Infusion et décantation de l’espace à travers le corps Le mouvement du corps comme clé de lecture du paysage des préalpes.
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Mémoire d’initiation à la recherche- Diplôme d’état de paysagiste
Infusion et décantation de l’espace à travers le corps Le mouvement du corps comme clé de lecture du paysage des préalpes.
Sullivan Doublet Soutenue le 7 mai 2020 en confinement, sous la direction de Olivier Marty Année universitaire 2017/2020
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Un grand remerciement à Elsa Roumet qui m’a beaucoup aidé dans l’écriture de la méthode et dans la rédaction de mon mémoire mais surtout merci de son enthousiasme pour ma recherche. Merci à Rennie Tang, Vincent Lahache et Elisabeth Ferron pour leur témoignage. Merci à mon tuteur de mémoire Olivier Marty pour ses conseils et les différentes références qui m’ont permis d’appuyer et développer mes hypothèses. Merci à mon amie Anaïs Méryeu pour son aide pendant mes déplacements sur mes sites d’exploration et sa participation pour des prises de photos. Enfin Merci à ma mère pour m’avoir permis de me déplacer grâce à sa voiture et plus généralement pour son aide à mon besoin matériel.
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Table des figures LEXIQUE 9 AVANT-PROPOS 11 INTRODUCTION 15 LA MÉTHODE 16 Teste 1: 48°47’37.53’’N 2°06’55.54’’E 16 Rebond 22 Méthode retenue 26 NOTATION DANS LES PRÉALPES 28 Lancer d’écrou 28 Autour de mon point zéro 32 45°50’34.81’’N 5°46’00.22’’E 34 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E 36 45°48’05.68’’N 5°52’44.61’’E 38 CARTOGRAPHIE 42 Le corps comme espace 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E Qualité de geste 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E 48 Kinesphère 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E 52 Bruitbliothèque 56 RETOUR D’EXPÉRIENCE 60 ANNEXES PORTRAITS 62 BIBLIOGRAPHIE 68
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LEXIQUE Kinesphère : Théorisée par Rudolf Laban, la kinésphère désigne l`espace accessible directement aux membres d`une personne, elle s`étend tout autour d`elle, jusqu’`à l`extrémité de ses doigts et pieds tendus dans toutes les directions. Cénesthésie : Sentiment vague que chaque individu a de la totalité ou d’une partie de son corps, indépendamment du concours des sens.(Larousse) Champ de présence : C’est une présence au monde. Une territorialité qui s’étend ou se resserre. (Hubert GODARD) Otolithe : Un otolithe, aussi appelé statoconie, est une concrétion calcaire qui se trouve dans l’oreille interne des vertébrés et sert au sens de l’équilibre. Proprioception : Perception, le plus souvent inconsciente, que l’on a de la position de son corps dans l’espace. La proprioception assure l’équilibre, le contrôle des mouvements et nous renseigne sur l’activité de notre corps. (On dit aussi Sensibilité proprioceptive.) (cntrl.fr) Corporalité / Corporéité: La corporalité représente, au sens strict, le substrat substantiel de l’ensemble psychophysique de l’individu vivant : le « corps-sujet ». La corporéité - le « corps-objet » - englobe les qualités anatomiques et physiologiques qui se manifestent dans les fonctions anatomobiologiques vitales. Elle implique les caractéristiques typologiques et constitutionnelles qui déterminent l’existence physique de l’individu. (La corporalité-de-représentation, Frans Veldman, 2007) Vergence : Inverse de la distance focale d’un système optique centré. (La convergence est une vergence positive ; la divergence, une vergence négative. L’unité SI de vergence est le un par mètre [symbole m−1].) (Larousse)
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FOREWORD This work came into being by a doubt. A doubt of a landscape architecture student. I’m in the last year of my master degree and I feel I have lost the ability to listen to my body. In my opinion, there is something missing during a studio, from analyze to the final presentation of the project. Students use plans to search and represent the forms of a project but what is there was another way?. Approximately 80 m of tracing paper was rolled out by each student, in the last studio. They are looking for the dynamics and the lines that explain the landscape. I am, however, looking for a more harmonious form of representation, one that could be detached from its context into a more surreal form, and can be adapted to the dimensions of the body. To begin working on a plan is very important during the analysis process, as there is the opportunity to find a sense between different spaces. However, in my option, introducing corporeality by including movement from the beginning to the end of project could be a way to express the analysis of a plan and sketch a project. After all, it not the main goal of the project to accept movement of body? This work developed over a many months of research and experience. The final work is therefore, a new protocol that presents an alternative way to work on a project. One that enables a link between method, notation and cartography, through corporeality. Firstly, a method is developed, that introduces the notation of corporeality, followed by an analysis of this notation through cartography. This notice is organized as a map. You will have to follow some instructions to read it correctively, and be able to enjoy the moment: -Make yourself comfortable in quiet place -Sit on the ground in a large space and unfold the plan (approximately 5 m²) - Avoid cold surfaces, for example, tiles -Accompany your reading with a coffee or a hot drink -Be alone and take one minute to take a deep breath. Feel your body in your reading area. Feel yourself form part of this space. Now you can begin Good reading
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AVANT-PROPOS Ce travail est né d’un doute. Le doute d’un étudiant en apprentissage de la pratique de paysagiste concepteur. Arrivant en dernière année de formation, je me retrouve face à un sentiment de manque vis-àvis de l’écoute de mon corps. Ce que je veux dire, c’est que je sens une perte de celle-ci durant l’évolution d’un atelier depuis l’analyse jusqu’à la présentation finale. Les étudiants dessinent leur projet en plan pour rechercher des formes, des dynamiques. C’est 80 m de rouleau de calque déroulé par étudiant pour le dernier atelier. Ils cherchent les lignes de forces ou de permanences. Mais je ressens parfois la recherche d’une forme fantasmée. Une forme harmonieuse que l’on pourrait détacher de son contexte. Ce n’est qu’à la fin que l’on essaye de l’adapter à la dimension du corps. Je ne dis pas que le travail en plan est fondamentalement mauvais, je pense même que cette pratique est juste dans la mesure où elle redonne un sens entre les espaces. Néanmoins,je pense que l’utilisation de la corporéité peut-être repensée comme outil de dessin en projet de paysage en incluant son mouvement du début jusqu’à la fin du processus de recherche. Après tout, le but d’un projet n’est-il pas de recevoir des corps en mouvements ? Cette notice développe des mois de recherche et d’expérimentation pour créer un protocole qui repense le lien entre la méthode, la notation et la cartographie par la corporéité afin de créer des outils de travail pour la démarche de projet de paysage. En première partie, l’écriture de la méthode, qui débouche ensuite sur l’essai de celle-ci à travers la notation, puis finit par une analyse de ce test sous forme cartographique. Cette notice s’organise et se déploie comme on déploie une carte. Alors vous devrez suivre ces quelques consignes pour le consulter sous de bonnes conditions sous peine de ne passer un moment agréable : -Mettez-vous à l’aise et au calme. -Installez-vous au sol dans un espace assez grand pour pouvoir la déplier entièrement (environ 5m²). -De préférence, évitez les surfaces froides comme un carrelage. -Accompagnez votre lecture d’un bon café ou boisson chaude -Soyez seul et prenez une minute pour prendre de grandes respirations. Ressentez votre corps dans votre espace de lecture. Sentez que vous en faites partie. Maintenant vous pouvez commencer. Bonne lecture
