Quartier d'Affaires Grenoble/Isère

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Q u a r t i e r d’A f f a i r e s MAGAZINE D’INFORMATIONS ÉCONOMIQUES

éDITION GRENOBLE | ISèRE - Bimestriel n°1 - Novembre-Décembre 2014 / Janvier 2015

Les mutations de l’économie grenobloise... CCI

Jean Vaylet nous parle du territoire

Outre-Mer

Entretien avec George Pau-Langevin

Denis Payre Acteur du renouveau de la politique ! P.7 Analyse de l’état Islamique... et des risques d’extension de la guerre P.10 Grenoble Management Débat avec Loïck Roche... P.13


E X TRAIT S F O N D AT E U R S

Karl POLANYI

“La Grande Transformation” (1944) « Le libéralisme économique a été le principe organisateur d’une société qui s’apprêtait à créer un système de marché. Si le “laissez faire” a été employé par Quesnay et les physiocrates dès le milieu du XVIIIe siècle, le libéralisme ne s’est implanté dans les esprits de façon conséquente et durable que vers les années 1820-1830 en Angleterre, en s’appuyant sur les trois dogmes du marché du travail, de l’étalon-or et du libre-échange. Aucune de ces trois institutions n’est “naturelle” : on a vu que les premières fabriques s’accommodaient fort bien de l’armée industrielle de réserve que leur assuraient les “poor laws”, et la victoire politique de la bourgeoisie en 1832, qui permettra l’abolition de Speenhamland, s’accompagne d’un véritable acte de foi dans la capacité du progrès à venir à bout de la misère engendrée par la fin brutale du “droit de vivre”. Le libre-échange international est de même imposé (Cf. l’“AntiCorn Law Bill” de 1846) alors que l’Angleterre avait toujours restreint les possibilités de commerce international, même pour l’industrie cotonnière, qui ne pouvait par exemple pas exporter de cotonnades imprimées. L’étalon-or tient pareillement de la foi dans les principes ricardiens, en dépit d’un nombre très élevé d’accidents financiers. C’est tout simplement qu’un marché autorégulateur exige que ces trois conditions soient réalisées en même temps. Mais au même moment où ce mouvement d’élargissement du marché se développait en s’appuyant sur le credo du non-interventionnisme de l’État, on assiste à un contre-mouvement “anti-laissez-faire” accordant de plus en plus d’importance à la réglementation. Cette tendance “collectiviste” a été le fait des libéraux eux-mêmes, qui avaient besoin de l’intervention étatique pour assurer le libre fonctionnement du système. 2 | ÉDITION GRENOBLE ISèRE | N°1


Q u a r t i e r d’A f f a i r e s

MAGAZINE D’INFORMATIONS ÉCONOMIQUES NUMÉRO 1

02 I EXTRAITS FONDATEURS

Karl Polanyi

04 I GRAND ENTRETIEN

George Pau-Langevin, Ministre des Outre-Mer

07 I GRAND ENTRETIEN

Discussion avec Denis Payre, fondateur de « Nous Citoyens »...

10 I MONDE & ENJEUX économiques

Analyse géopolitique de l’état Islamique

Thomas Flichy et Olivier Hanne

12 I ENTRETIEN AVEC JEAN VAYLET

CCI de Grenoble...

13 I ENTRETIEN AVEC LOÏCK ROCHE Grenoble - école de management

« Ne surtout pas rater la métropole ! »

14 I CHRONIQUE JURIDIQUE

Directeur de la publication : Jérémy Piallat Diffusion : Adrien Guichard (dépôts, envois postaux, distributions par secteurs) Siège social : 73 rue Joseph Vernet 84000 Avignon. Bureau Rhône-Alpes : 4 rue de l’égalité, Résidence Les Allées de l’Europe - 69008 Lyon. Bureau Paris : 9 rue du 4 septembre, 75002 Paris Téléphone : 09 51 30 85 44 - 06 80 64 77 29 www.quartierdaffaires.com contact@quartier-d-affaires.com Quartier d’affaires est édité par la SARL LDC. Dépôt légal : à parution. Crédits : Archives, Krasimira Nevenova-Sergei Rudiuuk-JulienRoussetOdriozola : Fotolia. N°ISSN : En cours. Imprimé dans l’Union européenne suivant la législation en vigueur.

Quelle déontologie pour le politique ? par le Pr Philippe Blachèr

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GRAND entretien

ENTRETIEN AVEC GEORGE PAU-LANGEVIN Ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin nous explique comment développer les territoires ultra-marins.

“L’Etat est volontaire” Est-ce que le projet de budget annoncé pour 2015 est de nature à permettre un développement des territoires ultra-marins? Un budget n’est jamais une fin en soi. C’est avant tout un outil qui fixe des niveaux d’intervention et qui traduit des priorités. Le budget 2015 de la mission Outre-mer est d’abord l’illustration d’une constante depuis mai 2012 : les Outre-mer figurent parmi les priorités de l’action gouvernementale depuis l’élection du président François Hollande. Nos crédits progressent en effet de 0,3% - et même de 2,6% si l’on tient compte de l’affectation à la sécurité sociale d’une partie du financement – pour atteindre désormais 2,013 milliards d’euros et cette progression en 2015 suit la même tendance que les lois de finances de 2013 et 2014. Je ne peux donc que me réjouir des ces bons arbitrages du Premier ministre au bénéfice des outre-mer qui se traduisent notamment par un effort accru pour soutenir les économies, mais aussi pour l’insertion et la formation professionnelles des jeunes et pour l’investissement public en particulier en matière d’aménagement du territoire, en soutien aux collectivités. Bien évidemment, notre objectif est de permettre le développement des territoires pour créer de l’activité et des emplois. Et, pour atteindre cet objectif, nous nous inscrivons pleinement dans la démarche du Pacte de responsabilité et de solidarité initié par le président de la Ré-

