, Paris, Arts Decoratifs Ucad, 2016, p. 64 Ibid, p. 64

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Fig. 5. Cour prĂŠliminaire au Bauhaus, photographe inconnue, 1931


Par l’arrivée de Meyer à Dessau, l’école se politise. Elle est largement sous l’influence communiste de l’époque. C’est en parallèle que le parti national-socialiste des travailleurs allemands, ou parti nazi se développe en Allemagne. L’école n’est pas en adéquation avec les objectifs de ce parti. Commence alors un jeu de pression et d’intimidation qui vise à transformer l’école vers un idéal national-socialiste. En 1930 Hannes Meyer est évincé pour tenter de calmer le jeu politique alors en place. L’architecte Mies Van der Rohe prend alors sa place. Sa première action sera donc d’apolitiser l’école. Il transforme le Bauhaus en école d’architecture. En opposition avec Gropius et Meyer, il continue néanmoins à faire perdurer l’âme de l’école, « une institution réformiste, revendiquant son opposition à l’académisme »11. Il place l’architecture au centre de l’école, la technique et l’industrie comme point de départ de cet art de construire. Il réintroduit la perspective historique rejetée par Gropius comme outil de comparaison au passé. Ce 3ème acte au Bauhaus tiendra jusqu’en 1933, année de fermeture définitive de l’école sous pression du parti Nazi. Le Faire ou la construction a donc été un des éléments fédérateurs de la pédagogie au Bauhaus et cela, sous ses trois directeurs, de 1919 à 1933. Revêtant à la base un projet social, il avait pour objectif d’ouvrir l’art à la population globale par l’acte de construire, en prenant appui la révolution industrielle alors en place.

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DROSTE Magdalena pp.7 op. cit., p. 6

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Fig. 6. SchĂŠma d'apprentissage au Bauhaus, W. Gropius, 1919


b. Le pluridisciplinaire, une vision unitaire des arts

C’est à la suite du Faire que se place le 2ème point fondamental de la pédagogie au Bauhaus, la pluridisciplinarité. « L’art et le peuple doivent former une unité […] le but est la réunion des arts sous les ailes d’un grand art de construire »12. Cette pensée holistique13 de l’enseignement n’a évidemment pas été fondée par Walter Gropius mais le Bauhaus en est un des exemples les plus significatifs et partagés. Cette pensée à l’école est concrétisée par Walter Gropius avec la production du schéma du cursus d’un étudiant, document retraçant l’intégralité des matières enseignées au Bauhaus. On peut voir sur ce schéma 3 étapes avant d’arriver au ‘Bau’, la construction. La première, et sans doute la plus importante, se nomme cour préliminaire. C’est au cours de ces 6 mois d’enseignement que l’apprentissage est le plus pluridisciplinaire. On y enseigne une formation générale qui regroupe une grande variété de matières. Fulgence Ridal explique : « Il n’y avait pas d’étudiants ou de professeurs durant la période du Bauhaus de Weimar, il y avait des compagnons et des maîtres. La formation dans les ateliers était précédée du fameux cours préliminaire (Vorlehre) : un semestre d’essai où les compétences personnelles des élèves étaient évaluées, et les fondements de l’artisanat étaient enseignés. »14 Le premier cercle du schéma prépare ainsi l’élève à la conception de production en masse. Walter Gropius explique que : « Le compagnon démarre son apprentissage en commençant par la capacité à maîtriser des problèmes plus délicats et à travailler avec des machines, tout en gardant le contact avec le processus de production dans son ensemble »15

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BLANC Monique pp.23, op. cit., p. 13

13

Qui relève du holisme, qui s’intéresse à son objet dans sa globalité. Larousse,

2019

FULGENCE Ridal, Le Bauhaus, Paris, 2016, pp, A consulter sur : https://artzoo.com/bauhaus-dossier/ 14

GROPIUS Walter, théorie et organisation du Bauhaus, Weimar, 1923, A consulter sur : http://theoria.art-zoo.com/fr/le-bauhaus-idee-et-organisation-walter-gropius/ 15

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18

Fig 7. Johannes Itten avec les ĂŠtudiants du Bauhaus, photographe inconnue, Weimar, 1920


Les deux principes de la construction et de la pluridisciplinarité sont donc intiment liés et cela pour former une unité où « toutes les disciplines artisanales aboutiraient à un nouvel art architectural dont elles feraient partie intégrante »16. Une fusion qui vise à abolir les limites entre l’art architectural et l’art décoratif pour, encore une fois, l’ouvrir au plus grand nombre. Ces cours préliminaires étaient durant les quatre premières années du Bauhaus marqués par la présence de Johannes Itten, peintre et enseignant Suisse (1919 – 1923). Il mit en place la pédagogie variée et manuelle prescrit par Gropius et recruta des artistes comme Oscar Schlemmer, scénographe Allemand, ou encore Paul Klee, artiste peintre. L’objectif de ces cours étaient alors de « libérer la créativité personnelle et de permettre à chaque étudiant de mesurer ses capacités et talents propres »17 Personnage mystique pour ses orientations mazdéistes 18,il restait néanmoins très éloigné des préoccupations industrielles de Gropius, ce qui lui valut d’être renvoyé en 1923. C’est László Moholy-Nagy artiste Hongrois avant gardiste de l’époque qui lui succéda. Il arriva à une époque où de nouvelles personnalités fortes s’installaient au Bauhaus, Wassily Kandinsky et Theo van Doesburg. L’un artiste abstrait aux multiples facettes, l’autre fondateur du mouvement De Stijl, on comprend ici l’objectif moderniste de Gropius par l’appel de ces trois individus. Le travail en atelier est la deuxième et troisième étape du schéma d’apprentissage de W. Gropius et succède donc aux cours préliminaires. Il s’agit donc ici de choisir un atelier plus spécifique pour poursuivre son cursus. On peut y trouver des ateliers de verre, céramique, textile, métal, menuiserie, peinture murale ou encore théâtre. On retrouve donc ici toutes les disciplines étudiées lors des cours préliminaires. Magdalena Droste explique : « […] l’école encouragea les échanges […] entre étudiants et enseignants, unis par leur idéalisme et leur intérêt profond pour l’œuvre d’art totale »19. Alors peut-on vraiment parler d’art total ? Ce principe dont la définition varie d’un pays à l’autre, peut être défini par une volonté de « réunir les disciplines ou techniques artistiques pour aboutir à l’unité

16

Ibid., p. 27

17

FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, 2ème édition par Thames & Hudson Ltd, 2006, p. 124.

Religion de l’Iran antique, révélée au prophète Zoroastre, admettant deux principes, l’un bon, dieu de lumière, créateur, l’autre mauvais, dieu des ténèbres et de la mort, qui se livrent un combat dont l’humanité est l’enjeu. Cnrlt, 2012 18

19

DROSTE Magdalena pp.1 op. cit., p. 6

19


20

Fig 8. Atelier metal, photographe inconnue, Weimar, 1923


de la vie »20. Même si le terme d’art total n’est pas complétement défini, il est évident que l’objectif de Gropius est directement lié à cette vision unitaire des arts. Son projet est social et répond à la modernisation d’une société traumatisée par une guerre mondiale autour d’un objectif fédérateur commun. Cette utilisation simultanée de nombreux médiums et disciplines artistiques bénéficia d’une histoire mouvementée au sein du Bauhaus. Elle fut conditionnée par la pratique picturale avant gardiste de l’époque s’éloignant ainsi parfois de l’idéal social de ses fondements. Elle fut également interprétée différemment en fonction du directeur à la tête de l’école. Il reste néanmoins qu’il est aujourd’hui courant de trouver dans l’enseignement ces principes de cours préliminaires et d’ateliers. On peut prendre exemple sur les écoles d’architecture française, mais également sur les écoles du paysage comme Blois, Lille ou encore Versailles. Il n’est pas évident de dire que ces écoles contemporaines se sont directement inspirées du Bauhaus dans la création de leur cursus mais le Bauhaus fait certainement partie d’un des maillons de cette manière d’enseigner.

21

LISTA Marcella, L’Œuvre d’art totale à la naissance des avant-gardes (19081914), Paris, INHA / CTHS, 2006, p. 354 20


22

Fig 9. Fênetres standardisées de l’école du Bauhaus, photographe inconnue, Dessaud, 1931


c. La recherche de la forme morale

Le dernier point fondamental de la pédagogie du Bauhaus se focalise sur la forme. Son étude est l’une des catégories analysées dans le schéma d’apprentissage du Bauhaus. Elle ne représente donc qu’une partie incomplète de tous les grands concepts ayant façonné l’école, mais c’est sans doute l’une des plus importantes, ayant le plus de résonnance avec le monde contemporain et le projet sociétal de W. Gropius. Ce projet, social et réformiste, va grandement prendre appui sur la recherche métaphysique 21de la forme. Gropius affirme la nécessité de créer un lien entre forme et sens véritable. Il pense pourvoir le trouver grâce au lien social. La forme prend sens une fois qu’elle répond à un projet humaniste et social. Eric Michaud avance que Gropius ne veut pas de « gaspillage romantique […], il ose mêler la pureté de l’art et l’impureté de la technique » 22. Cette idée de l’arrêt du gaspillage romantique est l’un des points fondateurs du modernisme avancé par Gropius. La décoration est alors à proscrire car elle éloigne l’objet de son essence originelle. Michaud écrit également : « Gropius pensait que l’architecture et le domaine des formes exigent la fusion intime de la logique et de la morale, que toute forme illogique s’écarte de la morale, prend infailliblement la direction du mensonge et de la laideur »23 Cet écrit évoque ici la recherche de la forme morale, dénuée de tout geste superflu. C’est ce qui vaudra d’ailleurs à Gropius, d’être retenu comme un fonctionnaliste au travers de l’histoire. Mais alors comment atteindre cette moralité ? Gropius pense que c’est au travers du standard qu’elle peut être obtenue. « […] une fusion précédée par l’élimination du contenu personnel de ses designers et des éléments, par ailleurs, non essentiels et stériles. Un tel standard appelé « norme » »24. Par le standard, la fonction de l’objet se voit purifiée. C’est là que ressort alors le caractère moral de la forme. Cette fonction véritable se doit alors d’être la fonction de

Partie fondamentale de la réflexion philosophique qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Thinès-Lemp, 1975 21