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FIGURE 1 :CI-DESSUS, DOUBLET Sullivan, 2020, schémas d’une pensée circulaire pour l’évolution du protocole
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INTRODUCTION Cette recherche ne progresse pas sur une ligne exponentielle mais ressemble plus à un système circulaire entre Méthode, Notation et Cartographie. Comme le montre le schéma sur la page précédente, c’est un système qui renvoie à repenser chaque étape en lien avec les autres. Ce système circulaire est également présent dans la méthode « RSVP cycle » de l’architecte paysagiste américain, Lawrence Halpren qui vise à repenser la conception par le processus de recherche luimême.1 L’objectif ici est de repenser ce système pour faire naître un protocole utilisable dans la pratique de la conception en paysage. Chacun pourra alors créer sa méthode en suivant ce protocole. Grâce à différents entretiens avec des personnes qualifiées dans ces questions de corporéité2 et espace, le protocole a pu évoluer et se préciser. Alimentée par la démarche de projet, cette pensée circulaire demande de créer plusieurs méthodes afin de comprendre un territoire pour les croiser et ainsi identifier les relations des phénomènes dans un espace. Dans ce système, c’est par l’expérience du corps dans l’espace que la matière de projet naît. Alors la méthode évolue en fonction de cette expérience corporelle et de l’information qu’elle pourra amener du paysage. Souligné par Rennie Tang, c’est par les contraintes que le corps peut infuser dans l’espace et lui porter attention car la personne s’extrait de sa pensée mathématique pour se concentrer sur les phénomènes en interaction avec sa présence. Dans le temps imparti, une seule méthode sera explorée parmi les essais en amont. Elle est choisie parmi une série d’expériences sur site par une envie personnelle et parce qu’elle est intrigante et semble la plus adéquate pour créer une cartographie liée à la corporéité. Les expériences à plusieurs ont été fortement conseillées dans les entrevues car elles permettent de croiser les regards subjectifs de chacun et donner une piste de travail intéressante à approfondir. Mais cela demande de mobiliser du monde et une rigueur dans l’écriture des récits du ressenti de chacun pour ne pas tomber dans des clichés ou interprétations sensibles simplifiées et grossières. De ce fait, cette option ne sera pas explorer ici.
1-Lawrence Halpren, The RSVP Cycles creative processes in the human environment, George Braziller Inc, 1971
2- la notion de corporéité sera beaucoup évoquée dans cette notice de par son importante car elle se détache de l’idée culturelle du «corps» étant considérée comme dissociée de l’âme. Elle renvoie au caractère matériel de la corporalité (voir lexique)
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LA MÉTHODE Teste 1: 48°47’37.53’’N 2°06’55.54’’E
Mercredi 22 janvier : Je ne sais pas trop par où commencer. Jusqu’à quel point ma méthode doit être restrictive pour le corps ? Et surtout comment choisir un site d’exploration ? Je dois me jeter à l’eau. Plus vite j’aurai commencé plus vite je pourrai avoir un regard critique sur mes hypothèses. En regardant par la fenêtre de ma chambre ce grand espace ouvert qui semble faire de la Pièce d’Eau des Suisses un bon terrain d’expérimentation, je suis décidé à descendre et commencer à expérimenter mes premières idées.
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Après plusieurs expériences, c’est la méthode du paysage sonore qui sera développée ici. Pour commencer, les premières règles de la méthode sont établies à travers l’imaginaire. C’est-à -dire que sans expérience au préalable, il est uniquement possible d’imaginer comment le corps peut être mis en condition pour explorer le paysage sonore. Les premières règles imposées sont les suivantes : Méthode Paysage sonore : -Déplacez-vous d’un point A à un point B. -S’arrêter tous les 20m (ou point d’intérêt) et se coucher au sol -Fermez les yeux. -Écoutez les bruits autour de vous les plus proches, les bruits de l’espace palpable, les bruits de l’espace intime. -Décrire cet environnement sonore. -Écoutez les bruits de l’espace de société, l’espace de proximité. -Décrire cet environnement sonore. -Écoutez les bruits de l’espace lointain, l’espace cadre, qui ferme le paysage sonore. -Décrire cet environnement sonore. Cette première liste de règles est née du schéma de réflexion cicontre. Il représente la distorsion de l’espace en plan selon le bruit qui l’habille. Plusieurs couches se distinguent avec, en point central, la personne qui expérimente la méthode. Ces différentes couches parlent du ressenti de la distance du son par rapport au corps qui les reçoit. La variation du trait exprime la qualité du son perçu. C’est une interprétation subjective de l’immatérialité de la même manière que kandinsky cherchait à donner une forme à la musique dans l’abstraction lyrique.
FIGURE 2 : A GAUCHE DOUBLET Sullivan, 2020, schémas d’intention de la méthode du paysage sonore
FIGURE 3 :A DROITE KANDINSKY Vassily, 1925, Jaune_rouge-bleu, Huile sur toile, 128 x 201, 5 cm, Paris, Musée national d’art Moderne
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Je m’assoie en haut de la Pièce d’Eau des Suisses devant le passage sous la ligne de RER. J’ai mon carnet à la main et un feutre fin dans l’autre. Je regarde vers le nord et commence à fermer les yeux pour écouter ce qu’il se passe autour de moi. C’est déjà une expérience incroyable d’écouter cette pièce d’eau que je n’avais jamais vraiment entendue. Je penche la tête en arrière les yeux vers le ciel pour porter l’attention tout autour de moi. Ce n’est pas très confortable et pas très efficace. Je sens qu’il y a un problème entre mon écoute et les moments où j’écris ce qu’il se passe. Ma main ne me parait pas honnête par rapport à mon oreille. Les moments de notation viennent couper le temps d’écoute.
FIGURE 4 :EN HAUT, DOUBLET Sullivan, 2020, Sphères de la perception des espaces depuis l’origine du corps.
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FIGURE 5 : EN BAS, DOUBLET Sullivan, 2020, série évolutive d’une expérience de notation du paysage sonore à Versailles.