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publique. Ce pacte sera décliné dans les Outre-mer avec des mesures adaptées qui ont été décidées après une concertation approfondie avec les acteurs de la vie économique et sociale des territoires. Pour stimuler et accompagner la croissance dans nos territoires, nous allons par exemple mettre en œuvre un CICE renforcé à 7,5% dès 2015 et à 9% en 2016. De même, le taux du crédit d’impôt recherche sera porté à 50% dans nos territoires. Si l’on additionne le dispositif d’exonérations de charges sociales que nous maintenons et qui bénéficie à plus de 40 000 entreprises et qui concerne plus de 170 000 salariés, le pacte de responsabilité et de solidarité, ce sont plus de 400 millions d’euros que nous mobilisons pour stimuler la croissance outremer. Ainsi, les entreprises des Outremer doivent disposer de marges de manœuvre significativement accrues qu’elles devront utiliser en faveur de l’emploi pour lutter contre un chômage bien plus élevé en moyenne que dans l’hexagone. Mais notre action ne doit pas s’arrêter à ces mesures qui ont un impact sur l’environnement économique des entreprises. Nous voulons aussi mobiliser nos moyens pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail en approfondissant notre engagement en faveur de la formation et de la qualification professionnelle. C’est le sens, par exemple, de notre soutien renforcé au service militaire adapté que nous voulons amener, dès 2017, à une capacité

d’accueil de 6.000 jeunes ultramarins chaque année pour les accompagner dans leur parcours d’insertion. Nous voulons également soutenir la politique du logement outre-mer dont nous avons sanctuarisé les moyens budgétaires. Notre objectif est de contribuer au financement de 1,4 milliards d’euros d’investissements dans le secteur du logement social, en production et en réhabilitation. Enfin, nous voulons préserver un haut niveau d’investissement public, car c’est déterminant pour le développement et la compétitivité des territoires. Nous allons ainsi continuer à accompagner les collectivités territoriales dans leurs efforts de rattrapage en termes d’équipements structurants avec des crédits dédiés à la politique contractuelle qui progresseront de 6,5% dès 2015. En outre, la nouvelle génération des CPER dans les DOM, au financement desquels participent six ministères et leurs opérateurs, sera en hausse de près de 180 millions d’euros par rapport à la précédente, comparée sur une même période de 6 ans. Bien évidemment, nous avons prévu des efforts budgétaires en recentrant certains dispositifs, comme l’aide « tous publics » à la continuité territoriale dans les DOM, mais ils sont à relativiser au regard de l’engagement total de l’Etat en faveur des Outre-mer.


“Le mal logement est le reflet d’inégalités qui sont encore plus criantes outre-mer que dans l’Hexagone. ” Avec un déficit de plus de 90.000 logements locatifs sociaux, l’Outre-mer a besoin d’un budget conséquent pour financer ce type d’habitation. Avez-vous obtenu gain de cause dans le projet de budget 2015 ? Est-ce que cela sera suffisant compte-tenu que la croissance démographique dans certains territoires, conjuguée à la faiblesse des revenus de la majorité des ménages, entraîne une aggravation des conditions de logement et de vie ? Le mal logement est le reflet d’inégalités qui sont encore plus criantes outremer que dans l’Hexagone. Vous avez raison de rappeler ce chiffre de 90.000 logements à construire pour simplement répondre aux besoins identifiés dans les territoires. C’est dire l’ampleur de la tâche qui est devant nous et qui implique un nécessaire engagement dans la durée. Fin septembre, j’ai rencontré tous les acteurs du secteur - financeurs, bailleurs, collectivités, constructeurs – qui étaient réunis à Lyon pour le Congrès de l’USH. Ensemble, nous avons partagé nos visions et nos analyses et j’ai fixé des priorités dans le cadre d’un plan en 7 points pour une action volontariste : développer l’offre de logements sociaux outre-mer autour de la construction neuve, encourager la réhabilitation du parc social, soutenir les parcours logement et l’accession sociale à la propriété mais encore lutter contre l’habitat indigne, libérer et aménager le foncier nécessaire à la construction de logements, maitriser les coûts de production des logements sociaux neufs et enfin engager la transition énergétique dans le secteur du bâtiment. Ce volontarisme consiste d’abord pour l’Etat à pérenniser ses concours budgétaires aussi bien pour la construction neuve que pour la réhabilitation du parc social. Il consiste également à stabiliser le cadre fiscal afin de donner de la visibilité et de la lisibilité pour les opérateurs. Mais, dans les outre-mer

encore plus que dans l’Hexagone, l’un des principaux enjeux, c’est la maîtrise du foncier. En effet, dans nos territoires, il faut conduire de véritables opérations de reconstitution des titres de propriété et trouver des voies pour sortir des difficultés liées aux indivisions. Il faut également définir des stratégies locales de mobilisation du foncier de l’Etat. Nous y sommes prêts. L’un des autres enjeux, c’est de permettre la montée en puissance de la loi relative aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne que Serge LETCHIMY a portée. Rien que dans les cinq DOM, on estime à plus de 70 000 le nombre de logements informels ou insalubres. C’est considérable et cela doit nous inciter à nous assurer d’une bonne articulation de l’intervention de l’ANAH, de l’ANRU, des collectivités et des bailleurs. La création d’un Prêt à taux zéro (PTZ) « en alternative à la défiscalisation » se fera-t-elle ? Le Président de la République l’a récemment réaffirmé : les dispositifs de soutien fiscal à l’investissement dans le logement social outre-mer seront préservés a minima jusqu’en 2017. Mais cette stabilité n’exclut pas l’innovation et la recherche de nouveaux modes de financement adaptés à nos contraintes et nos objectifs, comme doit notamment le permettre le nouveau crédit d’impôt investissement, mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2014. Ses paramètres ont été conçus pour en faire un dispositif attractif et nous avons collectivement intérêt nous tous partenaires de la politique du logement, à ce que ce nouvel outil soit un succès. Ainsi, il est utile de souligner que, dans le cadre communautaire, le financement du logement social pourrait être prochainement placé sous le régime des SIEG et est donc appelé à évoluer dans le sens d’une meilleure prise en compte de ses objectifs à caractère sociaux. Je crois devoir insister également sur la mobilisation de tous les moyens pour apporter des réponses aux questions de

