Statues
dans les collections du musée du quai Branly –Jacques Chirac
dans les collections du musée du quai Branly –Jacques Chirac
« Les Latins appelaient masse l’amas ou le tas, du mot grec qui signifie la pâte qu’on pétrit avant la cuisson de la galette, du pain ou du vase, individués. […] La masse mêle de la terre solide et de l’humide fluide, préalablement sans unité ni lieu, ensembles amorphes d’où l’espace viendra, topologie conditionnelle à toute métrique et à toute distance, mélange source des temps. » Michel Serres, Statues, p. 96
« Le vrai modeleur sent s’animer sous ses doigts, dans la pâte, un désir d’être modelé, un désir de naître à la forme. Un feu, une vie, un souffle est en puissance dans l’argile froide, inerte, lourde. »
Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté, p. 100
La terre est une matière qui nous porte et que les hommes modèlent depuis des millénaires. Plastique, elle est le support de transformations germinales. Fertile, elle engendre comme les humains et nombre de représentations sont liées à la fertilité. Molle, elle est malaxée, comprimée, étirée, se prête à toutes les variations de formes. Durcie à l’air ou au feu, la céramique contient la nourriture ou les cendres. Réceptacle, elle accompagne le défunt au-delà.
Période
Intermédiaire récent, 1100-1450
Matière Terre cuite polychrome Mesures
× 46,3 × 24,5 cm
Numéro d’inventaire 71.1887.53.7
Acquisition Mission d’exploration Émile Colpaërt, 1858 ; vendu au musée du Louvre en 1863 Anciennes collections Émile Colpaërt (1830-?), musée américain du Louvre, musée d’Ethnographie du Trocadéro, musée de l’Homme
La culture dénommée chancay s’est développée sur la côte centrale du Pérou, dans les vallées, le long des fleuves Chillón, Huaura, Rímac et Chancay, entre le Xe et le XVe siècle. Il s’agit d’une société d’agriculteurs et de commerçants, sans système étatique centralisé. Cette culture a laissé peu de restes architecturaux, mais des cimetières ont révélé un important matériel funéraire. Les productions textiles et céramiques attestent d’une grande variété de styles. La céramique, produite par moulage le plus souvent, se caractérise par une gamme colorée noir sur blanc ou tricolore (rouge, blanc et noir). Les vases adoptent parfois la forme de grandes jarres ovoïdes ou de hautes effigies aux bras repliés sur la poitrine.
Ce vase double représente deux personnages assis, identiques à l’exception de la coiffure : le vase de droite, dont le haut de la coiffure forme goulot, est le seul ouvert. Les bras sont en léger relief, ramenés sur la poitrine ; les mains jointes tiennent une coupelle. Tous deux portent des ornements d’oreilles circulaires et un large collier peint en blanc, constitué de plusieurs rangées d’éléments divisés en rectangles par des lignes transversales en creux. Dans le dos, deux cordes sont jointes en forme de triangle terminé par une barrette percée de quatre trous. Les visages sont décorés de motifs peints sur les joues, de chaque côté des yeux et sur l’ensemble de la bouche.
Ernest Théodore Hamy, Galerie américaine du musée ethnographique du Trocadéro, Paris, Leroux, 1897, pl. XXXVI
Adolphe Basler et Ernest Brummer, L’Art précolombien, Paris, Librairie de France, 1928, pl. 153.
L’Occident a longtemps pensé la sculpture sans couleur. Terres cuites, marbres, bronzes devaient être monochromes, alors qu’à l’origine, en Grèce, les statues étaient couvertes d’une mince pellicule de cire colorée, la ganosis, imitant la chair jusqu’à l’illusion de vie.
La coloration des statues participe de cette vitalité. Les couleurs disposées sur les volumes créent une impression de scintillement. La mobilité visuelle donne de la vie à l’immobilité de la chose. Les qualités physiques des couleurs et des matières participent à l’esthétique, mais renvoient aussi à des symboliques et des sens différents selon les cultures. Le blanc est ici deuil et fertilité, le rouge couleur du sang, de la vie ou de la mort. En contact avec les arts non occidentaux, les artistes modernes redécouvrirent le pouvoir des couleurs sur la statuaire.
Période Avant 1930 Matières Bois, pigments Mesures 85,5 × 16,6 × 12,5 cm
Numéro d’inventaire 71.1930.21.76
Anciennes collections Christian Merlo (1902-1978), musée d’Ethnographie du Trocadéro, musée de l’Homme
Cette statuette en bois blanc est peinte en bleu et rouge et posée sur un socle. La tête, colorée en rouge, porte une sorte de coiffe en pointe, et un ornement crénelé ceint le cou. Deux protubérances au niveau du ventre ont été interprétées comme des seins. La partie inférieure est masculine et n’est pas dans le même plan que la partie supérieure ; l’ensemble est penché. Cette œuvre est remarquable par cette torsion sculpturale, sa bichromie et son ambiguïté sexuée, qui lui donnent une certaine étrangeté. Elle est arrivée sans autre information que sa désignation comme « statue hermaphrodite » sur une liste d’inventaire et le nom de son donateur, Christian Merlo. Celui-ci fut administrateur de la France d’outre-mer et « spécialiste de linguistique, d’ethnologie, de politique indigène ».
Les crémations de Bali sont célèbres. Le défunt, ou son image, est installé dans un sarcophage en forme d’animal ou d’une figure de la mythologie hindouiste de l’île, selon la caste du défunt. À la caste des brahmanes est assigné un cercueil en forme de taureau. S’il est satriya (noble), le défunt sera installé dans un lion. Enfin, s’il s’agit d’un sudra (de basse condition), il est incinéré dans un poisson-éléphant.
Le sarcophage est hissé dans une tour haute d’une dizaine de mètres ou plus, richement décorée et garnie de multiples offrandes. Le mort ne doit pas être placé directement sur le bûcher, comme en Inde, mais dans un cercueil.
À la fin de la crémation, l’âme est purifiée et libérée.
cendres sont recueillies pour être transportées et immergées dans la mer.