Le lieu d’étude est la Pièce d’Eau des Suisses. La notation de ses bruits a révélé la difficulté de représenter un espace sphérique illustré ci-contre, en plan. C’est-à-dire, depuis le point zéro de chacun qui se trouve être notre corps, nous percevons l’espace avec un devant, un derrière, mais aussi un dessus et un dessous. Une idée défendue par Michel Foucault qui place le corps comme créateur de sa propre utopie. Le Corps, c’est le point zéro du monde par rapport à soi. C’est depuis ce corps qu’il est possible de se déplacer, parler, rêver, imaginer. « Alors, le corps, dans sa matérialité, dans sa chair, serait comme le produit de ses propres fantasmes. Après tout, est-ce que le corps du danseur n’est pas justement un corps dilaté selon tout un espace qui lui est intérieur et extérieur à la fois ? »1 C’est à travers cette recherche de l’espace par le bruit que la finesse de perception du corps se dévoile. La richesse et l’intérêt de se concentrer sur ce point zéro qui réagit chimiquement et mécaniquement entre un corps intérieur et un corps extérieur place le «je» dans l’espace par une haute définition de l’emplacement du soi par rapport à l’origine d’un bruit. De l’encrage au sol par les pieds jusqu’à la boite cranienne qui reçoit ces ondes sonores et faisant vibrer cet machine complexe qui est l’oreille , le corps tient en équilibre et se place dans l’espace comme si l’oreille l’accrochait à celui-ci par des fils invisibles. Mais cette écoute demande une attention non interrompue et ouvre sur la question de la notation. A quel moment noter ? Vincent Lahache prend partie d’une notation dans une deuxième phase pour avoir une présence complète et ininterrompue sur site. Mais cette méthode pourrait laisser penser que l’expérience insitu serait interprétée différemment, peut-être même fantasmée à travers les souvenirs.2 Dans la même conquête de l’authenticité que les impressionnistes, ce protocole impose une notation directe en extérieur. Mais comment lier attention du lieu et du geste en même temps?
1-Michel Foucault, L’utopie du corps, INA - Institut national de l’audiovisuel, 1966
2- Voir annexe portrait de Vincent Lahache
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Un bruit violent et répétitif traverse l’espace jusqu’à moi
Cette enveloppe de son, je peux la voir. Je peux voir l’origine des bruits.
Tout les petits bruits autour de moi, ici je ne les entends pas.
Des pas réguliers traversent les enveloppes sonores pour disparaitre et se fondent plus loin dans un brouillard de sons.
Ces bruits là, je ne peux qu’imaginer leur origine. Ils me parlent de paysages lointains et m’y rattache.
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Avant de rebondir sur la question précédente, il est intéressant d’analyser l’évolution de la série de dessin ci-contre. L’évolution de ces cercles témoignent d’une envie d’exprimer la distorsion de l’espace selon une oreille. Elle est aussi démonstrative de la limite de cette notation (avec un carnet à la main). C’est à travers la liberté du geste que la retranscription de cet espace sonore gagnera en résolution par la variabilité de celui-ci. Il faut penser le corps comme le prolongement de l’espace. L’espace infuse dans le corps à la rencontre de l’être pour, ensemble, raconter une histoire. C’est le rapport corps surface qui doit être repensé pour lier espace et geste comme on pense une danse. Contrairement à l’intention portée sur cette série, la notation ne doit pas être pensée comme une carte. D’après l’évolution du système circulaire qui définit le protocole, il est important de toujours se consacrer pleinement à chacune des étapes à la fois. La cartographie doit venir dans un second temps car elle est une étape d’analyse, d’interprétation intellectuelle de cette notation. Elle demande un autre état de corps et d’esprit. Cette première phase d’essais est très limitée dans l’expression du corps, et le choix des points d’écoutes n’apporte pas grand chose. C’est en croisant cette expérience avec celle d’artiste du land art, de la danse contemporaine ou de la peinture abstraite que la méthode pourra être améliorée.
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Rebond
FIGURE 6 :CI-DESSUS LONG Richard, 1977, A walk by all roads and lanes touching or crossing an imaginary circle
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Comment choisir un site et pourquoi ? Rennie Tang et Elsa Roumet conseillaient de se laisser surprendre par le site en s’imposant une règle qui oblige à suivre une direction comme : Suivre les zones d’ombre ou les courants d’air par exemple.3 La sélection du site d’écoute doit amener dans la découverte du paysage étudié. La méthode d’exploration établie dans la première phase est restrictive et n’amène pas à porter un regard nouveau. Il y a déjà une sélection dans un choix défini, une intention alimentée par des préjugés vis-à-vis de ce site. Il faut se remettre à sa place d’arpenteur qui va à la rencontre de l’espace. Le travail et l’état d’esprit de Richard Long est similaire à une démarche de paysagiste dont il faut s’inspirer. En traçant un cercle imaginaire sur une carte, L’artiste trace son parcours exploratoire . Ses trajectoires à travers le paysage suggèrent également de nouvelles façons de reconsidérer les visites initiales propre à chacun sur un nouveau site. La forme de ce cercle lui impose d’aller à la rencontre d’une suite de contraintes: géographiques, géologiques, administratives... qui feront dévier son parcours et amener une subtilité de lecture dans son travail. Il part d’une forme détachée du contexte paysager pour aller à sa rencontre à des endroits où il ne pensait certainement jamais passer s’il ne s’était imposé cette contrainte. En utilisant la carte comme une surface de papier sur laquelle on peut s’amuser à des jeux de hasard, Richard Long ne se perd pas dans la quantité d’informations de la cartographie. Le cercle oblige à ne se concentrer que sur ce qu’il traverse et impose une forme de sélection. Son travail est un bel exemple du lien entre la carte et le corps. Il démontre comment un geste sur une carte peut impacter l’espace et l’expérience du corps dans celui-ci. C’est une notion qu’un concepteur, quel qu’il soit ,devrait toujours avoir à l’esprit.4
3-Voir annexe portait de Rennie Tang et Elsa Roumet
4-Martin Hogue, «The site as Project», Journal of Architectural Education, volume 57, 2004
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FIGURE 7 : A GAUCHE, BROWN Trisha, 2018, Capture d’écran de la Video de la performance de Trisha Brown «It’s a draw» au 22° festival de danse de Montpellier,
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FIGURE 8 : A DROITE VERDIER Fabienne, 2019, Capture d’écran du reportage «Fabienne Verdier, sur les terres de Cézanne» par Arte.
Quel support semble le plus adéquat à mon expérience ? Le corps est un outil pour déplacer le soi. C’est le geste de l’homme qui impacte l’espace et l’espace qui impacte le geste de l’homme. Polock se déplace sur sa toile au sol et remplit l’espace blanc de gestes secs et dynamiques grâce aux mouvements de son corps. Quant à Klein, il utilise le corps de femmes nues pour peindre à la place du pinceau. Il existe alors un rapport différent au support par sa proximité à l’enveloppe charnelle. Le geste se désinhibe face à la « toile » et permet d’explorer le médium de la peinture un peu plus loin jusqu’à ce que la méthode devienne œuvre. À travers la performance de Trisha Brown qui mêle dessin et danse, une œuvre naît de ce lien corps surface. Cette performance est démonstrative des nombreuses possibilités du corps et de ses déplacements pour explorer son support. C’est dans cette démarche qu’il faut soulever l’intérêt suscité pour la corporéité et ses atouts de perception dans l’objectif de concevoir une œuvre au même titre que pour un paysagiste de concevoir l’espace extérieur. Le support est repensé à la mesure du déplacement du corps de l’artiste, mais le paysagiste doit sortir de son atelier pour aller à la rencontre du paysage. Comment installer les bonnes conditions de travail en extérieur pour prendre des notes sur le paysage à l’échelle du mouvement du corps ? Le travail de Fabienne Verdier est très inspirant et démonstratif de l’énergie qu’il faut déployer pour installer son atelier en extérieur. Elle utilise aussi son support à l’horizontal et se déplace pour l’explorer. «C’est le cerveau en activité, le système nerveux central et tout le corps qui est en captation d’informations et qui arrive à se plonger dans ce grand fleuve de l’énergie» (Fabienne Verdier, 2019). Mais c’est surtout la structure mise en place qui l’aide à s’exprimer et donner de l’ampleur à son geste. Son travail donne à repenser la manière d’installer son atelier et son support en extérieur à l’échelle de la possibilité de mouvement de son corps. Fabienne Verdier est, la plupart du temps, accompagnée pour l’installation de ses structures et il est possible d’imaginer le coût de son besoin matériel. De ces références, des améliorations ont été amenées, d’une part, sur la méthode, pour qu’elle soit plus surprenante dans le choix aléatoire des sites d’écoute, d’autre part, sur le support, pour permettre une plus grande expression du mouvement du corps. Néanmoins, cela implique de repenser la structure et l’énergie à déployer pour cette action.