MICHAUD Eric, « La vie Moderne (Bauhaus et modernism ) », Modernité, Les cahiers du musée national d’art moderne, 1987, p. 130 22

23 24

Ibid, p. 131

GROPIUS Walter, Apollon dans la démocratie – la nouvelle architecture et le Bauhaus, Bruxelles, Bruxelles : la connaissance, 1969, p. 109

23


24

Fig. 10. Chaise Wassily B3, M. Breuer, 1925


toutes les fonctions, la vie25. C’est pour cela que l’utilisation de formes primaires est l’un des piliers du Bauhaus. Souvent mise en relation avec les couleurs primaires, elle permettait de contrer toute virtuosité individualiste qui pourrait compromettre la fonction essentielle de l’objet. Cette quête esthétique d’épure est révélatrice d’une quête morale de pureté « dont le projet humaniste est de contrer les goûts décadents de la bourgeoisie »26 et se place ainsi dans la continuité du projet social d’émancipation des masses de Walter Gropius. Cette quête qui vise à atteindre la vérité de la forme vient aussi du lien qu’entretenait la fonction et l’époque dans laquelle elle s’inscrit. Ainsi selon Gropius, « l’imitation du passé n’est que le refus le plus vain du présent »27 .Cette déclaration, plutôt extrême, est un des points les plus critiqué de la pensée de Walter Gropius. Bien que toujours en débat, nous nous plaçons aujourd’hui dans le postmodernisme, un mouvement en rupture avec cette idée de la relation au passé. « Non seulement le fait de puiser dans des éléments du passé n’est plus assimilé à une conduite répréhensible et réactionnaire mais le recours à des formes ou propositions antérieures est bien au contraire encouragé »28 . Ce refus du passé, prônée par Gropius, s’accordait avec un refus de ce que l’ancien temps représentait, une époque marquée par de fortes inégalités sociales. Si l’on suit cette logique entre fonction et époque, la création d’un style dit Bauhaus est contraire au fondement même de cette école. La chaise Wassily créée par Marcel Breuer est dans l’imaginaire commun un des objets les plus représentatifs du style Bauhaus mais, il est important de comprendre qu’elle fut conçue pour « n’être rien d’autre qu’un dispositif indispensable à la vie moderne »29 par sa capacité de production en masse et sa recherche de ligne épurée suivant sa fonction essentielle. Cet exemple ne représente qu’une infime partie de cette incompréhension générale mais démontre, en quoi la création de ce style serait une stagnation car l’inertie enclenchée par le Bauhaus n’est ici pas suivie. La pensée Bauhaus se doit donc d’évoluer avec son temps.

La fonction de toutes les fonctions c’est la vie, soit la seule représentation que nous avons de l’être, Nietzsche, 1887 25

28 26

TUFANO Antonella, pp.84-85, op.cit., p. 13

27

GROPIUS Walter, p. 110, op.cit., p. 23

CANULLO Carla, JOBEZ Romain, VERHAGEN Erik, « POSTMODERNISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 janvier 2020. URL : http://www. universalis-edu.com/encyclopedie/postmodernisme/

29

MICHAUD Eric, pp. 134, op.cit., p. 23

25


26

Fig. 11. Bruno House, architecture par Ze’ev Haller, Tel Avic, 1934


Il est donc primordial de comprendre en quoi la création de l’école du Bauhaus par Walter Gropius répond à l’époque dans laquelle elle s’inscrit. Une période marquée par le traumatisme de la première guerre mondiale, qui permit une évolution sans précédent des moyens technologiques inscrivant ainsi le 20ème siècle comme une époque de révolution industrielle. Mais une période également marquée par d’importantes inégalités sociales dans un contexte politique instable. C’est en prenant appui sur cette nouvelle industrie que W. Gropius tente alors d’ouvrir l’art à la population évitant ainsi que cela ne soit réservé qu’à une classe sociale bourgeoise. Il décide, par la création d’une école, d’utiliser la pédagogie comme l’outil fondamental de cette transformation. Cette pédagogie repose premièrement sur l’acte de faire (l’artisanat) ayant pour objectif d’incorporer l’art tous les domaines de construction. Elle se base ensuite sur un projet pluridisciplinaire permettant non pas la création de spécialistes mais d’individus ayant une vision unitaire des matières enseignés. Et enfin sur une culture de la forme morale qui permet de contrer toute virtuosité individualiste pouvant compromettre la fonction essentielle de l’objet, se plaçant ainsi en rupture complète avec l’art principalement décoratif de l’époque. Ces trois principes permirent, dans une époque de reconstruction d’aprèsguerre, de fonder le mouvement moderniste qui s’accommoda alors au besoin de construction rapide et bon marché de la société. Le Bauhaus n’est évidemment pas le seul acteur de la création de ce mouvement, mais il est l’une des clefs fondamentales de sa compréhension. C’est en 1933 suite à sa dissolution par le parti Nazi que le Bauhaus se propage. Il est intéressant de noter que c’est cette tentative d’interruption qui diffusa l’esprit de l’école à travers le monde et qui créa une certaine idée de mythe autour de son histoire. Une propagation qui prit racine dans des pays comme l’Israël avec le plan d’urbanisme de la ville de Tel Aviv par Arieh Sharon, à Moscou avec Hannes Meyer, en Argentine avec les photographes Fred Stein et Horacio Coppola mais surtout aux États-Unis où elle rencontra un terreau riche et fertile qui se confronta alors, aux nouvelles idées de la pratique du paysage en Amérique du Nord.

27


28

II


Garrett Eckbo, paysagiste moderniste amĂŠricain

29


1. L’avant seconde guerre mondiale

a. Premières années de pratique

L’influence des mouvements modernistes européen sur l’Amérique du nord est indéniable. On retrouve aujourd’hui des preuves concrètes de cette propagation aussi bien en architecture avec des mouvements comme le style international, ou alors en design avec des productions comme les chaises longues de Mies van der Rohe. Mais ce n’est pas seulement au travers d’une matérialité concrète que les idées modernistes du Bauhaus se sont propagées à travers les Etats-Unis. Leurs idées se propageront également dans les sphères intellectuelles de l’époque influençant ainsi tout une partie de la société et notamment des domaines comme l’architecture, le design mais aussi le paysage. Avant l’arrivé du modernisme, le paysage est enseigné comme l’outil décoratif de riches demeures bourgeoises. Il est cantonné à l’espace jardin et à son objectif décoratif. Mais c’est justement l’arrivée d’acteurs du Bauhaus aux Etats Unis qui vient modifier cette vision pour toute une génération de jeunes paysagistes. 30

Garrett Eckbo est l’un d’entre eux. Il fut des années 1930 à 1990 un paysagiste qui revêtit l’influence moderniste impulsée par le Bauhaus et Walter Gropius. Il est intéressant de comprendre qu’avant l’arrivée des différents acteurs du Bauhaus en Amérique du Nord, Garrett Eckbo avait déjà commencé sa pratique. Une pratique influencée par une culture du paysage s’enracinant aux états Unis depuis le milieu du 19ème siècle. Née en 1910 dans l’Etat de New York, Eckbo rentre à l’université Californienne de Berkeley en 1932. L’enseignement qu’il reçoit est alors fortement influencé par le climat et l’histoire de la Californie, et particulièrement par le « mythe du passé hispanique de la région »30. Elle se caractérise par « the care free outdoor life of Mexican-America, the vibrancy of the patio, and the fragrance of the night blooming vines. »31 On voit ici que l’apprentissage est fortement influencé par une vision romantique de la nature. Elle est idéalisée pour son éclats, ses parfums ou encore ses couleurs. Il s’y dégage alors une pratique majoritairement décorative visant à reproduire ces diverses ambiances. Cette doctrine que l’on peut définir comme Beaux-Arts ne sera néanmoins pas suivi continuellement. Comme

TREIB Marc, IMBERT Dorothée ,Modern landscape for living, Garrett Eckbo, Berkeley, University of California Press, 1997, p. 5 30

31

Ibid, p. 6


31

Fig. 12. Portrait de Garrett Eckbo, 1959


le laisse penser G. Eckbo dans une interview, l’école de Berkeley conservait une approche non-orthodoxe décriée par les sources continentales. « It was a practical, pragmatic philosophy. It was not as doctrinaire as I found later in the East. It was just orientated toward solving problems and preparing students to work in the world the way its was then. It was a limited world in terms of design sources or design inspiration and ideas, which came basically from the movement of the old Beaux-Arts system into the West, where because of the climatic changes and other kinds of local problems, it was forced to become more practical and to adapt”32

32

C’est suite à cet enseignement dit Beaux-Arts que G. Eckbo commence à travailler en 1935. Il se fait alors la main sur de petits projets à la chaine (10$ chacun). Il est loin de revêtir le vocabulaire moderne qui le fera connaitre mais c’est à cette époque qu’il commence à expérimenter avec le végétal. Il commence à prendre en considération, en plus des questions esthétiques, les besoins climatiques des essences qu’il installe. Cette vision régionaliste sera par la suite un des piliers de sa pratique. C’est au terme d’une année de pratique florissante mais aux horizons limités qu’il postulera, au travers d’une compétition, à la Graduate School of Design d’Harvard, école qui développera sa pratique et remettra en question ses enseignements Californien.

32

Ibid, p. 7


33

Fig. 13. Gottrox Country Club, plan projet déssiné par Garrett Eckbo, Berkeley, 1935


b. Passage à Harvard, un apprentissage décoratif à collaboratif

C’est donc en 1936 que G. Eckbo intègre la Graduate School of Design (GSD). L’école est alors fortement influencée par les mouvements modernistes Européens. Harvard se place ainsi comme une chambre d’écho de la pédagogie du Bauhaus et de ses revendications modernistes. Cela se concrétisera en 1937 par l’arrivée de Walter Gropius à la tête de la GSD. Il est néanmoins important de comprendre que Harvard revêtit cette influence moderniste bien avant l’arrivée de ce nouveau directeur.