préfinancement qui se posent aux entreprises candidates au crédit d’impôt investissement. Je serai attentive à ce que ces évolutions s’inscrivent dans le respect de nos contraintes budgétaires mais aussi dans le souci de répondre de façon adaptée aux besoins des territoires, comme c’est le cas pour le dispositif DUFLOT-PINEL, ou pour l’expérimentation que m’a présentée la sénatrice et présidente Marie Noëlle Lienemann. Nous savons désormais qu’il est possible a titre expérimental de développer des produits destinés au marché locatif en mettant de la LBU et du PTZ, sans recourir à la défiscalisation. Nous avons étudié en détail les paramètres de cette expérimentation, nous en avons mesuré l’intérêt et j’en soutiens le principe. En matière de tourisme, Vous vous êtes fixée pour objectif de permettre aux destinations ultramarines de relever le défi de la reconquête d’un marché mondial en pleine expansion. Mais concrètement que faut-il faire pour cela ? Quel est votre arsenal de mesures pour dynamiser le secteur touristique ? La conquête de nouveaux marchés touristiques est une ambition qui anime notre pays dans son ensemble et les outre-mer doivent prendre toute leur place dans cette ambition. Ces territoires ont de multiples atouts – leurs paysages, leurs patrimoines culturels et historiques, leurs infrastructures portuaires et aéroportuaires, leurs normes sanitaires et de sécurité aux standards français et européens - qui demandent aujourd’hui à être mieux valorisés et mieux exploités. L’importance du secteur touristique dans les économies de nos territoires et, surtout, le potentiel de développement qu’il représente, justifie donc pleinement que la relance du tourisme outre-mer soit l’un des axes forts de notre feuille de route pour la croissance et l’emploi. Nous pouvons et nous devons faire encore mieux que les 4 millions de visi-

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-teurs qui se rendent outre-mer chaque année. C’est pourquoi j’ai présenté très récemment la stratégie que nous mettons en œuvre et qui vise, par des mesures concrètes, à renforcer l’attractivité de nos territoires et la compétitivité des entreprises du secteur, mais aussi à améliorer la qualité de nos infrastructures hôtelières et les adapter aux nouvelles exigences de la clientèle. Le CICE renforcé est déjà une réponse efficace. En outre, nous avons pérennisé le dispositif d’incitation fiscale à l’investissement qui a permis d’accompagner en 2013 près de 48 millions d’euros d’investissements dans le secteur touristique. Nous travaillons également à l’assouplissement des conditions d’obtention de visa touristique pour certains pays limitrophes de nos territoires comme nous l’avons fait pour l’Afrique du sud en faveur de La Réunion. Mais, au-delà de ces mesures, c’est un travail de longue haleine qui nous attend et nous devons le conduire avec l’ensemble des acteurs qui sont impliqués. Nous allons bientôt renouveler et approfondir notre partenariat avec Atout France qui contribuera à un meilleur positionnement stratégique de nos destinations, mais aussi au renouvellement de l’offre et à la diversification. Enfin, j’ai proposé et obtenu que la dernière séance plénière du Conseil de promotion du tourisme, présidée par le ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS, qui a pour mission de proposer une stratégie pour le tourisme en France à l’horizon 2020, soit intégralement consacrée aux Outre-mer. Je siège désormais comme membre de droit de ce conseil, ce qui est la preuve de l’importance des Outre-mer dans ce travail de reconquête.

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A quelle date la convergence des tarifs de téléphonie sera-t-elle achevée entre l’Hexagone et l’Outremer ? Jusqu’en 2012, il ne s’est pas passé grand-chose sur ce front de la convergence des tarifs de téléphonie mobile entre l’Hexagone et les Outre-mer. Mon prédécesseur, Victorin Lurel, dans le cadre de son action pour lutter contre la vie chère, a plaidé avec force et avec succès auprès de l’ARCEP, mais aussi auprès des instances européennes, pour obtenir des avancées décisives. Ainsi, fin 2015 devrait marquer la fin du « roaming », le surcoût d’itinérance payé par les usagers des outremer lorsqu’ils sont dans l’Hexagone. Le Parlement européen l’a décidé début avril 2014, sous l’influence notamment des députés du Parti des socialistes européens. C’était une revendication formulée de longue date par les usagers des outre-mer et relayée par leurs élus. Par ailleurs, l’ARCEP a engagé des processus de baisse progressive des tarifs de gros à partir desquels les opérateurs construisent leurs offres commerciales. Depuis les baisses des ces tarifs enregistrées en 2013, nous allons vers une généralisation des forfaits fixes et mobiles des opérateurs de l’Hexagone intégrant les communications vers les outre-mer ce qui créera des dynamiques.La convergence n’est certes pas encore achevée, mais elle est en bonne voie.

Un sujet délicat : le numérique pour tous dans ces territoires ? Comment accélérer les choses ? C’est une autre des priorités du gouvernement pour les Outremer dont les territoires, insulaires ou éloignés, ont grandement besoin du numérique pour leur développement. Le gouvernement veille donc à ce que les outre-mer puissent accéder au très haut débit, qu’il soit mobile ou fixe. S’agissant de la téléphonie mobile de 4e génération, le gouvernement a fixé les objectifs auxquels devront répondre les prochaines attributions de fréquences à La Réunion, à Mayotte, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Il s’agit de permettre le développement rapide du très haut débit outre-mer, avec des offres aussi attractives que dans l’Hexagone, en termes de niveau de service, de couverture, et tout particulièrement de prix. C’est dans ce cadre que les projets qui ont été proposés par les collectivités des DOM bénéficieront d’un soutien de 85 millions d’euros du Fonds pour la société numérique. Ce sont des projets dont la mise en œuvre représentera déjà d’importants gisements d’emplois. Mais ces réseaux à très haut débit seront surtout des outils majeurs pour l’attractivité des territoires avec lesquels il sera possible de développer des usages innovants en matière de télémédecine, de formation, ou encore de création industrielle et artistique.


GRAND entretien

ENTRETIEN AVEC DENIS PAYRE Fondateur de Nous Citoyens, aujourd’hui présidé par Jean-Marie Cavada, Denis Payre est un chef d’entreprise désireux de proposer une autre forme d’engagement...

“Nous incarnons l’alternative à l’UMPS ” Vous aviez créé votre parti « Nous Citoyens ». Quels sont les objectifs que vous poursuiviez et était-ce aussi vital pour la vie politique ? Nous entendons être un parti politique à part entière, sans ambiguïté qui a d’ailleurs labellisé des citoyenscandidats et quelques dizaines de listes lors des dernières élections municipales. Nous avons présenté une liste aux Européennes et nous serons présent pour la Présidentielle de 2017, sauf dans le cas où des partis reprendraient nos propositions citoyennes et accepteraient le renouvellement de leurs dirigeants. Ce qu’il faut préciser c’est que nous ne nous inscrivons pas dans une logique de carrière personnelle. La genèse de cet engagement est une démarche citoyenne, qui se base sur une expérience personnelle. Je constate que nous sommes face à des dirigeants, sans courage politique, avec des élus qui se moquent souvent de l’intérêt général et qui ne pensent qu’à leur réélection. « Nous Citoyens » souhaitons mobiliser le plus grand nombre de français et répondre aux aspirations de toutes celles et tous ceux qui se sentent orphelins en politique. Le ral’bol est grandissant et le système est à bout de souffle. L’Etat est totalement envahissant. Il considère que chaque problème doit être résolu par une loi ou par un impôt supplémentaire Il est temps de mener rapidement les nombreuses réformes structurelles dont le pays a besoin et construire un projet de société attractif, tirant