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Méthode retenue Pour cette méthode, vous aurez besoin de beaucoup d’énergie pour pouvoir mettre en place votre zone de travail in situ et commencer votre notation du paysage sonore. Matériel: -Une carte IGN 25000 de la zone d’exploration -Un écrou -Grande feuille de papier 2 m minimum -Pour dessiner, créez une surface plane avec des plaques de styrodur par exemple (léger et solide). -Gros fusain -Trépied et caméra, appareil photo ou autre pour se filmer Règles du jeu: 1-Définir le point d’écoute en lançant un écrou sur une carte au 25000 de la zone d’exploration ( l’accès à ce point est déjà une première expérience. Il est important d’y prêter attention) 2-Se rendre sur le point défini 3-Monter la plate-forme de l’espace de travail 4-Se filmer en cadrant sur toute la surface de notation (la vidéo permettra de pouvoir analyser le mouvement). 5-Écoutez et dessinez dans le sens des aiguilles d’une montre pendant 10 min.
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FIGURE 9 :CI-DESSUS DOUBLET Sullivan, 2020, éclaté de l’installation de l’espace de travail
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NOTATION DANS LES PRÉALPES Lancer d’écrou Dans cette partie, la méthode est testée pour évaluer ses limites ou ouvrir sur d’autres méthodes exploratoires. Elle est testée sur deux jours d’exploration. Le premier jour est consacré à une expérience seul et la deuxième accompagnée d’Anaïs, une amie, venue pour les déplacements et les prises de photos. La zone d’étude correspond à l’emprise de la carte IGN 3331OT qui correspond également au site de projet de fin d’étude mené en parallèle de ce travail de mémoire pour valider l’obtention du diplôme de DEP paysagiste concepteur. Cette zone géographique entre massif jurassien et massifs Préalpins est un nœud hydraulique complexe entre : le marais de Lavours, les affluents torrentiels, le passage endigué et exploité du Rhône ou encore les grands paysages touristiques du lac du Bourget. Elle est soumise à de nombreuse crues du Rhône et en fait un territoire de risques et d’enjeux pouvant mener à un projet sur la résilience. . L’écrou est lancé trois fois et retombe sur ces trois points qui donneront suite à trois temps d’écoute et de notation. 45°50’34.81’’N 5°46’00.22’’E
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45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
45°48’05.68’’N 5°52’44.61’’E
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45°50’34.81’’N 5°46’00.22’’E
Mercredi 04 mars : Je suis parti de chez moi en voiture pour me rendre sur le premier point d’écoute. Je suis seul et je dois continuer une partie du chemin à pied car l’écrou est tombé sur le marais de Lavours. Je dois passer au dessus d’un fossé, marcher dans un sol gorgé d’eau avec sous le bras, les plaques de carton qui constituent la plateforme et le support papier. C’est difficile de marcher toute cette distance avec tout ça... Le carton n’est vraiment pas pratique car il est trop souple et prend l’humidité,
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45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
Mercredi 11 mars : Le deuxième emplacement se situe au milieu du grand axe traversé par une variante du GR 65 dans la forêt domaniale de Chautagne. Anaïs, une amie à moi, m’accompagne pour m’aider à amener la plateforme jusqu’au point d’écoute. Nous avons changer la plateforme pour du styrodur (plus léger et plus solide).
45°48’05.68’’N 5°52’44.61’’E
Mercredi 11 mars : Le dernier emplacement demande beaucoup plus d’efforts pour y accéder. Ici l’écrou est tombé sur la commune de Cessens le long d’une route forestière.
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Autour de mon point zéro
Mercredi 11 mars : Enfin…. Une respiration profonde. Au milieu de la page blanche, mon rythme cardiaque ralentit et mes yeux se ferment. Ma main est suspendue au-dessus de son support prête à recevoir le début d’une histoire sonore d’une dizaine de minutes. Le paysage s’infuse en moi et j’infuse dans le paysage. L’attention aux bruits qui m’entourent me fait exister dans celui-ci. C’est bon je fais partie du présent, je suis là dans cet espace et j’en constitue un morceau. Ma main tombe sur le papier. Un premier coup de crayon puis c’est parti. L’histoire s’écrit à travers moi. Chaque pause, chaque rythme est noté. Je deviens comme
FIGURE 10 :CI-DESSUS DOUBLET Sullivan, 2020, série d’images de la notation sur le point 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
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un sismographe qui note avec la plus grande sensibilité les vibrations de l’air. Le chant des oiseaux donne une résonance à la forêt. Elle parait creuse sous sa voûte de branches entremêlées. Des moments de pauses longues ponctuent mes gestes vifs. Derrière une enveloppe de sons se cachent d’autres bruits plus timides, plus lisses et pourtant qui habillent le fond de mon paysage perçu . Mon geste sur le papier me donne la sensation de me balader de son en son, rebondissant d’espace en espace. Très vite, le sens de ma notation est dicté par cette résonance.
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Ces dessins au fusain ont une orientation, un proche et un lointain. Ils parlent de temps et de rythmique à travers la distance du geste et sa vitesse de déplacement sur la surface de papier. De plus, ces rythmes ont une intensité par la force exercée de la main, traduite ici par des nuances plus sombres. Ces notations ont un langage corporel. Mais pour les comprendre, il faut passer par une analyse, par l’outil de la cartographie. C’est à travers un regard mathématique et avec des outils de mesure que cette notation pourra passer dans le champ lexical de la cartographie. Après les difficultés rencontrées dans les premiers essais de la méthode, il parait essentiel de détacher ces deux étapes entre notation et cartographie pour ne pas rester bloqué dans un entre-deux. La notation demande à avoir une attention complète sur site pour trier l’essentiel du paysage à travers la corporéité. La cartographie porte un regard critique et analytique par la mesure sur cette notation.