34

C’est dès le début des années 30 avec Joseph Hudnut à sa tête, que l’école voit sa situation bouleversée. Hudnut réalise que « le système Beauxarts ne répondait plus à l’esprit du temps »33. Basée sur un programme définitivement fastueux et décoratif, qui répondait aux demandes d’une classe sociale bourgeoise, il propose de mettre en place « un apprentissage par l’expérience, le learning by doing »34 (apprendre par l’acte de faire). Cette volonté d’un apprentissage par l’expérience, un contexte social inégal sont autant de corrélations entre la situation initiale du Bauhaus et l’objectif pédagogique de Hudnut. Il le concrétisera par la création en 1935 de la Graduate School of Design (GSD). La GSD naît de la réunion entre les départements d’architecture, de paysage et d’urbanisme d’Harvard. Elle cristallise la volonté pluridisciplinaire de Hudnut sous l’égide d’une nouvelle manière de concevoir basée sur l’échange. C’est par la création de la GSD que cette transition vers un art moins décoratif, porteur d’un projet social, se concrétise pour l’apprentissage du paysage au sein du département dirigé par Arthur A. Shurcliff, un proche de Frederick Law Olmsted. Ce département établi en 1913 aura néanmoins déjà amorcé une modernisation comme nous le révèle la présentation du livre « The Struggle for Modernism: Architecture, Landscape Architecture, and City Planning at Harvard ». Il y est dit que « l’Amérique avait déjà initié son agenda moderne bien avant l’arrivée de l’idéologie moderniste européenne »35.

MANIAQUE Caroline, « Harvard Graduate School of Design, une chambre d’echo pour les CIAM », MASSU Claude, BONILLO Jean-Lucien, PINSON Daniel, la modernité critique, autour du CIAM d’Aix en Provence, 1953, Imbernon, 2006, Marseille, p. 51 33

34

Ibid, p. 51

35

ALOFSIN Anthony, The Struggle for Modernism: Architecture, Landscape


35

Fig. 14. Back bay fens, plan projet dessinĂŠ par Arthur A. Shurclif, Boston, 1912


Ce livre suggère que la création de la GSD n’a fait que concrétiser un mouvement déjà enclenché. Un mouvement qui libère le paysage de son cadre du jardin privé mais qui revêt toujours un vocabulaire romantique aux aspirations pittoresques caractéristique des parcs de l’époque. Un vocabulaire héritier de l’agrarisme qui vise à orienter la population vers une culture agricole, loin de la vie urbaine. On comprend donc que, quand Gropius arrive à Harvard en 1937, d’abord en tant que professeur puis en tant que directeur de la GSD, il trouve une école en harmonie avec les principes qu’il défendait au Bauhaus. C’est après cette nomination en tant que directeur qu’il propose une nouvelle pédagogie qu’il nomme alors le ‘Design fundamental’ (la conception fondamentale). ‘le but est d’éduquer l’œil, de rendre perceptibles les effets psychologiques de la forme, des couleurs et des textures en utilisant toutes sortes de matériaux’36.

36

Ces trois notions, la création de la GSD qui se veut pluridisciplinaire, l’apprentissage par l’acte de faire et les concepts autour de la forme sont autant d’éléments qui affirment la position d’Harvard comme une école héritière du Bauhaus. Pédagogie qui profitera à G. Eckbo, alors étudiant au sein de cette école le faisant sortir de son apprentissage Beaux-Arts et l’ouvrant ainsi à une nouvelle manière de concevoir. Ces grands changements pédagogiques ayant influencé de nombreux concepteurs comme G. Eckbo furent énormément influencés par l’époque dans lequel ils prirent place. Les années 30 aux Etats Unis furent en effet marqués par l’une des plus importante crise économique et social auquel le pays ai fait face, la grande dépression.

Architecture, and City Planning at Harvard, Boston, W.W. Norton, 2002, p. 311

36

Ibid, p. 52


37

Fig. 15. Contempoville, plan projet de dĂŠssinĂŠ par Garrett Eckbo, Harvard, 1938


c. La Farm Security Association en période de grande dépression

C’est donc aux Etats Unis que l’héritage du Bauhaus fut l’un des plus propices à la pratique du paysage et cela principalement par le biais de la pédagogie. Comme illustré par la GSD d’harvard, son esprit vint se greffer dans divers berceaux pédagogiques sous l’influence d’anciens élèves, professeurs ou directeurs de l’école. On peut également prendre pour exemple le New Bauhaus de chicago ou encore le Black Mountain College à Asheville qui furent également des chambres d’écho du Bauhaus. Mais si les Etats-Unis furent des terres si fertiles pour les revendications modernistes du Bauhaus c’est par le contexte dans lequel elles prirent place.

38

Les Etats-Unis des années 30 sont marqués par l’une des plus importantes crises économiques auquel le pays ai fait face, la Grande dépression. C’est suite au krach boursier de 1929 que le pays plongea dans cette tourmente. Elle prit place notamment suite à un « excès de la spéculation, de l’endettement, de l’état et de la banque centrale »37. Cet excès eu comme conséquence l’éclatement d’une bulle spéculative qui ébranla alors le pays. Avec plus de 25% de chômage, l’Amérique des années 30 est donc en proie à une crise économique et sociale. Le pouvoir en place propose alors le New Deal qui, par sa politique interventionniste, tente de donner des solutions à cette crise sans précédent. Cette solution s’appuie sur une politique keynésienne38de grands travaux, censée relancer l’emploi, et place alors l’industrie comme une des clefs de sa mise en place. C’est donc dans un contexte de crise que W. Gropius et d’autres acteurs du Bauhaus arrivent au Etats-Unis dans les années 30. Les solutions modernistes de l’école s’appuyant sur l’industrie s’accommodent alors parfaitement avec la politique du New Deal. Il en ressort premièrement, grâce à W. Gropius, la création d’un style architectural, dérivé du modernisme, le style dit « international ». Cette application architecturale des grands principes du Bauhaus, composée de grandes tours de verres et d’acier, marque encore aujourd’hui les paysages urbains des grandes villes

ENCYCLOPEDIE LAROUSSE, la crise de 1929, [En ligne] 12 décembre 2013, consulté le 14 décembre 2019, A consulter sur: https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_crise_de_1929/187370 37

Le terme keynésianisme fait référence à un courant économique créé par John Maynard Keynes qui estime que l’économie doit être soutenue par le monde politique et notamment en matière de création d’emplois., Larousse, 2019 38


39

Fig. 16. Wesmount square, architecture par Mies Van der Rohe, New York, 1964


du monde. Elle s’appuie sur la quête d’épure et d’unité prônée par Gropius dans un contexte de développement post-traumatisme appuyé par le New Deal. Les façades et plan des bâtiments deviennent libres. La structure n’est plus soutenue par des murs porteurs mais par de fins piliers en acier. «[…] on passe du symbole de la brique lourde à la boite ouverte »39 La crise économique des années 30 ne touche pas seulement les villes et l’industrie. Elle touche la totalité de la population et notamment la plus rurale. Pousin Frédéric explique : « L’exploitation intensive des terres entraînait un appauvrissement des sols, la faillite des fermes et un surcroît de chômeurs qui, en l’absence de toute protection sociale étaient voués à la pauvreté »40

40

Cela couplé à de nombreuses catastrophes naturelles ayant rendu infertile toute la partie centrale des Etats-Unis la pauvreté en campagne explose. S’en suit alors une importante migration de « terres appauvries […] vers des Etats où se développeraient de nouvelles formes d’agriculture industrialisée »41 C’est le cas de la Californie qui voit alors un afflux massif d’immigrés ruraux venant de la partie centrale des Etats-Unis. C’est alors que pour accueillir cette population l’état met en place une « politique de planification de construction de logements à géométrie variables »42. La grande dépression, endiguée par les actions interventionnistes du New Deal, est alors sous contrôle. Mais persiste encore toute une population en détresse à accueillir. Et c’est ce rôle, à l’aube de la seconde guerre mondiale que se voit assurer la Farm Security Administration (FSA). C’est dans ce contexte, sortant de Harvard en 1938, que Garrett Eckbo sera enrôlé, durant la 2nd guerre mondiale, par ce même organisme où il concevra des camps de réfugiés dans sa région natale Californienne. Il n’y travaillera pas seul et sera accompagné par de nombreux architectes et urbanistes permettant ainsi de combattre « les cloisonnements professionnels au profit d’une approche intégrée, appropriée à la complexité des problématiques rencontrées. »43.

39

FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, 2ème édition par Thames & Hudson Ltd, 2006, p. 129.

POUSIN Frédéric, « Un havre pour les migrants, Garrett Eckbo et la Farm Security Administration », les carnets du paysages n°23, paysages en migrations, Arles, Edition Acte Sud et école nationale supérieure de paysage, 2012, p. 129 40

43 41 42

Ibid, p. 129 Ibid, p. 130 Ibid, p. 132


41

Fig. 17. Mère migrante, photo par Dorothea Lange, camp FSA, 1936


G. Eckbo tente alors d’apporter un cadre de vie agréable à toute une nouvelle population, « as a norm across the states, landscape design concentrated on providing shade, preventing erosion and dust and ultimately, expanding and framing the architecture ».44 (Comme norme à travers les Etats-Unis, l’aménagement paysager se concentrai sur l’apport d’ombre, sur limiter l’érosion et la poussière et, en définitive, sur la mise en valeur de l’architecture, notre traduction) L’objectif était donc pour G. Ekcbo de créer un havre climatique, « des aménités grâce au traitement des espaces extérieurs »45. Mais cette adaptation au climat fut également mise en place comme le lien unissant une population arrivante et un territoire. Elle « contribua grâce au choix des essences à relier l’habitat au passage et donc à ancrer les migrants dans une région permettant la sédentarisation recherchée de certains d’entre eux »46 .