partie des formidables atouts de notre pays. La poussée du Front National a été déterminante dans ce choix alors que Marine Le Pen entend incarner ce changement ? Ceci démontre que les français cherchent une réponse à leur inquiétude quotidienne. Cette montée du FN nous inquiète et nous préoccupe. Le seul point d’accord avec Marine Le Pen porte sur le constat de l’inefficacité des partis de gouvernement. Sur tout le reste nous sommes en total désaccord. Le FN ne fait que désigner des boucs-émissaires. Or, les responsabilités sont plutôt à chercher du côté de ceux qui nous dirigent ou nous ont dirigé et qui ont la responsabilité de cette faillite. L’ UMPS est entièrement responsable du climat actuel. A vos yeux, tous les politiques qui ont gouverné sont à l’origine des difficultés de la France ? Je ne prendrai qu’un exemple, celui de François Fillon. Il est tombé en politique quant il était petit ! Sa tactique a toujours consisté à minimiser la prise de risque. Son obsession a été en permanence sa réélection, car il ne sait faire que cela. C’est « Monsieur 400 milliards » de dettes supplémentaires grâce à la politique peu courageuse qu’il a menée. Et beaucoup de ces hommes politiques qui n’ont jamais connu le monde de

l’entreprise ont préféré la solution de l’endettement de la France à celle des réformes courageuses. Avant de redonner les clés de la maison à Fillon, il faudra s’interroger sérieusement sur ses capacités à diriger un pays. Même Sarkozy n’a tenté que des micro-réformes tout au long de son quinquennat. Votre mouvement pourra-til se différencier des autres partis avec l’arrivée de Jean-Marie Cavada à la tête du mouvement et alors qu’il a quitté l’ UDI? Notre logique est différente de tous les partis qui n’ont jamais réussi à incarner le renouveau. Nous allons proposer des mesures très concrètes pour que ce pays avance. Nous travaillons actuellement sur neuf thèmes qui vont de l’éducation nationale à la lutte contre la précarité, en passant par l’emploi, ou encore le droit du travail. Il est temps de s’appuyer sur la société civile et nous entendons parler des vrais sujets de préoccupation des français. Nous nous positionnons avant tout comme des gens de bon sens avec des valeurs. Nous sommes des républicains qui n’aimons pas les extrêmes, que ce soit le FN ou le Front de Gauche. Nous sommes des humanistes profondément européens. Nos valeurs sont celles de la solidarité qui vise avant tout à la réinsertion dans la société. Il faut se débarrasser des régimes spéciaux de retraite qui créent des inégalités entre français et ne favorisent pas cette solidarité. Il faut aussi plus ÉDITION GRENOBLE ISèRE | N°1 | 7


“Notre souveraineté est entre les mains des traders. Et les politiques ne connaissent pas le monde de l’entreprise : ils ne pensent qu’à leur réélection”. de responsabilité et cela commence par un environnement créateur de richesses qui permettra ensuite de créer cette solidarité, et non pas à crédit comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut pour cela un environnement extrêmement prospère. Or, notre souveraineté est entre les mains des traders, car nous ne faisons qu’emprunter pour payer les intérêts de notre dette. Il faut viser à cinq ans l’équilibre du budget de la France. Et cela ne passe pas par cette chasse aux riches qui restera une imbécilité historique du quinquennat Hollande. La seule certitude est qu’il y a chaque jour plus de pauvres dans ce pays. Votre mouvement veut apporter du bon sens au débat politique ? Nous arriverons pour les prochaines échéances avec un projet clair, de bons sens, en espérant de vrais débats sur les vrais sujets. Il faudra aussi proposer des réformes ambitieuses pour reconnaître les talents des uns et des autres, y compris des cinq millions de fonctionnaires. Je souhaite que nous proposions un vrai projet citoyen et des réformes courageuses. Quelque soit le chemin, c’est l’avenir de ce pays qui compte et non pas la carrière politique des uns et des autres. C’est très difficile de lutter contre les blocages de la société française ? Il y a des forces conservatrices mais que j’estime potentiellement minoritaires dans ce pays. Les français pensent qu’il faut faire des sacrifices sur un certain nombre de sujets. En politique, je considère que tout passe d’abord par un diagnostic assumé, puis de la pédagogie pour ensuite proposer des réformes et se présenter aux élections. Nous sommes des révolutionnaires pacifiques pour lutter contre tous ces blocages. La France est sur le

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point de détenir le record des pays développés en matière de dépenses publiques, provoquant d’importants gaspillages dénoncés régulièrement par la Cour des Comptes. Les hommes politiques doivent selon vous redécouvrir les bienfaits du monde de l’entreprise ? Oui, c’est une évidence. les dirigeants politiques ne connaissent pas l’entreprise. Souvent fonctionnaires en activité ou politique de carrière, ils ne connaissent que le mode de fonctionnement de l’administration française, ultra centralisée et souvent archaïque dans son fonctionnement. Mon expérience est un exemple de cette méconnaissance. C’est à cause de cela que vous avez choisi de quitter la France pour ensuite décider d’y revenir ? Quelle leçon en tirez-vous ? J’ai compris à mes dépends que l’entreprise était parfois sacrifiée au profit des tactiques politiques ! En 1997, avec mes associés et mes collaborateurs, nous avons donné à notre pays son premier succès mondial dans le logiciel en créant Business Objects, dans un secteur dominé jusque-là par des Américains. Eux-mêmes avaient reconnu cette réussite française en nous nommant, en 1996, « Entrepreneurs de l’Année » aux côtés de Steve Jobs et Steven Spielberg dans Business-Week.Ayant atteint l’objectif que je m’étais fixé de prouver que des Français étaient capables de réussir aussi bien que des Américains sur leur terrain, j’ai souhaité prendre du recul pour m’occuper de ma famille, plus importante à mes yeux que la réussite matérielle. J’avais aussi décidé de devenir business angel pour aider des jeunes entrepreneurs français à innover et à créer des emplois en France. Le ciel m’est alors tombé sur la tête. J’ai été