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CARTOGRAPHIE
FIGURE 11 :EN HAUT DYER Carlus, 1952, schémas spatio-graphiques de mouvements du ballet classique
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FIGURE 12 :EN BAS, WATKINS Roland, 19471949, Photographie de Valerie Preston-Dunlop dans un icosahedron, Manchester,
Pour porter une analyse sur ce travail préalable de notation, il faut une méthode, et c’est à travers la rencontre avec Rennie Tang que le travail de Van Rudolf Laban est apparu comme une référence de choix dans l’analyse de celle-ci. Née en 1879, le danseur est un des plus grands théoriciens de la danse et du mouvement du XX° Siècle. Il analyse le geste et le décompose par la géométrie. Il créera même son propre système de notation portant son nom (Labanotation). Au delà de la danse, pour lui la base de toute activité humaine réside dans le mouvement du corps et de l’esprit. Il laisse un héritage important dans le domaine de la danse , hissant celle-ci un peu plus haut dans le domaine de l’art. Cet héritage a continué d’évoluer à travers ses étudiants qui codifièrent et développèrent ses travaux regroupés sous l’appellation «Laban mouvement analysis» (LMA). Une grande partie de son travail serait à étudier pour comprendre sa finesse de lecture du mouvement, mais cela demanderait une étude à part entière. Or, dans le temps de ce mémoire de recherche, la phase de «l’analyse» s’inspire d’une toute petite partie de son travail qui serait toutefois intéressante d’approfondir. C’est en s’appuyant sur sa méthode d’analyse «BESS» que la notation des espaces d’écoute passera dans le domaine de la cartographie. Cette méthode se découpe en 4 catégories : -Body [corps]: C’est l’initiation du mouvement de parties du corps spécifiques, la connexion de différentes parties du corps les unes aux autres et séquençage du mouvement entre les parties du corps. -Effort: C’est la qualité de mouvement dans le rapport poids, temps, espace et facteur de débit. -Space [espace]:Ici on parle de déplacement avec l’espace. Cette catégorie est basé sur le modèle, voies et lignes de tension spatiale. En pratiquant les échelles Space Harmony, les préférences individuelles en mouvement (fonctionnelles et expressive) peuvent être révélées. -Shape [forme]: concerne la façon dont le corps interagit avec son environnement. Il y a trois modes de changement de forme: Shapeflow (croissance et rétrécissement, pliage et dépliage, etc.), directionnel (en forme de rayons et en forme d’arc) ou façonnage (moulage, sculpture et adaptation)1 Les cartes qui suivent s’inspirent chacune à une de ces catégories qui aident à comprendre toute la complexité du mouvement dans le temps et l’espace.
1-Sandlos Lisa, Laban Movement Analysis: Unlocking the Mysteries of Movement.1999
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Le corps comme espace 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
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Samedi 11 avril: J’ai dessiné les différentes postures de mon corps à travers une vidéo de plan moyen et fixe. Je dessine chaque posture en moins d’une minute pour aller à l’essentiel de la forme de la structure corporelle. Le dessin en série permet de tendre vers une abstraction de la forme et pourrait permettre une lecture de celle-ci dans une analogie avec le dessin de projet de paysage. Ici, la forme ne change pas beaucoup. Je sens que le corps ne se déploie pas suffisamment pour exprimer cette énergie perçue de l’espace. Je le sais d’autant plus que je parle de mon expérience.
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Le corps bouge et se compose en un tout par une multitude de réseaux nerveux connectant cette complexité d’organes mouvants selon un espace et son interaction avec celui-ci. Dans ces expériences de notation, le corps prends différentes postures. Ces postures peuvent être perçues comme un espace. Cette perception est aussi appelée la cénesthésie et permet de comprendre quelle forme le corps prend à travers une intention (ici la retranscription du paysage sonore) . C’est un regard extérieur qui vise à avoir une analyse critique sur sa posture pour la changer ou l’adapter mais aussi comprendre ce que cette forme mouvante peut exprimer. Cette étape de l’analyse du mouvement séquence les positions de corps pour comprendre le fonctionnement de la structure corporelle. Tout un vocabulaire est à emprunter au monde de la danse dans cette analyse du corps. Il est important de parler de poids du corps, de comprendre les points d’appui, les transferts de poids, la proprioception.... Toutes ces notions viennent à parler d’espace par la posture du corps. Tout d’abord, cette méthode du paysage sonore est intéressante dans les liens qu’elle crée entre les organes. Le son est l’essence de l’équilibre. Il est le résultat d’une ligne entre la voûte plantaire et les otolithes. C’est par l’existence de cet axe et par extension, l’équilibre, que le devant et le derrière d’un corps est perçu. La difficulté de l’exercice d’écoute pour la corporéité dans cet exercice entre corps et paysage, c’est cette succession d’allers et retours entre l’expansion de son «champ de présence» et du retour au centre pour l’annoter sur le support.1 Ici, elle se traduit physiquement par une alternance entre flexion et extension du corps . Cette capacité de vergence du corps sur l’espace est difficile à maîtriser et demande un certain temps. C’est pour cela que le corps semble ne pas s’épanouir pleinement car il est partagé entre une mise au point sur les origines des sons et le repli sur soi pour le traduire sur le papier. Il serait peut-être plus intéressant de séquencer la notation entre les moments d’écoutes et les moments de retranscriptions sur la feuille.
FIGURE 13 :PAGE PRÉCÉDENTE, DOUBLET Sullivan, 2020, une minute une posture
1-GODARD Hubert, Fond / Figure : entretien avec Hubert Godard, 2018 Le terme «champ de présence» emprunté au professeur désigne une des 4 articulations qui compose le mouvement.
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Qualité de geste 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
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FIGURE 14 :CI-DESSUS, DOUBLET Sullivan, 2020, Poids de la main, qui danse 200x200 cm
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Les trois points d’écoutes
Transect depuis l’origine: Suivre les points cardinaux depuis les points d’écoutes.
Extension de sa kinesphère: Suivre un périmètre autour des points d’écoutes.
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Dans la méthode, la qualité de geste doit parler du paysage sonore, tel qu’il est perçu par le corps. La notation peut être plus riche dans le lien entre espace et corps. La difficulté est de parler des deux (corps et espace) à travers l’intensité du geste. Malgré ces premières intentions intéressantes qui ressortent sur la vidéo et les notations au fusain, la méthode ne donne pas à voir l’espace avec le corps mais plus l’espace du corps influencé par le cadre du paysage. Cette subtilité peut paraître futile mais en tant que paysagiste il est primordial de parler d’espace AVEC le corps. Effectivement, après l’expérience du point zéro fixe qui semblait important pour comprendre comment le corps réagit dans sa perception de l’espace; une autre exploration par le déplacement de ce point zéro serait intéressante et parlerait certainement davantage de paysage et de son influence sur un état de corps. Mathias Poisson en est un bon exemple pour parler des contraintes de l’espace par le déplacement qui font naître dans son travail des cartographies de qualité mêlant espace et déplacement du corps. Ces déplacements contrariés par des modifications de la perception visuelle amènent une attention à l’effort comme : des changements d’appuis sur des surfaces inhabituelles, des points de contacts qui basculent sur d’autres parties du corps ou encore une modification de la vitesse. Ce serait par la contrariété que l’effort amènerait à découvrir l’espace. 1 Il est vrai que l’idée d’une méthode par déplacement pourrait amener à d’autres méthodes réfléchies à partir des trois points d’écoutes initiaux. Mais cela implique de repenser complètement la notation liée à un déplacement.