42

Cette approche, aujourd’hui assez courante, peut être qualifiée de régionalisme climatique (regional planning). A ne pas confondre avec le régionalisme français, qui est une attitude visant à valoriser et à défendre les intérêts et l’identité de régions particulières, qu’elles soient officielles ou bien traditionnelles. Le régionalisme climatique est une méthode de projet qui prend appui sur les conditions climatiques d’un lieu spécifique. Cette pratique peut être apparentée à une discipline qui est aujourd’hui toujours pratiquée par de nombreux paysagistes, le ’Environmental design’. Apparue bien plus tard, dans les années 60 sous l’égide de paysagiste comme Ian Mc Harg, cette discipline peut être rapprochée à la pratique de Garrett Eckbo bien qu’elle se sépare totalement d’un quelconque vocabulaire formel au profit d’une approche scientifique. C’est justement cette discipline qui a permis le développement d’outils d’analyse géographique comme le GIS (Système d›information géographique), méthode aujourd’hui ancrée dans la pratique des paysagistes contemporains. Cette méthode basée sur une analyse fine du climat et de la géographie d’un territoire naquit comme une critique du style internationale et du développement erratique de la société causée par la politique interventionniste du New Deal. Domenico Francesco Moccia explique : « Despite objectives as poverty reduction and social integration were main efforts of federal government and inspired critical revisions of former programs failures, suggesting new proposals and experimentations, American cities seem be shaped more by economic forces of the real estate

TREIB Marc, IMBERT Dorothée, pp 123, op.cit., p. 30 POUSIN Frédéric, pp.135, op.cit., p. 40 46 Ibid, p. 137 44 45


43

Fig. 18. Analyse de facteurs ĂŠcologiques, plan dessinĂŠ par Ian Mc Harg, Staten Island, 1969


market. Expansion of America companies over larger and larger markets, supported by communication technologies development, engineered their organization in more centralized management and permitted fusions to advantage of large-scale economies. »47 Ian Mc Harg, fondateur du ‘environnemental design’ et proche de Garrett Eckbo développa donc une stratégie de conception intégrant toutes les activités humaines dans un processus durable en relation avec la biosphère. Wahl Christian Daniel explique : « He realized that in order to participate appropriately in the natural processes upon which humanity depends for the health of our environment as well as our individual health, we have to learn to design with nature »48 Cette volonté de concevoir un espace en relation avec la nature sera ensuite publiée en 1969 par Mc Harg dans une livre aujourd’hui toujours d’actualité ‘Design With Nature’. Il y formulera :

44

« The human organism exists as a result of the symbiotic relationship in which cells assume different roles […] as a single organism. So too can the biosphere be consideredas a single super-organism in wich the ocean and the athmosphere, all creatures, and communities play roles analogous to cells, tissus and organs. »49 C’est donc dans un contexte de crise, économique par la Grande Dépression, sociale par les grandes migrations de population et sociétale par l’arrivée de la seconde guerre mondiale que Garrett Eckbo commença sa pratique après son passage à la Graduate School of Design d’Harvard. Pratique alors influencée par les apports modernistes de cette école, héritière du Bauhaus. La pratique d’après-guerre de Garrett Eckbo allait alors façonner le paysagisme aux Etats-Unis et allait répandre ses revendications modernistes à travers tout le pays.

DOMENICO Francesco Moccia, “Design with nature by Ian Mc Harg commented by Francesco Domenico Moccia”, 2010, International Research Journal of Management Science and Technology, p. 3 47

WAHL CHRISTIAN Daniel, « Ian L. Mc Harg and the emergence of natural design », Annals of Earth Volume XXIII number 1, New York, Ocean Arks Intenational, p. 15 48

L. MC HARG Ian, Design With Nature, Saint Louis, San Val, Incorporated, 1995, p. 34 49


45

Fig. 19. Camp FSA dessinĂŠ par G. Eckbo, photo par la FSA, San Joaquin, 1938


46

Fig. 20. Temple de l’amour, illustration dans le livre An introduction to the study of landscape design par Henry Hubbard et Theodora Kimball, 1917


2. L’après seconde guerre mondiale, fondements de la pratique de Garrett Eckbo

a. Fondements historiques

La période post seconde guerre mondiale marque les années les plus florissantes de la pratique de Garrett Eckbo, une pratique dont la finalité peu avoir un usage potentiel dans le monde contemporain. Comme expliquée auparavant, la pratique du paysage se situe encore dans sa période beaux-arts. La référence de l’époque est l’ouvrage An introduction to the study of landscape design par Henry Hubbard et Theodora Kimball. Il est alors considéré que la finalité de l’architecture du paysage est « de créer un sentiment de plaisir dans l’esprit du spectateur […]. Ce plaisir est éprouvé lorsque nous faisons l’expérience de certaines formes arrangées en composition unifiées »50. C’est dans une recherche de composition, qui fait appel aux souvenirs et à une représentation idéalisée de la nature que se place l’architecture du paysage aux Etats-Unis, d’autant plus sur la côte Est. Et c’est justement cette vision que remet en question G. Eckbo suite à son passage à Harvard et à la Farm Security Administration de 1936 à 1945. Il écrit dans son livre manifeste publié en 1950, dont le titre est ‘Landscape for living’ (Un paysage où vivre, ‘traduction dossier des carnets du paysage n°6, p. 106’), « We must examine today in relation to yesterday in order to project the potentiality for tomorrow […] When architecture moves from Vignola to Frank Loyd Wright or Le Corbusier. How can landscape design stay with Repton and Le Nôtre? […] We need to be expressing in their specific form our own time, place, people and technology »51 Il exprime ici le besoin de se séparer du débat formel/informel. De l’égide du paterne axial représentant souvent l’autorité et le contrôle (formel) et de la nature mystique, incontrôlable trop souvent imitée mettant en exergue les difficultés relationnelles entre l’homme et le monde immatériel (informel). Bien que se plaçant en rupture avec le passé, comme énoncé dans Landscape for living, Eckbo ne le refoulait pas complètement. Il reconnaissait les avantages d’une analyse dynamique de l’histoire où

RAINEY.M.Reuben « La forme organique dans le paysage humanisé : landscape for living » les carnets du paysage n°6, Arles, Edition Acte Sud et école nationale supérieur de paysage, 2000, p. 59 50

ECKBO Garrett, Landscape for living, Axter City, F.W.Dodgl Corporation, 1950, pp 1-11 51

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Fig. 21. Couverture de Landscape for living, ĂŠcrit par Garrett Eckbo, Axter City, 1950


chaque période répondait à ses problématiques. Une approche qui permet de ne pas être esclave mais héritier du passé. Une approche où « History is a continuous dynamic developing pattern, not a pigeonhole »52. C’est donc après son passage à Harvard puis à la FSA que Eckbo acquiert cette ligne de conduite. Il est probable que cette relation à l’histoire découle de la vision moderniste de Walter Gropius mais, on peut également imaginer qu’il construit cette approche sous l’influence de Christopher Tunnard, paysagiste et professeur proche de Gropius ou sous l’égide du mouvement moderne en général. Reste qu’il enclenchera avec d’autres praticiens comme Dan Kiley et James Roses53 un changement de cap très proche des revendications modernistes de l’époque en plaçant l’expérience vécue, « Landscape for living »54 au cœur du travail des paysagistes.

49

Ibid, p. 10

Titre de son ouvrage manifeste produit en 1950

52 53

SIMO Melanie, The coalescing of different forces and Ideas, A History of Landscape Architecture at Harvard, 1900-1999, Harvard University Graduate School of Design, 2000, p. 32 54


50

Fig. 22. Camp FSA de Ceres, dessinĂŠ par Garrett Eckbo, San Joaquin Valley, 1940


b. Fondements pluridisciplinaires

Le deuxième point fondamental de sa pratique se situe dans son approche pluridisciplinaire. Il considère que c’est un des seuls moyens d’aboutir à un travail réellement « à l’échelle du site »55. Il imagine une pratique du paysage d’une « portée immense. Il inclut ‘cette portion du paysage développée ou formée par l’homme, qui s’étend des bâtiments, des routes ou des services jusqu’à la nature sauvage »56. L’approche multidisciplinaire permet donc une appréhension à grande échelle du paysage. Selon Eckbo, « l’école idéale abriterait sous le même toit non seulement l’architecture, l’aménagement, le paysage et l’ingénierie mais aussi tous les beaux-arts, les arts dramatiques, ainsi que la création industrielle et la création de mode. ». Cette hybridation permet donc également d’acquérir une vision unitaire des arts où toutes les disciplines agissent sur celle qui l’avoisine. Sa définition de la pluridisciplinarité regroupe également les sciences. La relation entre science et art est également un des points de la pensée de Walter Gropius qui dira « Le bon design, est conçu pour être autant une science qu’un art. En tant que science, il analyse les relations humaines. En tant qu’art, il coordonne les activités humaines en une thèse culturelle »57. Cette vision scientifique, englobant science de la nature et science sociale, couplée à l’approche artistique, que Eckbo nommera « intuition de l’artiste »58, est un point supplémentaire le séparant de l’approche beauxarts. C’est un des points qui le rapproche du design environnemental, qu’il acquit comme expliqué auparavant, lors de son passage à la FSA. Bien qu’il ne fut jamais considéré comme tel il utilisa le régionalisme climatique comme un des piliers de sa conception. Cette approche englobante est un des points qui permit à Eckbo de remettre en cause « la nature et la portée du paysage »59. Elle nécessita la mise en place d’un nouveau vocabulaire de conception se séparant du débat formel/ informel instauré par le mouvement beaux-arts. Un nouveau vocabulaire qu’il placera sous le principe de primauté de l’espace, un principe largement inspiré de la pratique picturale avant-gardiste des années 30.

57 58 59 55

RAINEY.M.Reuben, pp 68, op.cit., p. 47

56

Ibid., p. 68 TREIB Marc, IMBERT Dorothée, pp 15, op.cit., p.30 RAINEY.M.Reuben, p. 68, op.cit., p. 47 Ibid., p. 68

51


52

Fig. 23. Composition VIII, peinture rĂŠalisĂŠ par Wassily Kandinsky, New York, 1923


c. Fondements picturaux

Le lien qu’a entretenu l’art avant-gardiste de l’époque, aussi bien pictural qu’architectural, et le vocabulaire formel de Eckbo est explicite. Il ne tenta jamais de cacher ces liaisons et développa au contraire au côté d’autres paysagistes tout aussi important que lui comme Dan Kiley ou Laurence Halprin, une fascination pour cette manière d’appréhender l’art. C’est le cas de James Rose, figure proche de G. Eckbo qui fut un paysagiste ayant également façonné la profession aux Etats-Unis. J. Rose avait une compréhension fine de l’art pictural et de l’architecture moderne et notamment des principes de fluidité spatiale. Il écrivait : « We are already accustomed to a free type of space organization, living/ dining rooms with groups arranged for conversation, study and play… We have yet to develop the house and landscape unit on the same basis rather than just the house with the garden attached »60 Les artistes des mouvements picturaux de l’époque comme Vassily Kandinsky, Paul Klee ou encore Joan Miró avaient une vision similaire cette manière de concevoir l’espace. Ils ne parlaient pas de fluidité spatiale mais de principes s’y rapprochant. On peut notamment prendre exemple sur Miro qui utilisait le terme de « motion-less movement »61 : « As there is no horizon line nor indication of depth, the forms are displaced in depth […] .Inside the large forms, small forms move. And when you look at the whole picture, the large forms become mobile in turn »62 La peinture se sépare ainsi des grandes perspectives, elle devient nonobjective. On voit l’arrivée d’espace non perspectival se séparant de l’axe formel alors en vigueur. Réfutant ainsi les points de fuites, l’œil est laissé libre au travers de la peinture. Elle sort de cadre en plan, « painting could become a space without axial boundaries and possessing infinite depth, undermining the reading of the painting as a representation with ties to the objective world »63 Paul Klee écrivait dans son ‘pedalogical sketchbook’ :