confronté à deux lois terribles mises en place par un gouvernement de droite, celui de Juppé ! La première concernait les charges sociales rétroactives sur les stock-options, qui mettaient l’entreprise que j’avais fondée en risque de faillite. La seconde, le déplafonnement de l’ISF, m’exposait à une faillite personnelle en taxant un patrimoine virtuel qui ne me rapportait rien et fluctuait dans des proportions importantes. Au moment de la bulle internet, le cours de l’action de Business Objects fût multiplié momentanément par près de 20 avant de revenir à un niveau proche de son point de départ. Je me suis donc battu en créant Croissance Plus, avec lequel nous avons réussi à faire modifier la première loi grâce au gouvernement Jospin, mais pas celle sur l’ISF. J’ai alors découvert les deux principales tares du monde politique. Celui-ci est constitué principalement de fonctionnaires, souvent de qualité mais ne connaissant pas l’entreprise. La seconde tare est leur manque de courage pour ne pas déplaire. Pour eux toucher à l’ISF n’aurait pas été compris des français ! Ecoeuré, j’ai préféré quitter la France pendant 10 ans, prendre du recul, revenir et penser à faire évoluer les prises de conscience pour que ce beau pays reste dans le top des pays européens. Comment apporter ce « plus » au débat et comment l’animer? Nous entendons incarner la véritable alternative citoyenne à l’UMPS. Nous ne sommes pas des carriéristes et notre potentiel est considérable car les français attendent autre chose de la politique. Nous sommes crédibles sur l’emploi, l’efficacité et sur la compréhension du monde pour faire entrer la France dans la mondialisation. Nous avons cette capacité à mobiliser sur les


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réseaux sociaux. Les attentes sont telles que nous répondons à ce que demandent les français. Nous entendons être présents sur les forums de discussion, les médias participatifs. Nous allons au contact des citoyens et dès le 13 Novembre nous avons démarré un tour de France qui a commencé par Rennes… Nous allons nommer des ambassadeurs citoyens qui auront pour mission de recruter des adhérents et d’animer des équipes de citoyens locaux. Nous aurons aussi des veilleurs citoyens pour challenger les dirigeants locaux sur leur gestion bonne ou mauvaise et avec cette possibilité de blogguer sur ce qu’ils auront constaté. Nous nommerons des référents par département et par région. En quelques semaines plusieurs milliers de personnes nous ont déjà rejoint. Combien revendiquez-vous d’adhérents et qui vous finance ?

mais aussi des classes moyennes, J’ai rencontré des familles qui ne disposent que de 20.000 euros par an et qui doivent payer 4.000 euros rien qu’en de taxes locales. De plus, l’impact fiscal n’est que l’une des conséquences graves de ces blocages. Le chômage de masse et l’explosion de la précarité sont une autre conséquence. Les plus fragiles sont les plus touchés. Auriez-vous envie de conseiller aux jeunes de monter une entreprise compte-tenu des charges qui pèsent sur ce secteur ? Oui, tout à fait mais en précisant qu’il faut que le monde bouge et il ne faut pas décourager. Par ailleurs le mythe d’un monde meilleur à l’étranger en décourage plus d’un lorsqu’ils sont confrontés aux réglementations très tatillonnes de certains pays.

Le mouvement de Denis Payre vise à rassembler les mécontents du sytsème et à fédérer les nouvelles dissidences dans une perspective favorable à l’entreprise et au dialogue civil.

Nous sommes déjà plusieurs milliers et notre financement repose sur les cotisations de celles et ceux qui nous rejoignent. J’ai aussi investi personnellement dans ce projet de changement de société. « Nous citoyens » sera-t-il avant tout un mouvement anti-fiscalité ? Non, mais en revanche des constats s’imposent. La dépense publique est aujourd’hui hors de contrôle. Le poids de la fiscalité est devenu insupportable et pénalise le pouvoir d’achat des plus fragiles,

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MONDE &

ENJEUX ÉCONOMIQUES

LE CALIFAT ISLAMIQUE

Un état réel ou imaginaire ? Les exactions et exécutions d’otages commises par l’EI contre ses ennemis paraissent stupéfiantes pour un occidental. Mais cette ultra-violence a de lointaines racines. Les djihadistes de l’EI vivent à travers des modèles anciens qui justifient chacun de leurs actes...

L

eurs débordements sont des imitations puisées dans les maghâzî, les récits des expéditions du Prophète, validées par le Coran, dont les hommes de l’EI sélectionnent les passages voulus. « Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui vous combattent… Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de reniement (fitna) et que la religion soit celle de Dieu » (2, 190193). La manière de faire la guerre est détaillée dans les hâdith. Toutes ces règles mises en place autour des VIIe-Xe siècles sont appliquées avec scrupule par les djihadistes d’Irak et de Syrie. Les origines de l’EI La brusque émergence de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), aussi appelé Califat islamique, loin de se réduire à un simple épiphénomène, se présente comme un événement fondateur pour ses affidés et fondamental pour la géopolitique du Moyen Orient et au-delà. Les cartes politiques et religieuses sont rebattues depuis l’Euphrate jusqu’à la Méditerranée. Il est frappant, dans ces conditions, que les pays arabes, comme occidentaux peinent à poser une analyse rationnelle sur la structuration d’un Califat miréel, mi- imaginaire. Pour les uns, l’Etat islamique ne serait rien de moins qu’une création américaine visant à écraser le monde sunnite coincé entre la Syrie et l’Iran. Pour les autres, ce mouvement ne serait qu’une organisation fanatique et criminelle condamnée à se dissoudre inéluctablement dans la marche vers l’islam démocratique et modéré. Ces deux interprétations, posées par des élites déculturées, se présentent comme un cruel déni des réalités. à l’heure où l’action militaire a tendance à se substituer à la réflexion politique, il est temps d’engager une réflexion de fond, dans laquelle, les frappes aériennes, si elles doivent être préconisées, seront un moyen d’atteindre un but politique et non une fin en soi. Quelle est la réalité de l’Etat islamique ? Celleci est double. Le Califat se présente tout à la fois