FIGURE 15 : CI-CONTRE, DOUBLET Sullivan , 2020, Alternatif de parcours exploratoires
1-Alain Michard, Mathias Poisson, «Dialogue autour des promenades blanches». Du flou dans la ville . Eterotopia france/ collection Parcours, 2018
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Kinesphère 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E
Start
FIGURE 16 :CI-DESSUS, DOUBLET Sullivan, 2020,, Chemin de la main, qui danse, 200x200 cm
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Finish
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Le choix de passer du format carnet au grand format 200x200 cm a permis une nette libération du geste et l’exploration de sa kinesphère dans la notation. Néanmoins, le format rectangulaire ne permet pas d’avoir une attention égalitaire sur toute la surface du papier. Un format rond serait plus intéressant pour se calquer à l’idée d’une kinesphère. D’autres styles de papier et matériaux auraient été intéressants à explorer pour évaluer avec quel médium le geste est le mieux restitué.
FIGURE 17 : A GAUCHE, DOUBLET Sullivan, 2020, schémas du format.
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Bruitbliothèque
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des oiseaux
une abeille
deux marcheurs
une départementale
un avion
un appareil photo
klaxon d’un train
Carex sous le pied
une moto
Le vent
un avion
FIGURE 18 :CI-DESSUS, DOUBLET Sullivan, 2020, Bruitbliothèque,
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Bruitbliothèque liste la forme des bruits par rapport à leur origine. La représentation de ses formes tient plus de l’écriture que de la forme d’un mouvement. En effet, à travers cette expérience, ressort une forte envie de dessiner. Malheureusement, ce n’est pas le propos. L’idée est de se servir du dessin pour capturer un geste. Cette envie peut contraindre le corps à ne pas se déployer totalement. Il faudrait alors penser à une manière de dessiner en ne se souciant pas directement de l’expression du dessin mais celui du geste. Le travail de Heather Hansen témoigne de l’esthétique et le sens d’un tracé quand le geste est entier. Ce n’est plus la main uniquement qui dessine mais les deux mains, l’avant bras, les pieds. C’est l’exploration et sa forme corporelle dans le mouvement qui s’appliquent sur son support. C’est une sorte de mesure de ses enchaînements de gestes qui se rattache aussi à la figure « chemin de la main qui danse» (p.50-51). Le dessin des prochaines notations doivent parler d’un geste qui traduit le bruit mais n’est pas une écriture graphique du bruit. C’est certainement dans la posture du corps et l’utilisation du bâton de fusain que l’expression du geste pourra se détacher de ces abstractions lyriques.
FIGURE 19 :CI-CONTRE, TARNOWSKI Bryan, 2016, Photographie de Heather Hansen en train de dessiner dans son atelier.
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RETOUR D’EXPÉRIENCE Lundi 13 avril: Le lien entre espace et corps est un langage d’une finesse et d’une richesse qui me reste encore à découvrir. Se faire traverser par l’espace pour le percevoir entièrement est quelque chose de constant à laquelle nous sommes habitués. C’est une quantité d’informations traitée par notre corps qui constitue l’espace tel que nous le percevons. En requestionnant cette perception du corps et en la décortiquant dans la démarche de projet, je suis arrivé face à un entremêlement de compétences dont il fallait tirer les bonnes cordes. Je sens être rentré dans un domaine de recherche qui demande une énergie considérable pour changer mon état de corps et donc ma propre façon de percevoir le monde. C’est comme donner à l’espace des accès pour rentrer en moi. Dès mes premières expériences, je ressentais l’emplacement de mon corps comme appartenant à un système complexe qui est l’espace. Je sens que nous ne faisons pas uniquement partie du paysage, mais que nous sommes des bouts de paysages. Nous sommes des fluides internes raisonnant avec des fluides externes de notre point zéro. De plus, l’espace est subjectif. Il n’y a pas de réalité universelle mais seulement des espaces d’action selon Poincaré. Comment, dans un projet, inclure cette idée d’espace d’action dans lequel la majorité se projetterait ? Et comment faire projet avec ces mouvements de fluides, avec les mouvements du paysage puisque nous en sommes ?
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Cette expérience historique du confinement n’aura jamais été aussi démonstrative de l’importance du mouvement du corps ne faisant qu’un avec l’esprit. La frustration corporelle est déterminante sur notre santé et notre épanouissement spirituel. L’espace est vecteur de santé car il permet l’action. C’est par l’action, par le mouvement mécanique et chimique que l’être évolue dans sa créativité, son imaginaire ou ses émotions. Alors posons-nous la question de notre situation corporelle actuelle du mardi 14 avril 2020. Vous venez d’apprendre la veille à 20 heures, par le président Emmanuelle Macron, que vous resterez un mois de plus dans votre espace d’expression, dans votre nouveau paysage du quotidien limité par son nouvel horizon ne s’animant que par les quelques oiseaux se posant sur la silhouette des toits voisins. Regardez bien ! Cet horizon n’est pas immobile. Et si la santé de l’espace n’était qu’un prolongement de la santé corporelle. C’est en tout cas ce que cette notice tant à montrer. Si le corps est indissociable de l’esprit en parlant de corporalité, pouvons-nous aller plus loin en disant que la corporalité n’est pas dissociable de l’espace ? Elle existe car il y a un espace et l’espace existe subjectivement à travers chacun d’entre nous. Un espace habité, complexe, dans le temps, que l’on pourrait définir par le mot « paysage». «À long terme, je me suis aperçu que mon travail ne visait en réalité, et c’est ce que je voulais creuser, rien de moins que le processus créateur lui-même – ce qui le nourrit, comment il opère et comment ses aspects universels peuvent avoir des répercussions dans tous nos domaines d’activité.» (Lawrence Halpren, 1971) C’est cette phrase de Lawrence Halpren qui a illuminé ce travail dans cette logique de processus évolutif et non un résultat fini. Le protocole qui vise à être écrit est donc en constante évolution selon les contextes tout en gardant certaines constantes comme dans la méthode RSVP cycle de l’architecte paysagiste américain. Le protocole n’est pas définitif. Il est adaptable à chaque situation. Dans son écriture, il doit devenir une clé adaptée à chaque rencontre entre corps et espace dans une démarche de projet de paysage. C’est pour cela que ses règles doivent être suffisamment larges dans les possibilités de chaque rencontre et en même temps doit être suffisamment précise pour ne pas se perdre dans l’abondance de stimulations que le paysage nous offre. Comme le dit Fabienne Verdier : «trop d’information peut nous faire péter un câble». Ce protocole aide à ne pas s’oublier dans sa notation et sa démarche de projet. Plus largement, il aide à ne pas oublier l’humain faisant partie du mouvement de l’espace et faisant partie du processus de conception lui-même. Après avoir amorcé ce travail de recherche par la découverte de son propre fonctionnement, c’est vers la participation avec et pour les autres que ce travail prendra en maturité et tendra à se rapprocher d’une démarche de projet de paysage.
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ANNEXES PORTRAITS Jeudi 30 janvier à 11h00
dans l’angle de la rue assis à gauche
La porte.
Au café la tête d’or dans le 1er arrondissement de Paris
derrière
qui donne sur l’extérieur
J’aime être près de la porte et de la
vitre vitre
Po u r v o i r
l e s
g e n s
p
a
s s
e
J’attends . . . .