62 63 60

EKCBO Garrett, p. 27, op.cit., p. 47

61

Ibid, p. 31 Ibid, p. 32 TREIB Marc, IMBERT Dorothée, p. 31, op.cit., p. 30

53


54

Fig. 24. Goldstone garden plan, Garrett Eckbo, Beverly Hills, 1948


« a harmonization of elements toward an independent, calm-dynamic and dynamic-calm entity. This composition can only be complete if movement is met by counter-movement. » C’est justement cette idée du mouvement, de la cinétique à travers l’opposition de plusieurs formes que Eckbo utilise dans ses projets. On y retrouve des lignes asymétriques s’inspirant de László Moholy-Nagy, des demi-cercles permettant « d’ancrer la poussée dynamique de la ligne diagonale » ou encore des formes en dents de scie permettant de perturber la continuité d’une ligne droite. C’est l’arrivée du mouvement sur une surface plane. Il transpose la peinture non objective en « non objective space » 64. En utilisant cette notion de mouvement, l’espace n’offre pas de grandes vues cadencées mais une « stabilité dynamique équilibrée […] au service d’un besoin vital »65. Il n’est ainsi pas théâtralisé par de grandes perspectives et revêt une composition uniforme. On peut prendre pour exemple un de ses projets sur un jardin privé à Beverly Hills en Californie, où il choisit des formes puissantes, des couleurs et contrastes qui produisent la vision du mouvement, une « expérience lyrique de l’espace »66. C’est-à-dire un jardin qui offre une composition dynamique, toujours changeante quand on le parcourt, tout en gardant une unité générale. Plus qu’une notion de mouvement, cette composition permet également de lier le bâtiment et le vivant. Eckbo déclare en effet « Why not biology plus geometry »67. La séparation entre jardin et espace construit est floutée. Cela rejoint la volonté pluridisciplinaire de Eckbo abattant ainsi la dichotomie homme/nature. Le jardin n’est plus seulement décoratif mais participe à la vie, au même titre que l’architecture. La forme, qui exprime cette relation, est vecteur d’une nouvelle interrelation entre structure géométrique et poussée biologique changeante de la nature.

66 67 64

Ibid, p. 32

65

Ibid, p. 75 Ibid, p. 76 TREIB Marc, IMBERT Dorothée, p. 15, op.cit., p. 30

55


56

Fig. 25. Pavillion amĂŠricain, photo par Berth Czapnick, Los angeles, 2004


d. Le travail à l’échelle du citoyen ordinaire

C’est principalement à l’échelle du particulier, du citoyen ordinaire, que Garrett Eckbo choisira de mettre en place ce vocabulaire. On pourrait alors penser que c’est une vision qui s’éloigne de son projet humaniste et social développé à la FSA, car il ne profite qu’à un groupe d’individu. Mais c’est selon lui cet individu qui habite majoritairement nos paysages. Il écrit en 1919 dans the Landscape we see : « Le citoyen ordinaire est le représentant idoine pour élaborer une théorie et une pratique de la conception environnementale aboutie. En nous mettant dans sa peau, en regardant le monde tel qu’il le voit, ou tel qu’il devrait le voir s’il était correctement informé, nous serions capables de nous échapper de l’univers de nos modes de penser professionnels pour accéder à la réalité du monde de l’inspiration ou l’inspiration personnelle, ou encore ‘s’abaisser au niveau commun’.»68 Il exprime ainsi le moyen pour lui de sortir de son mode de pensée en travaillant à une échelle réduite. Il est également important de replacer ce choix dans le contexte d’un pays en plein essor d’après-guerre. Car dans une période de reconstruction c’est bien « la maison familiale qui allait transformer la structure de l’habitat américain »69. C’est cette maison individuelle qui allait devenir la proue de la figure de l’Amérique que l’on connaît aujourd’hui. Ce travail à l’échelle du citoyen ordinaire, revêtit une composition très ancrée dans le vocabulaire formel avant-garde moderniste des artistes peintres de l’époque. L’expérience lyrique de l’espace qui selon Eckbo permettait d’atteindre une stabilité dynamique équilibrée au service d’un besoin vital répondait-elle réellement aux problématiques de son époque ? Il est difficile d’y répondre étant donné que le monde contemporain ne présente pas les mêmes enjeux spatiaux et sociaux. Même s’il est évident que ce vocabulaire est aujourd’hui passé, son analyse permet de comprendre la démarche sous-jacente. Une démarche au projet humaniste (landscape for living), s’appuyant sur une analyse dynamique de l’histoire, une approche pluridisciplinaire/multiscalaire et sur un jeu de composition permettant de produire du mouvement sur une surface plane. Mais si l’influence formel

68 69

ECKBO Garrett, The Landscape we see, New York, McGraw-Hill, 1969, p. 145

TREIB Marc, « Garrett Eckbo, le jardin et le paysage », les carnets du paysage n°6, Arles, Edition Acte Sud et école nationale supérieur de paysage, 2000, pp 47

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Fig. 26. Couverture The art of home landscaping , ecrit par Garrett Eckbo, Los angeles, 1956


et informel qu’a pu entretenir le mouvement moderniste enclenché en autre par le Bauhaus sur Garrett Eckbo est assez flagrante, qu’en est-il de son projet humaniste ? Même si c’est bien le citoyen ordinaire qui habite nos paysages comment justifier un projet social quand on le rend accessible qu’a un certain type de population ? Sachant que le Bauhaus est avant tout un projet social mené par Walter Gropius visant à ouvrir l’art à toute la population, comment ouvrir le paysage à toute la population en travaillant à une échelle réduite ? Ce n’est justement pas en analysant seulement les compositions formelles de G. Eckbo qu’il est possible de discerner totalement son projet social. Eckbo composa durant toute sa vie de nombreux ouvrages destinés aux paysagistes et aux citoyen ordinaire. Son livre ‘The art of home Landscaping’70 en est un exemple probant. Destiné à un public non formé, mettant l’accent sur une compréhension fine des problématiques climatiques et sociales avant tout projet, cet ouvrage permet de rendre accessible la planification et la construction d’un jardin, à un particulier. C’est justement par la production de ce genre d’ouvrage que Eckbo propose une vision cohérente à grande échelle, du privé en apportant des outils communs à toute la population. Ce projet social, porté par des ouvrages comme ‘The art of home landscaping’ pourrait être encore appliqué sur les problématiques du monde contemporain ? En se faisant, cela permettrait sans doute de sortir de nos modes de pensées conventionnelles en s’accommodant à des problématiques de plus petite échelle. L’idée ne serait ainsi pas de vouloir proposer un revival inspiré des principes de Garrett Eckbo mais bien d’expérimenter une cohérence de conception, à une échelle réduite.

ECKBO Garrett, The art of home landscaping, Los Angeles, McGraw-Hill Book company, 1956, 274p. 70

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60

Fig. 27. Analyse de l’impact du soleil sur une habitation , produit par Garrett Eckbo dans The art of home landscaping, Los angeles, 1956


C’est ainsi que se déroulera la dernière partie de ce document. Le travail qui suit, porté sur une expérimentation en série suit les directives du manuel ‘The art of home landsacping’. L’objectif de ce guide est d’aider la population à résoudre les problèmes communs de la conception d’espaces extérieurs. Garrett Eckbo y explique l’importance de la planification. Pour cela il sépare tous projets en problématiques : 1° Problématiques lié au terrain Il y inclue : -

Le climat

-

La topographie

-

La végétation

-

Le sol

2° Problématiques lié aux structures Il y inclue : -

Le quartier

-

Le lot

-

La maison

3° Problématiques humaines Il y inclue : -

L’âge et le sexe

-

La composition de la famille

-

Les revenues

-

L’attitude

61


62


Une fois toutes ces problématiques émises, un plan doit être produit. Pour cela le vocabulaire choisi doit permettre de répondre à ces enjeux. Il est basé sur trois principes. Premièrement le rythme, c’est-à-dire l’enchainement et le cadencement des espaces créés. Ensuite l’équilibre, c’est-à-dire les proportions globales de tous cet enchainement. Et enfin l’insistance, correspondant à la mise en avant de certains éléments en particulier. C’est trois principes sont repris par la production et la combinaison de cinq formes. Les formes circulaires, les arcs et tangentes, les paternes rectangulaires, les courbes libres et les angles. Selon G. Eckbo, il est donc nécessaire pour chaque projet de comprendre les problématiques qui le façonne et d’ensuite proposer un plan formel venant étayer tous ces enjeux. La production et l’application d’un tel manuel est très interressante même 80 ans après sa première édition. En effet, quand 2/3 des parcs et jardins en ville sont privés, comment avoir quelconque contrôle sur ces espaces ? C’est justement par l’application d’un guide pour personne non formés qu’une cohérence à l’echelle du particulier peut être atteinte. Comme expliqué auparavant, le manuel the art of home landscaping met l’accent sur une analyse fine du climat, du quartier et des problématiques humaines avant tout projet. Il permet ainsi a chaque individu de créer un jardin s’adaptant à ses problématiques propres tout en conservant de grandes questions communes. Il permet donc d’apporter une cohérence d’ensemble à la petite échelle tout en favorisant l’individualité des projets. Mais qu’en est il de son application 80 ans après sa production ? Le projet qui va suivre suit les prescriptions du guide the art of home landscaping. Il propose la conception des espaces extérieurs d’une série de lots en zone pavillonnaires, formant une rue. Situé à Saint-Cyr-l’école, dans le quartier de l’Abbaye en pleine zone urbaine. L’objectif ici n’est pas forcement d’appliquer à la lettre cette d’héritage mais, de tester la cohérence de plusieurs projets en utilisant un guide commun.