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comme un territoire politique organisé et administré et un étendard fantasmagorique. L’Etat islamique entretient une relation gémellaire avec Al-Qaïda. En effet, derrière les querelles personnelles de pouvoir se cache une même ambition, celle de la conquête militaire et religieuse de l’Occident. Une ambition qui s’enracine dans la longue durée. A l’heure actuelle, et malgré la grande offensive de communication proclamant l’existence d’une vaste coalition hostile à l’Etat islamique, aucune ligne politique claire n’a été décidée. Et pour cause, les membres de la coalition ont des intérêts divergents. L’Etat islamique, resurrection du modèle abbaside Depuis ses bases syriennes jusqu’à son installation foudroyante dans le nord de l’Irak durant l’été 2014, Daesh a posé les fondements d’un proto-État, avec son administration, sa population, son territoire, son idéologie et ses méthodes répressives. La proclamation du califat, de même que la foudroyante réussite des membres de l’EI, apparaît comme la revanche des populations sunnites, vaincues depuis cinq siècles. Le 4 juillet 2014, lors de son premier prêche comme calife, Abû Bakr al-Baghdâdî s’est coulé dans le manteau du premier calife de l’histoire musulmane, Abû Bakr (l’homonymie est bien sûr voulue) qui, en 632, apèrs la mort de Mahomet, s’en proclama le successeur (khalifa) : « Ô hommes ! Je suis devenu votre souverain, mais je ne suis pas le meilleur d’entre vous. » De fait, le grand modèle de l’État islamique est celui des Abbassides, dynastie piétiste qui gouverne le monde musulman de l’Atlantique au Khorassan. La résurgence du titre califal par l’État islamique est plus qu’un rappel, elle est un programme d’action politique et une légitimation religieuse. En tant que vicaire du Prophète, le calife a une autorité à la fois politique et religieuse, comme le rappelle la formule : « Le pouvoir et la religion sont deux frères ». Obéissant au Coran, le calife doit « commander


MONDE & ENJEUX ÉCONOMIQUES

© Odriozola

le bien et interdire le mal ». Il lutte contre la « division », la fitna. Selon la tradition, le calife exige une allégeance inconditionnelle, manifestée au cours d’une prestation collective de serment, la bay‘a, à laquelle n’ont pas manqué de procéder les hommes de l’EI dans les villes qu’ils contrôlaient. Depuis le 29 juin, le maître de l’État islamique se fait appeler « le calife Ibrâhîm », référence au père des croyants, Abraham. Chacun de ses titres rappelle l’histoire islamique : comme les Abbassides, il est le « commandeur des croyants », titre honorifique auquel il accola son origine géographique : al-Baghdâdî, « le Bagdadien », pour conforter son appartenance irakienne. Il y ajoute encore son appartenance dynastique : al-Qurayshî, nom de la tribu de la Mecque au temps de Mahomet. Or, les Quraysh sont les seuls groupes ethniques et familiaux à pouvoir revendiquer le califat. Par ce surnom, al-Baghdâdî légitime son accès au pouvoir califal, d’autant qu’il se revêt du manteau et du turban noirs des califes de Bagdad. Revanche sur le gouvernement de Nouri al-Mâliki, l’Etat islamique est plus encore une victoire sur le passé du monde sunnite, vaincu par les Mongols au XIIIe siècle, puis par les Ottomans et enfin les Européens. Appliquant les accords Sykes-Picot noués pendant la guerre, Royaume-Uni et France partagent le Moyen Orient en zones de domination au Traité de Sèvres (1920). Le nouvel ordre trace des frontières qui désorganisent les anciens circuits de l’échange économique et social, interrompant les flux séculaires au Levant. La frontière entre la Syrie et l’Irak, sous mandat anglais, est taillée à la règle, cloisonnant ainsi les tribus. L’Irak obtient son indépendance dès 1930, mais sa monarchie est soumise aux intérêts britanniques. Une vengeance sunnite En fin de compte, les sunnites ont le sentiment de n’avoir obtenu qu’une liberté de façade, d’être toujours les victimes d’une hégémonie étrangère. Les frontières issues de 1920 sont désavouées par Daesh, tout comme par les nationalistes pan-arabes et pan-sunnites formés dans le Parti Baas, d’inspiration socialiste et dont le but était l’unité arabe au moyen d’un nationalisme laïc et non de la religion musulmane. En quelque sorte, l’État

islamique ne nie pas l’Histoire du Proche Orient, il s’y réfère et y retourne en permanence. Il veut venger les affronts du XXe siècle et briser l’Irak centralisé créé après la Première Guerre mondiale. Le 29 juin 2014, un petit groupe dresse l’étendard de l’EI sur un poste-frontière entre Syrie et Irak, situé sur la ligne des accords de 1916, poste qui est bientôt rasé au bulldozer. Nul ne doit diviser la communauté de la Sunna. Côté syrien, l’humiliation se poursuit puisque le pays, majoritairement sunnite (70%), est dirigé par des Alaouites minoritaires, les al-Assad, le père Hafez (19712000), puis le fils Bachar. Côté irakien, la présidence de Saddam Hussein redonne un élan national et une fierté inégalée, notamment au cours de la guerre contre l’Iran (1980-1988). Mais la Guerre du Golfe en 1991 marque le coup d’arrêt aux espoirs d’une renaissance irakienne. Avec l’invasion américaine en Irak (2003), les sunnites sont marginalisés au profit des shiites du pays, majoritaires (50%). Les bombardements occidentaux Les États-Unis appliquant un plan de démocratisation maladroite et statistique, les élections portent au pouvoir un gouvernement shiite qui entend se venger des années de présidence sunnite de Saddam. Méprisés au quotidien par les forces armées de Bagdad, les Arabes sunnites d’Irak cherchent qui leur rendra leur fierté. Les chefs de tribus – les shaykhs –, se rallient opportunément dès 2013 au salafisme militaire proposé par l’État islamique. Les cadres du nouveau régime sont multiples, les djihadistes purs côtoyant des chefs tribaux et des anciens officiers de Saddam, autrefois membres du Parti Baas, et tentés par un certain laïcisme. Pour ces derniers, la nature califale du mouvement et sa mystique mémorielle paraissent secondaires. Ils l’acceptent cependant pour mieux promouvoir un néo-nationalisme arabe...

Thoms Flichy de La Neuville et Olivier Hanne, agrégés et spécialistes en géopolitique

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MUTATIONS économiques

ENTRETIEN AVEC JEAN VAYLET Président de la CCI de Grenoble, Jean Vaylet nous explique quelles sont les lignes de force de notre territoire...