Elsa Roumet Est Chorégraphe et intervenante sur le mouvement et la posture. Elle a fait ses études à Paris université 8. Elle travaille avec les enfants autistes et privilégie l’intervention sur leur espace à l’intervention sur leur corps car cela pourrait être très violent. Ainsi elle développe l’utilisation de leurs sens pour s’ouvrir à l’espace. Nous communiquions par mail depuis deux mois et nous nous sommes rencontrés pour échanger sur les différentes méthodes qu’elle aurait pu mettre en place pour se rendre attentive à l’espace à travers son prisme de danseuse professionnelle.
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r.
Comment écrire une méthode ? Plus une règle est débile plus elle est drôle [intéressante] c’est ce qui est géniale avec les enfants, c’est qu’ils n’ont pas de contrainte sociale et si tu lui dis déambule dans l’espace en rampant sur le ventre, il y va sans problème. La contrainte de temps est intéressante. on avance souvent sur un tempo régulier, linéaire et changer le temps, aller tout doucement ou courir, cela change énormément la perception. Comment se détacher du regard des autres pour vivre pleinement son expérience ? Quand tu es dans une performance, tu crées un décalage mais on en a conscience, mais si tu es dans un regroupement et que tu fais de la performance sans prévenir, ça peut perturber les personnes autour. Par exemple, on avait expérimenté une performance où le danseur chutait dans un groupe et se relevait en continu. Les personnes autour étaient dans un moment de malaise ne sachant pas quoi faire. Faut-il l’aider ? Faut-il l’empêcher de continuer ? Alors que les enfants riaient. Faut-il performer à plusieurs ? Quelle plus-value ? Performer à plusieurs, ça donne beaucoup d’info. Demander à un groupe d’analyser, de verbaliser leur expérience, Il va falloir créer une ambiance où ils sont capables de restituer avec des règles très précises. À partir du moment où tu imposes telle ou telle consigne, la personne va interpréter la consigne puis va avoir une interprétation de son propre ressenti puis tu auras ton interprétation de son ressenti quand il te l’aura verbalisé. Ça peut être une poétique d’interprétation mais il faut faire attention. Une expérience que j’avais faite et qui fonctionnait bien c’était de faire vivre une expérience à un groupe puis après les faire écrire pendant 5 minutes leur ressenti. As-tu des méthodes à me conseiller pour l’extérieur ? Si tu fais participer d’autres personnes, aller prendre la pause c’est hyper efficace. Par exemple, tu leur demandes de prendre cinq pauses et tu regardes la progression des personnes et des groupes qui vont se former. Immédiatement ça va te cartographier l’espace et c’est très beau à voir. Courir dans l’espace ça change ton état de corps et donc de voir autrement. As-tu des méthodes non visuelles pour une expérience personnelle ? Aller toucher, suivre le vent, tu vas comprendre les flux qui traversent l’espace. Et surtout filme toi car en te regardant après c’est très intéressant. Te mettre à l’ombre tu vas sentir les zones chaudes et les zones froides S’orienter par rapport au bruit, aller vers le bruit. Parfois on entend « il est calme ce jardin » ce n’est pas calme un jardin. Un jardin qui vit c’est un jardin ou il y a des bruits. Même des petits bruits qui vont composer une micro symphonie. La notation il faut la vivre et surtout parler de cette expérience dans ton mémoire même dans la manière de présenter ta notice dans des contraintes de lecture ou dans les matières. Créer un paysage c’est mettre en condition et si tu peux faire vivre cette expérience marrante à ton prof en le faisant sourire entre deux corrections à une heure du matin ce n’est que mieux.
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Haut dans le ciel, l e s n u a g e Lundi 05 février à 13h30
Je suis devant
LA SERRE
g e r
r o i
p o t a
. . . .
D a n s
l e
Il fait beau
d u
assis assis
assis sur
UNE TABLE DE JARDIN
Rennie Tang
à ecaf
Est Architecte, urbaniste et professeur en Architecture du paysage à California Polytechnic State University Pomona. Elle est lauréate du prix d’excellence 2017 en conception de studio de design du Conseil des éducateurs en architecture du paysage (CELA). Ses intérêts de recherche comprennent la mobilité humaine, la santé et le bienêtre dans les paysages urbains et le jeu intergénérationnel. J’ai pu la rencontrer car elle était en France en tant qu’intervenante à l’école d’architecture Paris la Villette.
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s
p a s s e
n
t
v
i t
e
Après avoir présenté mon travail, Rennie rebondit sur la méthode Je pense qu’il est important de choisir une règle sur ce qui te donne à aller à tel ou tel endroit (la lumière, la texture du sol…). J’ai étudié Laban dans mon parcours professionnel et sa méthode est intéressante car elle détache le mouvement sous 4 catégories pour le comprendre : Body : Le corps comme espace Space : Le corps dans l’espace (kinesphère) Effort : Comment tu fais un mouvement, on parle de la qualité d’un mouvement Shape : La forme que cela dessine. J’ai pensé travailler une méthode avec le paysage sonore avezvous des conseils ou des expériences à partager ? Avec mes étudiants, j’expérimente plusieurs Scores [méthodes] comme se coucher dans l’herbe et regarder le ciel pour ne rien voir d’autre et ainsi se concentrer sur les bruits. Pour pouvoir avoir une écoute attentive, je te conseille d’être stricte avec toi même. Par exemple, se donner un temps d’écoute durant lequel on écoute à différents niveaux. Par exemple, 5 minutes à écouter les bruits très proches comme les petits insectes et 5 minutes à écouter les bruits très loin. Il faut changer sa position de corps car on peut entendre des choses qu’on n’a pas l’habitude d’entendre et cela est une bonne chose pour les designers Comment faire pour récupérer l’information d’autres personnes qui expérimentent la méthode ? Faire dessiner ou écrire immédiatement, c’est mieux que d’en parler pour être moins réinterprété. Tu peux aussi demander d’écrire une semaine plus tard tout dépend ce que tu cherches mais ça peut amener d’autres informations. Est-ce que vous avez une anecdote sur une méthode qui vous a ouvert les yeux, qui aurait été un déclic dans votre pratique, et un lieu où cela aurait bien marché ? Je pense qu’il n’y a pas de lieu idéal parce que la méthode peut marcher dans n’importe quel espace. J’ai fait un workshop avec mes étudiants en zone rurale et ce groupe devait marcher ensemble en tenant une corde. Ce groupe doit bouger ensemble sans guide défini donc il change naturellement. Ils ne doivent pas parler. Si tu es dans le groupe tu peux être passif ou diriger le groupe. Avez-vous déjà dessiné directement avec le corps pour faire du projet ? Je fais ça avec les étudiants pendant un atelier où ils doivent construire quelque chose avec le bois très simple sur le campus.
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Mercredi 26 Février à 19h00
Il fait nuit Et je marche
marche D a n s marche
marche l a
marche
r u e
A u b r y l e B o u marche marche
marche
à droite, L’ entrée du
CA F É B E AU BOUR G Assis
A u
f
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d de la salle, m’attends . .
Vincent Lahache a un parcours professionnel de danseur contemporain. Il devient également paysagiste DPLG à sa sortie de l’École Nationale Supérieur de Paysages de Versailles en 2008. Il crée le festival annuel Plastique Dance Flore en 2007 avec Frédéric Séguette. Cet évènement se déroule sur deux jours au potager du Roi de Versailles.