63


64

III


Application contemporaine des principes de Garrett Eckbo

65


Avant de tracer, il faut planifier donc, je vais replacer tout ça dans son contexte, Saint Cyr l’école, c’est en Ile de France. Ville de 18 000 habitants elle profite de l’attractivité de Paris. Très bien desservi, c’est une de ces villes dynamiques de région parisienne. J’y vois de plus en plus de nouvelles construction. Tous les lots vacants s’élèvent. Le centre se densifie, ou je voyais il y a 10 ans des maisons d’une seule famille trône aujourd’hui des immeubles de trois étages. La ville évolue, et ce n’est sans doute pas l’arrivée des nouvelles lignes du grand Paris qui va stopper ce processus. Le quartier de l’Abbaye, sur lequel je travaille, est un de ces nouveaux quartiers en pleine ville. Où autrefois siégé un cimetière, trône aujourd’hui un ensemble de maisons, rues, parcs et immeubles aux multiples usages. Mais avant de parler de la structure de ce quartier j’aimerais parler du socle sur lequel s’implante cette ville. Tout d’abord le climat, si je regarde les cartes actuelles, la région serait soumise à un climat océanique dégradé, les températures sont intermédiaires. Les précipitations sont plutôt faibles, surtout en été. Les pluies varient peu tandis que les écarts de température entrent été et hiver sont élevés. 66

Mais j’imagine que dans un contexte de changement climatique cela doit être remis en cause. Ça n’est pas nouveau, le climat se réchauffe avec lui une nouvelle végétation, de nouvelles pratiques donc un nouveau quartier. Je vais partir sur cette estimation de l’INRA, à l’horizon 2100 la ville serait soumise à un climat océanique aquitain. Un tel climat est bien différent. Les écarts de température entre l'été et l'hiver seraient bien plus faibles. Les hivers seraient relativement doux et les étés plus chaud. Les pluies y seraient modérément fréquentes et plus abondantes en hiver. Par contre l’été et l’automne seraient plus sec. Pour résumer, il fera plus chaud et plus sec. Niveau microclimat, la ville est plutôt épargnée. Pas de montagne ou d’océan à l’horizon, une altitude toute relative de 150 mètres. Le quartier n’est pas encaissé dans une vallée froide. Le sol est plat ou presque. Seule quelques irrégularités sont visibles mais elles n’ont, je pense, aucunes incidences sur le climat général. Par contre Saint Cyr l’école est une ville. Or qui dit ville dit enrobé, habitations denses et peu de végétation. Tout cela implique évidemment une hausse de la chaleur par rapport à la campagne environnante.

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Fig. 29 et 30. Carte de l’évolution du climat, production personnelle selon les données de l’INRA, 2020

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Plus chaud, plus sec cela implique également un changement de végétation. Cela signifie sans doute la fin des gelées tardives. Une nouvelle végétation va apparaître, moins adaptée au froid mais résistante à la sécheresse. Là où je vois aujourd’hui des Hêtres commun (Fagus sylvatica) ou encore des cornouillers sanguins (Cornus sanguinea) trônera sans doute demain des chênes sessiles (Quercus petraea) et du Lila d’été (Lagerstromia indica). Enfin apparaître pas vraiment, c’est plutôt la végétation présente du côté de la Gironde qui va remonter vers l’Ile de France. Si l’est vrai que la floraison du Lila d’été fait rêver plus d’une personne, le prix à payer est quand même plutôt cher. Je pense n’être personnellement pas prêt à subir les canicules d’été en plein ville. Il va falloir bien se protéger. Un jardin frais à la végétation adapté ne va peut-être plus devenir seulement une commodité mais une nécessité. Le choix des essences doit donc être regardé avec la plus grande importance. Au vu des changements relatés auparavant, la liste actuelle de végétation indigène n’est pas forcément la plus pertinente pour un jardin. J’imagine donc que l’Argousier (Arbutus unedo), l’abricotier (Prunus armeniaca) ou encore même le palmier nain (Chamaerops humilis) sont envisageables. 68

Niveau taille, les parcelles étant plutôt fines et en pleine zone urbaine, aucun arbre de grande envergure ne pourra être planté. Je pense qu’il faut favoriser les espèces autour de 4-5 mètres de hauteurs maximum. La plantation va donc se limiter, du grand arbuste à la couvre-sol. Elle sera adaptée à l’exposition et à l’ombre. Faut-il néanmoins favoriser les espèces indigènes (de climat océanique aquitain) ou favoriser les espèces ornementales ? Je pense qu’il faut introduire dans les jardins un matériel nouveau qui viendrait soutenir l’expression du paysage natif en lui apportant plus de complexité. C’est en mettant un point rouge au milieu d’une feuille bleue que le bleu prend sens.

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Fig.31. Végétation sous un climat Aquitain, production personnelle, 2020

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Le choix de végétation va également dépendre du sol sur lequel elle s’installe. Le sol est sans doute le facteur le moins changeant du socle sur lequel s’inscrit le quartier de l’Abbaye. Il n’est pas vraiment soumis aux changements climatiques mais est néanmoins d’une grande importance dans le choix de tout l’aménagement des jardins. Le premier facteur à prendre en compte est la texture du sol, c’est-à-dire la répartition dans ce sol des minéraux qui sont l’argile, les limons et le sable. Il en existe quatre, argileuse, limoneuse, équilibré et sableuse. La plus fine étant l’argileuse, la plus grosse sableuse. À chaque texture correspond un taux de perméabilité, indiquant si un sol est plus ou moins imperméable et donc humide. Le sol ici est plutôt limoneux-argileux. C’est une bonne texture. Elle est plutôt stable. Le sol aura tendance à être plutôt humide (taux de perméabilité de 0,8). Je ne vais donc pas devoir l’amender en sable ou autre. Et puis dans un contexte ou la terre se réchauffe j’imagine qu’un sol frais et humide est un bon facteur.

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Le dernier facteur à prendre en compte est la structure du sol. À ne pas confondre avec la texture je parle ici de l’agencement dans l’espace des constituants du sol. Si elle est souvent liée à sa texture, je pense qu’il est néanmoins important de la vérifier pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Elle est ici grenue, c’est-à-dire peu compact. Le sol ne nécessite pas d’amendements. Néanmoins il y a un facteur négatif à prendre en compte, j’ai l’impression qu’a la construction pas mal des déchets ont été enfouis dans le jardin. Si la texture, structure et perméabilité parait plutôt bonne elle ne l’est pas partout. Lors des plantations il faudra bien faire attention à ne pas tomber sur de l’enduit ou du plastique qui pourrait altérer l’acidité du sol.

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Fig.32 et 33. Carte de la texture su sol et taux de permeabilité, production personnelle selon les données de l’INRA, 2020

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Le socle me parait maintenant plutôt défini. Les jardins vont donc être soumis à un climat océanique aquitain. La végétation va devoir s’adapter à ce climat tout en ne dépassant pas une certaine envergure. Le sol est plutôt bon, drainant, frais et équilibré mais assez inégal. Toute la rue est plutôt plate. L’aménagement des lots va dépendre du quartier dans lequel ils prennent place. Le quartier est plutôt récent et dénote avec son entourage. Il est mixte. Construit autour d’un parc central, il contient des habitations variées, des commerces, une école et un hôpital. Il est entouré d’un tissu urbain plutôt dense. Il est côtoyé au nord par une série de barres d’immeubles à 6 étages. Elles sont plutôt banales. Blanches et symétriques elles ne présentent de la couleur que par les balcons emplis de la vie de ses habitants. On y trouve de tout sur ces balcons, de la végétation, des barbecues et même des vélos.

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Au sud et à l’est le quartier est entouré par un maillage plus dense de maisons individuelles à deux étages maximum. Elles peuvent paraître également banales mais sont, je trouve, plutôt variées. Souvent enduites d’un crépi ocre, elles présentent parfois un mur en pierre de meulière me rappelant les villas de la région construites au début du XX e siècle. La couleur est ici donnée par les volets ténus s’accrochant aux parois. Dans des teintes toujours pastels, ils sont parfois bleus, jaunes ou encore verts. À l’ouest la ville est moins définie. Elle contient aussi bien des barres résidentielles, des maisons individuelles que des commerces.

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Fig.34. Plan du quartier et de ses activitĂŠs, production personnelle, 2020

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Niveau habitations, le quartier est plutôt mixte. C’est un point assez représentatif de ce qui se construit à Saint-Cyr. Il contient de la maison individuelle, de la maison mitoyenne et des immeubles résidentiels. Ce quartier propose donc des habitats pour tout type de loyer. C’est sans doute là une volonté politique. J’imagine que derrière cette mixité se cache l’intention d’éviter une certaine forme de ségrégation sociale.

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Le parc central doit également sûrement participer à cette volonté politique. Il agit comme un cœur de quartier. Il présente une vaste surface dédiée aux habitants de toute la ville. Il est composé de différentes parcelles séparés par des allées en sable stabilisé. Ces allées composent elles-mêmes un réseau planté de hêtres qui ponctuent la marche du visiteur. Les parcelles jouissent de différentes fonctions selon leurs emplacements. Elles sont pour la plupart couvertes d’une pelouse plutôt robuste mais présentent parfois un parc de jeu pour enfant ou encore une dalle en pierre naturelles. La végétation y est plutôt variée. Elle alterne entre alignement d’arbres, massifs arbustifs et massif de graminées. Je me demande néanmoins si elle est vraiment adaptée aux changements climatiques à venir. Au vu de tout le système d’arrosage qui la ponctue, j’imagine que l’augmentation de la sécheresse lui sera fatale. En effet, dans un futur proche il faudra sans doute choisir entre boire et arroser les espaces publics.

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Fig.35 . Typologie d’habitats, production personnelle, 2020

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C’est donc autour de ce parc que s’organisent la plupart des habitations du quartier. Et c’est justement sur un des tronçons de cette couronne que j’ai choisi de travailler. Ce tronçon c’est tout simplement une rue, la rue Le Nôtre. Elle est composée d’un total de 18 maisons mitoyennes et forme un arc à l’est du quartier. Elle est bordée d’un côté par le parc et de l’autre par une voie de circulation. Cette voie consiste premièrement par une haie champêtre de Cornouillers ayant l’avantage de changer de couleur aux cours des saisons et façonnant une barrière plutôt efficace avec les quartiers voisins. Elle se compose ensuite d’une série de place de stationnement cadencé par un alignement de Fevier d’Amérique (Gleditsia triacanthos). Arbre au feuillage composé et fin, c’est sans doute l’un des points les plus remarquable de cette rue. En plus d’apporter une ombre aux voitures stationnant sous son houppier, cet alignement vire au jaune en automne contrastant avec le noir de l’enrobé. Vient ensuite une fine voie de circulation voiture et un trottoir en enrobé noir plutôt classique quoique séparés par une bande de fins pavés de granite.