“Grenoble possède des atouts importants” Quels sont les points forts de l’économie grenobloise aujourd’hui ? Une industrie diversifiée dans des filières traditionnelles et des filières d’avenir mais aussi la présence de nombreuses entreprises à capitaux étrangers, des pôles de compétitivité de tout premier plan, un secteur de la recherche et un management de l’innovation particulièrement performants, un triptyque « enseignement supérieur / recherche / industrie » reconnu, une orientation internationale qui favorise la balance des paiements et la capacité des acteurs locaux à se fédérer pour construire et mener des projets ambitieux. Pensons aussi au secteur des services à l’industrie largement développé et une économie touristique qui a encore un gros potentiel de développement. Selon vous, le rôle de la CCI doit aller vers quels projets structurants ? La CCI doit poursuivre son rôle de facilitateur dans la création d’entreprises, poursuivre le développement de l’appui à l’international aux niveaux local et régional, assumer son rôle de future CCI métropolitaine en lien avec la réforme territoriale, poursuivre avec les acteurs institutionnels l’identification des filières et la mise en place d’actions concertées pour leur développement et leur valorisation interna-

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tionale, poursuivre le rapprochement d’une part avec les acteurs de la recherche et d’autre part avec les entreprises intégratives et être force de proposition dans les aménagements du territoire afin de favoriser le développement économique. L’innovation est le moteur de la croissance de Grenoble et son agglomération. Est-ce suffisant aujourd’hui face au Grand Lyon ? Les tailles de Lyon et de Grenoble ne sont pas comparables. Pour autant, Grenoble possède effectivement des atouts importants dans le domaine de la recherche qui, lorsque ses résultats sont bien exploités, se traduit en innovation et en produit ou service à valeur ajoutée. Compte tenu des complémentarités entre Lyon et Grenoble, l’objectif est davantage de capitaliser sur les forces de chaque territoire que de se faire une concurrence qui ne peut qu’être dommageable à chaque partie. Dans ce cadre, le terme de coopétition se doit de remplacer de plus en plus celui de concurrence locale, en favorisant les partenariats qui ont pour but de conquérir ensemble des marchés plus importants et plus lointains (approche marché en « meute »). Les filières industrielles, les pôles de compétitivité, les clusters, ont la possibilité de rayonner au-delà des frontières métropolitaines et même dé-

partementales, afin de donner de plus en plus une dimension régionale à nos domaines de compétence. Les pôles et clusters de l’agglomération grenobloise sont parfaitement dans cette logique. Quelle est la principale difficulté de notre territoire aujourd’hui ? Au-delà des problématiques communes à tous les territoires, nous en avons deux qui méritent une mention particulière : o le manque de capacité à favoriser concrètement l’implantation d’entreprises sur notre territoire, alors que la richesse de ce dernier est en lui-même un facteur incitatif mais pas toujours suffisant ; o les difficultés de circulation, génératrices de pertes de temps et d’argent considérables pour les particuliers et pour les entreprises, malgré un très fort développement des transports en commun dans la ville centre et une partie de l’agglomération.


MUTATIONS économiques

ENTRETIEN AVEC LOÏCK ROCHE Directeur de Grenoble-école de Management, Loïck Roche est docteur en philosophie et docteur en psychologie. Il présente ici un point de vue à la fois universitaire et « professionnalisant » sur l’économie grenobloise.

“Ne surtout pas rater la métropole... ” prier d’autres domaines. Parmi ceuxci, celui de la montagne. Nous sommes aujourd’hui très en-deçà de ses potentialités et retombées économiques. Quel rôle joue Grenoble-EM au niveau de l’innovation du territoire ?

Selon vous, quels sont les atouts et les faiblesses de l’économie grenobloise ? Pour atout : le triangle Industries – Recherche – Enseignement dans un contenant Technologie – Innovation – Entrepreneuriat. Avec pour pointe avancée les micro et nanotechnologies. Plutôt que de faiblesses, je parlerai de travail à mener. Densifier, revitaliser la diversité de nos outils de production. Creuser – comme cela est d’ailleurs fait dans le projet Digital Grenoble et la candidature à la labellisation « Métropole French Tech » – ce que seront les systèmes et usages du numérique de demain. Accélérer si nous le pouvons nos avancées dans les domaines de la santé, de l’énergie, des objets connectés, de la digitalisation des relations entreprises-clients (comme le propose ce même projet porté par Grenoble Alpes Métropole). Dans le même temps, nous devons nous réappro-

L’identité de GEM est en plein alignement avec son territoire. Le management de la technologie, l’innovation et l’entrepreneuriat. Par ses formations, par sa recherche sur ces mêmes dimensions, GEM accompagne la performance des entreprises. Grâce à son incubateur, son institut de l’entrepreneuriat, son implication dans l’IRT, dans la SATT GIFT, GEM participe activement à créer des entreprises. L’innovation est également diffusée dans beaucoup d’autres dimensions, le marketing des services, le marketing territorial… L’innovation est aussi diffusée dans la création d’écoles de pensées très spécifiques, je pense aux travaux sur la paix économique, le bien-être au travail, l’agilité, notre capacité à repenser les principales composantes des entreprises (gouvernance, stratégie, management, finance, production, achat…). Des idées originales mériteraient-elle d’être «creusées» pour donner de nouvelles marges de progression à notre agglomération ? Plus que de creuser des idées, l’urgence est de définir un projet partagé, un projet ambitieux qui soit mobilisateur, qui inscrive les hommes et les femmes qui vivent sur ce terri-

toire dans la joie. Ouvrir les portes de l’enthousiasme. Pour réussir, il faut montrer à chaque citoyen ce que le territoire, ce que la ville bien sûr va y gagner mais aussi ce que chaque homme et chaque femme va y gagner. Grenoble est confrontée comme toutes les villes ou presque à une question de leadership : réussir à inspirer les hommes et les femmes en les inscrivant dans un futur désirable, et à une question de management, réussir les changements indispensables pour réussir demain. GEM a toute sa légitimité ici aussi pour contribuer à l’édification du territoire dans lequel chacun de nous, demain, pourra vivre, travailler et aimer. Un dernier mot, une occasion manquée, une perspective à ne pas rater... ? Le TGV dans les années 80. La déserte Lyon Grenoble ou Lyon Saint-Exupéry Grenoble est catastrophique. Grenoble paie très cher ce qui à mon sens relève de la faute. La perspective à ne pas rater, la métropole bien sûr. Pour cela attelons-nous au plus vite à définir une vision partagée. Surtout, cessons d’entretenir je ne sais quel complexe d’infériorité. Cessons de toujours nous justifier auprès de Lyon dès que nous bougeons le petit doigt. Plus simplement, cessons de nous excuser d’exister. Si nous savons mettre les hommes et les femmes au centre de notre projet, si nous savons travailler ensemble, il n’est pas d’impossible que nous ne puissions gravir. ÉDITION GRENOBLE ISèRE | N°1 | 13


CHRONIQUE

ANALYSE DU PROFESSEUR PHILIPPE BLACHèR Universitaire, Philippe Blachèr a publié plusieurs ouvrages de Droit constitutionnel et dirige le Centre de droit constitutionnel à Lyon. Il enseigne également à Lyon III.