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u c h e r
. .
.
.
.
Quel lien faites vous entre votre pratique de paysagiste et de danseur ? Je ne sais pas si c’est la danse qui m’a amené vers le paysage ou l’inverse. Toutefois, les deux s’enrichissent l’un et l’autre. A travers mes performances, je donne à voir, à prêter attention au paysage. Un lien entre la danse et le dessin de projet? Je fais plus du jardin de particulier que de grands projets de paysage donc c’est assez difficile à dire clairement si ma pratique de danseur enrichit ma pratique de conception. Quelle sont vos méthodes ? Je n’ai pas particulièrement de méthode mais plus un état d’esprit dans lequel j’explore le site d’étude en privilégiant une marche lente entièrement dédiée à l’observation. C’est la phase «d’infusion dans le site» c’est comme un thé, les plantes qui infusent doivent assimiler l’eau chaude qui pénètre dans ses tissus. Comment notez vous vos marches ? Je retranscris chez moi. C’est la phase de «décantation». Cette étape me demande d’être extrêmement concentré, au calme et une fois de plus de prendre du temps.
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BIBLIOGRAPHIE Ouvrage: -Gilles A. Tiberghien, «Poétique et rhétorique de la carte dans l’art contemporain», l’espace géographique, [ en ligne ],Tome 39, 2010, 13 septembre 2010, 30 mars 2020, https://www.cairn.info/revueespace-geographique-2010-3-page-197.htm -Lawrence Halpren, The RSVP Cycles creative processes in the human environment, George Braziller Inc, 1971, 224p
-Alain Michard, Mathias Poisson, «Dialogue autour des promenades blanches». Du flou dans la ville . Eterotopia france/ collection Parcours, 2018, 116p Article: -Sandlos Lisa, Laban Movement Analysis: Unlocking the Mysteries of Movement. [en ligne]1999, consulté en ligne le 05/04/2020, https://www.scribd.com/document/53244670/Laban-MovementAnalysis -Martin Hogue, «The site as Project», Journal of Architectural Education [en ligne],volume 57, 2004, Janvier 2005, consulté en ligne le 11/04/2020, https://martinhogue.net/The-Site-as-Project -Godard Hubert, «Fond / Figure : entretien avec Hubert Godard», Pour un atlas des figures, dir. Mathieu Bouvier, La Manufacture, Lausanne (He.so) 2018, consulté en ligne le 12/04/2020, https:// www.pourunatlasdesfigures.net/element/fond-figure-entretienavec-hubert-godard -Veldman Frans, « 4. La corporalité-de-représentation », Haptonomie. Science de l’affectivité, [en ligne] dir. Veldman Frans. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, 2007, p. 173217, consulté en ligne le 14/04/2020, https://www.cairn.info/ haptonomie-science-de-l-affectivite--9782130558491-page-173. htm Œuvre : -KANDINSKY Vassily, Jaune_rouge-bleu, 1925, Huile sur toile, 128 x 201, 5 cm, Paris, Musée national d’art Moderne, AM 1976-856 Vidéo: -Monpellier danse 40, Extrait de It’s a Draw – Trisha Brown / 22e Festival Montpellier Danse, 2018, film couleur, France, Festival Monpellier Dance 2018, 3 min -Jérôme Cassou, Fabienne Verdier, sur les terres de Cézanne, 2019, film couleur, France, Arte,3 min -Michel Foucault, L’utopie du corps, INA - Institut national de l’audiovisuel, 1966, 20 min 68
Table des figures FIGURE 1 : DOUBLET Sullivan, 2020, schémas d’une pensée circuaire pour l’évolution du protocole................................................................................................... 10 FIGURE 2 : DOUBLET Sullivan, 2020, schémas d’intention de la méthode du paysage sonore................................................................................................................ 15 FIGURE 3 : KANDINSKY Vassily, 1925, Jaune_rouge-bleu, Huile sur toile, 128 x 201, 5 cm, Paris, Musée national d’art Moderne................................................................. 15 FIGURE 4 : DOUBLET Sullivan, 2020, Sphères de la perception des espaces depuis l’origine du corps.............................................................................................................. 16 FIGURE 5 : DOUBLET Sullivan, 2020, série évolutive d’une expérience de notation du paysage sonore à Versailles..................................................................................... 16 FIGURE 6 : LONG Richard, 1977, A walk by all roads and lanes touching or crossing an imaginary circle........................................................................................................... 20 FIGURE 7 : BROWN Trisha, 2018, Capture d’écran de la Video de la performance de Trisha Brown «It’s a draw» au 22° festival de danse de Montpellier, .................... 22 FIGURE 8 : VERDIER Fabienne, 2019, Capture d’écran du reportage «Fabienne Verdier, sur les terres de Cézanne» par Arte. ............................................................. 22 FIGURE 9 :CI-DESSUS DOUBLET Sullivan, 2020, éclaté de l’intallation de l’espace de travail ............................................................................................................................ 25 FIGURE 10 : DOUBLET Sullivan, 2020, série d’images de la notation sur le point 45°52’05.08’’N 5°49’48.21’’E.......................................................................................... 30 FIGURE 11 : DYER Carlus, 1952, schémas spatio-graphiques de mouvement du ballet classique ................................................................................................................ 40 FIGURE 12 : WATKINS Roland, 1947-1949, Photographie de Valerie Preston-Dunlop dans un icosahedron, Manchester, .............................................................................. 40 FIGURE 13 : DOUBLET Sullivan, 2020, une minute une posture ........................... 45 FIGURE 14 : DOUBLET Sullivan, 2020, Poids de la main, qui danse 200x200 cm 47 FIGURE 15 : DOUBLET Sullivan, 2020,, Chemin de la main, qui danse, 200x200 cm 49 FIGURE 16 : DOUBLET Sullivan, 2020, Bruitbliothèque, ........................................... 51 FIGURE 17 : TARNOWSKI Bryan, 2016, Photographie de Heather Hansen en train de dessiner dans son atelier................................................................................................ 53 FIGURE 18 : DOUBLET Sullivan , 2020, Parcours exploratoires.............................. 53 FIGURE 19 : DOUBLET Sullivan, 2020, schémas du format. .................................. 53
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Mardi 14 avril 2020. Vous venez d’apprendre la veille à 20 heures par le président Emmanuelle Macron que vous resterez un mois de plus dans votre espace d’expression, dans votre nouveau paysage du quotidien limité par son nouvel horizon ne s’animant que par les quelques oiseaux se posant sur la silhouette des toits voisins. Regardez bien. Cet horizon n’est pas immobile. Et si la santé de l’espace n’était qu’un prolongement de la santé corporelle. C’est en tout cas ce que cette notice tant à montrer. L’utilisation de la corporéité peut-être repensée comme outil de dessin en projet de paysage en incluant son mouvement du début jusqu’à la fin du processus de recherche. Après tout, le but d’un projet n’est-il pas de recevoir des corps en mouvements ? Cette notice présente l’évolution d’un travail de recherche pour établir le Protocole MNC qui vise à développer des clés de lecture du paysage par l’interaction de celuici avec le corps en mouvement. Le corps entre dans le processus créateur lui-même qui devient projet.
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