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C’est suite à cette succession de typologie d’espace que vient se placer un lot type composant cette rue. Toutes les maisons étant mitoyennes, les lots le sont également. L’espace qu’ils prennent est plutôt réduit. Long et allongé, il est plat comme tout le quartier d’ailleurs. La maison vient se placer au centre, tout en collant une de ses parois. L’espace négatif créé est alors de 120m2. Cet espace ne contient pour l’instant pas grand-chose. Il seulement composé d’un amas de terre arable et de quelques dalles pour accéder à la maison.

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Fig.36 . Description d’un lot de la rue Le Nôtre, production personnelle, 2020

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Les maisons sont mitoyennes à deux étages dont un sous les combles. Parfaitement symétriques elles sont séparées en leurs centres par un épais double mur donnant deux maisons fines. Chaque fine maison présente côté rue une façade au crépis blanc ocre. Le toit en double pente se compose d’un amas de tuile noir me rappelant l’enrobé de la rue. Il est serti d’une lucarne dite jacobine c’est-à-dire un toit à deux pans, rejoignant le toit principal en formant des noues. Le premier étage est composé de deux fenêtres rectangulaires aux volets bleu pastels, l’une donnant sur le vide, l’autre sur un balcon surplombant la rue. Ce balcon de forme carré se compose très simplement d’un sol en dalle de béton désactivé. Sa couleur ocre m’évoquant le crépi de la maison. Cette petite excroissance vient surplomber le garage de la maison. Son entrée est plutôt imposante, il se cache derrière une large porte en acier, bleu pastel reprenant la couleur des volets. À gauche se place ensuite la dernière fenêtre de la façade. Moins haute que les autres elle est également sertie de volets bleus et donne directement sur la cuisine. Cette façade vient ensuite se reproduire en miroir sur la maison juxtaposée. Le choix du bleu me parait déconcertant. Je n’arrive pas l’expliquer. Pourquoi cette étrange couleur au milieu d’une façade ocre ? 78

La façade côté jardin ressemble énormément à celle côté rue. Le toit est néanmoins ponctué d’une fenêtre type velux en plus. Le premier étage est en tout point similaire, même ouvertures, même bleu. La plus grande différence réside dans le rez de chaussé. Le garage et la petite fenêtre de la cuisine laissent place à deux importantes baies vitrés donnant sur une pièce de vie. C’est ici que la connexion avec le jardin est la plus notable. Ces deux ouvertures inondent la pièce de lumière et permettent d’admirer l’extérieur. La dernière façade plus sobre se situe sur le côté de la maison. C’est ici que se place la porte d’entrée de la maison. Elle est surplombée par un petit porche en double pente me rappelant les lucarnes des combles. Une seule fenêtre là rythme, placée en son centre elle me paraît bien ténue au milieu de tout ce crépi. Point curieux, cette imitation d’un œil-de-bœuf au niveau des combles. Encore un choix qui me déconcerte, quelle est l’intérêt d’une telle imitation ?

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Fig.37 . Façade type d’une maison, production par le groupe Marignand, 2010

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La répartition des pièces du rez de chaussé est sans doute l’un des points les plus important pour l’aménagement des jardins. Chaque maison possède trois façades chacune revêtant une fonction particulière. La façade côté rue est plutôt utilitaire. Elle est composée d’un garage et sa massive porte bleu, et d’une cuisine avec sa petite fenêtre. La façade du côté de l’entrée est plus publique, on y trouve seulement l’entrée. La façade côté jardin est dédiée au grand salon et ses baies vitrées, c’est donc un espace de vie. Cette répartition me parait plutôt logique, le salon est placé sur la face la plus calme de la maison tandis que les pièces utilitaires sur la rue. L’aménagement extérieur va devoir se focaliser du côté du salon et de la cuisine. C’est sans doute là que la plupart des familles passeront le plus clair de leurs temps. L’entré n’est qu’un espace de passage. J’imagine mal une famille déjeuner par là. Ce n’est sans doute pas un détail mais la maison ne possède pas de vis-à-vis direct avec les voisins. Les lignes communes sont presque toutes placées sur les espaces extérieurs. C’est là que se place le plus d’enjeux pour l’aménagement de la rue. 80

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Fig.38 . Répartition des pièces du rez-de-chaussé, production personnelle, 2020

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La rue est soumise comme tout espace à une série de contraintes climatique. Ces contraintes exacerbées par le climat océanique aquitain vont être principalement dictées par l’orientation du soleil. C’est un point fondamental dans l’aménagement des jardins. Elle va dicter beaucoup de choix de conception. Même si la maison présente un abri certain contre les éléments, son efficacité peut-être grandement améliorée par des choix pertinents dans les espaces extérieurs. Là où les températures risquent d’être trop importante des zones filtrants la lumière sont essentiels. Là où les températures risquent d’être trop basse une combinaison d’un mur et d’un sol pavé peut par exemple réchauffer une terrasse. Je vais prendre exemple sur un lot type qui compose la rue. Le soleil se levant à l’est, la façade côté rue sera la première à subir les rayons du soleil tandis que la façade côté jardin recevra les derniers. Cette donnée change légèrement le long de la rue à cause de sa forme en arc. Dans tous les cas, un aménagement en cohésion avec l’orientation du soleil est je pense une obligation au vu des changements climatiques à venir.

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Fig.39 . Impact de l’orientation su soleil sur la maison, production personnelle, 2020

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Cette orientation permet de zoner le jardin en fonction de leurs caractéristiques climatiques. L’endroit le plus chaud c’est le jardin, c’est là où les rayons de l’après-midi tapent le plus fort. C’est donc un lieu à privilégier en hiver tout en protégeant du soleil en été. Un alignement de caduc me parait être une bonne solution. Son feuillage filtrant les rayons en été mais pas l’hiver. C’est également le lieu qui offre la meilleure vue de la maison et qui est sans doute le plus vivant. Vient ensuite l’allée de l’entrée. Coincée entre les maisons, c’est un espace très cloisonné. Il n’offre aucune bonne orientation. Mais c’est néanmoins un bon point de connexion entre la rue et le jardin. C’est un espace plutôt utilitaire et de passage. Il est donc privilégié pour toutes les activités utilitaires comme l’entreposage de matériels ou de poubelles.

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Le dernier espace se situe à l’avant de la maison. Il agit premièrement, en face du garage, comme un parking. J’imagine qu’il nécessite donc une surface dure et dégagé. Mais c’est aussi, en face de la cuisine, un des endroits le plus frais du jardin car il ne profite du soleil que le matin. C’est donc un espace à favoriser en été. Il faut néanmoins bien veiller à le séparer de la rue tout en évitant de lui apporter trop d’ombre. Pour cela une végétation basse couplée à un mur écran est sans doute une bonne solution. Même si elle n’est pas vraiment passante, j’imagine mal une famille voulant profiter de cet espace si rien n’est fait pour lui apporter de l’intimité. Mais cet espace n’est pas seulement un lieu de vie. Il agit également comme la cour avant de la maison séparant ainsi l’habitation et la rue. C’est un lieu de transition qui participe à l’aspect général de la rue.

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Fig.40 . Repartition du jardin en fonction de l’expostion, production personnelle, 2020

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Toute cette compréhension climatique offre donc deux lignes qui viennent s’étendre à travers toute la rue. La première au niveau du jardin agit comme un pare-soleil et vient filtrer les rayons de l’après-midi pour offrir un espace plus frais. La deuxième au niveau de la rue, apporte de l’intimité tout favorisant l’entrée de la chaleur du soleil. Cette question de la ligne commune est le point permettant d’apporter une cohérence d’ensemble à la rue. Elle résulte d’une analyse très factuelle des différents lots qui la compose. Ces lignes apportent des avantages que tous citoyens aménageant dans une maison pourraient désirer. Elles permettent de questionner la notion du privé/public à cette petite échelle. Je considère que l’aménagement d’un lot est un choix continu entre l’espace privé et public, le social et l’intime. L’espace le plus public ici c’est la cour avant de la maison côté rue. C’est le point de connexion direct avec l’espace commun.

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L’enchaînement de ces cours crée une image continue dans l’esprit et détermine l’esprit d’un quartier. Ici l’esprit du quartier est régi par une analyse climatique. Ces lignes bien qu’arbitraires peuvent se révéler d’une grande richesse. L’important c’est leur fonction. À l’intérieur de cette règle du jeu, les espaces extérieurs peuvent revêtir des formes variées et infini en fonction de leurs habitants, produisant une image riche et fertile d’un lieu tout en partageant un objectif commun.

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Fig.41 . Lignes communes s’étendant à travers le quartier, production personnelle, 2020

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En parlant d’habitant, chaque lot traité aura une composition familiale similaire. J’imagine un ménage de six personnes. Deux parents et quatre enfants. Ils font partie de la classe moyenne et emménage tout juste dans cette nouvelle maison. Le père est cadre dans une entreprise de consulting, la mère artiste et les enfants étudiants. L’ancien appartement dans lequel ils vivaient était bien trop étroit pour toute la famille. Les enfants commencent à être grand et demandent de l’intimité. Ils auront ici tous une chambre personnelle et un jardin pour se détendre. S’ils ont besoin de grand espace, il leur suffit d’aller dans le parc juste en face. Étant donné que Saint-Cyr est bien desservi par le RER, ils pourront facilement aller sur Paris ou dans leurs futures écoles. Cette nouvelle maison parait donc comme un bon lieu pour s’installer et développer toute la famille.

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Fig.42 . Structure d’une famille type, production personnelle, 2020

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Maintenant que toutes les problématiques ont été traité il me faut tracer. Les plans qui suivent représentent dix-huit essaies pour la conception des espaces extérieurs d’un lot. C’est un travail en série. Chaque plan est conçu en prenant en compte les problématiques structurelles, humaines et lié au terrain. Chaque plan est conçu avec la notion de lignes communes. Chaque plan est conçu avec un vocabulaire formel commun. J’émets ici dix-huit hypothèses, dix-huit réponses arborant un langage commun agencé de manière différente. Si les problématiques globales ont été génératrices d’enjeux et donc de questionnements, ce saut dans le dessin l’est encore plus.