Quelle déontologie pour le politique ?

L

a tentative de normer les comportements politiques peut rapidement conduire à la tentation d’instituer un climat de suspicion permanente. Où faut-il placer le curseur ? La crise de confiance profonde des citoyens à l’égard des politiques et la survenance de comportements manifestement contraires aux exigences formulées par le législateur en 2013 révèlent les limites de la déontologie spontanée. Toutefois la mise en application des nouvelles règles déontologiques génèrent des dérives : « chasses aux sorcières » dans les médias ; atteintes au respect de la vie privée des élus et de leurs familles ; suspicion généralisée à l’encontre du monde politique via les réseaux sociaux... En somme, « le bûcher est dressé » ….. L’art de gouverner La déontologie politique est une exigence classique évoquée par la philosophie politique et que l’on retrouve en germe dans l’article XV de la Déclaration de 1789 (« La société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration »). L’impératif du bien commun puis, en démocratie, la recherche de l’intérêt général se sont toujours imposés aux représentants qui ne sont reconnus en tant que tels et ne méritent de porter le « nom de gouvernant » que s’ils poursuivent cette finalité.

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Dans ses écrits, Jean-Jacques Rousseau évoque la nécessité de soumettre l’art de gouverner au respect de « conseils » qui relèvent de la vertu. Cette dernière est également le critère utilisé par Montesquieu pour distinguer les régimes despotiques et les monarchies. La déontologie apparaît consubstantielle à l’activité publique, et en particulier à l’activité politique. Et il est assez remarquable de souligner que ce sont les parlementaires qui ont initié une démarche visant à introduire des règles déontologiques dans l’exercice de leur mandat. Le Bureau du Sénat puis l’Assemblée nationale en 2009 se sont dotés d’instruments déontologiques, bien avant les « affaires » de 2011. Les principes mis en place par les assemblées parlementaires ont d’ailleurs servi de guide au législateur, lorsqu’il s’est agit d’en généraliser la portée aux membres du Gouvernement, aux hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres et aux élus locaux en charge d’une responsabilité exécutive ou délibérante. Ceux-ci sont désormais appelés, en cohérence, à exercer leur fonction avec dignité, probité et intégrité (selon les termes de l’art. premier de la loi du 11 octobre 2013). En outre, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique veille au respect de ces principes par les élus et peut, par exemple, conduire un ministre à remettre sa démission, dès son entrée au gouvernement, si sa situation fiscale

n’est pas en conformité avec les exigences légales. Faut-il se réjouir ou s’inquiéter ectaculaire de la déontologie dans la vie publique ? Si le terme « déontologie » fait l’objet d’un usage de plus en plus fréquent, il ne gagne pas toujours en netteté. Étymologiquement, la déontologie se définit comme la science des devoirs professionnels. Mais la déontologie va au-delà, en ce sens qu’elle renvoie à la conscience du professionnel, à laquelle elle doit offrir un guide et sans qu’il existe nécessairement une sanction à la clé. Toutefois, la politique n’est pas un métier (ou du moins, pas une activité professionnelle comme les autres !). Une crise de confiance Aussi, convient-il sans doute de percevoir la déontologie dans un sens sensiblement différent lorsqu’il s’agit de l’appliquer aux élus : elle peut être présentée comme un ensemble de règles de conduite exigées des gouvernants. Proche de l’éthique, la règle déontologique contribue à moraliser l’action publique en cherchant à dégager des principes et des exigences de comportement destinés à imposer aux gouvernants la seule poursuite de l’intérêt général. Le professeur Guy Carcassonne estimait qu’en ce domaine le bon sens suffisait, la plupart du temps. La crise de confiance profonde des citoyens à l’égard des acteurs publics


Toutefois la mise en application des nouvelles règles déontologiques génèrent des dérives : « chasses aux sorcières » dans les médias ; atteintes au respect de la vie privée des élus et de leurs familles ; suspicion généralisée à l’encontre du monde politique via les réseaux sociaux... En somme, « le bûcher est dressé » (Denys de Béchillon). Sur le plan strictement juridique, les bonnes intentions législatives ne suffisent pas toujours à rassurer toute personne soucieuse de la prévisibilité de la règle de droit. Comment, par exemple, un parlementaire doit-il comprendre la définition légale du conflit d’intérêts ? Le législateur français propose une définition, qui a sans doute le mérite d’exister mais qui reste évasive. « Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (art. 2, Loi n° 2013907 du 11 oct. 2013). Cet énoncé confirme que ce n’est pas la simple opposition d’intérêts qui est problématique, pour la bonne et simple raison qu’elle est inhérente à la vie politique.

©Krasimira Nevenova Sergii

Le risque de la suspicion permanente Ce qui pose problème, ce sont les effets dommageables ou potentiellement dommageables de conflits entre des intérêts manifestement contradictoires : l’interférence entre des intérêts en conflit ne doit pas conduire à affecter l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction politique. Mais où placer le curseur ? Peut-on, par exemple, reprocher ou interdire à un universitaire, par ailleurs député, de s’exprimer ou de prendre une décision portant sur la réforme des universités ? Va t-on reprocher à un élu local par ailleurs sénateur de défendre les intérêts de sa région ? Comment concilier la prévention des conflits d’intérêts avec le principe de l’irresponsabilité des parlementaires pour les opinions et votes émis par eux au sein des assemblées ? Fautil l’intervention, spontanée ou sur demande, d’un déontologue afin que l’élu échappe à toute suspicion de conflit d’intérêts ? En somme, il est clair que la tentative de normer les comportements politiques peut rapidement conduire à la tentation d’instituer un climat de suspicion permanente. « L’enfer est pavé de bonne intentions... n’est pas un paradoxe de prédicateurs », écrivait Balzac en 1832.

Rudiuk

De Cahuzac à Bygmalion, de Tapie au financement du PS, des emplois fictifs aux surfacturations, c’est l’ensemble de la politique française qui est aujourd’hui touchée par les scandales à répétition.

©Sergii Rudiuk

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