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Voici dix-huit questions communes, en désordre auquel je fais face. 1. Comment faciliter l’accès à la maison ? 2. Qu’attend une famille en face de son salon/cuisine/entrée/garage ? 3. Quels sont les besoins spécifiques d’une famille de six ? 4. Faut-il séquencer les usages d’un si petit espace ? 5. Si oui comment y arriver tout en conservant une cohérence globale ? 6. Si non comment rendre multifonctionnel un espace réduit ? 7. Comment conserver de l’intimité tout en favorisant l’entrée de la lumière ? 8. Comment séparer la maison de l’espace public tout en favorisant l’image globale de la rue ? 9. Comment créer un jardin agréable sans augmenter drastiquement son entretien ? 10. Comment apporter de l’ombre en été et du soleil en hiver ? 11. Comment rythmer un jardin sans créer de perspectives ? 12. Comment équilibrer un jardin tout en conservant du rythme dans son parcours ? 13. Comment apporter de l’insistance sur un élément tout en conservant un équilibre global ? 14. Comment ne pas répéter le même paterne en partageant les mêmes formes ? 15. Qu’apporte la ligne droite/courbe à l’échelle humaine ? 16. Comment apporter de la sécurité tout en conservant un espace ouvert ? 17. Comment assouplir une limite franche et faut-il le faire ? 18. Faut-il tirer parti des lignes que dessine la maison ?

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Fig.43 . Essai n. 1 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.44 . Essai n. 2 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.45 . Essai n. 3 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.46 . Essai n. 4 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.47 . Essai n. 5 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.48 . Essai n. 6 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.49 . Essai n. 7 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.50 . Essai n. 8 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.51 . Essai n. 9 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.52 . Essai n. 10 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.53 . Essai n. 11 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.54 . Essai n. 12 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.55 . Essai n. 13 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.56 . Essai n. 14 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.57 . Essai n. 15 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.58 . Essai n. 16 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.59 . Essai n. 17 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Fig.60 . Essai n. 18 pour la conception des espaces extĂŠrieurs d'un lot, production personnelle, 2020


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Voici donc la rue Le Notre arborant les dix-huit projets. Chacun ayant en commun un vocabulaire, des lignes et des problématiques. L’arc créé est une image. Au travers de ce travail j’essaye de produire une représentation formelle d’un particulier utilisant les principes de Garrett Eckbo. Que ressort-il de cet assemblage ? Le résultat me parait plutôt uniforme et cohérent. Je vois que de nombreux éléments se répètent. La forme de l’arc est très présente. Elle rappelle la forme de la rue et permet de conduire l’individu vers un point donné. Elle permet le plus souvent d’apporter de la chaleur et de l’intimité. Elle est intéressante quand elle ne se préoccupe plus des limites de propriétés et qu’elle vient déborder sur les maisons voisines. Elle a néanmoins tendance à se perdre au milieu d’autre forme quand elle est utilisée en élément individuel. Je remarque également la répétition de nombreux paternes anguleux. Que ce soit par de la végétation ou des matériaux, l’angle est souvent utilisé pour créer une rupture dans la ligne droite. En se faisant il permet de marquer un ralentissement. C’est quand il vient se confronter à l’arc ou la ligne courbe qu’il est le plus intéressant. En interagissant avec d’autres formes il vient créer des dynamiques mouvantes à l’intérieur du jardin. La dernière forme qui ressort est le rectangle. Il permet le plus souvent de créer des lignes perpidenculaires ayant une fonction similaire aux paternes anguleux limitant ainsi l’utilisation de point de fuite. Les lignes communes sont assez inégales. La ligne cotée parc est très marquée ne serait-ce que par la haute végétation ou par les différentes structures qui la compose. Elle apporte une continuité assurée par sa fonction et sa forme. C’est le point le plus cohérent de ce travail. La ligne commune cotée rue est plus inégale. Les entrées de garages sont très marquées, laissant peu de continuité entre chaque maison. L’enchaînement des cours avant créé néanmoins une image cohérente du quartier. Le vocabulaire utilisé s’adapte aux problématiques globales et est harmonieux tout en conservant une certaine richesse.


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Fig.61 . Assemblage des essais, production personnelle, 2020


Conclusion Au terme de toutes ces réflexions, il est essentiel de rappeler les questions à l’origine de ce travail. Je cherchais si le Bauhaus avait eu une influence sur le paysagisme et si le paysagiste contemporain pourrait s’inspirer de l’esprit de cette école. J’ai donc commencé, dans un premier temps, par définir l’essence du Bauhaus. Au travers d’une analyse dynamique de l’histoire, il ressort que la création de l’école par Walter Gropius en 1919 répond au contexte dans laquelle elle prend place. Un contexte marqué par un climat politique instable, d’importantes inégalités sociales et une révolution industrielle. C’est justement en prenant appui sur cette industrie que W. Gropius tente de solutionner la crise sociale en ouvrant l’art à toute la population. Il décide par la création d’une école, d’utiliser la pédagogie comme l’outil fondamental de cette transformation. Il apparaît donc que l’esprit du Bauhaus est un projet social visant à solutionner les crises de son temps.

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Ayant défini cet esprit, j’ai ensuite tenté de voir comment il avait influencé des paysagistes et plus particulièrement aux Etats-Unis avec Garrett Eckbo. Il ressort qu’en complément d’autres acteurs comme la scène picturale avant-gardiste ou encore le regionnal planning, c’est bien un projet social visant à ouvrir le paysage à une population non formée que G. Eckbo tentera de mettre en place au travers de sa pratique et de ses publications. Une pratique appliquée à l’échelle du citoyen ordinaire qu’il nommera landscape for living et qu’il partagera grâce à des guides comme The art of home landscaping. C’est au travers de ces publications que j’ai tenté, en dernière partie, de réinterpréter le projet social de G. Eckbo à l’ère contemporaine. Il en découle un travail en série ayant soulevé de nombreux questionnements. Le contexte dans lequel il prend place est évidemment bien différent des années 60, années de la publication de The art of home landscaping. Bien que les problématiques aient changé, il reste de nombreux points de similitude entre les questionnements de G. Eckbo et le monde actuel. Les analyses factuelles que j’ai caractérisées autour du climat, du quartier, de la maison et de la famille ne sont pas très différentes du travail habituel d’un paysagiste pratiquant à cette échelle. J’ai néanmoins l’impression que c’est autour de la question du vocabulaire formel que le projet perd en pertinence. Le choix de la forme fut toujours une question ambiguë dans mes différents travaux. Fuyant le formalisme, expression insultante dans


la sphère du paysage, j’ai l’impression que la forme, ici précédée par des théories picturales d’artistes comme Paul Klee ou Vassily Kandinsky n’est pas totalement adaptée à ce travail. Elle permet d’apporter une cohérence d’ensemble à la production mais vient figer le projet ne prenant pas ainsi en compte le caractère dynamique et évolutif du paysage. Tout ce travail m’a néanmoins permis d’aborder des questionnements étrangers à mon éducation autour du paysage. Comprendre les liens historiques entre notre monde actuel et les crises du passé est un exercice permettant une lecture dynamique de l’histoire. Une lecture non figée s’adaptant au contexte dans laquelle elle prend place. Ainsi la compréhension d’événements comme la création du Bauhaus m’a permis de produire des pistes de réflexions sur la résolution des crises actuelles et donc sur ma future pratique de paysagiste.

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Remerciements

Je tiens à remercier particulièrementAlexis Pernet, pour son suivi, ses conseils de lectures, et ses indications pour l’écriture. La liberté et l’autonomie qu’il m’a laissées est une qualité pédagogique particulièrement agréable et m’a permis de développer un travail reflétant mes questionnements. Un grand merci également à ma mère pour sa relecture attentive et pour l’intérêt dont elle a témoigné pour mon travail.

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Bibliographie Emissions radio : - France Culture, KERVRAN Perrine, LSD la série documentaire, Architecture, Design : le Bauhaus a 100 ans ! (1/4) Artistes et artisans, unissez-vous !, 2019, 54 minutes. A consulter sur : https://www. franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/architecture-designle-bauhaus-a-100-ans-14-artistes-et-artisans-unissez-vous

Ouvrages : 116

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20 Janvier 2010, consulter le 8 janvier 2020, A consulter sur: https:// www.academia.edu/41350209/Design_with_Nature_by_Ian_McHarg_ Commented_by_F._D._Moccia - DROSTE Magdalena, Bauhaus, Köln, Taschen, 2006, 96p. - ECKBO Garrett, The art of home landscaping, Los Angeles, McGrawHill Book company, 1956, 274p. - ECKBO Garrett, The Landscape we see, New York, McGraw-Hill, 1969, 224p. - ECKBO Garrett, Landscape for living, Axter City, F.W.Dodgl Corporation, 1950, 268p. - ENCYCLOPEDIE LAROUSSE, la crise de 1929, [En ligne] 12 décembre 2013, consulté le 14 décembre 2019, A consulter sur: https://www.larousse. fr/encyclopedie/divers/la_crise_de_1929/187370 - FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, 2ème édition par Thames & Hudson Ltd, 2006, 398p. - FULGENCE Ridal, Le Bauhaus, Paris, 2016, A consulter sur : https://artzoo.com/bauhaus-dossier/ - F.-W. Henning, Die Industrialisierung in Deutschland 1800 bis 1914, Paderborn, Schöningh, pp 203 et suiv.. Traduction par WIKIPEDIA, à consulter sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_allemand#cite_note-3 - GROPIUS Walter, Apollon dans la démocratie – la nouvelle architecture et le Bauhaus, Bruxelles, Bruxelles : la connaissance, 1969, 160p. - GROPIUS Walter, Manifeste du Bauhaus, Weimar, 1919, A consulter sur : https://art-zoo.com/manifeste-du-bauhaus/

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Chapitre d’ouvrage collectif: - ECKBO Garrett, « Un paysage où vivre », les carnets du paysage n°6, Arles, Edition Acte Sud et école nationale supérieur de paysage, 2000, pp 47-55


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